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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 164

Le jeudi 30 novembre 2017
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 30 novembre 2017

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Patriarcat œcuménique de Constantinople

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, c’est un honneur pour moi d’intervenir au Sénat aujourd’hui pour célébrer le Patriarcat œcuménique de Constantinople et pour rendre hommage à un homme dont l’humilité et le dévouement envers l’humanité sont tout à fait exceptionnels.

Depuis 17 siècles, le Patriarcat œcuménique est le plus haut siège épiscopal de l’Église chrétienne orthodoxe. Aujourd’hui, on souligne la fête du saint patron du Patriarcat, alors que l’Église chrétienne orthodoxe célèbre l’apôtre saint André, le Premier appelé, qui est le fondateur de l’Église de Constantinople.

Le Patriarcat est dirigé par Sa Sainteté Bartholomée, le chef spirituel des 300 millions de chrétiens orthodoxes du monde. Sa Sainteté Bartholomée est née en 1940 sur l’île d’Imvros. En 1961, il a reçu un diplôme avec très haute distinction de l’École théologique de Halki, qui, malheureusement, est toujours fermée sur ordre des autorités turques.

Depuis qu’il est devenu patriarche œcuménique en 1991, et malgré la persécution religieuse dont il fait l’objet, Sa Sainteté Bartholomée a transformé le plus haut siège épiscopal de l’Église orthodoxe. Il pilote le projet de collaboration entre chrétiens, il mène un dialogue fondé sur l’amour avec des dirigeants religieux juifs et musulmans et il est un chef de file en matière d’environnement, ce qui lui a valu le titre de « patriarche vert ». Sa Sainteté Bartholomée a aussi convoqué et présidé le saint et grand Concile de l’Église orthodoxe, qui s’est déroulé en juin 2016 sur l’île de Crète, en Grèce.

Au nom de tous les chrétiens orthodoxes du Canada, j’adresse mes meilleurs vœux au patriarche œcuménique Bartholomée. Je lui souhaite d’être en bonne santé pendant encore de nombreuses années.

Axios! Merci, chers collègues.

George Elliott Clarke

Le poète officiel—Hommages

L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, alors que George Elliott Clarke est sur le point de terminer son mandat en tant que poète officiel du Parlement du Canada, je tiens à le remercier et à le féliciter de son œuvre et de la voix qu’il a donnée au travail des parlementaires. M. Clarke est l’un de ces brillants Canadiens qui sont pour nous une véritable source d’inspiration. Les réflexions qu’il livre avec éloquence au moyen d’écrits en prose, de poèmes et de pièces de théâtre nous inspirent tous.

Je savais qu’il me faudrait de l’aide pour rendre un juste hommage au travail qu’il a accompli sur la Colline et pour les Canadiens, puisque je n’ai pas un talent égal au sien. Je me suis donc adressée à Roger Léveillé, un poète de Saint-Boniface. Voici le texte qu’il m’a donné à lire aujourd’hui, dans les deux langues, en l’honneur de George Elliott Clarke, son homologue et notre collègue.

La poésie est sans espoir

Elle n’a rien à perdre

ou à gagner

Sa façon est la sienne

Sa voie est vraie

Elle va où elle veut sans errer

et arrive toujours

à point

Poetry is without hope

It has nothing to gain

or lose

Her ways are her own

She goes at will

without wandering

The wonder of her manner is true

and knows no end

Je vous remercie, George. J’ai hâte de découvrir vos prochains projets et votre prochain livre. Je sais que votre œuvre « knows no end » et que votre maîtrise des mots ira « où elle veut sans errer » et arrivera « toujours à point ».

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Mme Margaret Eaton et de Mme Jennifer Hollis. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice Omidvar.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les immigrants et l’emploi

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, je suis ravie d’intervenir aujourd’hui pour rendre hommage à tous ceux qui travaillent sur le terrain afin que les immigrants puissent mettre leurs talents en valeur. Nous avons tous entendu parler d’ingénieurs, de médecins et d’avocats qui conduisent des taxis. Même s’ils conduisent maintenant pour Uber, c’est toujours une grande perte pour l’économie canadienne, une perte que le Conference Board du Canada estime à 6 milliards de dollars par année.

Pour tenter d’enrayer ce vilain problème qui perdure, des solutions très novatrices sont mises à l’essai sur le terrain dans les localités où on trouve des conseils d’emploi des immigrants, dans des villes comme London, Toronto, Ottawa et Calgary. Ces conseils travaillent à l’échelle locale avec de grands et de petits employeurs, des collèges et des universités, tous les ordres de gouvernement et des organismes de la société civile pour faire tomber les barrières. Ils s’appliquent à changer les perceptions liées aux employés venus d’ailleurs. Ils incitent les employeurs à améliorer et à modifier leurs pratiques d’embauche et à élargir leurs horizons de manière à rester en phase avec les changements démographiques et l’évolution des besoins du marché du travail.

J’aime particulièrement ce qu’ils font du côté du mentorat professionnel auprès des immigrants. Le mentorat est fondé sur le principe voulant que, si le bagage des immigrants comprend peut-être bien des expériences et des compétences, souvent, il lui manque la connaissance des règles de conduite tacites du milieu des affaires canadien. Dans bien des cas, ce n’est pas ce qu’on connaît qui compte, mais plutôt qui on connaît. Ces activités de mentorat sont adaptées afin de jumeler un immigrant sans emploi à un homologue qui a un emploi : un journaliste avec un journaliste, un ingénieur avec un ingénieur et parfois même, encore plus précisément, un ingénieur chimiste avec un ingénieur chimiste. Ces jumelages produisent d’excellents résultats, tant pour la société que pour les immigrants.

Chez moi, à Toronto, j’ai eu le plaisir de fonder le conseil local d’emploi des immigrants, le Toronto Region Immigrant Employment Council. Son programme de mentorat occupe le devant de la scène dans la création d’un mouvement national de mentorat. Jusqu’ici, dans la région du Grand Toronto, ce sont 14 000 immigrants qui ont pu profiter de ce programme — et 75 p. 100 d’entre eux ont trouvé du travail. Ce chiffre est remarquable et j’espère avoir l’occasion de vous parler de ce qui peut être fait pour l’améliorer.

Comme dans toute chose, il y a des conséquences imprévues. Certains jumelages créent des liens et il y aura des invitations au chalet, au souper de l’Action de grâces ou de Noël. Des amitiés se nouent.

D’une façon très indirecte, ces programmes de mentorat sont comme du ciment, car ils permettent non seulement d’élargir les réseaux sociaux, mais aussi de cimenter la cohésion sociale qui est nécessaire, mais difficile à atteindre.

Honorables sénateurs, j’espère que vous conviendrez, comme moi, qu’il s’agit d’un travail important. Nous devons nous assurer que les immigrants qui viennent au Canada puissent réussir, car, lorsqu’ils connaissent du succès, le Canada en connaît aussi.

Merci beaucoup.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Rob Comeau, Jake Rudolph, Jory Smallenberg, Gina Vanderheide, sir James Barlow et Vijay Manual. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Martin.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Character Abbotsford et Character Canada

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour saluer Character Abbotsford et féliciter l’organisme de son travail visionnaire en vue de créer des villes et des collectivités favorisant l’épanouissement partout en Colombie-Britannique, au Canada et ailleurs. Cet après-midi, j’ai eu l’honneur d’être l'hôtesse, en compagnie du sénateur Richard Neufeld et des députés qui représentent Abbotsford, Ed Fast et Jati Sidhu, de la réception donnée en l’honneur de Character Canada sur la Colline. Les représentants de Character Abbotsford — sir James Barlow, Jake Rudolph, Rob Comeau, Vijay Manual, Gina Vanderheide et Jory Smallenberg — étaient présents afin de mettre en valeur le travail qu’ils font pour promouvoir l’épanouissement grâce au réseau des Schools of Character de la Colombie-Britannique et aux conférences annuelles de Character Canada.

(1340)

Selon le site web de l’organisme, la vision de Character Abbotsford est de créer « une communauté qui met de l’avant ses valeurs communes, jour après jour, et qui est déterminée à promouvoir sciemment l’épanouissement ». Le mouvement Character Canada a commencé en 2006, lorsque que les personnes qui occupaient alors les postes de directeur, de président de conseil scolaire et de directeur d’école adjoint ont assisté à une conférence sur l’épanouissement dans le district régional d’York, à Toronto, en Ontario, intitulée « Une collectivité canadienne favorisant l’épanouissement ».

En 2011, des dirigeants des quatre coins de la municipalité d’Abbotsford, en Colombie-Britannique, se sont rencontrés pour énoncer six valeurs fondamentales : le respect, la responsabilité, l’intégrité, l’empathie, le courage et le service. Depuis, Character Abbotsford a organisé de nombreux événements, notamment un forum jeunesse, la cérémonie de remise de prix City of Heroes, une série de conférences organisées par le maire et un sommet sur le leadership. Étant donné que j’ai été éducatrice pendant 21 ans, je sais par expérience à quel point il est important d’encourager l’épanouissement chez les élèves grâce à un enseignement en ce sens, à un bon programme d’études et à un apprentissage imitatif dans un environnement très favorable.

Les écoles W.J. Mouat, Abbotsford Senior et MEI à Abbotsford sont toutes trois des écoles favorisant l’épanouissement.

La ville d’Abbotsford est également une ville favorisant l’épanouissement. Je crois sincèrement que la vision des organismes et des initiatives comme Character Abbotsford et le BC Schools of Character Network est noble et que les conférences annuelles de Character Canada offrent les outils et l’inspiration qui aident les municipalités qui y participent à se transformer en lieux favorisant l’épanouissement. Voilà pourquoi je suis si fière d’appuyer ce mouvement pour l’épanouissement et les principes qu’il représente.

Honorables collègues, veuillez-vous joindre à moi pour reconnaître l’immense travail et l’engagement des instigateurs de Character Abbotsford et du mouvement Character Canada, qui sont déterminés à améliorer le présent et à bâtir un avenir encore meilleur.

[Français]

La Journée mondiale de lutte contre le sida

L’honorable René Cormier : Honorables sénateurs, demain, c’est sous le thème « Ma santé, mes droits » qu’aura lieu la Journée mondiale de lutte contre le sida. Créée en 1988 dans la foulée du Sommet mondial des ministres de la Santé en Angleterre, cette journée permet de commémorer les victimes, de sensibiliser la population mondiale à l’épidémie de VIH/sida comme menace à la santé publique et de mettre en relief la responsabilité de chaque pays d’assurer l’accès universel aux traitements, aux soins et au soutien.

Depuis la découverte et l’identification du VIH en 1983, ce virus a fait près de 35 millions de morts dans le monde. Selon les dernières statistiques de l’ONUSIDA, en 2016 seulement on estime que 1 million de personnes à travers le monde sont mortes de maladies liées au sida et qu’environ 36,7 millions de personnes sont porteuses du virus à l’heure actuelle. Le continent africain est la région la plus touchée, avec 25,6 millions de personnes atteintes du virus. Au Canada, l’Agence de la santé publique estime que plus de 65 000 Canadiens et Canadiennes sont séropositifs et qu’environ 20 p. 100 de ceux-ci n’ont pas encore été diagnostiqués.

Alors que les rapports sexuels protégés sont toujours le meilleur moyen préventif, certains groupes de la population demeurent plus à risque que d’autres, y compris les consommateurs de drogues par injection, les travailleurs du sexe et leurs clients, la communauté LGBTQ2, les détenus et certains groupes culturels. Ces populations vulnérables font souvent face à des obstacles sociaux et juridiques qui diminuent leurs chances d’avoir accès à des tests de dépistage. Malgré toutes les avancées, le VIH/sida demeure aujourd’hui une maladie extrêmement taboue dans notre pays, ce qui pousse souvent les porteurs du virus à taire leur condition et à vivre cette situation dans une grande solitude.

Il n’existe pas de vaccin contre le VIH. En revanche, des médicaments antirétroviraux contribuent à éviter sa transmission et permettent aux porteurs du virus de vivre une vie relativement normale et épanouissante.

À la veille de la Journée mondiale de lutte contre le sida, je tiens à rendre hommage à tous ceux qui sont disparus et au travail exceptionnel du corps médical et des nombreux organismes qui, partout au Canada, soutiennent les Canadiennes et Canadiens atteints de cette maladie.

De plus, je tiens à rendre un hommage particulier au médecin acadien Réjean Thomas, cofondateur de la Clinique médicale l’Actuel, au Québec. Le Dr Thomas est un acteur avant-gardiste sur le terrain dans la lutte contre les infections transmissibles sexuellement et par le sang. En 1994, il a été nommé conseiller spécial à l’action humanitaire internationale du Québec. Par la suite, il a fondé Médecins du Monde Canada et a organisé une quarantaine de missions humanitaires sur trois continents.

Grâce à lui et à tant d’autres acteurs du milieu, des progrès remarquables ont été accomplis dans le traitement du VIH/sida, ce qui a permis aux personnes atteintes de jouir d’une longue vie productive et en santé. Cela dit, honorables sénateurs, les gouvernements et les communautés doivent intensifier leurs efforts afin d’assurer dès que possible la suppression de cette terrible épidémie.


AFFAIRES COURANTES

Le Sénat

Dépôt de la copie certifiée d’un décret en conseil

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un décret en conseil autorisant des personnes, en vertu de l’article 128 de la Loi constitutionnelle de 1867, à faire prêter et souscrire, à tout membre du Sénat, le serment d’allégeance énoncé dans la cinquième annexe de cette loi ainsi que la déclaration des qualifications énoncée dans cette annexe.

Le commissaire aux langues officielles

Dépôt du certificat de nomination et des notes biographiques

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le certificat de nomination et les notes biographiques de Raymond Théberge, candidat proposé au poste de commissaire aux langues officielles.

La commissaire au lobbying

Dépôt du certificat de nomination et des notes biographiques

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le certificat de nomination et les notes biographiques de Nancy Bélanger, candidate proposée au poste de commissaire au lobbying.

[Traduction]

Le Sénat

Préavis de motion tendant à autoriser le Sénat à se réunir en comité plénier afin de recevoir Raymond Théberge, candidat au poste de commissaire aux langues officielles, et prévoyant que le comité fasse rapport au Sénat au plus tard 90 minutes après le début de ses travaux

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je donne préavis que, plus tard aujourd’hui, je proposerai :

Que, à 19 heures le lundi 4 décembre 2017, le Sénat se forme en comité plénier afin de recevoir M. Raymond Théberge relativement à sa nomination au poste de commissaire aux langues officielles;

Que le comité plénier fasse rapport au Sénat au plus tard 90 minutes après le début de ses travaux.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Il est donc ordonné que la motion soit inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.

Le commissaire aux langues officielles

Préavis de motion tendant à approuver sa nomination

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l’article 49 de la Loi sur les langues officielles, L.R.C. 1985, ch. 31 (4e suppl.), le Sénat approuve la nomination de Raymond Théberge à titre de commissaire aux langues officielles.

L’Union interparlementaire

La réunion du Comité directeur du Groupe des Douze Plus, tenue les 10 et 11 septembre 2017—Dépôt du rapport

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe canadien de l’Union interparlementaire concernant sa participation à la réunion du Comité directeur du Groupe des Douze Plus, tenue à Porto, au Portugal, les 10 et 11 septembre 2017.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les finances

Le ministre des Finances

L’honorable Richard Neufeld : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Le sénateur Harder se souvient peut-être que le ministère des Finances a attendu l’avant-veille de Noël, l’an dernier, pour publier en ligne ses prévisions à long terme. Ces prévisions montraient que le budget fédéral ne serait pas équilibré avant 2055.

(1350)

En octobre, le bureau du ministre Morneau a confirmé au Globe and Mail que les prévisions fiscales à long terme de cette année devraient, encore une fois, être présentées quelques jours avant Noël, à un moment où beaucoup de Canadiens s’affairent aux préparations des Fêtes et sont en voyage, et où le gouvernement peut éviter l’examen parlementaire.

Voici ma question à l’intention du gouvernement : comme votre gouvernement a déjà des prévisions fiscales à long terme, pourquoi le ministre ne les communique-t-il pas maintenant, s’il est aussi ouvert et transparent qu’il le prétend?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Il arrive que le gouvernement fournisse ces renseignements à la population canadienne alors qu’il se prépare en vue de son cycle budgétaire. Le gouvernement diffuse habituellement ces renseignements avant la fin de l’année civile, et c’est ce qu’il s’est engagé à faire.

Dans ce contexte, je veux simplement souligner le fait que, à l’automne, le gouvernement a présenté aux Canadiens sa mise à jour économique, son plan financier, en vue d’un budget au printemps.

Le sénateur Neufeld : Le ministre Morneau a offert aux Canadiens un déficit deux fois plus important que ce qu’il avait promis pendant la campagne électorale. Il a présenté un taux marginal d’imposition de 33 p. 100 pour les hauts salariés. De plus, on nous a dit que cette mesure paiera pour les réductions d’impôt de la classe moyenne. Cependant, nous avons plutôt constaté une baisse des recettes tirées de l’impôt sur le revenu des particuliers de l’ordre de 1,2 milliard de dollars au dernier exercice, et 80 p. 100 des familles canadiennes de la classe moyenne paient plus d’impôt sous le gouvernement actuel.

Le ministre Morneau a présenté des modifications fiscales pour les propriétaires de petites entreprises et les agriculteurs, en les accusant de profiter injustement d’échappatoires fiscales, tandis que lui-même néglige d’être transparent sur ses propres actifs et sur les dispositions qu’il a prises à cet égard.

Sénateur Harder, comment se fait-il que le ministre Morneau soit encore ministre des Finances?

Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je ne crois pas avoir besoin de préciser que je rejette la prémisse — et la conclusion — de sa question.

Je rappelle aux sénateurs, et aux Canadiens, que le gouvernement du Canada suit le plan financier qu’il s’était tracé et que ce plan donne de meilleurs résultats que prévu. Le ratio dette-PIB ne cesse de décroître. Que ce soit dans le budget de mars ou dans l’énoncé économique de l’automne, les déficits budgétaires étaient moins élevés que prévu. Un tel rendement place le Canada en tête du G7 pour la vigueur de sa croissance économique. Pour tout dire, le Canada fait l’envie des six autres membres de ce groupe sélect. Il faut aussi tenir compte de tout ça quand on évalue l’excellent travail qu’a pu accomplir le ministre des Finances.

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Merci, Votre Honneur. Veuillez me pardonner, je discutais avec les invités de mon confrère, à l’extérieur.

Il est question du ministre des Finances. Je comprends très bien les arguments économiques que vous faites valoir en guise de réponse, sénateur Harder. J’aimerais toutefois revenir sur une chose ou deux. Je serai très bref.

La lettre de mandat que le premier ministre a envoyée à ses ministres et, dans le cas qui nous occupe, au ministre des Finances, dit ceci :

[…] vous devez observer les normes les plus élevées en matière d’honnêteté et d’impartialité, et l’accomplissement de vos tâches dans le cadre de vos fonctions officielles de même que l’organisation de vos affaires privées devraient pouvoir faire l’objet d’un examen scrupuleux du public. On ne s’acquitte pas de cette obligation simplement en se contentant de respecter la loi…]

Or, le ministre a dit aux Canadiens, par l’entremise des médias, qu’il placerait ses avoirs dans une fiducie sans droit de regard, mais il n’en a rien fait. La commissaire à l’éthique l’a mis à l’amende parce qu’il n’avait pas dit qu’il possédait une société étrangère, elle-même propriétaire de sa villa française. Le ministre fait en outre l’objet d’une enquête parce qu’il a présenté un projet de loi susceptible d’avantager son entreprise familiale, Morneau Shepell. Et voilà qu’il refuse de répondre à une question toute simple sur la vente de ses actions.

Comment cela se terminera-t-il? Le ministre démissionnera-t-il? Va-t-il répondre aux questions?

Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénateur de poser cette question complémentaire à celle du sénateur Neufeld.

Pour commencer, disons que le leader de l’opposition ne s’attend sûrement pas à ce que j’annonce quelque chose en ce qui concerne le ministre des Finances. Je vais répéter, comme je l’ai déjà fait, que le ministre des Finances s’est conformé aux règles et qu’il collabore activement avec la commissaire à l’éthique pour être certain de savoir tout ce qu’on attend de lui en raison de ses obligations.

Le ministre a répondu, comme il se doit, aux questions immédiates, directement et en personne, à l'autre endroit. Il s’est aussi adressé à la population à ce sujet.

Je tiens à garantir à tous les sénateurs que le ministre Morneau est une personne très intègre. Son engagement dans la vie publique ne devrait pas être mis en doute. J’estime qu’il remplit ses fonctions de manière remarquable.

Le sénateur Smith : Je vais relire la lettre de mandat du premier ministre :

[…] vous devez observer les normes les plus élevées en matière d’honnêteté et d’impartialité, et l’accomplissement de vos tâches dans le cadre de vos fonctions officielles de même que l’organisation de vos affaires privées devraient pouvoir faire l’objet d’un examen scrupuleux du public…

Ne pensez-vous pas qu’il est capital pour chacun de nous, que nous soyons sénateurs, leaders, ministres ou premier ministre, d’avoir le réflexe de se dire : « Je dois user de mon jugement pour m’assurer que non seulement je respecte la loi, mais aussi que je remplis les obligations liées à la fonction que j’occupe, et je ne vais pas me limiter à respecter la loi. Je vais faire plus que le minimum pour m’assurer de ne jamais me retrouver dans une situation potentielle de conflit »?

C’est une question à laquelle il est plus facile de répondre, car elle s’applique à nous tous, et à tous les ministres.

Le sénateur Harder : Je tiens à assurer à l’honorable sénateur et à tous les sénateurs que le ministre Morneau, depuis qu’il est entré en poste, a collaboré étroitement avec la commissaire à l’éthique pour s’assurer que le code d’éthique est entièrement respecté, et qu’il a été à la hauteur de toutes les attentes.

Le revenu national

Le crédit d’impôt pour personnes handicapées

L’honorable Leo Housakos : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Dans une entrevue publiée ce matin, le président du conseil d’administration d’Autisme Canada, M. Dermot Cleary, indique que son organisme a appris que l’Agence du revenu du Canada refuse l’accès au crédit d’impôt pour personnes handicapées à des personnes atteintes d’autisme, même si elles le recevaient auparavant. M. Cleary a également déclaré, sénateur Harder, qu’il y a nombre d’exemples de familles ayant plusieurs enfants atteints du trouble du spectre de l’autisme, dont certains reçoivent le crédit d’impôt, alors que d’autres se le voient refuser.

Comme nous le savons, récemment, les Canadiens atteints de diabète de type 1 se sont aussi vu refuser le crédit d’impôt pour personnes handicapées.

Que fait le gouvernement pour régler le problème et assurer aux Canadiens atteints du trouble du spectre de l’autisme et à leur famille qu’ils ne se verront plus refuser la réduction d’impôt à laquelle ils ont eu droit pendant de nombreuses années?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. J’ai moi-même rencontré des responsables de l’Alliance canadienne des troubles du spectre autistique ce matin, et nous avons discuté de cette question, ainsi que d’un vaste éventail d’autres questions, notamment le programme d’intégration communautaire.

Je tiens à assurer aux sénateurs que l’Agence du revenu du Canada s’engage sans réserve à faire en sorte que tous les Canadiens reçoivent les crédits et les avantages auxquels ils ont droit. Évidemment, cela comprend le crédit d’impôt pour personnes handicapées. Voilà pourquoi le gouvernement du Canada a rétabli le Comité consultatif des personnes handicapées, un forum qui a fait ses preuves en rassemblant les fonctionnaires de l’Agence du revenu et les intervenants pour faire en sorte que les Canadiens handicapés soient mieux intégrés à la prise de décisions de l’agence. Ce comité consultatif était en veilleuse depuis un certain nombre d’années.

