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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 261

Le mardi 11 décembre 2018
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mardi 11 décembre 2018

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Christian « Kit » Goguen

L’honorable Rose-May Poirier : Honorables sénateurs, j’ai le plaisir de vous parler une fois de plus d’un artiste tout à fait exceptionnel de mon coin de pays, Christian« Kit » Goguen, de Saint-Charles. La dernière fois que je vous ai parlé de Kit, c’était il y a cinq ans déjà. À cette époque, j’ai partagé avec vous l’histoire inspirante de Kit en tant qu’artiste, mais voilà qu’un nouveau chapitre s’ouvre pour lui aujourd’hui.

Pour mes collègues qui n’étaient pas présents lors de ma dernière déclaration, Kit s’est fait connaître comme artiste en remportant les honneurs à la 35e édition du Gala de la chanson de Caraquet en 2003, ce qui a lancé sa carrière sur la scène nationale et internationale, avec la revue musicale Ode à l’Acadie. Par la suite, de 2010 à 2013, il a fait partie de deux productions du Cirque du Soleil en tant que chanteur : Corteo et Zarkana. Ces productions l’ont mené partout en Europe, en Russie, à Las Vegas et à New York, où il a joué au Radio City Music Hall.

Au cours des cinq dernières années, Kit est retourné au Nouveau-Brunswick, où il continue de se produire en spectacle tout en profitant de sa renommée afin de sensibiliser la population au syndrome de Gilles de la Tourette, affection dont il est atteint. Dans son cas, le syndrome se manifeste par des tics. Heureusement, en vieillissant, les tics deviennent de moins en moins prononcés. Par contre, dès son plus jeune âge, il a été victime d’intimidation à cause de ce problème sur lequel il n’avait aucune emprise. La musique l’a accompagné durant cette période douloureuse, et c’est ce qui l’a incité à créer un spectacle sur le sujet, qu’il présente dans différentes écoles du Nouveau-Brunswick. Il se consacre également à cette cause en donnant des conférences.

Cependant, voilà que l’appel du voyage, de la scène et de la performance devient trop fort. Kit chantera de nouveau avec le Cirque du Soleil, dans le cadre de la production Totem. En 2019, il sera sur scène à 370 reprises; il jouera six jours par semaine, à hauteur de deux représentations par jour.

Son retour avec le Cirque du Soleil est prévu pour le 16 décembre, à Paris, et sa tournée européenne commencera en janvier au Royal Albert Hall, à Londres. Imaginez, honorables sénateurs, un « petit gars » de Saint-Charles — une communauté d’environ 2 000 personnes — qui montera sur une scène où des artistes aussi légendaires que les Beatles, Elton John et d’autres ont laissé leur marque. Le moment est maintenant venu pour Christian « Kit » Goguen de faire de même au Royal Albert Hall. Quel parcours! Quelle inspiration!

Pour tous ceux qui ont vécu ou qui vivent encore de l’intimidation et qui ont un rêve, l’histoire de Kit est la preuve qu’il ne faut jamais abandonner.

Enfin, pour couronner le tout, Kit deviendra papa pour la première fois en 2019. Je vous invite, honorables sénateurs, à vous joindre à moi pour le féliciter de ses réalisations et pour l’encourager à continuer de faire rayonner l’Acadie partout dans le monde.

[Traduction]

La Journée internationale des droits de l’homme

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables collègues, hier, nous avons souligné la Journée internationale des droits de l’homme. Depuis 1948, chaque année, le 10 décembre, nous soulignons les progrès réalisés et reconnaissons le travail qui reste à accomplir pour que tous les peuples puissent se prévaloir de leurs droits.

Lors de la soirée de remise des Prix des droits de la personne du Manitoba, hier, nous avons souligné les réalisations de Brielle Beardy-Linklater, la première femme autochtone transgenre à recevoir ce prix; de Daniel Thau-Eleff, de la troupe de théâtre Moving Target; et, enfin, de Byron Williams, brillant stratège juridique, et de son équipe du Service de législation d’intérêt public. Le 9 décembre marquait le 70e anniversaire de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

[Français]

J’ai été heureuse de partager ces moments de justice et de succès lors de la commémoration de la Déclaration universelle des droits de l’homme, mais il m’est impossible d’oublier les injustices qui ont cours dans notre monde aujourd’hui.

[Traduction]

Chers collègues, le Réseau des droits de la personne rohingya a tenu une conférence de presse hier, ici à l’édifice du Centre, pour nous rappeler les obligations du Canada à titre d’État signataire de la Convention sur le génocide. Le Canada doit continuer à faire preuve de force et de courage et à protéger le peuple rohingya, qui est confronté à un génocide perpétré par le gouvernement du Myanmar.

J’ai profité de cette journée historique pour publier une lettre d’opinion qui met en lumière les injustices dont sont victimes les prisonniers politiques. Avec le Centre Raoul-Wallenberg pour les droits de la personne, je me suis engagée à sensibiliser les gens au cas de l’Iranienne Nasrin Sotoudeh. Comme je l’ai déjà souligné, Nasrin et bien d’autres prisonniers politiques continuent d’être persécutés et de subir de graves violations des droits de la personne parce qu’ils ont choisi de croire en ces droits — les leurs et ceux des autres —, de les exercer et de les défendre dans un contexte politique hostile. En tant que vice-présidente de l’association parlementaire multipartite Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, j’invite donc les parlementaires à signer une lettre ouverte, semblable à une autre lettre déjà signée par plus de 60 députés du Parlement européen, afin d’attirer l’attention des gens sur l’incarcération de Nasrin Sotoudeh.

Hier, j’ai aussi parlé brièvement de Sun Qian, une femme qui est maintenue en détention sans justification valable à Pékin, depuis près de deux ans. Comme on peut le lire dans le Globe and Mail, elle a été torturée physiquement. Plus de 11 avocats ont été incités à abandonner son dossier, et elle a même fait des aveux qui, selon de nombreuses personnes, lui auraient été extorqués sous la torture. Le 7 décembre, il y a à peine quelques jours, on a appris que son avocat, qui a été désigné par l’État, a l’intention de présenter une demande visant à lui faire renoncer à sa citoyenneté canadienne. Si c’est le cas, elle sera complètement sans défense.

Pour terminer, chers collègues, j’aimerais que nous soulignions le 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, et que nous nous rappelions que, dans le cadre de nos fonctions de parlementaires, nous pouvons chercher activement à corriger des injustices et à protéger les droits de la personne. La défense des droits a des effets tangibles sur des vies humaines. Ce ne sont pas uniquement des mots sur du papier. Merci. Meegwetch.

(1410)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Mary Collins et de Mo Ettehadieh. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Omidvar.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Fondation du Musée des beaux-arts du Canada

L’honorable Patricia Bovey : Honorables collègues, les partenariats dans la société sont de plus en plus essentiels à la réussite de nombreux projets dans le milieu des affaires, le secteur de la bienfaisance, le milieu des sports, les organismes communautaires organisant des activités, petites et grandes, et, bien sûr, dans le milieu des arts. En fait, j’ai parfois l’impression que c’est par nécessité absolue que, il y a quelques années, le secteur culturel a créé des partenariats, bien avant que ce soit la tendance.

La semaine dernière, on a célébré un tel partenariat, qui a été créé grâce à de nombreuses couches de générosité, d’initiative et d’entrepreneuriat créatif et dévoué, le tout conjugué en vue d’assurer un avenir prospère. Cette célébration a eu lieu au Musée des beaux-arts du Canada. Elle était organisée par la Fondation du musée. On a rendu hommage à Marc Mayer, le directeur sortant, et on a annoncé des dons pour plus de 3 millions de dollars.

Des artistes, des collectionneurs, des galeristes, des mécènes, des chefs d’entreprise, des représentants du gouvernement ainsi que des dirigeants communautaires se sont réunis pour remercier Marc, qui a été directeur général du musée pendant les 10 dernières années, et pour lui rendre hommage. J’ai travaillé pour la première fois avec Marc à titre de collègue à l’échelle nationale à la fin des années 1990, lorsqu’il était directeur du Power Plant, à Toronto. La carrière de Marc l’a conduit à Paris, à New York, à Brooklyn et, avant d’accepter un poste au Musée des beaux-arts du Canada, à Montréal, en tant que directeur du Musée d’art contemporain.

Au Musée des beaux-arts du Canada, Marc a dirigé une excellente équipe professionnelle, composée notamment d’éminents conservateurs et directeurs des programmes d’éducation. Marc a connu de nombreux succès en tissant des liens solides entre des musées d’art, tant au pays que sur la scène internationale. Sous sa gouverne, la collection du Musée des beaux-arts s’est enrichie de grands trésors internationaux, à la fois historiques et contemporains. Le musée a monté des expositions complexes, populaires et instructives, qui, dans bien des cas, ont été fort novatrices, comme « Anthropocene », l’œuvre d’Ed Burtynsky, dont j’ai déjà parlé.

La plus grande contribution de Marc a probablement été le réaménagement des salles d’art canadien et autochtone du musée, à l’occasion du 150e anniversaire de la Confédération canadienne. Il a aussi travaillé à la mise en valeur du pavillon du Canada à la Biennale de Venise, après sa récente restauration. Ce pavillon contribue vraiment à faire connaître le travail d’artistes et de conservateurs canadiens dans le monde entier.

[Français]

Marc, je vous offre mes remerciements et mes félicitations pour toutes vos réalisations dans le domaine de l’art canadien et mes meilleurs vœux pour l’avenir. Puissiez-vous vivre de nombreuses années riches d’expériences et être en bonne santé. J’espère que nos chemins se croiseront à nouveau.

[Traduction]

Je tiens aussi à féliciter la chef de la direction de la Fondation du Musée des beaux-arts du Canada, Karen Colby-Stothart, et son président, Tom d’Aquino. Les dons d’une valeur de 13 millions de dollars qui ont été recueillis auront quatre objectifs : reconnaître le talent canadien dans les centres d’artistes et les petits musées d’art au pays; soutenir des expositions d’artistes canadiens contemporains au Pavillon du Canada à la Biennale de Venise; appuyer l’exposition itinérante « Le Canada et l’impressionnisme 1880-1930 », qui sera présentée un peu partout dans le monde avant de revenir au Musée des beaux-arts du Canada, en 2020; et, enfin, rendre la collection nationale plus accessible par des prêts et des expositions à la grandeur du pays. Grâce à ces efforts, la collection nationale du Canada sera plus accessible que jamais pour des institutions, grandes et petites, au pays comme à l’étranger, tout en braquant les réflecteurs sur des artistes contemporains canadiens. Merci de ces réalisations.

La Journée internationale des droits de l’homme

L’honorable Thanh Hai Ngo : Honorables sénateurs, j’interviens avec un jour de retard — la Journée internationale des droits de l’homme était célébrée hier — pour souligner le 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, un document charnière qui proclame les droits inaliénables auxquels tout être humain a un droit inhérent, sans distinction aucune de race, de couleur, de religion, de sexe, de langue, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.

J’ajoute ma voix à celle de mes honorables collègues qui sont intervenus hier pour souligner fortement l’importance de l’égalité, de la justice et de la dignité humaine. À cet égard, j’attire l’attention du Sénat sur la dégradation de la situation en Asie en ce qui concerne la liberté d’expression, notamment la liberté de presse, et les droits des réfugiés.

Au Vietnam, la situation des droits de la personne s’est détériorée en 2018 : le gouvernement communiste continue d’emprisonner des dissidents en leur imposant des peines plus longues, il charge des hommes de main d’attaquer les militants pour la défense des droits et il adopte des lois draconiennes pour limiter davantage la liberté sur Internet.

En outre, nous restons les bras croisés alors que, en Chine, des millions d’Ouïghours, de confession musulmane, sont détenus contre leur gré dans des camps d’endoctrinement. Au Myanmar, des politiques qualifiées de génocidaires affectent près d’un million de personnes, principalement les Rohingyas.

Honorables sénateurs, nous vivons à une époque où les dictateurs sont facilement en mesure de surveiller et de réprimer la dissidence pacifique au moyen d’outils invasifs de surveillance en ligne, et d’opprimer les militants. Nous sommes confrontés à un monde où de plus en plus de dirigeants contestent le principe même du respect des droits de la personne.

Nous devons nous rallier pour protéger et maintenir l’esprit de ce document fondateur. Les principes inscrits dans la déclaration sont aussi pertinents aujourd’hui qu’ils l’étaient en 1948.

Honorables sénateurs, la Déclaration universelle des droits de l’homme nous donne du pouvoir à tous. Engageons-nous résolument à ne jamais renoncer à ces principes. Merci.

Donna Strickland

Félicitations pour son prix Nobel de physique

L’honorable Marty Deacon : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à Donna Strickland, qui a reçu hier le prix Nobel de 2018 de physique des mains du roi de Suède, à Stockholm. L’apparat et le prestige sur la scène étaient loin de ce qu’on pouvait voir au local 3407 du pavillon Needles, à l’Université de Waterloo, où quelques centaines d’étudiants s’étaient entassés dans la salle pour regarder avec fierté la cérémonie qui se déroulait à Stockholm. C’était merveilleux de regarder et d’encourager ces jeunes dans ce moment de réjouissances communes.

Voyez-vous, en plus d’être la troisième femme à recevoir le prix Nobel de physique, depuis 117 ans que ce prix existe, Mme Strickland est aussi professeure au Département de physique et d’astronomie de l’Université de Waterloo, où elle mène des recherches et enseigne depuis 1997.

La professeure Strickland, qui est née à Guelph, compte parmi les trois lauréats du prix cette année. Son prix récompense des travaux de recherche qu’elle a publiés en 1985, lorsqu’elle était encore doctorante à l’Université de Rochester. C’est à ce moment-là qu’elle et son superviseur, un des colauréats, ont découvert l’amplification par dérive de fréquence, qui se traduit par des impulsions laser ultracourtes de forte intensité qui ont plusieurs applications pratiques, dont la plus connue est la chirurgie des yeux.

Honorables sénateurs, il y a un élément moins réjouissant. Vous remarquerez que la professeure Strickland porte des lunettes. Pour expliquer cela, elle a dit : « J’ai une grande confiance dans les lasers, mais qu’on n’en approche pas un de mes yeux. »

J’ai eu le plaisir d’assister aux festivités organisées hier matin à Waterloo, et je dois dire que j’ai trouvé très encourageant de voir qu’autant de femmes étudient les sciences, la technologie, le génie et les mathématiques. À l’époque où j’enseignais moi-même la physique, en 1986, j’avais été invitée à me joindre à un petit groupe de femmes qui étaient à l’origine, avec quelques-uns de leurs collègues universitaires, du mouvement visant la promotion de ces quatre disciplines. Plus d’une trentaine d’années plus tard, je me réjouis de voir que le travail de Mme Strickland a été reconnu et qu’il permet d’attirer l’attention de la planète sur notre coin de pays. Je suis convaincue que ce prix incitera d’autres femmes à étudier et à travailler dans ces quatre domaines.

Outre le prix en argent d’une valeur de 1,1 million de dollars, qui sera réparti entre les lauréats, d’autres avantages attendent Mme Strickland à son retour à Waterloo. Pour commencer, l’université a créé un espace de stationnement réservé exclusivement aux Nobel du campus — et quiconque étudie ou travaille là-bas apprécie ce prix à sa juste valeur. Elle a aussi obtenu une promotion en octobre, si bien que, au lieu d’être professeure agrégée, elle est désormais professeure titulaire à temps plein. Mme Strickland a alors précisé d’emblée qu’elle n’avait jamais sollicité un poste à temps plein, ce qui nous montre à quel point elle est humble. En entendant cela, le recteur de l’université lui a fait savoir qu’une demande d’une seule ligne suffirait.

Honorables sénateurs, les réalisations de Donna Strickland nous rappellent tout ce que peuvent faire la curiosité et la créativité au quotidien. Joignez-vous à moi pour féliciter Mme Strickland de ses extraordinaires réalisations et pour lui souhaiter le meilleur dans ses prochaines aventures scientifiques. Je vous remercie.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune des chefs et chefs adjoints du Conseil des chefs d’Eagle Spirit et de la Coalition nationale des chefs, ainsi que des représentants du Conseil des ressources indiennes et de l’Union internationale des ingénieurs d’exploitation. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Patterson.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

L’ombudsman des contribuables

Dépôt du rapport annuel de 2017-2018

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Bureau de l’ombudsman des contribuables pour l’exercice qui s’est terminé le 31 mars 2018.

(1420)

[Traduction]

Projet de loi concernant Guides du Canada

Projet de loi d’intérêt privé—Présentation du vingt-septième rapport du Comité des banques et du commerce

L’honorable Carolyn Stewart Olsen, vice-présidente du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, présente le rapport suivant :

Le mardi 11 décembre 2018

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a l’honneur de présenter son

VINGT-SEPTIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-1002, Loi concernant Guides du Canada, a, conformément à l’ordre de renvoi du 1er novembre 2018, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

La vice-présidente,

CAROLYN STEWART OLSEN

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

L’honorable Terry M. Mercer (leader adjoint des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat, je propose que la troisième lecture du projet de loi soit inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion du sénateur Mercer, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.)

La Loi de l’Eglise-unie du Canada

Projet de loi modificatif d’intérêt privé—Présentation du vingt-huitième rapport du Comité des banques et du commerce

L’honorable Carolyn Stewart Olsen, vice-présidente du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, présente le rapport suivant :

Le mardi 11 décembre 2018

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a l’honneur de présenter son

VINGT-HUITIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-1003, Loi modifiant la Loi de l’Église-unie du Canada, a, conformément à l’ordre de renvoi du 1er novembre 2018, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

La vice-présidente,

CAROLYN STEWART OLSEN

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat, je propose que la troisième lecture du projet de loi soit inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion du sénateur Harder, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.)

L’étude sur la situation actuelle du régime financier canadien et international

Dépôt du vingt-neuvième rapport du Comité des banques et du commerce

L’honorable Carolyn Stewart Olsen : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le vingt-neuvième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce intitulé La collecte des informations financières par Statistique Canada. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.

(Sur la motion de la sénatrice Stewart Olsen, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Modernisation du Sénat

Présentation du treizième rapport du comité spécial

L’honorable Stephen Greene, président du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat, présente le rapport suivant :

Le mardi 11 décembre 2018

Le Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat a l’honneur de présenter son

TREIZIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le vendredi 11 décembre 2015 à examiner les façons de rendre le Sénat plus efficace dans le cadre constitutionnel actuel, présente maintenant son rapport intitulé : Refléter la nouvelle réalité du Sénat.

Respectueusement soumis,

Le président,

STEPHEN GREENE

(Le texte du rapport figure à l’annexe des Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 4228.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Greene, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

L’étude sur l’impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier

Dépôt du quatorzième rapport du Comité de l’agriculture et des forêts auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Diane F. Griffin : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que, conformément aux ordres adoptés par le Sénat le 9 mars 2017 et le 29 novembre 2018, le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts a déposé auprès du greffier du Sénat, le 11 décembre 2018, son quatorzième rapport intitulé Abondance ou famine: L’incidence des changements climatiques et la tarification du carbone sur l’agriculture, l’agroalimentaire et la foresterie. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.

(Sur la motion de la sénatrice Griffin, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

L’ajournement

Préavis de motion

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 19 février 2019, à 14 heures.

[Traduction]

Le Sénat

Préavis de motion tendant à autoriser les comités à siéger pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l’article 12-18(2)b)(i), les comités du Sénat soient autorisés à se réunir du 28 janvier 2019 jusqu’au 8 février 2019, même si le Sénat est ajourné depuis plus d’une semaine.

[Français]

La Loi sur Investissement Canada

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Thanh Hai Ngo dépose le projet de loi S-257, Loi modifiant la Loi sur Investissement Canada (examen obligatoire relatif à la sécurité nationale des investissements par des entreprises d’État étrangères).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Ngo, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Traduction]

Le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis

La réunion annuelle avec des membres du Sénat et de la Chambre des représentants des États-Unis, tenue du 15 au 17 juin 2018—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis concernant sa participation à la 56e réunion annuelle des membres du Sénat et de la Chambre des représentants des États-Unis, tenue à Ottawa, en Ontario, au Canada, du 15 au 17 juin 2018.

La Conférence de l’Alliance commerciale de la frontière canado-américaine, tenue du 30 septembre au 2 octobre 2018—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis concernant sa participation à la Conférence de l’Alliance commerciale de la frontière canado-américaine, tenue à Washington, D.C., aux États-Unis d’Amérique, du 30 septembre au 2 octobre 2018.

La réunion annuelle du Council of State Governments-West, tenue du 11 au 15 septembre 2018—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis concernant sa participation à la 71e réunion annuelle du Council of State Governments - West, tenue à Snowbird, au Utah, aux États-Unis d’Amérique, du 11 au 15 septembre 2018.

Projet de loi concernant Guides du Canada

Projet de loi d’intérêt privé—Préavis de motion d’amendement

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 11-16 du Règlement, je donne préavis que, plus tard aujourd’hui, je proposerai :

Que le projet de loi S-1002, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié, à la page 8, par adjonction, après la ligne 16, de ce qui suit :

« 16.1 (1) Les administrateurs sont solidairement responsables, envers les employés de l’association, des dettes liées aux services que ceux-ci exécutent pour le compte de cette dernière pendant qu’ils exercent leur mandat, et ce jusqu’à concurrence de six mois de salaire.

(2) La responsabilité des administrateurs n’est engagée aux termes du paragraphe (1) que dans l’un ou l’autre des cas suivants :

a) l’exécution n’a pu satisfaire au montant accordé par jugement, à la suite d’une action en recouvrement de la créance intentée contre l’association dans les six mois suivant l’échéance;

b) l’existence de la créance est établie dans les six mois suivant la date du début des procédures de liquidation et de dissolution de l’association ou, si elle lui est antérieure, la date de sa dissolution;

c) l’existence de la créance est établie dans les six mois suivant une cession de biens ou une ordonnance de mise sous séquestre frappant l’association en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.

(3) La responsabilité des administrateurs n’est engagée aux termes du présent article que si l’action est intentée durant leur mandat ou dans les deux ans suivant la fin de celui-ci.

(4) Les administrateurs ne sont tenus que des sommes restant à recouvrer après l’exécution visée à l’alinéa (2)a).

(5) L’administrateur qui acquitte les dettes visées au paragraphe (1) dont l’existence est établie au cours d’une procédure soit de liquidation et de dissolution, soit de faillite, est subrogé dans les droits de priorité qu’aurait pu faire valoir l’employé et, si un jugement a été rendu :

a) au Québec, est subrogé dans les droits constatés par celui-ci;

b) ailleurs au Canada, a le droit d’en exiger la cession.

(6) L’administrateur qui acquitte une créance en vertu du présent article peut répéter les parts des administrateurs qui étaient également responsables. ».

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(1430)

Le Sénat

Préavis de motion tendant à demander à Statistique Canada de s’abstenir d’accéder aux documents de nature financière qui contiennent des renseignements qui permettent d’identifier un particulier sans son consentement

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Sénat demande à Statistique Canada de s’abstenir d’accéder, au titre de l’article 13 de la Loi sur la statistique, aux documents ou aux archives de nature financière qui sont conservés dans une institution financière ou une agence d’évaluation du crédit lorsque ces documents ou ces archives contiennent des renseignements qui permettent d’identifier un particulier sans le consentement de celui-ci.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les finances

L’énoncé économique de l’automne 2018

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : La question que j’adresse au leader du gouvernement porte sur le rapport publié ce matin par le directeur parlementaire du budget au sujet de l’énoncé économique de l’automne.

Le directeur parlementaire du budget a examiné la somme de 9,5 milliards de dollars que le gouvernement a prévu affecter, jusqu’à l’exercice 2023-2024, à des mesures non annoncées. Cet énorme fonds doit servir à financer des décisions du Cabinet qui n’ont pas encore été prises et des décisions qui touchent de vastes domaines, comme la sécurité nationale et les accords commerciaux.

Le directeur parlementaire du budget souligne l’« ampleur sans précédent » de ce fonds et recommande aux parlementaires d’obtenir des détails du gouvernement à propos de ces dépenses. Il y a une semaine, pendant la période des questions au Sénat, j’ai demandé au ministre Morneau de justifier l’existence de ce fonds. Comme le ministre n’a pas répondu à ma question, je la pose de nouveau.

