Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature,
Volume 150, Numéro 80

Le jeudi 1er décembre 2016
L'honorable George J. Furey, Président

LE SÉNAT

Le jeudi 1er décembre 2016

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à autoriser l'accès à un photographe pour la présentation des nouveaux sénateurs

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, après consultations, il a été convenu d'admettre aujourd'hui un photographe sur le parquet du Sénat pour qu'il puisse photographier la présentation des nouveaux sénateurs.

Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Nouveaux sénateurs

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur d'informer le Sénat que le greffier a reçu du registraire général du Canada les certificats établissant que les personnes suivantes ont été appelées au Sénat :

Marc Gold

Marie-Françoise Mégie

Raymonde Saint-Germain

Présentation

Son Honneur le Président informe le Sénat que des sénateurs attendent à la porte pour être présentés.

Les honorables sénateurs suivants sont présentés, puis remettent les brefs de Sa Majesté les appelant au Sénat. Les sénateurs, en présence du greffier, prêtent le serment prescrit et prennent leur siège.

L'honorable Marc Gold, de Montréal, au Québec, présenté par l'honorable Peter Harder, C.P., et l'honorable André Pratte.

L'honorable Marie-Françoise Mégie, de Montréal, au Québec, présentée par l'honorable Peter Harder, C.P., et l'honorable Claudette Tardif.

L'honorable Raymonde Saint-Germain, de Québec, au Québec, présentée par l'honorable Peter Harder, C.P., et l'honorable Raymonde Gagné.

Son Honneur le Président informe le Sénat que chacun des honorables sénateurs susmentionnés a fait et signé la déclaration des qualifications exigées prescrite par la Loi constitutionnelle de 1867, en présence du greffier du Sénat, commissaire chargé de recevoir et d'attester cette déclaration.

(1350)

[Français]

Félicitations à l'occasion de leur nomination

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Chaque fois que j'ai l'occasion de présenter de nouveaux sénateurs, je suis impressionné par leur dévouement au bien public, le bénévolat qu'ils font au sein de leur communauté et leur engagement à faire du Canada un endroit meilleur. Le groupe de trois sénateurs du Québec que je vous ai présenté aujourd'hui possède ces qualités.

Comme bon nombre de nos nouveaux sénateurs, Marc Gold a un bilan de réalisations reconnu, tant sur le plan professionnel qu'au sein de sa communauté. Au début de sa carrière, à titre de professeur de droit à la faculté de droit Osgoode Hall, à Toronto, il a été parmi les quelques universitaires appelés à former les juges nommés par le gouvernement fédéral sur le droit constitutionnel et la Charte canadienne des droits et libertés.

Sa carrière dans le secteur privé l'a amené à travailler dans le domaine des affaires, où il a été vice-président d'une société immobilière et d'investissement à Montréal. Il a aussi travaillé dans le secteur public à titre de membre à temps partiel de la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Il a également été président des Fédérations juives du Canada et est actuellement membre du comité exécutif de Centraide du Grand-Montréal.

Sénateur Gold, bienvenue à la Chambre haute.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Harder : Depuis son arrivée au Québec en provenance d'Haïti, il y a 40 ans, Marie-Françoise Mégie a travaillé plus de 35 ans comme médecin de famille et près de 30 ans comme professeur d'université. À titre de professeure agrégée de clinique de l'Université de Montréal, elle a participé au comité chargé des soins aux personnes âgées et au comité de révision du curriculum du département de médecine de famille. Sa pratique médicale comprend la prestation de soins médicaux à domicile pour les personnes âgées, les personnes gravement handicapées et celles qui sont en fin de vie. Elle est aussi directrice médicale de la Maison de soins palliatifs de Laval.

Le Sénat est honoré de vous accueillir, sénatrice Mégie.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Harder : Raymonde Saint-Germain a eu une carrière distinguée au sein du gouvernement du Québec, où elle a servi à titre de cadre supérieure. Elle a notamment occupé les postes de sous- ministre adjointe aux Relations internationales et de sous-ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Elle a aussi réalisé deux mandats comme protectrice du citoyen, dans le cadre desquels elle a examiné plus de 125 projets de loi et règlements, du point de vue des droits de la personne et des libertés.

Elle a aussi contribué au perfectionnement professionnel de ses pairs en tant que formatrice au sein d'associations professionnelles et d'universités et en offrant du mentorat à des cadres. En 2009, elle a reçu le prix Orange de l'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale pour son initiative visant à examiner, dans le cadre d'une enquête systémique, les atteintes aux droits des personnes hospitalisées en psychiatrie.

[Traduction]

Chers collègues, veuillez souhaiter la bienvenue aux sénateurs Gold, Mégie et Saint-Germain.

Des voix : Bravo!

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : À mon tour, honorables sénateurs, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue dans la grande famille du Sénat. Évidemment, je vous présenterai des notes un peu plus complètes lorsque l'ensemble des nouveaux sénateurs seront assermentés. J'aimerais tout de même ajouter quelques notes personnelles pour vous souhaiter la bienvenue. Je dis quelques notes dans le sens musical, car, dans l'opposition, nous disposons d'un budget de recherche intéressant. J'ai compris, en faisant des vérifications, que le nouveau sénateur Gold était un amateur de musique et un excellent joueur de guitare, et que son rêve était de devenir une « rock star ». Nous souhaitons que vous deveniez une star au Sénat et que vous puissiez nous transmettre vos connaissances exceptionnelles en matière juridique.

On voit également que la pomme ne tombe jamais très loin de l'arbre. Vous vous souviendrez que, quand j'ai été assermenté comme avocat, votre père était juge en chef de la Cour supérieure du Québec. Il était un homme extrêmement apprécié qui vous a sûrement transmis de ses qualités par la génétique.

Bienvenue au Sénat du Canada.

Madame Marie-Françoise Mégie, c'est un plaisir de vous accueillir. Une partie importante de notre rôle au Sénat est d'écouter les gens avec empathie et de les représenter. À titre de médecin, plus particulièrement comme médecin de famille en soins palliatifs, vous êtes dotée de cette qualité d'écoute exceptionnelle qui nous aidera énormément dans nos travaux.

On ne peut rester insensible à votre bel accent, que nous avons entendu durant votre assermentation et qui nous rappelle l'apport exceptionnel de l'immigration au Canada. Par votre feuille de route, on constate que cet apport exceptionnel se traduit dans des gestes concrets. Nous vous souhaitons la bienvenue. Merci d'avoir accepté de venir nous aider et de partager avec nous vos compétences, ici, au Sénat du Canada.

Madame Saint-Germain, de tous les sénateurs — et je ne veux mettre aucune personne au-dessus d'une autre —, vous êtes probablement celle qui est la mieux qualifiée en matière de protection des droits des citoyens. Le rôle essentiel du Sénat est de protéger les minorités et les citoyens. Votre feuille de route hors du commun et la réputation que vous vous êtes créée au Québec par la qualité exceptionnelle de vos enquêtes et de vos conclusions sont un gage de succès.

Lorsque vous en apprendrez davantage sur nos comités sénatoriaux, vous verrez que vous pourrez y mettre à profit vos qualités et votre expérience, lesquelles nous seront sûrement très utiles et nous aideront à prendre les meilleures décisions et à protéger les intérêts des Canadiens. Bienvenue dans cette belle famille.

Vous verrez tous, malgré ce qu'on en dit, que le Sénat est une Chambre non partisane. Vous comprendrez également que nous avons entamé un processus de modernisation qui a commencé il y a quelques années et qui se poursuit aujourd'hui. Vous entendrez des débats, au cours des prochains jours et des prochaines semaines, sur la façon dont nous pouvons améliorer le Sénat.

Vous allez trouver étrange d'entendre parler de la modernisation du Sénat, alors qu'on vous a dit que vous étiez obligés d'acquérir un terrain de 4 000 $ pour pouvoir siéger en cette Chambre. Certains éléments, encore vétustes, sont plus difficiles à modifier et trouvent leur origine dans la Constitution. Toutefois, ce que nous pouvons changer ici, à l'interne, pour améliorer le processus, nous le ferons, et nous serons heureux que vous puissiez participer avec nous à cet élan de changement.

Encore une fois, bienvenue à tous. Merci à vos amis et à votre famille d'avoir accepté de vous prêter au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L'honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, je me réjouis de pouvoir accueillir d'autres nouveaux sénateurs dans nos rangs. Comme je l'ai dit au Comité sur la modernisation du Sénat hier, l'arrivée de nouveaux sénateurs indépendants nous rappelle à tous l'importance de notre propre indépendance, tant collectivement qu'individuellement.

(1400)

Nous avons écouté avec beaucoup d'intérêt le sénateur Harder nous en dire un peu plus sur chacun d'entre vous. Je n'ai pu m'empêcher de constater que votre expérience en droits de la personne, en droit constitutionnel et en soins de fin de vie aurait été particulièrement utile lors du débat sur l'aide médicale à mourir au printemps dernier. Je ne doute aucunement que les occasions qui se présenteront à vous de partager votre expertise seront nombreuses au Sénat.

Comme je l'ai déjà dit à certains de vos nouveaux collègues qui ont été nommés plus tôt, il s'agit d'un moment des plus passionnants pour rejoindre les rangs du Sénat. En effet, en plus de s'acquitter de son rôle de « Chambre de second examen objectif » qui lui revient traditionnellement, le Sénat traverse une période de renouveau et de modernisation. Le sénateur Carignan vient tout juste d'en parler, et vous devez déjà vous-même le savoir, puisque le processus même de votre nomination fait partie intégrante de ce changement.

Vous vous joignez également à nous durant l'une des périodes les plus occupées, alors que nous avons beaucoup à faire avant la relâche de Noël. J'espère que vous ne vous sentez pas trop dépassés d'être ainsi jetés dans l'arène! Une période d'ajustement et d'apprentissage s'impose, et je puis vous assurer que vous trouverez une foule de gens sympathiques tous prêts à vous donner des conseils et à vous encourager pendant que vous vous familiarisez avec vos nouvelles fonctions.

Au nom de mes collègues sénateurs libéraux indépendants, je vous souhaite à tous la bienvenue au Sénat du Canada et je suis enthousiaste à l'idée de travailler avec chacun de vous.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L'honorable Elaine McCoy : Au nom des autres sénateurs indépendants, mes collègues, en fait, tous ceux qui siègent en cette Chambre, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada. Nous avons vraiment hâte de travailler avec vous.

Nous avons tenu un vote par appel nominal hier. Vous nous observiez peut-être à la tribune. Je sais que certains d'entre vous étaient ici. J'ai dit à ma collègue, la sénatrice Ringuette, tandis que les nouveaux sénateurs se levaient lorsque leur nom a été appelé pour voter : « Vous vous souvenez de la première fois que vous avez participé à un tel vote? Je me rappelle certainement la première fois que je l'ai fait. » L'émotion que j'ai ressentie en entendant « sénatrice McCoy »! C'était quelque chose.

Nous nous réjouissons de ce que vous aurez ce même sentiment d'émerveillement, de détermination et d'appartenance à une institution qui existe pour servir les Canadiens, mais aussi, en tout temps, le sentiment d'humilité qui accompagne les décisions de grande importance que nous prenons souvent.

La Constitution traite du Sénat. Elle dit qu'il doit y avoir 105 sénateurs. Nous ne sommes pas une entreprise. Nous ne sommes pas une ONG. Nous formons un collectif. Cela signifie que nous sommes égaux, que nous travaillons tous ensemble, que nous nous appuyons les uns les autres et que chacun se fait sa propre opinion, mais que, collectivement, nous avons pour fonction de veiller à la poursuite des affaires du gouvernement du pays et à ce que les Canadiens aient les meilleures lois que nous puissions leur offrir.

Nous sommes assurément conscients que vos remarquables carrières enrichiront cette fonction et nous avons bien hâte de travailler avec vous. Encore une fois, merci infiniment de vous joindre à nous.

[Français]

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Khélil Hamitouche, membre du conseil d'administration de l'Office des personnes handicapées du Québec. Il est l'invité de l'honorable sénatrice Dupuis.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Journée internationale des personnes handicapées

L'honorable Renée Dupuis : Chers collègues sénateurs et sénatrices, chers nouveaux sénateurs, chères nouvelles sénatrices, à la veille de la Journée internationale des personnes handicapées, je suis heureuse de vous présenter les réalisations des quatre lauréats du Prix À part entière 2016 décerné par l'Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ). Ce prix rend hommage à des personnes et à des organisations qui font preuve d'un engagement exemplaire afin de réduire les obstacles à la participation sociale des personnes handicapées du Québec.

Leurs réalisations sont une source d'inspiration pour l'ensemble des citoyens. Encourager des initiatives personnelles et collectives d'exception et récompenser leurs actions concrètes, c'est également inviter toute personne à poser des gestes significatifs dans le même but, à l'école, au travail ou dans la communauté.

Pour l'année 2016, les lauréats sont, dans la catégorie « Individus », Mme France Geoffroy, qui est considérée comme la pionnière de la danse intégrée au Québec. Devenue tétraplégique à la suite d'un accident, France Geoffroy poursuit une carrière artistique de danseuse et de professeure de danse depuis plus de 20 ans, convaincue de l'apport de l'art comme facteur de participation sociale.

Dans la catégorie « Organismes à but non lucratif », le programme Pleins rayons offre l'apprentissage de la mécanique de vélos à de jeunes adultes de la région de Brome-Missisquoi qui souffrent d'une déficience intellectuelle ou d'un trouble du spectre de l'autisme, ou qui sont à risque de décrochage scolaire. Ainsi, le programme leur offre la possibilité d'acquérir des compétences qui peuvent leur ouvrir de nouveaux horizons professionnels. Chaque vélo ainsi réparé par un participant au programme est remis gratuitement à un élève des écoles primaires de cette région.

Dans la catégorie « Municipalités, MRC et autres communautés », le Groupe Unique du Conseil de la Première Nation Abitibiwinni est composé d'intervenants du secteur de la santé qui ont décidé de regrouper leurs efforts et d'ajouter à leurs responsabilités pour offrir des services aux personnes ayant des incapacités ou des troubles de santé mentale, une initiative inédite.

Dans la catégorie « Ministères et leurs réseaux, organismes publics et parapublics », le CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du- Québec, avec des partenaires, y compris la municipalité de Victoriaville et un centre privé de conditionnement physique, a décidé d'ajouter un circuit d'appareils de conditionnement adaptés et de le mettre à la disposition des personnes ayant des incapacités physiques, ce qui a permis à tous les citoyens de la municipalité de se retrouver ensemble pour la pratique d'exercices physiques.

Enfin, une mention « Coup de cœur » du jury a été décernée au Club de soccer Lakeshore pour la création d'un programme de soccer, le programme des Super Sonics, qui intègre les enfants qui souffrent d'incapacités en les faisant participer à une équipe de soccer. Le programme Super Sonics est le premier du genre au Québec.

En tant que membre du jury, je me joins à l'OPHQ pour féliciter de nouveau les lauréats. Toutes ces initiatives démontrent que l'élimination de la discrimination systémique à l'égard des personnes qui ont des handicaps repose sur des actions concrètes, individuelles et collectives, personnelles et institutionnelles, qui méritent tout notre appui. Nous devons non seulement viser à éliminer les obstacles, mais aussi à favoriser une organisation de la vie sociale et économique qui permet à toutes les personnes de réaliser leur plein potentiel.

(1410)

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Paul Antle, homme d'affaires et philanthrope bien connu. Il est accompagné de son épouse, Mme Renée Marquis-Antle, une chanteuse bien connue et très appréciée. Ils sont tous deux de St. John's, à Terre-Neuve-et-Labrador.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le décès de John « Jack » Robert Craig, C.M.

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage au regretté John « Jack » Robert Craig, un homme d'affaires et philanthrope décédé le 11 octobre 2016 à Halifax, en Nouvelle-Écosse, à l'âge de 86 ans. Jack est né sur la ferme familiale à Cornwall, en Ontario. Il s'est toutefois inscrit à l'École des mines d'Haileybury, quittant ainsi la ferme pour une carrière dans l'industrie minière.

Alors qu'il était à Kirkland Lake, il a rencontré une jeune fille nommée Joan Lewis. Ils sont tombés amoureux, ont fugué et se sont mariés à North Bay en 1954. Jack a été vendeur d'équipement minier pendant les cinq années suivantes, et il a vécu à South Porcupine, où son fils Robert est né. Joan et Jack ne le savaient pas encore, mais leur fils Robert était atteint du syndrome d'Asperger, ce qui allait s'avérer difficile à une époque où on en savait peu sur cette condition, pour laquelle il n'existait pratiquement aucun soutien.

Joan a refusé de laisser le syndrome d'Asperger définir la vie de son fils, et Jack et elle se sont efforcés d'aider Robert. Celui-ci a fini par obtenir un diplôme universitaire et par mener sa propre vie, contrairement au diagnostic des médecins que ses parents avaient consultés.

La famille Craig s'est établie à Halifax en 1963, où Jack est devenu vendeur pour la Nova Scotia Tractors and Equipment Limited, gravissant les échelons un à un jusqu'à en devenir le président-directeur général. En 1971, Jack a emprunté de l'argent pour acheter la compagnie avec un collègue, et en 1992 il a fusionné avec une entreprise du Nouveau-Brunswick pour former Atlantic Tractors and Equipment. En 1994, Jack a été admis à l'Institut canadien des mines, de la métallurgie et du pétrole. Il a reçu l'Ordre du Canada en 1995 et a été intronisé au Temple de la renommée du commerce de la Nouvelle-Écosse en 2000.

Son engagement communautaire est bien connu. Grâce à son sens des affaires, il a sauvé de nombreux organismes de bienfaisance qui connaissaient des difficultés. Il a dirigé le théâtre Neptune et en a été le président de 1976 à 1978. Il était un fervent collectionneur d'œuvres d'art et l'action de mécénat de sa famille a joué un rôle clé dans la création du site permanent du Musée des beaux-arts de la Nouvelle-Écosse, dont il a présidé le conseil d'administration de 1980 à 1982.

Le leadership exercé par rapport à l'autisme constitue sans doute la plus grande contribution de la famille Craig. Les dons généreux versés par l'intermédiaire de la fondation Craig ont permis la création d'une chaire de recherche sur l'autisme à l'Université Dalhousie. Ils ont également appuyé un centre de recherche sur l'autisme à l'Hôpital IWK et ont beaucoup contribué à la fondation de l'organisme Autism Nova Scotia en 1992. Voici ce qu'on en a dit dans un éditorial publié en 2014 dans le Chronicle Herald d'Halifax :

Grâce à ces dons, Susan Bryson et Isabel Smith, à la chaire de recherche, ont approfondi les connaissances sur le diagnostic et le traitement de l'autisme ainsi que sur l'intervention précoce. L'organisme Autism Nova Scotia a pu offrir une nouvelle gamme de mesures de soutien, notamment des camps d'été, des programmes d'emploi et de préparation à la vie active, des groupes d'activités sociales et des outils d'apprentissage numériques. Les enfants atteints du trouble du spectre de l'autisme, chez qui la vue et l'ouïe sont souvent hypersensibles, peuvent trouver des moyens de s'exprimer grâce à un programme d'activités artistiques novateur et adapté.

J'offre mes condoléances à la famille Craig en ces moments difficiles. Je tiens aussi à leur adresser de sincères remerciements. La Nouvelle-Écosse est un endroit meilleur grâce à Jack Craig. Il nous manquera.

La Journée internationale des personnes handicapées

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, je suis content qu'un des nouveaux sénateurs ait parlé des personnes handicapées. Il est bon d'avoir une alliée en la sénatrice Renée Dupuis. Une alliée de plus au Sénat pour défendre les droits de la personne, c'est un atout de taille.

Honorables sénateurs, chaque année depuis 1992, les Nations Unies célèbrent la Journée internationale des personnes handicapées le 3 décembre. Cette année, on souligne aussi le 10e anniversaire de l'adoption de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, l'un des traités les plus rapidement et les plus largement adoptés par les États membres de l'ONU. D'importants progrès ont été réalisés en 10 ans, mais il reste encore beaucoup à faire.

Je félicite la ministre des Sports et des Personnes handicapées pour son annonce d'aujourd'hui. J'étais présent ce matin lorsqu'elle a indiqué que le gouvernement du Canada avait entrepris une consultation sur les engagements pris par le Canada dans le Protocole facultatif de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Par ailleurs, je suis encouragé d'apprendre que le travail de rédaction d'un projet de loi sur l'accessibilité au Canada a commencé et que nous devrions en voir le résultat l'année prochaine. J'espère que nous serons capables de poursuivre sur cette lancée. C'est très enthousiasmant. Il ne s'agit pas uniquement des handicaps physiques, mais aussi des handicaps intellectuels. Dans un forum où je suis allé, il y a deux semaines, j'ai pu rencontrer des personnes handicapées d'un peu partout au pays qui défendent leur cause et collaborent avec la ministre et d'autres personnes pour élaborer ce projet de loi sur l'accessibilité au Canada.

Chers collègues, la journée d'aujourd'hui porte sur l'intégration à la société. Il faut s'assurer que tous les Canadiens puissent s'intégrer à nos milieux de travail et à la vie sociale. Je crois que nous avons tous un rôle à jouer afin de faciliter à l'avenir l'accessibilité pour tous. Que nous fassions partie du gouvernement ou des dirigeants locaux, que nous soyons des défenseurs des droits ou de simples citoyens, nous avons tous un rôle à jouer.