Bien entendu, les Canadiens devraient pouvoir s’attendre à ce que l’agence s’assure que les particuliers qui ont droit à des avantages et à des crédits, y compris le crédit d’impôt pour personnes handicapées, satisfont aux critères d’admissibilité établis dans la Loi de l’impôt sur le revenu.

Rien n’a changé dans les critères d’admissibilité au crédit d’impôt pour personnes handicapées, en ce qui concerne les fonctions mentales nécessaires aux activités de la vie courante. Ces critères ne sont pas fondés sur un diagnostic comme celui de l’autisme, mais sur les répercussions de la déficience et la capacité à réaliser des tâches de la vie quotidienne.

Comme les sénateurs le savent, l’Agence du revenu reçoit en moyenne 250 000 demandes de crédit d’impôt pour personnes handicapées chaque année. Plus de 80 p. 100 de ces demandes sont approuvées et plus de 700 000 Canadiens réclament ce crédit d’impôt dans leur déclaration de revenus annuelle.

Il s’agit d’une mesure importante. Je serais heureux de collaborer avec l’honorable sénateur en vue d’informer la collectivité sur la façon dont il faut traiter les cas qui sont portés à son attention.

Le sénateur Housakos : Monsieur le leader, il faut chercher à savoir pourquoi la chose se produit depuis quelque temps. Quand des Canadiens se voient refuser le crédit d’impôt pour personnes handicapées, ils se voient aussi refuser, évidemment, l’accès au régime enregistré d’épargne-invalidité, lequel est un régime d’épargne à long terme créé il y a 10 ans par le ministre des Finances de l’époque, M. Jim Flaherty.

Le leader du gouvernement peut-il nous dire combien de personnes se voient refuser à la fois ce crédit d’impôt et l’accès au régime d’épargne-invalidité, et combien d’entre elles sont atteintes d’autisme? Il semble que le gouvernement n’ait aucune idée à l’heure actuelle de la raison pour laquelle cela se produit et du nombre de personnes touchées.

(1400)

Le sénateur Harder : Ce que je peux confirmer, c’est que le nombre total d’approbations en ce qui concerne le crédit d’impôt pour personnes handicapées a atteint un niveau record pour cet exercice financier, et cela témoigne de alors appropriée des besoins de la collectivité dans l’ensemble du Canada.

Je peux garantir au sénateur que le gouvernement prend des mesures, notamment en rétablissant le comité consultatif, pour faire en sorte que les intervenants visés puissent fournir des conseils au ministère sur les divers handicaps, afin que celui-ci réagisse adéquatement aux technologies en évolution lorsqu’il applique les règles de la Loi de l’impôt sur le revenu déterminant qui a droit aux prestations d’invalidité.

La justice

La légalisation du cannabis

L’honorable Judith Seidman : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Honorables sénateurs, nous avons une autre preuve que le gouvernement omet de faire preuve de prudence en ce qui concerne la légalisation de la marijuana. La semaine dernière, le gouvernement a reconnu qu’il n’avait d’autre choix que de laisser tomber le processus habituel de consultation, sinon il ne disposerait pas de suffisamment de temps pour faire adopter le projet de loi d’ici le 1er juillet prochain. Les Canadiens se sont donc vu présenter un plan griffonné sur une serviette de papier, et les graves questions de santé et de sécurité sont restées sans réponse. Tous les Canadiens, particulièrement les parents et les patients, ont le droit de savoir quelle incidence aura la légalisation de la marijuana sur leur vie quotidienne.

Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous expliquer pourquoi ce processus crucial à des fins de santé et de sécurité est expédié, au détriment de la transparence?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Je conteste son affirmation selon laquelle le gouvernement veut expédier le projet de loi. Nous venons tout juste d’en être saisis. Je m’attends à ce que nous entamions aujourd’hui le débat à l’étape de la deuxième lecture. J’espère que l’honorable sénatrice participera sans plus tarder au débat, afin que nous disposions de tous les faits au moment de nous pencher sur cette question.

J’invite les honorables sénateurs à se renseigner sur la question pour être en mesure de participer au débat dans les jours à venir.

La sénatrice Seidman : Peu importe la rigueur de la consultation, il n’en demeure pas moins que le gouvernement a sacrifié la transparence pour respecter un échéancier politique qui, soit dit en passant, est considéré trop hâtif par près de la moitié des Canadiens.

À défaut de pouvoir prendre connaissance du règlement, nous ne sommes pas en mesure de savoir s’il protégera la santé des Canadiens et s’il assurera la sécurité de nos enfants. Le gouvernement profite d’une échappatoire qui, selon le Conseil du Trésor, doit servir à apporter des modifications mineures de nature administrative ou à prendre un règlement en réaction à une situation d’urgence qui pose des risques importants pour la santé et la sécurité. De laquelle des deux situations s’agit-il ici? Le projet des libéraux de légaliser la marijuana constitue-t-il une modification mineure de nature administrative ou une urgence créée de toutes pièces qui menace la santé des Canadiens?

Le sénateur Harder : Je remercie la sénatrice de sa question. Je me permets simplement de rappeler que l’autre endroit discute depuis un certain temps déjà de la légalisation de la marijuana et du projet de loi C-46. Comme je l’ai indiqué plus tôt, le Sénat commencera à débattre aujourd’hui même de cette mesure législative. Les Canadiens ne sont pas pris par surprise. Ces questions sont abordées depuis longtemps. La légalisation de la marijuana figurait dans le programme électoral des libéraux, il y a plus de deux ans. Le Sénat aura de nombreuses occasions de participer au débat et d’exercer, comme il le doit, son jugement à l’égard du projet de loi dont nous sommes saisis. J’invite la sénatrice à participer aux travaux.

[Français]

L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, j’aimerais continuer sur le sujet de la marijuana, particulièrement en ce qui a trait au projet de loi C-45. Est-ce que le leader du gouvernement au Sénat sait que le projet de loi, tel qu’il a été rédigé, permet à des jeunes âgés de moins de 18 ans d’avoir en leur possession cinq grammes de cannabis à l’école?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Je remercie le sénateur de sa question. Je l’invite à participer au débat sur le projet de loi, lorsqu’il sera prêt à présenter son discours à titre de porte-parole de son parti dans ce dossier. Ce débat permettra à l’ensemble des sénateurs d’examiner toutes les dispositions du projet de loi et de comparer cette mesure d’initiative ministérielle à la mesure qu’il a lui-même présentée au Sénat sur le même sujet.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je suis surpris de votre réponse. Pourtant, l’article est très clair. Il semble que l’objectif de la légalisation de la marijuana est d’éloigner les jeunes de la consommation. La Norvège est l’un des pays où on retrouve la plus faible consommation de marijuana chez les jeunes. Le gouvernement est-il allé voir ce que fait la Norvège pour réduire la consommation chez les jeunes au lieu de faire comme nous, c’est-à-dire baisser les bras?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Comme l'honorable sénateur le sait, le gouvernement du Canada — c’est-à-dire les ministres responsables du dossier — s’est penché sur ce qui se fait à l’étranger, non seulement en Norvège, mais aussi dans d’autres pays, afin que le gouvernement puisse adopter la meilleure politique publique possible pour atteindre son objectif, soit doter la société canadienne de mécanismes de contrôle et de gestion appropriés à l’égard de cette substance. Le gouvernement estime que les projets de loi dont nous sommes saisis reflètent cette approche. J’ai hâte que le Sénat débatte de cette question.

La famille, les enfants et le développement social

L’assurance-emploi—Les jeunes

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : J’ai une question pour le leader du gouvernement au Sénat. Le programme électoral de 2015 du Parti libéral dit ceci :

Et pour inciter les entreprises à embaucher de jeunes Canadiens à un poste permanent, nous supprimerons aussi leurs cotisations à l’assurance-emploi pendant une période de 12 mois. Nous exempterons les employeurs des cotisations à l’assurance-emploi pour toute embauche à un poste permanent d’un employé âgé de 18 à 24 ans en 2016, 2017 ou 2018.

Lorsqu’il a été interrogé expressément sur cette promesse brisée, pendant une conférence de presse tenue en octobre, le premier ministre n’a pas répondu directement à la question. Par ailleurs, l’énoncé économique de l’automne ne dit rien à ce sujet.

J’ai donc une question très simple à vous poser, sénateur Harder : le gouvernement va-t-il, oui ou non, honorer son engagement électoral d’exempter les employeurs des cotisations à l’assurance-emploi lorsqu’ils embauchent des jeunes?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Encore une fois, je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Je dirai simplement que je vais la soumettre au ministre responsable afin d’obtenir une réponse précise à ce sujet. Je profite cependant de l’occasion pour rappeler aux honorables sénateurs que le gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour atteindre son objectif stratégique, c’est-à-dire améliorer les perspectives d’emploi des jeunes.

[Français]

La justice

La légalisation du cannabis

L’honorable Claude Carignan : Toujours sur le sujet de la Norvège, si le gouvernement est allé voir ce qui se faisait sur la scène internationale à ce chapitre, le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous dire ce que fait effectivement la Norvège pour prévenir la consommation de marijuana chez les jeunes? Une solution appropriée pour prévenir la consommation chez les jeunes ne pourrait-elle pas être importée au Canada?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je suis sûr que les fonctionnaires se feront un plaisir de répondre à de telles observations ou questions au comité. Je me renseignerai afin de pouvoir répondre à votre question, mais je pense qu’il serait utile que nous posions ce genre de questions détaillées, destinées aux fonctionnaires ou aux ministres responsables, uniquement lorsque le Sénat est constitué en comité plénier ou durant l’étude du projet de loi par le comité.


ORDRE DU JOUR

La Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Larry W. Campbell propose que le projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon et modifiant une autre loi en conséquence, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, c’est un honneur pour moi de prendre la parole au Sénat, aujourd’hui, au sujet du projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon et modifiant une autre loi en conséquence. Dans un véritable esprit de réconciliation, j’aimerais souligner que je me trouve actuellement en territoire traditionnel algonquin.

Comme les honorables sénateurs le savent peut-être, la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon a été adoptée en 2003 et découle de l’Accord-cadre définitif entre le gouvernement du Canada, les Premières Nations autonomes du Yukon et le gouvernement du Yukon.

Conformément à cet accord, on a entrepris un examen quinquennal de la loi en 2008, qui s’est terminé en 2012.

Cet examen a donné lieu à 76 recommandations, dont 72 ont été acceptées par toutes les parties concernées.

(1410)

Il a été convenu d’adopter les 72 recommandations consensuelles et de laisser tomber les 4 autres qui ne l’étaient pas.

Malgré les années de travail qu’il a effectué auprès des Premières Nations du Yukon dans le cadre d’un examen exhaustif, le gouvernement du Canada a ajouté quatre changements en marge du processus, sans tenir de véritables consultations avec ces mêmes partenaires.

Il ne faut pas confondre ces changements avec les quatre recommandations n’ayant pas fait l’objet d’un consensus dans le cadre de l’examen quinquennal. Il s’agissait de mesures complètement nouvelles qui ont été présentées une fois l’examen quinquennal terminé. Ces modifications controversées incluaient les suivantes : la loi prévoit des délais pour les évaluations; un projet auquel aucun changement important n’a été apporté n’a pas à être soumis à une nouvelle évaluation pour qu’une autorisation soit renouvelée ou modifiée; le ministre fédéral peut donner des instructions générales obligatoires à l’Office d’évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon; le ministre fédéral peut déléguer au gouvernement territorial les attributions que lui confère la loi.

Le projet de loi S-6, Loi sur l’amélioration de la réglementation au Yukon et au Nunavut, qui a mis en œuvre les recommandations consensuelles issues de l’examen, incluait également les quatre changements controversés déjà mentionnés. Le projet de loi S-6 a reçu la sanction royale en juin 2015.

Le 14 octobre 2015, à la suite de l’adoption de ces quatre dispositions controversées, trois Premières Nations du Yukon — les Premières Nations de Champagne et d’Aishihik, la nation de Little Salmon/Carmacks et le Conseil de Teslin Tlingit — ont intenté une poursuite judiciaire contre les gouvernements du Canada et du Yukon devant la Cour suprême du Yukon.

Selon la requête présentée au tribunal, les modifications contreviennent à l’Accord-cadre définitif du Yukon, le processus de consultation a été insuffisant, et le Canada et le Yukon n’ont pas agi conformément au principe de l’honneur de la Couronne.

Le gouvernement du Canada s’est engagé à établir une nouvelle relation avec les peuples autochtones fondée sur la reconnaissance des droits, le respect, la coopération et le partenariat. Cela veut dire, notamment, choisir, dans la mesure du possible, la voie de la négociation plutôt que celle du litige dans la résolution des différends entre la Couronne et les peuples autochtones.

Après des mois de discussions, le gouvernement du Canada, le gouvernement du Yukon et les Premières Nations du Yukon ont signé en avril 2016 un protocole d’entente qui établissait les mesures convenues pour répondre aux préoccupations des Premières Nations concernant les changements apportés à la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon dans le projet de loi S-6. Cela a mené à l’élaboration du projet de loi C-17, qui a été présenté à l’autre endroit le 8 juin 2016. Étant donné que des consultations ont eu lieu dès le début de l’élaboration du projet de loi, les Premières Nations autonomes du Yukon qui avaient intenté des poursuites judiciaires les ont suspendues en attendant que le projet de loi soit adopté.

Le projet de loi C-17 annule les quatre changements controversés apportés à la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon dans le projet de loi S-6. Comme je l’ai déjà mentionné, ces changements ont été conçus en marge du processus d’examen initial de la loi. Les Premières Nations autonomes du Yukon les ont unanimement condamnés et ils ont mené à des litiges entre la Couronne et trois de ces Premières Nations.

Le projet de loi C-17 supprime les délais en ce qui concerne les évaluations, les dispositions d’exemption s’appliquant à la réévaluation de projets, le pouvoir du gouvernement fédéral de donner des instructions générales obligatoires à l’Office d’évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon, et, enfin, la capacité du ministre fédéral de déléguer au gouvernement territorial, en partie ou en totalité, les attributions que lui confère la loi.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-17 est un exemple de ce que nous pouvons réaliser lorsque le gouvernement travaille en partenariat avec les communautés autochtones dès le début de la proposition de changements.

Les Premières Nations du Yukon ont été consultées dès le début, y compris au moment de l’ébauche du projet de loi. Le projet de loi permettra de renouer nos liens de confiance avec les Premières Nations du Yukon et de rétablir la certitude liée au développement responsable des ressources sur le plan juridique, ce qui ouvrira la voie aux investissements, au développement et à la création d’emplois.

Le printemps dernier, l’Assemblée législative du Yukon a adopté une motion à l’unanimité confirmant que tous les partis :

[…] appuie[nt]les efforts du gouvernement du Canada pour rétablir la confiance dans le processus d’évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon au moyen des modifications prévues dans le projet de loi C-17.

Le 13 mars, le Conseil des Premières Nations du Yukon, le gouvernement du Yukon et la Chambre des mines du Yukon ont adressé une lettre commune au gouvernement du Canada déclarant ce qui suit :

Le gouvernement du Yukon, les Premières Nations autonomes du Yukon, le Conseil des Premières Nations du Yukon et la Chambre des mines du Yukon espèrent que le projet de loi C-17 sera adopté sans amendement dès que possible. Votre appui à l’adoption du projet de loi C-17 montre que le gouvernement du Canada veut réellement rétablir la relation entre le Canada, le Yukon et les Premières Nations du Yukon.

Dans la lettre, on peut aussi lire qu’ils attendent avec impatience que la Chambre adopte le projet de loi :

[…] l’économie du Yukon [peut] profiter de la certitude apportée par l’entente définitive et l’entente sur l’autonomie gouvernementale relatives au territoire.

Honorables sénateurs, ce projet de loi reflète un véritable consensus. Le gouvernement comprend également que le soutien de l’industrie, de la Chambre des mines du Yukon notamment, n’est pas inconditionnel. L’industrie a dit clairement que certains points comme ceux relatifs aux critères de réévaluation des projets et aux délais raisonnables pour les évaluations doivent faire l’objet de plus amples discussions et être précisés.

Les Premières Nations et les gouvernements du Canada et du Yukon s’accordent pour dire que ces questions nécessitent un cadre stratégique rigoureux.

Le Canada, le Yukon, les Premières Nations autonomes du Yukon, l’industrie et l’office se sont tous engagés à collaborer dans le cadre du processus réglementaire afin d’établir des échéanciers pratiques pour les processus d’évaluation et des règles claires et raisonnables quant à la nécessité de réaliser des réévaluations.

Le gouvernement du Canada est en discussion avec la Chambre des mines du Yukon qui se dit toujours en faveur de l’adoption accélérée du projet de loi, étant entendu, selon elle, que ces questions seront traitées peu après par l’intermédiaire d’autres mécanismes.

Les Premières Nations autonomes du Yukon ont indiqué clairement que l’adoption du projet de loi C-17 est une manifestation importante de bonne foi et un premier pas vers la concrétisation de ces importantes discussions. Cependant, le cabinet de la ministre a déjà tenu des discussions préliminaires avec la Chambre des mines du Yukon et d’autres partenaires afin de déterminer comment ces futures discussions pourraient être structurées, et ces démarches se poursuivent.

Cela met en relief la nature urgente du projet de loi, puisque son adoption sera également un premier pas dans le travail qui doit être réalisé à l’égard de ces questions essentielles. Le gouvernement estime que l’exploitation durable des ressources est essentielle à la prospérité de l’économie canadienne et que, si nous faisons bien les choses, elle sera le fondement de la croissance économique et de la création d’emplois futures.

Nous sommes conscients qu’il faut respecter l’environnement et traiter les communautés autochtones touchées comme des partenaires égaux pour réaliser cet important potentiel économique. Cette question ne concerne pas que les Autochtones; elle préoccupe énormément tous les Yukonnais. Les Autochtones doivent être des partenaires à part entière dans la conception des cadres de réglementation lorsque leurs droits protégés par la Constitution sont touchés.

Ce n’est pas seulement une obligation morale, mais aussi une obligation légale, surtout dans des régions comme le Yukon, où ont été conclus des ententes de règlement des revendications globales et des ententes d’autonomie gouvernementale.

Nous savons que la réussite économique du Yukon dépend de l’exploitation viable des ressources naturelles. Une fois que les droits et titres des Autochtones seront reconnus, que les terres et les étendues d’eau seront protégées et que de véritables partenariats seront forgés entre les communautés locales et autochtones, les projets d’exploitation des ressources progresseront plus rapidement et avec une plus grande certitude juridique.

J’exhorte tous les sénateurs à appuyer le projet de loi. Merci.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion du sénateur Patterson, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur le cannabis

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Tony Dean propose que le projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole dans cette enceinte à titre de parrain du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, également connue sous le nom de Loi sur le cannabis.

(1420)

Ce projet de loi est à la fois important et historique dans le contexte de la promotion de la santé au Canada. C’est pourquoi, dans le but d’éviter toute surprise, j’ai offert de communiquer la présente déclaration aux porte-parole et, là où aucun porte-parole n’avait été désigné, j’ai offert de la communiquer aux leaders. Je peux dire avec plaisir que, dans la plupart des cas, l’offre a été acceptée.

La question de la légalisation et de la réglementation du cannabis n’est pas nouvelle dans cette enceinte. Elle a été étudiée il y a 15 ans, en 2002, par le Comité sénatorial spécial sur les drogues illicites. C’est le regretté sénateur conservateur et ancien Président du Sénat, Pierre Claude Nolin, un homme très respecté, qui avait présidé l’étude. Les sénateurs le tenaient en très haute estime, et je sais qu’il nous manque beaucoup.

L’étude du sénateur Nolin laissait entrevoir longtemps à l’avance la réforme sur le cannabis et les conclusions auxquelles allait arriver en 2016 le Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis. Le constat frappant qu’avait fait le sénateur Nolin en 2002 était le même que ce que disent les spécialistes des politiques, de la médecine et de la santé publique aujourd’hui, c’est-à-dire que, en continuant de criminaliser le cannabis, on fait plus de tort aux jeunes Canadiens qu’en le légalisant et le réglementant. C’était le conseil que nous donnait le sénateur Nolin.

Le projet de loi C-45 est la réponse à l’appel que nous lançait Pierre Claude Nolin en 2002.

Avant de continuer, je voudrais souligner les efforts de la ministre de la Justice, qui a présenté le projet de loi C-45 à l’autre endroit, ainsi que les efforts de ses collègues, la ministre de la Santé et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Ils ont chacun la responsabilité d’importants volets de ce projet de loi. Je voudrais aussi remercier les membres du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, qui ont examiné 115 mémoires et entendu plus de 100 témoins. Leur travail a débouché sur plusieurs amendements, qui ont été adoptés et qui ont eu pour effet de renforcer le projet de loi.

Je tiens également à remercier les excellents professionnels de la fonction publique pour le travail remarquable qu’ils ont accompli dans ce domaine délicat de la santé publique.

Je remercie également mes deux employées, Amanda McLaren et Lauren Thomas, qui ont travaillé très fort pour que tous les sénateurs prennent le plus tôt possible connaissance des documents d’information et de recherche dans ce domaine. Nous les remercions tous.

Je propose d’aborder le projet de loi C-45 de trois façons. Je viens du secteur des politiques et de l’administration publique non partisane, et c’est dans cet esprit que je m’acquitte de mon travail à titre de parrain dans cette enceinte.

Premièrement, nous devons nous efforcer de comprendre la nature du problème que le gouvernement essaie de régler et examiner attentivement les données probantes.

Deuxièmement, nous devons comprendre les objectifs et les résultats souhaités par le gouvernement, à savoir réduire les dangers de la consommation du cannabis et perturber le marché illicite du cannabis, qui représente 7 milliards de dollars, un chiffre énorme, tout cela à travers le prisme de la santé communautaire et de la réduction des méfaits.

Troisièmement — et c’est également important —, nous devons examiner les moyens que se propose d’utiliser le gouvernement pour réduire les dangers liés au cannabis. Nous parlons ici des méfaits confirmés pour la santé — surtout celles des jeunes — ainsi que des préjudices possiblement permanents associés à la criminalisation d’une drogue qui est moins nocive que l’alcool ou le tabac pour la population.

Je me pencherai tout d’abord sur le contexte dans lequel le projet de loi C-45 a été élaboré. Examinons, si vous voulez, les modes de consommation et les dangers du cannabis, sujets qui nous intéressent tous au plus haut point.

Le taux de consommation du cannabis chez les Canadiens, en particulier les jeunes, reste l’un des plus élevés au monde. Selon l’Enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues menée en 2015, le taux de consommation de cannabis au cours de la dernière année a été de 21 p. 100 chez les jeunes âgés de 15 à 19 ans, d’un peu moins de 30 p. 100 chez les jeunes adultes âgés de 20 à 24 ans, et de 10 p. 100 chez les adultes âgés de plus de 25 ans. Nous savons par ailleurs que l’abus de cette substance est plus lourd de conséquences chez les jeunes dans de nombreuses communautés autochtones.

Les faits sont clairs : les taux de consommation de cannabis chez les jeunes Canadiens sont alarmants. Des jeunes disent qu’il est plus facile pour un enfant d’acheter du cannabis que des cigarettes. Je ne sais pas ce qu’il en est chez vous, mais il semble bien que ce soit le cas dans mon quartier. Je vois des élèves du secondaire fumer du cannabis alors qu’ils se rendent à l’école le matin et qu’ils rentrent chez eux le soir. Quand je vais jogger dans High Park, je sens l’odeur du cannabis. De plus, une odeur de cannabis s’échappe parfois des fenêtres ouvertes des voitures que je croise. De nos jours, des gens consomment du cannabis au volant, et un très grand nombre de jeunes prennent du cannabis.