Sénateur Harder, seriez-vous en mesure de nous dire comment le gouvernement libéral justifie prévoir une somme de 9,5 milliards de dollars sans préciser clairement comment cet argent sera affecté?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question.

Il sait sans doute que, par souci de transparence fiscale, le gouvernement du Canada publie, depuis 2016, un compte rendu détaillé de toutes les mesures stratégiques prises à la suite des énoncés de l’automne et des budgets. Ainsi, dans le tableau A1.7 du plus récent énoncé économique de l’automne, par exemple, on fait la liste des mesures stratégiques prises depuis le dépôt du budget de cette année et des montants attribués à chacune. Dans le tableau A1.8 qui suit, on présente la liste des mesures stratégiques et des investissements prévus dans l’énoncé économique de l’automne du gouvernement du Canada.

Toutefois, l’honorable sénateur n’est pas sans savoir que certaines mesures ne peuvent pas être publiées, notamment dans les cas où le Cabinet n’a pas encore décidé ce qu’il fera en ce qui concerne certaines questions touchant la sécurité nationale, des litiges ou des points sensibles sur le plan commercial, ou d’autres enjeux relatifs aux accords commerciaux. C’est ce qui explique le montant auquel fait référence l’honorable sénateur Smith dans sa question.

En fait, il y a transparence accrue, bien que, comme je l’ai dit et le répète, certaines décisions restent à prendre ou font l’objet d’une dérogation aux conventions.

Le sénateur Smith : Merci beaucoup, sénateur. Je suppose que la question à se poser est la suivante : y aura-t-il un moment avant que les fonds soient engagés où il y aura une transparence véritable qui permettra aux parlementaires de comprendre où l’argent est dépensé?

Le sénateur Harder : Si j’ai bien compris les engagements pris par le président du Conseil du Trésor, les décisions de financement seront annoncées de façon transparente.

[Français]

La sécurité publique

Les droits des victimes d’actes criminels

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Je vous interpelle aujourd’hui, une fois de plus, sur un sujet fondamental, celui de la Charte canadienne des droits des victimes. Cet automne, je vous ai interpellé au sujet du dossier du meurtre de la petite Tori Stafford, âgée de 8 ans, qui a été agressée sexuellement, violée et brutalement assassinée. Or, son agresseuse, quelques années plus tard, a été transférée d’une institution à sécurité moyenne vers une institution à sécurité minimale, sans que la famille en soit informée. L’opinion publique a d’ailleurs fait reculer le gouvernement dans sa décision, et la dame est retournée à un pénitencier à sécurité moyenne.

Hier encore, Michael Rafferty, l’autre assassin, a été transféré d’une institution à sécurité maximale à une institution à sécurité moyenne, sans que la famille en soit informée. Pis encore, elle a appris la nouvelle par l’entremise des médias sociaux, ce qui est manifestement un manque de respect envers la famille.

Ma question est donc la suivante : quand allez-vous interpeller directement le ministre de la Sécurité publique du Canada, pour faire en sorte que Service correctionnel Canada respecte la Charte canadienne des droits des victimes, laquelle a préséance sur la Loi sur le système correctionnel du Canada?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de ses questions. Avant d’y répondre, permettez-moi de rappeler ce qui est certainement dans tous les esprits, et je veux parler de la tragédie qui frappe la famille de Tori Stafford. Il importe de reconnaître qu’il s’agit d’événements tragiques.

Je tiens également à souligner que la priorité absolue du système correctionnel est la sécurité publique, ce dont témoignent les règles et procédures fondamentales de l’institution qui en est chargée.

Le ministre responsable a bien fait savoir, à l’autre endroit et ailleurs, que l’intervention du gouvernement dans une affaire donnée est inappropriée, et que celui-ci doit plutôt s’assurer que le système fonctionne adéquatement et qu’il suit les lignes directrices en vigueur. Cet examen est en cours, mais permettez-moi de rappeler également à tous les sénateurs que le détenu en question est incarcéré dans l’Établissement La Macaza, qui se spécialise dans la gestion des délinquants sexuels. Je rappelle aussi à tous les sénateurs que l’établissement est entouré d’une double clôture de 3,6 mètres de hauteur contrôlée et équipée de systèmes de sécurité de pointe.

Il est important pour nous de reconnaître que, dans notre système de correction et d’incarcération, il y a des centres qui gèrent ce genre de détenus et qu’il est tout à fait approprié que Service correctionnel Canada prenne des décisions conformes aux lignes directrices en vigueur. Dans ce cas particulier, il importe que le ministre s’assure que ces lignes directrices ont été suivies.

(1440)

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Monsieur le représentant du gouvernement au Sénat, les familles n’ont pas besoin de justification, elles souhaitent être traitées avec respect. Les familles n’ont pas été informées des cinq dernières décisions prises par le système carcéral canadien en ce qui concerne le transfert au criminel. Dans la Charte canadienne des droits des victimes, il existe un droit, soit le droit à l’information. Selon vous, en tant que représentant du gouvernement au Sénat, cette charte n’est-elle qu’un bout de papier qui ne vaut rien ou est-ce un document qui fait respecter les droits des victimes au Canada?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Encore une fois, nous devons tous comprendre que le ministre responsable s’est penché sur le dossier pour s’assurer que les politiques ont été suivies.

Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs

Le conseiller sénatorial en éthique

L’honorable Marilou McPhedran : Ma question s’adresse à la présidente du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, la sénatrice Andreychuk.

Depuis que j’ai créé une ligne confidentielle pour dénoncer les cas de harcèlement au Sénat, on m’a signalé que le Bureau du conseiller sénatorial en éthique pourrait avoir communiqué avec une autorité externe au cours de son enquête sur une plainte pour harcèlement visant le sénateur Meredith, un ancien collègue tombé en disgrâce. Selon l’information reçue, le Bureau du conseiller sénatorial en éthique aurait communiqué à cette autorité les coordonnées personnelles d’au moins un plaignant, et ce, sans avoir obtenu de consentement écrit avant de transmettre ces renseignements confidentiels.

Étant donné que c’est votre comité qui détermine généralement si et comment le conseiller sénatorial en éthique exerce ses fonctions, pourrait-il demander à ce dernier si lui ou une personne associée à son bureau, à son personnel ou à ses consultants, premièrement, a communiqué avec une autorité externe, deuxièmement, a fourni des coordonnées personnelles à cette autorité et, troisièmement, a communiqué avec cette autorité externe et lui a fourni des renseignements personnels sur un ou plusieurs plaignants? Dans l’affirmative, est-ce que le conseiller sénatorial en éthique a obtenu le consentement écrit des particuliers dont il a transmis les renseignements personnels à l’autorité compétente? Quatrièmement, le conseiller sénatorial en éthique peut-il confirmer à votre comité que son bureau détient ce consentement écrit parce qu’il fait partie de ses documents d’enquête?

Sénatrice Andreychuk, dans son rapport, le comité a dit au Sénat qu’il « est également important de mener à bien le processus afin de préserver et d’accroître la confiance du public dans l’intégrité des sénateurs et du Sénat ».

Sachant que cette observation s’applique à toutes les enquêtes menées...

Des voix : Arrivez-en à la question.

La sénatrice McPhedran : ... par le conseiller sénatorial en éthique, votre comité accepterait-il d’utiliser son autorité aux termes du code pour demander à quel moment le conseiller pourrait vous faire rapport au sujet de la plainte déposée par la sénatrice Lankin et d’autres sénateurs visant les propos haineux contre les peuples autochtones sur le site web officiel de la sénatrice Beyak?

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénatrice McPhedran. Votre déclaration inclut un certain nombre de questions. Je vais demander à la sénatrice Andreychuk de bien vouloir y répondre. Elle aura peut-être besoin de précisions, étant donné que j’ai relevé au moins quatre ou cinq questions.

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Je vous remercie, sénatrice McPhedran. Comme le même code s’applique à vous et à moi, vous savez que les règles y sont définies. La façon avec laquelle nous appliquons le code à nos activités, qui nous a très bien servis, nous amène à prendre des décisions de comité, et non des décisions de la présidence. Je ne répondrai pas à votre question maintenant. Je vais soumettre à nouveau les points que vous avez soulevés au comité.

Un certain nombre d’enjeux ont été abordés. Je souligne à tous les sénateurs que, en cas d’enquête, ce qui est le cas dans deux situations que la sénatrice a soulevées, nous devons respecter l’indépendance du conseiller sénatorial en éthique. Il doit pouvoir mener ses enquêtes en toute indépendance, selon son jugement. Nous avons un rôle de supervision, et nous pouvons l’exercer. Nous devons également protéger la confidentialité du processus dirigé par le conseiller. Je vais prendre vos questions en délibéré et je les soumettrai au comité.

Les affaires étrangères et le commerce international

Les sociétés étrangères qui font affaire au Canada

L’honorable Leo Housakos : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle porte sur l’arrestation et l’extradition de la directrice financière de Huawei. Un certain nombre d’experts en sécurité du Canada ont dit craindre que cette entreprise et d’autres entreprises chinoises ne se soient livrées à de l’espionnage industriel au Canada. Le gouvernement a-t-il pris les mesures nécessaires pour consulter nos alliés forts en matière de sécurité, comme l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis, qui ont récemment décidé, comme plusieurs autres pays, de bannir Huawei? Quel genre d’information et de preuves ont-ils pour que le gouvernement canadien puisse les examiner? Le gouvernement canadien envisage-t-il, lui aussi, de bannir Huawei au Canada?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. À ma connaissance, les raisons soulevées dans la demande d’extradition ne sont aucunement liées au travail que fait l’entreprise au Canada ou dans quelque autre pays du Groupe des cinq. Je l’ai déjà dit, mais je vais le répéter : le gouvernement du Canada est en communication constante avec ses alliés en matière de sécurité pour surveiller toutes les menaces et les menaces potentielles aux infrastructures, y compris en ce qui concerne l’infrastructure des télécommunications. Les conseils qu’il suit et les décisions qu’il prend sont dans l’intérêt du Canada.

Le sénateur Housakos : D’après ce que j’ai compris, on a procédé à cette arrestation parce que Huawei communiquait des renseignements à l’Iran et lui transférait des technologies des communications, ce qui, évidemment, contrevient à l’embargo américain contre l’Iran. Nous savons tous que l’Iran soutient le terrorisme et le Hezbollah, ainsi que d’autres groupes comme Al-Qaïda, qui ne sont certainement pas des alliés du Canada. Le gouvernement va-t-il prendre ses responsabilités et soutenir ses proches alliés de partout sur la planète afin d’envoyer un message clair quant à l’intolérance du Canada face aux sociétés canadiennes et aux sociétés étrangères qui font des affaires au Canada et qui communiquent des renseignements technologiques à un régime comme l’Iran, qui appuie des terroristes partout dans le monde?

Le sénateur Harder : Merci de votre question. Elle comporte de nombreuses accusations et divers éléments.

Je veux d’abord faire le point sur deux éléments. En ce qui concerne la demande d’extradition, elle est traitée par les tribunaux à l’heure actuelle. Il serait inapproprié que je fasse des commentaires sur la façon de faire des tribunaux, sauf pour dire que j’ai confiance dans la primauté du droit.

Quant aux autres éléments des questions qui ont été posées, je répète que le gouvernement du Canada demeure vigilant et qu’il cherche assidûment conseil lorsqu’il est question des intérêts nationaux, car il souhaite prendre des décisions qui sont dans l’intérêt du Canada.

La justice

La nomination des juges

L’honorable Paul E. McIntyre : Ma question à l’intention du leader du gouvernement porte sur les postes vacants à la magistrature, un sujet que j’ai déjà soulevé auprès de lui.

En février dernier, lorsque j’ai soulevé la question, 63 postes de juge étaient vacants au Canada. Quand j’ai soulevé la question de nouveau en avril, il y en avait 59. En date d’aujourd’hui, on compte 55 postes vacants répartis dans neuf provinces.

La Cour suprême a rendu sa décision dans l’affaire R. c. Jordan depuis deux ans et demi. Malgré les assurances fournies par le gouvernement fédéral selon lesquelles il prend les délais judiciaires au sérieux, les statistiques montrent que peu de progrès sont réalisés.

Sénateur, en 2018, des poursuites impliquant des chefs d’accusation des plus graves ont été abandonnées en raison de l’arrêt Jordan. Quand la ministre de la Justice agira-t-elle pour pourvoir ces postes de juge vacants?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Encore une fois, je remercie le sénateur de sa question et de son intérêt soutenu pour ce dossier. Permettez-moi de m’informer auprès de la ministre de la Justice, comme je l’ai fait par le passé.

Je dois également faire remarquer que, au cours de la période mentionnée, le gouvernement a entrepris d’élargir le cadre des nominations à la magistrature afin d’accroître la capacité du système judiciaire. Ne le négligeons pas.

Le sénateur McIntyre : En mars, la ministre de la Justice a promis de pourvoir les postes de juge vacants dans ma province, le Nouveau-Brunswick. À ce moment-là, il y en avait trois. Au 3 décembre, il y en avait deux à la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick, un dans la division de la première instance, et l’autre dans la division de la famille.

Sénateur, pourriez-vous vous renseigner auprès de la ministre de la Justice afin d’apprendre quand elle a l’intention de pourvoir ces postes vacants au Nouveau-Brunswick?

Le sénateur Harder : Je le ferai.

(1450)

[Français]

La sécurité publique

Les appareils de dépistage salivaire de drogue

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. La période des Fêtes approche, et parmi les enjeux importants qui y sont liés, il y a la conduite avec les facultés affaiblies et les moyens de contrôle. Il semble que l’Agence des services frontaliers du Canada hésite à acheter l’appareil de détection de drogues que la ministre de la Justice a homologué. Comme la plupart des services de police au Canada, d’ailleurs, l’Agence des services frontaliers n’est pas convaincue de l’efficacité de l’appareil DrugTest 5000.

J’ai souvent dénoncé en cette Chambre le manque de préparation du gouvernement dans le projet de légalisation du cannabis, et je l’ai fait également en comité. Chaque fois que j’ai soulevé la question, on me répondait de ne pas m’inquiéter et que nous étions prêts. Nous sommes maintenant devant l’évidence. Les policiers et les douaniers canadiens ne disposent pas des appareils nécessaires; pire, ils n’en auront pas pour plusieurs années, puisque l’Agence des services frontaliers du Canada ne prévoit pas en obtenir d’ici les cinq prochaines années.

Sénateur Harder, à quel moment la ministre de la Justice sortira-t-elle de sa tour d’ivoire pour constater qu’il n’y a pas d’appareil homologué efficace pour détecter les drogues? Serait-il possible de fournir aux policiers une liste d’appareils qui leur permettraient de faire respecter la loi et de prévenir les cas de conduite avec facultés affaiblies?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Comme il l’a indiqué, c’est la période de l’année où on fait des cadeaux, et je lui suis reconnaissant de me faire cadeau de cette question parce qu’il me donne ainsi l’occasion de déballer les réponses que le ministre Blair et la ministre de la Justice ont déjà fournies lorsqu’ils sont venus ici. Ils ont dit que des ressources avaient été accordées aux policiers pour l’achat d’appareils, que l’appareil en question avait été homologué et que d’autres appareils seraient disponibles prochainement.

Ce processus a commencé dès que la loi est entrée en vigueur, et je rappelle au Sénat que ce sénateur s’y est opposé.

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Les réfugiés et les demandeurs d’asile

L’honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement.

Sénateur Harder, en juillet, le gouvernement de l’Ontario a demandé au gouvernement Trudeau 200 millions de dollars afin de couvrir les dépenses qu’il a dû engager pour s’occuper des prétendus migrants irréguliers, qui ont afflué dans notre province pour demander l’asile après le fameux gazouillis du premier ministre où il disait: « Bienvenue au Canada. » Je vous rappelle que 40 p. 100 des refuges de Toronto sont maintenant occupés par des gens qui sont entrés illégalement au Canada.

La semaine dernière, le gouvernement du Québec a demandé 300 millions de dollars pour couvrir les coûts liés aux demandeurs d’asile dans sa province.

Sénateur Harder, quand le gouvernement compte-t-il rembourser les provinces?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Ce ne sont pas de prétendus demandeurs d’asile, mais de véritables demandeurs d’asile.

Au cours des derniers mois, le gouvernement du Canada a travaillé en étroite collaboration avec les villes et les provinces afin de débloquer plus de ressources pour faire face à cette situation. Ces discussions avec les provinces et les villes sont bien avancées, et le gouvernement a fait une série d’annonces. Je serai heureux de vous en présenter la liste. D’autres annonces sont à venir.


ORDRE DU JOUR

Le Code criminel
La Loi sur le ministère de la Justice

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Adoption de la motion de renonciation aux amendements du Sénat

Le Sénat passe à l’étude du message de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-51, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le ministère de la Justice et apportant des modifications corrélatives à une autre loi :

Le lundi 10 décembre 2018

Il est ordonné,—Qu’un message soit envoyé au Sénat pour informer Leurs Honneurs que la Chambre rejette respectueusement les amendements 1 et 2 apportés par le Sénat au projet de loi C-51, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le ministère de la Justice et apportant des modifications corrélatives à une autre loi, étant donné qu’ils sont incompatibles avec l’objectif du projet de loi de codifier la jurisprudence de la Cour suprême du Canada sur un aspect précis du droit relatif aux agressions sexuelles, et cherchent plutôt à légiférer sur une question juridique différente et beaucoup plus complexe, en l’absence d’orientations cohérentes de la part des tribunaux d’appel ou de différents points de vue des intervenants.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) propose :

Que le Sénat n’insiste pas sur ses amendements au projet de loi C-51, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le ministère de la Justice et apportant des modifications corrélatives à une autre loi, auxquels les Communes n’ont pas acquiescé;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

— Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler du message que nous a transmis l’autre endroit au sujet des amendements que le Sénat avait proposé d’apporter au projet de loi C-51 et exhorter cette assemblée à l’adopter. Si la motion dont nous sommes saisis est adoptée, ce projet de loi pourrait devenir loi avant la pause hivernale.

Les mesures importantes prévues dans le projet de loi C-51 pourraient ainsi entrer en vigueur, des mesures comme l’obligation de déposer un énoncé concernant la Charte pour tout projet loi présenté par le gouvernement, l’élargissement des dispositions sur la « protection des victimes de viol » en ce qui concerne l’admissibilité de la preuve dans les cas d’agression sexuelle et la disposition voulant que le plaignant ait droit à une représentation juridique dans ce contexte.

J’aimerais donner quelques détails plus généraux à propos du projet de loi C-51 pour les sénateurs qui ne l’ont pas examiné au comité et qui se sont plutôt concentrés sur les amendements débattus à l’étape de la troisième lecture.

Comme je l’ai mentionné, il apporte d’importants changements. D’abord, il modernise le Code criminel en supprimant ou en modifiant des dispositions qui ont été jugées inconstitutionnelles par les tribunaux.

Ensuite, il modifie la Loi sur le ministère de la Justice de manière à y inscrire l’obligation de déposer, pour chaque projet de loi émanant du gouvernement, un énoncé indiquant ses effets sur les droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés.

Enfin, le projet de loi C-51 modifie les dispositions législatives liées aux agressions sexuelles.

Le projet de loi crée un nouveau régime pour les situations où la défense détient le dossier personnel d’une plaignante et souhaite l’utiliser comme élément de preuve. Ce nouveau régime fera en sorte que la vie privée de la plaignante soit protégée adéquatement et que seuls les éléments de preuve pertinents soient admis pendant le procès.

De plus, le projet de loi indique clairement qu’une plaignante dont le dossier personnel pourrait être utilisé pendant le procès a le droit d’être représentée par un avocat, afin que ses intérêts juridiques puissent être défendus correctement et efficacement.

Enfin, le projet de loi C-51 vise à préciser les dispositions juridiques concernant les agressions sexuelles, notamment la capacité de consentir à une activité sexuelle.

Permettez-moi de revenir un peu sur le contexte.

Les modifications que propose le projet de loi C-51 à propos de la capacité de consentir à une activité sexuelle sont fondées sur le principe voulant que la loi, telle qu’elle est rédigée, reflète la loi telle qu’elle est appliquée.

Voilà pourquoi le gouvernement propose d’inscrire dans la loi un principe formulé par la Cour suprême du Canada, selon lequel une personne inconsciente ne peut pas consentir.

Ce principe provient directement de la décision rendue par la Cour suprême en 2011 dans l’affaire R. c. J.A.

Le projet de loi C-51 indique aussi explicitement qu’il n’y a pas de consentement de la plaignante si cette dernière est incapable de consentir à une activité sexuelle « pour tout autre motif que » le fait qu’elle est inconsciente. Cette formulation vise à préciser, dans les lois canadiennes, qu’une personne peut être incapable de consentir à une activité sexuelle pour différents motifs, le fait d’être inconsciente n’étant pas la seule possibilité.

Le libellé proposé pour le projet de loi C-51 correspond aux récentes conclusions de la Cour d’appel de l’Alberta dans la cause R. c. WLS, où il était question d’allégations d’agression sexuelle et de séquestration. Avant d’être agressée, la victime avait consommé de l’alcool et pris des comprimés.

La juge de première instance a acquitté l’accusé des deux accusations. En appel, la Cour d’appel de l’Alberta a conclu que la juge de première instance croyait à tort qu’il fallait prouver que la victime était inconsciente au moment des faits pour établir l’incapacité. La Cour d’appel a rapidement conclu qu’il s’agissait de toute évidence d’une erreur de la part de la juge de première instance.

Le projet de loi C-51 permettrait de préciser les conclusions de la Cour d’appel de l’Alberta dans le Code criminel.

Le projet de loi stipule expressément qu’il n’y a pas de consentement de la part de la plaignante si celle-ci est incapable de le former, « pour tout autre motif » que l’inconscience.

L’objectif de ce libellé est que nos lois indiquent explicitement qu’une personne peut être incapable de consentir à un acte sexuel pour d’autres motifs que l’inconscience.

Le gouvernement est d’avis que le projet de loi C-51, sans les amendements proposés par le Sénat, fournit aux tribunaux des directives claires et sans équivoque par rapport au consentement, leur enjoignant de tenir compte non seulement de l’inconscience, mais de toute autre raison pour laquelle une personne pourrait ne pas être en mesure de consentir.

Après l’adoption du projet de loi C-51, un juge ne pourrait plus décider qu’une personne doit être inconsciente pour qu’on puisse conclure à son incapacité. Cela irait à l’encontre d’une disposition claire du Code criminel. Bien sûr, une telle erreur de droit violerait aussi la jurisprudence des tribunaux d’appel, point sur lequel je tiens à insister aujourd’hui.

Au cours de l’étude de cette mesure législative, certains intervenants ont déclaré que le fait d’indiquer qu’on ne peut pas accorder son consentement quand on est inconscient est inutile, étant donné que cela ne fait qu’énoncer une évidence. Toutefois, si le gouvernement a voulu codifier ce principe, c’est précisément pour ne laisser aucune place à l’ambiguïté et, conséquemment, prévenir les mauvaises applications de la justice et mieux comprendre la loi.

Je tiens aussi à souligner que les modifications apportées au projet de loi C-51 à l’autre endroit ont codifié un autre principe important de l’affaire R. c. J.A., soit que le consentement doit être concomitant à l’activité sexuelle.

Ces changements cruciaux reflètent des principes bien établis dans la jurisprudence canadienne ainsi que l’opinion d’intervenants importants.

Je sais que certains témoins souhaitent que le projet de loi C-51 aille plus loin et qu’il s’attaque à un problème complètement différent, à savoir la mise au point de critères qui permettraient de déterminer les cas où les personnes sont incapables de consentir à une relation sexuelle pour des raisons autres que l’inconscience. L’autre endroit a respectueusement rejeté les amendements du Sénat visant à répondre à ces préoccupations.

(1500)

Dans sa réponse expliquant la raison pour laquelle elle n’a pas été en mesure d’appuyer les amendements, la ministre a dit ceci :

[...] [les amendements] ont un objectif louable, certes, mais ils ne contribuent pas à aider les tribunaux à traiter les affaires dans lesquelles la question de l’incapacité entre en jeu.

Par exemple, les amendements du Sénat mettent l’accent sur les cas où une victime est consciente, mais en état d’ébriété.

Le gouvernement s’inquiète des répercussions que ces amendements auraient sur les autres affaires dans lesquelles la question de l’incapacité entre en jeu, notamment celles qui impliquent des personnes ayant des déficiences cognitives.