La première étape de notre démarche consiste à remettre en question notre vision des choses. Au lieu de fixer nos regards sur le handicap, nous devons songer à créer l'accessibilité par nos attitudes et nos décisions à l'égard des personnes handicapées physiquement ou intellectuellement.

La sénatrice Petitclerc est une ardente défenseure du droit à l'accessibilité, et je suis honoré de pouvoir travailler en sa compagnie. Je sais qu'elle abordera plus longuement ce sujet dans cette enceinte, la semaine prochaine. Alors, c'est important.

Je vous invite tous. Tâchons de bien remplir la salle 160-S, à l'étage inférieur, pour célébrer la Journée internationale des personnes handicapées lors d'une réception organisée par la ministre. Vous êtes conviés ce soir à 17 heures, dans la salle 160-S.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le commissaire aux langues officielles

L'enquête visant le service administratif des tribunaux judiciaires—Dépôt du rapport

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport au Parlement du commissaire aux langues officielles sur l'enquête visant le service administratif des tribunaux judiciaires, conformément à la Loi sur les langues officielles.

[Traduction]

Projet de loi no 2 d'exécution du budget de 2016

Dépôt du septième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie sur la teneur du projet de loi

L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le septième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui porte sur la teneur des éléments des sections 1 et 2 de la partie 4 du projet de loi C-29.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l'ordre adopté par le Sénat le 22 novembre 2016, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance, et le Comité sénatorial permanent des finances nationales est autorisé à tenir compte de ce rapport quand il examinera la teneur de l'ensemble du projet de loi C-29.

[Français]

L'ajournement

Préavis de motion

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera après l'adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu'au lundi 5 décembre 2016, à 17 heures;

Que les comités sénatoriaux devant se réunir le lundi 5 décembre 2016 soient autorisés à siéger même si le Sénat siège, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard;

Que l'application de l'article 3-3(1) du Règlement soit suspendue ce jour-là.

Le Sénat

La Loi sur l'abrogation des lois—Préavis de motion tendant à faire opposition à l'abrogation de la loi et de dispositions d'autres lois

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l'article 3 de la Loi sur l'abrogation des lois, L.C. 2008, ch. 20, le Sénat a résolu que la loi suivante et les dispositions des autres lois ci-après, qui ne sont pas entrées en vigueur depuis leur adoption, ne soient pas abrogées :

1. Loi sur les relations de travail au Parlement, L.R., ch. 33 (2e suppl.) :

Parties II et III;

2. Loi sur les contraventions, L.C. 1992, ch. 47 :

-alinéa 8(1)d), articles 9, 10 et 12 à 16, paragraphes 17(1) à (3), articles 18 et 19, paragraphe 21(1) et articles 22, 23, 25, 26, 28 à 38, 40, 41, 44 à 47, 50 à 53, 56, 57, 60 à 62, 84 (en ce qui concerne les articles suivants dans l'annexe : articles 1, 2.1, 2.2, 3, 4, 5, 7, 7.1, 9 à 12, 14 et 16) et 85;

3. Loi de mise en œuvre de l'Accord sur le commerce intérieur, L.C. 1996, ch. 17 :

-articles 17 et 18;

4. Loi de mise en œuvre du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, L.C. 1998, ch. 32;

5. Loi sur le précontrôle, L.C. 1999, ch. 20 :

-article 37;

6. Loi sur l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public, L.C. 1999, ch. 34 :

-articles 155, 157, 158 et 160, paragraphes 161(1) et (4) et article 168;

7. Loi sur la modernisation de certains régimes d'avantages et d'obligations, L.C. 2000, ch. 12 :

-articles 89 et 90, paragraphes 107(1) et (3) et article 109;

8. Loi sur la responsabilité en matière maritime, L.C. 2001, ch. 6 :

-article 45;

9. Loi sur le Yukon, L.C. 2002, ch. 7 :

-articles 70 à 75 et 77, paragraphe 117(2) et articles 167, 168, 210, 211, 221, 227, 233 et 283;

10. Loi modifiant la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes et d'autres lois en conséquence, L.C. 2003, ch. 26 :

-articles 4 et 5, paragraphe 13(3), article 21, paragraphes 26(1) à (3) et articles 30, 32, 34, 36 (en ce qui concerne l'article 81 de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes), 42 et 43;

11. Loi sur la procréation assistée, L.C. 2004, ch. 2 :

-articles 12 et 45 à 58;

12. Loi de 2002 sur la sécurité publique, L.C. 2004, ch. 15 :

-article 78;

13. Loi modificative et rectificative (2003), L.C. 2004, ch. 16 :

-articles 10 à 17 et 25 à 27;

14. Loi d'exécution du budget de 2005, L.C. 2005, ch. 30 :

-partie 18 à l'exception des articles 124 et 125;

15. Loi modifiant certaines lois relatives aux institutions financières, L.C. 2005, ch. 54 :

-paragraphes 1(1) et 27(2), articles 29 et 102, paragraphes 140(1) et 166(2), articles 168 et 213, paragraphes 214(1) et 239(2), article 241, paragraphe 322(2), article 324, paragraphes 368(1) et 392(2) et article 394.

(1420)

[Traduction]

Le Régime de pensions du Canada
La Loi sur l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada
La Loi de l'impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-26, Loi modifiant le Régime de pensions du Canada, la Loi sur l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada et la Loi de l'impôt sur le revenu, accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Harder, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

Le Sénat

Préavis de motion tendant à presser le gouvernement d'établir une Galerie nationale de portraits

L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que profitant de l'opportunité de célébrer les 150 ans du Canada comme pays uni et de reconnaître la contribution des Premières Nations, l'établissement des premiers colons et l'apport continu des immigrants en provenance de partout au monde, qui ont fait et continuent de faire du Canada une grande nation, le Sénat presse le gouvernement de s'engager à établir une Galerie nationale de portraits dans l'ancienne ambassade américaine, en face du Parlement, comme legs permanent pour marquer cette importante étape dans l'histoire de notre pays et en reconnaissance de la contribution de ces milliers de personnes et talents qui ont contribué à son succès.

[Français]

Agriculture et forêts

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Ghislain Maltais : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à se réunir le mardi 6 décembre 2016, à 17 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.


PÉRIODE DES QUESTIONS

La justice

Les entreprises productrices de marijuana—Les fuites

L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Monsieur le leader, avez-vous eu l'occasion de faire un suivi auprès du bureau de la ministre de la Justice au sujet de la question que je vous ai posée au cours de la période des questions d'hier? Savez-vous si la ministre de la Justice tentera de découvrir si une fuite d'information liée au Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation de la marijuana a été responsable de la soudaine volatilité des actions de six entreprises productrices de marijuana le 16 novembre 2016?

[Traduction]

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Comme je le disais hier, j'essaie d'obtenir la réponse à cette question. Je n'ai pas encore pu parler à la ministre.

[Français]

Le sénateur Carignan : Étant donné que le rapport doit être présenté également à la ministre de la Santé et au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, allez-vous leur demander s'ils ont l'intention de mener la même enquête?

Le sénateur Harder : Oui.

La défense nationale

Les Forces armées canadiennes—L'inconduite sexuelle

L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : Ma question principale, honorables sénateurs, concerne les cas d'inconduite sexuelle au sein des Forces armées canadiennes.

Lundi dernier, Statistique Canada a publié les résultats d'une enquête sur les cas d'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes, qui concernait plus particulièrement les hommes et les femmes membres de la Force régulière et de la Première réserve. Les résultats de l'enquête sont troublants et préoccupants. Les résultats ont révélé que 960 membres des Forces canadiennes, soit un peu moins de 2 p. 100 de la Force régulière, ont déclaré avoir été victimes d'une agression sexuelle au cours des 12 mois précédents.

Tous les Canadiens et Canadiennes sont en droit de s'attendre à un milieu de travail libre d'agression ou de harcèlement sexuel, et c'est particulièrement vrai pour les hommes et les femmes qui servent notre pays au sein des Forces armées canadiennes.

Le leader du gouvernement peut-il nous dire ce que le gouvernement a fait au cours de la dernière année pour contribuer à l'éradication de ces comportements inacceptables au sein des Forces armées canadiennes?

[Traduction]

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question sur ce sujet important. Je partage ses préoccupations concernant ce rapport, tout comme le gouvernement, et je suis sûr que c'est également le cas de tous les sénateurs. Toute personne, homme ou femme, qui sert le pays mérite d'être traitée avec respect et dignité, peu importe son sexe ou ses origines. Depuis la publication du rapport de Mme Deschamps, les Forces armées canadiennes se sont d'abord employées à fournir une aide plus efficace aux victimes. J'aimerais souligner quelques-unes des mesures qui ont été prises jusqu'à présent pour mettre fin aux graves inconduites sexuelles qui ont été révélées.

(1430)

Premièrement, des équipes d'intervention en cas d'infraction sexuelle ont été mises sur pied à l'échelle du pays. Deuxièmement, plus de 40 000 militaires ont répondu à une enquête de Statistique Canada sur l'inconduite sexuelle. Il s'agit de l'enquête dont le sénateur a fait mention. Le gouvernement analyse les résultats de cette enquête en vue d'élaborer de nouvelles mesures. Les nouveaux outils de formation actuellement en cours de préparation mettront l'accent sur la sensibilisation et la prévention, et traiteront des comportements à caractère sexuel inappropriés.

La tâche est imposante, mais j'assure au sénateur qu'il s'agit d'une priorité de premier plan pour les Forces armées canadiennes, tant en ce qui concerne le personnel civil que militaire.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : J'ai une question complémentaire à poser.

Je vous remercie de votre réponse, monsieur le leader. Si je comprends bien, le secteur militaire a mis sur pied deux programmes dont le premier s'appelle opération HONOUR. Je vous serais reconnaissante de vous informer et de nous dire en quoi consiste exactement cette initiative.

L'autre initiative qui a été lancée — et j'ai même posé la question aux comités — porte sur le rôle de témoin. Cette initiative invite les membres des forces armées à se protéger mutuellement afin de s'assurer que personne ne se retrouve dans une situation compromettante.

J'ai déjà demandé au secteur militaire, et je vous demande maintenant, s'il est possible de connaître exactement les résultats de ces deux programmes.

Le sénateur Harder : Je remercie la sénatrice de sa question et de son travail inlassable dans ce dossier en particulier. Je me ferai un plaisir de faire part au Sénat du résultat de mes recherches afin de donner suite aux questions qu'a posées l'honorable sénatrice.

Les finances

L'information ministérielle

L'honorable Larry W. Smith : Ma question s'adresse au leader du gouvernement. L'autre jour, la sénatrice Bellemare s'est servie de graphiques du ministère des Finances pour montrer comment les mesures budgétaires seraient profitables pour les Canadiens. Voici les graphiques en question. J'ai veillé à ce qu'on en fasse parvenir copie à tous les sénateurs, parce que ces graphiques constituent des éléments d'information importants pour illustrer les avantages qu'offre le budget.

Nous devons évaluer le projet de loi C-2, qui est censé aider la classe moyenne — classe moyenne dont les revenus varient, aux termes du projet de loi, entre 45 282 $ et 90 563 $.

J'ai besoin de votre aide, monsieur, pour que le ministère des Finances produise le même type de rapport pour le projet de loi C-2, indiquant qui sont les gagnants, qui sont les perdants et qui sont ceux sur qui cette mesure n'aura aucun effet. Nous aurons ainsi l'analyse qui permettra à tous les sénateurs d'évaluer dans quelle mesure, à lui seul, le projet de loi est avantageux pour les Canadiens.

Je demande simplement que nous recevions cette information avant de devoir voter sur ce projet de loi. Je n'ai pas pu la trouver. Après pas mal de recherches, nous avons pu élaborer notre propre tableau, mais je n'ai pas vu de tableau complet créé par le gouvernement, qui porte sur toutes les tranches d'imposition.

Êtes-vous en mesure de nous aider à obtenir ce document du ministère des Finances? Je ne crois pas que nous devrions voter sur un projet de loi si nous n'avons pas toute l'information disponible pour prendre une décision bien réfléchie.

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question, qui en dit long sur les travaux qui ont été menés en comité et sur le débat qui doit se tenir au Sénat. Je me réjouis à la perspective de participer à ce débat.

Le sénateur Smith : Monsieur, il serait utile que vous puissiez répondre à la question. Je m'intéresse vivement au projet de loi C-2 et aux mesures utiles que nous pouvons prendre, mais j'ai besoin que le ministère des Finances prépare le même genre de tableau qu'avait présenté la sénatrice Bellemare et que nous avons distribué à tous pour discuter de tous les avantages que le projet de loi présentait pour les Canadiens.

Comme on nous a demandé d'étudier le projet de loi C-2 séparément, j'aimerais avoir, à son sujet, le même genre de renseignements, à savoir, par tranche d'imposition, qui gagne, qui perd et pour qui il n'y a pas de changement, les tranches d'imposition étant les mêmes que celles qui ont servi à notre étude. Ainsi, les sénateurs seront mieux renseignés avant de se prononcer. À mon avis, on ne devrait pas voter si on ne sait pas tout ce qu'il faut savoir pour prendre une décision.

Pourriez-vous répondre à ma demande? Pourriez-vous, s'il vous plaît, demander au ministère des Finances de faire cela pour nous?

Le sénateur Harder : Je vais certainement présenter la demande au ministère des Finances. Je serai heureux de contribuer, dans la mesure du possible, à éclairer l'honorable sénateur sur les mesures fiscales dont il est question.

Le sénateur Smith : Ce projet de loi est important. Tout ce que je demande, c'est que nous soyons parfaitement renseignés afin de pouvoir voter en connaissance de cause. Nous, sénateurs, devons assurer un second examen objectif, mais nous ne le pouvons pas si nous ne disposons pas des données pertinentes. Nous voulons nous assurer de connaître toutes les données.

La sécurité publique

La protection des journalistes

L'honorable André Pratte : Honorables sénateurs, ma question porte sur la surveillance des journalistes. Le gouvernement a dit qu'il formerait un comité d'universitaires pour obtenir des conseils sur la question avant de déposer un projet de loi sur la protection des journalistes et de leurs sources.

Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire quand ce comité sera formé et quel sera son échéancier?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question et de l'intérêt qu'il a manifesté dès le début à l'égard de cette importante affaire.

Je crois qu'on procédera bientôt aux nominations et à l'établissement de l'échéancier. Je me ferai un plaisir d'obtenir plus de précisions à ce sujet et d'en informer l'honorable sénateur.

Le sénateur Pratte : Je vous remercie. Le gouvernement s'engagera-t-il à rendre public le rapport du comité?

Le sénateur Harder : Il m'est évidemment impossible de prendre cet engagement au nom du gouvernement. Je peux toutefois transmettre votre demande aux personnes appropriées.

La défense nationale

Le soutien offert au personnel militaire

L'honorable Carolyn Stewart Olsen : Ma question s'adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Il est clair que le gouvernement déploiera des centaines de militaires canadiens en Afrique. La dernière fois que nos militaires se sont rendus en Afrique, ils ont dû assister en direct à un génocide. Une pareille expérience cause des traumatismes terribles.

À l'heure actuelle, le stress post-traumatique représente un enjeu de taille pour les forces armées. Beaucoup d'anciens combattants qui ont servi en Bosnie en ont grandement souffert. On se souviendra qu'ils participaient, eux aussi, à une mission de paix.

Les militaires canadiens doivent avoir la certitude que le gouvernement les appuie. Quels gestes pose le gouvernement pour s'assurer que les militaires canadiens disposent du soutien dont ils ont besoin, tant sur le terrain, en Afrique, qu'une fois de retour au Canada?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénatrice de sa question. C'est un enjeu aux facettes multiples, qui ne touche pas seulement une mission particulière, mais aussi la capacité qu'ont les Forces canadiennes de mener différentes missions dans les années à venir, qu'il s'agisse de missions de paix ou non, en tenant compte des leçons que nous avons tirées de nos expériences récentes.

La question de la sénatrice arrive à point nommé, puisque notre ancien collègue, le sénateur Dallaire, lance aujourd'hui un livre qui aborde ces enjeux de façon plus globale. Je suis heureux que l'honorable sénatrice s'y intéresse.

En ce qui a trait à la mission précise dont elle parle, qui n'a toujours pas été déterminée et n'a toujours pas fait l'objet d'une annonce, je peux assurer à la sénatrice que les questions qu'elle pose font partie des facteurs pris en considération par le ministre et le gouvernement pour pouvoir assurer aux militaires qui y participent que la mission met à profit les leçons apprises à la suite des expériences tragiques vécues lors de missions antérieures.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci, monsieur le leader. Cependant, nos militaires ont besoin de savoir maintenant que le gouvernement est là pour les soutenir lorsqu'ils éprouvent des difficultés. En Irak, le gouvernement a rappelé les CF-18, qui offraient un soutien aérien, ce qui fait que nos militaires au combat ne peuvent pas appeler des renforts canadiens lorsque les choses se corsent.

Il incombe au gouvernement de veiller à ce que les militaires ne soient pas abandonnés dans l'indécision, comme l'ont été les parachutistes belges au Rwanda.

Les militaires déployés en Afrique seront-ils sous commandement canadien? Qui appelleront-ils s'ils sont en danger?

Le sénateur Harder : Encore une fois, la sénatrice soulève des questions très légitimes, qui méritent une réponse adéquate dans le contexte de la mission en question. Comme elle, j'attends l'annonce du ministre concernant cette mission précise.

(1440)

De façon plus générale, j'aimerais également parler de l'examen de la politique de défense, qui a été lancé par le ministre et qui va bon train. Je pense que c'est l'occasion de nous doter des politiques qui conviennent et des exigences opérationnelles nécessaires, notamment en ce qui concerne le matériel militaire, afin que les Forces armées canadiennes, les femmes et les hommes qui servent notre pays et qui, comme vous l'avez si bien dit, risquent leur vie pour nous, puissent s'acquitter du mandat que nous leur confions.

L'honorable Percy E. Downe : Le gouvernement a-t-il l'intention de tenir un vote au Parlement avant que nos troupes soient envoyées dans des zones dangereuses?

Le sénateur Harder : Aucune annonce n'a encore été faite à ce sujet. Je suppose que l'annonce sera faite par les ministres compétents.

La citoyenneté et l'immigration

Les consultants en immigration

L'honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, la question que j'adresse au leader du gouvernement au Sénat porte sur l'immigration.

Il y a de faux consultants en immigration qui profitent des demandeurs du statut de réfugié et des candidats à l'immigration innocents. Malgré les efforts déjà déployés pour régler le problème, certains disent que l'on n'en fait pas assez pour protéger les victimes.

Le gouvernement libéral proposera-t-il de nouvelles mesures afin de lutter efficacement contre les faux consultants et de protéger les futurs Canadiens?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Je pensais pouvoir vous éclairer.

C'est un problème important que les personnes qui travaillent dans le domaine de l'immigration ont eu à affronter au fil des ans. À certains égards, cela reflète la nature de la division du pouvoir entre les provinces et le gouvernement fédéral et la difficulté de réglementer ce secteur.

Je sais que le premier ministre est très préoccupé par les rapports auxquels vous faites allusion, et on m'a assuré qu'il étudie le dossier afin de déterminer s'il convient de prendre d'autres mesures et si cela relèverait de la responsabilité du gouvernement du Canada.

Le patrimoine canadien

Le monument commémoratif aux victimes du communisme

L'honorable Thanh Hai Ngo : Honorables sénateurs, je souhaitais poser ma question à Mme Joly mardi dernier. Puisque je n'en ai pas eu l'occasion, je vais l'adresser au leader du gouvernement.

En décembre 2015, la ministre a annoncé que le monument commémoratif aux victimes du communisme sera dressé dans le Jardin des provinces et des territoires en reconnaissance des millions de Canadiens et de leurs familles qui ont souffert du communisme. La ministre Joly a précisé que le gouvernement travaille d'arrache- pied pour faire de ce monument un site marquant dans la capitale du Canada.

Compte tenu de la simplicité du projet, dont on a réduit le coût, modifié le concept et changé l'emplacement, le monument étant plutôt érigé au Jardin des provinces et des territoires, le gouvernement veillera-t-il à ce que les 8 millions de Canadiens qui s'identifient comme victimes du communisme soient honorés en 2017, à temps pour le 150e anniversaire du Canada?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Comme je suis moi-même le fils de réfugiés victimes du communisme, je peux assurer l'honorable sénateur que je comprends un peu de quoi il parle. Bien entendu, je poserai votre question à la ministre et je veillerai à obtenir une réponse.

Les événements du cent cinquantième anniversaire—Le rôle des anciens combattants de la guerre de Corée

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Monsieur le leader, j'ai une question qui pourrait sembler un peu familière. Je vous assure cependant que cette question suit, en quelque sortes celles que j'ai déjà posées parce que j'ai découvert une lacune possible. J'espère que vous serez en mesure de la combler et de me fournir des réponses.

J'ai eu l'occasion, hier, de parler brièvement avec la ministre Joly — pas pendant la période des questions, mais après l'ajournement des travaux. Lorsque je lui ai demandé si elle pouvait garantir que les anciens combattants de la guerre de Corée et nos anciens combattants seraient inclus dans le programme officiel du 150e anniversaire, ainsi que dans toute documentation produite à l'occasion de cet anniversaire, elle m'a dit croire que c'est son collègue, le ministre Kent Hehr, qui veillerait à ce que les anciens combattants soient inclus.