Les dommages possibles associés à la consommation de cannabis sont considérables. Dans sa publication d’avril 2017 intitulée Effets du cannabis sur la santé, Santé Canada traite franchement des dommages causés par le cannabis sur les personnes qui en consomment. Au nombre des effets à court terme du cannabis sur le cerveau, mentionnons la confusion, la fatigue, les troubles de mémoire et de concentration, l’anxiété, la peur, la panique et même des délires et des hallucinations. Les effets à long terme du cannabis sur le cerveau peuvent comprendre un risque accru de dépendance, des dommages à la mémoire, à la concentration et à l’intelligence, ainsi qu’une capacité réduite de réfléchir et de prendre des décisions.

Ces risques de dommages ont des répercussions bien documentées sur le rendement scolaire et sur la prise de décisions importantes de la vie qui ont des conséquences à long terme. Plus la personne commence à consommer du cannabis tôt dans la vie et plus elle en consomme souvent et de manière intensive, plus les risques augmentent. Des données probantes révèlent que la consommation fréquente et intensive de cannabis peut nuire au développement du cerveau chez les enfants et les adolescents.

Comme l’alcool et le tabac, le cannabis peut créer une dépendance, et la consommation précoce constitue un facteur de risque à cet égard. Le risque de dépendance passe de 9 p. 100 chez les consommateurs réguliers de cannabis à 16 p. 100 chez les consommateurs réguliers qui ont commencé à prendre du cannabis pendant l’adolescence.

Le lien entre la consommation de cannabis et la conduite avec facultés affaiblies représente évidemment un problème, surtout lorsqu’il est question de consommation combinée d’alcool et de cannabis. Le projet de loi C-46 s’attaque à ces questions.

Enfin, le commerce illicite de cannabis amène son lot de menaces graves à la sécurité et représenterait des revenus de plus de 7 milliards de dollars au Canada seulement, en grande partie pour le crime organisé.

La puissance du cannabis illicite est souvent inconnue et cela pourrait mener à des problèmes accrus et prolongés, comme de la confusion ou de l’anxiété. De plus, la qualité, le contenu et la pureté du cannabis illicite ne peuvent être garantis; on peut y trouver des pesticides, d’autres drogues, des métaux lourds, des moisissures et des champignons, ou d’autres contaminants — je parle de la situation actuelle.

Outre les risques liés à la santé, la criminalisation de cette drogue provoque la création de dizaines de milliers de casiers judiciaires chaque année, ce qui a des conséquences à long terme pour les Canadiens, notamment la stigmatisation, la marginalisation et les contraintes à l’emploi.

La criminalisation du cannabis contribue également de façon significative aux coûts élevés et aux retards au sein du système de justice pénale. Plus de la moitié des infractions signalées en matière de drogue concernent le cannabis. En 2016, cela représentait 55 000 infractions signalées à la police. Dans 81 p. 100 des cas, il s’agissait d’infractions pour simple possession. Elles ont mené au dépôt de 23 000 accusations relatives au cannabis, dont 76 p. 100 pour possession de cannabis. La peine maximale pour possession simple est de cinq ans moins un jour par voie de mise en accusation.

Nous savons également que la criminalisation peut toucher de façon disproportionnée les Autochtones et d’autres minorités raciales au Canada — des groupes qui sont déjà surreprésentés dans les prisons. En 2015-2016, les jeunes Autochtones représentaient 7,5 p. 100 de la population canadienne, mais comptaient pour 39 p. 100 des placements sous garde.

Honorables sénateurs, le statu quo ne permet pas de protéger la santé et le bien-être des Canadiens, particulièrement ceux des jeunes.

En 2002, le sénateur Nolin concluait que la criminalisation du cannabis à long terme était un échec, comme l’avait fait la commission Le Dain 30 années plus tôt, en 1972. Le sénateur Nolin a souligné que, entre 1972 et 2002, années de la réalisation des deux études, des milliards de dollars avaient été engloutis dans l’application de la loi sans grands résultats. La consommation avait tout de même continué d’augmenter.

(1430)

Quinze ans après la publication du rapport du sénateur Nolin, le taux de consommation de cannabis chez les jeunes au Canada reste parmi les plus élevés au monde.

Honorables sénateurs, nous avons feint de ne pas voir pendant trop longtemps et misé sur des politiques de répression qui ne font que nuire aux initiatives de sensibilisation du public, de santé communautaire et de réduction des méfaits. Il nous faut davantage de programmes qui tiennent compte des réalités de la toxicomanie et qui offrent une information intelligente sur les risques pour permettre aux gens de prendre des décisions en connaissance de cause. Nous devons tout simplement nous attaquer à la question des méfaits du cannabis de manière plus efficace.

Le projet de loi C-45 propose une approche prudente et équilibré de la légalisation et de la réglementation du cannabis fondée sur la santé publique et axée sur la prévention et la réduction des méfaits.

Il y a un autre aspect du cannabis que je veux aborder, car nous allons très certainement en entendre parler au comité. Il s’agit de son utilisation à des fins thérapeutiques.

Selon les conclusions d’un rapport paru en janvier 2017, intitulé The Health Effects of Cannabis and Cannabinoids : The Current State of Evidence and Recommendations for Research, produit par un comité spécial de l’organisme américain National Academies of Sciences, Engineering and Medicine, les données disponibles montrent bien que le cannabis ou les cannabinoïdes sont efficaces dans le traitement de la douleur chronique chez les adultes, le traitement des nausées et des vomissements causés par la chimiothérapie et, selon les patients, le traitement des symptômes de spasticité chez les personnes atteintes de la sclérose en plaques.

Elles montrent aussi, dans une moindre mesure, que le cannabis ou les cannabinoïdes contribuent à améliorer à court terme le sommeil chez les personnes atteintes de troubles du sommeil liés à l’apnée obstructive du sommeil, à la fibromyalgie, à la douleur chronique et à la sclérose en plaques.

De plus, certaines données montrent que le cannabis — ou les cannabinoïdes — peut être efficace pour traiter d’autres problèmes, notamment en stimulant l’appétit et en réduisant la perte de poids liée au VIH/sida ainsi qu’en réduisant les symptômes du syndrome de la Tourette, de l’anxiété et du trouble de stress post-traumatique.

J’imagine que, aujourd’hui, rares sont les sénateurs qui ne connaissent pas quelqu’un qui consomme du cannabis à des fins médicales pour traiter l’un de ces troubles.

Honorables sénateurs, à ce sujet, le Canada possède déjà un régime bien établi d’accès au cannabis à des fins médicales, qui guidera considérablement la mise en œuvre de la réforme visant le cannabis à des fins non médicales. On ne part pas de zéro. Le régime ne commencera pas en juillet 2018.

Le Canada possède déjà un régime bien établi d’accès au cannabis à des fins médicales. Des pays du monde entier, notamment l’Australie, l’Uruguay et des pays européens, ainsi que des États américains, examinent de près le système canadien actuel de production et de distribution de cannabis à des fins médicales, qui est stable et performant.

Le Canada compte actuellement 76 producteurs autorisés de cannabis à des fins médicales. J’ai visité l’un d’entre eux. Il vend ses produits à plus de 235 000 patients autorisés. Certains producteurs canadiens concluent des contrats d’approvisionnement avec les gouvernements de l’Allemagne et de l’Australie. Le Canada est reconnu comme un chef de file mondial dans la production de cannabis à des fins médicales, alors l’élaboration du régime juridique au Canada ne part pas de zéro, même si certains souhaiteraient le croire.

Par contre, si nous revenons aux problèmes qui nous concernent, on sait que, à l’heure actuelle, le cannabis illicite est largement disponible et fréquemment consommé par les jeunes au Canada. On sait qu’il s’agit d’un marché de 7 milliards de dollars, qui n’est pas du tout réglementé, dans lequel on ne vérifie ni la puissance du cannabis ni la présence de contaminants. Voilà la situation actuelle au Canada.

Il s’agit du contexte dans lequel s’inscrivait la promesse que le gouvernement a faite dans son discours du Trône de 2015 en vue de légaliser et de réglementer la consommation de cannabis et de limiter l’accès à cette substance.

Cette promesse reconnaissait que l’approche prohibitionniste du Canada à l’égard du cannabis ne fonctionne pas et qu’il était temps d’arrêter de faire l’autruche et de s’attaquer à l’un des graves problèmes de santé publique du pays.

Honorables sénateurs, à mon avis, les mesures de légalisation et de réglementation du cannabis que prévoit le projet de loi C-45 sont prudentes et équilibrées. Bien des Canadiens pensent que la possession simple de petites quantités de cannabis ne devrait plus faire l’objet de graves sanctions pénales. Dans le projet de loi C-45, le gouvernement a donc proposé de meilleures mesures, plus équilibrées et axées sur la santé publique et la sécurité.

Honorables sénateurs, il faut comprendre que la question a évolué au fil des ans. Le nouveau cadre de légalisation et de réglementation stricte du cannabis ne sort pas de nulle part. La réflexion sur la politique du Canada sur le cannabis se fait depuis des décennies.

Le cannabis a été interdit en 1923, lorsque le ministre de la Santé l’a inscrit dans la Loi sur l’opium et les drogues narcotiques sans vraiment fournir d’explication. En toute honnêteté, il faut dire qu’aucune explication valable n’a été donnée non plus depuis.

En plus d’un demi-siècle, d’autres études parlementaires se sont penchées sur la réforme de la législation sur le cannabis au Canada, notamment la Commission d’enquête sur l’usage des drogues à des fins non médicales — la commission Le Dain —, au début des années 1970, et l’étude du Comité sénatorial spécial sur les drogues illicites, en 2002, que j’ai déjà mentionnée.

De 1969 à 1972, la commission Le Dain s’est penchée sur les mêmes questions dont nous discutons aujourd’hui. Le rapport majoritaire de cette commission recommandait notamment d’autoriser la possession simple et la culture de cannabis à des fins personnelles. Quant au rapport minoritaire, il recommandait l’adoption d’une politique de distribution légale du cannabis, la suppression du cannabis de la Loi sur les stupéfiants et la mise en œuvre de mécanismes de contrôle provinciaux de la possession et de la culture du cannabis semblables à ceux qui régissaient déjà la consommation d’alcool.

En 2002, le Comité sénatorial spécial sur les drogues illicites concluait que la criminalisation de la possession de cannabis était plus néfaste pour les jeunes Canadiens que sa légalisation et sa réglementation.

En 2014, le Centre de toxicomanie et de santé mentale, le plus grand centre de traitement de la santé mentale et de la toxicomanie du Canada, a recommandé la légalisation et la réglementation du cannabis. C’était en 2014.

Le tout récent rapport de 2016 du Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis, présidé par l’honorable Anne McLellan, repose, quant à lui, sur une vaste consultation et une étude sur le cannabis.

En plus de tenir une série de tables rondes dans les villes du pays en vue de dialoguer avec des experts d’un large éventail de disciplines, le groupe de travail a reçu près de 30 000 mémoires de Canadiens et a étudié près de 300 mémoires détaillés. Il a directement entendu des professionnels, des employeurs, des travailleurs de première ligne, des patients qui consomment du cannabis à des fins médicales, des intervenants autochtones, des gouvernements et des organismes.

En octobre 2016, le groupe de travail a organisé une table ronde avec les Autochtones. Parmi les participants, on comptait des aînés, ainsi que des représentants de l’Assemblée des Premières Nations, du Ralliement national des Métis et du Congrès des Peuples autochtones. Des groupes autochtones ont également participé à des tables rondes régionales en Colombie­Britannique, en Alberta, en Ontario et en Nouvelle­Écosse, et une réunion bilatérale a eu lieu avec l’Inuit Tapiriit Kanatami. Les opinions des groupes consultés ont été exprimées dans le rapport, notamment le besoin de mobiliser les collectivités autochtones et les aînés pour concevoir et réaliser des activités d’éducation et de sensibilisation publique et pour explorer la possibilité de participer à l’industrie licite du cannabis.

De plus, le groupe de travail a effectué des visites au Colorado et à Washington, deux États américains ayant récemment légalisé le cannabis à des fins non médicales. Sur place, les membres du groupe de travail ont été renseignés à ce sujet par des fonctionnaires de ces États. Ils ont aussi parlé à de hauts fonctionnaires du gouvernement de l’Uruguay pour en savoir plus sur leur expérience unique, puisqu’il s’agit du seul pays à avoir adopté un système de réglementation pour l’accès légal au cannabis. Ils ont visité les installations de producteurs autorisés des deux côtés de la frontière afin de se familiariser avec l’industrie de la production réglementée du cannabis.

(1440)

Honorables sénateurs, le rapport final de décembre 2016 du groupe de travail a été très bien accueilli. Il est exhaustif et fondé sur des données probantes et il donne aux lecteurs une base solide concernant les considérations pertinentes liées à la légalisation et la réglementation stricte du cannabis consommé à des fins non médicales.

Passons maintenant à la Loi sur le cannabis, qui est conforme en grande partie aux recommandations du groupe de travail de 2016.

Le projet de loi C-45 vise à créer un cadre juridique qui permettra aux adultes de se procurer légalement du cannabis par une vente au détail encadrée et provenant d’une industrie bien réglementée ou de le cultiver en quantité limitée à la maison.

Les adultes, c’est-à-dire les personnes âgées de 18 ans et plus, pourront légalement avoir en leur possession dans un lieu public jusqu’à 30 grammes de cannabis séché légal ou l’équivalent s’il appartient à une différente catégorie de cannabis. Les adultes pourront également partager légalement jusqu’à 30 grammes de cannabis séché légal, ou l’équivalent, avec d’autres adultes. La vente ou la possession de cannabis en vue de la vente ne seront légales que si elles sont autorisées par la loi.

Une chose est parfaitement claire, et c'est qu'il y aurait une interdiction stricte de vendre ou de donner du cannabis à des jeunes. La loi vise à créer une nouvelle infraction criminelle grave pour les adultes qui vendent ou donnent du cannabis à un jeune. Elle en propose une autre pour les personnes qui se servent d’un jeune pour commettre une infraction relative au cannabis ou qui font participer un jeune à une telle infraction.

Toute possession, production, distribution, importation, exportation et vente de cannabis qui n’est pas prévue dans le cadre juridique restera illégale et passible de sanctions pénales proportionnelles à la gravité de l’infraction.

Notons que les sanctions prévues dans le projet de loi C-45 sont très différentes de celles qui figurent dans l’actuelle Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Premièrement, les infractions proposées dans le projet de loi C-45 seraient maintenant des infractions mixtes, plutôt que des infractions qui donnent obligatoirement lieu à une procédure de mise en accusation, et elles ne seraient pas assorties d’une sanction minimale obligatoire. Deuxièmement, le projet de loi C-45 prévoit une gamme de sanctions, allant d’une contravention pour les adultes qui commettent des infractions mineures de possession et de production à des fins personnelles à une peine d’emprisonnement maximale de 14 ans pour les infractions plus graves.

Le projet de loi C-45 exempterait également de poursuites au criminel les jeunes qui ont en leur possession ou qui partagent une petite quantité de cannabis — jusqu’à cinq grammes — tandis que les jeunes qui ont en leur possession ou qui distribuent plus de cinq grammes commettraient une infraction au titre de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, qui privilégie les interventions communautaires, la réhabilitation et la réinsertion plutôt que la judiciarisation.

Pour les infractions graves, d’autres mesures que les accusations sont encouragées. Il peut s’agir notamment de ne pas intervenir, d’avertir le jeune ou de lui recommander un programme ou un organisme communautaire pour l’aider à régler les causes sous-jacentes à son comportement.

Honorables sénateurs, on a beaucoup parlé du traitement des jeunes prévu dans le projet de loi C-45 et j’aimerais prendre quelques minutes pour expliquer en quoi l’approche proposée par le gouvernement sera centrée sur les jeunes.

Certains ont exprimé des réserves relativement au fait que les jeunes seront exemptés de poursuites criminelles pour possession de cinq grammes ou moins de cannabis, en disant que cette décision envoie un mauvais message aux jeunes.

Toutefois, il convient de souligner que le projet de loi C-45 est conforme à l’avis du groupe de travail, selon lequel continuer de judiciariser les jeunes pour possession ou partage d’une très petite quantité de cannabis ferait plus de mal que de bien.

Il est aussi important de souligner que le gouvernement fédéral a échangé régulièrement avec les provinces et les territoires au cours des dernières années pendant qu’ils élaboraient leurs propres plans de mise en œuvre. Jusqu’à maintenant, les plus grandes provinces du Canada, l’Ontario et l’Alberta, ont choisi d’utiliser la liberté que leur donne le projet de loi C-45 pour créer des infractions, provinciales ou territoriales, pour interdire aux jeunes âgés de moins de 18 ou 19 ans toute possession de cannabis. Les provinces utilisent la marge de manœuvre qui leur est donnée dans le projet de loi C-45 pour éliminer la disposition qui permet de possédercinq grammes de drogue.

Grâce à cette approche, les policiers auraient les pouvoirs nécessaires pour saisir le cannabis des jeunes, sans pour autant les assujettir à des sanctions criminelles qui nuiraient à leur avenir.

Cette approche serait assortie d’autres protections des jeunes prévues dans le projet de loi C-45, soit : limiter l’accès des jeunes au cannabis; protéger les jeunes du matériel promotionnel qui pourrait les inciter à consommer le cannabis; interdire les produits qui sont attirants pour les jeunes; interdire les emballages ou étiquetages du cannabis susceptible de rendre le produit attirant pour les jeunes; interdire la vente de cannabis en libre-service ou dans des distributrices automatiques; et, enfin, créer de nouvelles infractions passibles de lourdes peines pour les adultes qui vendent ou distribuent du cannabis aux jeunes, ou qui se servent d’un jeune pour commettre une infraction liée au cannabis.

Indépendamment de la loi, le gouvernement investit 45,6 millions de dollars sur cinq ans dans des campagnes de sensibilisation rigoureuses du public pour faire connaître aux Canadiens, surtout aux jeunes Canadiens, les risques associés à la consommation de cannabis. De plus, le gouvernement travaille en partenariat avec des organismes, comme Jeunesse sans drogue Canada, qui font un travail magnifique avec des campagnes pour cibler les jeunes, qui ont bien changé depuis l’époque où l’on invitait les jeunes à simplement dire « non ». Nous savons que c’est une approche qui n’a pas fonctionné. La brochure « Parler cannabis », qui fournit aux parents les renseignements nécessaires pour qu’ils puissent avoir des conversations éclairées avec leurs adolescents au sujet du cannabis, a été distribuée dans des écoles, des centres communautaires et des cabinets de médecins partout au Canada.

Je tiens également à souligner que l’organisme Canadian Students for Sensible Drug Policy travaille actuellement à l’élaboration d’une campagne de sensibilisation et de recherche qui accorde la priorité à la contribution des jeunes. L’organisme a cherché des partenaires pour la sensibilisation sur la consommation du cannabis dans le but de créer des outils sérieux qui permettront aux jeunes d’accéder aux renseignements auxquels ils ont droit. J’attends avec impatience leur prochain programme éducatif sur le cannabis.

En vertu du projet de loi, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux se partageraient la responsabilité de superviser le nouveau système. Le gouvernement fédéral surveillerait les volets production et fabrication du cadre de réglementation du cannabis et établirait les règles et les normes qui s’appliqueraient à toute l’industrie.

Conformément aux recommandations du groupe de travail, les gouvernements provinciaux et territoriaux seraient généralement responsables, pour leur part, des volets de la distribution et de la vente. Ils seraient aussi en mesure d’imposer toute autre restriction qu’ils jugeraient appropriée. Ils pourraient donc, comme l’ont déjà proposé certains d’entre eux, hausser l’âge minimum de consommation sur leur territoire; réduire les limites de possession de cannabis, de façon à protéger encore mieux les jeunes; établir d’autres règles concernant la culture du cannabis à domicile, notamment en abaissant éventuellement le nombre de plants que les résidants seraient autorisés à cultiver; restreindre les lieux où il serait permis de consommer du cannabis, en adoptant des règles concernant les endroits publics et les voitures, par exemple. Nous savons que les provinces et les territoires préfèrent faire preuve de prudence et envisager des restrictions supplémentaires de ce genre.

En plus de collaborer à la mise en place d’une chaîne d’approvisionnement sûre, les provinces et les territoires seraient des partenaires clés dans les efforts déployés par le gouvernement fédéral en vue de mieux sensibiliser la population aux risques potentiels associés à la consommation de cannabis. Le gouvernement a indiqué qu’il surveillerait les habitudes de consommation de cannabis des Canadiens, spécialement celle des jeunes, et les perceptions auxquelles elles donnent lieu, au moyen d’une enquête canadienne annuelle sur le cannabis. Les données ainsi recueillies permettraient de guider et de peaufiner les activités d’information et de sensibilisation de la population afin d’atténuer les risques et les dangers liés à la consommation.

Nous avons vu comment le gouvernement propose de légaliser et de réglementer rigoureusement le cannabis. Il ne faudrait pas en conclure qu’il souhaite encourager tous les Canadiens à consommer du cannabis. L’approche qu’il a adoptée vise plutôt à reconnaître que, à l’heure actuelle, les jeunes Canadiens ont facilement accès au marché illégal du cannabis et y ont souvent recours, et que nous avons du chemin à faire afin de bien informer la population des risques que pose la consommation de cannabis et de faire obstacle à cet immense marché noir d’une valeur de 7 milliards de dollars.

Le tabac et l’alcool sont deux substances légales pour lesquelles le gouvernement a mis en œuvre d’importantes mesures de sensibilisation du public concernant leurs méfaits et leurs risques. Dans le même ordre d’idées, le gouvernement s’est clairement engagé à mettre en œuvre et à financer de manière permanente des mesures de sensibilisation pour informer tous les Canadiens, jeunes et vieux, des risques associés à la consommation du cannabis.

J’aimerais maintenant parler brièvement du moment prévu de la mise en œuvre de la Loi sur le cannabis. Certaines personnes ont laissé entendre que les gouvernements provinciaux et territoriaux et les services de police ne seront pas prêts et qu’ils ont besoin de plus de temps. Honorables sénateurs, je souligne simplement que beaucoup d’experts sont d’avis contraire et soutiennent que la loi doit entrer en vigueur dès que possible.

(1450)

Durant son témoignage devant le Comité permanent de la santé, un représentant de l’Association canadienne de santé publique a fait la déclaration suivante :

Malheureusement, le temps est un luxe que nous ne pouvons nous offrir, car les Canadiens consomment déjà des quantités record de marijuana. Les dommages pour les personnes et la société causés par la consommation de cannabis se font déjà ressentir chaque jour. La loi proposée et la réglementation qui suivra sont le meilleur moyen de réduire ces dommages et d’assurer le bien-être de tous les Canadiens.

Honorables sénateurs, à l’amorce de notre étude du projet de loi C-45, je suis fort encouragé par l’énorme quantité de travail accompli par les provinces et les territoires. Plusieurs d’entre eux ont mené et terminé des consultations sur la mise en œuvre de la légalisation et de la réglementation du cannabis sur leur territoire. L’Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick, l’Alberta, Terre-Neuve-et-Labrador et le Yukon ont déjà proposé une loi ou un cadre décrivant leur approche par rapport au cannabis à des fins récréatives, et le Manitoba a promulgué sa Loi sur la réduction des méfaits du cannabis. Pas plus tard qu’aujourd’hui, nous avons appris que les Territoires du Nord-Ouest ont publié leur cadre, ce qui porte le compte à huit provinces et territoires.

Manifestement, de nombreuses provinces vont de l’avant en prévision de l’adoption du projet de loi en juillet 2018. Ma province, la plus grande du Canada, sera assurément prête. Le Nouveau-Brunswick considère que la production de cannabis est un moyen de créer des emplois et de diversifier l’économie, et l’industrie du cannabis fait partie de son plan de croissance économique. Ne sommes-nous pas tous en faveur de la croissance économique?