De plus, si les amendements se concentrent uniquement sur les éléments qui sont propres à la victime, ils pourraient conduire certains tribunaux à négliger des preuves circonstancielles pertinentes au moment de déterminer la capacité d’une personne à donner son consentement.

Par ailleurs, il est inquiétant de penser que les facteurs énumérés seraient les principaux indicateurs de l’incapacité d’une personne de consentir. Comment un policier ou un procureur parviendrait-il à décider s’il porte des accusations ou s’il intente des poursuites? Y a-t-il des facteurs qui s’appliqueraient à toutes les affaires où l’incapacité de consentir entre en ligne de compte? Voilà des questions pertinentes et difficiles qui, dans une certaine mesure, sont inévitables et ont leur raison d’être dans le contexte actuel. Il n’en demeure pas moins que si nous adoptons ces changements, nous devons bien saisir ce qu’ils supposent.

Le gouvernement est d’avis que les amendements proposés risqueraient d’embrouiller ce domaine difficile de la loi au lieu de le clarifier.

La ministre de la Justice craint aussi qu’adopter les amendements proposés par le Sénat ne soit pas prudent sans une analyse et un examen plus exhaustifs.

Je suis moi aussi préoccupé par le fait que, même si nous avons entendu quelques témoignages sur cette question, le gouvernement n’a pas entendu une vaste gamme d’intervenants du système de justice qui pourraient nous aider. C’est pourquoi j’ai été heureux d’entendre la ministre de la Justice s’engager, lors de son intervention à l’autre endroit, à étudier la question de la capacité d’une personne de donner son consentement alors qu’elle est consciente, de même qu’à mener des consultations à ce sujet.

J’ajouterais qu’une étude du Sénat sur cet enjeu pourrait aussi être instructive parce que je suis certain qu’aucun sénateur ne nierait que nous devons faire tout en notre pouvoir pour que les lois canadiennes sur les agressions sexuelles soient extrêmement claires et sans équivoque.

Honorables collègues, comme je l’ai dit au début de mon intervention, la question de la capacité de consentir a donné lieu à beaucoup de discussions et de débats dans les deux Chambres. Ce dialogue a été d’une grande utilité parce qu’il a généré un débat public et sensibilisé la population à cet enjeu.

Je tiens à saluer le leadership dont ont fait preuve mes honorables collègues — et je pense en particulier à la sénatrice Pate — qui ont amené le Sénat et l’autre endroit à avoir une importante conversation sur le droit en matière de consentement et d’agression sexuelle. Pendant trop longtemps, le Parlement et la société canadienne en général n’ont pas prêté suffisamment attention à cet enjeu en plus de ne pas prendre les mesures nécessaires. Je félicite et remercie les sénateurs qui ont souligné ce fait malheureux au cours des délibérations du Sénat.

Dans le cadre du projet de loi C-51, les Canadiens doivent savoir que rendre justice aux victimes d’agressions sexuelles et prévenir ce crime répréhensible se trouvent au centre des préoccupations du gouvernement et du Sénat. Les victimes d’agression sexuelle méritent d’obtenir justice au moyen des procédures judiciaires et de leurs résultats. C’est pourquoi, par exemple, le gouvernement a appuyé le projet de loi d’initiative parlementaire C-337, qui est en ce moment étudié par le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles. La mesure législative établirait une formation sur le droit relatif aux agressions sexuelles à l’intention des juges. C’est pour cette raison que le gouvernement a pris d’autres importantes mesures sur la question.

Comme l’a dit la ministre la semaine dernière :

Trouver une solution à la violence faite aux femmes est de la plus haute importance pour moi et pour l’ensemble du gouvernement. Nous avons la ferme intention de veiller à ce que le système de justice criminelle réponde aux besoins des victimes d’agression sexuelle.

À cette fin, le gouvernement a consacré des sommes importantes à la formation des juges sur le droit relatif aux agressions sexuelles pour qu’ils soient mieux informés. De plus, il a dégagé des millions de dollars pour un fonds d’aide aux victimes afin d’améliorer la réponse du système de justice criminelle face à la violence sexuelle. Ces ressources servent à financer un travail important, notamment des projets pilotes menés en Ontario, en Saskatchewan, en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador, qui consistent à offrir sans frais quatre heures de conseils juridiques indépendants aux victimes d’agression sexuelle.

L’objectif global de ces efforts, ainsi que des dispositions du projet de loi C-51, est de contribuer à opérer un changement de culture au sein du système de justice criminelle de sorte que les victimes d’agression sexuelle sentent qu’elles peuvent rompre le silence. Voilà pourquoi j’exhorte le Sénat à adopter la motion d’adoption du message de l’autre endroit, ainsi qu’à respecter le position juridique soigneusement pesée énoncée par la ministre de la Justice dans sa déclaration à l’autre endroit.

Le gouvernement entend les préoccupations des sénateurs au sujet de l’approche du système judiciaire à l’égard des poursuites pour agression sexuelle. La différence d’opinion entre les deux Chambres ne concerne pas les objectifs en matière de politique publique, sur lesquels le gouvernement et les sénateurs s’entendent. Elle concerne le libellé de la loi et la nécessité de se doter d’un processus complet pour formuler ce libellé.

Nous avons le devoir envers les Canadiens d’adopter des lois claires qui seront appliquées adéquatement.

Pour terminer, j’ajouterais que l’important travail accompli dans ce dossier par le Sénat ne prend pas fin en acceptant ce message. Comme je l’ai dit plus tôt, le projet de loi C-337, qu’étudie actuellement un comité, a été soumis au Sénat en mai dernier. Ce projet de loi d’initiative parlementaire présenté par l’ancienne chef de l’opposition à l’autre endroit, l’honorable Rona Ambrose, traite aussi de préoccupations soulevées lors de notre débat sur le projet de loi C-51. J’invite tous les sénateurs à s’efforcer de faire avancer ce projet de loi important et très opportun, le plus rapidement possible.

Honorables sénateurs, comme je l’ai dit au début de mon intervention, le projet de loi C-51 apportera dans son ensemble des changements importants, non seulement au droit régissant les agressions sexuelles, mais aussi à d’autres questions fondamentales, comme faire en sorte que les dispositions du Code criminel reflètent l’état actuel de la loi, et faire preuve de respect à l’égard de la Charte canadienne des droits et libertés lorsqu’une mesure législative est proposée.

Le projet de loi C-51 a été présenté par la ministre de la Justice en juin 2017. Au Sénat comme à l’autre endroit, il a bénéficié d’un examen approfondi. Dans sa forme originale, il a reçu l’appui sans équivoque de l’autre endroit. En fait, le vote d’hier soir sur les amendements du Sénat a été décisif et a abouti en un message pour refuser respectueusement les amendements.

J’encouragerais les honorables sénateurs à faire avancer ce projet de loi essentiel, puisqu’il représente une occasion de poursuivre l’important travail que nous avons déjà accompli à l’égard du projet de loi C-51.

Maintenant, quant à la motion dont nous sommes saisis, je crois qu’il est temps d’aller de l’avant avec le projet de loi afin que ces mesures importantes entrent en vigueur.

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : Le représentant du gouvernement au Sénat accepterait-il de répondre à une question?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Absolument.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Sénateur Harder, je veux m’assurer de bien comprendre la partie de votre intervention concernant le projet de loi C-51 qui porte sur les agressions sexuelles. La ministre s’est-elle engagée devant la Chambre des communes à mener une étude sur la question de l’incapacité à consentir, y compris l’incapacité à consentir en dehors du contexte de l’inconscience?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Comme je l’ai indiqué, la ministre s’est engagée devant l’autre endroit à mener d’autres consultations auprès d’un large éventail d’intervenants, en vue de réfléchir à une façon d’adapter la loi pour que des causes autres que l’inconscience puissent y figurer sans qu’on y trouve une courte liste qui pourrait compliquer les choses pour les juges qui prononcent les peines.

L’honorable Kim Pate : Merci, sénateur Harder.

Honorables sénateurs, puisqu’il s’agit peut-être de ma dernière intervention cette année dans cette enceinte, je veux en profiter pour remercier chacun d’entre vous du travail que vous accomplissez pour les Canadiens. Je suis reconnaissante de la confiance qu’on nous accorde en nous demandant d’agir à titre de Chambre de second examen objectif, indépendante et démocratique.

À l’approche du congé des Fêtes, je souhaite à vous tous, à votre personnel, au personnel de l’administration du Sénat et à leurs proches un merveilleux temps des Fêtes ainsi que de la santé, de la joie et de l’espoir pour la nouvelle année.

Honorables collègues, au nom de tous les Canadiens, je veux exprimer ma déception face au message de l’autre endroit au sujet du projet de loi C-51. Dans le message, on nous demande de ne pas insister sur les amendements que nous avons proposés au projet de loi afin d’apporter des précisions sur la capacité à consentir à une activité sexuelle. Comme la ministre Wilson-Raybould l’a affirmé durant un débat à l’autre endroit, les agressions sexuelles demeurent un obstacle de taille à l’égalité des femmes au pays.

(1510)

Quand nous avons voté sur les amendements du Sénat à l’étape de la troisième lecture, j’ai été honorée et touchée de faire front avec vous tous dans ce lieu de pouvoir et de privilège pour appuyer les femmes et les filles marginalisées, plus particulièrement celles qui sont pauvres, handicapées, non conformes dans le genre ou racialisées — surtout les Autochtones —, qui continuent d’être surreprésentées parmi les victimes et les survivants d’agressions sexuelles.

Les amendements du Sénat visent à aider à mieux cerner la capacité de consentir, et pas seulement pour la police, les juges et les avocats. Les lois sont également un moyen efficace de faire connaître aux Canadiens les comportements qui sont ou non acceptables et légaux. Nous savions que ces modifications trouveraient écho au-delà du milieu juridique, dans les foyers, les écoles, les activités sociales et publiques et les milieux de travail. Nous espérions qu’elles favoriseraient également la sensibilisation, surtout parmi les jeunes Canadiens, sur les stéréotypes et les idées fausses nuisibles qui engendrent des agressions sexuelles et qui empêchent beaucoup de victimes de se manifester.

C’est un espoir que partagent de nombreuses femmes et de nombreux jeunes qui ont communiqué avec nous au cours du dernier mois, rempli d’incertitude, où ces amendements essentiels ont traîné à l’autre endroit. Les débats qui ont eu lieu au cours de la dernière semaine à l’autre endroit ont clairement fait comprendre que les amendements seraient rejetés. Toutes les personnes qui nous ont contactés, sans exception, ont confirmé la nécessité de ces amendements.

Je sais gré à l’autre endroit d’avoir pris le temps d’examiner et de débattre le bien-fondé de ces amendements avant de voter sur le message du Sénat. Alors que le Sénat s’apprête à s’incliner devant la décision prise par l’autre endroit, j’ai de graves inquiétudes au sujet non seulement des conséquences de cette décision, mais aussi du fait que les motifs justifiant celle-ci n’ont pas encore été précisés.

Premièrement, contrairement à certaines préoccupations soulevées à l’autre endroit, il ne s’agissait pas de changements de dernière minute. Les raisons justifiant ces amendements ont d’abord été expliquées dans une lettre du 8 juin 2017 destinée à la ministre de la Justice et signée par de nombreux professeurs et experts en matière de droit relatif aux agressions sexuelles. Des témoins ont souligné à maintes reprises le caractère urgent de ces modifications lorsqu’ils ont comparu devant le comité de la Chambre chargé d’étudier le projet de loi à l’automne 2017. Ces motifs ont été soulignés de nouveau au Sénat, ainsi que dans une lettre que des universitaires et d’autres experts ont adressée à la ministre de la Justice en novembre 2018, à la suite de l’adoption des amendements au Sénat.

Le message de l’autre endroit affirme que les amendements proposés par le Sénat « sont incompatibles avec l’objectif du projet de loi de codifier la jurisprudence de la Cour suprême du Canada sur un aspect précis du droit relatif aux agressions sexuelles ». Pourtant, dès le départ, les experts du droit relatif aux agressions sexuelles ont très clairement mis en garde le ministère : en donnant uniquement l’inconscience comme exemple de ce que signifie être inapte à donner son consentement, le libellé du projet de loi C-51 ne codifie pas adéquatement la décision de la Cour suprême dans l’affaire R. c. J.A..

Les experts du droit relatif aux agressions sexuelles ont clairement affirmé au comité du Sénat et à celui de l’autre endroit, en plus de le faire dans des lettres ouvertes, que de parler uniquement d’inconscience ne protégera pas les femmes qui ne sont pas en mesure de donner leur consentement, mais qui sont toujours conscientes, que ce soit parce qu’elles ont été réveillées, parce qu’elles sont fortement intoxiquées après avoir consommé, volontairement ou non, de la drogue ou de l’alcool ou parce qu’elles souffrent de troubles cognitifs. La décision R. c. J.A. ne nous enjoint pas de nous concentrer indûment sur l’inconscience au détriment d’autres situations où la personne est inapte à donner son consentement. Ce n’est pas ce qui est prévu.

Cet exemple alimente le préjugé néfaste et encore beaucoup trop présent voulant que, si une femme n’est pas dans son état normal mais qu’elle est toujours consciente, il se peut qu’elle ait été « consentante ». Bref, en mettant l’accent sur l’inconscience, on risque de conforter dans leurs convictions ceux qui, comme certains juges du pays, ont tendance à confondre incapacité à consentir et inconscience et qui n’ont jamais rien fait pour protéger l’autonomie sexuelle des femmes incapables de donner leur consentement parce qu’elles sont endormies, qu’elles souffrent de problèmes mentaux ou qu’elles sont intoxiquées.

La ministre a aussi dit que les amendements du Sénat :

[...] sont centrés sur des problèmes qui apparaissent dans le cas où le plaignant est conscient, mais intoxiqué. Le gouvernement s’inquiète donc de l’incidence potentielle des amendements sur la loi applicable à l’incapacité à consentir dans d’autres genres d’affaires [...] dans le cas de personnes souffrant de déficiences cognitives permanentes, par exemple.

Deux éminentes spécialistes canadiennes des agressions sexuelles et de la déficience intellectuelle, Elizabeth Sheehy et Janine Benedet, ont abordé cette question devant le comité de l’autre endroit. Selon elles, les facteurs comme ceux sur lesquels reposent les amendements du Sénat protègent mieux les personnes souffrant de déficience cognitive. Elles ont ajouté que, comme de nombreux autres spécialistes, elles estiment qu’en s’en tenant uniquement à l’inconscience, on rend les plaignantes invisibles et on ne précise en rien les dispositions de la loi qui portent sur la capacité à consentir des personnes qui sont le plus souvent victimes d’agression ou d’exploitation sexuelles.

Malgré leurs tentatives pour discuter de leurs préoccupations avec le ministère de la Justice, qui remontent à juin 2017, les juristes spécialisés dans le droit concernant les agressions sexuelles signalent qu’ils n’ont pas été consultés.

Une autre préoccupation qui ressort des débats à l’autre endroit concerne l’idée que le Parlement devrait se contenter de codifier dans la loi d’importantes décisions de la Cour suprême du Canada. Le message de l’autre endroit dit bien : « cherchent plutôt à légiférer sur une question juridique différente et beaucoup plus complexe, en l’absence d’orientations cohérentes de la part des tribunaux d’appel ou de différents points de vue des intervenants ».

Comme il a été reconnu dans la décision R. c. J.A., dans le domaine du droit en matière d’agressions sexuelles, le Parlement a toujours pris les devants, plutôt que de se conformer. Si le Parlement s’était contenté de légiférer à la suite de décisions de cours d’appel, nous n’aurions pas les dispositions actuelles sur le consentement. Ces dispositions ne découlent pas de la common law, mais de mémoires de regroupements de femmes et de spécialistes du droit en matière d’agressions sexuelles qui ont demandé au Parlement d’adopter des dispositions sur le consentement qui protègent l’autonomie sexuelle des femmes et les droits à l’égalité.

C’est précisément en raison de l’absence de lignes directrices claires de la part de la cour d’appel que les amendements proposés par le Sénat s’imposent. Il s’agit de trois facteurs, un ensemble non exhaustif, à prendre en compte dans l’évaluation de la capacité de consentir. Ils ont pour but d’aider les juges à appliquer une jurisprudence complexe et parfois contradictoire afin d’examiner le plus complètement possible toutes les circonstances pertinentes. À tout le moins, on peut difficilement conclure qu’ils ne permettraient pas une évaluation plus détaillée et judicieuse du consentement que le libellé actuel du projet de loi C-51.

Bien que certains tribunaux, comme la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse dans l’affaire R. c. Al-Rawi, aient rejeté un des facteurs prévus dans les amendements du Sénat, à savoir l’incapacité de manifester son accord, dans leurs critères d’évaluation de l’incapacité, dans cette cause, le tribunal a néanmoins déclaré :

Cela ne veut pas dire que la preuve qui semble démontrer que la victime était incapable d’exprimer son consentement n’est pas pertinente, loin de là. L’incapacité ou les obstacles flagrants à la communication pourraient bien constituer une preuve circonstancielle convaincante de l’absence de capacité de consentir.

Il faut également noter que, lorsque la cour d’appel a énoncé les critères pour établir l’incapacité, les deux seules considérations énoncées comptent parmi les facteurs à prendre en compte figurant dans les amendements proposés par le Sénat, soit la compréhension de la nature de l’acte sexuel en question et le fait de savoir que l’on peut accepter ou refuser d’y participer. Ainsi, compte tenu de l’importance que les cours d’appel ont accordée à ces facteurs particuliers, les arguments du gouvernement ne tiennent pas la route, notamment lorsqu’il dit craindre que le tribunal ne se concentre indûment sur certaines circonstances propres à la partie plaignante et fasse abstraction d’éléments de preuve circonstanciels pertinents.

Qui plus est, le consentement en soi est évalué subjectivement, et la capacité de consentir est inhérente à la capacité subjective de la partie plaignante. En fait, tous les facteurs figurant sur la liste non exhaustive des amendements du Sénat, peuvent être évalués, subjectivement, par le témoignage de la partie plaignante et, objectivement, par les éléments de preuve fournis par d’autres témoins, notamment des preuves circonstancielles. Les amendements proposés par le Sénat ne se concentrent pas indûment sur les circonstances propres à la partie plaignante, et il n’y a aucune raison de présumer qu’ils dissuaderaient le tribunal d’examiner des éléments de preuve circonstanciels pour évaluer l’état de la partie plaignante au moment des événements.

Tout au long du débat sur les amendements du Sénat, d’aucuns se sont demandés s’il fallait plus de précisions, au motif que les juges connaissent la loi et feront toutes les vérifications nécessaires pour s’assurer de bien juger de la capacité de la personne. Ironiquement, le 30 octobre, le jour même où le Sénat adoptait les amendements, la Cour d’appel de l’Alberta entendait une affaire d’agression sexuelle dans laquelle une juge de première instance avait assimilé l’incapacité à l’inconscience. Vous avez bien entendu, chers collègues, il s’agit de la même erreur qui inquiète beaucoup d’entre nous et qui continue de teinter les décisions des tribunaux.

Dans l’affaire R. c. RWS, la Cour d’appel a rendu le verdict suivant :

Les raisons données par la juge de première instance ne sont pas détaillées, mais, à partir des questions qu’elle a posées à l’avocat au cours des plaidoiries, on en déduit qu’elle a acquitté l’accusé parce qu’elle n’a pas jugé que l’« inconscience » était la seule conclusion raisonnable découlant de la preuve. Nous déduisons de ce verdict que la juge de première instance avait estimé que rien de moins que l’inconscience était suffisant pour établir l’incapacité au sens de la loi. Il s’agit d’une erreur de droit.

(1520)

Si cette mauvaise interprétation de la loi a été rejetée en cour d’appel, nous savons que la majorité des décisions ne sont pas portées en appel. En outre, la majorité des agressions sexuelles ne sont pas rapportées à la police et ne sont jamais traitées par les tribunaux. Ce faible taux de signalement est en grande partie causé par des stéréotypes nuisibles que le projet de loi C-51 risque d’encourager.

Honorables sénateurs, je suis désespérée de penser à tous les Canadiens qui ont communiqué avec nous et nos collègues de l’autre endroit pour demander qu’on envoie un message clair concernant l’incapacité de donner son consentement. Les centres d’aide aux victimes de viol, les maisons de transition, les étudiants et étudiantes à l’école secondaire ou à l’université, veulent tous savoir pourquoi nous n’avons pas adopté ces amendements. Je suis incapable de le justifier — pourquoi le gouvernement tient à ne codifier qu’une vision aussi étroite, malgré les préoccupations quant au fait que la méthode qu’il a choisie ne reflète pas la loi; quelles sont les conséquences des amendements proposés par le Sénat que craint le gouvernement; pourquoi ne faut-il pas d’autres consultations avant l’entrée en vigueur de la référence à l’inconscience, alors que les experts se disent très inquiets face à ce libellé.

Je sais gré à la ministre de s’être engagée à consulter les parties intéressées. J’espère que nous obtiendrons de plus amples renseignements sur la consultation et que les experts dont le témoignage a été des plus utiles au comité sénatorial et les organismes communautaires qui nous ont dit appuyer ces amendements pourront participer pleinement à la consultation. Certains de ces intervenants ont été contactés individuellement hier. Honorables collègues, j’espère que nous jouerons un rôle dans ce processus de consultation, étant donné que, comme la ministre, nous sommes conscients de l’importance de faire front commun contre la violence faite aux femmes et de favoriser la création d’une société plus juste et plus égale pour les filles et les femmes.

Nous savons que nous pouvons et devons faire mieux. Nous devons maintenant unir nos efforts et faire en sorte, de concert avec le gouvernement, d’y arriver.

Merci, meegwetch.

L’honorable Nancy J. Hartling : Sénatrice Pate, acceptez-vous de répondre à une question? Je vous remercie de votre excellent travail dans ce dossier. Je suis d’accord avec vous. C’est une situation très difficile. Comme on le sait, cette situation touche des milliers de femmes au pays.

J’ai été heureuse d’apprendre qu’il y aura des consultations. Je vous saurais gré de me dire si ces consultations pourraient changer quoi que ce soit à la situation. Quel rôle le Sénat pourrait-il jouer afin que cet enjeu ne sombre pas dans l’oubli? Il s’agit d’une question très sérieuse.

La sénatrice Pate : Merci. Je ne sais pas exactement ce que le gouvernement a prévu sur le plan des consultations. Comme je l’ai dit dans mes commentaires, j’ai appris hier que certaines des personnes qui avaient écrit au ministère de la Justice avaient été individuellement contactées par téléphone. J’espère qu’il y aura une consultation approfondie.

Comme certains d’entre vous le savent, j’allais proposer de renvoyer cela au Comité sénatorial des affaires juridiques, si ce message était arrivé plus tôt, afin qu’y soient étudiées les conséquences imprévues et l’information à laquelle il est fait allusion. On ne pourrait pas faire cela sans retarder indûment les travaux de cette enceinte; c’est pourquoi j’ai choisi de vous dire tout cela.

J’espère que nous participerons à une véritable consultation très bientôt. Certains ont été prévenus que cette consultation commencerait, en principe, dès le mois de janvier. J’espère que nous serons tous invités à y participer.

L’honorable Ratna Omidvar : L’honorable sénatrice accepterait-elle de répondre à une autre question?

La sénatrice Pate : Oui.

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénatrice Omidvar, mais le temps de parole de la sénatrice Pate est écoulé.

Demandez-vous cinq minutes de plus, sénatrice Pate?

La sénatrice Pate : Oui, merci.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Omidvar : Sénatrice Pate, je vous félicite moi aussi de votre travail et de votre engagement indéfectible dans ce dossier. Je ne connais pas le projet de loi aussi bien que vous. Pouvez-vous nous dire si le projet de loi comprend une disposition prévoyant qu’un examen ait lieu au bout d’un certain temps?

La sénatrice Pate : À ma connaissance, n’importe quel comité, y compris celui des affaires juridiques et constitutionnelles, pourrait choisir de faire un examen de la loi à un moment donné. Nous pourrions en faire une recommandation si vous le voulez.

La sénatrice Omidvar : Je cherchais à savoir si une disposition d’examen figure dans le projet de loi.

La sénatrice Pate : Non, il n’y en a pas.

Hon. Colin Deacon : Honorables collègues, j’avais espéré ne plus devoir intervenir à propos de l’amendement que la sénatrice Pate avait proposé au projet de loi C-51.