Je me souviens toutefois d'une discussion que j'ai eue avec le ministre Hehr. Celui-ci consacre beaucoup d'efforts à son portefeuille, et je ne mets nullement en doute sa volonté d'inclure les anciens combattants, mais il m'a affirmé que c'est la ministre Joly qui se chargerait de la question.

J'aimerais donc savoir, monsieur le leader, si vous pourriez vous informer auprès de responsables des deux ministères et obtenir d'eux une réponse au sujet de l'inclusion des anciens combattants de la guerre de Corée et des autres anciens combattants dans le programme officiel du 150e anniversaire du Canada.

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénatrice de sa question et de son intérêt soutenu dans ce dossier, et je vais effectivement demander une réponse qui tient compte de l'ensemble des mesures prises par le gouvernement.

La sénatrice Martin : Je vous remercie, monsieur le leader.

La Semaine des anciens combattants—Le défaut de mentionner la guerre de Corée dans les communications

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, je m'en voudrais de ne pas mentionner un autre oubli qui, selon moi, n'était pas intentionnel. La Semaine des anciens combattants a eu lieu récemment. Nous avons tenu une cérémonie au Sénat, et divers documents et affiches ont été produits pour la Semaine des anciens combattants. Je constate, cependant, que les anciens combattants de la guerre de Corée n'ont pas été mentionnés ou reconnus officiellement. Nous disons souvent de cette guerre qu'elle est la guerre oubliée, mais je tiens à donner au Sénat l'assurance que cette guerre n'est certainement pas oubliée et qu'elle ne doit pas l'être. Pourriez-vous signaler aux représentants du ministère des Anciens Combattants et du programme « Le Canada se souvient » l'importance de vérifier le contenu avant la publication?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je le ferai et soulignerai également ce point aux personnes qui organisent les événements au Sénat.


ORDRE DU JOUR

La Loi canadienne sur les droits de la personne
Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Mitchell, appuyée par l'honorable sénatrice Fraser, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel. J'exprime mon appui indéfectible, comme je l'ai fait chaque fois que le Sénat a été saisi du projet de loi.

[Français]

Le texte modifie la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d'ajouter l'identité de genre et l'expression de genre à la liste des motifs de distinction illicite.

Il modifie également le Code criminel afin d'étendre la protection contre la propagande haineuse prévue par cette loi à toute section du public qui se différencie par l'identité ou l'expression de genre et afin de prévoir clairement que les éléments de preuve établissant qu'une infraction est motivée par des préjugés ou de la haine fondés sur l'identité ou l'expression de genre constituent une circonstance aggravante dont le tribunal doit tenir compte lorsqu'il détermine la peine à infliger.

[Traduction]

Les personnes transgenres sont actuellement victimes de discrimination dans de nombreuses sphères de leur vie. Par exemple, elles présentent des taux de chômage beaucoup plus élevés, elles se voient souvent refuser un logement en raison de leur identité de genre et elles éprouvent des difficultés disproportionnées à obtenir les services de santé et les services sociaux dont elles ont besoin. La conjugaison de ces facteurs mène à des taux de pauvreté supérieurs chez les personnes transgenres.

Rupert Raj, psychiatre du centre de soins de santé Sherbourne, décrit plus en détail la discrimination subie par les personnes transgenres. Il affirme que 85 à 90 p. 100 d'entre elles sont sans abri, sans emploi ou sous-employées. Malgré cette situation, certains refuges refusent de les accueillir jusqu'à ce qu'elles aient subi une chirurgie pour changer de sexe. Le projet de loi C-16 vise à garantir aux Canadiens transgenres la dignité qu'ils méritent.

Lorsque les personnes transgenres sont privées du droit au travail, d'un logement et du droit à la liberté d'expression, elles vivent une atteinte à leur dignité. À titre de sénateurs, nous avons été nommés pour protéger les droits des Canadiens, y compris ceux des minorités.

Je suis contente que le leader de l'opposition nous ait rappelé la responsabilité du Sénat lorsqu'il a parlé cet après-midi des façons dont nous protégeons les droits des minorités.

Grâce à notre travail, nous protégeons les minorités raciales, ethniques et religieuses.

(1450)

Aujourd'hui, nous avons une occasion en or de protéger aussi les membres de la communauté transgenre canadienne. Nous avons l'occasion de mettre fin à l'attente qu'ils subissent depuis longtemps pour voir enfin protégée leur dignité en tant qu'êtres humains.

Honorables sénateurs, les provinces ont pris beaucoup d'avance sur le gouvernement fédéral dans la lutte contre la discrimination envers les transgenres.

Par exemple, ma province, la Colombie-Britannique, a adopté une loi intitulée « Gender Identity and Expression Human Rights Recognition Act », qui prévoit ce qui suit :

La présente loi appuie l'évolution continue du terme « sexe » dans les dispositions législatives sur les droits de la personne en reconnaissant officiellement que le terme comprend la protection de l'identité de genre et de l'expression de genre.

La présente loi affirme les droits des transsexuels, des transgenres, des personnes intersexuées, des intergenres, des personnes non binaires et des membres d'autres groupes qui sont souvent victimes de discrimination fondée sur l'expression de genre ou l'identité de genre.

Le Code des droits de la personne de l'Ontario traite également de la discrimination fondée sur l'identité de genre et l'expression de genre. En vertu de ce code, toutes les personnes sont protégées contre la discrimination et le harcèlement fondés sur l'identité de genre et l'expression de genre dans les domaines de l'emploi, du logement, des services, des contrats, ainsi que de l'adhésion aux syndicats ou aux associations commerciales ou professionnelles.

Il est temps que les droits des transgenres soient reconnus à l'échelle fédérale. Lorsqu'ils peuvent exprimer leur identité, les transgenres peuvent vivre une vie beaucoup plus épanouie que par le passé.

Honorables sénateurs, je me souviens d'avoir reçu une lettre de Nina, membre de la Réserve aérienne, qui m'a raconté ce qui s'est passé lorsqu'elle a révélé aux membres de sa famille et à ses collègues qu'elle était transgenre. Voici ce qu'elle m'a dit :

Madame la sénatrice Jaffer, je vous écris pour vous raconter mon histoire en tant que membre des Forces armées canadiennes ayant 35 années de service. Aussi loin que je puisse me souvenir, j'ai toujours rêvé à ce que serait ma vie si j'étais une fille. J'ai souvent été victime d'intimidation parce que j'étais une enfant maigre et petite. J'ai souvent porté secrètement les vêtements de ma sœur et de ma mère. Parfois, mes parents me surprenaient ainsi vêtue. J'ai été très chanceuse : mes parents ne m'ont jamais punie, car ils pensaient que, en vieillissant, j'allais abandonner cette pratique. Lorsque j'étais encore à l'école secondaire, je me suis enrôlée dans la Réserve aérienne des Forces canadiennes. Au cours de ma carrière militaire, j'ai été technicienne d'aéronefs pendant plus de 30 ans. La nuit où Saddam Hussein a lancé un missile Scud qui a atterri à quelques milles au nord de l'aéroport de Doha, j'étais en train de changer un dispositif de régulation du carburant sur un CF-18 dans l'obscurité, avec une lampe de poche, parce qu'il y avait une fuite de carburant dans une aile. Durant les 35 années où j'ai servi le Canada, j'ai vécu bien des expériences, bonnes et mauvaises. J'ai servi mon pays, le Canada, avec loyauté. Je ne me suis jamais désistée lorsque les Forces canadiennes avaient besoin de moi et j'étais toujours la première à me porter volontaire. J'ai continué de porter des vêtements de femmes dès que j'en avais la chance. Il était très difficile de vivre dans la caserne, car je devais toujours cacher mes vêtements. En 2009, à l'âge de 47 ans, je me suis sentie à l'aise de dévoiler à ma famille et aux Forces canadiennes que j'étais transgenre. Je vis pleinement ma vie depuis août 2009. Les Forces canadiennes m'ont soutenue et m'ont aidée à faire la transition en milieu de travail. Puisque je n'ai plus besoin de me cacher, je peux enfin être ce que j'ai toujours été. Je suis beaucoup plus heureuse.

Honorables sénateurs, les patriotes de la trempe de Nina et des autres membres de la communauté transgenre devraient pouvoir s'exprimer en toute liberté, sans craindre d'être discriminés.

Je trouve particulièrement inquiétante la discrimination dont sont victimes les enfants transgenres, qui en sont encore à la phase d'exploration de leur sexe et qui se demandent peut-être s'ils pourront un jour exprimer librement leur identité. Ces enfants ont besoin d'être protégés pendant qu'ils découvrent quel est leur véritable sexe. Or, si ce projet de loi n'est pas adopté, ils continueront d'être l'objet de discrimination dans des proportions alarmantes.

Selon l'Association canadienne des libertés civiles, à l'heure où on se parle, 90 p. 100 des jeunes transgenres entendent des commentaires transphobes à l'école, 25 p. 100 sont harcelés physiquement et 78 p. 100 ne se sentent pas en sécurité à l'école et s'en sont déjà absentés pour cette raison.

[Français]

Honorables sénateurs, je veux partager avec vous l'histoire de Ryan Dyck, qui m'a parlé d'un enfant transgenre de six ans qui a su, dès son plus jeune âge, qu'il n'était pas une fille, mais un garçon. Cet enfant se présente à l'école comme un garçon et s'habille comme un garçon. Son école ne lui a toutefois pas fourni un endroit sécuritaire où aller aux toilettes. Sa mère doit donc s'absenter du travail pour aller chercher son enfant à la récréation et à l'heure du repas pour l'emmener aux toilettes de la station-service située en face de l'école.

[Traduction]

Honorables sénateurs, on ne peut pas permettre que ces enfants ne se sentent pas en sécurité et ne puissent pas satisfaire leurs besoins les plus élémentaires.

Depuis que nous discutons de ce projet de loi, l'argument des toilettes a souvent été soulevé. Or, cet argument nuit aux personnes trans, car elles sont ainsi dépeintes comme étant dangereuses, alors qu'en réalité ce sont elles qui doivent craindre la violence chaque fois qu'elles utilisent les toilettes publiques.

Le poète Ivan E. Coyote, de Vancouver, a écrit un poème intitulé The Facilities après avoir discuté avec une jeune fille trans des problèmes que lui causent les toilettes publiques. Je crois qu'il illustre à merveille les difficultés que vivent les personnes trans. En voici un extrait :

Je peux me retenir pendant des heures. Presque toute la journée, en fait. C'est une aptitude que j'ai développée par nécessité, après avoir longtemps fréquenté les toilettes publiques. Je me retiens le plus que je peux, jusqu'à ce que j'arrive à la salle de spectacle, aux loges, à ma chambre d'hôtel ou à la maison. Je n'utilise les toilettes publiques qu'en tout dernier recours. Quand c'est possible, j'essaie d'utiliser les toilettes unisexes réservées aux personnes en fauteuil roulant, mais seulement après avoir bien vérifié que je n'empêche pas une personne en fauteuil roulant ou avec des problèmes de mobilité de l'utiliser. Je retiens toujours mon souffle en sortant, par contre, dans la crainte de me faire accueillir par un étranger en colère qui marche avec des béquilles. Il m'arrive parfois, pendant que je me dépêche à faire pipi et à me laver les mains, de me préparer une réplique dans ma tête, au cas où. Je m'imagine en train de dire ceci à mon interlocuteur : « Excusez-moi de vous avoir causé des désagréments en accaparant les toilettes pour handicapés, mais nous vivons dans un monde où les transgenres ne peuvent pas faire pipi en sécurité et, après des années de mauvaises expériences dans les toilettes des femmes, j'ai décidé d'utiliser les seules toilettes accessibles à tout le monde, quel que soit leur genre. »

Honorables sénateurs, lorsque le projet de loi C-279 a été présenté au Sénat, j'ai reçu une lettre de la mère d'une jeune fille transgenre qui souligne encore plus cette réalité. La lettre disait ceci :

À cause de l'amendement au projet de loi C-279 concernant l'usage des toilettes, les parents d'enfants trans sont complètement terrifiés que leurs enfants ne deviennent les victimes dans tout cela, car ils devront utiliser les toilettes réservées aux personnes d'un autre genre que le leur.

Honorables sénateurs, la vérité, c'est que les personnes transgenres souhaitent simplement utiliser les installations qui correspondent à leur genre. Leur refuser ce droit ne fait que les exposer à la violence et à une plus grande discrimination.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-16 reconnaît les réalités et les défis auxquels les Canadiens transgenres sont quotidiennement confrontés. En faisant en sorte que le Code criminel et la Loi canadienne sur les droits de la personne tiennent compte des expériences des personnes transgenres, le projet de loi C-16 reflète des valeurs qui sont chères aux Canadiens : le droit à l'égalité des chances et le droit à une protection égale en vertu de la loi.

Honorables sénateurs, j'aimerais conclure en relatant l'expérience de Mme Sara Davis Buechner, professeure agrégée de musique à l'Université de la Colombie-Britannique. La professeure Buechner a obtenu un diplôme de pianiste soliste de la Juilliard School of Music en 1984. Le sénateur Mitchell a fait allusion à elle l'autre jour. En 1986, elle a été la grande gagnante américaine du concours international Tchaïkovski à Moscou, et ses réalisations ont été reconnues par Ronald Reagan. Au fil de sa carrière, la professeure Buechner a joué pour des personnalités comme l'ancien président Bill Clinton et l'ancienne première dame Hillary Rodham Clinton, et s'est aussi produite en compagnie de nombreux orchestres de renommée mondiale.

À 37 ans, après s'être interrogée sur son identité toute sa vie, la professeure Buechner a reçu un diagnostique de dysphorie de genre. Par la suite, la professeure Buechner a fait la transition pour vivre selon son genre « véritable », qui est celui de femme.

Même si son talent musical n'a pas changé, l'univers de la professeure Buechner s'est soudainement écroulé. Avant sa transition sexuelle, elle se produisait au moins 50 fois par année devant des publics du monde entier. Après sa transition, on ne l'invita plus que deux ou trois fois par année. Elle a également été congédiée et a fréquemment été victime de harcèlement verbal et physique. Elle a dit au comité, et je cite :

Pour les personnes transgenres et cisgenres, il s'agit de question de vie ou de mort, de vivre publiquement, honnêtement et librement sans peur des préjugés, des menaces, ou même pire, de la violence. Nous n'avons pas besoin de droits supplémentaires et nous n'en demandons pas. Nous avons besoin des mêmes droits que nos frères et soeurs canadiens de toute race, croyance, appartenance et identité.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour vous demander d'appuyer le projet de loi C-16, et pour faire adopter ce projet de loi avant Noël. Je vous demande cela parce que, la dernière fois que ce projet de loi a été rejeté par le Sénat ou qu'il n'a pas été examiné aussi rapidement qu'il aurait dû l'être, vous ne pouvez pas savoir à quel point la communauté trans a été déçue. Cela m'a brisé le cœur.

(1500)

Honorables sénateurs, ce serait un magnifique cadeau à offrir à cette communauté que de lui dire que nous, sénateurs, nous préoccupons d'elle et voulons la mettre sur le même pied que toutes les autres communautés.

Honorables sénateurs, j'ai beaucoup réfléchi à ce que je vais dire maintenant. Je n'ai vraiment pas envie d'en parler, mais je sens l'obligation d'aborder avec vous une question, celle des toilettes. Je le fais aujourd'hui en l'honneur de Charlie.

Charlie est venue sur la Colline du Parlement et elle a utilisé l'image du drapeau qui y est dressé. C'est une petite fille de 12 ans. Elle est venue demander au comité : « Faites que je sois l'égale de tous les enfants. »

Honorables sénateurs, je voudrais vous raconter quelque chose. Mes frères et sœurs ne sont pas au courant. Seuls mes parents et moi savons. Lorsque j'avais quatre ans, mes parents m'ont envoyée dans une école du quartier. C'était dans mon pays natal, l'Ouganda, qui était alors un protectorat britannique. Tous nos voisins étaient blancs.

J'ai insisté. J'ai imploré mes parents pour qu'ils m'envoient dans une école où je serais avec mes amis, ceux avec qui je jouais chez moi tous les jours. Ils étaient mes amis. Je n'étais pas consciente du fait qu'ils étaient blancs. Ils étaient mes amis.

Je me rappelle qu'on m'a renvoyée chez moi après le troisième jour d'école et que mon père est venu à l'école, me tenant la main. Je n'ai jamais su pourquoi mon père était aussi en colère. Je ne l'avais jamais vu dans cet état. Lorsqu'il m'a ramenée de l'école, j'ai cru que j'avais fait quelque chose de mal. J'étais anéantie. Mon père et ma mère n'ont pas eu le courage de me dire pourquoi on m'avait demandé de quitter cette école.

Pendant longtemps, quand je fréquentais d'autres écoles et que mes parents n'invitaient plus mes amis à la maison, je n'ai pas compris pourquoi mes amis ne pouvaient pas venir à la maison ni pourquoi je ne pouvais pas aller à l'école du quartier.

Lorsque j'ai été plus âgée et que mon père était devenu un homme politique en vue au gouvernement, le directeur de l'école est venu chez nous pour demander une faveur. Lorsque mon père lui a indiqué la porte, il a dit : « Vous avez détruit l'estime de soi chez ma fille. » Le directeur a répondu : « Monsieur Jaffer, vous devez comprendre que les parents ne voulaient pas que votre fille utilise les mêmes toilettes que leurs enfants pour des raisons de sécurité, puisque, comme vous savez, elle aurait propagé des maladies. »

Honorables sénateurs, lorsque nous utilisons cet argument des toilettes, lorsque nous disons des choses semblables à nos enfants, nous les détruisons. Je ne serai jamais plus la même. Je me demanderai toujours qui je suis. Cela a détruit mon psychisme.

Je vous raconte cette histoire vraiment à contrecœur. Je ne veux pas rouvrir de vieilles blessures. Ici, maintenant, je suis l'égale de tous et je suis très aimée. Je voudrais que vous compreniez que plus nous prolongerons ce débat sur la question des toilettes... Puis-je avoir cinq minutes de plus?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Jaffer : Plus ce débat se prolongera, plus nos précieux enfants se sentiront blessés dans les écoles. Je vous le demande humblement : ne tolérez pas qu'ils soient ainsi blessés.

Je n'avais pas de maladies. Jusqu'à ce jour, je n'en ai eu aucune, mais, pendant le reste de ma vie, je vais en porter une, celle de me sentir inférieure à mes amis. Ne faites pas cela à d'autres enfants que nous aimons. Adoptons cette loi. Le temps est venu.

Je vous ai ouvert mon âme à cause de la petite Charlie, qui est venue sur la Colline du Parlement. Je lui dois cela. Je vous le dis : plus nous tarderons à adopter le projet de loi, plus nous causerons du tort à nos petits enfants canadiens.

Je vous demande d'adopter le projet de loi et ensuite de travailler avec nous à faire évoluer les mentalités des Canadiens. Les personnes transgenres font partie de notre société comme les autres.

L'honorable Donald Neil Plett : La sénatrice Jaffer accepterait-elle de répondre à une question?

Madame la sénatrice Jaffer, j'ai écouté très sérieusement vos arguments et je ne vais pas en débattre aujourd'hui. Je ferai mon discours à un moment donné.

Je suis un peu perplexe devant votre volonté de faire adopter le projet de loi sans débat, ce que vous semblez proposer, mais nous allons laisser cela de côté pour l'instant.

Selon moi, tous les projets de loi méritent un débat approfondi. J'ai toujours été en faveur du renvoi des projets de loi aux comités. Le moment venu, j'appuierai le renvoi du projet de loi à un comité, certainement, que ce soit dans quelques jours ou dans quelques semaines.

La question que j'ai à vous poser est la suivante. J'ai reçu à propos du projet de loi des dizaines de courriels, d'appels téléphoniques et de lettres de personnes transgenres qui n'appuient pas le projet de loi, de féministes qui ne l'appuient pas non plus, de féministes qui disent avoir travaillé toute leur vie pour améliorer la condition féminine. Il y a maintenant des personnes qui, physiologiquement, sont des hommes et qui veulent devenir transgenres.

Les transgenres qui croient qu'il y a seulement deux sexes disent que leur problème, c'est qu'ils veulent appartenir au sexe opposé. Pourtant, le projet de loi reconnaîtra plus de 70 genres.

Le projet de loi nécessite un débat. Ce n'est pas qu'une question de liberté d'expression. Il exige certaines interventions.

Que dites-vous à la communauté transgenre, selon laquelle il ne devrait y avoir que deux sexes?

Une voix : Il y en a plus.

Le sénateur Plett : Non, ce n'est pas le cas.

Ma question s'adresse à la sénatrice Jaffer. Il ne devrait y avoir que deux sexes. Il arrive simplement que certains veuillent appartenir au sexe opposé.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie de votre question. Je sais que vous avez travaillé fort à l'étude de cette question, et je respecte cela.

Honorable sénateur, je serais la dernière à dire qu'il faut éluder le débat. Je ne dis pas qu'il ne faut pas débattre du projet de loi. Discutons-en, mais, ce faisant, travaillons fort, comme nous le faisons pour tant d'autres projets de loi. Faisons en sorte que le projet de loi soit au nombre de ceux qui seront adoptés avant Noël. C'est tout ce que je demande.

Honorable sénateur, vous dites que vous avez reçu beaucoup de lettres. J'en ai reçu aussi, comme tous les autres sénateurs. Croyez- moi, j'ai reçu beaucoup de lettres. Je suis convaincue que tout dirigeant ou politique au Sénat a la responsabilité de faire en sorte que tous les Canadiens soient égaux.