Pour conclure, il importe de souligner que nous pensons tous à la légalisation et à la réglementation stricte du cannabis depuis le 4 décembre 2015, lorsque l’annonce en a été faite dans le discours du Trône qui a ouvert la première session de la 42e législature du Parlement du Canada, et depuis des décennies avant cela, comme je l’ai indiqué aujourd’hui.

Je signale aux honorables sénateurs que l’attitude du grand public a changé à l’égard de la légalisation et de la réglementation du cannabis. Durant les années 1970, les Canadiens n’étaient peut-être pas prêts aux changements qui ont fait suite à la commission Le Dain, mais la plupart considèrent actuellement l’emprisonnement et l’ouverture d’un casier judiciaire pour des infractions mineures liées au cannabis comme une approche trop musclée. Les Canadiens appuient l’orientation que propose le projet de loi C-45.

Le cannabis est dommageable, mais il est facile de s’en procurer et, aujourd’hui, beaucoup de jeunes Canadiens en consomment. Le temps est venu de cesser d’ignorer le problème.

Je vous remercie à l’avance de la contribution que le Sénat s’apprête à faire dans le cadre de l’étude du projet de loi C-45.

Son Honneur le Président : Sénateur Dean, plusieurs sénateurs aimeraient poser des questions. Acceptez-vous d’y répondre?

Le sénateur Dean : Votre Honneur, je me ferai un plaisir de répondre aux questions. Je vous remercie.

[Français]

L’honorable Claude Carignan : Évidemment, nous avons beaucoup de questions. J’aimerais parler des jeunes âgés de moins de 18 ans, en particulier ceux âgés de 12 à 18 ans. À peu près toutes les lois qui sont modifiées par le projet de loi C-45 touchent le Code criminel. Parmi les interdictions, on retrouve celle qui se lit comme suit :

il est interdit à tout jeune d’avoir en sa possession une quantité totale de cannabis, d’une ou de plusieurs catégories, équivalant, selon l’annexe 3, à plus de cinq grammes de cannabis séché;

On m’a appris, à la faculté de droit, à interpréter également a contrario. Ainsi, cela signifie qu’un jeune âgé de 12 à 18 ans peut avoir en sa possession cinq grammes et moins, peu importe l’endroit où il se trouve, que ce soit dans un lieu privé ou public — or, l’école est un lieu public.

Êtes-vous conscient du fait que, par ce projet de loi, vous permettez à des jeunes de moins de 18 ans d’avoir en leur possession du cannabis à l’école? Ne me répondez pas que c’est la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents qui s’applique, car ce n’est pas le cas. On parle ici du Code criminel et on en retire une infraction.

[Traduction]

Le sénateur Dean : Je vous remercie de votre question, sénateur Carignan.

Nous sommes saisis du projet de loi C-45 aujourd’hui parce que les Canadiens sont préoccupés par la consommation très répandue du cannabis chez les enfants et les jeunes du pays. Évidemment, la prémisse de cette mesure tient au fait que, à l’heure actuelle, les jeunes Canadiens de 12 à 18 ans consomment des quantités substantielles de cannabis et que cette pratique cause des dommages.

Mis à part les problèmes médicaux, il faut mentionner la judiciarisation et l’ouverture d’un casier judiciaire. Le projet de loi C-45 vise notamment à réduire les conséquences de la judiciarisation et à reconnaître que les jeunes Canadiens consomment déjà du cannabis en quantité substantielle. La limite de cinq grammes vise à éviter de judiciariser les jeunes qui sont en possession de petites quantités de cannabis aujourd’hui — et qui continueront peut-être de l’être dans l’avenir — et à mieux les sensibiliser qu’on ne le fait maintenant quant à l’application de la loi. Cette mesure vise également à leur fournir des conseils et de l’information sur les conséquences liées à la consommation de cette substance.

J’ai mentionné dans ma déclaration que l’un des objectifs énoncés par le gouvernement est de réduire ou d’éliminer la consommation de cannabis parmi les jeunes. Les provinces auront le droit de réduire la quantité permise de cinq grammes et seront encouragées à le faire, étant donné la position générale du gouvernement consistant à viser une diminution, voire une élimination de la consommation de cannabis parmi les jeunes.

Les provinces ont réagi, en particulier les provinces les plus peuplées, et elles disent avoir l’intention d’éliminer la quantité permise de cinq grammes pour que la consommation de cannabis ne soit pas un bar ouvert pour les jeunes de moins de 18 ans, si vous me permettez l’expression, tant qu’on ne dépasse pas cinq grammes.

Or, les sanctions prévues dans la loi sont… Monsieur le sénateur Carignan, je réponds maintenant à votre question.

Le sénateur Carignan : Oui, j’écoute.

Le sénateur Dean : Les sanctions prévues dans le projet loi C-45 sont progressives. Les moins sévères consistent à donner un avertissement au jeune ou à lui enlever la petite quantité de cannabis qu’il a sur lui. En revanche, on pourra être beaucoup plus sévère en infligeant une amende ou en intentant une procédure en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. La province aura le pouvoir de décider quelles sanctions imposer, selon la gravité de l’infraction.

[Français]

Son Honneur le Président : Sénateur Carignan, plusieurs sénateurs aimeraient poser des questions. Nous reviendrons à vous si le temps le permet.

[Traduction]

L’honorable Anne C. Cools : Je remercie le sénateur pour ce qui m’est apparu comme un discours empreint de rigueur et presque convaincant. Il s’agit d’un dossier qui préoccupe les Chambres du Parlement et les parlementaires depuis passablement longtemps. Je souligne aussi, à l’intention des sénateurs qui prennent part aux travaux du Comité sénatorial permanent des finances nationales, que le budget des dépenses qui sera étudié très bientôt par le Sénat, sous forme de projet de loi de crédits, prévoit une somme de 39 millions de dollars, soit presque 40 millions, pour que le ministère fédéral de la Santé puisse établir un cadre réglementaire concernant le cannabis. Je me pose des questions à ce sujet, mais je l’aborderai un autre jour, pas aujourd’hui.

La question que j’adresse au sénateur Dean aujourd’hui concerne la consommation de cannabis et les dispositions du projet de loi C-45 qui ont trait à l’usage médical du cannabis. J’entends beaucoup parler de « l’usage médical du cannabis ».

(1500)

Sénateur Dean, vous êtes-vous penché sur une telle utilisation d’un médicament? Depuis toujours — et les sociétés pharmaceutiques peuvent le prouver —, la plupart des médicaments sont présentés sous forme de comprimés, de capsules, d’injections et d’autres façons. Je ne connais aucun autre médicament que l’on fume. Fumer, comme vous le savez, est un processus au cours duquel des humains inhalent la fumée d’une matière enflammée, qui est nocive pour le corps humain. Pourriez-vous nous en dire davantage sur ce médicament que l’on fume?

Le sénateur Dean : Sénatrice Cools, vous avez relevé un autre méfait du cannabis, un méfait qui est assez évident. Je tiens tout d’abord à vous remercier de votre question. Donc, mon allocution est « presque convaincante ». J’accepte ce commentaire, pour le moment.

Tout d’abord, le régime médical actuel, qui, comme je l’ai dit, a été une grande réussite — et, en toute justice, il faut féliciter l’ancien gouvernement et son chef d’avoir réussi sa mise en œuvre — ne sera pas modifié par la mesure législative. Le régime médical fonctionnera en parallèle, bien qu’il y ait des ressemblances.

Toute inhalation de monoxyde de carbone est, de par sa nature, malsaine et peut donner lieu à des méfaits graves. Nous savons que c’est le cas en ce qui concerne le tabac, et celui-ci, bien sûr, contient également de la nicotine, qui crée une forte dépendance.

Il n’y a aucun doute que fumer est nuisible et, plus les gens fument, plus importants sont les méfaits. En outre, plus il y a de tabac ajouté à un produit de cannabis, plus les effets nuisibles augmentent en raison du tabac et de la nicotine. C’est pour cette raison que de nombreux producteurs de marijuana à des fins médicales fabriquent des produits comestibles, ainsi que de l’huile pouvant servir à préparer des produits comestibles. Les produits comestibles ne sont pas visés par le débat actuel. On en reparlera dans un an. Certaines questions pourront donc être examinées plus tard. Le gouvernement s’est montré ouvert à cet égard.

Il faut donc examiner le secteur des produits comestibles et se pencher très rapidement sur la réglementation concernant l’emballage et l’étiquetage, ainsi que sur l’importance d’étiqueter les produits de manière à fournir des renseignements précis sur le dosage. Ce qu’on trouve sur le marché médical ne se retrouve pas sur le marché illicite. À l’heure actuelle, sur le marché médical, on indique clairement la puissance du produit, notamment en précisant le taux de THC et de cannabidiol. Ces renseignements ne sont pas offerts sur le marché illicite de 7 milliards de dollars. N’oublions pas que le marché récréatif du Canada est entièrement alimenté de façon illicite. Maintenant que nous amorçons la transition vers un régime légal et libéré des contraintes de la criminalisation, nous pouvons commencer à nous pencher sur la réduction des méfaits. Nous pouvons commencer à examiner la question sous l’angle de la santé communautaire et publique, ce qui a été activement découragé sous le régime de criminalisation. Nous pouvons donc commencer à parler des dangers associés au fait de consommer du cannabis, que ce soit en le fumant ou de toute autre façon. Il ne fait aucun doute que le cannabis a des effets thérapeutiques. Si nous décidions de passer à un régime légal, nous pourrions aussi tirer des leçons des méthodes d’emballage, d’étiquetage et de contrôle de la qualité et de la puissance qui ont été élaborées et éprouvées de manière efficace au Canada. Nous ne partons pas de zéro. Les producteurs canadiens savent comment s’y prendre. Leur savoir-faire attire des gens de partout dans le monde qui veulent savoir comment nous procédons au Canada. Merci, sénatrice Cools.

Son Honneur le Président : Sénateur Dean, votre temps de parole est écoulé, mais je sais qu’il y a encore des sénateurs qui veulent poser des questions. Demandez-vous cinq minutes de plus pour répondre à d’autres questions?

Une voix : Une heure.

Le sénateur Dean : Votre Honneur, vous savez que j’ai déjà fait valoir qu’on ne saurait trop encourager les discussions et les débats dans cette enceinte, alors je suis évidemment prêt à répondre à des questions.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Je précise, à l’intention des sénateurs qui veulent poser une question, qu’ils auront 15 minutes pour intervenir dans le débat après cette période de questions. S’ils désirent réellement poser une question, je leur demande d’être brefs pour permettre au plus grand nombre possible de sénateurs de faire de même.

L’honorable Nancy Greene Raine : Ma question sera brève.

Le sénateur Dean suppose-t-il que les Canadiens seront plus nombreux, ou moins nombreux, à consommer de la marijuana à la suite de sa légalisation?

Le sénateur Dean : Merci de la question. Selon les propositions de politiques dont nous sommes saisis, il y a probablement des millions de Canadiens qui consomment du cannabis actuellement. Il faut d’abord réduire les dommages associés à cette situation. On cherche à diminuer le degré, ou l’intensité, de la consommation, surtout chez les jeunes. Il faut les conseiller et les informer afin qu’ils comprennent les raisons de ne pas consommer. Je pense que, une fois la légalisation arrivée à maturité, dans quelques années, grâce à une meilleure application de la loi — et des sommes importantes sont prévues à cet effet — et à une meilleure éducation, nous constaterons — et nous devrions voir — que moins de Canadiens consomment du cannabis qu’aujourd’hui, et qu’ils le font de façon plus sûre et avec une bien meilleure idée des risques encourus.

Je peux vous dire ceci : ce que nous savons, c’est que, en ne faisant rien et en fermant les yeux, nous sommes certains que ces taux augmenteront. Je peux le garantir, et je ne veux pas emprunter cette voie.

L’honorable Paul E. McIntyre : Ma question porte sur les obligations issues de traités internationaux touchant la marijuana. C’est un aspect dont vous n’avez malheureusement pas parlé dans votre présentation.

Comme vous le savez, le Canada est signataire de trois conventions des Nations Unies relatives au contrôle des drogues : la première remonte à 1961, la deuxième à 1971 et le troisième à 1988. Ces conventions interdisent généralement l’utilisation de marijuana à des fins autres que médicales ou scientifiques

En supposant que le projet de loi C-45 soit adopté, comment le Canada respectera-t-il ses obligations découlant des traités internationaux? Cherchera-t-il à supprimer de ces conventions les dispositions concernant la marijuana ou à émettre des réserves à leur égard? Proposera-t-il des modifications aux modalités des conventions ou s’en retirera-t-il simplement si ses demandes sont rejetées, afin d’éviter d’enfreindre ses obligations internationales? D’après ce que j’ai cru comprendre, le Canada n’a rien fait de tout cela jusqu’à présent, ce que je trouve regrettable. J’aimerais connaître votre opinion sur cette question.

Le sénateur Dean : Merci. C’est une excellente question, et je suis ravi de pouvoir y répondre. Tout d’abord, sénateur, je laisse aux responsables du dossier au sein du gouvernement le soin de répondre à la question sur la gestion de nos obligations découlant des traités internationaux. Le gouvernement pourrait aborder ce problème de nombreuses façons, et vous en avez énumérées quelques-unes.

(1510)

J’aimerais simplement dire ceci aujourd’hui : j’ai vérifié quelles étaient ces obligations et je suis persuadé que l’approche actuelle du Canada, soit la criminalisation du cannabis, va de toute évidence à leur encontre, puisqu’elles visent une réduction de la consommation de cannabis et la lutte contre les marchés clandestins de la drogue.

En ce qui concerne le respect de nos obligations internationales au chapitre du cannabis, nous ne pouvons pas vraiment faire pire, honorables sénateurs, que ce que nous faisons à l’heure actuelle. Nous pouvons seulement faire mieux. Je pense que l’approche proposée serait plus efficace.

C’était une excellente question. Je n’ai pas tenté de l’éviter dans ma déclaration; j’espérais qu’on me la poserait.

Son Honneur le Président : Encore une fois, votre temps de parole est écoulé, sénateur Dean, mais je pense qu’il y a au moins une autre personne qui aimerait vous poser une question.

Le sénateur Dean : Je serais heureux qu’on m’accorde plus de temps, Votre Honneur.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Merci. Votre Honneur et honorables collègues, je vais essayer d’être bref.

Son Honneur le Président : Je regrette, sénateur. Je n’ai pas entendu de « non » quand j’ai demandé si le consentement était accordé, mais je vois, à présent, qu’il y a un « non ». Malheureusement, votre temps de parole est écoulé et le consentement n’a pas été accordé pour poursuivre la période des questions.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la modernisation des transports

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Mitchell, appuyée par l’honorable sénatrice Gagné, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à d’autres lois concernant les transports ainsi que des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.

L’honorable Frances Lankin : Honorable sénateurs, nous allons à présent débattre du projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à d’autres lois concernant les transports ainsi que des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.

Je souligne qu’il s’agit d’un projet de loi, à l’étape de la deuxième lecture, que j’appuie en principe. J’aimerais soulever des questions à l’égard de trois éléments en particulier. Ce sont des parties intéressées qui ont attiré mon attention sur ces éléments, et j’imagine que de nombreux sénateurs auront entendu des commentaires semblables.

Je soulève ces questions, non pas parce que je connais les réponses et que j’ai déjà adopté une position à leur égard, mais bien parce que j’estime qu’il s’agit de questions cruciales auxquelles il faut répondre pendant que le projet de loi est à l’étude au comité. Je demande aux membres du comité de bien vouloir prendre des notes et de peut-être veiller à ce qu’on pose ces questions aux témoins qui se présenteront afin que, idéalement, on comprenne mieux les préoccupations qui ont été soulevées.

Les trois éléments que je souhaite aborder aujourd’hui sont les suivants : les appareils d’enregistrement audio-vidéo dans les locomotives, l’interconnexion de longue distance et les coentreprises entre les transporteurs aériens.

En ce qui a trait aux appareils d’enregistrement audio-vidéo dans les locomotives, je crois comprendre que le projet de loi permet aux compagnies de chemin de fer de munir la cabine du conducteur des locomotives d’un appareil d’enregistrement audio-vidéo qui sera installé de façon à pouvoir filmer et enregistrer l’équipe de marche, qui se compose principalement, je présume, du mécanicien et du chef de train.

Les locomotives sont déjà munies de caméras, qui sont orientées vers l’avant. Je crois que, à l’arrière de la locomotive, il y en a aussi une qui est orientée vers l’arrière, mais il y en a assurément une qui fait face aux rails. L’information recueillie par ces appareils est utilisée au cours des enquêtes de sécurité lorsqu’un quelconque accident ou incident de sécurité a eu lieu.

Cet ajout — ce ne sont peut-être pas les bons termes, mais je pense à l’appareil dans la « cabine » et à l’appareil d’enregistrement audio-vidéo orienté vers l’arrière — est une évolution, du moins en ce qui concerne les transporteurs ferroviaires de catégorie 1 et les chemins de fer sur courtes distances.

Pour les transporteurs ferroviaires de catégorie 1, cet ajout est présenté dans le projet de loi comme avantageux pour tout le monde dans la mesure où il accroîtra la sécurité des voyageurs, du personnel et des civils, et je pense que nous sommes tous en faveur de cela. Je suppose que le Bureau de la sécurité des transports estime que cela permettra de recueillir de l’information importante lors d’enquêtes pour déterminer les causes d’un accident et formuler des recommandations ou émettre des ordonnances pour éviter de futurs accidents ou en réduire le nombre.

La préoccupation soulevée concerne l’utilisation à d’autres fins qui pourrait être faite d’enregistrements vidéo qui seront produits dans cette situation.

L’équipe de marche a, par l’intermédiaire de ses représentants syndicaux, soulevé la question du respect de la vie privée et de l’utilisation des éléments de preuve dans des processus disciplinaires. Je pense que, d’instinct, la première réponse serait que, en cas d’incident, on voudrait savoir si une erreur humaine est en cause et, si cette erreur humaine était attribuable à de la négligence, des mesures disciplinaires seraient justifiées.

Ce qui préoccupant, c’est que l’information recueillie dans le cadre d’une surveillance serve à contrôler le rendement, pratique qui, en vertu des dispositions législatives sur la protection de la vie privée, est limitée depuis des années. Cette utilisation comporte des restrictions. Or, la mesure législative, dans sa version actuelle, non seulement permet aux compagnies de chemins de fer d’avoir ce genre de matériel, mais les y oblige, ce qui suppose non seulement qu’on fait fi de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, mais aussi que ce matériel et ce type d’enregistrements ne sont pas soumis à ses dispositions. Ce n’est pas tout. Non seulement cette mesure législative permet aux employeurs de prendre connaissance de cette information, mais elle met en place un régime dans lequel cela devient obligatoire, parce que les compagnies de chemins de fer ont la responsabilité de surveiller et de recueillir toutes les données possibles pour comprendre les tendances en matière de sécurité et les incidents.

Tout converge donc vers une véritable tempête, car, en plus de l’information que je viens de vous donner, certains employeurs ont — comme l’ont souligné bien d’autres personnes, et pas juste les syndicats — une approche punitive et disciplinaire en matière de relations de travail. Force est de se demander quelles restrictions sont appropriées dans ces circonstances quant à l’utilisation d’informations de ce genre.

On veut certainement que le Bureau de la sécurité des transports y ait accès dans le cas d’incidents liés à la sécurité. À mon avis, il est facile de faire valoir l’utilité, pour les employeurs, d’avoir accès à ces informations pour savoir ce qu’ils doivent faire afin de rectifier la situation, de sensibiliser les gens et d’offrir des formations pertinentes.

De moins en moins de formations sont offertes à ce propos et de moins en moins d’interventions ont lieu à cet égard. Il y a également moins de contrôle. En raison des mises à pied et des compressions qui ont eu lieu, il y a moins de supervision directe, mais davantage de supervision des activités numériques.

Cela suscite beaucoup de questions. Je n’ai pas la réponse à ces questions. Je sais que le ministre a fait une déclaration au moment où ces préoccupations ont été soulevées pour la première fois. Il a affirmé que la loi interdit une telle utilisation de ces informations. Ce n’est pas ce que nous avons observé. Certes, il y a une disposition dans la loi qui interdit l’utilisation d’informations provenant d’enregistreurs de conversations et d’enregistreurs vidéo dans les poursuites concernant des infractions à la loi. Or, ce n’est pas ce dont il est question. On parle du milieu de travail.

Je dirais aux gens qui croient que les personnes soulevant ces inquiétudes font preuve d’un peu de paranoïa que des caméras ont déjà été installées dans des ateliers d’entretien partout au pays. Les syndicats ont soulevé des objections et les caméras ont été couvertes de façon temporaire — et nous avons eu une réponse — jusqu’à ce que les questions traitées dans ce projet de loi soient réglées.

(1520)

Ce projet de loi est censé n’avoir aucun rapport avec les caméras installées dans les ateliers d’entretien. Toutefois, c’est dans cette direction que s’orientent les employeurs des chemins de fer qui utiliseraient la loi comme prétexte. À terme, la question pourrait être contestée, traitée et réglée. Elle participe toutefois de l’attitude et de la culture en milieu de travail, dans le contexte desquelles seront interprétés ces articles, et c’est à cet égard qu’il y a lieu, à mon avis, d’être clair.

Le ministre a envoyé récemment une lettre aux compagnies de chemin de fer leur indiquant que ces préoccupations ont été soulevées et en précisant bien que, à son avis, toute information recueillie et conservée à partir des enregistreurs audio-vidéo doit être exclue des processus disciplinaires et ne doit servir qu’à des enquêtes menées en cas d’infractions graves à la sécurité ou d’accidents.

C’est rassurant, mais ce n’est pas une garantie. Je demanderais au comité d’examiner attentivement la portée d’ensemble de cette mesure en regard des exemptions prévues par la loi en matière de protection de la vie privée. Il faudra établir si cette mesure préserve ou non le principe voulant que les employeurs n’ont pas le droit de surveiller de cette manière le rendement des employés et examiner les retombées potentielles de la loi sur d’autres opérations ferroviaires menées en dehors de la cabine.

Je tiens à assurer aux gens qu’il n’y a aucun argument ni objection à opposer au fait de vouloir améliorer la sécurité et réagir à des incidents en ayant la meilleure information possible pour enquêter.

Je soulignerai que, tout comme dans les avions, un appareil enregistre toute une gamme de données pendant le trajet du train. Il y a déjà un système dont je ne suis pas certaine du nom, quelque chose comme WayTraX, qui ressemble à celui qui est utilisé dans les voitures par les compagnies d’assurances. En cas de freinage brusque, le système envoie un courriel à un responsable, qui appellera par radio le conducteur ou le mécanicien pour lui demander la cause de l’incident. Il y a déjà des mécanismes en place. Ce n’est pas comme si nous n’avions aucune information.

J’aimerais dire une dernière chose là-dessus : selon moi, la situation est comparable à celle dans les avions. Tout le monde sait qu’on y enregistre ce qui se dit et que les données y sont consignées. Il n’y a pas d’enregistrement vidéo et je ne crois pas — mais je pourrais me tromper — que les compagnies aériennes soient globalement exemptées des lois sur la protection de la vie privée. J’aimerais que le comité pousse la question un peu plus loin, qu’il analyse cette architecture et qu’il nous revienne avec des réponses.

La seconde préoccupation a trait à l’interconnexion de longue distance. Je dois vous dire que j’ai eu énormément de mal à obtenir de l’information là-dessus. Je me suis donc tournée vers le parrain, et je dois dire, sénateur Mitchell, que vos collaborateurs et vous avez fait de l’excellent travail, surtout que nos questions n’étaient pas très claires. Ce fut plutôt difficile, disons.