Tout comme elle et beaucoup d’entre nous, j’étais fier du travail accompli au Sénat à cet égard, en particulier de l’étude menée par le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles ainsi que de notre examen réfléchi des amendements de la sénatrice Pate. Je me félicite également des commentaires faits un peu plus tôt par le sénateur Harder à cet égard.

Certes, je suis déçu que l’autre endroit n’ait pas accepté ces amendements, mais j’apprécie le débat approfondi que la Chambre a tenu la semaine dernière. Comme je l’ai mentionné dans mon discours précédent sur le sujet, je crois fermement que notre société doit approfondir le débat sur la question du consentement. D’autres exemples prouvent que le fait d’attirer l’attention sur ce genre de question peut, en fait, aboutir à des changements.

Le mois dernier, Statistique Canada a fait état d’une augmentation considérable du nombre d’agressions sexuelles rapportées à la police au Canada.

Les données fournies par les services de police du Canada révèlent une augmentation marquée du nombre de victimes d’agression sexuelle fondée au cours d’octobre 2017, le mois où le mouvement #MoiAussi est devenu viral, le nombre de victimes d’agression sexuelle déclarée par la police s’étant établi à près de 2 500. Le nombre d’agressions sexuelles déclarées par la police en octobre et en novembre 2017 était plus élevé que celui observé pendant tout autre mois civil depuis que des données comparables sont devenues disponibles en 2009.

On a pris soin d’indiquer dans le rapport que l’on ne présume pas que les chiffres indiquent une augmentation du nombre d’incidents : ils indiqueraient plutôt une augmentation du nombre de signalements.

Cette hausse marquée du nombre d’agressions sexuelles déclarées par la police à la suite du mouvement #MoiAussi ne reflète pas nécessairement une augmentation de la prévalence des agressions sexuelles au Canada. Au contraire, la hausse est probablement attribuable à une combinaison de facteurs, y compris le fait que les victimes étaient davantage disposées à signaler un incident à la police à la suite de l’émergence du mouvement. Parmi les autres facteurs figurent la sensibilisation accrue des Canadiens à ce qui constitue une agression sexuelle et les messages publics des services de police visant à encourager les victimes à signaler les incidents.

C’est encourageant. Je soulève ce point parce qu’il montre qu’une discussion autour d’un problème peut contribuer à améliorer les choses. J’espérais que les amendements de la sénatrice Pate permettraient d’entamer une telle discussion.

Honorables sénateurs, vous m’avez entendu citer des statistiques dans mon discours. Je dois dire que je ne suis pas arrivé à me les sortir de la tête. Chaque jour, il y a plus de 150 cas d’agressions sexuelles autodéclarées où la victime n’était pas en mesure de consentir parce qu’elle était droguée, intoxiquée ou manipulée d’une autre façon que par la menace ou la force physique.

C’est inadmissible : une moyenne de plus de 150 personnes par jour au Canada. J’ai parlé de ce problème avec de nombreuses personnes à l’extérieur de cette enceinte. J’ai été particulièrement étonné par la réaction des milléniaux. Ils semblaient littéralement estomaqués d’apprendre que l’on n’avait pas encore inscrit dans la loi des explications claires au sujet du consentement.

Le Canada est aux prises avec un réel problème en ce qui concerne le consentement. Beaucoup trop de femmes — puisqu’il s’agit surtout de femmes — sont victimes d’agressions sexuelles. Beaucoup trop peu de victimes signalent ces agressions — seulement 1 personne sur 20 le fait —, parce qu’un manque de confiance envers le système judiciaire en retient plusieurs. Nous avons besoin d’une stratégie globale qui permettra de réduire considérablement le nombre d’agressions sexuelles et d’augmenter le pourcentage d’agressions qui sont signalées et portées devant les tribunaux. J’avais espéré que les amendements de la sénatrice Pate marqueraient un premier pas dans cette direction.

J’ai été ravi d’entendre certaines des observations de la ministre de la Justice au sujet du consentement, et de constater qu’elle était généralement d’accord avec le travail accompli par le Sénat. Elle a notamment dit ceci :

Je tiens à être bien claire. Je conviens qu’il pourrait être utile d’établir des critères pour aider les tribunaux à déterminer les cas où une plaignante est incapable de donner son consentement lorsqu’elle est consciente. Les amendements proposés soulèvent certains aspects cruciaux du consentement. Je conviens également que l’intoxication, qui s’approche de la perte de conscience, représente une question complexe pour les décisions rendues dans les affaires d’agressions sexuelles.

C’est là une déclaration importante, chers collègues. Je me réjouis que la ministre de la Justice ait tenu ces propos à la Chambre des communes.

Elle a aussi dit espérer que le projet de loi « sera adopté rapidement ». Le sénateur Harder nous a informés, depuis, que le Sénat devrait donner suite à ce message de la Chambre des communes dans les plus brefs délais.

Je dois dire que, même si j’apprends encore à m’orienter en cet endroit, les différents points de vue relatifs au délai me laissent quelque peu perplexe. La sénatrice Pate a présenté ses amendements le 16 octobre. Après un débat complet, le Sénat a adopté ces amendements le 30 octobre, soit deux semaines plus tard. Cela fait à peine cinq semaines. Maintenant, le Sénat doit étudier et accepter sur-le-champ le message de l’autre endroit, sans quoi nous risquons de retarder l’adoption d’un projet de loi du gouvernement. Je n’ai pas l’intention de faire de l’obstruction ou de contribuer à quelque manœuvre dilatoire perçue, mais j’ai certainement l’impression que le Sénat a fait son travail rapidement.

Dans son discours, la ministre de la Justice a également indiqué que l’adoption des amendements sans étude détaillée supplémentaire comporte un risque de conséquences imprévues. Je ne suis toujours pas certain de souscrire à cette analyse. Ce n’est en tout cas pas l’avis des juristes que j’ai consultés. Quoi qu’il en soit, je crois que l’excellent Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles aurait très bien pu s’acquitter de cette tâche si nous avions reçu un message plus tôt.

(1530)

L’idéal, comme l’a souligné la sénatrice Pate, aurait évidemment été que les principaux intéressés puissent être entendus avant que la ministre de la Justice ne fasse connaître les dispositions du projet de loi C-51 portant sur le consentement.

Je terminerai en rappelant aux sénateurs que les gens écoutent ce que nous disons et regardent ce que nous faisons. Je n’étais pas encore ici quand l’honorable George Baker a atteint l’âge de la retraite obligatoire, mais j’ai entendu dire que, même si c’est difficile à croire, il prenait plaisir à lire les décisions rendues par les tribunaux du pays et qu’il informait régulièrement le Sénat du fruit de ses lectures. Il insistait souvent sur la fréquence à laquelle le Sénat et ses comités étaient cités dans ces décisions, c’est-à-dire beaucoup plus souvent que la Chambre des communes. Il a déjà calculé que le Sénat figure trois fois plus souvent dans la jurisprudence que les Communes, et il n’incluait pas seulement les tribunaux en bonne et due forme là-dedans, mais aussi les organismes quasi judiciaires.

Nous faisons un travail important, chers collègues, et même si je suis déçu du sort qui a été réservé aux amendements que nous avions proposés au projet de loi C-51, je demeure immensément fier de nos débats sur ce sujet d’importance.

Par ailleurs, la ministre de la Justice m’a tout de même quelque peu rassuré en disant ceci :

[...] je me suis engagée à étudier la question de l’incapacité, dans l’intention de trouver un juste équilibre. Je suis reconnaissante envers les témoins qui ont comparu devant le comité sénatorial d’avoir suggéré un examen plus approfondi de cette question. Je suis impatiente de les consulter davantage dans le cadre de cette étude à venir.

C’est un engagement important. Je vais surveiller le dossier de près pour vérifier si ce travail permet de réaliser de véritables progrès, et je suis sûr que je ne serai pas le seul à le faire.

Plus tôt cet après-midi, j’ai parlé avec Glen Canning, le père de Rehtaeh Parsons. Il est régulièrement invité à parler aux forces de police et aux écoliers partout au pays. Selon lui, il est alarmant de constater que nombre de garçons et de filles du secondaire ne sont tout simplement pas informés au sujet des questions fondamentales qui touchent le consentement sexuel et l’agression sexuelle. On peut donc s’attendre à des graves conséquences. Je conviens, comme lui, que les discussions proposées par la ministre de la Justice doivent inclure non seulement la magistrature, mais aussi les éducateurs, car je crois que nos systèmes d’éducation peuvent et doivent jouer un rôle important pour enseigner aux élèves à prendre de meilleures décisions en ce qui concerne le consentement sexuel, une étape importante si on veut réduire considérablement le nombre d’agressions sexuelles. Par ailleurs, le système de justice doit redoubler d’efforts pour amener un plus grand nombre de personnes à dénoncer les abus et gagner la confiance de la population. Dans les deux cas, il faudra que le Code criminel fournisse les balises appropriées. Nous devons faire les choses comme il faut.

Honorables sénateurs, selon moi, se contenter d’attendre que les cours d’appel corrigent des erreurs flagrantes ne contribue guère à accroître la confiance de la population, bien au contraire.

Ceux d’entre vous qui ont participé à des réunions de comité avec moi savent que je mets l’accent sur les points de référence et les résultats concrets. Je suis heureux d’apprendre que la ministre de la Justice a maintenant l’intention de consulter les personnes qui abordent les questions liées aux agressions sexuelles au quotidien. Je l’encourage à ne pas se limiter à l’appareil judiciaire et à nouer le dialogue aussi avec les milieux de l’éducation. J’espère que cette démarche sera menée rapidement.

Nous avons tous entendu les histoires. Nous avons pris connaissance des faits. Nous connaissons les conséquences dévastatrices. À présent, il nous faut voir des mesures concrètes.

Merci, chers collègues.

L’honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, comme les sénateurs qui sont intervenus avant moi, je prends la parole pour dire quelques mots à propos de cette motion.

Je remercie la sénatrice Pate et le sénateur Deacon. Vous avez prononcé des discours très éloquents sur cette importante question.

J’ai été tout aussi déçue de la réponse du gouvernement. Aujourd’hui, il me semble que le gouvernement a renoncé à sa responsabilité législative. Je le dis pour deux raisons. Premièrement, il met l’accent sur un projet de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi S-337, en disant que nous devons prendre des mesures à son égard, au lieu d’en prendre à l’égard de son propre projet de loi, le projet de loi C-51. Le gouvernement devrait être proactif. Il ne devrait pas se fier à un projet de loi d’initiative parlementaire. À mon avis, cela revient à renoncer à sa responsabilité.

Deuxièmement, chercher des orientations auprès des cours d’appel revient à renoncer à sa responsabilité. Les cours d’appel ne sont pas des organes auxquels on a confié une responsabilité législative.

Honorables sénateurs, je ne peux m’empêcher de penser à l’époque où nous étions saisis du projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur les Indiens, dont les modifications devaient éliminer la discrimination fondée sur le sexe. Dans ce cas, le gouvernement avait adopté une approche semblable, où c’était une décision de la cour qui l’a incité à corriger la Loi sur les Indiens avant décembre 2016. Qu’a-t-il fait? Il a pris des mesures étroites qui n’ont pas éliminé tous les problèmes, mais seulement quelques-uns.

C’est à peu près la même chose dans le cas du projet de loi C-51. Le gouvernement a pris des mesures très restreintes. Il n’a pas fait tout le travail nécessaire. Par conséquent, les gens sont évidemment déçus. Ils souhaitaient que cette lacune soit comblée. Les observations du sénateur Deacon à propos des jeunes qui ne connaissent pas la signification du consentement sont importantes non seulement pour les garçons et pour les filles, mais pour tous. Ils doivent connaître quelles sont les conséquences juridiques.

Pour le projet de loi S-3, le gouvernement a adopté une approche étroite, comme dans le cas présent. Nous en avons été saisis. Il ne nous a pas plu. Nous l’avons renvoyé. Le gouvernement a dû obtenir une prolongation. Nous n’étions toujours pas satisfaits. Il a dû demander une autre prolongation. Pendant les délibérations de la cour pour déterminer si elle devait accorder les prolongations demandées, les décisions rendues ont notamment souligné que lorsque le législateur choisit d’omettre de considérer les implications plus larges des décisions judiciaires en restreignant la portée de celles-ci à leur strict minimum, une certaine abdication du pouvoir législatif aux mains du pouvoir judiciaire est susceptible de prendre place. J’estime que c’est exactement ce qui se passe ici. La situation est similaire : le gouvernement n’a pas assumé son pouvoir législatif. Il laisse les tribunaux trancher la question.

Dans ce jugement, la juge Chantal Masse a aussi dit ceci:

Les détenteurs du pouvoir législatif se contenteraient alors d’attendre que les tribunaux se prononcent au cas par cas avant d’agir et que leurs décisions forcent progressivement la modification des lois afin que celles-ci soient, finalement, conformes à la Constitution.

Du point de vue des citoyens canadiens, qui sont tous des justiciables potentiels, le manquement à cette obligation du législateur et l’abdication de pouvoir qui pourrait en résulter ne sont évidemment pas souhaitables.

Je dirais que ces mots ne s’appliquent pas uniquement au projet de loi S-3, mais aussi à ce qui se passe avec le projet de loi C-51. Le gouvernement a cédé ses pouvoirs aux tribunaux, et je ne pense pas que ce soit la bonne façon de procéder.

On peut lire ceci dans une autre décision:

Les tribunaux ne sont pas les seuls à porter la responsabilité d’innover, ou ne devraient pas l’être, lorsqu’il s’agit de protéger des droits fondamentaux et la règle de droit, et ce, bien qu’ils assument le rôle central de gardiens de la Constitution canadienne.

Ainsi, le gouvernement a adopté ce point de vue étroit. Comme la sénatrice Pate l’a signalé, des experts et des gens touchés communiquent avec nous pour nous dire qu’il faut faire changer les choses. Pourtant, le changement se fait toujours attendre. Le sénateur Colin Deacon connaît fort bien ces statistiques. Nous avons laissé tomber des milliers de femmes vulnérables à la violence. Nous avons également laissé tomber les jeunes parce qu’il nous incombe de les informer de la loi. Qu’est-ce que le consentement? Les jeunes doivent le savoir. La situation est extrêmement décevante. Quand allons-nous finalement prendre la position voulue?

Je vais voter contre l’acceptation du message de la Chambre des communes. Merci.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que ceux qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent. Avec dissidence, ou est-ce que je vois deux sénateurs se lever?

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Plett : Quinze minutes.

Le sénateur Mitchell : Quinze minutes.

Son Honneur le Président : Quinze minutes. Le vote aura lieu à 15 h 55.

Convoquez les sénateurs.

(1550)

La motion, mise aux voix, est adoptée :

POUR
Les honorables sénateurs

Batters McInnis
Bellemare McIntyre
Beyak Mitchell
Bovey Mockler
Brazeau Moncion
Busson Neufeld
Campbell Oh
Cordy Omidvar
Cormier Patterson
Dagenais Petitclerc
Dalphond Plett
Dawson Poirier
Deacon (Nouvelle-Écosse) Pratte
Dean Ravalia
Doyle Richards
Dupuis Saint-Germain
Gold Sinclair
Greene Smith
Harder Tannas
Hartling Tkachuk
Klyne Wallin
MacDonald Wells
Maltais Wetston
Martin Woo—49
Marwah

CONTRE
Les honorables sénateurs

Downe Marshall
Dyck Massicotte
Forest McCallum
Forest-Niesing McCoy
Griffin Mercer
Joyal Munson
LaBoucane-Benson Ngo
Lovelace Nicholas White—17
Manning

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Andreychuk Frum
Bernard Gagné
Black (Ontario) Galvez
Boehm Housakos
Boisvenu Lankin
Boyer McPhedran
Carignan Mégie
Christmas Miville-Dechêne
Coyle Pate
Dasko Seidman
Deacon (Ontario) Simons
Eaton Stewart Olsen
Francis Verner—26

(1600)

Projet de loi sur le moratoire relatif aux pétroliers

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Jaffer, appuyée par l’honorable sénatrice Cordy, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Je prends la parole aujourd’hui pour parler du projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique. Ce projet de loi, comme vous le savez, cherche à protéger la diversité écologique du Nord de la Colombie-Britannique en interdisant la circulation de pétroliers capables de transporter 12 500 tonnes ou plus — ou encore 90 000 barils — de pétrole brut ou d’hydrocarbures persistants.

En tant que porte-parole au sujet du projet de loi, j’ai rencontré des intervenants et écouté attentivement les arguments qui ont été avancés jusqu’à présent par mes honorables collègues au Sénat. J’ai gardé l’esprit ouvert. Contrairement à ce que certains peuvent croire, même si je suis membre de la loyale opposition de Sa Majesté, je ne suis pas anti-environnement. En fait, c’est tout le contraire. En tant que sénateur du Nunavut, je sais qu’il est nécessaire de protéger notre écosystème diversifié et vierge sur lequel comptent les peuples autochtones pour assurer leur subsistance et la pêche commerciale. Toutefois, l’approche que nous devons adopter dans le Nord doit établir un équilibre entre les besoins traditionnels des gens et les possibilités économiques qu’offrent les terres et les ressources.

En plus de soutenir une approche équilibrée en matière de développement économique et de protection environnementale, j’appuie l’élaboration de politiques solides fondées sur la science et les données probantes. Les craintes que j’ai au sujet de ce projet de loi ont été soulevées dans les discours d’autres sénateurs qui ne sont pas conservateurs.

Le sénateur Pratte, par exemple, a demandé ceci :

[...] est-ce qu’un moratoire relatif aux pétroliers est la meilleure façon d’assurer cette protection? Cette mesure reflète-t-elle l’équilibre entre la protection de l’environnement et le développement économique tant recherché par le gouvernement actuel?

Plus tard, la sénatrice McCoy a souligné que le Canada a le devoir constitutionnel d’assurer à tous les Canadiens un accès égal aux débouchés économiques susceptibles de réduire les disparités entre les groupes. Elle a parlé du Canada comme d’un « exemple à suivre pour les sociétés pluralistes qui souhaitent répondre aux aspirations des divers intérêts qui existent dans la société ».

Chers collègues, il ne s’agit pas d’un enjeu partisan. C’est plutôt une question de bonne gouvernance. J’ai toujours cru que les politiques doivent être justes, cohérentes, équilibrées et fondées sur l’avis des experts entendus durant les réunions des comités et les séances de consultation avec les intervenants.

Au cours des deux dernières semaines, j’ai entendu des avis contradictoires de la part de dirigeants autochtones. La semaine dernière, des représentants des Premières Nations de la côte ont livré un témoignage convaincant. Le sénateur Harder a rapporté leurs préoccupations de manière éloquente. Je les ai moi-même rencontrés et, grâce au sénateur Neufeld, j’ai aussi rencontré les dirigeants de la nation Nisga’a et d’autres nations de la côte, la semaine dernière.

Les arguments des Nisga’as étaient très convaincants. Les principaux représentants du premier traité moderne signé par le Canada en 2000 avaient ceci à dire : le traité comprend des clauses détaillées concernant les évaluations environnementales pour l’ensemble de la vallée de la Nass. Les Nisga’as n’appuieront jamais un projet qui nuit à leur bien. Leur opinion doit compter. Le gouvernement est allé de l’avant sans tenir compte des intérêts des Nisga’as. Le traité moderne ouvrait la porte à l’exploitation de nos ressources naturelles, nous ont-ils dit, mais le projet de loi C-48 a été présenté sans qu’il n’y ait de véritable discussion, malgré les demandes pour que le projet de loi ne couvre pas le territoire visé par le traité nisga’a.

Une directive du Cabinet de 2015 établissant le processus d’engagement fédéral était bien loin de ce à quoi on s’attendait, disent-ils. Le projet de loi C-48 n’est pas fondé sur les données probantes. Selon eux, il est fondé sur autre chose. Le littoral ciblé a été choisi de façon arbitraire. Ils ont réussi à négocier un droit de passage sur leurs terres pour le pipeline. Ils ont entrepris une étude sur la rentabilité de l’implantation d’une industrie d’exportation sur leurs terres, compte tenu de leur proximité avec l’Asie. On refusera toute possibilité de développement économique aux nations côtières du Nord.

Aujourd’hui, un groupe de chefs représentant 200 Premières Nations et de nombreuses organisations professionnelles dirigées par des Autochtones, notamment le Conseil des ressources indiennes et l’association des travailleurs qualifiés autochtones, a plaidé pour que le gouvernement amende ou abandonne le projet de loi. Nous avons entendu parler de leur initiative, le pipeline Eagle Spirit, dont l’objectif est d’amener la prospérité économique et la stabilité aux Premières Nations de la Colombie-Britannique et de l’Alberta le long du tracé.

Je veux remercier le sénateur Neufeld d’avoir organisé cette rencontre aujourd’hui. Il est décevant que si peu de sénateurs aient pu y participer ce matin.

Honorables sénateurs, nous avons le devoir d’entendre tous les points de vue au sujet de cette question controversée. Nous avons le devoir d’opter pour une approche équilibrée face aux questions qui touchent à la fois l’environnement et l’économie.

(1610)

Calvin Helin, président d’Eagle Spirit, a décrit leur initiative en ces termes :

Nous avons passé six ans à concevoir le modèle environnemental le plus sophistiqué du monde. Nous avons une solution qui nous permet de prélever le bitume valorisé directement dans le sol. Cela peut être fait d’une façon qui réduirait les émissions de CO2 de 100 mégatonnes, avec 200 millions de barils par année. C’est le septième de la norme actuelle au Canada.

Ce processus permettra de laisser dans le sol tous les métaux lourds et la majeure partie du CO2, et de réduire au minimum l’eau utilisée, qui sera recyclée et remise en circulation.

Nous avons toutes les solutions. Si ce projet de loi est adopté, le présent gouvernement, qui a la prétention d’être le gouvernement de la réconciliation, forcerait les plus pauvres du pays à s’attaquer à lui pour faire abroger cette mesure législative.

Parmi certains autres commentaires que j’ai entendus et qui m’ont frappé, il y a ceux-ci :

On a besoin de travail pour nos gens. Le secteur de la pêche et le secteur forestier sont au point mort. Nous avons perdu nos industries. Cette industrie est nouvelle. C’est une façon de remédier à la pauvreté dans nos réserves. Nous ne voulons pas continuer à quêter et à emprunter. Pourquoi chasser du pays une industrie qui paye une bonne partie des programmes sociaux au Canada?

Le chef de la Première Nation des Nadleh Whut’en, Martin Louie, a ajouté : « Nous devions demander ce que cette terre pouvait faire pour nos enfants […] Si vous comparez la situation de nos enfants et des vôtres, vous verrez que nous n’avions pas le choix […] Cette initiative nous permettra de disposer de plus d’argent pour des logements adéquats, de meilleures routes et de meilleures écoles. Nous sommes ici aujourd’hui afin de faire quelque chose pour notre peuple. »

Nous avons aussi entendu des gens dire sans ambages que les consultations menées sur le projet de loi laissaient énormément à désirer, ce qui a provoqué une grande polarisation et de la discorde au sein des peuples autochtones des régions côtières. Tous les interlocuteurs ont dénoncé le manque de consultation. En voici un exemple :

Si ce projet de loi est adopté, c’est le gouvernement colonial qui déterminera ce qui est bon pour nous. Une annonce par un ministre fédéral n’équivaut pas à des consultations. Cela n’équivaut même pas à une prise de notes. Les normes élevées exigées par les tribunaux n’ont pas été respectées.

À l’heure actuelle, il y a une poursuite civile intentée devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique par la Première Nation des Lax Kw’alaams, représentée par son maire, John Helin, au nom des neuf tribus de la nation. Cette poursuite vise la procureure générale du Canada qui, d’après les membres de la Première Nation, ne les a pas suffisamment consultés. Les Lax Kw’alaams soutiennent également que, en présentant ce projet de loi, le Canada nuit à la capacité de la nation de contrôler l’utilisation de ses terres ancestrales. Cette poursuite est actuellement en suspens, en attendant l’adoption du projet de loi.

Après avoir entendu ces points de vue complètement différents, je me demande qui je devrais écouter. La délégation des Premières Nations de la côte nous a dit qu’elle représentait plus de 10 000 membres des Premières Nations.