Je vais vous faire part de mon expérience. Lorsque nous avons discuté du mariage civil... Puis-je avoir encore deux minutes?

Son Honneur le Président : Lui accordez-vous deux minutes de plus, honorables sénateurs?

Le sénateur Plett : Pour répondre à la question, oui.

Des voix : D'accord.

La sénatrice Jaffer : Lorsque nous avons discuté du mariage civil au Sénat, j'ai reçu, comme musulmane, 10 000 lettres de gens qui m'ont dit que je ne devais pas appuyer ce projet de loi. Je l'ai appuyé parce que j'ai estimé que, comme femme politique, j'avais le devoir de le faire.

À ce jour, je ne suis toujours pas la bienvenue dans certaines mosquées, mais je crois que si un Canadien nous demande de ne pas laisser cette discrimination se perpétuer, moi, comme femme politique, je dois entendre cet appel.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Code canadien du travail

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l'honorable sénateur Harder, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-4, Loi modifiant le Code canadien du travail, la Loi sur les relations de travail au Parlement, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et la Loi de l'impôt sur le revenu.

L'honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénateurs, je veux d'abord profiter de l'occasion pour souhaiter la bienvenue aux nouvelles sénatrices et aux nouveaux sénateurs qui viennent d'être nommés. C'est un privilège de vous accueillir dans ce lieu de réflexion et de travail que vous allez mieux découvrir avec le temps.

L'indépendance que le premier ministre vous a accordée devrait vous permettre d'apprécier à leur juste valeur les arguments que je vais vous présenter contre le projet de loi C-4. Ce projet de loi vise essentiellement à soustraire les syndicats à une obligation qui a été légiférée récemment, selon laquelle ils doivent déposer tous les ans leurs états financiers et revenir au vote à main levée dans le cadre d'assemblées de travailleurs qui veulent se syndiquer.

(1510)

Voilà deux dispositions qui, à elles seules, méritent que nous rejetions ce que je considère comme un cadeau politique que le gouvernement a fait aux puissants leaders syndicaux, et ce, au détriment d'un bon nombre de travailleurs canadiens. Ces dispositions ont été bien camouflées dans un projet de loi que le gouvernement actuel a baptisé « Loi modifiant le Code canadien du travail, Loi sur les relations de travail au Parlement, Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et Loi de l'impôt sur le revenu ». Quel beau grand titre!

Ceux et celles qui ont reçu les notes d'information du ministère de l'Emploi et du Développement social n'ont qu'à lire la page 2 pour comprendre les objectifs visés. Ces deux paragraphes résument très bien les intentions du gouvernement. Le premier paragraphe se lit comme suit, et je cite :

L'objectif premier est de renverser les dispositions de la Loi 377 relevant du ministère du Revenu et forçant le dépôt des états financiers des syndicats.

Quant au deuxième paragraphe, il dit ceci :

L'objectif second est d'annuler les règles de la Loi 525 relevant du ministère du Travail, touchant notamment le vote secret.

Je serai bref, mais j'aimerais prendre un peu de votre temps pour vous expliquer la nature insidieuse de ces dispositions si elles sont adoptées. Tout d'abord, sachez que je suis un ex-leader syndical et que j'étais le parrain du projet de loi C-377, qui a été adopté par le gouvernement précédent et qui visait à obliger les syndicats à déposer leurs états financiers à l'Agence du revenu du Canada.

Cette mesure pour laquelle je me suis battu était le résultat d'une réflexion et de constatations troublantes issues de la Commission d'enquête Charbonneau, au Québec, qui a mis au jour la malversation de leaders syndicaux qui, sans scrupule, avaient profité à des fins personnelles des cotisations syndicales de leurs membres. Le cas s'est produit également en Ontario où, l'an dernier, des dirigeants de l'Association de la Police provinciale de l'Ontario ont détourné l'argent des membres pour réaliser des placements dont ils profitaient personnellement. À l'heure où on réclame de la transparence, les chefs syndicaux exercent des pressions sur les politiciens afin de se soustraire à cette obligation.

Pourquoi les très puissants syndicats, devenus de véritables entreprises plus grosses que des PME, ne se soumettent-ils pas à cette règle de transparence et aux mêmes obligations que les organismes de charité du pays, qui sont tenus de déposer leurs états financiers?

Pourquoi méritent-ils un tel traitement de faveur? Pourquoi certains politiciens sont-ils prêts à céder devant ces syndicalistes qui, je vous le rappelle, avaient vite orchestré une campagne de désinformation et se sont qualifiés de pauvres victimes d'un gouvernement antisyndical?

Contrairement à ce que certains voudront vous faire croire, le projet de loi C-377 n'avait absolument rien d'antisyndical. Est-ce qu'on prétend publiquement que le gouvernement est anti-charité, parce que les organismes sans but lucratif doivent déposer leurs états financiers?

Je n'ai jamais rien entendu de tel, et tout le monde respecte la loi. Le projet de loi C-377 visait essentiellement à protéger les syndiqués contre de possibles abus de la part de leurs dirigeants, mais l'actuel gouvernement est tombé dans le panneau. De plus, afin d'obtenir l'appui des chefs syndicaux au cours de la dernière campagne électorale, les libéraux ont promis d'abolir les effets de cette loi dès leur élection. Il s'agit donc d'une promesse électorale dont nous sommes en train de payer le prix.

Quels seront les arguments des défenseurs du projet de loi C-4? Ils vous diront que cette obligation est lourde et qu'elle est coûteuse pour les syndicats. Ils vous diront également que ce sera une dépense supplémentaire pour l'Agence du revenu du Canada, dans l'éventualité où elle aurait à traiter tous les états financiers. Quant à moi, ces arguments ne tiennent pas la route.

En ce qui concerne l'argument de l'obligation lourde et coûteuse pour les syndicats, j'ai beaucoup de difficulté à le comprendre. D'une part, on dit que les syndiqués ont déjà accès aux états financiers de leur syndicat et qu'une loi n'est pas nécessaire. S'il est vrai que les syndiqués y ont accès, en quoi l'obligation est-elle coûteuse? Dans les faits, il ne s'agit que d'une photocopie supplémentaire à faire pour le comptable.

Je vais aller plus loin. Je constate que plusieurs défenseurs du projet de loi C-4 n'ont jamais pris connaissance des états financiers d'un syndicat. J'aimerais leur en montrer un exemplaire afin d'éviter qu'ils ne soient manipulés lorsque nous passerons au vote sur ce projet de loi.

J'ai apporté les états financiers que je produisais tous les ans, à l'époque où j'étais président de l'Association des policiers provinciaux du Québec, et que je remettais à l'Autorité des marchés financiers du Québec pour des questions d'assurances. Ce sont des états financiers vérifiés. Dans ce document de 10 pages, on ne retrouve pas le nom du dirigeant de l'association et de son directeur, ni le nom de fournisseurs ou de professionnels, comme des avocats et des actuaires. Le document ne contient que des postes budgétaires et des chiffres qui montrent à quoi ont servi les cotisations syndicales. Le seul nom que l'on retrouve dans les états financiers, c'est le mien, qui figure au bas de la dernière page, étant donné que je devais les signer à titre de président de l'association.

Je vous explique tout cela, parce que des états financiers, j'en ai fait pendant huit ans à titre de vice-président des finances et j'en ai approuvé pendant sept ans à titre de président. Ceux qui sont en faveur de l'adoption du projet de loi C-4 vous font croire que les états financiers peuvent contenir des détails nominatifs susceptibles de violer le droit à la vie privée. Vous constaterez donc, à la vue de ces états financiers, qu'on ne viole pas le droit à la vie privée.

Certains présidents de syndicats policiers ont affirmé que le fait que leur nom figure dans des états financiers pouvait mettre en danger leur sécurité. Je vous invite à visiter le site web de l'Association des policières et policiers provinciaux du Québec. Vous verrez la photo du président. S'il n'est pas risqué d'afficher sa photo sur un site web, ce l'est encore moins de voir son nom apparaître sur des états financiers. Il n'y a pas de noms dans nos états financiers, donc le fardeau est léger.

J'aimerais revenir aux coûts que cette mesure engendre. À moins que la photocopieuse des syndicats utilise des feuilles de papier en or, chaque copie coûte un gros 4 cents. Si vous faites le calcul, prévoyez 40 cents pour envoyer le document à l'Agence du revenu du Canada, et n'oubliez pas d'apposer le timbre de 85 cents. Finalement, la copie vous coûtera la somme de 1,25 $. Quel fardeau! À mon avis, nous sommes loin d'égorger une organisation syndicale avec un coût semblable.

Pour justifier le renversement du projet de loi C-377, la ministre de l'Emploi, du Développement de la main-d'œuvre et du Travail, Mme MaryAnn Mihychuk, a affirmé qu'il s'agissait là de dispositions « punitives et pas nécessaires ». Ce n'est pas plus punitif pour un syndicat de déposer des états financiers que cela peut l'être pour un organisme de charité.

Encore une fois, je vous pose la question suivante : pourquoi le gouvernement fait-il ce cadeau aux syndicats? Pourquoi accorde-t-il plus de privilèges aux syndicats qu'aux organismes de charité qui sont obligés de fournir annuellement leurs états financiers?

(1520)

C'est une question très importante que je vous pose, et j'espère sincèrement que vous allez y réfléchir avant d'endosser le projet de loi qui est devant vous.

Le projet de loi C-377, qui a été adopté en 2015, est le résultat de plusieurs années de travail d'un député, Russ Hiebert. Celui-ci avait déposé un projet de loi privé qui avait donné lieu à de nombreuses consultations à l'autre endroit et ici même, au Sénat. C'est un travail sérieux qui avait été fait par les parlementaires, un travail que le gouvernement actuel et sa ministre veulent annuler en prétextant que c'est le mandat que la population leur a donné à l'élection de 2015.

La ministre Mihychuk a même déjà dit que les Canadiens avaient été consultés sur le sujet durant l'élection. Je crois plutôt que les seules personnes que ce gouvernement a consultées, ce sont les chefs syndicaux.

Aujourd'hui, ce dont nous sommes saisis n'est rien d'autre qu'une promesse électorale indécente faite à de puissants chefs syndicaux, au détriment de la protection des travailleuses et des travailleurs qui paient des cotisations. Nous sommes aussi devant l'argument bête et farfelu des coûts qu'une telle mesure pourrait engendrer pour l'Agence du revenu du Canada.

Suis-je dans un autre monde ou y a-t-il un risque que, en utilisant cet argument, nous puissions être appelés à voter un jour pour exempter un citoyen, une entreprise ou un organisme de l'obligation de présenter une déclaration de revenus annuelle, parce que c'est trop difficile et trop coûteux à vérifier pour les fonctionnaires? Soyons sérieux. On n'est pas au théâtre, ici. On administre les biens collectifs d'une société qui s'appelle le Canada. Pour moi, tout le monde est égal, y compris le syndicat dont je suis issu. Les citoyens, les entreprises, les organismes de charité et les syndicats : tous égaux devant le fisc. C'est ça la loi.

Passons maintenant à la deuxième disposition qui est dissimulée dans le projet de loi C-4, le vote à main levée. Disons qu'il y a là des dispositions qui se rapportent à différents pourcentages pour accorder ou non la syndicalisation ou la désyndicalisation. Je peux vivre avec cela, parce que ces mesures correspondent à des dispositions qui existent dans la province de Québec. Ce qui est problématique pour moi, c'est lorsqu'on veut remplacer le vote secret par un système de vérification des cartes de membre. Ça, c'est une farce quand on veut prétendre vouloir protéger le travailleur.

C'est déplorable que je doive, aujourd'hui, faire cet énoncé sur la stigmatisation que peuvent vivre les travailleuses et les travailleurs, qu'ils soient pour ou contre la syndicalisation. Le vote secret, c'est leur seule protection. Quand les syndicats veulent concrétiser la syndicalisation d'un groupe de travailleurs, toutes les méthodes sont bonnes et certains succombent pour éviter d'être montrés du doigt ou même pris à partie, de façon parfois violente, dans des syndicats connus pour leurs méthodes musclées, comme celui de la construction, par exemple.

C'est la même chose pour les patrons qui cherchent à éviter la syndicalisation de leurs travailleurs. Parfois, mieux vaut ne pas être identifié pour mieux avancer plus tard dans l'entreprise. Le vote secret, c'est l'expression sage et sécuritaire de la volonté des travailleuses et travailleurs. C'est la liberté d'expression en toute sécurité.

Cette disposition contenue dans le projet de loi C-525 est, à mon avis, essentielle à la Loi sur les relations de travail au Canada. Je ne comprends vraiment pas ce qui pousse le gouvernement actuel à revenir à des règles qui sont dépassées et à parler d'un système de cartes de membre. D'ailleurs, sachez que, dans certains syndicats, les cartes de membres n'existent plus ou encore, elles n'ont tout simplement jamais existé, comme c'était le cas dans l'association dont j'étais président.

À quoi sert un système de cartes pour contrôler le niveau d'adhésion à un syndicat? Pourquoi se doter d'un dispositif poreux quand on peut facilement y aller avec un scrutin secret? Vraiment, quand je vous dis que nous retournons à des méthodes du passé, en voici un bel exemple. Vous comprendrez donc que je ne peux endosser le projet de loi C-4 s'il contient une telle disposition.

Pour terminer, je veux vous parler un peu des procédures dont il a été question dans le discours de la sénatrice Ringuette au début de la semaine. Pour les nouveaux venus, sachez que nos travaux sont régis par des règles claires et que nous disposons de tous les services juridiques nécessaires pour les faire respecter.

Évoquer des irrégularités après un vote perdu m'apparaît une insulte à l'institution. La sénatrice se targue d'avoir eu un jour l'appui de 23 sénateurs conservateurs pour empêcher l'adoption du projet de loi C-377. À mon avis, c'est la preuve que les sénateurs, indépendants comme affiliés à un parti politique, sont capables d'écouter, d'analyser et de décider en toute indépendance pour le bien des Canadiens et Canadiennes.

J'ajouterais cependant ceci : cet appui est venu bien avant qu'on ne me confie le projet de loi C-377. À l'époque, j'étais le seul sénateur issu du monde syndical. J'avais vu et vécu des situations, ce qui est très différent des théories universitaires qui sont parfois bien loin de la réalité sur le terrain. Je ne prétends pas avoir fait des études universitaires en droit du travail, mais quand vous avez passé 28 ans, y compris 15 ans au sein de l'exécutif d'un syndicat, comme vice-président et président, je crois que le travail de terrain nous en apprend beaucoup plus. Certains d'ailleurs auraient tout intérêt à ménager l'exposé de leurs connaissances pour laisser plus de place à l'expérience quand vient le temps de décider de choses aussi importantes pour les travailleurs.

Donc, le résultat du vote, en juin 2015, a été bien différent, parce que j'ai pris le temps de rencontrer les sénateurs, des conservateurs comme des libéraux, pour leur expliquer ce que contenait ce projet de loi et la nécessité de l'adopter, non pas pour les chefs syndicaux, mais pour le bien des travailleurs. Ils devaient mettre dans la balance l'expérience personnelle que je leur exposais face à de grands énoncés qui défendaient aveuglément les prétentions de politiciens et de chefs syndicaux dont ils n'étaient devenus que les porteurs de messages.

Or, le projet de loi C-377 a été adopté. Voilà l'histoire parlementaire de ce projet de loi.

Vous avez maintenant devant vous le projet de loi C-4 qui veut annuler l'obligation pour les syndicats de déposer leurs états financiers et remplacer le vote secret par l'adhésion syndicale. Il est clair que ce recul est inacceptable, et que le projet de loi sert à faire cadeau non pas aux travailleurs et aux travailleuses, mais bien aux chefs syndicaux. Il est surtout clair que le projet de loi C-4 n'est pas dans l'intérêt des travailleurs, des relations de travail au Canada, ni dans l'intérêt de l'équité fiscale qui doit exister dans une société entre les citoyens, les entreprises, les organismes de charité et les syndicats.

L'honorable Pierrette Ringuette : L'honorable sénateur accepterait-il de répondre à quelques questions?

Le sénateur Dagenais : Oui.

La sénatrice Ringuette : Vous avez dit, au début de votre discours, que vous aviez un document, c'est-à-dire des états financiers de 10 pages de votre ancienne association. Pourriez-vous nous indiquer si ces états financiers étaient remis aux membres et s'ils étaient aussi remis au ministre responsable des relations de travail au Québec?

(1530)

Le sénateur Dagenais : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. Lors du congrès annuel, je remettais 200 copies à mes délégués. Je savais très bien qu'une copie de ce rapport se retrouverait sur le bureau du directeur de la Sûreté du Québec, et le ministre de la Sécurité publique en avait aussi une copie. Comme je l'ai mentionné, mon association gérait des régimes d'assurance- maladie, d'assurance-hospitalisation, d'assurance médico-dentaire et d'assurance-vie. Je devais fournir les états financiers au ministère du Revenu, étant donné que nous payions une taxe sur les assurances. J'avais aussi l'obligation de fournir mes rapports à l'Autorité des marchés financiers du Québec. Celle-ci exigeait un quorum de 175 personnes pour l'approbation des états financiers et des assurances, et toute l'information se trouvait dans un seul document. À ce moment-là, tout le monde avait une copie des documents. Cela ne représentait qu'une copie supplémentaire à produire, ce qui ne coûtait pas une fortune.

La sénatrice Ringuette : Sénateur Dagenais, je ne vous ai pas entendu dire que vous aviez la responsabilité de remettre une copie de votre document à la ministre fédérale responsable du travail. Vous venez d'endosser mes propos de lundi soir et les propos que cette Chambre a tenus, de 2011 à 2015, selon lesquels le projet de loi C-377, a priori, était inconstitutionnel, puisqu'il s'ingérait dans la législationi sur les relations de travail des provinces, qui est de compétence provinciale en vertu de la Constitution.

Je vous remercie d'avoir répondu à nos questions, pour confirmer cette exclusivité provinciale, et aussi le fait que le projet de loi C-377 devient inconstitutionnel. La première responsabilité de cette Chambre est bel et bien d'examiner la constitutionnalité des projets de loi qui sont devant nous.

Le sénateur Dagenais : Madame la sénatrice, comme je l'ai mentionné dans ma présentation, les organismes de charité ont l'obligation de présenter des états financiers à l'Agence du revenu du Canada. Dans le cadre du projet de loi C-377, je n'aurais jamais hésité à présenter mes états de revenus.

J'ai entendu dire que cet exercice engendrait des coûts pour les syndicats. Or, j'ai prouvé que cela ne coûtait pas un sou. Je n'avais donc aucune objection et j'étais tout à fait disposé à le faire si on me l'avait demandé. Je ne suis pas spécialiste de la Constitution. Toutefois, je suis un spécialiste des états financiers syndicaux, et je suis tout à fait à l'aise de les déposer auprès de l'Agence du revenu. Je ne comprends pas pourquoi on s'oppose à déposer ces états financiers.

La sénatrice Ringuette : Sénateur Dagenais, vous n'avez toujours pas compris, après quatre ans, que vous ne pouvez pas comparer la situation avec celle des organismes de charité, qui relèvent du gouvernement fédéral et qui sont accrédités uniquement par lui. À l'intérieur de leurs chartes, les organismes de charité n'ont aucune obligation de fournir leurs états financiers annuels, ni aux personnes qui leur versent des dons ni à leurs membres. Or, ce n'est pas le cas pour les organisations syndicales. Les organisations syndicales, à 90 p. 100, sont accréditées par les gouvernements provinciaux.

Vous avez beau dire que vous connaissez bien le contenu des états financiers des syndicats. Cependant, vous n'avez jamais compris, et encore à ce jour, les implications du projet de loi C-377.

Le sénateur Dagenais : Madame la sénatrice, j'espère que vous savez que les syndicats sont des organismes à but non lucratif. D'ailleurs, ils sont exempts de taxes. Il faut savoir la différence entre un organisme à but non lucratif et un organisme de charité. Si le projet de loi est renvoyé en comité et que vous désirez y apporter des amendements, nous les analyserons comme il se doit.

L'honorable André Pratte : Est-ce que l'honorable sénateur accepterait de répondre à une autre question?

Le sénateur Dagenais : Avec plaisir.

Le sénateur Pratte : Le sénateur conviendra que, outre les états financiers dont il a parlé et qui, selon lui, étaient la seule exigence du projet de loi C-377, en fait, le projet de loi C-377 exige des syndicats beaucoup plus de documentation et d'information. J'aimerais citer très brièvement certaines exigences du projet de loi C-377, qui se lisent comme suit :

(viii) un état indiquant le total des versements effectués au bénéfice des employés et des entrepreneurs, notamment le salaire brut, les allocations, les paiements périodiques, les avantages sociaux (y compris les obligations de prestations de retraite), les véhicules, les primes, les dons, les crédits de service, les paiements forfaitaires, [...]

(viii.1) un état indiquant une estimation raisonnable du pourcentage du temps que les personnes visées [...] consacrent à la conduite d'activités politiques [...]

(ix) un état indiquant le total des déboursés relatifs aux activités de relations de travail,

(x) l'état des déboursés relatifs aux activités politiques, [...]

(xiii) un état indiquant le total des déboursés relatifs à l'administration, [...]

(xiv) un état indiquant le total des déboursés relatifs au paiement des coûts indirects,

(xv) un état indiquant le total des déboursés relatifs à l'organisation d'activités, [...]