La faute est en partie la mienne. Je ne viens pas de l’Ouest, alors je ne comprends pas grand-chose à l’industrie du grain. Or, c’est surtout dans ce secteur que le problème de l’interconnexion se pose. Je crois comprendre que le projet de loi prévoit que les expéditeurs pourront tirer parti des forces de la concurrence pour obtenir de meilleurs prix pour le transport de leurs marchandises.

Voici où est le problème : supposons qu’un expéditeur de Peace River puisse retenir les services d’une société ferroviaire américaine, comme la Burlington Northern and Santa Fe. Celle-ci enverrait alors ses wagons jusqu’aux installations de l’expéditeur. Je vois le sénateur Wells faire « non » de la tête. Bon, on dirait que j’ai encore des choses à apprendre.

D’aucuns craignent que, si le CN est dans l’obligation de charger les wagons de la Burlington Northern and Santa Fe, par exemple, et de les acheminer jusqu’à Edmonton, où le CP prendrait le relais jusqu’à la frontière, et que Burlington Northern and Santa Fe se charge ensuite de les amener jusqu’à Chicago, ce soit le CN qui se retrouve avec les frais les plus élevés, puisque c’est le chargement des wagons qui coûte le plus cher. C’est l’expédition elle-même qui coûte le moins cher, surtout après le point d’interconnexion à la frontière; la société américaine pourrait donc baisser ses prix. Cette nouvelle façon de faire pourrait avoir une incidence sur les structures de prix et sur l’ensemble du secteur canadien de l’expédition, notamment sur les taux.

Je ne comprends pas complètement la question, et j’espère que nous pourrons avoir l’assurance que le comité l’a étudiée. Je ne m’aventurerai pas plus, car cela montrera à quel point je m’y connais peu. Cela dit, il s’agit néanmoins d’une préoccupation qui a été soulevée.

La dernière préoccupation porte sur les coentreprises entre les transporteurs aériens. Vous êtes peut-être nombreux à vous être entretenus avec les représentants d’Air Transat, le transporteur aérien qui soulève cette question le plus activement. La préoccupation concerne la concurrence.

Les nouvelles dispositions permettraient des coentreprises qui pourraient être perçues comme étant semblables à une fusion. Comme vous le savez, les fusions de transporteurs aériens font l’objet d’un examen par le commissaire de la concurrence. Les recommandation du commissaire à l’égard d’une demande de fusion sont assujetties à des dispositions de la Loi sur la concurrence.

Je crois que ce que les transporteurs aériens tentent d’accomplir avec ces coentreprises est de mettre à profit les correspondances avec d’autres transporteurs aériens qui améliorent les occasions des Canadiens de voyager, à un tarif similaire, du Canada vers des carrefours internationaux et vers l’étranger. Les transporteurs aériens voient cela également comme un moyen d’améliorer leur viabilité et leur entrée sur les marchés, particulièrement dans les centres américains. De très bonnes choses pourraient donc ressortir de cela. La question est de savoir quel examen de la concurrence sera considéré et quel poids auront les préoccupations au chapitre de la concurrence.

Son Honneur le Président : Sénatrice Lankin, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Lankin : Oui.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Lankin : La source d’inquiétude, c’est que cela constituerait un avantage dont seuls les gros transporteurs aériens pourraient jouir, et cela pourrait donc désavantager les petits transporteurs sur le plan de la concurrence et, par conséquent, nuire aux services de vols régionaux qu’ils offrent aux Canadiens. Nous devons examiner quelles seraient les conséquences en aval.

Les dispositions du projet de loi permettraient au ministre d’annuler n’importe quelle décision du commissaire de la concurrence sur la base de l’intérêt public.

Il y a deux problèmes : dans la première version du projet de loi, on prévoyait que le rapport du commissaire puisse être rendu public, mais cela n’était pas obligatoire. Un amendement a été adopté à la Chambre des communes afin de remplacer « le commissaire peut rendre public » par « le commissaire rend public ». C’est un pas dans la bonne direction. Par contre, les compagnies aériennes se sont dites inquiètes à ce sujet, parce qu’il peut arriver — je crois qu’il s’agissait d’un des arguments de l’Association du Barreau canadien — que le rapport contienne des renseignements confidentiels de nature exclusive qui ne devraient pas être rendus publics. Il existe des moyens pour encadrer de telles situations.

D’un autre côté, nous voulons que le gouvernement ait la possibilité de prendre une décision en fonction de l’intérêt public en général. À l’heure actuelle, cela n’occupe pas une grande part du mandat du commissaire de la concurrence. La question est de savoir ce qui constitue cet intérêt public, et les gens réclament une définition plus précise.

Il existe actuellement des lignes directrices et différents éléments sont pris en compte concernant l’intérêt public dans le cas des fusions. Les coentreprises représentent une catégorie distincte et pourraient exiger une définition différente ou plus large de l’intérêt public si on voulait annuler une décision.

Je voudrais que le comité étudie cette question afin de pouvoir indiquer au Sénat si ces préoccupations sont valables ou non et quelles seraient les incidences pour les vols des Canadiens à partir des aéroports régionaux. La consolidation des grandes compagnies aériennes relativement aux vols internationaux a placé les vols intérieurs au second rang. Nous voulons nous assurer qu’il n’y aura pas de conséquences néfastes sur les vols intérieurs.

(1530)

Je m’arrête ici et je vous remercie de me donner l’occasion de soulever ces questions. J’ai hâte de voir les travaux et le rapport du comité.

L’honorable Terry M. Mercer (leader adjoint des libéraux au Sénat) : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Lankin : Oui.

Le sénateur Mercer : Dans votre discours, vous avez donné l’exemple d’un train qui traverse la frontière et qui va à Chicago. Supposons que le train est muni d’une caméra vidéo et d’un enregistreur de conversation et qu’il se trouve de l’autre côté de la frontière. Qui a accès aux données et qui en est propriétaire?

La sénatrice Lankin : C’est une question tout à fait pertinente que je n’ai pas abordée. J’ai parlé de l’utilisation par l’employeur, mais il peut être très problématique que l’information demeure à bord de la locomotive. Il arrive souvent que les locomotives soient laissées aux États-Unis pendant un certain temps. On peut supposer que, en pareil cas, n’importe quel membre du personnel du chemin de fer aux États-Unis pourrait avoir accès aux données. C’est un problème très sérieux de protection de la vie privée.

Dans divers cas, des renseignements personnels risquent d’être conservés à des endroits où ils ne sont protégés ni par les lois canadiennes sur la protection de la vie privée ni par les droits prévus dans la Charte.

Le sénateur Mercer : Si un train canadien va aux États-Unis, il se retrouve au bout d’une certaine distance avec un équipage américain, qui est alors à bord d’un train canadien et qui est filmé et enregistré.

Quelles règles de protection de la vie privée allons-nous suivre dans un pareil cas? Celles des États-Unis ou celles du Canada?

La sénatrice Lankin : C’est une question qui a déjà été posée, et je n’en connais pas la réponse.

Vous soulevez une autre interrogation, qui découle de la disposition permettant aux expéditeurs de faire appel à divers transporteurs, y compris des chemins de fer américains. Rien ne garantit que les chemins de fer canadiens pourront, à l'inverse, avoir des clients aux États-Unis. Lors des audiences à l’autre endroit, le CP s’est dit inquiet de voir qu’il n’y avait pas de réciprocité, donc que des pertes d’emplois importantes étaient à prévoir au Canada.

(Sur la motion du sénateur MacDonald, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Sénat

Adoption de la motion concernant la période des questions de la séance du 5 décembre 2017

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 29 novembre 2017, propose :

Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu’autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l’article 4-7 du Règlement, lorsque le Sénat siégera le mardi 5 décembre 2017, la période des questions commence à 15 h 30, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu’à la fin de la période des questions, qui sera d’une durée maximale de 40 minutes;

Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 ce jour-là, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;

Que, si la sonnerie d’appel pour un vote retentit à 15 h 30 ce jour-là, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu’elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;

Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 ce jour-là, la séance soit suspendue jusqu’à 15 h 30, heure de la période des questions.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 29 novembre 2017, propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au lundi 4 décembre 2017, à 18 h 30;

Que l’application de l’article 3-3(1) du Règlement soit suspendue ce jour-là.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à autoriser le Sénat à se réunir en comité plénier afin de recevoir Raymond Théberge, candidat au poste de commissaire aux langues officielles, et prévoyant que le comité fasse rapport au Sénat au plus tard 90 minutes après le début de ses travaux

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat),conformément au préavis donné plus tôt aujourd’hui, propose :

Que, à 19 heures le lundi 4 décembre 2017, le Sénat se forme en comité plénier afin de recevoir M. Raymond Théberge relativement à sa nomination au poste de commissaire aux langues officielles;

Que le comité plénier fasse rapport au Sénat au plus tard 90 minutes après le début de ses travaux.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés

La Loi sur le mariage civil

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Jaffer, appuyée par l’honorable sénatrice McPhedran, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-210, Loi modifiant la Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, la Loi sur le mariage civil, le Code criminel et d’autres lois en conséquence.

L’honorable Nicole Eaton : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-210, Loi modifiant la Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, la Loi sur le mariage civil, le Code criminel et d’autres lois en conséquence. Ce projet de loi, qui a été présenté par la sénatrice Jaffer, vise à modifier le titre abrégé du projet de loi S-7 de la dernière législature. Ce titre abrégé est « Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares ».

Le projet de loi a fourni des outils juridiques pour dissoudre un mariage forcé et a rendu nécessaire le consentement libre et éclairé au mariage. Il a fixé à 16 ans l’âge minimum pour le mariage, fait de la polygamie un motif d’interdiction d’entrée au Canada et limité le recours à la défense de provocation en droit criminel, ce qui est particulièrement important dans les cas impliquant ce qu’on appelle des meurtres d’honneur.

Soyons clairs : j’ai appuyé le projet de loi S-7 à l’époque et je l’appuie encore aujourd’hui. Je crois fermement que le Parlement doit, au moyen de lois, protéger les plus vulnérables contre la violence et faire la promotion de valeurs canadiennes telles que l’égalité.

Je suis d’avis que le projet de loi S-7 a contribué à l’atteinte de ces objectifs. Toutefois, même si on admet que les gestes visés par le projet de loi S-7 sont propres à certaines communautés — et je reconnais que cette prémisse est matière à débat —, je ne crois pas que le titre court du projet de loi est constructif. En fait, il est plutôt propre à semer la division. Il installe un clivage qui nuit à la discussion sur cet important problème. Ultimement, il gêne la concrétisation de nos convictions, car il empêche, ou rend plus ardu, l’établissement du dialogue qu’il faut nouer avec tous les Canadiens.

Par ailleurs, comme l’a fait valoir la sénatrice Jaffer, en suggérant que les gestes concernés sont propres à une culture donnée, le titre court attribue sans qu’on l’ait voulu la responsabilité de l’individu au groupe culturel. La violence envers les femmes et les enfants est odieuse et, oui, barbare. Elle est répandue et elle ne se limite certainement pas à un groupe culturel en particulier.

Ma réflexion sur ce sujet a évolué au cours de l’étude du projet de loi S-7 par le Comité des droits de la personne durant la dernière législature. Je crois qu’il est juste d’affirmer que la grande majorité des témoins estimaient que le titre court stigmatisait des communautés minoritaires. Il ne s’agissait pas d’opposants au projet de loi, mais de témoins qui l’appuyaient fermement sans approuver son titre court, que certains condamnaient même avec véhémence.

Je me suis rendu compte que, pour régler les problèmes relevés dans le projet de loi S-7, il fallait obtenir l’adhésion de tous les Canadiens, et qu’un titre abrégé trop provocateur n’était peut-être pas la meilleure façon d’amorcer le travail en ce sens.

Le projet de loi S-210 a une valeur strictement symbolique, mais les symboles ont aussi de l’importance. Je félicite la sénatrice Jaffer d’avoir présenté ce projet de loi et j’encourage tous les sénateurs à l’appuyer. Merci.

(Sur la motion du sénateur Plett, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur les sanctions non liées au nucléaire contre l’Iran

Troisième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Tkachuk, appuyée par l’honorable sénateur Carignan, C.P., tendant à la troisième lecture du projet de loi S-219, Loi visant à dissuader l’Iran de parrainer des actes constituant du terrorisme, de l’incitation à la haine et des violations des droits de la personne.

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler du projet de loi S-219, Loi visant à dissuader l’Iran de parrainer des actes constituant du terrorisme, de l’incitation à la haine et des violations des droits de la personne. Le débat sur ce projet de loi est actuellement ajourné au nom de la sénatrice Cools. Avec son consentement, je demande que, à la fin de mon intervention, l’article demeure ajourné à son nom.

Nous avons entendu le sénateur Tkachuk, qui parraine le projet de loi, et d’autres sénateurs s’exprimer sur l’objectif du projet de loi, qui, en résumé, consiste à restreindre les violations flagrantes des droits de la personne commises par le gouvernement iranien et à exercer une influence sur celui-ci en réglementant davantage les liens qu’entretient le Canada avec l’Iran. Le projet de loi prévoit que les sanctions soient maintenues, à moins que, pendant la période visée par deux rapports annuels consécutifs, des preuves montrent que l’Iran a amélioré considérablement son comportement dans les secteurs visés.

(1540)

Moi qui ai vécu pendant plus de six ans en Iran, qui suis mariée avec un Irano-Canadien, qui ai déjà obtenu la citoyenneté iranienne et qui ai donc déjà été iranienne, j’estime être en mesure de faire une contribution valable au présent débat.

J’ai déjà vécu en Iran, et ce, à l’époque du shah, puis durant la révolution et enfin sous le gouvernement islamique. Je peux vous dire que le peuple a été opprimé et victime de violations graves des droits de la personne à toutes ces époques. La prison d’Evin, dont il est souvent question dans les témoignages, était aussi redoutable sous le régime impérialiste qu’elle l’est aujourd’hui sous le régime islamiste.

En fait, le peuple iranien a joui de la démocratie pendant deux courtes années, c’est-à-dire de 1951 à 1953, pendant le bref passage au pouvoir du premier et seul dirigeant démocratiquement élu de l’Iran, le premier ministre Mossadegh. Un coup d’État, soutenu par des intérêts étrangers présents dans le secteur pétrolier de l’Iran, l’a aussitôt chassé du pouvoir.

Je suis reconnaissante aux nombreux sénateurs et aux nombreux témoins d’avoir rappelé que nous ne sommes pas en désaccord avec les Iraniens, mais plutôt avec leur gouvernement. Je tiens d’ailleurs à dire quelques mots sur ce peuple.

Lorsque j’ai vécu en Iran, j’y ai appris la langue. Or, j’estime que, en apprenant la langue d’un peuple, on apprend à mieux connaître son âme. Les Iraniens sont comme tous les autres peuples, mais ils ont un sens de la poésie, de la grâce, de l’élégance, de l’éloquence et de l’hospitalité que je n’ai pu observer nulle part ailleurs, bien que j’aie vécu dans quatre pays différents. Je ne suis pas seulement allée faire un tour dans ces pays; j’y ai vraiment vécu.

Je me souviens, au cours de mes dernières années en Iran, que le pays était en guerre avec l’Irak. Il n’y avait pas de chauffage. Pour ceux d’entre vous qui n’ont jamais visité l’Iran, la température peut être très froide. Nous nous assoyions autour de tables recouvertes de couvertures, en dessous desquelles crépitait un feu de charbon. Dangereux ou pas, c’est de cette manière que nous nous gardions au chaud.

Lorsque j'ai quitté l'Iran, sous la contrainte, et alors que je lançais un dernier coup d’œil rapide de l’autre côté de la frontière, je pensais que toute cette situation n’était que temporaire. Je pensais que l’Iran allait certainement vivre une période de troubles et d’ajustement, mais que, dans 10 ou 20 ans, le pays serait une démocratie fleurissante. J’avais tort. Le régime intégriste est si profondément et politiquement enraciné que le rêve de la démocratie, en particulier pour les jeunes, semble trop éloigné pour être tangible.

Je souhaite me joindre à mes collègues afin de condamner les violations des droits de la personne en Iran, perpétrées par le gouvernement iranien. Les témoignages de témoins, notamment Marina Nemat, sont difficiles à lire. La torture et le meurtre de la Canado­Iranienne Zahra Kazemi ainsi que l’emprisonnement injustifié d’Homa Hoodfar sont des actes de violence horribles, inimaginables, mais très réels, non seulement contre deux femmes canadiennes, mais contre l’humanité même.

Il y a d’autres signes inquiétants que le sénateur Tkachuk a soulignés. Le nombre d’exécutions en Iran continue d’augmenter. En 2015, Téhéran a exécuté quelque 1 000 personnes, ce qui lui a valu d’être le pays où le nombre d’exécutions est le plus élevé. Les journalistes font leur travail dans les conditions les plus difficiles et les plus dangereuses qui soient. Les minorités religieuses, en particulier la communauté bahá’íe, sont souvent ciblées.

Le projet de loi dont nous sommes saisis aborde les questions suivantes : que peut faire le Canada pour mettre fin à ce comportement? Comment pouvons-nous utiliser notre influence ici pour empêcher les violations des droits de la personne qui sont commises là-bas? Que pouvons-nous faire pour inciter l’Iran à modérer, sinon à cesser ces actes? Quelle est la meilleure manière d’y arriver, en agissant sans les autres, par nous-mêmes, en agissant unilatéralement?

Honorables sénateurs, bien que je sois d’accord avec l’objet fondamental du projet de loi, j’ai toutefois des préoccupations. Essentiellement, le projet de loi nous demande de mettre fin à nos discussions avec le gouvernement de l’Iran, de mettre fin aux relations, jusqu’à ce que nous ayons pu constater certaines améliorations dans son comportement.

Je me demande quel sera le résultat de ce désengagement. Le gouvernement de l’Iran cessera-t-il de torturer des gens, donnera-t-il les coudées franches aux médias, se comportera-t-il comme un gouvernement qui veille au bien-être de la population plutôt qu’au bien-être d’une petite oligarchie? Je ne le crois pas. Jusqu’à présent, le comportement du gouvernement de l’Iran me porte à croire que nous pourrions aggraver la situation. Même Marina Nemat, qui milite pour la libération des prisonniers en Iran et qui a elle-même été emprisonnée et torturée, a affirmé que maintenir le dialogue donnera de meilleurs résultats. Elle demande qu'une mission canadienne soit organisée en Iran, parce que cela nous permettra d’entamer des discussions, de faire connaître notre point de vue et d’avoir une influence directe sur le gouvernement de l’Iran.

Il y a également d’excellentes raisons pratiques de rétablir des relations diplomatiques avec l’Iran. Il n’en a pas été question, mais elles sont d’une grande importance pour les personnes touchées. Il y a notamment les cas d’enlèvement transfrontière d’enfants, question que le Comité sénatorial des droits de la personne a étudiée il y a quelques années. L’Iran n’est pas signataire de la Convention de La Haye, qui aide à prévenir et à résoudre les cas d’enlèvement d’enfants en dehors des frontières nationales. Par exemple, les quatre enfants d’Alison Azer ont été emmenés en Iran par leur père il y a deux ans, et il n’y a ni accord, ni mécanisme, ni mission en place nous permettant de communiquer directement avec le gouvernement de l’Iran. En conséquence, je m’inquiète des répercussions imprévues d’un projet de loi essentiellement symbolique.

Je me pose ensuite la question suivante : quels sont les outils à la disposition du Canada? Le Canada est une puissance moyenne. Il ne faut pas se leurrer. Le Canada ne représente pas un grand marché pour les produits iraniens, et nous exportons très peu en Iran. Le Congrès canado-iranien a fait état de certains chiffres impressionnants en ce qui concerne des avantages commerciaux possibles pour le Canada. Il a souligné que, en ce moment même, alors que nous parlons d’imposer des conditions relativement aux discussions avec l’Iran, des pays de l’Europe prennent des mesures pour établir de nouvelles relations commerciales avec l’Iran. Le Canada pourrait bien se retrouver à l’écart.

Je ne crois pas que cet argument simpliste m’interpelle. D’après moi, il est inadmissible. Je ne pense pas que nous devrions sacrifier les droits de la personne en vue de nouer des relations commerciales. Nous ne devrions jamais envisager une telle chose. Toutefois, nous avons des outils à notre disposition : la persuasion, la sensibilisation et le dialogue. Nous pouvons utiliser la manière forte quand cela est nécessaire ou la manière douce et diplomatique quand cela s’impose, étant donné que la diplomatie et le dialogue vont de pair. Le dialogue mène à des discussions, même si les parties ne trouvent pas de terrain d’entente. Il peut aussi mener à des échanges universitaires ou culturels, qui permettent souvent d’amorcer une conversation en douceur en ayant recours au pouvoir de persuasion pour apporter des changements.

Notre collègue, la sénatrice Patricia Bovey, qui prône la diplomatie et l’engagement culturels, m’a rappelé aujourd’hui que la culture peut ouvrir des portes qui sont fermées aux diplomates. Elle m’a rappelé que c’est la visite de l’Orchestre symphonique de Toronto en Chine qui avait ouvert la porte au commerce avec ce pays. Puis elle m’a rappelé de nouveau que les membres du Ballet royal de Winnipeg étaient allés au Mexique avant les négociateurs canadiens de l’ALENA et avaient permis d’établir des relations entre les deux pays. Le dialogue et les échanges commerciaux, le dialogue et la culture et, je dirais même, le dialogue et les droits de la personne, sont tous des éléments indissociables.

En outre, les sanctions proposées dans le projet de loi sont toutes liées à un rapport fourre-tout qui doit être publié annuellement, ce qui limite la capacité du gouvernement de gérer le régime de sanctions et d’engager un dialogue avec l’Iran. Comme Richard Nephew, ancien conseiller à la sécurité du président Obama, l’a dit lors de son témoignage :

Autrement dit […] ce projet de loi exige de l’Iran qu’il fasse des progrès relativement à un si grand nombre d’actes répréhensibles qu’il prive le Canada de la capacité de réagir à un progrès quelconque et de le récompenser. L’expression « Tous pour un, un pour tous » est un bon cri de ralliement, mais, en matière de sanctions, elle aboutit souvent à une absence de progrès concrets sur plusieurs fronts.

Honorables collègues, comprenez-moi bien. Je n’approuve aucunement les violations des droits de la personne en Iran. Ce n’est pas du tout le cas. Je ne suis tout simplement pas convaincue que ces améliorations, c’est-à-dire l'imposition unilatérale de sanctions plus strictes par le Canada, auraient quelque effet que ce soit.

(1550)

À mon avis, pour obtenir des résultats, il faut coordonner les sanctions et employer une approche multilatérale. Le Plan d’action global conjoint adopté par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies, ainsi que l’Allemagne et un autre pays, a résulté en un accord sur le programme nucléaire iranien. Peu importe si nos voisins au Sud participent ou non à cet accord, d’autres intervenants, surtout l’Agence internationale de l’énergie atomique, ont déclaré que l’Iran respecte ses engagements.

Je tiens également à rappeler aux honorables sénateurs un moment de grande fierté de l’histoire canadienne, lorsque le premier ministre Brian Mulroney a persuadé une Margaret Thatcher réticente à accepter, avec le président Ronald Reagan, d’imposer des sanctions à l’Afrique du Sud afin de mettre fin au régime d’apartheid. C’est ainsi que les sanctions produisent un effet. Nous participons déjà aux ententes établies.