Aujourd’hui, on a attiré mon attention sur le fait qu’il y a des revendications concurrentes quant aux personnes qui sont autorisées à parler au nom des nations autochtones de la côte de la Colombie-Britannique. En fait, cette question a été soulevée devant les tribunaux dans l’affaire du projet de gaz liquéfié de Petronas. Un chef héréditaire affirmait parler au nom de la majorité, mais, selon une décision du juge Barnes, de la Cour fédérale, ici à Ottawa : « [...] non seulement [le chef héréditaire des Lax Kw’alaams] n’a présenté aucun élément de preuve établissant l’appui de la collectivité, mais la preuve présentée donne à penser qu’il est contesté par un nombre important de membres des Gitwilgyoots. De plus, il a refusé de consulter les membres de la tribu pour connaître leurs points de vue collectifs, soutenant que la tâche serait trop difficile. »

Il est regrettable que le projet de loi ait divisé les nations de la côte, qui coexistent depuis des millénaires. Toutefois, la question demeure : qui représente la majorité? Des deux délégations, laquelle a le mandat de faire valoir les intérêts du peuple? Pour répondre à ces questions complexes, il faut que le comité chargé d’étudier le projet de loi se rende sur la côte Ouest pour entendre le point de vue des gens directement concernés. C’est ce que j’encourage le comité à faire.

La semaine dernière, les Premières Nations côtières m’ont également fait savoir non seulement qu’elles appuient le moratoire, mais qu’elles souhaitent ardemment que l’on mette l’accent sur les industries de la pêche et du tourisme plutôt que sur la facilitation du transport de pétrole et de gaz naturel dans la région.

Or, honorables sénateurs, ces industries posent les mêmes dangers pour l’environnement que le pétrole et le gaz naturel, voire des dangers supérieurs en raison de la différence entre les exigences de sécurité imposées aux pétroliers et celles imposées aux navires de pêche et aux traversiers.

À la suite de la catastrophe de l’Exxon Valdez, survenue en 1989, l’industrie et les gouvernements du monde entier ont adopté à l’égard des pétroliers des mesures de sécurité les plus exhaustives de l’histoire. Les États-Unis ont adopté l’Oil Pollution Act de 1990, qui oblige les nouveaux pétroliers à avoir une double coque et qui prévoit l’élimination progressive des pétroliers monocoques. En 1993, l’Organisation maritime internationale a emboîté le pas en se donnant pour mandat d’assurer la transition vers les pétroliers à double coque.

La double coque est une innovation clé éprouvée pour ce qui est de prévenir les déversements de pétrole, même lorsque les pétroliers sont impliqués dans des collisions majeures. L’Organisation maritime internationale estime que, si les pétroliers à double coque avaient toujours été utilisés, environ 85 p. 100 des déversements survenus par le passé auraient été évités.

En 1995, le Canada a intégré les exigences américaines et internationales au Règlement canadien sur la prévention de la pollution par les hydrocarbures. Ce règlement prévoyait l’élimination complète des pétroliers monocoques d’ici 2026. Or, après le naufrage du pétrolier Erika au large de la France, en 1999, la date butoir pour l’élimination des pétroliers monocoques a été devancée de plus de 10 ans et fixée à 2015.

De nos jours, tous les pétroliers qui circulent dans les eaux canadiennes doivent être munis d’une double coque, puisque le Canada est l’un des 150 pays à imposer cette exigence. Depuis qu’on exige une double coque et que d’autres avancées technologiques ont rendu les pétroliers plus sûrs, le nombre d’accidents impliquant des pétroliers a chuté à l’échelle mondiale, passant de 56 p. 100 de la circulation des pétroliers à 1 p. 100, d’après un rapport de la Resource Works Society intitulé « Citizen’s Guide to Tanker Safety and Spill Response on British Columbia’s South Coast ».

À titre de membre du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, j’ai eu le privilège de me rendre à Valdez, en Alaska, avec des membres du comité. Dans notre rapport, intitulé Transporter l’énergie en toute sécurité : Une étude sur la sécurité du transport des hydrocarbures par pipelines, navires pétroliers et wagons-citernes au Canada, nous soulignons les capacités d’intervention impressionnantes mises en place après le dernier désastre survenu dans la région.

En juillet 2013, des membres du comité se sont rendus à Valdez et y ont rencontré des représentant de la Garde côtière des États-Unis, des intervenants de première ligne et les exploitants de pétroliers de la région. Les membres du comité ont été très impressionnés par les vastes programmes régionaux de prévention des déversements, de préparation et d’intervention mis en place. La région peut compter sur le SERVS, le Ship Escort/Response Vessel System, qui a été mis en place après l’accident de l’ Exxon Valdez pour empêcher les déversements de pétrole et assurer une capacité de préparation et d’intervention s’ils devaient se produire. Le SERVS est toujours prêt à intervenir en 72 heures en cas de déversement pouvant aller jusqu’à près de 41 000 tonnes.

Mon Dieu, on nous a même dit que tous les capitaines de navire subissaient des tests de dépistage d’alcool et de drogue avant de pouvoir prendre les commandes de leur navire. C’est un régime des plus impressionnants.

L’Exxon Valdez, c’est de l’histoire ancienne. Une telle situation ne se reproduirait jamais aujourd’hui. Je pense qu’il est irresponsable d’agiter le spectre de pareil désastre en 2018. Le point pertinent pour ce débat sur la sécurité des pétroliers dans les eaux canadiennes est le fait qu’il n’existe pas d’infrastructure ou de capacité d’intervention en cas de déversement comparable sur la côte nord de la Colombie-Britannique. Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles avait d’ailleurs recommandé, dans son rapport sur la sécurité du transport du pétrole et du gaz, d’accroître la capacité de préparation et d’intervention en cas de déversement de manière à répondre aux besoins particuliers de chacune des régions du pays.

Pourquoi cela n’a-t-il pas été fait? La côte nord est un environnement sauvage. Pourquoi le fameux Plan de protection des océans n’englobe-t-il pas la côte nord de la Colombie-Britannique? Il y a une chose sur laquelle je pense que tout le monde est d’accord, y compris les Premières Nations : le Canada devrait investir pour mettre en place des capacités d’intervention en cas de déversement financées par l’industrie sur toutes les côtes du pays. C’est de cela dont nous avons besoin, et non pas d’un projet de loi qui va continuer de permettre à près de 300 pétroliers américains de passer juste à l’extérieur de la fameuse zone d’exclusion, et non d’un projet de loi qui va permettre à toutes sortes de plus petits bâtiments sans double coque, qui n’ont pas besoin de pilote et qui transportent d’importantes quantités de combustibles fossiles de continuer à naviguer dans ces eaux.

(1620)

Les navires de pêche et les navires de croisière ne sont pas soumis aux mêmes exigences que les pétroliers en ce qui concerne la double coque. Le rapport du Sénat dit ceci :

Les pétroliers ne sont pas autorisés à naviguer dans un port ou une voie maritime canadienne en l’absence d’un pilote (et, dans certaines circonstances, de deux pilotes) ayant une connaissance approfondie des voies de navigations locales et, notamment, des courants, des fonds et de l’infrastructure maritime. Des pilotes locaux embarquent à bord des pétroliers pour les guider jusqu’à leur destination en toute sécurité.

Ce ne sont pas les mêmes exigences de pilotage que pour les navires de pêche, les remorqueurs et les navires de ravitaillement des collectivités.

De plus, selon le rapport annuel de Transports Canada sur le contrôle des navires par l’État du port, en 2011, 1 033 navires ont été inspectés, et 35 p. 100 de ces navires, soit 358 navires, étaient des navires-citernes. Des 34 navires détenus, seulement 2 étaient des navires-citernes.

Certains sénateurs pourraient se demander s’il est judicieux de comparer les dommages que peuvent causer les remorqueurs à ceux que peuvent causer les pétroliers. Or, j’attire l’attention de mes collègues sur un déversement qui s’est produit récemment au large de la côte nord de la Colombie-Britannique, et dont il a été question pendant mes rencontres avec les Premières Nations côtières. En octobre 2016, une barge américaine a déversé 110 000 litres de carburant diesel. Ce déversement aurait causé l’effondrement de la pêche aux palourdes qui était pratiquée par la nation Heiltsuk, ce qui lui a fait perdre en moyenne 200 000 $ par année, au cours des trois dernières années. Le projet de loi C-48 ne pourra pas empêcher de tels accidents de se reproduire.

Interdire la circulation des pétroliers ne protégera pas l’environnement de la région. En fait, pour utiliser judicieusement les ressources, il faudrait dépenser une partie des fonds du Plan de protection des océans de 1,5 milliard de dollars annoncé le 7 novembre 2016 afin d’accroître la capacité de préparation en cas de déversement au large de la côte nord de la Colombie-Britannique.

Chers collègues, l’accroissement de la capacité de préparation en cas de déversement devrait aussi reposer sur le fait que, aujourd’hui, 8,6 milliards de gallons de pétrole sont acheminés du port de Valdez aux 48 États contigus situés au sud de la frontière; en 2017, 245 pétroliers sont passés au large des côtes de la Colombie-Britannique; et, enfin, en 2018, on prévoit que 287 pétroliers auront circulé juste à l’extérieur de la zone d’exclusion volontaire actuelle. Que nous approuvions ou non cette interdiction, en réalité, sur la côte nord, la capacité de préparation et d’intervention en cas de déversement est insuffisante. C’est un gros problème. Voilà ce qu’il faut régler.

Parlant des Américains, le marché asiatique est très avide de pétrole. Le Comité de l’énergie a appris que la demande mondiale de pétrole continuera à augmenter pendant de nombreuses décennies, qu’on le veuille ou non, et que les promoteurs du projet Eagle Spirit ont signé un protocole d’entente en désespoir de cause avec la localité de Hyder, en Alaska, pour acheminer du pétrole canadien sous un pavillon américain à partir de ce port. Si le projet va de l’avant, ce sera un port de 1 milliard de dollars qui créera de 500 à 750 emplois bien rémunérés.

Nous devrions conserver ces emplois au Canada. Le gouverneur de l’Alaska et des politiciens chevronnés de cet État ont déroulé le tapis rouge pour cette initiative. Pourquoi laissons-nous les États-Unis construire des infrastructures essentielles à notre place? Les promoteurs du projet Eagle Spirit nous ont posé la question suivante : pourquoi pousser à l’étranger une industrie qui assume une grande partie des coûts liés aux programmes sociaux au Canada?

D’autres sénateurs se demandent peut-être si, comme le sénateur Harder le prétend, il existe des caractéristiques environnementales particulières qui justifient qu’on interdise la circulation des pétroliers dans cette région.

J’encourage tous les sénateurs à lire l’analyse de risques réalisée en 2014 pour le compte de Transports Canada. Intitulé Analyse de risques liés aux déversements dans les eaux canadiennes, ce rapport a étudié toutes les zones de transport maritime au Canada. Les scientifiques ayant participé à la rédaction du rapport ont divisé le milieu marin canadien en 77 zones distinctes et ont calculé un indice de vulnérabilité écologique pour chacune d’entre elles. Il a résulté de ce calcul trois éléments : un élément biologique, qui donne le degré de vulnérabilité des ressources naturelles touchées par un déversement d’hydrocarbures; un élément physique, qui précise le degré de difficulté des opérations de nettoyage côtières; et, enfin, un élément humain, qui indique les pertes commerciales causées directement par un déversement, en plus de donner une évaluation des dommages causés aux ressources sociales.

Je viens d’expliquer en quoi consiste l’indice de vulnérabilité économique afin de mettre en contexte la citation suivante tirée du rapport :

Les résultats de l’indice de vulnérabilité écologique indiquent que les zones présentant les plus grandes répercussions sont situées dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent ainsi que sur la côte Sud de la Colombie-Britannique, y compris l’île de Vancouver.

Au risque d’énoncer une évidence, je précise qu’aucune de ces régions ne se trouve dans la zone visée par le moratoire du projet de loi C-48.

En conclusion, les données scientifiques sont claires. L’imposition d’un moratoire relatif aux pétroliers n’importe où au Canada ne repose sur aucune donnée probante. Les arguments pour imposer le moratoire prévu dans le projet de loi C-48 sont encore plus faibles que s’il s’agissait de certaines autres régions du pays, où les risques en matière d’environnement et de navigation sont plus élevés.

L’industrie du transport maritime du pétrole est un modèle à suivre en matière de sécurité, vu son bilan exemplaire. De mémoire récente, un secteur différent a été responsable de tous les déversements majeurs au Canada. Sur la côte Ouest, le navire céréalier Marathassa a causé le plus récent déversement de pétrole. Le pire déversement de l’histoire de la côte Ouest s’est produit lors du naufrage du traversier Queen of the North en 2006. Même si le projet de loi C-48 avait été en vigueur à ce moment-là, il n’aurait pas empêché ces deux catastrophes.

J’espère que le comité, dans le cadre de son étude du projet de loi, examinera en profondeur ces préoccupations, y compris en ce qui concerne la côte Ouest, parce que je ne peux pas appuyer cette mesure législative dans sa forme actuelle. Merci.

L’honorable David Tkachuk : J’ai une question à poser. Sénateur Patterson, ce matin, des syndicats représentant des travailleurs de l’acier et des pipelines ont également participé à la réunion que nous avons eue avec un certain nombre de chefs indiens. Pourriez-vous dire au Sénat combien de membres ces syndicats représentent?

Le sénateur Patterson : Oui, merci de votre question. J’ai en effet omis de dire que trois syndicats étaient présents à la réunion, ce matin. Ce sont des spécialistes de la construction de pipelines et ils ont hâte de travailler parce qu’ils voient les débouchés commencer à manquer dans ce grand pays au potentiel en ressources naturelles immense.

Les trois syndicats nous ont dit qu’ils représentaient 330 000 membres. Je vous remercie de votre question.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénatrice Jaffer propose, avec l’appui de l’honorable sénatrice Cordy, que ce projet de loi soit lu pour la deuxième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Avec dissidence?

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je vois beaucoup de sénateurs debout. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Plett : Quinze minutes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le vote aura lieu à 16 h 43. Convoquez les sénateurs.

(1640)

La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois :

POUR
Les honorables sénateurs

Bellemare Griffin
Bernard Harder
Black (Ontario) Hartling
Boehm Joyal
Bovey Klyne
Boyer LaBoucane-Benson
Brazeau Lankin
Busson Lovelace Nicholas
Campbell Marwah
Christmas Massicotte
Cordy McCallum
Cormier McPhedran
Coyle Mégie
Dalphond Mercer
Dasko Mitchell
Dawson Miville-Dechêne
Deacon (Nouvelle-Écosse) Moncion
Deacon (Ontario) Munson
Dean Omidvar
Downe Pate
Dupuis Petitclerc
Dyck Ravalia
Forest Saint-Germain
Forest-Niesing Simons
Francis Sinclair
Gagné Verner
Galvez Wallin
Gold Wetston
Greene Woo—58

CONTRE
Les honorables sénateurs

Andreychuk McInnis
Ataullahjan McIntyre
Batters Mockler
Beyak Neufeld
Boisvenu Ngo
Carignan Oh
Dagenais Plett
Doyle Poirier
Eaton Pratte
Frum Richards
Housakos Seidman
MacDonald Smith
Maltais Stewart Olsen
Manning Tannas
Marshall Tkachuk
Martin Wells—32

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Patterson White—2

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Mercer, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des transports et des communications.)

(1650)

La Loi sur les océans
La Loi fédérale sur les hydrocarbures

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Bovey, appuyée par l’honorable sénateur Harder, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je parlerai aujourd’hui du projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures. Cette mesure législative permettra au ministre des Pêches et des Océans de créer des zones de protection marine. Il pourra aussi créer des zones de protection marine provisoires, en attendant que le secteur visé fasse l’objet de l’examen prévu dans les cinq ans.

J’ai toujours pris très au sérieux la tâche qui m’incombe de représenter dignement les habitants de ma région auprès de notre auguste assemblée. Les principales réserves que suscite ce projet de loi chez moi tiennent donc des réserves qu’ont eux-mêmes exprimées le gouvernement du Nunavut et les habitants du Nord.

Le premier ministre du Nunavut, Joe Savikataaq, et son prédécesseur, Peter Taptuna, ont fait parvenir plusieurs lettres au gouvernement fédéral pour dénoncer le fait qu’une fois ce projet de loi adopté, le gouvernement du Canada pourra unilatéralement :

Accorder sans notre consentement à des plans d’eau situés au Nunavut ou adjacents à notre territoire la désignation de zone de protection marine alors que nous avions peut-être d’autres usages en tête pour ces plans d’eau;

Bloquer le développement de secteurs géographiques qui font actuellement l’objet de négociations aux fins du transfert des responsabilités;

Interdire l’accès aux hydrocarbures sans indemniser convenablement les Nunavummiuts.

Dans une lettre datée du 25 juillet 2017, le premier ministre Taptuna rappelait ceci au premier ministre Trudeau :

À la suite de la déclaration conjointe du Canada et des États-Unis, le 20 décembre 2016, les trois gouvernements territoriaux avaient exprimé publiquement leur profonde déception à l’égard de la décision qui avait été prise unilatéralement, et sans consultation préalable, d’imposer un moratoire sur toute prospection pétrolière au large de l’Arctique canadien [...]

Lors de notre rencontre de cette année à Iqaluit, vous m’avez assuré qu’on ne prendrait plus unilatéralement de décision de cette importance. Je crains fort que ce ne soit pas le cas. Le gouvernement fédéral examine actuellement la Loi fédérale sur les hydrocarbures, qui crée des zones de protection marine et retire au gouvernement du Nunavut la compétence sur certaines zones avant même la conclusion des négociations concernant le transfert des responsabilités.

La dernière phrase revêt une importance particulière, chers collègues, car le protocole de négociation du transfert des responsabilités en matière de terres et de ressources mentionne précisément la position du gouvernement du Nunavut selon laquelle « […] une entente de transfert ne doit faire nulle distinction entre les régimes de gestion des ressources s’appliquant aux zones côtières et au fond marin, ainsi que dans les zones marines et à leur proximité ». Le protocole a été signé en 2008 et continue de régir les négociations tenues à ce jour.

À l’instar de n’importe quel autre gouvernement responsable, le gouvernement du Nunavut a élaboré des stratégies pour le développement et la prospérité futurs du territoire. Tenant compte du fait que 85 p. 100 des Nunavummiuts sont des Inuits et se basant sur les principes inuits de gestion de l’environnement, ces stratégies prévoient des zones qui pourraient à l’avenir faire l’objet d’initiatives de conservation. Voilà pourquoi le codéveloppement des zones de protection marine est si important et pourquoi il est nécessaire d’octroyer un pouvoir de codécision aux administrations voisines.

La dernière lettre du premier ministre Savikataaq, envoyée le 27 novembre 2018 à l’attention du sénateur Manning, le président du Comité permanent des pêches et des océans, dit clairement que :

Le gouvernement du Nunavut accorde beaucoup d’importance à la faune marine et croit que la conservation et le développement économique sont importants et ont un rôle à jouer pour le bien des futures générations. Le gouvernement du Nunavut insiste pour participer au processus dès le début.

Outre les préoccupations concernant la compétence territoriale que ce projet de loi soulève, je m’inquiète des lacunes possibles dans l’approche « fondée sur la science » qu’essaie de faire accepter le gouvernement.

Compte tenu de la hausse des températures mondiales, les océans se réchauffent tant et si bien que de grands stocks de poissons, plus particulièrement de crevettes et d’autres espèces marines vivant en eau froide, migrent de plus en plus vers le Nord, ce qui veut dire que de vastes zones de l’océan Arctique pourraient être transformées en zones de protection marine alors que, plusieurs années plus tard, on découvrirait qu’elles sont devenues des lieux de choix pour la pêche. Le processus décrit à l’article 6 du projet de loi pour renverser la décision est lourd et long. Le temps requis au gouverneur en conseil pour annuler l’exclusion de certaines activités économiques dans cette zone, y compris la pêche, pourrait fort bien amputer le secteur de la pêche commerciale du Nunavut — qui appartient intégralement à des Inuits — de milliers de dollars de revenus.

Il importe de se rappeler qu’étant donné que l’industrie de la pêche est relativement nouvelle dans le Nord, de nombreux endroits potentiellement propices à la pêche n’ont pas encore été explorés. La fermeture de ce genre d’endroits laisserait les pêcheurs du Nunavut dans une position encore plus désavantageuse.

L’association des pêches du Nunavut a récemment demandé que les Inuits aient pleinement accès aux ressources dans les eaux adjacentes au Nunavut, où d’autres provinces, dont Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse, continuent de pêcher étant donné qu’elles ont obtenu le droit de le faire avant la création du territoire, en 1999.

La Northern Coalition, un organisme sans but lucratif constitué en vertu d’une loi fédérale qui représente des sociétés appartenant à des Autochtones du Nunavut, du Nunavik, du Nunatsiavut et du Sud du Labrador, a affirmé ce qui suit dans le mémoire qu’elle a présenté à l’autre endroit, le 3 décembre 2017 :

Il est important de tenir compte des conséquences si les ressources nécessaires à l’exécution des travaux scientifiques ne sont pas disponibles au cours de la période de cinq ans pendant laquelle le ministre doit rendre permanente la désignation de la zone marine protégée. L’application du principe de prudence, selon lequel le ministre et le Cabinet « ne peuvent utiliser l’absence de certitude scientifique quant aux risques que peut représenter l’exercice d’activités » comme prétexte pour remettre à plus tard l’exercice des pouvoirs qui leur sont conférées, ou éviter de s’acquitter de leurs obligations et fonctions de prendre des règlements désignant des ZMP provisoires ou permanentes, est associée à cette préoccupation. Elle sous-entend [...] qu’une ZMP provisoire deviendra permanente même si les travaux scientifiques nécessaires n’ont pas été complétés.

Je conviens que cette application du principe de précaution est incompatible avec la position du gouvernement, qui affirme fonder ses décisions sur des données scientifiques.

La Northern Coalition a soulevé un autre problème dont j’ai déjà longuement parlé, c’est-à-dire le concept de la proportionnalité régionale.

(1700)

On lit ceci dans le mémoire :

Au cours de discussions s’étant déroulées plus tôt dans l’année avec le MPO sur l’initiative des cibles de conservation marine (CCM), les membres de la [Northern Coalition] ont remarqué que la répartition régionale (proportionnalité) des cibles de conservation de 5 et 10 p. 100 d’ici 2017 et 2020, respectivement, peut ne pas être équilibrée. Compte tenu de la désignation prévue de grandes ZMP au titre de la Loi sur les océans et de l’annonce récente par Parcs Canada de l’initiative du détroit de Lancaster, ainsi que des CCM proposées pour la baie de Baffin, le détroit de Davis, le bassin Hatton, le passage Hopedale et le canal Hawke, les cibles cumulatives proposées pour la région de l’est de l’Arctique et de la mer du Labrador (toutes des zones adjacentes aux activités des membres de la NC) sont estimées à beaucoup plus de 50 p. 100 de l’engagement du Canada à protéger 10 p. 100 de son milieu marin d’ici 2020.

Honorables sénateurs, je représente un territoire, pas une province, et c’est exactement ce que nous craignions de la part du gouvernement fédéral. Agir comme un gouvernement colonialiste en désignant de grandes zones océaniques pour leur protection, sans que le gouvernement dûment élu du Nunavut ait son mot à dire, vient nuire aux négociations en cours concernant le transfert des responsabilités en matière de gestion des ressources naturelles au Nunavut, notamment les ressources extracôtières. Ne l’oubliez pas : nous sommes un territoire, pas une province. Nous n’avons pas le contrôle de l’exploitation de nos ressources naturelles, qu’elles soient sur la terre ferme ou en mer.

Cela se fait parce que le gouvernement fédéral détient le pouvoir constitutionnel. D’ailleurs, notre constitution, la Loi sur le Nunavut, est une loi du Parlement fédéral, le gouvernement peut donc agir unilatéralement au Nunavut, ce qu’il fait avec ce projet de loi — cherchant à obtenir le pouvoir de prendre une mesure unilatérale, ce qu’il ne ferait jamais concernant les eaux côtières d’une province.

Le Canada se sert du Nunavut pour respecter les cibles de l’ONU en matière de conservation et de préservation. Il est ridicule que l’on fasse une telle chose sans la participation du gouvernement territorial, qui, à l’heure actuelle, négocie de bonne foi le transfert de la compétence fédérale sur les ressources naturelles.