Il y en a trois pages.

Le sénateur conviendrait-il que, outre les états financiers, ce qui est exigé par le projet de loi C-377 est beaucoup plus considérable?

Le sénateur Dagenais : J'ai ici la page des états financiers concernant les frais du personnel où vous retrouvez les salaires des directeurs, les salaires exécutifs, les salaires des comités, les salaires des employés, les charges sociales, les régimes de retraite, les frais de déplacement, les frais de représentation, les frais d'exploitation dans les comités et sous-comités, les frais d'arbitrage, les frais juridiques, les frais actuariels et de consultation, les frais pour les congrès, les formations syndicales, les assemblées générales, les assemblées générales spéciales, les négociations des contrats de travail et, bien entendu, je termine avec la formation en CSST.

Tous ces items sont détaillés dans les états financiers.

Le sénateur Pratte : La différence, ici, est qu'on demande d'indiquer toutes les dépenses de plus de 5 000 $. C'est une différence considérable par rapport à ce qui est exigé dans les états financiers.

Le sénateur Dagenais : J'invite le sénateur Pratte à consulter les états financiers. Il verra que ce sont toutes des dépenses de plus de 5 000 $. Je ne commencerai pas à vous énumérer les montants. Entre autres, dans les salaires exécutifs, il y en a de plus de 500 000 $ et 200 000 $. Il y a, pour les comités, 24 000 $. Toutes les dépenses de plus de 5 000 $ y sont mentionnées.

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : N'est-il pas vrai, sénateur, que, dans le projet de loi C-377, outre les 5 000 $, on prévoit aussi de divulguer le nom des bénéficiaires et la raison pour laquelle ils ont fait une dépense? Ceci inclut n'importe quel conseiller financier, économiste ou personne qui travaille à faire du jardinage ou à laver les fenêtres dans les locaux du syndicat. Toute personne qui aura reçu 5 000 $ et plus au cours de l'année verra son nom, la raison et d'autres indications précises nominatives publiés sur Internet. Cette mesure viole la Charte en ce qui a trait à la vie privée. Tous les gens qui sont venus témoigner devant le Comité des banques et le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, de même que les experts, l'ont bien souligné.

Le sénateur Dagenais : C'est bien beau de parler de la Charte des droits et libertés. Quand j'étais président de l'association, j'avais des comptes à rendre aussi à mes membres. Si on m'avait dit que, pour les frais juridiques, je devais mettre le nom du cabinet d'avocats, je n'aurais pas hésité. Si on m'avait dit que, pour les frais actuariels, je devais mettre le nom des actuaires, je n'aurais pas hésité. Pour les salaires exécutifs, j'aurais déclaré celui des cinq vice-présidents et mon propre salaire.

Vous savez, c'est de transparence dont on parle. Nous n'avons rien à cacher. Quand certains syndicats sont mal à l'aise avec cette obligation, je me pose des questions. Vous devriez le savoir, sénatrice Bellemare, car vous venez du Québec et vous connaissez la FTQ-Construction. Je n'aurais pas été indisposé à inscrire le nom des personnes. Ce que les présidents des syndicats, entre autres le syndicat des policiers, me reprochaient, c'était une atteinte non pas à la Charte des droits et libertés, mais à leur sécurité. Ils s'inquiétaient du fait qu'on puisse voir leur nom. Je leur réponds d'arrêter de faire des sites web avec leurs photos, car c'est encore pire. J'en ai discuté un jour avec M. Tom Stamatakis, président de l'Association canadienne des policiers, et celui-ci me disait que cela représentait un danger pour eux. Je lui ai répondu de retirer sa photo des sites web s'il a peur.

J'étais donc très à l'aise avec cette mesure. Si j'avais été président de l'Association des policiers provinciaux du Québec, avec le projet de loi C-377, je n'aurais eu aucun problème à soumettre les états financiers dont je dispose. C'est une question de transparence pour les travailleurs.

La sénatrice Bellemare : Ma prochaine question relève d'un autre registre. N'est-il pas vrai, sénateur Dagenais, que le projet de loi C-4 n'est pas un projet de loi qui remet en question le bien-fondé des projets de loi C-377 et C-525, mais un projet de loi qui vise à rétablir l'équilibre du pouvoir entre les employés, les employeurs, les syndicats et les patrons, dans un contexte où des lois ont été adoptées unilatéralement?

(1540)

Je ne suis pas du tout contre les projets de loi d'intérêt privé, mais, dans ce contexte précis, deux lois ont été imposées dans le domaine des relations de travail, alors que la pratique habituelle au Canada est beaucoup plus consensuelle. La pratique habituelle vise à atteindre une entente, et non à changer unilatéralement l'équilibre de la négociation, comme le visaient les projets de loi C-377 et C-525.

Que pensez-vous de cette étude qui a été réalisée non pas par un universitaire, mais par le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences à l'époque, alors même que nous commencions à discuter du projet de loi C-525 et, ensuite, du projet de loi C-377? Cette étude, intitulée Union Certification Regimes and Declining Union Density in the Canadian Business Sector, faisait état de facteurs qui ont contribué à réduire le taux de syndicalisation dans le secteur privé au Canada.

Cette étude, qui a été déposée, concluait que, au Canada, si la tenue de scrutins secrets dans certaines provinces n'avait pas eu lieu, le taux de syndicalisation n'aurait pas autant diminué. Cette étude corroborait des études qui avaient été faites ailleurs, aux États-Unis notamment, ainsi que des études provinciales. Cette étude a été tenue secrète et le rapport n'a été rendu public que récemment; ce n'est qu'au printemps dernier que la ministre de l'Emploi, du Développement de la main-d'œuvre et du Travail, l'honorable MaryAnn Mihychuk, l'a rendu public.

Sénateur Dagenais, à titre d'ancien syndicaliste, comment réagissez-vous à une étude comme celle-là qui, au fond, montre que certaines pratiques ont pour résultat que l'expression de la démocratie en milieu de travail est limitée et que, à l'aide de ces pratique, des employeurs peuvent aussi mettre en œuvre des pratiques un peu indélicates par rapport aux gens qui se rendent aux urnes au sein de l'entreprise?

Le sénateur Dagenais : Comme je vous l'ai expliqué lors de ma présentation, j'ai été membre d'un syndicat pendant 28 ans, et je peux vous dire que la meilleure façon de voter a toujours été la tenue d'un scrutin secret. Corrigez-moi si je me trompe; vous dites que le taux de syndicalisation a connu une diminution à cause de la tenue de scrutins secrets.

Comme j'ai déjà été président d'une assemblée où 2 000 personnes se trouvaient dans la salle, je peux vous dire que, s'il n'y avait pas eu la tenue d'un scrutin secret, j'aurais eu de la difficulté. Je vais vous donner un exemple. Lorsqu'on doit voter en ce qui a trait à un contrat de travail, on ne le fait pas à main levée. Les gens avaient un bulletin de vote pour se prononcer pour ou contre. Ils écoutaient les explications et allaient voter à un endroit désigné. S'il y avait des moyens de pression, croyez-vous que je leur demandais de voter à main levée? Cela aurait été incontrôlable.

Je n'ai pas élaboré de théories ni fait d'études, mais je l'ai vu de mes yeux pendant 28 ans; la tenue d'un scrutin secret est une façon de s'exprimer. Entre vous et moi, quand on exerce son droit de vote au Canada, on ne le fait pas à main levée, on procède aussi par scrutin secret.

Le scrutin secret est, selon moi, très important. D'ailleurs, des associations syndicales ont, dernièrement, fait la file dans mon bureau pour me demander que nous préservions le vote secret. Je ne vois pas en quoi il y aurait des pressions exercées par l'employeur. L'employeur permet normalement à ses syndiqués de se réunir — je ne veux pas parler de la GRC, car c'est un autre dossier —, et c'est le cas pour la plupart des gens.

Menez les consultations que vous voulez; les gens approuveront la tenue d'un scrutin secret, parce que c'est une façon de s'exprimer et, surtout, de ne pas subir de pressions indues, comme on l'a vu avec la FTQ Construction sur la Côte-Nord.

(Sur la motion du sénateur Tannas, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Adoption de la motion concernant la période des questions de la séance du 6 décembre 2016

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 30 novembre 2016, propose :

Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu'autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l'article 4-7 du Règlement, lorsque le Sénat siégera le mardi 6 décembre 2016, la période des questions commence à 15 h 30, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu'à la fin de la période des questions, qui sera d'une durée maximale de 40 minutes;

Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 ce jour-là, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;

Que, si la sonnerie d'appel pour un vote retentit à 15 h 30 ce jour-là, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu'elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;

Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 ce jour-là, la séance soit suspendue jusqu'à 15 h 30, heure de la période des questions.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Projet de loi sur les langues autochtones du Canada

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Joyal, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Eggleton, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-212, Loi visant la promotion des langues autochtones du Canada ainsi que la reconnaissance et le respect des droits linguistiques autochtones.

L'honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-212, Loi visant la promotion des langues autochtones du Canada ainsi que la reconnaissance et le respect des droits linguistiques autochtones.

En février 1983, un homme du nom de Daniel Saint-Jean s'est vu décerner une contravention pour excès de vitesse au Yukon. Il a contesté la contravention au motif qu'elle était rédigée uniquement en anglais. La Cour territoriale lui a ordonné de payer la contravention. Il a contesté la décision devant la Cour suprême du Yukon en soutenant qu'on l'avait privé de son droit de communiquer avec une institution du Parlement ou du gouvernement du Canada ou de recevoir des services de cette institution, en contravention de l'article 20 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Le 21 mars 1984, le gouvernement fédéral de l'époque a présenté le projet de loi C-26, qui visait à étendre aux territoires les dispositions sur les langues officielles contenues dans la Charte canadienne des droits et libertés et dans la Loi sur les langues officielles. À la demande de l'avocat de M. Saint-Jean, le procès a été ajourné indéfiniment, le temps que le projet de loi soit étudié.

Votre Honneur, les territoires ont une longue et fière tradition de reconnaissance, de respect et de protection des droits linguistiques autochtones. Lorsque le gouvernement a déposé ce projet de loi, sans consultation préalable, il a provoqué la consternation des gouvernements des deux territoires.

Je me souviens de cette fois où le regretté John Munro, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, a pris l'avion pour Yellowknife afin d'assister à une réunion en soirée avec le Conseil exécutif des Territoires du Nord-Ouest, dont j'étais membre, pour nous annoncer qu'un projet de loi avait été présenté et que le bilinguisme officiel allait être imposé aux Territoires du Nord- Ouest. « C'est un acte de guerre », ai-je dit au ministre sur un ton quelque peu hyperbolique. « Nous avons plus de blindés que vous », a répliqué le ministre.

Bien sûr, nous ne voulions pas déclencher les hostilités contre le gouvernement fédéral, dont les territoires dépendaient alors et dépendent toujours dans une large mesure pour avoir des fonds de fonctionnement. Cet acte plutôt unilatéral et arbitraire de la part du gouvernement final et la contravention pour stationnement illégal à Whitehorse ont fini par amener, comme je vais l'expliquer, un grand progrès dans les Territoires du Nord-Ouest sur le plan de la reconnaissance des deux langues officielles par les territoires, ce que j'appuie, et du soutien fédéral pour les langues autochtones du Nord.

Dans les Territoires du Nord-Ouest, lorsque j'y ai été député territorial et ministre de l'Éducation, avant la scission qui a donné naissance au Nunavut, nous avions aussi un solide système en place pour promouvoir et protéger les langues autochtones, comme le corps des interprètes des Territoires du Nord-Ouest et le fonds de développement des langues autochtones, qui offrait des fonds pour le développement des compétences et la formation assurés dans des langues autochtones ou servant à les promouvoir. Toutefois, la modification de la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest qui allait faire du français une langue officielle de plein droit dans les territoires a déclenché une série de mesures importantes auxquelles je suis fier d'avoir participé.

(1550)

Au cours d'une séance spéciale de l'assemblée législative, à Fort Smith, le 14 mai 1984, Richard Nerysoo, alors premier ministre, a fait rapport à l'assemblée d'un accord que le conseil exécutif, ce qui est notre Cabinet, comme vous devez le savoir, avait négocié avec Ottawa, dans l'espoir de le faire approuver par l'assemblée législative.

Permettez-moi de vous dire un mot de cette réunion historique à Ottawa, à laquelle j'ai assisté. À l'époque, c'était tout un exploit d'obtenir une réunion avec un ministre fédéral. Le gouvernement fédéral avait alors sur nous un contrôle total sur les plans financier et constitutionnel. L'importante contribution fédérale était un poste budgétaire du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. En fait, nos Constitutions, c'est-à-dire les lois sur le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et, maintenant, le Nunavut, sont des lois fédérales. Et le commissaire nommé par les autorités fédérales était alors, dans les faits, le chef du gouvernement territorial.

Nous n'étions donc pas à l'aise à l'idée de rencontrer un ministre fédéral, a fortiori pour négocier des fonds, mais cette réunion s'est déroulée comme un charme. Je n'ai jamais eu de réunion plus fructueuse avec un ministre fédéral. Celui que nous avons rencontré était alors secrétaire d'État, et c'était l'honorable Serge Joyal.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Patterson : Ce ministre tenait à nous aider à développer et à faire reconnaître les langues autochtones. Le généreux engagement financier dont nous nous sommes attribué le mérite avait été préparé à l'avance par nos fonctionnaires. Il nous restait à discuter de la façon dont nous ferions fonctionner cette initiative enthousiasmante, qui fonctionne fort bien depuis des années.

Le premier ministre et moi sommes rentrés et nous avons dit à nos collègues députés qu'il n'était pas sage que la souris que nous étions choisisse la confrontation avec l'éléphant qu'était le gouvernement fédéral. Le dirigeant de notre gouvernement a parlé de ses pourparlers avec le secrétaire d'État, l'honorable Serge Joyal. Plusieurs députés se sont dits préoccupés par la rapidité avec laquelle on leur demandait d'étudier cet accord ainsi que la loi sur les langues officielles que nous proposions. D'autres ont soutenu qu'il était impérieux de consulter les électeurs.

En tant que ministre de l'Éducation, j'appuyais l'arrangement et j'ai déclaré ceci :

J'aimerais préciser que les personnes qui ont élaboré la proposition que nous vous présentons aujourd'hui ont senti le malaise et la précipitation dont certains députés se sont plaints dans cette enceinte. Le projet en question n'est pas une initiative du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, mais le résultat d'efforts déployés par le gouvernement fédéral. Le fait de prendre notre temps ou de consulter davantage les électeurs ne fera pas disparaître l'affaire, car le gouvernement fédéral a présenté un projet de loi à la Chambre des communes. Nous ne pouvons pas simplement ignorer la question. Nous aurions tous souhaité la voir soulevée autrement. Je comprends cela [...]

Comme les députés le savent peut-être, le fonds pour les langues autochtones arrivera à échéance à la fin du prochain exercice financier. J'ai bon espoir que, en l'absence de soutien de la part du fédéral, nous serons en mesure de revoir nos priorités en conséquence. Je suis certain que, avec l'appui de la présente assemblée, nous arriverons tant bien que mal à trouver assez d'argent pour poursuivre le travail. Les choses avanceront toutefois beaucoup plus si nous arrivons à obtenir des fonds du fédéral. Il faut comprendre que la stratégie que nous recommandons à l'assemblée vise à faire en sorte que des fonds considérables soient attribués au dossier des langues autochtones. C'est seulement à cette condition que j'appuie l'enracinement de la langue française, c'est-à-dire qu'une attention égale, sinon supérieure, soit accordée aux langues autochtones.

Aux députés qui s'inquiètent d'appuyer une langue que leurs électeurs n'utilisent pas, je réponds qu'il ne s'agit que d'une stratégie et que nous proposons d'obtenir des fonds considérables pour les langues qui importent à la vaste majorité de nos concitoyens.

J'ai ensuite brièvement mentionné que j'avais des francophones dans ma circonscription, Frobisher Bay, comme elle s'appelait alors. C'était l'une des rares circonscriptions qui avaient un nombre appréciable de francophones. Ceux-ci avaient adopté une position raisonnable en appuyant la primauté des langues autochtones dans les Territoires du Nord-Ouest.

Au cours de cette séance historique tenue à Fort Smith, notre gouvernement a réussi, avec une assemblée comptant une majorité de membres autochtones, à obtenir l'approbation d'une Loi sur les langues officielles conférant le statut de langue officielle à l'anglais, au français et à neuf langues autochtones des Territoires du Nord- Ouest, à savoir le chipewyan, le cri, le gwich'in, l'inuinnaqtun, l'inuktitut, l'inuvialuktun, l'esclave du Nord, l'esclave du Sud et le tlicho.

Nous devons remercier le gouvernement fédéral, même si sa première approche était provocatrice, et particulièrement l'honorable Serge Joyal, de nous avoir permis de persuader de nombreux députés autochtones de petites collectivités où le français n'était pas parlé que la reconnaissance du français dans le territoire était une occasion d'établir un précédent historique en reconnaissant, parallèlement aux deux langues officielles du Canada, ce que nous avons appelé les « langues autochtones officielles » dans le projet de loi.

Le marché politique avec le Canada a été scellé lorsque le secrétaire d'État a affecté 16 millions de dollars sur cinq ans aux activités destinées à « préserver, développer et promouvoir » les langues autochtones, ce qui était généreux. Ce serait l'équivalent de plus de 33 millions de dollars d'aujourd'hui.

Un groupe de travail a été formé et chargé de mener des consultations dans toutes les collectivités des Territoires du Nord- Ouest, puis de présenter un rapport à l'assemblée. Ces accords sont connus sous le nom d'accords territoriaux sur les langues. Ils ont remplacé le fonds de développement des langues autochtones, qui avait expiré à la fin de l'exercice 1984-1985.

Dans le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation, le sénateur Sinclair a noté que ces accords existent encore, mais que leur financement a diminué. Un montant de 4,1 millions de dollars est réservé chaque année au soutien des services en langues autochtones des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut, tandis que les 11 accords d'autonomie gouvernementale du Yukon reçoivent un financement de 5 millions de dollars pour des initiatives visant « la revitalisation et la préservation des langues ». On peut ajouter à cela la très modeste contribution de l'Initiative des langues autochtones de Patrimoine canadien, qui offre un montant global de 5 millions de dollars pour les collectivités des Premières Nations, des Métis et des Inuits de tout le Canada. Les coordonnateurs des programmes admissibles peuvent présenter des demandes pour avoir accès à ces fonds.

Lorsque le Nunavut a été créé le 1er avril 1999, il a adopté la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest. Le gouvernement du Nunavut ainsi que ses conseils et organismes, les tribunaux et l'assemblée législative sont censés donner des services dans une langue officielle s'il y a une demande suffisante. Un rapport produit par un comité spécial qui a examiné la Loi sur les langues officielles en décembre 2003 avait recommandé d'élaborer une nouvelle Loi sur les langues officielles reconnaissant un statut égal à l'inuit, au français et à l'anglais et d'adopter une Loi sur la protection de l'inuktitut.

Le 4 juin 2008, l'Assemblée législative du Nunavut a adopté la Loi sur les langues officielles, après suppression des langues déné qui ne sont pas parlées au Nunavut. Le 18 septembre 2008, l'assemblée a également adopté la Loi sur la protection de la langue inuite.

Honorables sénateurs, je crois fermement que l'histoire du soutien fédéral des langues autochtones, dont notre collègue, le sénateur Joyal, s'était fait le défenseur il y a plus de 30 ans, alors qu'il occupait d'autres fonctions, a joué un rôle important dans l'augmentation extraordinaire du pourcentage d'Inuits qui parlent leur langue par rapport aux Premières Nations et aux Métis, comme l'a indiqué le sénateur Sinclair dans le discours qu'il a prononcé ici le 17 novembre. Je répète que 63,7 p. 100 des Inuits parlent leur langue.

Je voudrais profiter de l'occasion pour saluer un autre ancien champion des langues autochtones qui siège ici, le sénateur Dan Lang, du Yukon. Le 26 mars 1984, une motion avait été présentée et adoptée à l'unanimité à l'Assemblée législative du Yukon pour reconnaître les efforts et les responsabilités du territoire en matière d'élaboration et de protection de politiques et de programmes « qui favorisent l'utilisation du français et des langues autochtones au Yukon ».

L'honorable Dan Lang, ministre responsable des affaires municipales et communautaires et du développement économique, avait mis en évidence les réalisations antérieures du Yukon et avait invité son gouvernement à « examiner notre système et nos programmes d'éducation des dernières décennies, qui ont encouragé et favorisé la préservation des langues et du patrimoine autochtones ». Je crois bien que nous n'aurons pas besoin d'insister pour que le sénateur Lang appuie ce projet de loi.

Chers collègues, je crois que c'est la troisième fois que le sénateur Joyal présente ce projet de loi. Comme je l'ai expliqué, il fait depuis longtemps des efforts pour préserver les langues autochtones. À l'Assemblée législative du Yukon, on dit de lui qu'il a insisté sur le fait que le français et les langues autochtones ont un statut égal au cours d'une interview télévisée en 1984. Plusieurs versions de son projet de loi n'ont pas été renvoyées à un comité parlementaire, et je crois que c'est vraiment dommage.