J’ai une autre question : si l’on impose des sanctions contre l’Iran à cause de violations des droits de la personne, qu’en est-il des autres pays? Pourquoi imposer des sanctions contre un seul pays en particulier? La Loi Magnitski, adoptée récemment grâce au merveilleux leadership de la sénatrice Andreychuk, ne vise pas un pays en particulier. Elle vise les individus de tous les pays qui tombent dans la catégorie énoncée. Ainsi donc, pourquoi viser l’Iran? Pourquoi ne pas viser l’Arabie saoudite ou bien la Chine? Qu’en est-il de notre propre histoire de violations des droits de la personne contre les Premières Nations du Canada?

Je pense également aux plus de 300 000 Canadiens d’origine iranienne qui sont maintenant fiers de dire que le Canada est leur patrie. Que préfèrent-ils? Évidemment, il n’y a pas de réponse facile, car ce ne sont pas tous les Irano-Canadiens — ni tous les Canadiens — qui pensent de la même façon. Cependant, il y a lieu de supposer qu’ils préféreraient que nous maintenions le dialogue, au lieu de le rompre.

Pour terminer, voici une observation faite par la sénatrice Cools pendant les travaux du comité :

La diplomatie est un drôle de numéro […] La diplomatie est censée être comme une main ferme prête à saisir le moment où il y a une occasion de discuter, parce que le dialogue, au bout du compte, permet d’éviter les désastres et même les guerres.

Bref, bien que je respecte et que j’approuve le but visé par le projet de loi, je ne l’appuierai pas, pour toutes les raisons que j’ai mentionnées.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Omidvar, accepteriez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Omidvar : Avec plaisir.

L’honorable Jane Cordy : Je vous remercie de cette excellente allocution, sénatrice Omidvar. Aucun d’entre nous — du moins, à part vous, il ne doit pas y en avoir beaucoup — n’a vécu en Iran. Je vous remercie d’avoir émaillé votre discours d’expériences personnelles.

Je siégeais au comité lorsqu’il a étudié ce projet de loi. Il est clair que les membres du comité et les témoins que nous avons entendus n’ont rien contre les Iraniens. Leurs préoccupations se concentraient sur la violence et les violations des droits de la personne.

Des membres du Congrès canado-iranien ont comparu devant le comité et nous ont fait part de leur expérience. Je me souviens encore d’une femme que nous avons entendue, qui cherchait à faire libérer une personne emprisonnée en Iran. Elle nous a expliqué que l’ambassade a soudainement fermé et, sans rien pour la remplacer, il n’y avait plus d’espoir de faire libérer ce prisonnier. Je crois vos observations étaient tout à fait pertinentes quand vous avez expliqué les conséquences que pourrait avoir une rupture totale avec l’Iran.

Si le projet de loi S-219 est adopté et qu’il y a un désengagement, quelles en seront les conséquences pour les Canado-Iraniens et pour les personnes qui vivent en Iran?

La sénatrice Omidvar : Je vous remercie, madame la sénatrice, de votre question. Je vous suis aussi reconnaissante de nous rappeler ce témoignage, dont je garde un souvenir très clair.

Le témoin entendu au comité et le gouvernement du Canada ont dit que cela nuirait gravement aux efforts que nous faisons actuellement pour rétablir une mission en Iran. C’est un projet de loi très contraignant. Il empêche le gouvernement d’adapter sa démarche à son gré, selon les circonstances. Il y a les deux rapports annuels consécutifs.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice, voudriez-vous cinq minutes de plus? Votre temps de parole est écoulé.

La sénatrice Omidvar : Oui, merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Est-ce d'accord?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Omidvar : En consultant le projet de loi, j’ai vu qu’il faudrait attendre le dépôt de deux rapports annuels consécutifs avant d’envisager le rétablissement des négociations. J’ai trouvé que c’était comme si on mettait un enfant en punition dans un coin en lui interdisant d’en sortir, comme j’essaie de le faire avec mes petits-enfants, en vain, car ils ne m’écoutent pas de toute façon. C’est ainsi que je vois cette mesure. Elle impose véritablement une barrière structurelle et institutionnelle à notre relation, à un moment où nous avons plutôt besoin d’une approche souple et de garder l’esprit ouvert.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Puisqu’il reste encore quelques minutes, j’aimerais poser une question, précédée d’une observation ou d’un préambule.

J’hésite même à en parler, car, lorsqu’on parle d’autres pays et qu’on se demande pourquoi on cible plus particulièrement un pays comme l’Iran, il est parfois difficile d’établir une comparaison avec la relation que nous avons avec d’autres pays. Actuellement, lorsque j’examine ce projet de loi qui porte sur notre relation avec l’Iran, je ne peux pas m’empêcher de penser à la Corée du Nord, à certaines similarités avec les sanctions que nous imposons à ce régime, sans toutefois viser la population, puisque nous sommes de tout cœur avec elle. Dans le cas de la Corée du Nord, comme vous, sénatrice, j’ai des liens avec le pays visé, puisque mon père est né là-bas avant la guerre, avant l’existence de la Corée du Nord.

Le gouvernement coréen et le monde ont déployé divers efforts pour réduire les sanctions — une approche de douce mise en lumière, par opposition à ce que nous faisons aujourd’hui. Vous employez l’analogie de l’enfant en punition dans le coin. Je suis désolée, mais l’Iran n’est pas un enfant. Je pense au parrainage d’activités terroristes, aux violations des droits de la personne, que vous avez mentionnées, et aussi au mépris des gens de l’extérieur de l’Iran envers le régime. Nous parlons du régime.

Je sais qu’entretenir un dialogue adéquat est important. Toutefois, quand je songe à l’Iran, je ne peux m’empêcher de penser aussi à la Corée du Nord, car je sais qu’il y a des interactions entre ces deux régimes en matière d’armes. Je trouve donc cela très alarmant. À mon avis, l’Iran est un sujet d'inquiétude pour le monde entier.

Parlons de dialogue. Si nous n’adoptons pas le projet de loi, comment approcherions-nous l’Iran pour pouvoir compter sur le degré de transparence dont nous avons besoin, pour obtenir le genre de rapports exacts dont nous avons besoin et d’analyses qui nous permettront de souffler, et non de penser à des sanctions de plus en plus sévères? En effet, il s’agit d’un régime qui n’a pas saisi les perches qui lui ont été tendues. Ainsi, si nous n’adoptons pas le projet de loi, que ferons-nous?

La sénatrice Omidvar : Merci, sénatrice. Je comprends certainement que la discussion à propos de l’Iran suscite chez vous des réactions et des réflexions relativement à la Corée du Nord.

J’estime que, au point où nous en sommes, c’est le dialogue qui ouvrira les portes pour remédier à tout un éventail de problèmes, y compris les violations de droits de la personne. Jusqu’à présent, pour nous entretenir avec l’Iran, nous avons dû rechercher l’appui de gouvernements alliés qui y ont une mission en permanence, tels que le gouvernement de l’Italie ou l’ambassade du Danemark. Nous procédons par leur entremise. Si nous avons notre propre mission, nous avons nos propres yeux et nos propres oreilles sur le terrain. Nous avons une perception beaucoup plus intime et concrète de l’information. Voilà une première réponse.

Pour ce qui est de la Corée du Nord, je ne suis pas experte en la matière — d’autres sénateurs le sont peut-être —, mais, à ma connaissance, toute intervention contre ce pays est entreprise de concert avec nos partenaires du monde entier. Nous ne faisons pas cavalier seul.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le temps de parole de l’honorable sénatrice est écoulé. La sénatrice Martin a la parole.

La sénatrice Martin : Oui. Je propose l’ajournement du débat au nom de la sénatrice Ataullahjan. Pardon, je veux dire le sénateur Wells.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Excusez-moi. À l’ordre!

(Sur la motion de la sénatrice Cools, le débat est ajourné.)

(1600)

[Français]

Projet de loi sur la Semaine de l’égalité des sexes

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dawson, appuyée par l’honorable sénateur Joyal, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-309, Loi instituant la Semaine de l’égalité des sexes.

L’honorable Nancy Hartling : Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-309.

[Traduction]

J’interviens pour appuyer le projet de loi C-309, Loi instituant la Semaine de l’égalité des sexes.

Je trouve tout à fait opportun que mon premier discours important porte sur l’égalité des sexes, car c’est un sujet que je connais bien et qui me tient beaucoup à cœur.

Plusieurs d’entre nous ont célébré le premier anniversaire de notre nomination au Sénat récemment. Je tiens à vous exprimer ma reconnaissance pour l’accueil chaleureux qui m’a été réservé par la grande famille du Sénat et l’aide exceptionnelle qui m’a été apportée quant aux processus et à la procédure de notre institution. C’est une année dont je me souviendrai.

Je me rappelle que, les premiers jours, j’avais l’impression de me trouver dans un pays étranger, dont je ne connaissais pas la culture, la langue, les façons de procéder et les règles. Même si tout m’était étranger, le jour de mon assermentation, la tour de la Paix était illuminée en mauve en hommage aux femmes qui sont mortes à cause de la violence. Je me suis retrouvée en terrain connu, ce qui était bien.

Un an plus tard, je trouve ma place et ma voix. Comme il s’agit de mon premier discours, j’aimerais vous parler un peu de moi et de mon parcours, et vous faire part de détails qui ne sont pas nécessairement dans ma biographie. Rien de risqué, juste quelques petits détails.

J’ai passé la majeure partie de mon enfance dans une région rurale de la Nouvelle-Écosse, dans une collectivité soudée où les gens se souciaient les uns des autres. Fait intéressant, à Wallace, en Nouvelle-Écosse, ma ville natale, il y avait une carrière de pierres. Certains des édifices ici contiennent du grès qui provient de cette carrière.

Les gens de ma région gagnaient durement leur pain en pêchant le homard ou en travaillant à la carrière ou à la mine de sel. Ma grand-mère, qui était veuve, m’a beaucoup appris sur les moyens d’être indépendante et de joindre les deux bouts. Elle gagnait de l’argent de nombreuses façons : elle a accueilli des pensionnaires, dirigé une maison de chambres pour touristes et géré un magasin général. Elle m’a inculqué l’importance de l’éducation, particulièrement pour une femme.

Mon père servait dans la Marine royale canadienne. Lorsqu’il n’était pas en mer, nous quittions notre milieu rural pour vivre sur une base navale. J’y ai appris la discipline, l’organisation et les façons de nouer de nouvelles amitiés, ce qui m’a aidée à faire votre connaissance à tous.

Les écoles de la marine fournissaient à leurs élèves tout ce dont ils avaient besoin, du matériel scolaire aux leçons de natation gratuites, en passant par les capsules quotidiennes d’huile de foie de morue. L’expérience s’est révélée très différente de la vie à la campagne.

J’aime penser que j’ai commencé ma carrière en travail social à l’âge de quatre ans, et je ne plaisante pas. J’ai accompagné une tante qui était travailleuse sociale. Je l’attendais dans la voiture pendant ses visites à domicile. Je me rappelle avoir visité Africville. J’en ai parlé avec Wanda, la sénatrice Bernard. Je lui ai raconté que j’y suis allée à l’âge de quatre ans et que je regardais les enfants là-bas. Je me demandais qui ils étaient et ce qu’ils aimaient faire.

Je crois que ces expériences tôt dans ma vie ont nourri mon intérêt pour la diversité et la justice sociale, en plus de me sensibiliser à ces enjeux. S’il est vrai que, jeune adulte, j’ai envisagé la carrière d’auteure ou de journaliste, je suis devenue travailleuse sociale et agente de l’éducation des adultes dans le secteur sans but lucratif pendant de nombreuses années.

Je n’ai jamais oublié les sages conseils de ma grand-mère, qui me disait de m’instruire. Ainsi, pendant que j’élevais mes deux enfants et que j’occupais un emploi à temps plein, j’ai obtenu deux diplômes. J’aimais profondément mon travail et les rencontres que je faisais. Je porte leurs histoires en moi, celles des milliers de femmes qui luttaient pour l’égalité.

À l’âge de 18 ans, j’ai déménagé à Moncton, au Nouveau-Brunswick, pour vivre avec ma tante, qui était travailleuse sociale, et sa famille. J’ai continué à vivre dans la même collectivité où j’ai mené ma carrière et élevé mes enfants. Maintenant que je suis ici à Ottawa, je fais l’aller-retour.

Mon parcours comme féministe a commencé quand j’avais 22 ans. J’ai été invitée à l’époque à joindre un groupe de sensibilisation fondé par Rosella Melanson, qui est devenue par la suite directrice du Conseil consultatif sur la condition de la femme au Nouveau-Brunswick. Elle nous a donné des informations sur nos valeurs et nos croyances, et, au bout de quelques semaines de discussions, je savais que je voulais m’engager à travailler à accroître l’égalité des femmes. Bien évidemment, je voulais que les choses changent immédiatement. Toutefois, Rosella nous a bien fait comprendre qu’il était possible qu’on ne voie aucun changement de notre vivant. Ce fut un peu décevant. Je me suis dit alors que j’allais tout de même jeter les bases du changement. J’ai décidé de consacrer ma vie à tenter d’accroître l’égalité hommes-femmes, à amorcer le changement, à parler haut et fort, à encadrer des filles et des femmes et à inviter d’autres personnes à participer à cette mission. J’ai même convaincu des hommes d’y participer. Je fais cela depuis 40 ans, en collaboration avec des femmes et des hommes fantastiques.

Au cours de ma carrière — 34 années de travail comme fondatrice et directrice de l’organisme sans but non lucratif Support to Single Parents —, j’ai travaillé pour l’égalité hommes-femmes et la justice sociale. Les femmes avec qui je travaillais étaient confrontées au quotidien à des questions semblables à celles qui sont décrites dans le préambule du projet de loi C-309, comme mettre fin à la violence faite aux femmes, réduire la pauvreté, améliorer l’accès à un logement et à des services de garde abordables, obtenir l’équité salariale et encourager les femmes à occuper des rôles prépondérants. Toutes ces questions sont encore très importantes pour moi. Malheureusement, elles sont encore d’actualité chez les femmes et chez les personnes à identité ou expression sexuelles minoritaires.

[Français]

J’ai aussi eu l’honneur de coprésider le groupe du Nouveau-Brunswick pour la Marche mondiale des femmes en 2000, qui a incité les femmes de la province à se rendre à Fredericton, à Edmundston, à Montréal, à Ottawa et à New York pour demander que l’on agisse.

[Traduction]

La Marche mondiale des femmes en 2000 était un mouvement féministe international qui organisait des rassemblements pour éliminer les causes de la pauvreté et de la violence faites aux femmes. Lors de notre arrêt à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, le premier ministre de l’époque, Bernard Lord, nous a accueillis et nous lui avons présenté nos pétitions, qui comptaient des milliers de signatures. Le premier ministre Lord a nommé une ministre pour travailler sur la question de la violence faite aux femmes et j’ai eu le privilège de coprésider cette initiative avec elle.

Grâce à ces initiatives, beaucoup de changements positifs ont été apportés au Nouveau-Brunswick pour lutter contre la violence familiale, comme la création de tribunaux chargés des causes de violence familiale, l’apport de modifications aux protocoles et l’établissement de la Direction de l’égalité des femmes au gouvernement.

Ce sont tous des changements réels et considérables. Cependant, après 17 ans, la pauvreté et la violence existent toujours. Chers collègues, je pense qu’il est temps de reprendre l’offensive et de porter de nouveau notre attention sur l’égalité entre les sexes. L’établissement d’une semaine de l’égalité entre les sexes pourrait représenter une première mesure concrète et nous encourager dans ce sens.

Depuis ma nomination au Sénat, j’ai vu de nombreuses mesures positives adoptées dans le but d'améliorer l’égalité entre les sexes.

Certaines de ces mesures ont été prises à la Chambre basse et à la Chambre haute. Quelques-unes me viennent inévitablement à l’esprit. En mars 2017, les Héritières du suffrage, un événement organisé par l’organisme À voix égales, ont rassemblé 338 jeunes femmes âgées de 18 à 23 ans pour occuper un siège au Parlement. Une jeune femme de chaque circonscription au Canada était présente. Voir ces futures dirigeantes prendre place dans un siège au Parlement m’a remplie d’émotion — toutes ces jeunes femmes pleines de potentiel, prêtes à affronter l’avenir et, je l’espère, inspirées par la perspective de participer à la vie politique dans un avenir rapproché.

(1610)

En avril 2017, j’ai assisté à la cérémonie au cours de laquelle on a accordé le titre de citoyenne d’honneur à Malala Yousafzai, et plusieurs d’entre vous y étaient également. En 2012, Malala, une jeune Pakistanaise, a été la cible d’un attentat par balle, parce qu’elle demandait un accès équitable à l’éducation. Elle a survécu à l’attaque et est devenue une activiste connue à l’échelle de la planète. Elle est aujourd’hui la plus jeune lauréate d’un prix Nobel, puisqu’on lui a remis le prix Nobel de la paix en décembre 2014. Lors de son passage à Ottawa, elle a partagé son désir de voir le monde dirigé par des personnes dont l’objectif est de servir l’humanité et elle a interpellé le premier ministre et le gouvernement canadien pour leur demander d’être à l’avant-scène des efforts visant à faire de l’éducation des jeunes femmes dans le monde une priorité.

Enfin, j’ai assisté et participé aux travaux qui ont mené à l’élaboration du projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel, et j’étais présente lorsqu’il a reçu la sanction royale, en juin dernier. Ce projet de loi, entre autres, ajoute « l’identité de genre et l’expression de genre » à la liste des motifs de distinction illicite de la Loi canadienne sur les droits de la personne. En reconnaissance des défis particuliers auxquels sont confrontées ces personnes en matière d’égalité, le préambule du projet de loi C-309 mentionne spécifiquement ce segment de la population.

Si tous ces événements ont leur importance, le Canada doit également profiter des occasions qui s’offrent à lui à l’échelle internationale en matière de défense de l’égalité des sexes, surtout parce qu'il a été élu à la Commission de la condition de la femme de l’ONU, à laquelle il siégera de 2017 à 2021. Il s’agit de l’occasion idéale de faire preuve de leadership dans ce domaine.

En fait, le projet de loi C-309 est lié directement au Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies, qui comprend 17 objectifs précis en matière de développement durable et qui a été adopté par des dirigeants mondiaux en septembre 2015. Le site web des Nations Unies décrit en détail le programme en question : il s'agit notamment d'encourager tous les citoyens à envisager la façon de créer un élan et d’atteindre les objectifs, qui visent ultimement à mettre fin à la pauvreté, à protéger la planète et à assurer la prospérité pour tous.

Le projet de loi C-309 contribuera à l’atteinte de plusieurs de ces objectifs en matière de développement durable, comme l’objectif 10, qui porte sur la réduction des inégalités; l’objectif 8, qui met l’accent sur un travail décent et la croissance économique; et, enfin, l’objectif 4, qui est axé sur une éducation de qualité. Le lien le plus évident se trouve à l’objectif 5, qui vise à parvenir à l’égalité des sexes et à rendre autonomes toutes les femmes et les jeunes filles.

Le site web des Nations Unies renferme des renseignements beaucoup plus détaillés que l’information que je vous présente aujourd’hui. Il énumère de nombreuses cibles sous l’objectif 5, comme mettre fin à toutes les pratiques préjudiciables, à toutes les formes de discrimination et à la violence faite aux femmes et aux filles partout dans le monde; prendre en compte et valoriser les soins et les travaux domestiques non rémunérés; et, enfin, veiller à ce que les femmes participent pleinement et effectivement aux fonctions de direction à tous les niveaux de décision, dans la vie politique, économique et publique, et y accèdent sur un pied d’égalité.

Cette dernière cible, qui porte sur la participation entière des femmes à tous les niveaux de décision, nous ramène au préambule du projet de loi C-309, qui porte sur de nombreux aspects de l’inégalité entre les sexes, y compris la présence des femmes en politique — ou, plutôt, leur absence dans ce milieu.

Les femmes représentent environ la moitié de la population canadienne et, pourtant, elles sont grandement sous-représentées sur la scène politique. En 2015, 88 femmes ont été élues lors des élections fédérales, ce qui représente seulement 26 p. 100 des sièges. Pourtant, on sait que, lorsqu’il y a plus de femmes en politique, les décisions qui sont prises tiennent davantage compte des besoins de notre société diversifiée.

Au Nouveau-Brunswick, les chiffres sont encore plus alarmants : les femmes ne détiennent que 16 p. 100 des sièges de l’assemblée législative, et cette proportion ne cesse de diminuer depuis les années 1990. À l’heure où l’on se parle, huit provinces ou territoires font meilleure figure que le Nouveau-Brunswick au chapitre de la représentation des femmes et de la parité des sexes au sein de la classe politique.

Heureusement, certaines femmes de ma province ont décidé récemment de se réunir et de lancer la campagne « Femmes pour 50 p. 100 2018 ». Ce groupe apolitique poursuit un seul but : atteindre la parité hommes-femmes au sein de l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick. Voici ce que dit brièvement son site web :

Il ne s’agit pas d’opposer les hommes et les femmes. Il s’agit d’assurer la parité entre les genres dans le milieu politique. Il s’agit de rendre ce milieu plus représentatif de la population générale. Il s’agit de donner une voix aux femmes et de respecter celles-ci. De nombreuses recherches longitudinales approfondies menées par différentes sources ont démontré que l’égalité des genres donne de meilleurs résultats. Les décisions sont prises plus vite. Les mesures prises sont plus efficaces. Les résultats financiers et les dialogues sont améliorés.

J’invite chacun et chacune d’entre nous à poser des gestes concrets pour que la future Semaine de l’égalité des sexes soit plus qu’un simple symbole. En effet, il faut se le dire : ce n’est pas en déclarant que telle ou telle semaine est consacrée à l’égalité des sexes que ce concept deviendra réalité comme par magie. Le préambule du projet de loi C-309 précise pourtant qu’il faut :

[…] encourager tous les ordres de gouvernement, les organisations non gouvernementales, le secteur privé, le milieu universitaire, les enseignants et tous les Canadiens à reconnaître la quatrième semaine de septembre comme la Semaine de l’égalité des sexes et à souligner la semaine avec des activités et des initiatives visant à écarter les obstacles auxquels les femmes canadiennes…

— toutes les femmes, quel que soit leur âge ou leur origine ethnique; toutes les femmes —

… et les personnes d’identité et d’expression de genre minoritaires continuent de se heurter.

Sensibilisation, activités, initiatives, action : les voilà, les clés du changement.

En terminant, je tiens à féliciter le sénateur Dawson d’avoir parrainé le projet de loi C-309 du député Sven Spengemann. Je suis sincèrement convaincue que, pour régler une bonne partie du problème de l’égalité des sexes, il faut inclure les hommes et les garçons — et je sais que certains d’entre vous appuient déjà concrètement cette cause —, notamment pour ce qui est de la prévention de la violence, mais il faut surtout qu’ils laissent aux femmes la possibilité d’être véritablement leurs égales.

En fait, appuyons le projet de loi C-309 et continuons de défendre l’égalité des sexes et des genres.

[Français]

Ensemble, appuyons le projet de loi C-309 et l’égalité des sexes et des genres. Merci.

[Traduction]

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

L’étude sur l’élaboration d’une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l’Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes atlantique et pacifique du Canada

Sixième rapport du Comité des transports et des communications et demande de réponse du gouvernement—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur MacDonald, appuyée par l’honorable sénateur Patterson,

Que le sixième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, intitulé Des pipelines pour le pétrole : protéger notre économie, respecter notre environnement, qui a été déposé auprès du greffier du Sénat le 7 décembre 2016, soit adopté et que, conformément à l’article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre des Ressources naturelles ayant été désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec les ministres des Transports et des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne.

L’honorable André Pratte : Honorables sénateurs, le débat est ajourné au nom du sénateur Day. Je demande le consentement du Sénat pour qu’il reste ajourné à son nom après mon intervention d’aujourd’hui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Pratte : Merci, Votre Honneur.