J’ai été encouragé de voir que le Canada avait récemment consenti à parler de la gestion des ressources extracôtières des Territoires du Nord-Ouest avec le gouvernement territorial. Leurs ententes sur le transfert des responsabilités conclues, les gouvernements des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon, de même que les représentants de la région désignée des Inuvialuit peuvent enfin négocier. En octobre dernier, le ministre LeBlanc s’est engagé à négocier une nouvelle entente de cogestion et de partage des revenus du pétrole et du gaz dans la mer de Beaufort. Il s’agit d’une mesure bien accueillie après que le premier ministre McLeod eut sonné le tocsin parce que le Canada avait imposé unilatéralement un moratoire sur l’exploitation pétrolière et gazière dans le Nord sans avoir le moindrement consulté les gouvernements territoriaux ou les dirigeants autochtones territoriaux.

Voici ce qu’a déclaré le ministre LeBlanc dans son annonce :

[...] nos partenaires ont été très clairs : ils veulent participer à la gestion des ressources extracôtières de pétrole et de gaz dans l’Arctique, et ils souhaitent une prospérité économique et des emplois qui bénéficieront aux Autochtones et à tous les résidants du Nord, sans nuire à la qualité de leur environnement.

Qu’en est-il du Nunavut? C’est une excellente nouvelle pour les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon. Le projet de loi laisserait toutefois le gouvernement du Nunavut dans le noir — ou devrais-je plutôt dire dans le froid — à propos de l’établissement des aires marines de conservation et limiterait la capacité du territoire de négocier des ententes similaires après la fin des discussions sur le transfert des responsabilités.

Les Inuits représentent 85 p. 100 de la population du Nunavut. Ce sont des gens de la mer qui ont survécu pendant des millénaires en s’appuyant sur une économie maritime. Les Inuits ont établi la souveraineté du Canada dans l’Arctique. Ils ont réussi à obtenir la création d’un nouveau territoire dans le cadre du règlement de la revendication territoriale du Nunavut. Le gouvernement actuel du Nunavut, comme ses prédécesseurs, collabore étroitement avec la population inuite pour mettre en œuvre son accord sur les revendications territoriales, mais il doit également offrir des services et des programmes publics à l’ensemble des citoyens du territoire, ce qui comprend la gestion des répercussions de l’exploitation des ressources naturelles ou de leur non-exploitation.

On ne peut pas s’attendre à ce que le Nunavut cesse un jour de dépendre du Canada si on ne lui permet pas de profiter de ses vastes ressources naturelles. L’an dernier — et nous n’en sommes pas fiers —, les paiements de transfert du Canada ont représenté 89 p. 100 du budget territorial. Une telle situation ahurissante n’est ni tenable ni souhaitable. Il faut adopter des mesures législatives qui donneront au territoire les moyens dont il a besoin pour être autonomes, au lieu d’accorder plus de pouvoirs au gouvernement fédéral pour qu’il puisse agir unilatéralement.

Enfin, honorables sénateurs, dès la première lecture du projet de loi, j’ai été troublé d’apprendre que, aux termes de l’article 5, le ministre aurait le pouvoir :

[d’exempter] l’exercice de toute activité — par un étranger, une entité qui est constituée en personne morale ou formée sous le régime de la législation d’un pays étranger, un navire étranger ou un État étranger — dans la zone de protection marine de l’application d’une interdiction prévue aux alinéas b) ou c).

La Polynie des eaux du Nord, une zone d’une grande diversité écologique et une source importante de pêche de subsistance pour les Inuits de la région, constitue, depuis un certain temps, un dépotoir de fusées russes propulsées à l’hydrazine. Les sénateurs qui siégeaient dans cette enceinte en 2016 se souviendront peut-être des appels que j’ai adressés au gouvernement et des questions que j’ai posées au leader du gouvernement dans le but de faire cesser cette pratique.

Ce projet de loi permettra au gouvernement de continuer d’autoriser la chute des débris des fusées russes — des débris toxiques et polluants — dans nos eaux, tout en rendant difficile pour les Canadiens de profiter des ressources naturelles et en écartant une compétence canadienne du processus décisionnel.

Honorables sénateurs, je peux vous assurer qu’une fois ce projet de loi renvoyé au comité, je continuerai à faire pression pour que les changements proposés dans le mémoire du gouvernement du Nunavut soient adoptés, et je continuerai à lutter pour l’industrie de pêche commerciale du Nunavut et pour la participation significative du gouvernement du Nunavut à la gestion de ses ressources naturelles, que ce soit sur terre ou en mer, le long de la côte la plus longue du Canada. Je ne pourrai songer à appuyer ce projet de loi qu’une fois ces préoccupations réglées de manière collaborative.

Merci.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L’honorable sénatrice Bovey, avec l’appui de l’honorable sénateur Harder, propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Trente minutes. Le vote aura lieu à 17 h 37.

Convoquez les sénateurs.

(1730)

La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois :

POUR
Les honorables sénateurs

Bellemare Griffin
Bernard Harder
Black (Ontario) Hartling
Boehm Joyal
Bovey Klyne
Boyer LaBoucane-Benson
Brazeau Lankin
Busson Lovelace Nicholas
Campbell Marwah
Christmas Massicotte
Cordy McCallum
Cormier McPhedran
Coyle Mégie
Dalphond Mercer
Dawson Mitchell
Deacon (Nouvelle-Écosse) Miville-Dechêne
Deacon (Ontario) Moncion
Dean Omidvar
Downe Pate
Duffy Petitclerc
Dupuis Pratte
Dyck Ravalia
Forest Saint-Germain
Forest-Niesing Simons
Francis Sinclair
Gagné Verner
Galvez Wetston
Gold Woo—57
Greene

CONTRE
Les honorables sénateurs

Andreychuk McInnis
Ataullahjan McIntyre
Batters Mockler
Beyak Neufeld
Boisvenu Ngo
Carignan Oh
Dagenais Patterson
Doyle Plett
Eaton Poirier
Frum Seidman
Housakos Smith
MacDonald Stewart Olsen
Maltais Tannas
Manning Tkachuk
Marshall Wells—31
Martin

ABSTENTION
L’honorable sénateur

Richards—1

(1740)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Bovey, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des pêches et des océans.)

[Français]

La Loi sur les douanes

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Adoption de l’amendement du Sénat

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes un message informant le Sénat qu’elle a adopté l’amendement apporté par le Sénat au projet de loi C-21, Loi modifiant la Loi sur les douanes, sans y apporter d’autres amendements.

[Traduction]

Projet de loi de 2017 sur la sécurité nationale

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, appuyée par l’honorable sénatrice Moncion, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-59, Loi concernant des questions de sécurité nationale.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-59, Loi concernant des questions de sécurité nationale.

Le projet de loi C-59 est divisé en neuf parties et il accomplit bien des choses. J’aimerais me concentrer sur un seul élément, lequel a reçu, à juste titre, une attention considérable de la part du public, en particulier de la part des parents exaspérés dont les enfants innocents sont touchés à tort parce qu’ils ont le même nom qu’une personne inscrite sur la liste d’interdiction de vol. J’ai rencontré les défenseurs des intérêts de ces parents et je me suis entretenue avec eux par téléphone. Pour soutenir leurs efforts inlassables, j’appuie l’adoption de certaines parties du projet de loi et j’espère que les parties problématiques feront l’objet d’un examen plus approfondi au comité. Par conséquent, je vais me concentrer sur la partie 6 du projet de loi, laquelle modifie la Loi sur la sûreté des déplacements aériens pour permettre au ministre de la Sécurité publique d’informer les parents que leur enfant n’est pas sur la liste.

Le projet de loi C-59 autoriserait le ministère de la Sécurité publique à contrôler électroniquement les renseignements sur les passagers aériens en les comparant à la liste tenue en vertu de la Loi sur la sûreté des déplacements aériens dans le but de prévenir les fausses correspondances de noms, aussi appelées « faux positifs ».

Le gouvernement a entrepris des consultations sur la modification de la réglementation en vue de créer un contrôle gouvernemental centralisé de la liste tenue en vertu de la Loi sur la sûreté des déplacements aériens et d’améliorer la collecte de données pouvant aider à prévenir les faux positifs. Le gouvernement promet également de rendre plus équitable le mécanisme de recours visant à créer un identifiant unique afin d’aider à distinguer les voyageurs légitimes des personnes figurant sur la liste d’interdiction de vol.

Le gouvernement s’est engagé à adopter une nouvelle approche pour évaluer les plaintes concernant les personnes inscrites injustement sur la liste établie au titre de la Loi sur la sûreté des déplacements aériens. Le nom de ces personnes sera retiré de la liste si le ministre de la Sécurité publique ne rend pas de décision à propos de leur demande de recours dans les 120 jours. Le ministre se donne aussi la capacité de prolonger la période qu’il a pour rendre une décision s’il estime qu’il a besoin de plus d’information.

Le gouvernement prétend que les mesures qu’il prend aideront les parents et les personnes inscrites injustement sur la liste, mais de nombreux groupes soutiennent qu’il devrait en faire davantage pour régler complètement ce problème.

Honorables sénateurs, on reproche, à juste titre, à de nombreux éléments du projet de loi dont nous sommes saisis d’affaiblir la législation canadienne sur la sécurité nationale. Toutefois, nous pourrions dire le contraire au sujet des personnes inscrites injustement sur la liste d’interdiction de vol, étant donné qu’il existe d’autres problèmes.

Zamir Khan a un garçon de cinq ans — Sebastian — qui se fait retenir à la frontière depuis qu’il a six semaines. Le nom de son fils correspond à celui d’une personne inscrite sur la liste de surveillance en matière de sécurité nationale. J’ai rencontré des défenseurs des droits des parents dont les enfants et la famille sont touchés de la même façon que la famille Khan — subir des retards inutiles, devoir prouver ou défendre leur identité et, par conséquent, rater leur vol — et je comprends que le problème vécu par les familles canadiennes doit être réglé une bonne fois pour toutes.

Quand Zamir Khan est venu témoigner au Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes, il a souligné que le projet de loi C-59 n’en faisait que très peu pour mettre en place un système de recours pour les Canadiens dont le nom génère des faux positifs dans la liste canadienne d’interdiction de vol.

Le projet de loi ne crée aucune obligation et aucune garantie quant à l’efficacité du nouveau système pour les personnes dont le nom génère des faux positifs. D’abord, le processus de recours est tout à fait opaque. Si le ministre refuse de retirer le nom d’une personne, celle-ci peut demander aux tribunaux de revoir la décision du ministre. Cependant, ce sont les avocats du gouvernement qui présenteront les renseignements à la cour concernant l’inscription de ce nom sur la liste et la personne concernée n’aura pas accès à ces renseignements, mis à part un résumé des raisons qui justifient l’inscription sur la liste.

L’audience peut également être tenue secrètement, à la demande du ministre, sans que l’accusé et ses avocats puissent y participer.

(1750)

C’est peut-être justifié lorsque l’accusé est associé à des terroristes mais, dans le cas des personnes qui sont inscrites par erreur sur la liste d’interdiction de vol, l’opacité du processus inspire des préoccupations légitimes.

Être inscrit par erreur sur la liste d’interdiction de vol peut avoir des conséquences négatives considérables. Comme cette liste peut être communiquée à des gouvernements étrangers, une personne court le risque de subir de mauvais traitements ou d’être détenue à l’étranger. À tout le moins, la personne concernée et sa famille pourraient craindre qu’un pareil scénario se réalise.

Les fonctionnaires fédéraux n’ont jamais révélé combien de personnes figurent sur la liste d’interdiction de vol actuelle, ni combien se trouvent sur la liste établie en vertu de la Loi sur la sûreté des déplacements aériens pour des raisons de sécurité.

Aux États-Unis, le nombre de personnes figurant sur des listes semblables a été publié. Il est donc raisonnable de se demander pourquoi le Canada tient davantage que les États-Unis à ce que ce renseignement demeure secret. Je suis certaine que le comité qui examinera le projet de loi étudiera attentivement cette question.

Je crois aussi savoir que le Comité des droits de la personne a décidé d’étudier les enjeux complexes associés à la liste d’interdiction de vol. J’espère que l’étude du Comité des droits de la personne coïncidera avec celle du principal comité chargé d’examiner le projet de loi C-59, puisqu’elle pourra ainsi fournir des éléments utiles à ce comité et à tous les sénateurs.

À cet égard, je crois qu’il y a au moins plusieurs enjeux qui devraient être examinés.

Premièrement, quels sont les moyens d’améliorer la transparence du processus de recours prévu? Deuxièmement, pouvons-nous accroître la transparence de certaines des statistiques et des données relatives à la liste d’interdiction de vol? Troisièmement, pourquoi devrions-nous utiliser la liste établie en vertu de la Loi sur la sûreté des déplacements aériens pour empêcher des terroristes présumés d’embarquer à bord d’avions au lieu de recourir à d’autres options?

Certains ont indiqué que les dispositions sur l’engagement de ne pas troubler l’ordre public en matière de terrorisme, qui sont prévues dans le Code criminel, seraient peut-être des meilleurs mécanismes pour interdire les déplacements aériens. Ces engagements de ne pas troubler l’ordre public sont imposés par des tribunaux et sont d’une durée limitée. Est-ce une option réaliste, ou pourrions-nous rendre ces engagements plus flexibles pour leur permettre de remplir une telle fonction?

Je sais que, dans le système américain, une personne dont le nom génère des faux positifs peut demander un numéro de voyage spécial, qu’elle pourra par la suite utiliser lors de la réservation de billets d’avion afin d’éviter d’avoir un problème semblable lors de prochains déplacements. Est-ce une meilleure approche que celle proposée dans le projet de loi C-59?

Honorables sénateurs, je ne prétends pas avoir des réponses à ces questions. Cependant, compte tenu des conséquences négatives et imprévues que la liste d’interdiction de vol peut avoir sur les personnes qui s’y trouvent injustement, je crois que nous avons l’obligation de songer sérieusement à améliorer et à élargir l’approche proposée dans le projet de loi.

J’ai appris, il y a quelques semaines, que le nom de ma sœur figure sur la liste. Elle était très stressée à l’aéroport, où elle avait apporté toutes sortes de documents pour établir qu’elle n’est pas la personne dont le nom est inscrit sur la liste. Je sais que ce problème touche beaucoup de familles.

C’est une question que j’invite notre comité à examiner en profondeur. Les familles touchées à tort par cette question ont assez attendu. Elles méritent que nous fassions de notre mieux pour créer une loi rationnelle et équitable pour redresser les torts, une fois pour toutes.

Toutefois, dans sa forme actuelle, le projet de loi C-59 demeure problématique. S’il est adopté à l’étape de la deuxième lecture et renvoyé à un comité, j’ai confiance qu’il sera étudié à fond et que nous recevrons un rapport que nous examinerons attentivement à l’étape de la troisième lecture. Merci.

[Français]

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénateurs, je suis heureux de vous faire part de mes observations aujourd’hui en ce qui concerne le projet de loi C-59, Loi concernant des questions de sécurité nationale.

Tout d’abord, il s’agit d’un imposant projet de loi qui aborde de multiples enjeux et domaines de politique liés à la protection de la sécurité nationale du Canada.

Parmi les mesures que le projet de loi C-59 propose, il y a la création d’une toute nouvelle structure encadrant la sécurité nationale par la mise en place de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement. Ce nouvel organisme entraîne la création du poste de commissaire au renseignement et lui confie des rôles concernant l’examen et la surveillance dans certains domaines de la sécurité et du renseignement.

Le projet de loi C-59 promulgue aussi la Loi sur le Centre de la sécurité des télécommunications et lui donne de nouveaux pouvoirs. Il modifie également la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité afin de limiter l’exercice du pouvoir du SCRS pour ce qui est d’interrompre la menace à la sécurité du Canada. C’est un point très important sur lequel je reviendrai. De plus, ce texte de loi modifie certaines dispositions de la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada en allant jusqu’à limiter la transmission d’informations, dans certains cas. Dans le domaine des transports aériens, le projet de loi C-59 modifie la Loi sur la sûreté des déplacements aériens relativement à la collecte de renseignements auprès des transporteurs aériens et des exploitants de systèmes de réservation de services aériens afin d’identifier les personnes inscrites et de les interdire de vol.

Enfin, le projet de loi C-59 modifie le Code criminel afin d’atténuer les dispositions sur l’infraction de préconiser ou de fomenter la commission d’une infraction de terrorisme et relève le seuil d’imposition d’un engagement assorti de conditions en vertu du code.

Honorables sénateurs, il s’agit de mesures très importantes qui exigent, en raison de leur vaste portée, un examen attentif et surtout approfondi de leurs conséquences. Le fait que certains éléments du projet de loi C-59 entraîneront un affaiblissement des dispositions d’une loi portant sur la sécurité nationale du Canada justifie, certes, une étude minutieuse que nous devrons mener à notre retour en 2019.

J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt les remarques du sénateur Gold, parrain de ce projet de loi au Sénat, et surtout les raisons qu’il invoque pour appuyer le texte gouvernemental. Notre collègue soulève plusieurs questions dans son discours. Je me propose d’en aborder deux seulement. Honorables collègues, le sénateur Gold a déclaré que le projet de loi C-59 est, et je le cite :

[...] une réponse raisonnable, responsable et nécessaire aux véritables menaces à la sécurité nationale auxquelles notre pays est confronté [...]

et qu’il

[...] améliorera l’efficacité opérationnelle de nos organismes de sécurité tout en respectant les libertés et les droits constitutionnels des Canadiens et des Canadiennes.

Honnêtement, je peux dire que ces affirmations sont vraies, en partie, et que certains éléments du projet de loi parviennent réellement à créer un équilibre raisonnable. Par exemple, les nouveaux pouvoirs conférés au Centre de la sécurité des télécommunications seront de nature à l’aider à protéger les Canadiens et les Canadiennes des cybermenaces en constante évolution.

Cela dit, je m’interroge quand même sur d’autres points qu’a soulevés le sénateur Gold dans son discours. D’abord, le projet de loi C-59 va-t-il réellement, comme le prétend notre collègue, « améliorer l’efficacité opérationnelle de nos organismes de sécurité »? À plusieurs égards, je crois que non. On se dirige beaucoup plus vers des restrictions que vers des améliorations. Par exemple, le projet de loi C-59 vient restreindre grandement la capacité du SCRS en matière d’interruption de la menace terroriste. Les activités, à ce titre, dépassent largement une simple conversation des agents du SCRS avec une personne qui s’associe à des individus susceptibles de participer à la planification d’activités terroristes. Interrompre une menace peut parfois être beaucoup plus complexe et, par exemple, représenter une ingérence dans les activités d’individus qui sont sur le point d’exécuter un attentat terroriste. Dans le jargon des policiers, on appelle cela de l’infiltration, une étape souvent nécessaire pour éviter la perpétration d’un acte pouvant mettre en danger la vie des Canadiennes et des Canadiens.

Honorables sénateurs, rappelons-nous que la capacité d’interrompre une menace terroriste, avant qu’elle ne devienne active, a été confiée au SCRS en 2015 en vertu d’une loi adoptée par le gouvernement précédent. Elle ressemble en tous points aux pouvoirs que nos autorités policières sont parfois appelées à exercer, notamment lorsqu’un agent d’infiltration doit enfreindre la loi pour remplir sa mission sans être découvert. En vertu de la loi adoptée en 2015, rappelez-vous que l’application de mesures actives, qui empiètent sur les droits conférés par la Charte, exige une autorisation judiciaire. Dans ce genre de situation, on est loin des « contraintes minimes » associées à l’exercice du pouvoir du SCRS dont a fait mention le sénateur Gold. C’est un juge qui entend, évalue et autorise l’action; pas n’importe qui, car on parle d’un juge.

Aujourd’hui, le projet de loi C-59 devant vous restreint l’exercice de cette autorité. D’abord, un juge devra dorénavant être convaincu que les mesures proposées sont non seulement conformes à la Charte, mais qu’elles sont à la fois « raisonnables et proportionnelles ». Voilà deux qualificatifs flous et problématiques qui peuvent donner lieu à plusieurs interprétations judiciaires. Le projet de loi C-59, en fait,...

(1800)

Son Honneur le Président : Sénateur Dagenais, je m’excuse de vous interrompre, mais il est maintenant 18 heures.

[Traduction]

Comme le savent les honorables sénateurs, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je dois quitter le fauteuil à moins qu’il soit entendu que nous ne tiendrons pas compte de l’heure. Est-ce d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je vous remercie de ne pas avoir vu l’horloge.

Cependant, le projet de loi C-59 en fait tout de même une nouvelle exigence à laquelle le SCRS devra se soumettre. Croyez-vous sincèrement qu’il est logique de forcer nos services de sécurité à s’engager dans un tel débat au moment même où ils sont confrontés à une situation d’urgence?

Comme si ce n’était pas assez, le projet de loi C-59 impose aussi des limites aux mesures que l’on peut prendre pour interrompre une menace, même lorsqu’on dispose d’une autorisation judiciaire. Par exemple, le texte de loi stipule qu’on ne peut procéder à des traitements qui sont jugés, et je cite, « dégradants ».

Par exemple, certaines mesures qui impliquent une forme de détention seront interdites. Si des mesures risquent de causer la perte de biens ou des dommages importants à ceux-ci et que cela porte atteinte à la sécurité d’un individu, elles seront interdites. Que veut-on dire par le mot « mesures »? Il est loin d’être clairement défini. Mon collègue, le sénateur Gold, le sait sûrement, et vous devrez tous en tenir compte également maintenant que vous le savez. L’interprétation du mot « mesures », tout dépendant du juge qui sera appelé à trancher, pourrait être appliquée de manière très restrictive ou, plutôt, de manière très générale. Nous n’en avons aucune idée, mais nous allons créer ce type de difficulté en adoptant le projet de loi C-59 dans sa forme actuelle.

Ce projet de loi prévoit également d’autres restrictions, y compris l’exigence de consulter les autres ministères fédéraux pour déterminer leur capacité à réduire la menace, au lieu de s’en remettre au SCRS. Qui sera consulté? Comment sera-t-il consulté? Avec quelle rapidité? Quel sera le risque de tout compromettre par un partage d’information? Imaginons une salle d’urgence à l’hôpital, où le médecin doit d’abord transférer un patient blessé dans une clinique de coin de rue afin de voir si celui-ci ne pourrait pas être soigné par une infirmière plutôt que d’être sauvé par un spécialiste.

Cela s’appelle « perdre du temps ». Cependant, perdre un peu de temps lorsqu’on traite avec des terroristes peut entraîner de graves conséquences que le législateur ne semble pas envisager.

À mon avis, il ne fait aucun doute que l’ensemble de ces mesures érigeront un obstacle supplémentaire à l’interruption de la menace. Dans un contexte de sécurité, où les menaces peuvent surgir sans préavis, je dirais que nous avons tous ici l’obligation de donner à nos services de sécurité les moyens de répondre rapidement et efficacement.

Compte tenu de la position et du rôle du Canada sur l’échiquier mondial, le projet de loi C-59 m’apparaît tout à fait inacceptable. Quant aux aspects que je viens de décrire, les pays alliés reconnaissent la nécessité de disposer d’une marge de manœuvre pour lutter contre le terrorisme. En Australie, par exemple, l’organisme chargé de la sécurité et du renseignement est habilité à faire toutes sortes de choses, en vertu de mandats, afin de protéger la sécurité nationale, choses qui seraient autrement illégales. Au Royaume-Uni, les services de sécurité et de police peuvent arrêter les individus soupçonnés de planifier un attentat. Toute personne arrêtée en vertu de la Terrorism Act peut être détenue sans inculpation pendant 14 jours. Bref, certains de leurs pouvoirs sont beaucoup plus étendus que ceux dont jouissent actuellement le SCRS et la police au Canada.

Certains sénateurs d’en face trouvent peut-être qu’il est bon de restreindre ainsi les pouvoirs. Je regrette de vous le dire, mais c’est inacceptable. La lutte au terrorisme n’est pas un jeu de politiciens. Nos services de sécurité doivent pouvoir agir de façon préventive et non après coup, une fois la panique installée.

Je vous le dis, au risque de me répéter, c’est exactement ce qu’on nous demande de faire avec ce projet de loi. Ceux d’entre nous qui sont prêts à soutenir que l’affaiblissement des pouvoirs de nos organismes de sécurité se traduira par l’accroissement de leur rôle doivent ralentir leurs élans et écouter les experts.