(1600)

Chers collègues, le gouvernement Trudeau s'est engagé à mettre en œuvre les 94 appels à l'action que comporte le rapport de la Commission de vérité et réconciliation. À l'article 14 des recommandations, on demande particulièrement au gouvernement fédéral :

[...] d'adopter une loi sur les langues autochtones qui incorpore les principes suivants :

i. les langues autochtones représentent une composante fondamentale et valorisée de la culture et de la société canadiennes, et il y a urgence de les préserver;

ii. les droits linguistiques autochtones sont renforcés par les traités;

iii. le gouvernement fédéral a la responsabilité de fournir des fonds suffisants pour la revitalisation et la préservation des langues autochtones;

iv. ce sont les peuples et les collectivités autochtones qui sont les mieux à même de gérer la préservation, la revitalisation et le renforcement des langues et des cultures autochtones;

v. le financement accordé pour les besoins des initiatives liées aux langues autochtones doit refléter la diversité de ces langues.

Je crois que les mesures proposées ne sont pas très différentes de celles auxquelles nous nous sommes engagés et sur lesquelles des progrès ont été accomplis dans le Nord.

Honorables sénateurs, le temps est venu pour nous d'examiner plus attentivement ce que ce projet de loi peut faire pour les langues autochtones à l'échelle du pays. J'applaudis le sénateur Joyal pour l'appui constant et inébranlable qu'il a apporté aux langues autochtones et j'appuie le renvoi de ce projet de loi au comité.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Joyal, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : J'ai une précision à faire, Votre Honneur, concernant le ministre qui viendra la semaine prochaine à la période des questions. Il s'agit de la ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould.

La Loi réglementant certaines drogues et autres substances

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Campbell, appuyée par l'honorable sénateur Pratte, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-224, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (aide lors de surdose).

L'honorable Vernon White : Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-224, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (aide lors de surdose).

La Loi sur les bons samaritains secourant les victimes de surdose modifie la Loi réglementant certaines drogues et autres substances en ce qui a trait à l'aide aux victimes de surdose. Cette mesure législative vise à enrayer la crainte de signaler une surdose du fait qu'elle prévoit que les personnes qui appellent le service 911 ne pourront pas être accusées de possession de drogue.

La crainte des poursuites reste le principal obstacle qui fait que l'on ne demande pas d'aide lorsqu'on est témoin d'une surdose, et ce, à l'heure où les décès par surdose sont en hausse au pays. Un grand nombre de personnes ont dit qu'elles ne composeraient pas le 911 si elles étaient témoins d'un cas de surdose, invoquant comme pour principale raison les accusations criminelles susceptibles d'être portées contre elles. Les jeunes ont peur de se faire arrêter ou que leurs parents ou leur famille découvrent ce qui est arrivé. Cette hésitation a coûté des vies et en coûtera d'autres!

Ce projet de loi serait une première au Canada en ce qu'il inciterait les gens à demander de l'aide médicale en cas de surdose ou pour un suivi après l'administration de naloxone. Honorables sénateurs, 37 États américains et le district de Columbia ont déjà adopté une loi sur les bons samaritains ou sur l'immunité contre toute accusation relative à la drogue pour ceux qui appellent le 911. Ces lois accordent généralement l'immunité contre toute accusation pour violation des conditions de surveillance et infraction mineure de possession ou consommation lorsqu'une personne victime ou témoin d'une surdose d'opiacés appelle le 911 pour demander de l'aide ou des soins médicaux pour elle-même ou quelqu'un d'autre.

En 2015, la quasi-totalité des États américains ont adopté des mesures législatives traitant de l'usage des opioïdes, y compris l'héroïne et les médicaments d'ordonnance. En 2016, les décideurs ont continué à chercher des solutions pour réduire les abus en décourageant la distribution, en augmentant les occasions de traitement et de déjudiciarisation et en étendant l'application des programmes d'immunité afin de sauver des vies.

Le projet de loi C-224 assurerait l'immunité contre une accusation de possession de drogue, mais non contre une accusation de trafic ou de conduite avec facultés affaiblies. Autrement dit, il ne protégerait pas des gens contre l'arrestation pour des infractions telles que le trafic ou la vente de drogue. Il ne protégerait que la personne qui appelle et la victime de surdose contre l'arrestation et les poursuites judiciaires pour simple possession de drogue ou pour facultés affaiblies par la drogue.

Prenons le cas de deux personnes qui consomment une drogue illégale. L'une d'elles est en situation de surdose, ce qui devient de plus en plus courant avec les opioïdes dont nous avons parlé précédemment. La seconde personne pourrait maintenant appeler à l'aide en sachant qu'elle ne risque pas d'être accusée de possession de drogue ou d'une infraction similaire.

Des représentants du service des coroners de la Colombie- Britannique, qui ont comparu devant le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, ont déclaré que, dans le cadre d'une étude qu'ils ont faite en 2015 au sujet d'un comité d'examen chargé d'enquêter sur des décès d'enfants, ils ont noté dans un nombre important de cas que la personne décédée se trouvait en compagnie d'une ou de plusieurs autres personnes. Dans beaucoup de ces cas, les services médicaux n'ont pas été appelés à temps pour intervenir efficacement et sauver la vie de la personne en surdose, particulièrement lorsque la surdose était due à des opioïdes. Dans ces cas, l'administration rapide de l'antidote naloxone peut neutraliser les effets des opioïdes avant qu'ils ne causent la mort du patient. Dans certains cas, les compagnons avaient peut-être hésité à appeler à l'aide parce qu'ils craignaient l'intervention de la police qui aurait pu les accuser eux-mêmes d'infractions telles que la possession de drogues illégales. Plusieurs autres études ont également révélé que la crainte de l'intervention de la police est susceptible d'amener les utilisateurs de drogue à hésiter à appeler immédiatement à l'aide.

Honorables sénateurs, je voudrais vous donner un exemple qui montre l'importance de ce projet de loi. Il y a quelques mois, vous étiez saisis du projet de loi S-225, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Nous avions invité Mme Marie Agioritis à comparaître devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Mme Agioritis est la mère de Kelly Best, un jeune homme de 19 ans qui est mort d'une surdose de fentanyl. Le 3 janvier 2015, alors que Kelly était en train d'agoniser par suite d'une surdose de fentanyl, l'autre jeune homme qui se trouvait dans la pièce n'a pas appelé le 911. Il a paniqué parce qu'il craignait d'être tenu responsable. Il a appelé son père à plusieurs reprises pendant une période de 40 minutes avant de réussir à le joindre. À son tour, le père a appelé les services d'urgence, qui n'ont pu que constater le décès de Kelly. Mme Agioritis nous a dit que, à l'arrivée des premiers intervenants, il était déjà trop tard. Il a été impossible de ranimer Kelly.

J'imagine combien il a été difficile pour Mme Agioritis de revivre cet événement traumatisant devant le comité. Je voudrais donc prendre un instant afin de la remercier du fond du cœur pour son importante contribution à notre lutte contre la crise des surdoses d'opioïdes.

Honorables sénateurs, il n'y a qu'un très court laps de temps pendant lequel on peut sauver la vie d'une personne en surdose. Dans le cas du fentanyl, il est de moins de 20 minutes. Ce court intervalle entre la vie et la mort est le plus souvent suffisant pour que nos premiers intervenants réagissent et arrivent à temps. Lorsqu'un appel au 911 est reçu, il devient prioritaire. Et cette priorité détermine le degré d'urgence relatif aux temps de réponse et aux normes à respecter dans les modèles dont se servent les premiers intervenants. En pratique, ils arrivent quelques minutes à peine après avoir reçu l'appel. L'ami de Kelly n'a pas paniqué parce que Kelly mourait devant lui. Il a paniqué parce qu'il avait peur d'être tenu responsable de l'événement.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-224, qui a reçu l'appui de tous les partis à la Chambre des communes, attire l'attention sur l'épidémie de surdoses, qui exige du gouvernement qu'il agisse encore davantage. Je remercie le sénateur Campbell de piloter ce projet de loi et j'espère que vous vous joindrez à moi pour l'appuyer, car, à mon avis, c'est une mesure qui peut sauver des vies dans notre lutte constante contre la toxicomanie.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Campbell, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

La Loi sur l'hymne national

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Nancy Ruth, appuyée par l'honorable sénateur Tkachuk, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-210, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national (genre).

L'honorable David M. Wells : Honorables collègues, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-210, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national (genre).

(1610)

L'hymne national du pays est sans doute l'un des plus importants aspects de son histoire et un symbole de son patriotisme. Chez nous, l'Ô Canada est une composition qui évoque et loue notre histoire, nos traditions et nos luttes.

Dans quelques instants, je vais dire quelques mots de plus au sujet de la nature, des origines et de l'histoire de notre hymne national. Mais je voudrais d'abord vous parler un peu de tradition.

La tradition, c'est la transmission des coutumes ou des croyances d'une génération à l'autre. Cela est important pour moi, comme pour la plupart des Canadiens. C'est une chose pour laquelle nous avons combattu, une chose qui a résisté à l'épreuve du temps et oui, chers collègues, une chose qui a résisté aussi à l'épreuve de la politique et de la mode politique. Le vent du changement peut souffler aussi fort qu'on voudra, il n'arrivera pas à faire bouger nos traditions parce que nous nous les sommes transmises de génération en génération.

Les traditions sont importantes parce qu'elles nous rappellent qui nous sommes et d'où nous venons. Elles constituent la fondation que nous avons sous les pieds dans cette salle. Nos séances s'ouvrent et se terminent avec les mêmes traditions. Elles sont les arts, la culture et la trame même de notre pays. Nous pouvons changer beaucoup de choses qui nous concernent, mais nous ne pouvons pas changer nos traditions parce que nous perdrions alors une partie essentielle de nous-mêmes.

En cette nouvelle ère de rectitude politique, certains ont décidé de changer nos traditions, comme notre hymne national, parce qu'ils veulent refaire notre histoire. Ils veulent réécrire notre histoire comme pays et comme peuple. Forts de leurs convictions, ils sont disposés à supprimer un élément de notre passé, une partie de nos traditions, mais ils ne sont pas en majorité parmi les Canadiens.

Nous ne pouvons pas permettre que leur voix supplante le chœur des Canadiens qui chantent depuis longtemps l'O Canada dans les deux langues officielles. Les changements proposés dans le projet de loi, les modifications envisagées de notre hymne national feront une tache sur nos traditions, une tache qui modifiera notre tradition et réécrira notre histoire de façon à l'adapter à un point de vue politique.

Pour moi, c'est un dangereux précédent. J'espère que vous serez d'accord. J'ai déjà parlé de nos traditions comme partie de nos arts et de notre culture à titre de pays. Si vous regardez cette salle, vous verrez les traditions que nous avons maintenues et que nous nous sommes transmises de génération en génération. Tout autour de nous, ce sont non seulement des symboles, mais aussi l'incarnation de notre démocratie et de nos traditions démocratiques.

Au-dessus de nous, sur les murales qui font le tour de cette salle, nous avons une collection d'art qui porte le titre collectif de tableaux de guerre. Lorsque les édifices du Parlement ont été reconstruits après l'incendie de 1916, ces œuvres ont été commandées, puis exposées afin de rendre hommage aux sacrifices des troupes canadiennes au cours de la Grande Guerre. Elles ont été placées dans la salle du Sénat en 1998 pour illustrer « la pleine mesure de leur dévouement dans leur vaillante lutte pour préserver la paix et la justice ».

Tous ces tableaux présentent des scènes de la Première Guerre mondiale, mais personne ici ne songerait jamais à demander qu'ils soient retirés parce qu'ils évoquent la guerre. Personne ne songerait à les altérer, parce qu'ils font partie de notre histoire et de nos traditions. Le tableau intitulé En permission est l'œuvre de l'artiste britannique Clare Atwood. Il montre une cantine de guerre du YMCA dans l'une des gares de Londres.

Je signale qu'on ne voit aucune femme soldat dans ce tableau et que la seule femme qui y figure est en train de servir dans la cantine. Est-ce qu'un puriste de la rectitude politique va demander que ce tableau soit décroché, puis modifié pour montrer des femmes soldats et peut-être quelques militaires autochtones? Ces gens voudraient nous voir présenter leur version de l'histoire, même s'il faut pour cela modifier la représentation qu'une artiste a faite de ce qu'elle a vu à Londres pendant les jours terribles de la guerre. Notre hymne national est semblable à cette représentation.

En parlant de traditions, je voudrais rappeler à mes collègues que nous avons une longue série de règles, de procédures et de traditions parlementaires. L'une d'elles permet à n'importe quel député de l'autre chambre de notre Parlement de proposer des modifications à nos lois. C'est ce qu'on appelle là-bas le projet de loi d'initiative parlementaire. C'est exactement cela qui s'est produit pour que nous soyons saisis du projet de loi que nous avons devant nous aujourd'hui.

Le projet de loi C-210 est un projet de loi d'initiative parlementaire. Ce n'est ni une loi du Canada ni une politique du gouvernement, de l'opposition ou du Sénat, qui a l'obligation d'examiner les projets de loi d'initiative parlementaire. Cela dit, nous avons toute latitude pour le débattre, exprimer des opinions personnelles et porter un jugement sur la question de savoir s'il mérite de devenir une loi du Canada, que tous les Canadiens doivent respecter. Il n'y a pas de ligne de parti dans ce débat. Nous n'avons que notre conscience pour nous guider.

Comme plusieurs le savent, le regretté Mauril Bélanger, député d'Ottawa±Vanier, avait proposé ce projet de loi d'initiative parlementaire qui a obtenu à l'autre endroit les approbations préliminaires nécessaires pour qu'il nous soit présenté. Nous sommes tous conscients de l'excellent travail que Mauril Bélanger a fait au Parlement et dans sa circonscription.

Il n'y a pas de doute que Mauril Bélanger nous manquera, mais je dois rappeler à mes collègues que son décès ne justifie pas en soi l'adoption et la mise en vigueur de ce projet de loi, comme certains l'ont suggéré. En fait, c'est probablement la pire raison qu'on puisse invoquer pour adopter un projet de loi ou définir une politique publique.

Nous n'avons ni l'habitude ni la tradition de donner à des projets de loi le nom de personnes afin de les honorer de cette façon. Au Canada, nous nommons des parcs, apposons des plaques et érigeons des statues en l'honneur des gens qui ont gagné notre respect. Nous ne faisons pas honneur à Mauril Bélanger en adoptant ce projet de loi et nous ne déshonorerons pas sa mémoire en le rejetant afin de protéger nos traditions sacrées. Le Sénat doit prendre de bonnes décisions en examinant les faits et en jugeant chaque cas d'après son mérite.

Pour ce qui est du projet de loi, j'estime que les partisans de ce changement n'ont pas avancé des arguments assez solides pour me faire changer d'avis. Le défi qu'offre le projet de loi n'est ni recherché ni requis pour que notre pays soit plus libre, plus égal et plus équitable. Il est vrai que le changement proposé est minime, mais on ne saurait minimiser un changement qui touche une tradition d'aussi longue date que notre vénéré hymne national.

L'Ô Canada est une composition musicale qui nous touche au cœur et qui nous rassemble. Aux matchs de hockey et sur la scène internationale, nous nous réjouissons en le chantant de concert avec notre famille, nos amis et nos voisins. L'hymne fait partie de la trame de notre nation, il invoque et louange tous les autres éléments de notre histoire et de nos traditions. Quel Canadien, quelle Canadienne ne ressentirait pas une profonde fierté en entendant jouer notre hymne national 14 fois parce que notre collègue, la sénatrice Petitclerc, a remporté la médaille d'or aux Olympiques d'Atlanta, de Sydney, d'Athènes et de Pékin, ou que notre collègue, la sénatrice Greene Raine, a remporté la médaille d'or à Grenoble aux Olympiques de 1968? C'est l'hymne que nous connaissons, l'hymne de notre tradition.

Les paroles françaises de l'Ô Canada ont été écrites en 1880 par Adolphe-Basile Routhier, et la musique a été composée par Calixa Lavallée. Beaucoup de versions anglaises ont suivi, mais la plus populaire a été écrite par Robert Stanley Weir en 1908. Les deux versions ont été adoptées comme hymne national officiel en 1980. Depuis, bien des tentatives ont été faites pour modifier les paroles, mais aucune n'a réussi.

Même si les deux hymnes partagent la même mélodie, leurs paroles offrent des messages différents. Par exemple, la version française parle de religion, en mentionnant la croix, et de conflit, en mentionnant l'épée, tandis que la version anglaise évoque la liberté et le patriotisme. Tous les symboles sont d'honorables aspects de notre histoire.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-210 vise à modifier la version anglaise. Ce n'est pas le changement proposé en soi qui est inquiétant. L'aspect troublant réside plutôt dans les raisons sous- jacentes qui motivent ce changement.

La substitution des mots « in all of us command » vise un apaisement symbolique. C'est une pente glissante qui peut inspirer d'autres demandes de changement. Nous renoncerions, en fait, à une importante partie de notre histoire et de nos traditions par souci de rectitude politique.

En allant à l'extrême — car c'est là que mène la rectitude politique —, nous pourrions nous demander pourquoi faire les choses à moitié. Pourquoi ne pas aller jusqu'au bout? Il y a, par exemple, l'expression « Our home and native land ». Le Canada est la patrie de tous ses habitants, mais il ne serait pas correct de garder « our » devant « native land ». Faudrait-il réserver l'expression aux Canadiens de naissance? Non. Elle est censée inclure tous les Canadiens. Peut-être faudrait-il, par souci de rectitude politique, appliquer « native land » aux seuls membres des Premières Nations. Les cultures d'Europe, d'Asie et d'Afrique ne sont pas indigènes du Canada. Le Canada est la terre natale des Autochtones, pas la nôtre. Est-ce que ce ne serait pas là une façon beaucoup plus exacte de refléter la réalité?

Honorables collègues, voilà à quoi la rectitude politique peut nous mener.

L'expression « God keep our land glorious and free » pourrait aussi être problématique pour beaucoup de gens. Lorsque les paroles de l'hymne national ont été écrites, le Canada était très différent de ce qu'il est aujourd'hui. Comme je l'ai déjà dit, les paroles françaises de l'Ô Canada ont été écrites par M. Routhier en 1880. À l'époque, on pouvait affirmer sans craindre de se tromper que les catholiques romains avaient une présence dominante dans le Bas-Canada. Même s'ils sont encore très présents dans le Canada d'aujourd'hui, il y a dans notre pays une multitude d'autres religions et non-religions qu'il faudrait également reconnaître par souci de rectitude politique. Des millions de Canadiens sont athées, agnostiques ou humanistes. Faut-il faire abstraction d'eux? Pourquoi ne pas les prendre en considération au nom de la rectitude politique? Ne sont-ils pas représentatifs de ce qu'est le Canada aujourd'hui? Ne faudrait-il pas apporter des modifications? Les Premières Nations et les Canadiens de toutes les autres religions ou sans religion méritent-ils moins que les autres un traitement qui soit politiquement correct?

(1620)

Permettez-moi de parler également de ma propre expérience dans ma province, Terre-Neuve-et-Labrador. L'Ode to Newfoundland est l'hymne provincial officiel de Terre-Neuve-et-Labrador. Elle a été composée par sir Cavendish Boyle en 1902. Elle a été choisie comme hymne national officiel par la province en mai 1904. En 1949, lorsque notre province s'est jointe au Canada, elle a adopté l'hymne national canadien, et je peux vous dire que nous le chantons à toutes les cérémonies officielles. Par contre, nous avons conservé aussi l'Ode to Newfoundland.

En 1980, lorsque l'Ô Canada a été officiellement proclamé hymne national du Canada, Terre-Neuve-et-Labrador a réadopté, et ce n'est pas une coïncidence, son Ode comme hymne provincial officiel. C'était la première province à le faire. Si vous avez la chance de venir dans ma province, vous nous entendrez certainement chanter cette ode avec beaucoup de fierté également.

Si je parle de cette ode, c'est pour vous dire sans hésitation aucune que les habitants de ma province ne toléreraient jamais qu'on modifie les mots que beaucoup pensent avoir le devoir sacré de protéger. Tous les mots de cet hymne ne sont pas politiquement corrects. Dans chacun des refrains, le terme « Dieu » est répété plusieurs fois, mais je n'ai jamais entendu qui que ce soit proposer sérieusement la suppression de ce mot. Si quelqu'un le faisait, la proposition serait descendue en flammes, voire pire. Mes honorables collègues, les sénateurs Baker, Doyle, Manning et Marshall, et le Président Furey connaissent tous les paroles et savent que ce texte est sacré pour tous les Terre-Neuviens et Labradoriens.

Je le sais parce que les habitants de ma province, comme la plupart des Canadiens, sont en faveur du maintien de nos traditions. À preuve, voici les résultats d'un sondage réalisé par VOCM, le média le plus populaire à Terre-Neuve-et-Labrador.

Le 16 juin 2016, la question du jour était la suivante : « Pensez- vous qu'il faudrait modifier les paroles de l'hymne national en remplaçant ``in all thy sons'' par ``in all of us command''? » Près de 13 000 Terre-Neuviens et Labradoriens ont répondu. Une majorité a dit qu'il ne fallait rien changer, que nos traditions sont sacrées.

En proposant le projet de loi C-210, nous avons décidé de rafistoler nos fondements pour apporter un apaisement, au nom de la rectitude politique. Avec le temps, notre hymne prendra un aspect différent parce que nous aurons décidé de tourner le dos à notre histoire, et nous aurons un hymne qui sera un témoignage politiquement correct au lieu d'un chant patriotique et d'une représentation de notre passé.