Honorables sénateurs, mon intervention d’aujourd’hui porte sur le rapport provisoire du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, intitulé Des pipelines pour le pétrole : protéger notre économie, respecter notre environnement. Mon intervention s’inscrit dans un contexte qui vous est familier à tous.

La décision prise par TransCanada d’abandonner son projet d'oléoduc Énergie Est a choqué tous ceux qui, comme moi, croient que l’industrie pétrolière et gazière est un volet important de l’économie canadienne. Dès 2012, à l’époque ou Énergie Est n’était encore qu’une idée envisagée par TransCanada, j’avais appuyé l’initiative dans un éditorial publié par La Presse.

Je croyais qu’il était évident qu’on avait besoin de ce projet, à la condition qu’il respecte les critères environnementaux les plus stricts. À mon avis, ce projet aurait été bénéfique pour l’ensemble du pays, et particulièrement pour le Québec, étant donné qu’il aurait permis à la province d’utiliser du pétrole canadien plutôt qu’importé des États-Unis, de l’Algérie, du Nigeria, du Kazakhstan et d’ailleurs — du pétrole qu’on transporte actuellement par pétrolier sur les eaux du fleuve Saint-Laurent. Le transport par pipeline n’était pas dépourvu de risques, mais il menaçait manifestement moins l’environnement que le transport par pétrolier dans les eaux du fleuve Saint-Laurent, ce qui ne semblait pas préoccuper grand-monde à ce moment-là ni même maintenant.

Le projet aurait eu des retombées économiques. La construction du pipeline aurait créé des centaines d’emplois. La prospérité des provinces productrices de pétrole aurait été bénéfique pour le Québec et le reste du pays et, enfin, à mon avis, il est de notre devoir d’être solidaires de l’Alberta et de la Saskatchewan.

(1620)

[Français]

À cette époque, les sondages indiquaient qu’une forte majorité de Québécois étaient favorables au projet Énergie Est. Assez rapidement, toutefois, l’opinion s’est retournée. Je pense qu’en essayant de comprendre ce qui s’est passé dans le cas d’Énergie Est, on saisira mieux les obstacles auxquels font face de nos jours non seulement les projets d’oléoducs, mais un grand nombre de projets d’infrastructures et de développement des ressources naturelles au Canada. Dans un grand pays comme le nôtre, il est fondamental de bien comprendre de tels enjeux, afin que la « paralysie » que déplore le Comité des transports et des communications dans son rapport au sujet des pipelines ne s’étende pas à d’autres secteurs.

Dans son rapport, le comité souhaite la mise en place d’un « régime réglementaire apolitique, plus inclusif et fondé sur des faits ». Le comité cite un témoin, M. David Core, président de la Canadian Association of Energy and Pipeline Landowner Associations, qui affirme que nous devons « dépolitiser les pipelines ».

Je suis d’accord, bien sûr, avec l’idée que l’Office national de l’énergie ne devrait pas être politique. Il ne l’est pas et les choses devraient demeurer ainsi. Je m’inscris toutefois en faux contre l’idée qu’il faudrait retirer des mains du Cabinet la décision finale en ce qui a trait à de tels projets. D’ailleurs, le document de travail publié par le gouvernement en juin dernier semble avoir rejeté cette option, et je suis d'accord avec cela.

Les oléoducs, surtout les projets interprovinciaux d’envergure nationale comme Énergie Est, Northern Gateway et Trans Mountain, sont trop importants aux chapitres économique, environnemental et politique pour que la décision finale soit laissée à un tribunal administratif, aussi compétent soit-il.

D’ailleurs, comme le comité lui-même le souligne, ce qui a manqué jusqu’ici dans les dossiers des oléoducs importants au pays, c’est un leadership politique; pas un appui aveugle à tous les projets, dans n’importe quelles conditions, mais un appui ferme à une industrie qui ferait tous ses devoirs en matière de protection de l’environnement et d’engagement des communautés et des nations autochtones, en particulier.

Énergie Est n’a pas joui d’un tel appui, en tout cas, pas dans ma province. Pour comprendre ce qui s’est passé — comprendre, et non pas blâmer —, il faut comprendre le contexte particulier du Québec en matière d’énergie. Depuis 50 ans, au Québec, l’hydroélectricité est de loin la principale source d’énergie, y compris pour chauffer les maisons. Elle est devenue pour nous une source de fierté : nous, Québécois, produisons et consommons une énergie propre. Bien entendu, comme partout ailleurs en Amérique du Nord, nous sommes des consommateurs importants de pétrole à cause des automobiles dans lesquelles nous roulons, mais c’est une réalité désagréable que nous préférons ignorer. Pour le reste, les Québécois se perçoivent comme les citoyens les plus verts d’Amérique du Nord, et ils n’ont pas tort, même si tout cela est davantage le fruit du hasard que d’une réelle volonté.

Alors, en matière de production et de transport de pétrole et de gaz, nous ne savons rien. Les pipelines qui passent par notre territoire sont enfouis dans le sous-sol depuis très longtemps et on ne sait même pas qu’ils sont là. TransCanada arrive un jour avec ses gros sabots. Du jour au lendemain, des ingénieurs venus des provinces de l’Ouest se pointent sur les terres agricoles un peu partout au Québec pour faire des relevés. Les résidants ne sont au courant de rien. On ne peut pas répondre à leurs questions.

Les groupes écologistes, très bien organisés, dont les porte-paroles jouissent d’une forte crédibilité, se mobilisent tout de suite contre le projet. Face à eux, la compagnie ne fait tout simplement pas le poids. Pendant des mois, elle est incapable de se dénicher un porte-parole francophone convaincant.

Côté politique, le seul véritable allié de TransCanada à cette époque est le gouvernement Harper, dont la crédibilité en matière environnementale au Québec est extrêmement faible. Lorsque se produit le changement de gouvernement en 2015, on assiste à un renversement de situation : on a l’impression que le gouvernement Trudeau est plutôt indifférent au sort d’Énergie Est.

Pendant ce temps, les opposants au projet se font un allié de taille en la personne du maire de Montréal de l’époque, M. Coderre. La prise de position de M. Coderre dans ce dossier demeurera toujours une sorte de mystère pour moi, mais il y a bien des choses en politique qui restent mystérieuses. Je le connais assez bien toutefois pour penser qu’il a tout simplement fait un calcul politique : il a cru que la population de sa ville était contre le projet et il s’est rangé de ce côté. Je crois toutefois que, s'il y avait eu des représentants politiques solides pour défendre l’autre point de vue, la voix de M. Coderre n’aurait pas eu autant de portée.

[Traduction]

Après l’annonce, le mois dernier, que la compagnie mettait fin au projet, certains en ont rejeté la faute sur le Québec, comme si les Québécois étaient responsables de la décision de TransCanada. Il est évident que la joie exprimée par M. Coderre en réaction à l’annonce a suffi à mettre en colère les défenseurs du projet. Quoi qu’il en soit, le dénigrement systématique du Québec est fort malheureux, d’autant plus qu’il est clair que la décision de TransCanada n’avait pas grand-chose à voir avec l’opposition du Québec. Elle découlait plutôt de l’évolution du contexte commercial et des nouvelles exigences de l’Office national de l’énergie sur les gaz à effet de serre.

Par ailleurs, il est important de rappeler que M. Coderre, ce n’est pas le Québec. Même si une majorité de Québécois étaient probablement contre Énergie Est, il y en avait beaucoup qui étaient en faveur de ce projet, surtout le milieu des affaires et la Coalition Avenir Québec, un parti politique provincial qui mène actuellement dans les sondages.

Qui plus est, il n’y a pas que le Québec où l’on constate une opposition aux pipelines, comme en témoignent les difficultés à faire accepter le projet Trans Mountain. Le problème avec les pipelines a des causes plus profondes. Cela commence par le fait que, pendant des décennies, cette industrie n’a pas eu à se soucier beaucoup de l’opinion publique. Tout ce qu’elle avait à faire était de convaincre l’Office national de l’énergie. Il en va maintenant tout autrement, comme nous le savons, et convaincre la population s’est révélé aussi difficile qu’indispensable. Curieusement, c’est une chose que le secteur privé ne semble pas faire très bien, même s’il est efficace à bien d’autres égards.

La campagne publicitaire que TransCanada a menée au Québec pour le projet Énergie Est était particulièrement maladroite. Si ma mémoire est bonne, une publicité montrait une famille dans un champ de fleurs. Elle était très belle à regarder, mais elle ne convainquait personne. Le projet visait à assurer le transport par oléoduc d’un million de barils de pétrole par jour — en plus, du pétrole extrait des sables bitumineux, que les Québécois n’aimaient déjà pas beaucoup. Il n’avait pas grand-chose à voir avec des fleurs. Les gens voulaient être rassurés, et non hypnotisés ou distraits.

[Français]

Ce qui est devenu rapidement évident dans le débat sur Énergie Est au Québec, c’est qu’il n’y avait pas de débat, justement. On n’entendait que les opposants au projet. Du côté des partisans du projet, il y avait seulement TransCanada et les représentants du secteur privé, qui ne sont pas nécessairement les meilleurs communicateurs. Le gouvernement du Canada restait silencieux. Le gouvernement du Québec jouait au funambule. Par conséquent, l’essentiel des renseignements dont la majorité des Québécois disposaient sur le projet venait de ses adversaires.

C’est pourquoi je souscris à la recommandation du rapport du Comité des transports, qui veut que le gouvernement du Canada travaille à améliorer les connaissances des Canadiens sur l’importance du secteur du pétrole et du gaz au sein de l’économie canadienne. Au Québec, il y a un vide criant à cet égard.

Comme on le sait, la modernisation de l’Office national de l’énergie que souhaite le comité est déjà en cours. Le document de travail qu’a publié l’été dernier le gouvernement envisage diverses mesures relativement à cette question. Toutefois, je ne me fais pas d’illusion quant à l’effet de tels changements sur l’avenir des grands projets, notamment les projets de transport d’énergie.

D’abord, dans toutes les collectivités touchées par de tels projets, il y a une forte résistance, qui est compréhensible et qui sera toujours difficile à vaincre. Ensuite, il y a l’opposition des écologistes à la grande majorité de ces projets, en particulier ceux qui ont un lien avec les hydrocarbures. On peut grogner, mais il faut admettre que, n’eût été les écologistes, notre monde serait aujourd’hui en bien pire état qu’il ne l’est. Par le passé, les militants écologistes nous ont fait prendre conscience de tous les dégâts que nous causions à notre planète, et c’est grâce à eux que nous avons abandonné plusieurs pratiques nocives pour l’air que nous respirons et l’eau que nous buvons. C’est encore eux qui sont à l’avant-garde de la lutte aux changements climatiques. On peut trouver, à juste titre, qu’ils exagèrent parfois, mais, dans le fond, admettons-le, si les militants écologistes nous font rager, c’est que, à bien des occasions, ils ont raison et, surtout, qu’ils sont terriblement efficaces. Il revient donc aux promoteurs d’être plus convaincants dans leurs argumentaires et, surtout, dans leurs gestes.

(1630)

[Traduction]

Personnellement, je suis convaincu que le pétrole et le gaz continueront de jouer un rôle majeur dans l’économie mondiale pendant encore des décennies et qu’aucun pays au monde ne ferait fi de réserves comme celles du Canada s’il avait la chance de les posséder. Je crois fermement que ces ressources doivent être exploitées, pourvu que l’exploitation soit encadrée par des règles environnementales strictes et qu’elle se fasse en collaboration avec les populations autochtones touchées. Tout le pays, y compris le Québec, a intérêt à ce qu’il en soit ainsi.

Pour qu’on en arrive là, l’industrie doit bénéficier de meilleurs appuis de la part du gouvernement et du public. Or, le Comité permanent des transports et des communications a fait d’intéressantes propositions à ce sujet, dont la plus importante concerne le rôle de chef de file du gouvernement. Le comité demande au gouvernement fédéral de jouer ce rôle en définissant le contexte et en bâtissant un consensus autour des raisons pour lesquelles il est important de construire des pipelines. On ne le dira jamais assez souvent : seul le gouvernement fédéral peut jouer ce rôle.

Toutefois, l’industrie doit également assumer son rôle de chef de file. Elle est capable de mieux protéger l’environnement et garantir la sécurité. Elle doit adopter des mesures tangibles et abandonner les jolies campagnes de séduction si elle veut convaincre les Canadiens qu’elle peut produire et transporter le pétrole et le gaz sans polluer et sans mettre la sécurité en péril. Les accidents comme la récente fuite au Dakota du Sud ne devraient tout simplement pas se produire.

Selon moi, concilier l’exploitation et le transport des ressources naturelles avec la protection de l’environnement et l’acceptabilité sociale est l’un de plus grands problèmes politiques à résoudre dans notre pays, au cours de la première moitié du XXIe siècle. Oui, le Canada doit continuer de se doter d’une économie moderne reposant sur l’innovation et la haute technologie, mais nous nous berçons d’illusions si nous nous imaginons que le pétrole et le gaz cesseront de contribuer fortement à notre prospérité collective dans un avenir prévisible. Néanmoins, ces ressources ne peuvent pas être exploitées comme elles l’ont été par le passé. Plus que jamais, nous devons tenir compte des problèmes environnementaux et des exigences légitimes de ceux qui sont concernés au premier chef, en particulier les populations autochtones.

Plus tôt cette année, le gouvernement a lancé Génération Énergie, une vaste consultation publique qui s’est conclue par un forum à Winnipeg le mois dernier. Ce processus de consultation devrait mener à l’élaboration d’une stratégie nationale. Il plane toutefois une certaine confusion quant à la forme que prendra la stratégie. Lorsqu’il a comparu devant le Sénat le 17 octobre, l’honorable Jim Carr, ministre des Ressources naturelles, a employé la description que voici :

[…] une série de conversations et de politiques qui vont mener à une stratégie autour de laquelle, je l’espère, de nombreux Canadiens vont se rallier.

Le document qui servait de point de départ à l’initiative Génération Énergie fait référence au dernier rapport de consultation dit ceci :

Cette initiative ne sera pas la fin de la conversation; notre objectif est de créer un dialogue ouvert et permanent avec les Canadiens à propos de l’énergie au fur et à mesure que nous cheminons ensemble vers l’avenir.

[Français]

Son Honneur le Président : Je m’excuse, sénateur Pratte, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?

Le sénateur Pratte : Oui, s’il vous plaît.

Son Honneur le Président : Est-ce d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

[Traduction]

Le sénateur Pratte : Je n’ai rien contre l’idée de poursuivre un dialogue permanent avec les Canadiens au sujet de ces enjeux cruciaux, mais il faut prendre une décision. Le gouvernement doit déterminer clairement la voie à suivre, communiquer sa vision et chercher à obtenir le plus vaste appui possible.

Je dois dire que la vision de l’actuel gouvernement me semble plutôt embrouillée. Où se situe, selon lui, le juste équilibre entre l’exploitation des ressources naturelles, la protection de l’environnement et les droits des Autochtones? Je n’en suis pas certain. La position des partis de l’opposition est plus claire. Je suis conscient que c’est plus facile à dire qu’à faire. Une chose est claire, néanmoins : pour que nous puissions atteindre l’équilibre souhaité, les Canadiens de toutes les régions, de toutes les collectivités et de toutes les industries devront faire preuve de la solidarité qu’on décrit souvent comme une caractéristique des Canadiens. Si chaque région, chaque collectivité et chaque industrie ne pense qu’à ses propres intérêts à court terme, le pays entier en souffrira. Si les personnes à qui revient l’ultime responsabilité d’unir le pays préfèrent alimenter les tensions régionales au profit de leurs intérêts personnels, nous n’atteindrons jamais notre but.

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a eu la bonne idée de mener une étude sur les obstacles à la construction d’oléoducs au Canada, mais la difficulté de trouver le juste équilibre entre le développement, l’environnement et l’approbation sociale va bien au-delà des oléoducs. De nos jours, même l’installation de lignes électriques ou de parcs éoliens peut susciter une vive opposition.

Dans tout débat sur les infrastructures ou sur l’exploitation des ressources naturelles, on entend nombre d’intervenants exprimer toutes sortes d’opinions et soulever une foule de craintes légitimes. Tôt ou tard, il faut nous rendre compte que, au-delà des intérêts locaux et régionaux, il y a un intérêt national dont nous profitons tous à long terme. Toutefois, qui fera appel à ce qu’il y a de meilleur en nous? S’il y a de grands projets qui sont dans l’intérêt du pays, qui les défendra? Finalement, il n’y a qu’une institution au pays qui peut et qui doit constamment jouer ce rôle, et c’est le gouvernement du Canada.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Pratte : En ce qui concerne l’exploitation des ressources naturelles en général, et les oléoducs et gazoducs en particulier, je dirai que c’est à cet égard qu’il est le plus urgent de faire preuve de leadership. Évidemment, on doit l’employer de façon prudente et réfléchie, mais il faut l’exercer. Il en va de la prospérité du pays. Merci.

[Français]

Son Honneur le Président : Sénateur Pratte, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Pratte : Oui, certainement.

L’honorable Ghislain Maltais : Sénateur Pratte, dans votre discours, vous avez beaucoup parlé de l’intervention des écologistes. Vous en avez probablement rencontré beaucoup. Je me demande si, à l’heure actuelle, les écologistes condamnent le transport du pétrole par train, par bateau et par route. Vous ont-ils suggéré une façon de transporter le pétrole à l’avenir en éliminant ces modes de transport? Bien que le Québec soit très avant-gardiste au chapitre de l’électrification des transports, l’essence est encore nécessaire pour faire fonctionner les voitures.

Le sénateur Pratte : Sénateur Maltais, je crois que ce serait trop facile de blâmer les militants écologistes pour les problèmes que nous éprouvons lorsqu’on fait face à une opposition au développement de projets de transport de pétrole et de gaz naturel. Ce n’est pas la voie que je choisis. Les militants écologistes défendent leur vision de l’avenir du développement de l’énergie et de la protection de l’environnement au Canada, et c’est aux gens qui croient à l’exploitation des ressources énergétiques, notamment du pétrole et du gaz, de démontrer qu’ils sont capables d’exploiter ces ressources naturelles précieuses de façon sécuritaire et respectueuse pour l’environnement. C’est à eux de faire cette démonstration et d’en convaincre les Canadiens. Jusqu’ici, dans les cas récents, l’industrie n’a pas réussi à faire ces preuves-là, et on l’a vu encore récemment au Dakota du Sud, où il y a eu une fuite. Malheureusement, l’industrie ne réussit pas à démontrer qu’elle peut transporter l’énergie de façon aussi sûre et propre qu’elle le prétend. C’est ce qui fait le plus mal à l’industrie, beaucoup plus que les campagnes des militants écologistes, d’ailleurs.

Son Honneur le Président : Sénateur Pratte, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes pour répondre aux questions?

Le sénateur Pratte : Oui, s’il vous plaît.

Son Honneur le Président : Êtes-vous d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : Oui.

Une voix : Non.

Son Honneur le Président : J’ai entendu un « non ».

(Sur la motion du sénateur Day, le débat est ajourné.)

(1640)

[Traduction]

Le Sénat

Motion tendant à demander au gouvernement de reconnaître le génocide des Grecs pontiques et de désigner le 19 mai comme journée nationale de commémoration—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Merchant, appuyée par l’honorable sénateur Housakos,

Que le Sénat demande au gouvernement du Canada :

a) de reconnaître le génocide des grecs pontiques de 1916 à 1923 et de condamner toute tentative pour nier un fait historique ou pour tenter de le dépeindre autrement que comme un génocide, c’est-à-dire un crime contre l’humanité;

b) de désigner le 19 mai de chaque année au Canada comme journée pour commémorer les plus de 353 000 grecs pontiques tués ou expulsés de leurs résidences.

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, je propose l’ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Day, le débat est ajourné.)

[Français]

Le travail législatif du Sénat

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Bellemare, attirant l’attention du Sénat sur le travail législatif qu’a accompli le Sénat de la 24e à la 41e législature et concernant des éléments d’évaluation.

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, comme j’ai lancé cette interpellation, j’ai gracieusement accepté de demander votre consentement afin de l’ajourner à nouveau au nom de la sénatrice Andreychuk, qui tient à parler de ce sujet.

(Sur la motion de la sénatrice Andreychuk, le débat est ajourné.)

[Traduction]

La pertinence de l’objectif du plein-emploi

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Bellemare, attirant l’attention du Sénat sur la pertinence du plein-emploi au XXIe siècle dans une économie globalisée.

L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, je joins ma voix à celle des autres sénateurs qui ont parlé de l’emploi au Canada.

Je remercie la sénatrice Bellemare d’avoir fait ressortir cet enjeu social fondamental dans cette interpellation. Elle nous a mis au défi « de tenter d’atteindre le plein-emploi [qui] consiste à offrir aux gens des débouchés économiques qui leur permettent d’être indépendants et libres sur le plan financier ». Pour de nombreuses personnes au Canada, la situation est au mieux instable, et, pour d’autres, le sous-emploi ou un emploi dans un autre domaine que le leur est une réalité permanente.

Selon le sénateur Cormier, le plein-emploi signifie « qu’il y [a] du travail pour toutes les personnes qui souhaitent travailler et qui recherchent activement du travail ». C’est un objectif admirable et inspirant, mais sans doute inatteignable. Nous devons tenir compte des nouvelles réalités et être prêts à réagir en fonction des répercussions difficiles attribuables aux développements qui s’accélèrent sur les plans de la technologie et de la robotique. Vous savez, selon mes observations précédentes dans cette enceinte, que je crois qu’un revenu minimal garanti aura une incidence favorable sur la situation d’emploi des Canadiens. D’ici là, il nous faudra traiter de nombreuses autres questions connexes.

[Français]

J’aimerais aborder certaines perspectives dont a déjà discuté l’honorable sénateur Cormier, en particulier la perspective des artistes, toutes disciplines confondues, y compris les arts visuels.

Le sénateur Cormier a décrit la situation des artistes comme étant une situation très précaire, une situation d’abondance et de famine, tant en ce qui concerne l’emploi que le revenu. Je suis tout à fait d’accord avec sa vision.

Je veux donc parler des conditions de travail des artistes, mais aussi de la situation des Autochtones.

[Traduction]

On imagine les artistes dans leur studio, entourés de leur matériel, les marchands d’art à leur porte, attendant de vendre leurs œuvres, les collectionneurs rêvant de mettre la main sur une pièce à peine terminée, et les galeries publiques se disputant l’honneur d’être la première à exposer le travail le plus récent de l’artiste ou à monter une rétrospective de son œuvre. Nous aimerions tous qu’il en soit ainsi, y compris les artistes.

En réalité, les artistes du Canada forment le plus grand segment des travailleurs pauvres dont le salaire est inférieur au seuil de la pauvreté. Plusieurs d’entre eux travaillent dans un studio, mais celui-ci est rarement aménagé comme dans notre imagination ou comme dans les articles de magazines qui portent sur les artistes de réputation internationale.

D’après l’Enquête auprès des ménages de 2016, le nombre total de Canadiens qui vivent d’un faible revenu a augmenté pour atteindre 14,2 p. 100. La ventilation par secteurs d’emploi n’étant pas disponible, je vais citer des statistiques de l’Enquête nationale auprès des ménages et de l’Enquête sur la population active de 2011.

Les artistes représentent 0,78 p. 100 de la population active, ce qui équivaut à 136 600 personnes, soit un peu plus que les 133 000 travailleurs du secteur de la fabrication automobile.

Les artistes sont plus nombreux à occuper plusieurs emplois pour boucler leur budget.

Le salaire moyen des artistes canadiens est 39 p. 100 inférieur à celui de l’ensemble de la population active.