En proposant un tel projet de loi, c’est comme si le gouvernement en poste affirmait qu’on ne peut plus faire confiance aux organismes actuels de surveillance et à nos services de sécurité canadiens et qu’il faut les soumettre à plus de restrictions. Si c’est le cas, qu’il le dise clairement, parce que le renforcement de la sécurité qu’il évoque n’est qu’un prétexte.

Honorables sénateurs, je suis préoccupé également par certaines des raisons invoquées pour justifier la création de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement et, par conséquent, du poste de commissaire au renseignement. Le sénateur Gold a affirmé que nos organismes fonctionnent en grande partie en vase clos et que ce travail représente un problème qui a de graves répercussions opérationnelles. Selon lui, la nouvelle structure, qui est prévue dans le projet de loi C-59, simplifiera la surveillance. C’est son opinion et je la respecte, mais ce n’est pas la mienne, et ce n’est certes pas une opinion que partagent entièrement ceux qui ont travaillé au sein de ces organismes.

Je regrette de lui dire que ce n’est pas ce que j’ai entendu et constaté dans les nombreux témoignages de ces dirigeants qui ont témoigné devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, auquel je siège depuis six ans. Lorsque Richard Fadden, ancien directeur du SCRS et conseiller du premier ministre à la sécurité nationale, a témoigné à l’autre endroit à ce propos, il a dit ce qui suit, et je le cite :

Le nouveau comité des parlementaires, le nouveau CSARS, le commissaire et la Cour fédérale, tout cela mis ensemble met un poids non négligeable sur les institutions gouvernementales.

Lorsque je suis allé au SCRS, j’ai été vraiment surpris de voir que la plupart des demandes devant la Cour fédérale comptent quelque 150 pages, même les plus petites demandes. Je ne dis pas qu’on demande trop de choses dans un cas particulier, mais que cela requiert beaucoup de ressources.

M. Fadden s’est dit préoccupé également par le rôle que le projet de loi C-59 propose de confier au nouveau commissaire au renseignement. En effet, le projet de loi confère au commissaire, et non au ministre, la décision finale au sujet d’un certain nombre d’activités menées par le CSTC et le SCRS. Selon M. Fadden, et je cite :

[...] assurément le « caractère raisonnable » devrait s’inscrire dans les responsabilités des ministres et des fonctionnaires qui relèvent d’eux.

Il poursuit en disant ceci :

Selon les dispositions proposées actuellement, ce sont les agences, le ministère de la Sécurité publique, le ministère de la Justice, le ministre et un représentant nommé, qui peut ne rien savoir de la sécurité nationale, qui détermineront en fin de compte s’ils peuvent aller de l’avant pour ces diverses activités.

Je le répète, il ne peut rien savoir de la sécurité nationale. Ces déclarations montrent qu’il existe chez ceux qui ont travaillé au sein de nos organismes de sécurité de réelles inquiétudes au sujet des répercussions potentielles qu’aura la présence d’un grand nombre d’organismes d’examen sur l’efficacité de notre système de sécurité.

Lorsque je constate qu’on souhaite créer l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement tout en maintenant en place les structures actuelles, je ne peux faire autrement que de me poser la question suivante :

[Traduction]

Qui ne fait pas confiance à qui dans le système?

[Français]

Regardez bien ceci. Les actions de nos services de sécurité sont-elles déjà sujettes à l’approbation d’un juge? Les actions, qu’elles soient prises par le SCRS ou la GRC, sont soumises à l’examen de comités de surveillance compétents et expérimentés. Le Parlement et le Sénat sont dotés de comités devant lesquels chacun de ces groupes est appelé à rendre des comptes. J’ajoute que, de nos jours, même s’ils ne jouent pas de rôle officiel, les médias sociaux se sont établis comme étant des surveillants des actions des policiers ou, à tout le moins, comme des sonneurs d’alerte.

Le gouvernement actuel veut ajouter à tout ça l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement. Par cette loi, dois-je comprendre que le gouvernement est arrivé à la conclusion que ce sont des gens incompétents qui font le travail de surveillance? J’aimerais bien obtenir une réponse à cette question.

(1810)

Ma foi, arrêtons de structurer par-dessus nos structures. C’est de la folie pure, et cela ne fait que ralentir, pour ne pas dire nuire à nos services de sécurité en ce qui a trait à la lutte au terrorisme.

Lorsque vous vous déclarez en faveur de la multiplication des strates de surveillance, cela laisse croire que vous êtes plus enclin à octroyer des droits aux criminels et aux terroristes qu’à vous préoccuper de la sécurité des honnêtes citoyens du Canada.

Le projet de loi C-59 ne fera que limiter la capacité du SCRS à déjouer les menaces terroristes. D’ailleurs, le 8 février dernier, le directeur de B’nai Brith Canada, Michael Mostyn, affirmait que ce projet de loi ne servait qu’à affaiblir la loi en matière de lutte au terrorisme.

En résumé, honorables sénateurs, un grand nombre d’articles proposés dans ce projet de loi devront faire l’objet d’un examen approfondi. J’ose espérer que vous serez plus attentifs aux témoignages des experts qu’aux intentions politiques douteuses ou sans fondement devant certaines réalités en matière de lutte au terrorisme. Le Canada doit demeurer un pays sécuritaire, mais, pour atteindre cet objectif, il doit s’en donner les moyens.

Le comité sénatorial qui étudiera ce projet de loi doit se voir accorder une période de temps suffisante afin d’examiner adéquatement les conséquences du projet de loi C-59. C’est le moins qu’on puisse faire pour préserver la sécurité nationale des Canadiens et des Canadiennes au lieu de chercher à plaire au pouvoir politique.

[Traduction]

L’honorable Frances Lankin : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

[Français]

Le sénateur Dagenais : Avec tout le respect que je dois à mes honorables collègues, je crois que mon discours est exhaustif, et je ne répondrai à aucune question. Cependant, je peux vous assurer que je travaillerai avec ardeur au sein du Comité de la sécurité nationale et de la défense pendant l’examen du projet de loi. Je vous remercie.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Gold, avec l’appui de l’honorable sénatrice Moncion, propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Plett : Une heure.

Son Honneur le Président : S’il n’y a pas d’entente au sujet de la sonnerie d’appel au vote, elle retentira par défaut pendant une heure. Y a-t-il entente pour une durée autre que une heure?

Des voix : Oh, oh!

Son Honneur le Président : Le vote se tiendra dans une heure, c’est-à-dire à 19 h 13. Convoquez les sénateurs.

(1910)

La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois :

POUR
Les honorables sénateurs

Bellemare Harder
Bernard Hartling
Black (Ontario) Klyne
Boehm Lankin
Bovey Lovelace Nicholas
Brazeau Marwah
Busson Massicotte
Christmas McCallum
Cordy McPhedran
Cormier Mégie
Coyle Mercer
Dalphond Mitchell
Dasko Miville-Dechêne
Deacon (Nouvelle-Écosse) Moncion
Dean Munson
Downe Pate
Duffy Petitclerc
Dupuis Pratte
Dyck Ravalia
Forest Saint-Germain
Forest-Niesing Simons
Francis Sinclair
Gagné Verner
Galvez Wallin
Gold Wetston
Greene Woo—53
Griffin

CONTRE
Les honorables sénateurs

Andreychuk McInnis
Ataullahjan McIntyre
Batters Mockler
Beyak Neufeld
Boisvenu Ngo
Carignan Oh
Dagenais Plett
Doyle Poirier
Eaton Richards
Frum Seidman
Housakos Smith
MacDonald Stewart Olsen
Maltais Tannas
Manning Tkachuk
Marshall Wells—31
Martin

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun

(1920)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.)

[Français]

La Loi sur les pêches

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Christmas, appuyée par l’honorable sénatrice Deacon (Ontario), tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence.

L’honorable René Cormier : Honorables sénatrices et sénateurs, je m’adresse à vous aujourd’hui afin d’apporter mon appui au projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence. Je me réjouis de l’initiative du ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne de mettre en place une législation plus rigoureuse qui constitue un engagement important pour assurer la pérennité et le respect de nos ressources halieutiques.

[Traduction]

Comme bon nombre d’entre vous, je crois que ce projet de loi poursuit un objectif louable, puisqu’il vise à promouvoir la gestion et la surveillance judicieuses des pêches ainsi que la protection du poisson et de son habitat, notamment par la prévention de la pollution.

Je suis aussi ravi que le projet de loi procure aux peuples autochtones une meilleure reconnaissance de leurs droits et qu’il respecte leurs connaissances traditionnelles dans le domaine des pêches.

[Français]

En tant que sénateur de la péninsule acadienne au Nouveau-Brunswick, je suis évidemment sensible aux divers enjeux qui touchent l’industrie de la pêche dans ma région. Pour les communautés côtières de chez nous, particulièrement en milieu rural, le secteur de la pêche commerciale est central à leur développement économique et social. En plus d’être une industrie qui contribue de façon substantielle à l’accroissement de la richesse de certains de nos concitoyennes et concitoyens, elle est un véritable mode de vie de nos collectivités, et façonne notre culture et notre identité.

[Traduction]

En 2016, le Nouveau-Brunswick comptait près de 2 400 navires de pêche. Ils ont pêché 89 213 tonnes de poissons et de fruits de mer, ce qui a représenté 411 millions de dollars pour le Nouveau-Brunswick. Dans cette même province, les exportations du secteur des pêches ont dépassé 1 milliard de dollars.

Il n’est pas étonnant que les collectivités de notre région et de partout au pays qui vivent de la pêche réclament une gestion viable des stocks de poisson. Lorsqu’on protège les stocks de poisson et l’habitat du poisson, on accroît la stabilité et la viabilité de toute l’industrie de la pêche.

[Français]

Comme plusieurs d’entre vous l’ont affirmé dans cette Chambre, plus que jamais, l’économie et l’environnement vont de pair. À l’égard des enjeux environnementaux, de récents rapports, tel celui d’Oceana Canada, témoignent d’une tendance inquiétante au Canada en 2018 : sur 196 stocks de poissons évalués, seuls 69 sont considérés comme étant en santé, et 26 se retrouvent dans un état critique, ce qui représente 13 p. 100 des stocks de poissons évalués. De tous ces stocks en état critique, seuls trois d’entre eux faisaient l’objet d’un plan de rétablissement. Lorsqu’on prend connaissance de ces données, on ne peut qu’être favorable à un renforcement de la gestion durable des stocks canadiens.

Ces dernières semaines, j’ai consulté des représentants d’associations de pêcheurs de partout au pays qui m’ont confirmé leur appui et leur soulagement quant aux objectifs de ce projet de loi. Cependant, ils m’ont également fait part d’inquiétudes importantes qu’il me semble pertinent de partager avec vous.

Outre la durabilité des ressources halieutiques, le facteur humain est celui qui préoccupe le plus l’industrie des pêches. L’enjeu lié au contrôle de cette industrie par les pêcheurs indépendants et la question de la relève sont au centre de ces préoccupations que j’aborderai aujourd’hui.

De prime abord, il faut féliciter l’inclusion dans le projet de loi C-68 des protections liées à la Politique sur la préservation de l’indépendance de la flottille de pêche côtière dans l’Atlantique canadien. Mise en place en 2007, cette politique a comme objectifs de réaffirmer l’importance du maintien d’une flottille indépendante et rentable; de garantir que les privilèges découlant des permis de pêche profitent aux pêcheurs et aux collectivités côtières; d’aider les pêcheurs à conserver le contrôle de leurs entreprises de pêche; et, enfin, de renforcer l’application des politiques sur la séparation des flottilles et sur le propriétaire exploitant.

La Politique sur la séparation des flottilles empêche une entreprise de transformation de se procurer un permis de pêche pour un bateau côtier, alors que la Politique sur le propriétaire-exploitant oblige le titulaire de la licence de bateau côtier à se trouver à bord de celui-ci durant les activités de pêche. Ensemble, ces deux politiques tentent de prévenir l’intégration verticale des entreprises, c’est-à-dire la mainmise des grandes entreprises sur les bateaux et permis de pêche des pêcheurs indépendants.

Le projet de loi C-68 intègre ces politiques au moyen d’une série de dispositions. D’abord, l’objet du projet de loi inclut désormais un ensemble d’éléments que doit examiner le ministre lors de la prise de décision. Y sont intégrés les facteurs sociaux, économiques et culturels de la gestion des pêches, tout comme la préservation ou la promotion de l’indépendance des titulaires de licences et de permis dans le cadre des pêches commerciales.

De plus, le nouvel article 9 de la Loi sur les pêches permettra spécifiquement au ministre de suspendre et de révoquer le permis ou la licence d’un titulaire qui a conclu un accord contrevenant à cette loi. Le ministre serait également doté d’un pouvoir réglementaire à cet effet. Ce pouvoir préviendrait notamment la conclusion d’accords de contrôle, qui permettent à une société de transformation de contrôler le titulaire de permis.

Finalement, le nouvel article 43 de la Loi sur les pêches comprend divers pouvoirs réglementaires qui régissent notamment la gestion des pêches à des fins sociales, économiques et culturelles; le contrôle et l’utilisation des droits découlant des permis; et, enfin, les circonstances qui obligent les titulaires à se livrer personnellement à une activité autorisée.

[Traduction]

L’inclusion de ces politiques dans le projet de loi C-68 est une excellente nouvelle pour les associations de pêcheurs, qui réclament ce genre de protection depuis des dizaines d’années.

Chers collègues, n’oublions pas que les propriétaires-exploitants sont souvent des hommes et des femmes de notre entourage, des frères, des sœurs et des amis qui vivent principalement dans les collectivités côtières, qui travaillent fort tous les jours pour entretenir et exploiter leur bateau et qui sont les principaux fournisseurs de produits de la pêche au Canada. Leurs activités soutiennent des milliers d’emplois directs et indirects au pays.

Ces dispositions permettront de garder les revenus et les retombées de la pêche dans les collectivités canadiennes. On pourra ainsi protéger des milliers d’emplois et préserver l’expertise des pêcheurs canadiens et l’intégrité des pêches canadiennes.

[Français]

Le second enjeu important exprimé par la Fédération des pêcheurs indépendants du Canada dans son mémoire concerne la relève, et je cite :

L’obstacle le plus sérieux à une croissance future peut, par conséquent, constituer le facteur humain. Le secteur de la pêche fait face à une crise de la main-d’œuvre, causée par son vieillissement et le déclin de la population rurale. Les données de Statistiques Canada, visibles dans le système des déclarants et le recensement, indiquent que 40 à 50 p. 100 des titulaires de permis et de licence actuels dans les différentes régions prendront leur retraite de la pêche active d’ici à 2025. Il existe un besoin immédiat d’attirer et de conserver les membres d’une nouvelle génération de pêcheurs.

Alors que le projet de loi représentait une occasion favorable d’aborder ce défi de front, celui-ci demeure malheureusement silencieux à ce sujet.

[Traduction]

Comme l’ont souligné certains groupes de pêcheurs, en incluant dans le projet de loi C-68 des dispositions pour protéger les politiques concernant les propriétaires-exploitants et la séparation des flottilles, on contribuera probablement à stabiliser le secteur à court terme.

Cependant, si on veut viabiliser les pêches à long terme, il faut prévoir d’autres options pour appuyer la prochaine génération de pêcheurs et faciliter le transfert d’une entreprise familiale, afin d’aider les jeunes à entrer dans l’industrie.

[Français]

Ces aspirants pêcheurs font aujourd’hui face à d’importants défis financiers en raison du prix astronomique des permis et des licences de pêche. Selon les régions, un permis de pêche au homard qui valait, disons, 175 000 $ il y a cinq ans, pourrait valoir entre 600 000 $ et 1,2 million de dollars aujourd’hui. Par conséquent, il faut trouver des solutions pour que ces aspirants pêcheurs puissent accéder à des permis et concurrencer les grandes entreprises dans le transfert de permis, sans devoir s’endetter de centaines de milliers de dollars.

Il conviendrait peut-être aussi de revoir le mode de fonctionnement afin qu’un pêcheur puisse transmettre son permis à plusieurs de ses enfants qui souhaitent l’acquérir ensemble à un prix accessible, car ce n’est pas le cas à l’heure actuelle.

(1930)

Une autre appréhension exprimée par certains regroupements de pêcheurs est le manque de consultation et de transparence. Selon le gouvernement, la transparence est l’une des forces du projet de loi C-68, particulièrement dans la prise de décisions du ministre pour l’application de la loi. Or, le ministre des Pêches et des Océans possède déjà une vaste étendue de pouvoirs pour l’application de la Loi sur les pêches, et le projet de loi C-68 lui en octroie une panoplie d’autres, particulièrement en matière réglementaire. Certains groupes de pêcheurs sont préoccupés par ces pouvoirs, qui ne sont pas nécessairement assujettis à une obligation de consultation.

Nos pêcheurs pratiquent leur métier depuis des décennies. Ils transmettent leurs connaissances de génération en génération. Ils côtoient chaque jour toutes ces espèces que nous tentons de protéger par ce projet de loi. Ils connaissent leurs comportements et leurs habitudes. Ils sont les premiers à remarquer les changements ou les indices inquiétants qu’un stock est en péril. Nos pêcheurs constituent une importante source de connaissances des pratiques de la pêche, des cours d’eau, des habitats, des poissons et des fruits de mer. Le gouvernement doit profiter de ce savoir et les consulter aussi souvent que possible. Comme on le sait, quand il ne le fait pas de façon efficace, cela a un impact négatif pour tous. À titre d’exemple, rappelons-nous les mesures prises au printemps dernier afin de protéger la baleine noire à la suite des tristes décès en 2017. Les vives tensions et les demandes d’écoute répétées des groupes de pêcheurs, au printemps et à l’été dernier, illustrent la nécessité de favoriser une meilleure collaboration et un dialogue ouvert et continu entre toutes les parties dans la gestion des mesures à prendre.

Grâce aux consultations tenues cet automne, le climat semble heureusement plus propice à la collaboration. On peut espérer qu’il en résultera des mesures qui assureront la protection de cette espèce tout en minimisant les conséquences sur les activités commerciales des pêcheurs.

Alors que l’on pouvait espérer l’ajout de mécanismes de consultation en pareilles situations, ce n’est pas le cas dans le projet de loi C-68. Selon celui-ci, les mesures pour protéger les baleines noires, par exemple, auraient été prises en vertu des dispositions concernant les arrêtés de gestion des pêches. Or, ces dispositions ne mentionnent aucune consultation préalable. Dans tous les cas possibles, il est souhaitable, vous en conviendrez, que le ministre profite des connaissances des pêcheurs et qu’il les consulte avant l’instauration de mesures d’urgence et immédiatement après, afin de minimiser l’impact de celles-ci sur nos pêcheurs.

Une autre illustration de ce déficit possible de consultations se situe à l’article 21 du projet de loi C-68, qui crée les paragraphes 34.2(1) et 34.2(3) de la Loi sur les pêches. Cet article prévoit la mise en place de normes et de codes de conduite à respecter durant un projet. Ces normes visent à éviter la mort des poissons et la détérioration ou la destruction de leur habitat, et à prévenir la pollution. Ces normes et codes de conduite sont assujettis à la possibilité pour le ministre de consulter les gouvernements provinciaux, les corps dirigeants autochtones, les ministères, les organismes publics ou toute personne concernée. Cependant, on ne fait pas mention des associations, groupes ou représentants des pêcheurs, et la disposition n’est pas contraignante, ce qui semble étonnant au premier regard.

Aussi, j’appuie les groupes de pêcheurs qui espèrent obtenir des garanties qu’ils seront bel et bien consultés tant en amont qu’en aval dans la prise de décisions du ministre pour ce qui est de l’application de la loi, et ce, dans divers contextes tels que la prise d’arrêtés de gestion, la désignation de zones d’importance écologique, l’établissement de normes et de codes de conduite, et cetera.

[Traduction]

Je crois que le comité qui étudiera le projet de loi C-68 aura l’occasion d’examiner toutes ces questions soulevées par différents groupes, questions étroitement liées à la viabilité de l’industrie de la pêche et à la gestion viable de nos ressources.

J’aimerais conclure en soulignant l’objectif du projet de loi : trouver un juste équilibre entre le développement et la stabilité économiques, l’inclusion de tous les membres de la société canadienne et la protection de nos ressources et de l’environnement — notre environnement. Il s’agit d’un objectif ambitieux, mais celui-ci doit être au cœur de toutes nos décisions.

[Français]

Sans être parfait, le projet de loi C-68, sous sa forme actuelle, nous rapproche de cet impératif, et je vous invite tous et toutes à l’appuyer. Ensemble, sénateurs, nous pouvons faire en sorte que l’étude de ce projet de loi se fasse de façon fluide et dans les meilleurs délais, puisque le développement économique et social de l’ensemble de nos communautés côtières rurales dépend de cette industrie et de ce projet de loi.

À l’approche du temps des Fêtes, honorables collègues, quand vous serez assis avec vos familles et amis à déguster du homard, du crabe ou des fruits de mer de l’Atlantique, pensez à tous ces travailleurs de la mer, hommes et femmes, qui, dans des conditions parfois difficiles, prennent la mer pour exercer leur métier et contribuer à l’économie de notre province et de notre pays.

Sur ce, je vous remercie.

[Traduction]

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je parle aussi, aujourd’hui, du projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence.

Je tiens à souligner en partant à quel point il est important de protéger le poisson et son habitat. Comme nous le savons tous, l’industrie canadienne de la pêche — qu’on la pratique en haute mer ou à l’intérieur des terres — est passablement malmenée, et ses difficultés viennent autant des intérêts divergents des parties concernées que de menaces diverses, dont la pollution et la surpêche. La protection du poisson et de son habitat doit donc demeurer une priorité.

Je reproche toutefois à ce projet de loi son manque de détails et sa stratégie de mise en œuvre. Le projet de loi C-68 accorde au gouvernement et au ministre des Pêches et des Océans des pouvoirs qui leur permettent d’agir rapidement, mais aussi, dans bien des cas, de manière intrusive. Souvent, ces pouvoirs sont justifiés quand ils permettent au ministre d’intervenir lorsque survient une crise impossible à prévoir. Toutefois, le public, les parties concernées et les parlementaires ont le droit de comprendre l’étendue complète de ces pouvoirs, ainsi que l’usage qui en sera fait. Alors que c’est avant que la loi ne soit adoptée que ces détails doivent être connus, bon nombre d’entre eux ne seront définis que dans le règlement d’application, qui n’est pas encore rédigé.

Les représentants du secteur des ressources naturelles et du milieu agricole m’ont aussi fait part de leurs réserves. Comme d’autres l’ont dit avant moi, le projet de loi C-68 vise à annuler les changements qui ont été apportés à la Loi sur les pêches en 2012 par le projet de loi C-38. Jusque-là, cette loi interdisait globalement la destruction du poisson et de son habitat, mais elle a été restreinte de beaucoup à ce moment-là. Je vous lis la version de 2012 :

[...] Il est interdit d’exploiter un ouvrage ou une entreprise ou d’exercer une activité entraînant des dommages sérieux à tout poisson visé par une pêche commerciale, récréative ou autochtone, ou à tout poisson dont dépend une telle pêche.

Ces changements apportés en 2012 avaient pour but, non pas de diminuer la protection accordée aux poissons et à leur habitat mais, plutôt, de donner suite aux préoccupations clés visant une plus grande transparence et la diminution des retards administratifs.

Témoignant devant le Comité permanent des pêches et des océans à l’occasion de l’examen des changements apportés en 2012, M. Ron Bonnett, président de la Fédération canadienne de l’agriculture, a fait les commentaires suivants concernant la Loi sur les pêches d’avant 2012 :

Malheureusement, de nombreux agriculteurs n’ont pas eu une expérience positive de la Loi sur les pêches. En effet, leur expérience a été caractérisée par de longs délais relatifs aux demandes de permis et d’autorisation et par des responsables qui mettent l’accent sur les mesures d’application de la loi et de conformité [...]

De nombreux agriculteurs se sont donc sentis soulagés lorsque les changements apportés il y a quelques années seulement ont amélioré de façon spectaculaire la rapidité et le coût des activités d’entretien régulier et d’amélioration à la ferme tout en éliminant la menace d’être déclarés non conformes.