Honorables collègues, il nous faut décider si nous devons avoir un hymne qui retient des éléments de notre fière histoire, qui est représentatif de cette histoire ou s'il nous faut plutôt un hymne qui sera sans nul doute la première étape vers son édulcoration par la rectitude politique. Un vote pour le projet de loi C-210 irait très certainement dans le deuxième sens.

Je voudrais vous laisser sur une citation et un vœu. Voici d'abord la citation :

Les Canadiens peuvent être radicaux, mais ils doivent l'être à leur manière propre, et cette manière, ce doit être celle de l'harmonie avec nos traditions nationales et nos idéaux.

Chers collègues, c'est là une citation d'Agnes Macphail, la première femme élue au Parlement du Canada.

Mon vœu, c'est que vous vous joigniez à moi, au Sénat, pour appuyer notre hymne et nos traditions. La rectitude politique est peut-être une mode passagère de nos jours, mais ce qui nous soutiendra, nous et notre pays, c'est le fondement de nos traditions.

Lorsque le projet de loi sera mis aux voix au Sénat, j'espère que vous obéirez à votre cœur et à votre conscience. Un proverbe veut que changer et changer pour le mieux soient deux choses différentes. Le projet de loi C-210 ne changera pas notre hymne ni notre pays pour le mieux.

Son Honneur le Président : Sénateur Wells, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Wells : J'accepte.

L'honorable Joan Fraser : Merci, sénateur Wells.

Les collègues qui ont une bonne mémoire se rappelleront peut-être que je n'appuie pas le projet de loi, mais j'ajouterai que je suis malgré tout une féministe convaincue. Voilà pourquoi je vous demande de retirer le terme « apaisement ». Ce mot est lui-même chargé de lourdes connotations. Prétendre que le projet de loi à l'étude est un moyen d'apaiser les femmes ou les féministes, c'est aller trop loin et c'est offensant.

Son Honneur le Président : Excusez-moi, sénateur Wells. Votre temps de parole est écoulé. Je sais que vous voulez répondre à la question. J'ai uv aussi un autre sénateur se lever. Allez-vous demander plus de temps?

Le sénateur Wells : Oui.

Son Honneur le Président : Cinq minutes de plus?

Le sénateur Wells : Je vais répondre à toutes les questions qu'on voudra poser.

Son Honneur le Président : D'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Wells : Merci, Votre Honneur.

Madame la sénatrice Fraser, j'éprouve un grand respect pour vous, vous le savez. Je suis aussi un ardent féministe. Je suis membre de À voix égales et je suis en faveur de la pleine égalité entre les deux sexes.

Il y a beaucoup de féministes qui sont favorables à la modification de l'hymne, mais elles ne sont pas les seules. Beaucoup d'hommes partagent leur avis. Le terme « apaisement » vaut donc pour eux également. Je vous prie de ne pas interpréter ce terme comme une attaque directe ni comme une remise en question des féministes ou de l'ensemble des femmes. Bien des hommes, à l'évidence, sont aussi favorables à cette modification.

Je ne vais pas changer ce mot. Je réfléchis sérieusement avant de prendre la parole ou d'écrire. Je crois que c'est une question d'apaisement.

L'honorable André Pratte : Le sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Wells : Oui, sénateur Pratte.

Le sénateur Pratte : Merci. Je suis très attaché à la tradition. J'étudie aussi, modestement, l'histoire.

Certaines traditions finissent par passer et par tomber dans l'oubli. Il arrive souvent que, avec le temps, l'histoire soit interprétée différemment. Pendant longtemps, nous avons négligé le rôle des femmes dans l'histoire, tout comme celui des Autochtones.

Selon vous, qu'est-ce qui distingue les traditions qui doivent avoir une place permanente dans notre histoire de celles qui finissent par passer? Par exemple, les paroles de la version française de l'hymne national sont dépassées, pourrait-on dire, et ont fini par ne plus avoir beaucoup de signification pour bien des francophones. Peut- être qu'elles ne devraient pas être modernisées, en un certain sens.

Le sénateur Wells : Je vous remercie de votre question, sénateur Pratte.

S'il est une chose que nous ne pouvons pas changer, c'est notre histoire. Elle est le fondement de ce que nous sommes aujourd'hui.

Je ne veux pas dire qu'il ne s'est rien passé. Je dis sincèrement et simplement que ce que le Canada est aujourd'hui, tout comme ce que chacun de nous est aujourd'hui, est le produit de notre passé.

Je ne dis pas que les femmes n'ont pas joué un rôle important. Bien sûr, elles en ont joué un, tout comme les hommes. Je ne fais pas cette distinction entre hommes et femmes dans notre histoire.

Notre hymne fait partie de notre histoire. Je ne pense pas que même les plus ferventes féministes aient honte, en entendant l'hymne national, du fait qu'il n'est pas neutre ni politiquement correct. Je ne le crois tout simplement pas.

L'hymne national, tout comme le drapeau, ces murales et toutes nos traditions font partie de nos fondements. Je vois cela comme une partie très importante de nos fondements que nous ne pouvons pas changer au gré d'une mode, car c'est d'une mode qu'il s'agit ici, selon moi.

L'honorable Art Eggleton : Vous avez parlé du drapeau. Il y a eu un changement qui s'est produit au début des années 1960. Nous avons tous adopté le drapeau tel qu'il existe aujourd'hui.

En fait, le changement de drapeau me rappelle une modification de l'hymne national. L'Ô Canada n'a pas toujours eu le passage « in thy sons command ». Il y avait d'autres paroles qui étaient du reste plus proches de ce que la sénatrice Nancy Ruth et le regretté député Mauril Bélanger ont proposé.

Pourquoi vous est-il si difficile d'accepter cette modification alors que, en fait, les paroles de l'Ô Canada ont déjà été modifiées par le passé?

Le sénateur Wells : Merci, sénateur Eggleton.

Depuis 1980, le texte n'a pas changé. Depuis que c'est notre hymne national, les paroles sont celles-là. Vous vous rappellerez que, il y a quelques années, en 2007 ou 2008, le Parti conservateur a essayé d'apporter des modifications. L'opinion a eu tôt fait de les rejeter.

Notre hymne est notre hymne. C'est le chant qui nous représente lorsque nous ressentons un sentiment de fierté, avant une partie de hockey ou, lorsque j'étais enfant, avant la classe.

Pour répondre directement à votre question, le texte n'a pas changé depuis que ce chant est notre hymne national.

(Sur la motion du sénateur MacDonald, le débat est ajourné.)

(1630)

L'étude sur les questions relatives à l'examen de la politique de défense entrepris par le gouvernement

Septième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense et demande de réponse du gouvernement— Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du septième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, intitulé Déploiements de l'ONU : Prioriser nos engagements au Canada et à l'étranger, déposé auprès du greffier du Sénat le 28 novembre 2016.

L'honorable Daniel Lang : Honorables sénateurs, je propose :

Que le rapport soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de la Défense nationale étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport.

— Honorables sénateurs, je suis ravi de prendre la parole au sujet du rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, intitulé Déploiements de l'ONU : Prioriser nos engagements au Canada et à l'étranger.

Adopté par le comité à l'unanimité, le rapport est le fruit d'un travail considérable qui visait à se pencher et à faire rapport sur les questions liées à l'examen de la politique de défense que le ministre de la Défense nationale nous a recommandé d'étudier au nom du gouvernement.

Avant d'expliquer le contenu du rapport, je tiens à saluer la précieuse collaboration de notre personnel, y compris le greffier du comité, Adam Thompson, l'adjoint législatif de la sénatrice Jaffer, Alex Mendes, le conseiller en politiques du sénateur Carignan, Wes McLean, mon directeur des politiques, Naresh Raghubeer, ainsi que Katherine Simmons et Holly Porteous, de la Bibliothèque du Parlement.

Je remercie également les membres du comité de leur contribution à cette étude, en particulier la sénatrice Jaffer, vice-présidente du comité, ainsi que le troisième membre du comité directeur, le sénateur Dagenais. J'aimerais aussi remercier tout particulièrement le sénateur Kenny des conseils qu'il m'a offerts.

Chers collègues, avec ce rapport, le comité a terminé la première partie de son étude. Nous avons l'intention d'achever la deuxième, qui traite particulièrement des questions liées à l'examen de la politique de défense, au début de 2017.

Dans le cadre de cette étude, le comité a entendu 45 témoins et a effectué une visite d'information au quartier général des Nations Unies à New York, en octobre 2016.

D'une façon générale, le comité convient que la participation à des opérations de soutien de la paix est un but louable. Toutefois, nous ne pouvons pas perdre de vue que les ressources militaires canadiennes sont déjà utilisées au maximum.

Le Canada a des engagements envers le NORAD et l'OTAN qui ne sont que partiellement honorés. En fait, les dépenses consacrées à la défense sont inférieures à 1 p. 100, et il nous faudrait environ 20 milliards de dollars de plus pour respecter notre engagement de 2 p. 100. De plus, le Canada a, en matière de sécurité nationale et de défense, ses propres obligations qui constituent notre première priorité.

Même si on parle beaucoup de « réengagement », le Canada n'a jamais cessé de contribuer aux Nations Unies. Au cours de notre étude, nous avons appris que le Canada fait chaque année une contribution d'environ 1,5 milliard de dollars aux programmes et aux agences de l'ONU, dont 324 millions en 2015-2016 pour les opérations de soutien de la paix.

Plus de 100 Canadiens sont actuellement déployés dans le cadre de missions des Nations Unies. En outre, plus de 1 000 militaires sont déployés dans le cadre des missions de la coalition et de l'OTAN en Irak, en Syrie et en Ukraine, sans compter 455 autres qui seront déployés l'année prochaine en Lettonie.

Le comité note que le Canada a une fière tradition puisque 120 000 Canadiens ont participé à des missions de maintien de la paix de l'ONU et que 122 d'entre eux y ont perdu la vie.

Chers collègues, les missions de maintien de la paix de l'ONU ont radicalement changé avec le temps. Aujourd'hui, elles se déroulent à des endroits où il n'y a souvent pas de paix à maintenir. Il s'agit beaucoup plus de soutenir la paix et de protéger les civils que de mener une opération traditionnelle de maintien de la paix, dans laquelle les parties ont convenu de mettre fin aux hostilités et de laisser des observateurs internationaux surveiller la paix.

Le comité a noté que « les Forces armées canadiennes ont beaucoup d'engagements en cours, notamment en ce qui concerne notre défense nationale et notre contribution au NORAD et à l'OTAN ».

Quels sont ces besoins? Je vais en citer quelques-uns.

Nous sommes actuellement bien en deçà du nombre de réservistes dont nous avons besoin, soit environ 10 000. Cette augmentation est essentielle et doit être financée sur une base permanente.

Nous devons investir dans le recrutement, l'entraînement et le maintien de notre personnel militaire dans toutes les unités, y compris la Réserve, la Force régulière et l'aviation.

Nous devons veiller à assurer un plein soutien aux membres de nos forces avant et après leur déploiement, et aussi après leur retraite. Il vaut la peine de signaler que les cas de trouble de stress post-traumatique sont plus nombreux pour les missions de l'ONU que pour les missions militaires ordinaires. Les besoins dans ce domaine sont importants, notamment en ce qui concerne le trouble de stress post-traumatique et les suicides.

Honorables collègues, j'ai eu l'occasion, plus tôt aujourd'hui, d'accueillir ici le sénateur Dallaire, qui est venu présenter le livre qu'il vient de faire paraître. Il a dit dans son exposé que plus de 3 000 anciens combattants sont actuellement des sans-abris, vivent dans la rue et n'obtiennent que très peu de services.

Voilà quelques-unes des obligations dont il faut nous acquitter.

De plus, nous avons un déficit de financement de 1 milliard de dollars, que le vérificateur général a confirmé hier, dans le domaine de l'équipement et du soutien de l'entretien.

Dans le cas de l'équipement, nous avons appris qu'il y a des manques de capacité auxquels le Canada doit remédier, comme le remplacement de notre flotte de sous-marins, le transport aérien, les hélicoptères tactiques, le remplacement des hélicoptères Sea King, l'acquisition d'une flotte de drones et bien plus encore.

Nous devons en outre nous occuper du remplacement de notre réseau de préalerte dans le Nord, qui devient désuet, ainsi que de notre participation à la défense antimissile balistique.

Tous ces enjeux touchent la sécurité nationale et la défense du Canada, ainsi que sa souveraineté.

Chers collègues, avant que le Canada prenne d'autres engagements à l'égard des opérations de soutien de la paix des Nations Unies, le comité souhaite attirer l'attention du gouvernement sur l'énoncé relatif à l'intérêt national que voici :

Avant de prendre de nouveaux engagements à l'égard d'opérations de soutien de la paix des Nations Unies, le gouvernement du Canada doit s'assurer que les Forces armées canadiennes disposent du financement requis pour répondre aux priorités opérationnelles nationales et internationales actuelles.

Le rapport contient huit recommandations dont j'aimerais vous parler brièvement. La première est fondée sur le principe du gouvernement ouvert, de la transparence et de la reddition de comptes au Parlement, et sur la nécessité d'obtenir un consensus national lorsqu'on envisage de déployer des Canadiens dans un endroit où ils risqueront leur vie.

La recommandation se lit comme suit :

Que le gouvernement du Canada soumette aux deux Chambres du Parlement un « énoncé justificatif » donnant les détails de tous les déploiements des Nations Unies — comme la taille de la mission, ses objectifs, les risques encourus, les coûts, les règles d'engagement et un plan de déploiement à durée déterminée —, de manière à obtenir un soutien bipartite et multipartite, dans le cadre d'un débat parlementaire ouvert, avant la confirmation de la participation et le déploiement de membres des Forces armées canadiennes.

La tenue d'un débat parlementaire à propos des missions permettrait de confirmer que le déploiement de nombreux militaires reçoit l'appui des Canadiens, par l'entremise de leurs représentants au Parlement.

Le comité a examiné la correspondance échangée par le gouvernement du Royaume des Pays-Bas et le Parlement des Pays-Bas en 2013, lorsqu'ils envisageaient de déployer des militaires néerlandais et de l'équipement au Mali pour soutenir une mission des Nations Unies.

La lettre produite par les divers ministres qui ont travaillé au dossier brille par sa clarté et sa transparence. Le comité y voit un excellent exemple, que le Canada devrait suivre. C'est pourquoi nous avons placé une copie de la lettre en annexe du rapport.

La première recommandation demande la tenue d'un débat et d'un vote. Elle rappelle que — comme le soulignait John Fraser dans une décision rendue en 1989, alors qu'il était Président de la Chambre des communes — le Canada est une démocratie parlementaire, et « non pas une démocratie exécutive ou administrative ». Voilà un principe important, chers collègues.

Voici notre deuxième recommandation : « Que le gouvernement du Canada formule clairement les règles d'engagement destinées au personnel canadien déployé à l'étranger, de manière à ce que les militaires et policiers canadiens prennent les dispositions appropriées pour se protéger eux-mêmes ou protéger les civils contre tout préjudice ou abus. »

C'est là une réaction aux lacunes d'engagements antérieurs dans des opérations de maintien de la paix de l'ONU où des Canadiens ont été exposés à des dangers ou n'ont pas pu intervenir pour sauver des vies. Cela ne doit plus jamais se reproduire.

(1640)

Dans son témoignage, notre ancien collègue, le lieutenant-général à la retraite Roméo Dallaire, a rappelé au comité que nous avons échoué en 1990 parce que nos forces armées étaient axées sur l'expérience. Notre structure dirigeante a failli à sa tâche, et la Somalie en a simplement été le paroxysme.

Notre troisième recommandation est très claire : que le gouvernement du Canada accélère la mise en œuvre de la résolution 1325; qu'il favorise l'inclusion d'un plus grand nombre de femmes dans tous les aspects des opérations de soutien de la paix; qu'il s'assure que le personnel canadien et onusien déployé reçoit une formation poussée concernant le programme sur les femmes, la paix et la sécurité. Il nous faut plus de gestes concrets et moins de discours. C'est là une question importante qui a été soulevée au Sénat par le passé. Le dossier a été porté par nos collègues, la sénatrice Nancy Ruth et la sénatrice Jaffer, vice-présidente du comité. Nous attendons du Canada qu'il prenne des mesures sur ce front.

Notre quatrième recommandation prend acte du fardeau que peut représenter pour les Canadiens d'expression française un déploiement dans un pays francophone, et demande au gouvernement du Canada d'élaborer une stratégie pour mieux soutenir les membres des unités déployées et leur famille.

Notre cinquième recommandation demande au gouvernement de s'assurer qu'il y a suffisamment de ressources financières et de soutien disponibles pour les femmes et les hommes qui reviennent de missions de soutien de la paix dangereuses, et plus particulièrement pour ceux qui développent des troubles de stress post-traumatique.

Dans sa sixième recommandation, le comité demande au gouvernement de prioriser et d'axer ses efforts de façon à soutenir le renforcement de la capacité d'organisations régionales comme l'Organisation des États américains et l'Union africaine. Il estime qu'il faut accorder à la question une certaine attention et déterminer des critères précis de réussite.

À propos du renforcement des capacités, des témoins ont recommandé que le Canada s'engage davantage dans la formation — notamment des militaires et des policiers des pays en développement — et fournisse des services de renseignement et du matériel au lieu d'envoyer des effectifs sur le terrain. Le comité est d'avis que, s'il s'engageait davantage dans la formation, le Canada contribuerait au renforcement de la capacité à long terme pour les organisations régionales et les pays en développement qui déploient des troupes de façon qu'ils satisfassent à des normes de rendement de base. De là la septième recommandation, qui porte sur ce domaine.

Notre dernière recommandation demande au gouvernement de travailler avec le secrétaire général des Nations Unies pour définir et mettre en œuvre un cadre afin d'intenter des poursuites contre les auteurs d'infractions liées à des cas d'exploitation ou d'agressions sexuelles, de traite des personnes, de maltraitance de mineurs et de prostitution, commises pendant des opérations de soutien de la paix des Nations Unies. Les Nations Unies sont une œuvre en constante évolution. Bien qu'on en parle souvent, la réforme prend du temps à se concrétiser. Des changements s'imposent au sein du Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, en particulier en ce qui concerne la façon dont les missions sont gérées. Il doit également y avoir une reddition de comptes accrue pour les Casques bleus qui abusent de leur poste et violent les droits des femmes, des mineurs ou des minorités.

Chers collègues, en conclusion, je demande à tous les sénateurs d'adopter cet important rapport et de donner au gouvernement l'occasion de répondre à nos recommandations.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion du sénateur Day, au nom de la sénatrice Jaffer, le débat est ajourné.)

Le travail législatif du Sénat

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Bellemare, attirant l'attention du Sénat sur le travail législatif qu'a accompli le Sénat de la 24e à la 41e législature et concernant des éléments d'évaluation.

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, le débat sur cette interpellation est ajourné à mon nom, et je tiens à assurer à la sénatrice Bellemare que je prends la question très au sérieux et souhaite avoir l'occasion d'en débattre et de l'examiner pleinement ici, dans cette enceinte.

Pour l'instant, j'aimerais que l'ajournement demeure à mon nom, mais je donne l'assurance que je traiterai de la question au moment opportun, lorsque l'examen des projets de loi le permettra.

(Sur la motion de la sénatrice Andreychuk, le débat est ajourné.)

[Français]

Langues officielles

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur les défis liés à l'accès aux écoles françaises et aux programmes d'immersion française de la Colombie-Britannique

L'honorable Claudette Tardif, conformément au préavis donné le 30 novembre 2016, propose :

Que, nonobstant l'ordre de renvoi du Sénat adopté le mercredi 20 avril 2016, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des langues officielles concernant son étude sur les défis liés à l'accès aux écoles françaises et aux programmes d'immersion française de la Colombie- Britannique soit reportée du 15 décembre 2016 au 30 mars 2017.

— Honorables sénateurs, votre Comité permanent des langues officielles demande que la date du rapport final soit reportée du 15 décembre 2016 au 30 mars 2017.

À la suite de notre mission d'étude en Colombie-Britannique, il s'est avéré nécessaire d'entendre davantage de témoins sur le sujet, ici, à Ottawa. La rédaction du rapport ne pourra donc commencer qu'en 2017, et il pourra être ensuite déposé au Sénat avant le 30 mars 2017.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Droits de la personne

Autorisation au comité de déposer son rapport sur l'étude des mesures prises pour faciliter l'intégration des réfugiés syriens nouvellement arrivés et les aider à surmonter les difficultés qu'ils vivent auprès du greffier pendant l'ajournement du Sénat

L'honorable Jim Munson, conformément au préavis donné le 30 novembre 2016, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat, entre le 5 décembre et le 16 décembre 2016, son rapport sur les mesures prises pour faciliter l'intégration des réfugiés syriens nouvellement arrivés, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

— Honorables sénateurs, j'aimerais dire brièvement quelques mots, puisqu'il se fait tard.

En tant que président du Comité des droits de la personne, je peux vous dire que nous étudions sérieusement la question de l'intégration des réfugiés syriens. Vous vous rappellerez peut-être que nous avions fait des observations en juin dernier. Le temps presse, et il s'agit d'un aperçu sur la façon dont les réfugiés s'intègrent à la société, tant les réfugiés parrainés par le gouvernement et les réfugiés du Programme mixte que les réfugiés parrainés par le secteur privé.