Malheureusement, pour 15 p. 100 des artistes, le travail autonome n’apporte aucun revenu ou leur fait perdre de l’argent; 27 p. 100 gagnent moins de 10 000 $ et 18 p. 100 gagnent entre 10 000 $ et 19 999 $. Ainsi, 60 p. 100 des artistes ont un revenu inférieur à 20 000 $, comparativement à 35 p. 100 du reste de la population active.

Pourtant, le nombre d’artistes possédant un baccalauréat ou un diplôme de cycle supérieur est presque le double de celui de l’ensemble de la population active — soit de 44 p. 100 comparativement à 25 p. 100. En moyenne, leur revenu moyen est 55 p. 100 inférieur à celui des autres travailleurs avec le même niveau de scolarisation.

Les artistes féminines gagnent 31 p. 100 de moins que leurs homologues masculins.

En 2010, les 15 945 artistes visuels ont gagné en moyenne 24 672 $; le salaire médian se chiffre à 10 358 $, y compris le revenu tiré de leur art et celui qui provient d’autres emplois.

En 2010, les 8 140 danseurs ont gagné en moyenne 17 893 $.

En 2010, le seuil de la pauvreté était de 22 133 $.

Le revenu médian après impôt des travailleurs autochtones se situait juste au-dessus de 20 000 $ en 2010, comparativement à celui des non-Autochtones, qui a été de 27 600 $. Pour les Premières Nations, il a été de 17 620 $, pour les Inuits, de20 400 $, et pour les Métis, de 24 550 $.

Ce n’est pas un joli tableau d’équité et d’égalité.

La Loi sur le statut de l’artiste visait à traiter des questions concernant le travail et l’emploi des artistes. La mise à jour de 2010, présentée par la Conférence canadienne des arts, était prémonitoire à un certain nombre d’égards, notamment en ce qui concerne l’emploi, le travail et les conditions de vie des artistes, leur statut social, y compris les mesures d’assurance-santé pour leur assurer un statut équivalent à celui des travailleurs d’autres domaines, et les mesures liées au revenu, au soutien pendant les périodes de chômage et à la retraite.

La mise à jour a défini les artistes créateurs comme étant les auteurs, les artistes visuels, les compositeurs et les designers, et a défini les artistes d’interprétation comme étant les acteurs, les danseurs, et les musiciens. Elle note que « les artistes créateurs sont plus susceptibles de travailler seuls pour créer leur art, et le feront souvent sans contrat préexistant. Leurs œuvres seront vendues après avoir été créées. »

Nombre d’artistes que je connais travaillent dans des greniers ou des sous-sols presque inhabitables qui manquent de chauffage en hiver et de climatisation en été. Certains ont des vitres brisées ou fissurées, et beaucoup ont un éclairage inadéquat. J’ai souvent visité des endroits où il y a une forte odeur de moisissure. La mise à jour a souligné que :

Un petit nombre d’artistes peut obtenir une couverture dans le cadre de régimes provinciaux d’indemnisation des victimes d’accidents de travail s’ils sont sous contrat avec un donneur d’ouvrage ou un producteur, mais d’autres n’ont aucune protection en cas d’accidents de travail, comme les artistes visuels […]

De plus :

À cause de leur statut d’entrepreneurs indépendants, les artistes sont souvent désavantagés si un employeur, un éditeur ou une galerie fait faillite.

Croyez-moi, ces situations arrivent. Les artistes se retrouvent souvent sans recette de ventes ou sans leurs œuvres. Beaucoup ne connaissent pas leurs droits — surtout les artistes autochtones, qui n’ont peut-être pas suivi de formation en art dans le cadre de laquelle ils auraient pu apprendre en quoi consiste le droit d’auteur.

Les situations sont différentes dans l’ensemble du Canada. Le Québec est le chef de file dans les pratiques exemplaires. Parmi de bons précédents internationaux, on compte les liens contractuels ou les relations de travail; les conventions collectives; les mesures de sécurité sociale; l’imposition; les bourses; les avantages sociaux; le maintien du revenu ainsi que la propriété intellectuelle et le droit d’auteur.

Certains pays européens ont adapté leurs programmes sociaux afin de composer avec la réalité du travail des artistes. En France et en Belgique, les artistes faisant partie de certaines catégories sont réputés être des employés, ce qui leur permet d’obtenir des avantages utiles.

En 2008, le Conference Board du Canada a conclu ceci :

[L]a valeur du secteur pour l’économie canadienne était beaucoup plus grande que personne ne l’avait jamais pensé[,] 7,4 p. 100 du PIB réel total du pays […].

Il a fait la mise en garde suivante :

Mais la santé de cette économie de la culture, et par conséquent, de la santé économique future du Canada, a besoin d’une grande réserve diversifiée des artistes professionnels qui sont au cœur de l’économie.

Les femmes sont, ou devraient être, une partie clé de cette économie. Je trouve troublant que des recherches récentes aient révélé que, en 2017, seulement 12 des 66 principales compagnies des arts de la scène du Canada — disposant d'un budget de plus de 1 million de dollars — ont des directrices artistiques : 1 femme dans nos 16 orchestres, 1 dans nos 7 compagnies d’opéra, et seulement 7 dans nos 34 compagnies de théâtre. Dans le milieu de la danse, les femmes s’en tirent un peu mieux : 3 femmes sont des directrices parmi nos 9 compagnies de danse. Pourquoi les chiffres sont-ils si faibles, malgré le talent manifeste des artistes professionnelles?

(1650)

Je me demande aussi pourquoi, depuis quelques années, un certain nombre de directeurs de grandes entreprises du secteur des arts, dont des musées et des galeries, proviennent de l’extérieur du Canada. Je ne mets pas en doute leurs capacités. Je soutiens toutefois que le talent nécessaire existe parmi les Canadiens. Accordons-nous aux futures têtes dirigeantes des arts une expérience suffisante dans des postes d’adjoint? Doutons-nous des programmes de formation canadiens? Hésitons-nous à prendre des risques avec notre relève? Étant donné que nous disposons d’un bassin vaste et diversifié d’artistes professionnels et qu’il est au cœur même de l’économie, comme l’a souligné le Conference Board, nous nous devons de développer et d’encadrer les talents canadiens.

En ce qui concerne les conditions de travail, sans un revenu sûr, je crains que même les artistes reconnus soient forcés de vivre dans les ateliers où ils travaillent. Puisqu'ils courent le risque de contrevenir à des permis et à des codes du bâtiment, ils vivent dans la peur constante que les autorités les expulsent. Je me demande où ils iraient. J’ai visité des endroits qui n’avaient pas d’ascenseur et d’autres où l’ascenseur était hors d’usage. Les escaliers étaient la seule façon d’accéder aux ateliers, parfois situés au huitième ou au neuvième étage. Souvent, les espaces les plus abordables se trouvent dans des immeubles qui doivent être démolis. Un certain nombre d’artistes bien connus m’ont dit que, malgré tout, les loyers augmentent sans que les services soient améliorés. Être forcé de changer d’atelier est l’une des situations les plus stressantes pour un artiste, ce qui est amplifié par le problème bien réel de trouver des espaces abordables. Un déménagement, en plus de coûter cher, d’être épuisant et de gruger du temps, interrompt le travail en cours. Les toiles qui ne sont pas complètement sèches ou les sculptures à l’étape de l’argile humide pourraient être endommagées. De plus, un déménagement signifie souvent que des commandes seront livrées en retard.

Nous devons trouver un moyen de faire reconnaître le travail des artistes comme un emploi régulier, qui serait assorti d’avantages appropriés.

[Français]

Souvent, les artistes échangent leurs œuvres d’art contre un certain nombre de repas dans un restaurant. Ils sont heureux d’avoir un forum pour présenter leur expression visuelle, mais ce n’est pas un salaire ni un emploi sûr. Les conditions qui sont les plus inquiétantes sont celles où les artistes visuels travaillent et cuisinent dans le même espace et sur le même réchaud ou dans le même four. J’ai écrit plusieurs fois au sujet de ces situations dangereuses. Le statut de l’artiste mis au jour en dit long sur la sécurité et l’état de santé des artistes. Le rapport a dit ce qui suit, et je cite :

[Traduction]

Certains artistes doivent composer avec des inquiétudes particulières. Par exemple, les artistes en arts visuels peuvent être exposés à des produits chimiques dangereux ou du matériel toxique. Un simple mal de gorge peut […] [être] grave pour une personne qui chante. Les danseurs ont des défis physiques spéciaux, comme certains musiciens […]

Imaginez un artiste travaillant à l’encaustique ou à la cire, fondant cette dernière sur un réchaud, dans un four ou une mijoteuse et la mélangeant à un pigment ou à une couleur et faisant chauffer le tout sur le même réchaud ou dans le même four. Imaginez un graveur manipulant des acides ou des encres toxiques dans une cuisine mal ventilée. Imaginez un peintre travaillant avec des pulvérisateurs et mettant son travail de côté pour prendre sa nourriture au milieu des gaz et des particules diffusées dans l’air. Dois-je en dire plus sur l’air qu’ils respirent?

Pourraient-ils travailler ailleurs avec d’aussi maigres revenus? Combien de fois m’a-t-on appelée au fil des ans pour savoir s’il n’y avait pas un studio à prix abordable à louer? Les endroits sécuritaires sont rares, même lorsqu’on les partage.

L’histoire de la réputée sculptrice canadienne Elza Mayhew m’a hantée pendant des décennies. Originaire de Victoria et mère de deux enfants, elle perd son mari pendant la Seconde Guerre mondiale. À travers ses tribulations, elle persévère et représente fièrement le Canada à la prestigieuse Biennale de Venise en 1964. Elle reçoit de nombreux prix, commandes et hommages internationaux, et ses grandes sculptures en bronze sont exposées dans tout le Canada.

Elle imagine ses dessins, qu’elle découpe dans du polystyrène auquel elle donne ses formes curvilignes à l’aide d’un fer à repasser pour fondre et lisser les surfaces. Comme il n’y a pas de fonderie au Canada, elle se rend aux États-Unis pour faire fondre ses bronzes. Des photographies et un film la montrent qui se penche sur le four où son œuvre refroidit. Pour obtenir la patine désirée, elle frotte la surface sans jamais porter de masque.

Les effets conjugués de ces matières, l’accumulation de morceaux de polystyrène dans l’air et les vapeurs toxiques qui se dégagent lorsqu’elle manie le fer à repasser ou se penche sur le four sont dévastateurs. Elle reçoit finalement un diagnostic d’empoisonnement au polystyrène, dont les effets sont semblables à la démence et à la maladie d’Alzheimer.

Ainsi, au travail et aux revenus incertains s’ajoutent souvent des conditions de travail douteuses qui laissent des traces sur la santé.

Aujourd’hui, il existe des listes de vérification et des mises en garde au sujet du matériel, mais de nombreux artistes sont toujours inconscients des dangers inhérents à leur matériel ou à leur lieu de travail. S’ils en sont conscients, ils n’ont pas les moyens d’y faire grand-chose.

De plus en plus d’artistes autochtones produisent des œuvres fascinantes de haute qualité. Ils travaillent dans des conditions moins qu’idéales. Plusieurs d’entre eux travaillent dans leur cuisine. Les travailleurs autochtones et culturels comptent pour 3,3 p. 100 de la main-d’œuvre. Cela comprend 3 655 artistes visuels. Selon de récentes études, les gains moyens des artistes autochtones sont de 28 p. 100 inférieurs à ceux de la moyenne des artistes. L’Enquête nationale auprès des ménages de 2011 a révélé que le taux d’emploi des Autochtones était de 62,5 p.100, contre 75,8 p. 100 chez les non-Autochtones. Au sein des Premières Nations, le taux d’emploi était de 57,1 p. 100, chez les Inuits, de 58,6 p. 100 et chez les Métis, de 71,2 p. 100.

L’Enquête auprès des peuples autochtones de 2012 a confirmé que les personnes ayant terminé leurs études secondaires avaient plus de chance de trouver un emploi. En 2014 ou 2015, le taux de chômage chez les Métis avait augmenté de 2 p. 100 pour atteindre les 73,1 p. 100 tandis que, au sein des Premières Nations, il avait augmenté de 5 p. 100 pour atteindre les 62,4 p. 100. Le taux chez les non-Autochtones avait augmenté de 10 p. 100 pour atteindre les 81,1 p. 100.

Honorables collègues, la société doit composer avec des défis. Tout cela est préoccupant. Comme cela a été prouvé à maintes reprises au Canada et ailleurs dans le monde, l’art est le meilleur outil de changement social. Je l’ai déjà dit au Sénat. L’engagement dans les arts améliore le bien-être et la santé, contribue à la réduction et à la prévention du crime, et a des effets positifs importants sur les résultats scolaires. Nous sommes conscients de l’impact des arts sur l’économie et l’emploi. Veillons à ce que les emplois des artistes soient constants, sécuritaires et adéquatement rémunérés. Offrons-leur les formations nécessaires dans toutes les disciplines. Comme l’a dit la sénatrice Bellemare : « Le plein-emploi est […] permettre aux gens d’améliorer leurs qualifications [et] va de pair avec le développement du commerce international, à l’heure de la mondialisation des échanges. »

Vous voyez pourquoi je m’inquiète. L’irrégularité du travail ou le manque de travail pour les personnes qui ont de solides compétences, le manque de formation, les conditions de travail et les problèmes de santé connexes qui touchent de nombreux artistes canadiens, renommés et…

Son Honneur le Président : Je suis désolé de vous interrompre, madame la sénatrice, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Bovey : Pourrais-je avoir une minute de plus?

Son Honneur le Président : La sénatrice demande une minute de plus. Le consentement est-il accordé?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Bovey : Je conclurai mon intervention en disant que je ne pense pas que suffisamment de recherches ont été menées afin de mesurer l’ampleur de ces problèmes, même si nous pouvons tous fournir des preuves anecdotiques des iniquités existantes. J’espère que cette interpellation encouragera la réalisation de recherches sérieuses qui permettront de déterminer l’ampleur du problème. Nous pourrons peut-être alors chercher des moyens de résoudre ces épineux dilemmes de société.

(Sur la motion de la sénatrice Petitclerc, le débat est ajourné.)

La proposition intitulée « Second examen objectif »

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Wallin, attirant l’attention du Sénat sur la proposition du sénateur Harder, intitulée « Second examen objectif »,  qui passe en revue le rendement du Sénat depuis la nomination des sénateurs indépendants et qui recommande la création d’un nouveau comité des travaux du Sénat.

(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, le débat est ajourné.)

Les familles d’enfants autistes en crise

Le dixième anniversaire du rapport du Sénat—Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénateur Munson, attirant l’attention du Sénat sur le 10e anniversaire de son rapport Payer maintenant ou payer plus tard : Les familles d’enfants autistes en crise.

L’honorable Marc Gold : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui afin d’exprimer moi aussi mon appui à l’établissement d’une stratégie nationale sur l’autisme et de faire part de mon admiration pour le travail accompli par les sénateurs, plus particulièrement notre collègue, le sénateur Munson, qui a beaucoup fait pour sensibiliser les Canadiens à l’autisme.

Permettez-moi d’abord de parler brièvement de l’idée d’une stratégie nationale. En un mot, c’est une bonne idée parce qu’elle contribuerait à focaliser l’attention sur un problème aux dimensions nationales et qu’elle pourrait fournir un cadre afin de mener un large éventail d’initiatives concrètes.

Cependant, beaucoup de ces initiatives relèvent de champs de compétences provinciaux — qu’on parle de la santé, de l’éducation ou de l’emploi — ou encore elles sont menées par le secteur des organismes sans but lucratif. Cela n’enlève rien au rôle important que peut et doit jouer le gouvernement fédéral à l’appui de ces initiatives par l’utilisation judicieuse et appropriée de ses pouvoirs constitutionnels en matière de fiscalité et de dépenses. Cependant, il reste que ce sont les initiatives concrètes et non la stratégie comme telle qui auront une incidence sur le terrain pour les personnes et les familles touchées par les troubles du spectre de l’autisme.

(1700)

Permettez-moi de parler brièvement de quelques aspects où nous pouvons, en tant que sénateurs et citoyens agissant localement, faire notre part pour faire progresser les choses sur le terrain.

[Français]

D’abord, nos réseaux et notre influence pourraient servir à améliorer les ressources et les services offerts aux personnes atteintes de troubles du spectre de l’autisme dans les provinces et les territoires que nous représentons. Par exemple, mes recherches révèlent que, au Québec, il faut en faire davantage pour offrir des tests de dépistage en bas âge. De plus, les familles sont loin de recevoir le niveau de soutien dont elles ont besoin de la part du secteur public, c’est surtout en raison de la façon dont les ressources sont réparties selon les ministères provinciaux. Jusqu’à l’âge de cinq ans, un enfant au Québec atteint de TSA reçoit des services par l’entremise du ministère de la Santé et des Services sociaux. Ensuite, les besoins de l’enfant et de sa famille sont pris en charge par le système scolaire, qui relève du ministère de l’Éducation. En toute honnêteté, le soutien offert après l’âge de cinq ans est très insuffisant.

Ce qu’il faut mettre en œuvre au Québec — et je serais étonné que ce ne soit pas aussi le cas ailleurs au Canada —, c’est un système de soutien mieux intégré. En tant que sénateurs, nous pouvons mettre à profit nos réseaux et notre influence afin d’améliorer les services offerts à l’échelle provinciale, territoriale et locale. De plus, nous pourrions appuyer diverses initiatives communautaires à but non lucratif qui ont un impact positif pour les personnes atteintes de TSA.

[Traduction]

J’aimerais vous parler d’une telle initiative qui me tient à cœur.

En faisant du bénévolat en Israël, une femme de Montréal a participé à un projet où des enfants atteints de troubles du spectre de l’autisme passaient du temps à travailler dans un chenil qui élevait et entraînait des chiens d’assistance. Lorsqu’elle est revenue à Montréal, elle a découvert qu’aucun programme du genre n’existait au Québec. Alors, en collaboration avec National Service Dogs, un organisme établi à Cambridge, en Ontario, qui fournit des chiens à des familles depuis la fin des années 1990, elle a créé un organisme sans but lucratif appelé PACCK, Positive Assistance and Companion Canines for Kids, afin d’amener les bienfaits de ce programme au Québec.

Les bienfaits que des chiens spécialement entraînés peuvent apporter aux enfants et aux familles touchés par les troubles du spectre de l’autisme sont énormes et bien établis dans la littérature scientifique. Ces bienfaits comprennent un sentiment de sécurité accrue chez l’enfant, un meilleur contrôle des comportements problématiques en commandant le chien, l’enseignement du sens des responsabilités à l’enfant, la réduction du niveau d’agressivité et de frustration, le réconfort de l’enfant lorsqu’il est bouleversé et, en général, la réduction du niveau de stress, ce qui permet une meilleure participation, que ce soit à des activités éducatives, sociales ou récréatives.

Lancé en 2008, le PACCK a obtenu ses quatre premiers chiots, qu’il a entraînés durant 18 mois avant de les confier gratuitement à quatre familles.

J’ai oublié de dire que la dame qui a fondé le PACCK est mon épouse, Nancy Cummings Gold.

Hélas — car il y a toujours un hélas —, il en coûtait très cher, et il en coûte toujours très cher d’élever et d’entraîner des chiens d'assistance, soit plus de 24 000 $ par bête. Trouver assez d’argent pour continuer d'offrir gratuitement des chiens d’assistance aux familles dans le besoin s’est avéré beaucoup trop ardu pour cette jeune entreprise, surtout quand on se rappelle que la crise économique a frappé de plein fouet peu de temps après sa naissance, en 2008.

Heureusement, le projet a été repris par la fondation MIRA, qui a poursuivi les recherches entreprises dès 2003. Avec l’aide de plusieurs fondations d’envergure et de sociétés privées, la fondation MIRA a commencé en 2010 à fournir des chiens spécialement entraînés aux familles qui en ont besoin et, aujourd’hui, ce sont 100 familles touchées par un trouble du spectre autistique qui en ont un. Le pire, c’est que MIRA peut seulement répondre à la moitié de la demande, et même les familles admissibles doivent attendre jusqu’à deux ans avant de recevoir un chien. Cela dit, ce projet continue de répondre à un besoin de taille, et de nombreuses familles en profitent.

Alors, honorables collègues, si vous aimez les chiots et les enfants, peut-être ce projet vous interpellera-t-il. Si tel est le cas, pourquoi ne le feriez-vous pas connaître dans votre coin de pays? Peut-être connaissez-vous une fondation philanthropique ou un regroupement d’entreprises susceptibles de le financer.

Même s’il est évidemment primordial de répondre aux besoin des enfants et de leur famille, cela n’est pas suffisant, parce que ces enfants finissent par grandir et devenir des adultes, et nous devons trouver le moyen d’offrir des emplois valorisants et de vrais débouchés à ces gens afin qu’ils participent davantage à la société, comme ils en ont le droit en tant que citoyens. Les gouvernements peuvent faire leur part, bien évidemment,mais, au bout du compte, c’est le secteur privé qui a vraiment les moyens d’influencer le cours des choses. L’exemple des productions Spectrum, dont nous a parlé le sénateur Munson et dont les représentants étaient ici au Sénat il y a quelques semaines, a véritablement de quoi nous inspirer.

Honorables sénateurs, qu’il s’agisse d’aider des enfants ou des adultes, nous pouvons tous trouver un projet qui répond aux besoins de la société et qui correspond à nos intérêts personnels. Nous pouvons apporter notre aide, qu’elle soit financière, si nous en avons les moyens, ou qu’elle nous fasse devenir porte-parole ou champion œuvrant en coulisse. Chaque geste compte.

Enfin, permettez-moi de dire quelques mots au sujet de ce que nous pouvons apprendre à notre sujet au contact des personnes atteintes d’un trouble du spectre de l’autisme. Au cours de nos délibérations, nous avons surtout parlé des troubles du spectre de l’autisme en tant que handicap, et c’est normal. Cependant, je crois que nous en aurions beaucoup plus à dire et à apprendre sur le sujet. Les personnes atteintes d’un ces troubles voient le monde différemment, ce qui fait que leur comportement ne cadre pas toujours avec nos attentes quant à ce qui est normal. Il est donc compréhensible que plusieurs d’entre nous aient de la difficulté à voir au-delà de leur différence.

Ainsi, il est facile d’ignorer la contribution des personnes autistes dans notre société, et même de faire preuve d’ignorance. Cependant, nous pouvons, et nous devons, nous efforcer de passer outre les préjugés et les cadres de réflexion qui nous ont été inculqués et la compréhension bête que nous avons de ce qui est normal, afin de réaliser que les différentes façons de voir le monde peuvent représenter une force et que nous pouvons tirer des leçons de la vision du monde des personnes autistes afin de réfléchir à la possibilité que notre vision du monde à nous aussi puisse évoluer, en quelque sorte.

Honorables sénateurs, nous célébrons la diversité du Canada, et c’est très bien. J’espère que les travaux du Sénat quant à la mise en place d’une stratégie nationale en matière d’autisme seront l’occasion d’élargir notre définition de la diversité afin qu’elle inclue, légitime et même célèbre la contribution et le point de vue de nos concitoyens atteints d’un trouble du spectre de l'autisme. Merci beaucoup.

(Sur la motion du sénateur Housakos, au nom de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Agriculture et forêts

Retrait du préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

À l’appel des motions, article no 270, par l’honorable Diane F. Griffin :

Que le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts soit autorisé à se réunir le mardi 5 décembre 2017, à 17 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

L’honorable Diane F. Griffin : Honorables sénateurs, conformément à l’article 5-10(2) du Règlement, je demande que la motion no 270 soit retirée.

Son Honneur le Président : Il en est ainsi ordonné.

(Le préavis de motion est retiré.)

(À 17 h 9, le Sénat s’ajourne jusqu’au lundi 4 décembre 2017, à 18 h 30.)

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