(1650)

Nous sommes d'avis que le rapport mérite, de toute évidence, une grande couverture médiatique et nous planifions tenir une conférence de presse mardi prochain, à 10 heures, dans l'Amphithéâtre national de la presse, où nous expliquerons en détail les recommandations visant à combler certaines des lacunes possibles. Le Canada a accompli un travail incroyable relatif au parrainage de réfugiés et a assumé la responsabilité morale qui en découle. Cependant, après avoir entendu les propos de nombreux défenseurs, de gens qui parrainent des familles et de fonctionnaires, nous pensons que certaines lacunes doivent être comblées et qu'il faut aider davantage les réfugiés syriens.

Voilà, en gros, la situation sur laquelle nous voulons tenir une conférence de presse avec les sénateurs. Je souhaite remercier les sénateurs qui ont collaboré à ce rapport, dont la sénatrice Omidvar — qui se trouve maintenant à deux pas de moi et qui me garde à l'œil en tant qu'indépendante pour s'assurer que je fais mon travail —, la sénatrice Ataullahjan et le sénateur Ngo, qui ont siégé au comité directeur, de même que les sénatrices Andreychuk, Martin et Hubley et les autres membres du comité. Nous aimerions présenter le rapport mardi à l'Amphithéâtre national de la presse.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils d'accord avec la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

La sécurité des oléoducs

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Percy Mockler, ayant donné préavis le 1er novembre 2016 :

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur la question de la sécurité des oléoducs au Canada et sur le projet d'édification nationale que représente la proposition Énergie Est ainsi que ses retombées pour l'économie canadienne.

— Honorables sénateurs, cette interpellation sur Énergie Est est un agent stimulant pour moi ainsi que pour plusieurs autres personnes à travers le pays et, plus particulièrement, dans l'Est du Canada.

Cette interpellation est un agent stimulant pour moi, parce que je suis motivé par l'action plutôt que l'inaction. Ceux qui me connaissent bien savent que j'ai toujours travaillé dans le but de prendre des décisions basées sur des faits et des preuves scientifiques plutôt que sur des spéculations. Il n'y a aucun doute dans mon esprit que l'Office national de l'énergie sera en mesure de faire la lumière sur le projet Énergie Est.

[Traduction]

Honorables sénateurs, l'Office national de l'énergie bénéficie de toute ma confiance, parce que je crois que l'innovation n'est pas notre ennemie, mais plutôt notre amie.

[Français]

L'objectif de cette interpellation, c'est de mettre en évidence la sécurité des oléoducs, l'importance du projet Énergie Est ainsi que les retombées économiques qui en découleront. Je ne doute pas un seul instant que notre pays en sortira gagnant. On ne peut trop insister sur ces enjeux.

Par cette intervention, j'entends démontrer que les progrès accomplis dans le domaine de la sécurité des oléoducs, les mécanismes en place pour atténuer les risques et, enfin, le caractère essentiel d'Énergie Est en tant que réalisation économique seront avantageux pour tous les Canadiens et Canadiennes, peu importe où nous vivons.

J'encourage mes collègues à participer à ce débat. Honorables sénateurs, n'oubliez pas : les mots sont importants.

Lorsqu'il est question de construction d'oléoducs, il me semble que ce sont les mots des voix adverses qui se font le plus entendre. Il est grand temps que nous rétablissions les faits afin d'informer le public canadien. C'est notre devoir, en tant que parlementaires engagés dans un processus décisionnel qui doit être basé sur des faits scientifiques.

Les faits sont éloquents. Permettez-moi de les partager avec vous et, ensemble, nous allons conclure de l'importance de ce grand projet national.

[Traduction]

Honorables sénateurs, le mouvement d'opposition aux oléoducs a été renforcé par la décision du président Obama de rejeter le projet Keystone XL. Cependant, ce rejet doit être envisagé dans le contexte des considérations politiques nationales des États-Unis. C'est un fait que les États-Unis ont augmenté leur production de pétrole depuis que M. Obama occupe la Maison-Blanche.

De plus, l'industrie de la construction d'oléoducs est en plein essor. John Stoody, porte-parole de l'Association of Oil Pipe Lines, a fait valoir ce qui suit dans un article publié en décembre 2014 dans le Financial Post :

Pendant que les gens débattaient du projet Keystone, aux États-Unis, nous avons en fait construit l'équivalent de 10 oléoducs Keystone.

De 2009 à 2015, plus de 54 000 kilomètres d'oléoducs ont été construits ou convertis aux États-Unis, au sud du Canada. De ce nombre, plus de 30 000 kilomètres servent au transport de pétrole brut, et personne ne s'est plaint.

De façon générale, nos voisins américains approuvent la construction d'oléoducs. Honorables sénateurs, le Canada devrait faire de même, mais en se fondant sur des données scientifiques.

Ensuite, l'exportation aux États-Unis de pétrole canadien a augmenté de façon considérable depuis le début du premier mandat de Barack Obama.

[Français]

Qu'est-ce que cela nous apprend? Qu'est-ce que cela veut dire? Les oléoducs sont sécuritaires. Il y a une demande pour le pétrole canadien, et son transport par oléoduc est préférable au transport par chemin de fer. Pensons seulement à Lac-Mégantic. Le transport par oléoduc est l'infrastructure la plus sécuritaire au monde.

Honorables sénateurs, en termes de sécurité, on a mis au point des mécanismes pour alerter un centre de contrôle s'il se produisait une fuite ou tout autre problème relatif au fonctionnement de l'oléoduc.

Il faut voir la réalité en face et reconnaître les faits : le transport ferroviaire du pétrole a connu une augmentation exponentielle au cours des dernières années. C'est un incontournable. Nous mettons à risque nos villes, nos villages, nos exploitations agricoles et forestières, en plus d'accroître les gaz à effet de serre, qui doivent absolument diminuer. Cela ne fait aucun doute dans mon esprit.

Je crois qu'il est paradoxal que certains groupes s'opposent à la présence d'un oléoduc dans leur collectivité, alors qu'ils ne semblent pas se rendre compte que le pétrole transporté en train à travers les villes et les villages est beaucoup plus menaçant pour la qualité de vie de nos populations, de nos régions et de nos collectivités.

Honorables sénateurs, que préférons-nous? Un risque accru de déversement de pétrole au cours d'un déraillement de train ou un oléoduc efficace et sophistiqué doté de nouvelles technologies, tel que le proposent TransCanada et Énergie Est?

[Traduction]

Honorables sénateurs, nous devons également tenir compte du fait que le pétrole fera partie des sources d'énergie utilisées à l'échelle mondiale pendant de nombreuses décennies à venir. Nous devons toutefois nous préoccuper également des émissions de dioxyde de carbone.

Le pétrole est l'un des principaux ingrédients qui composent de nombreux produits que nous utilisons chaque jour, qu'il s'agisse de vêtements, de produits pharmaceutiques, de pièces d'automobiles ou de produits alimentaires.

Je crois fermement qu'une question doit être posée et que cette question mérite une réponse. D'où le pétrole devrait-il provenir? Certains affirment qu'il devrait provenir de pays étrangers, de pays pouvant ne pas respecter les droits de la personne et l'environnement de la même façon que nous le faisons au Canada et en Amérique du Nord.

(1700)

Pour être tout à fait honnêtes, nous savons que le pétrole continuera d'être vendu. Le Canada, à titre de meilleur pays du monde, doit avoir la capacité de soutenir la concurrence sur les marchés internationaux.

Honorables sénateurs, sans accès aux côtes — qu'Énergie Est doit réaliser —, nous serons désavantagés dans le monde par rapport à nos concurrents. Si nous rejetons Énergie Est, nous enverrions un message incohérent à nos concitoyens et au reste du monde. Nous aurions l'air de dire que même si le pétrole fait partie intégrante de notre économie, nous ne sommes pas disposés à en optimiser les retombées.

Pour moi, il n'y a pas de doute que, en créant de la richesse dans l'Est du Canada, nous en créerons partout dans le pays. Nous devons construire l'oléoduc Énergie Est et relier notre plus importante raffinerie, Irving Oil de Saint John, au Nouveau- Brunswick et au reste du monde en aménageant un accès à la mer et en créant de bons emplois, de meilleurs emplois pour tous les Canadiens.

Honorables sénateurs, c'est là une occasion d'édification de la nation. Elle mènerait à une hausse de la production de pétrole et permettrait un transport efficace à destination des marchés.

Honorables sénateurs, permettez-moi de vous faire part de quelques renseignements concernant l'Alberta. Depuis longtemps, l'Alberta est un pilier de l'économie canadienne. Nous en avons profité, malgré les défis que nous affrontons actuellement. Je suis sûr que l'Alberta sortira de la crise plus forte que jamais et qu'elle créera des emplois bien rémunérés pour tous les Canadiens.

Comme parlementaires, nous devons tout faire pour aider nos concitoyens du Canada. Je suis persuadé qu'Énergie Est est le projet de l'avenir. Permettre à l'Alberta d'avancer, c'est faire avancer le Canada. Le succès de l'Alberta a l'avantage de se répercuter positivement sur toute l'économie canadienne et de créer la richesse que nous avons déjà vue.

Je m'explique. Le terminus final, à Saint John, au Nouveau- Brunswick, permettrait d'expédier le pétrole de l'Ouest aux différents marchés du monde par l'océan Atlantique. Saint John est la porte qui donne accès au monde. La raffinerie Irving est particulièrement bien positionnée pour transformer le produit et l'envoyer aux marchés mondiaux.

Honorables sénateurs, ce projet ne comporte que très peu de valeurs contraires, du moins pour ceux qui croient à l'exploitation responsable du pétrole. Quant à ceux qui pensent que le pétrole devrait rester dans le sol, cet argument ne les persuadera pas parce que rien ne peut les convaincre. Je crois cependant que les Canadiens comprennent, en grande partie, la réalité. À titre de parlementaires, nous avons le devoir de la renforcer indépendamment de l'endroit où nous vivons.

C'est un fait que 7 habitants sur 10 au Nouveau-Brunswick appuient Énergie Est. Dans le Canada atlantique, nous l'appuyons aussi.

Comme vous le savez, les marchés n'attendent pas. Plus il y aura d'atermoiements, plus il sera facile pour nos concurrents d'augmenter leur part du marché. Nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre plus longtemps. Le temps presse. Le gouvernement doit agir maintenant.

Les familles de travailleurs de l'Alberta, du Nouveau-Brunswick et de tout le Canada s'attendent à ce que leurs décideurs fassent preuve d'audace et de courage dans le cas du projet Énergie Est. Nous ne pouvons pas nous abandonner à l'indécision. Autrement, nous manquerions des occasions économiques essentielles, qui nous permettraient de créer des emplois pour nos enfants. Nous ne pouvons pas laisser tomber les millions de Canadiens qui veulent travailler fort pour assurer un bon avenir à leurs enfants et à leurs petits-enfants et qui aspirent à une meilleure qualité de vie.

Honorables sénateurs, nous avons l'obligation de nous battre sans cesse pour la prospérité de notre population, indépendamment de l'endroit où nous vivons. Nous n'avons pas le droit d'en faire moins.

Honorables sénateurs, Énergie Est représente une occasion parfaite, qui a, en plus, l'avantage de ne pas utiliser un seul dollar de l'argent des contribuables pour construire l'oléoduc. Tout sera financé par le secteur privé, comme il se doit.

[Français]

Honorables sénateurs, le Canada doit être en mesure d'affronter la concurrence sur les marchés internationaux, chose qu'il peut réussir. Sans accès aux ports de mer, accès que garantit Énergie Est, le Canada sera en position de « désavantage concurrentiel ». Si nous n'allons pas de l'avant avec le projet Énergie Est, nous envoyons un message incohérent à nos concitoyens canadiens et à la communauté internationale. C'est comme dire que le pétrole fait partie intégrante de notre économie et de notre culture, sans pour autant maximiser les occasions de le mettre en valeur. C'est une position bizarre et indéfendable.

[Traduction]

Honorables sénateurs, ne soyons pas aveugles. L'oléoduc Énergie Est est très important comme projet d'édification de la nation. Il est impératif de continuer à mettre ses avantages en évidence. J'aime aussi sa sécurité.

À titre de parlementaires, honorables sénateurs, souvenons-nous de notre passé et des projets d'édification de la nation dont nous avions convenu et qui ont fait du Canada le meilleur pays du monde. N'oublions pas que la construction du chemin de fer d'est en ouest était un impératif pour le Canada. N'oublions pas que la construction de la route Transcanadienne...

[Français]

Son Honneur le Président : Sénateur Mockler, votre temps de parole est écoulé. Désirez-vous cinq minutes de plus?

Le sénateur Mockler : Oui.

[Traduction]

Le sénateur Mockler : La construction de la route Transcanadienne était aussi un impératif pour le Canada, tout comme la Voie maritime du Saint-Laurent, nos services aériens, le Pacte de l'automobile et l'industrie aérospatiale, qui ont joué un rôle important en faisant du Canada ce qu'il est aujourd'hui. La mise en place d'un câble de fibre optique allant d'un océan à l'autre était également un impératif.

Honorables sénateurs, Énergie Est est un impératif, et je ne doute pas un seul instant que ce soit un projet d'édification de la nation.

Je voudrais attirer votre attention sur les préoccupations relatives à la sécurité du transport soulevées à Saint John, au Nouveau- Brunswick, lorsque nous avons parlé de la baie de Fundy au cours des audiences du Comité des transports, que dirige avec compétence l'honorable sénateur MacDonald. Je tiens à vous informer que toute la baie de Fundy est couverte par une équipe de réaction d'urgence de l'Atlantique, l'Atlantic Emergency Response Team, ou ALERT. L'équipe, créée en 1991, est autorisée en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada à s'occuper des urgences environnementales. Chaque pétrolier qui entre dans la baie de Fundy doit aujourd'hui avoir un contrat avec ALERT.

La raffinerie de Saint John, le terminal Canaport et le terminal Saint John Est ont sur place des équipes de réaction d'urgence comptant plus de 200 membres. Il y a environ 26 membres de garde pendant chaque poste de travail. Ils ont à leur disposition des camions d'intervention rapide, un camion-citerne d'incendie, un véhicule de commandement et d'autres véhicules destinés à réagir à différents cas d'urgence, comme des incendies, des fuites, des déversements et des incidents médicaux.

C'est un fait qu'Énergie Est est le moyen le plus sûr et le plus respectueux de l'environnement pour expédier le pétrole brut de l'Ouest à destination de l'Est du Canada et des marchés internationaux. Une étude réalisée en 2015 par l'Institut Fraser appuie cette affirmation. L'étude a conclu que les oléoducs sont 4,5 fois plus sûrs que le chemin de fer pour transporter le pétrole brut sur de grandes distances.

Honorables sénateurs, le transport par oléoduc produit aussi moins d'émissions de gaz à effet de serre que les autres modes de transport. En 2015, les raffineries du Québec et du Canada atlantique ont importé en moyenne 566 000 barils de pétrole par jour de pays tels que les États-Unis, l'Arabie saoudite et le Nigeria. Au prix moyen du pétrole de l'an dernier, c'est une somme quotidienne de 35 milliards de dollars qui quitte l'économie canadienne alors qu'elle pourrait continuer à y circuler et créer des emplois.

(1710)

À titre de parlementaires, nous devons agir maintenant. Nos décisions doivent être fondées sur des données scientifiques plutôt que sur des conjectures et des rumeurs.

[Français]

En conclusion, comme le disait très bien M. Patrick Lacroix lors d'une présentation au nom d'Énergie Est à Saint John, au Nouveau- Brunswick, devant le Comité des transports, et je cite :

[...] Énergie Est est le moyen le plus sûr et le plus respectueux de l'environnement pour transporter le pétrole brut de l'ouest vers l'est. Nous nous engageons à fournir ce produit en toute sécurité, de façon responsable et fiable, et notre objectif est d'avoir zéro incident.

[Traduction]

Enfin, l'oléoduc Énergie Est est un projet de 15,7 milliards de dollars, entièrement financé par le secteur privé, qui s'étendra sur un total de 4 500 kilomètres, de l'Alberta à Saint John, au Nouveau- Brunswick. Ce projet présente une caractéristique unique : une partie de l'oléoduc, quelque 3 000 kilomètres allant de la frontière entre l'Alberta et la Saskatchewan jusqu'à l'Est de l'Ontario, est en fait un gazoduc existant converti. Son impact environnemental est donc grandement réduit.

Honorables sénateurs, le projet Énergie Est permettra d'acheminer du pétrole brut vers deux raffineries au Québec, l'une à Montréal et l'autre près de Québec, ainsi que vers la raffinerie Irving Oil à Saint John, au Nouveau-Brunswick. Faisons front commun pour faire savoir au gouvernement que le projet Énergie Est contribuera à l'édification du pays.

Des voix : Bravo!

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, mon bon ami, le sénateur Mockler, sera heureux d'apprendre que j'appuie presque tout ce qu'il a dit — j'ai bien dit « presque ». Dans le cadre de son examen du dossier des pipelines, le Comité des transports nous a rappelé l'un des problèmes qui se posent : les Canadiens ne comprennent pas la situation dans laquelle nous nous trouvons. Nous avons un seul client pour notre produit, et ce sont les Américains. Cet unique client est donc en position de force : il peut exiger certains avantages qui seraient impensables sur un marché mondial. Par exemple, les Américains n'achètent le pétrole brut qu'au prix du West Texas Intermediate plutôt qu'aux prix des marchés mondiaux

Cela signifie qu'on perd de l'argent. Il faut atteindre un autre marché, il faut s'y rendre rapidement et il faut être en mesure de vendre selon les cours mondiaux. Il faut être en mesure d'obtenir davantage d'argent, ce qui signifie des revenus supplémentaires, davantage d'impôts et de taxes — et des revenus qui vont en Saskatchewan et en Alberta. Cela signifie aussi qu'il y aura de l'argent supplémentaire pour le pays tout entier, ce qui est primordial.

Voilà l'une des choses sur lesquelles le sénateur Mockler et moi nous entendons, mais il faut le rappeler aux Canadiens. Il ne s'agit pas seulement d'ouvrir de nouveaux marchés. Il s'agit de vendre selon les cours mondiaux plutôt que d'accepter le prix réduit que paient nos amis états-uniens.

Sénateur Mockler, votre discours allait si bien jusqu'au moment où vous avez parlé du terminal à Saint John, au Nouveau- Brunswick.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Mercer : Cela allait si bien jusqu'à ce moment-là, sénateur Mockler. Je l'ai noté sur une feuille et je me suis ensuite dit : « Eh bien », puis je l'ai rayé. J'ai rayé « Saint John, au Nouveau- Brunswick » parce qu'il est crucial que l'oléoduc soit accessible à la raffinerie de Saint John. Il s'agit d'une raffinerie que je viens tout juste de visiter et qui a tout mon soutien. Si vous habitez dans le Canada atlantique, votre choix de station-service ne change rien parce que tout provient d'Irving de toute façon. C'est la seule raffinerie en activité sur la côte Est.

Le terminal de l'oléoduc Énergie Est ne devrait pas se trouver à Saint John. L'oléoduc devrait passer par Saint John, et être mis à disposition de la raffinerie Irving. Le terminal devrait se trouver dans le détroit de Canso, en Nouvelle-Écosse. Tout le pétrole que l'on importe arrive par le détroit de Canso jusqu'à un port libre de glaces qui est déjà équipé d'un grand parc de stockage. Les plus grands bateaux du monde peuvent pénétrer dans ce port sans problème. Nous avons visité cet endroit. Il y a un grand parc de stockage et un autre parc de stockage qui pourrait être agrandi très rapidement si nécessaire.

Le principal enjeu sur lequel nous devons nous pencher lorsque nous parlons du détroit de Canso, c'est le fait qu'il se trouve dans l'océan Atlantique. Il n'est pas situé dans la zone écologiquement fragile de la baie de Fundy. Trop souvent, quand nous parlons de cet oléoduc et des navires dans la baie de Fundy, nous ne nous inquiétons que des effets sur le Nouveau-Brunswick. Toutefois, une baie n'est une baie que s'il existe un littoral opposé et, dans ce cas-ci, ce sont les pêcheries de la Nouvelle-Écosse que l'on retrouve de l'autre côté. Vous aurez tous ces pétroliers supplémentaires qui traversent la baie de Fundy, tandis que si vous ajoutez l'extrémité terminale dans le détroit de Canso, vous vous retrouvez alors dans l'océan Atlantique, qui n'est pas aussi vulnérable écologiquement, et les questions épineuses sont évitées. Nous savons que les baleines noires passent l'été dans la baie de Fundy. Il s'agit d'une espèce en péril, et augmenter le trafic de pétroliers n'aide pas la situation.

Vous avez également omis de mentionner que nous devons négocier avec les Premières Nations au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et au Québec. Cela doit être fait.

Il existe actuellement un pipeline qui part de la frontière américaine et qui traverse le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle- Écosse; il est utilisé pour transporter du gaz naturel du champ de l'île de Sable. On nous a dit que les réserves de ce champ seront bientôt épuisées. Étant donné qu'aucun nouveau champ commercialement viable n'a été trouvé au large de la côte, ce pipeline pourrait peut-être être inversé, comme vous avez déjà parlé d'inverser un autre pipeline. Procéder ainsi éliminerait aussi le besoin d'obtenir certaines approbations environnementales étant donné que le travail a déjà été fait pour le pipeline existant.

Sénateur Mockler, c'est une bonne idée d'avoir lancé cette interpellation, et j'espère que nous entendrons aussi beaucoup d'autres intervenants se prononcer dans le cadre de celle-ci.

(Sur la motion du sénateur Mercer, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne à demain, à 9 heures.)

 
Haut de page