M. Bonnett poursuit en ces termes :

[...] On a également relevé de nombreux exemples d’incohérences dans les activités d’application de la loi, de surveillance et de conformité des différents organismes habilités au Canada, ce qui a suscité de la confusion et mené à l’adoption d’approches d’application de la loi et de mise en œuvre aveugles. Même à l’échelon individuel, les interprétations de la loi variaient selon le degré de connaissance de l’agriculture de chacun.

Avec le projet de loi C-68, le gouvernement propose d’abroger ces changements et de rétablir un régime semblable à celui qui était en vigueur avant 2012. Ainsi, le projet de loi C-68 propose de modifier le paragraphe 35(1) de la loi, qui se lirait comme suit :

Il est interdit d’exploiter un ouvrage ou une entreprise ou d’exercer une activité entraînant la détérioration, la destruction ou la perturbation de l’habitat du poisson.

Cela relève du principe qui consiste à ne pas détériorer, détruire ou perturber l’habitat du poisson.

(1940)

Un amendement adopté par le comité de l’autre endroit a également généré de grandes inquiétudes. Voici le paragraphe 2(2) modifié, c’est-à-dire la disposition sur l’« assimilation » du débit d’eau :

Pour l’application de la présente loi, sont assimilés à l’habitat la quantité, l’échelonnement dans le temps et la qualité du débit d’eau qui sont nécessaires à la durabilité des écosystèmes d’eau douce ou estuariens de cet habitat.

Comme l’a dit l’Ontario Power Generation, ce changement représente le plus important élargissement de cette définition depuis l’adoption de la loi il y a 145 ans.

Aux termes de cette nouvelle disposition, toute étendue d’eau, qu’elle soit naturelle ou artificielle, pourrait être considérée comme un habitat du poisson. Par conséquent, la portée et l’interprétation de la disposition ont généré de la peur et de l’anxiété chez les agriculteurs et d’autres personnes qui travaillent dans le secteur de l’exploitation des ressources.

Selon les Producteurs de grains du Canada :

Cette disposition d’« assimilation » pourrait interdire à un céréaliculteur de déplacer un fossé de drainage ou de remplir un réservoir qui n’est plus requis, même s’il n’a jamais contenu un seul poisson [...]

Elle pourrait obliger les producteurs à se soumettre à des processus pénibles et coûteux pour obtenir des permis afin d’apporter des changements qui n’auraient jamais eu de répercussion sur des poissons.

On prévoit que le projet de loi C-68 tel que modifié alourdira le fardeau réglementaire d’un secteur qui est déjà fortement réglementé. Permettez-moi de vous décrire la portée potentielle des modifications proposées dans le projet de loi C-68 en m’appuyant sur un exemple fourni dans un mémoire que la Canadian Cattlemen’s Association a soumis :

Un éleveur arrache une haie de buissons afin d’ériger une clôture sur un pâturage incliné.

Peu après la construction de la clôture, de fortes pluies causent une inondation qui emporte des débris et de la terre jusqu’à un ruisseau assez loin.

La combinaison de débris et de terre crée un barrage temporaire dans le ruisseau, et l’eau sort de son lit avant de le retrouver un peu plus loin.

La forte teneur en sédiments a aussi une incidence sur la qualité de l’eau.

Le débit d’eau est suffisant pour assurer la survie du poisson, alors il serait considéré comme un habitat du poisson, et il ne serait pas nécessaire de prouver que c’en est un.

Par conséquent, au titre du paragraphe 35(1), il serait interdit de modifier le débit d’eau.

Étant donné que cette situation était imprévisible, il était impossible d’obtenir une autorisation au préalable.

De nombreux agriculteurs de ma province, la Saskatchewan, m’ont personnellement fait part d’exemples semblables. Quand l’économie est déjà en difficulté et que le secteur des ressources naturelles et l’industrie agricole de ma province et des provinces voisines sont aux prises avec de graves problèmes, il s’agit d’un fardeau de trop dans la plupart des cas. Les gens se demandent pourquoi on a rétabli la portée élargie.

Parmi les principales préoccupations, certaines entreprises canadiennes ont dit craindre que le projet de loi C-68 rende le cadre réglementaire plus incertain. Des producteurs d’énergie canadiens ont dit craindre que des étendues d’eau artificielles, comme les bassins de refroidissement, les bassins de décantation et les canaux d’alimentation de l’industrie, puissent être considérées comme des habitats du poisson. D’autres ont soulevé des préoccupations à l’égard des changements coûteux qui pourraient être nécessaires pour que les centrales hydroélectriques répondent aux nouvelles exigences de la loi.

Le projet de loi C-68 propose d’autres modifications à la Loi sur les pêches afin de mettre en œuvre des mesures concernant la gestion des grands stocks de poisson. Afin de répondre aux préoccupations en matière de gestion des pêches, nous devons faire en sorte que tous les intervenants touchés comprennent ces changements.

J’ai écouté attentivement le sénateur Cormier. Puisqu’il a déjà parlé de la gestion des pêches, je ne vais pas revenir là-dessus. Il a parlé des problèmes concrets qui touchent la gestion des pêches et de ce qui pourrait arriver si le projet de loi C-68 était adopté tel quel.

Il y a d’autres questions qui vont au-delà des pouvoirs dont j’ai parlé, mais en fait de question inquiétante, il y a celle des vastes pouvoirs conférés au ministre des Pêches et des Océans. Comme je l’ai dit plus tôt dans mon intervention, ces pouvoirs sont peut-être nécessaires pour réagir à des crises imprévisibles où l’intervention du ministre s’impose. Toutefois, il est aussi nécessaire de savoir au préalable comment ils seront exercés. Si ces pouvoirs sont nécessaires, nous devons savoir pourquoi, et aussi comment ils seront gérés. Plutôt, beaucoup de choses devront être déterminées ultérieurement par des règlements encore non rédigés ou par des consultations encore non tenues.

Sénateurs, oui, je persiste à soulever cette question. Il semble que les projets de loi présentés par le gouvernement actuel reposent de moins en moins sur le contenu et de plus en plus sur le pouvoir discrétionnaire ministériel et la prise de règlements. Résultat : la participation des parlementaires et des citoyens concernés dans le façonnement des lois est entravée.

On nous demande d’analyser et d’adopter des projets de loi sans en comprendre complètement les effets potentiels. Je signale que le projet de loi C-68 contient des dispositions liées aux droits et à la consultation des peuples autochtones, et je remercie le sénateur qui le parraine d’avoir soulevé bon nombre des problèmes entourant la consultation. Encore une fois, je n’en parlerai pas davantage, car je crois que le sénateur Christmas a adéquatement énoncé les difficultés qui pourraient en découler. Il a également indiqué qu’il y a eu certaines consultations, mais que les consultations en bonne et due forme n’ont pas encore eu lieu.

Par exemple, le projet de loi C-68 crée une nouvelle obligation voulant que le ministre des Pêches et des Océans tienne compte des effets préjudiciables que sa décision peut avoir sur les droits des peuples autochtones reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Je remarque que le sénateur Christmas a soulevé des préoccupations au sujet des détails et de l’application de ces dispositions. J’ai fait partie du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles pendant de nombreuses années. À cette époque, nous avons étudié une disposition semblable à celle-ci. Une telle disposition ne garantit pas le respect des droits des peuples autochtones. Elle affirme simplement qu’ils existent. Ces droits ne sont pas décrits, et on ne les connaît pas encore, en particulier dans le contexte de ce projet de loi. On parle maintenant de décennies, et non plus de mois ou d’années.

De nouveau, on ne sait toujours pas comment ces dispositions touchant les droits des Autochtones seront mises en application. Cela n’a pas encore été déterminé. Le comité devra étudier attentivement le projet de loi C-68 pour veiller à ce qu’il tienne compte des besoins, des préoccupations et des droits des peuples autochtones inscrits dans la loi.

Enfin, j’aimerais faire quelques commentaires au sujet de la compétitivité. Dans le discours qu’il a prononcé à l’étape de la deuxième lecture, le sénateur Harder a déclaré ceci :

[...] l’objectif général du projet de loi C-68 consiste à trouver un juste milieu entre les considérations environnementales et les impératifs économiques tout en maintenant la confiance du public.

Compte tenu des inquiétudes exprimées par des entreprises, des groupes de l’industrie et des Autochtones, je me demande si, dans sa forme actuelle, le projet de loi permettra d’atteindre un tel équilibre.

Les représentants de l’industrie ont averti que l’alourdissement du fardeau réglementaire causé par le projet de loi C-68 pourrait ralentir les processus d’approbation et décourager les investisseurs de choisir des projets canadiens. Des préoccupations semblables ont été soulevées au sujet du manque de clarté du mécanisme propre aux projets désignés, qui est prévu dans le projet de loi C-68.

Enbridge a soulevé les questions suivantes dans un mémoire présenté au Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes :

Quels seraient les critères et les seuils établis pour les projets désignés aux termes de la loi?

Existe-t-il un lien entre la liste de projets désignés créée conformément au règlement d’application de la Loi sur les pêches et celle créée conformément au règlement d’application de la Loi sur l’évaluation d’impact?

De la même façon, le Conseil patronal de l’environnement du Québec a posé la question suivante :

Est-ce que l’autorisation délivrée pour un projet désigné englobera les activités quotidiennes subséquentes à la construction?

La loi accorde déjà des pouvoirs à cet effet, puisque le ministre peut désigner les ouvrages, les entreprises et les activités qui seront associés à un projet désigné.

(1950)

Pour que ce soit plus clair, des représentants de l’industrie ont demandé de pouvoir examiner les règlements en lien avec les projets désignés.

Le comité devra prendre en considération une question essentielle, à savoir si le projet de loi ajoute inutilement des couches de bureaucratie susceptibles de décourager les investissements et de freiner la croissance économique du Canada sans pour autant mieux protéger les poissons et leur habitat. Il est capital que le Sénat tienne des audiences complètes pour répondre aux questions et aux préoccupations soulevées par ceux qui sont touchés.

La principale question tourne autour de la nécessité de trouver une façon, comme il a été mentionné ici, de protéger les poissons et leur habitat sans empiéter indûment sur les droits des agriculteurs, des entreprises, des Autochtones et d’autres.

Je trouve encourageant que le sénateur Harder, dans son allocution, ait indiqué que le gouvernement était disposé à améliorer le projet de loi. Plus particulièrement, je suis d’accord avec le sénateur Harder pour dire que toutes les mesures nécessaires devraient être prises pour alléger le processus d’obtention des approbations réglementaires de toute lourdeur bureaucratique. Toutefois, il reste un grand nombre de problèmes techniques de taille à régler dans le projet de loi C-68 ainsi que des points à préciser.

Je demeure mal à l’aise de voir qu’un grand nombre de choses dans le projet de loi C-68 dépendent de futures consultations, de mesures administratives, de la discrétion du ministre et de règlements qui n’existent pas encore.

Le comité devra sans doute examiner toutes ces questions essentielles que soulève le projet de loi C-68, mais il devra aussi aller plus loin, et se pencher sur la mise en œuvre pour éviter qu’elle ne crée pas un fardeau trop lourd pour les Canadiens, en cette période de grande fragilité économique et de grande vulnérabilité pour le poisson. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénateur Christmas propose, appuyé par l’honorable sénatrice Deacon, que ce projet de loi soit lu une deuxième fois. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que tous les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Plett : Quinze minutes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le vote aura lieu à 20 h 8. Convoquez les sénateurs.

(2010)

La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois :

POUR
Les honorables sénateurs

Bellemare Hartling
Bernard Klyne
Black (Ontario) LaBoucane-Benson
Boehm Lankin
Bovey Lovelace Nicholas
Busson McCallum
Christmas McPhedran
Cordy Mégie
Cormier Mercer
Coyle Mitchell
Dalphond Miville-Dechêne
Deacon (Nouvelle-Écosse) Moncion
Dean Munson
Downe Pate
Duffy Petitclerc
Dupuis Pratte
Dyck Richards
Forest Saint-Germain
Forest-Niesing Simons
Francis Sinclair
Gagné Verner
Galvez Wallin
Gold Wetston
Griffin Woo—49
Harder

CONTRE
Les honorables sénateurs

Andreychuk McInnis
Ataullahjan McIntyre
Batters Mockler
Beyak Neufeld
Boisvenu Ngo
Carignan Oh
Dagenais Patterson
Doyle Plett
Eaton Poirier
Frum Seidman
Housakos Smith
MacDonald Stewart Olsen
Maltais Tannas
Manning Tkachuk
Marshall Wells—31
Martin

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Ravalia White—2

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Christmas, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des pêches et des océans.)

Recours au Règlement

L’honorable Terry M. Mercer (leader adjoint des libéraux au Sénat) : J’invoque le Règlement, Votre Honneur. Au moment de l’appel au vote, le Président a demandé s’il y avait entente au sujet du moment de sa tenue. Les deux sénateurs voulaient que la sonnerie retentisse pendant 15 minutes. J’ai refusé et demandé qu’elle retentisse pendant 20 minutes.

On m’a dit par la suite qu’on ne m’avait pas entendu, ce qui est inhabituel pour moi. Sans qu’on le lui demande, le sénateur Tkachuk m’a dit qu’il m’avait entendu, ainsi que le sénateur Plett, la sénatrice Cordy et même le sénateur C. Deacon.

Je ne veux pas demander l’annulation du vote, mais simplement faire remarquer qu’aucun sénateur — lorsqu’il se lève et veut manifestement participer au débat au moment où le vote est demandé — ne devrait être ignoré par la personne siégeant au fauteuil.

Son Honneur le Président : Je remercie l’honorable sénateur Mercer d’avoir soulevé ce recours au Règlement. Cela donne à la présidence l’occasion d’expliquer davantage l’article 9-5 du Règlement, lequel prévoit que la sonnerie doit durer 60 minutes sauf si les whips du gouvernement et de l’opposition se sont mis d’accord sur une autre durée. Cet accord doit, bien sûr, recevoir le consentement unanime des honorables sénateurs. Si un sénateur s’oppose à la durée proposée, on revient à une sonnerie d’une heure.

Je rappelle aux honorables sénateurs qu’ils doivent s’assurer d’être bien entendus. En effet, dans ce cas-ci, je comprends que la personne qui occupait le fauteuil avait l’impression que les parties avaient convenu d’une sonnerie de 15 minutes et elle n’a entendu aucune objection à cette proposition.

(2020)

Projet de loi sur l’évaluation d’impact
Projet de loi sur la Régie canadienne de l’énergie
La Loi sur la protection de la navigation

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Mitchell, appuyée par l’honorable sénateur Pratte, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.

L’honorable Pamela Wallin : J’aimerais ajouter ma voix au débat sur le projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.

De nombreuses questions se posent quant à l’objet de ce projet de loi et aux conséquences qu’il aura. C’est même devenu une grande source d’inquiétude pour tout un secteur économique et pour les familles et les localités qui dépendent du secteur énergétique.

Je sais que ce n’est pas ce projet de loi qui est à l’origine de la crise qui secoue le secteur pétrolier, mais l’attitude d’Ottawa, certains de ses gestes, et ses intentions concernant la filière pétrolière ont créé énormément de frustration, de colère et de ressentiment chez les Canadiens, notamment dans mon coin de pays, et ils sentent qu’un immense fossé les sépare de ceux qui sont à la tête du pays.

Qu’on se comprenne bien : je ne suis pas en train de parler des mouvements prônant la séparation des provinces de l’Ouest ni de répéter les habituelles positions partisanes. À vrai dire, ce que je perçois est beaucoup plus troublant. J’ai l’impression que les Canadiens ont perdu confiance et sentent qu’on ne les respecte plus et qu’ils ne font plus partie des plans d’avenir du pays.

Bien sûr, dans un pays aussi vaste que le Canada, le vécu et la réalité de chacun varient énormément. À regarder le premier ministre Mulroney, la semaine dernière, rendre hommage avec autant d’éloquence à un ami cher et à un grand chef d’État, nous avons été nombreux à nous remémorer ses grandes et puissantes envolées. La citation qu’en a retrouvée le sénateur Tkachuk est directement venue me chercher :

« Nous sommes tous le reflet de notre environnement, a dit Mulroney, le jugement que nous appliquons aux problèmes qui se posent à nous a été formé par la réalité que nous avons vécue. »

Je vais vous faire part de ma propre réalité et de la perspective dans laquelle moi et les personnes que je représente au Sénat voyons le projet de loi C-69 et d’autres mesures législatives dont nous avons été saisis.

Nous reconnaissons tous sincèrement la nécessité de nous soucier de l’environnement. Toutefois, il m’est impossible de revenir à la maison à vélo le long du canal, de prendre les transports en commun ou de faire appel à Uber.

Voici comment les choses se passent dans mon cas: je prends l’avion pour me rendre à Toronto, où je change d’avion et prends un vol de trois heures et demie vers Regina ou Saskatoon. À l’aéroport m’attend ma voiture, qui est branchée. Je dois faire fonctionner le moteur 20 minutes avant de partir afin de ménager le moteur, puis j’entreprends un trajet de trois heures et demie jusque chez moi.

Comme il fait 20 ou 30 degrés sous zéro ces jours-ci, je branche ma voiture à la maison également, pour qu’elle démarre si je dois me rendre à l’épicerie ou au bureau de poste, qui est à 20 minutes de route, ou si j’ai besoin de voir un médecin, qui se trouve à trois heures et demie de chez moi.

La réalité, c’est que j’ai besoin de combustibles fossiles. C’est également le cas de ma localité. Nous en avons besoin pour chauffer nos maisons, pour que les agriculteurs puissent cultiver les aliments que nous consommerons et que nous exporterons, pour que les parents puissent se rendre au travail et pour que les équipes de hockey locales puissent aller dans d’autres petites villes pour affronter leurs équipes. Les voitures électriques ne sont pas utiles lorsqu’une personne est coincée dans une tempête de neige ou qu’elle se retrouve dans un fossé. Cependant, un réservoir rempli d’essence pourrait bien sauver une vie.

Ma localité a besoin des emplois et des revenus générés par les jeunes hommes et femmes faisant la navette vers l’Alberta ou ma province pour travailler dans l’industrie pétrolière. Nous avons besoin de leur force d’esprit et de leur éthique du travail.

Quand le premier ministre et d’autres personnes affirment que les travailleurs de la construction, notamment ceux qui participent à la construction de pipelines, sont une préoccupation sociale et qu’ils représentent une menace pour la sécurité des femmes et des familles, ils devraient peut-être prendre un moment pour réfléchir à ce qu’ils disent non seulement aux travailleurs du secteur de l’énergie et à leur famille, mais aussi à des personnes comme la mère seule qui a publié un message sur Facebook l’autre jour. Cette femme, qui travaille comme serveuse, a affirmé qu’elle pouvait nourrir ses enfants et payer leur équipement de hockey grâce aux pourboires de « ces hommes dont nous devrions avoir peur ».

Les mots comptent. Vos mots peuvent blesser et ils témoignent d’une profonde méconnaissance du fait que ces pilleurs potentiels sont des maris, des pères, des fils et des filles — dans mon cas, un neveu et de nombreux amis proches. Ce sont des gens qui ont des familles et qui travaillent fort. Leurs enfants font du sport. Ils sont animés d’un esprit communautaire. L’équipe de mon neveu espère travailler pendant la période de Noël même si cela veut dire ne pas rentrer chez eux parce que maintenant que le travail est aussi irrégulier, c’est encore plus pressant pour eux de pouvoir payer leur hypothèque.

Rien que la possibilité que le projet de loi c-69 soit adopté frappe durement les communautés. Les propos diffamatoires ont des conséquences plus profondes que vous ne pouvez l’imaginer. Cela montre le manque de compréhension concernant la façon dont beaucoup de Canadiens, surtout dans l’Ouest, sont obligés de subir les grandes distances, la réglementation coûteuse, le temps froid et un choix limité d’emplois.

Je tiens à vous rappeler d’autres décisions d’Ottawa qui heurtent ma région du monde pour que vous puissiez savoir dans quel contexte le projet de loi C-69 est accueilli. Il y a la taxe sur le carbone. Les petites entreprises et les agriculteurs sont doublement frappés à la fois en tant que clients et producteurs. Leur rendre leur argent n’aide pas vraiment les entreprises parce qu’elles sont trop petites pour avoir droit à une subvention. Cela n’aide pas non plus les producteurs parce qu’ils n’ont pas droit à un remboursement quand ils achètent des intrants agricoles ou quand ils expédient des produits vers les marchés. La Saskatchewan a déjà un plan de réduction du carbone. Ottawa ne l’aime tout simplement pas.

Le projet de loi C-48, un moratoire sur la circulation des pétroliers, est lui aussi vu comme une mesure qui cible et vient limiter encore davantage la capacité de l’Alberta d’acheminer son pétrole vers les marchés étrangers, ce qui se traduit par des pertes d’emplois.

Il y a ensuite le projet de loi C-68, dont il a été question un peu plus tôt, que la plupart d’entre nous aimeraient appuyer si ce n’était du fait qu’il prévoit l’éventuelle création d’habitats pour le poisson sur les terres agricoles et rurales. Les gens des Prairies savent ce que sont les sécheresses. Chez nous, l’eau est une ressource précieuse. Notre subsistance en dépend. J’habite sur la rive d’un lac. Je comprends. Nous allons à la pêche. Nous mangeons le poisson pêché. Par contre, l’agriculteur qui a un bourbier au milieu de son champ ou, encore, un fossé d’irrigation ou de drainage pour quand il y a trop de pluie ou pas assez, ne devrait pas avoir à s’assurer que des poissons peuvent y survivre. Nous avons là un autre exemple d’une réglementation qui va trop loin, et ce sont les agriculteurs qui font les frais du fardeau coûteux et inutile causé par ces règles qui ont un autre objectif légitime.

J’ai relevé le même genre de situation en parlant du projet de loi C-71 récemment. Le problème : la criminalité, les armes illégales et le carnage qui en découle dans les villes. Afin d’apaiser une partie de la population, on impose de nouvelles formalités et limites de transport et de nouveaux permis aux gens honnêtes pour qui un fusil est un outil et non une arme. Cela ne règle pas le problème dont nous reconnaissons l’existence.

Pensons au tollé entourant le fractionnement du revenu et l’inaptitude manifeste des autorités responsables à comprendre la situation des petites entreprises ou des exploitations agricoles où les conjoints et les membres de la famille travaillent, sans salaire ni reconnaissance, pour que l’affaire demeure à flot. Cette mesure fiscale mineure était considérée comme excessive, alors qu’on accorde volontiers de l’aide financière à GM ou Bombardier.

Il y a eu le fiasco d’Emplois d’été Canada, où on a refusé des fonds à certains groupes confessionnels et à des jeunes de milieux défavorisés désireux de fréquenter ou de travailler dans un camp de vacances.

Ce à quoi nous avons assisté au cours des deux dernières années a été perçu et ressenti comme un affront au Canada rural. Je ne suis pas naïve. Je suis consciente que le pays s’urbanise et que le fait de choisir la vie rurale entraîne des coûts et des conséquences. J’ai vécu dans de grandes villes et j’ai parcouru le monde. Je ne m’attends pas à trouver les commodités d’une grande ville dans chaque village, mais je m’attends à y trouver des soins de santé et un service de téléphonie cellulaire décents, et, surtout, je m’attends à un traitement juste et respectueux.

Les gouvernements doivent gouverner toutes les régions et il leur incombe de concilier des impératifs qui s’opposent. Il faut agir contre les changements climatiques, certes, mais il faut aussi être réalistes par rapport aux besoins énergétiques actuels.

Chaque année, nous avons la même discussion à propos de l’acheminement du grain et des légumineuses vers les marchés. Oui, à l’instar du pétrole et du gaz, plus de 65 000 producteurs de grain, qui nourrissent les Canadiens et le reste du monde, doivent acheminer leurs produits vers les marchés. Cette mesure législative est aussi tombée dans les griffes d’un autre projet de loi omnibus. À cause des délais, les producteurs ont eu du mal à payer leur hypothèque et leurs intrants.

La semaine dernière, au Comité de l’agriculture, nous avons appris que, en limitant la publicité indue destinée aux enfants, nous avons déclaré et classé le pain comme un aliment malsain, et ce, à un moment où on se fait dire que le panier d’épicerie des ménages augmentera de plus de 400 $ par année. Pourquoi? Parce que les fruits et les légumes deviennent de plus en plus chers du fait, entre autres, que les entreprises exploitant des serres se retirent de l’industrie des aliments sains au profit de la culture de la marijuana, qui est beaucoup plus lucrative.

La légalisation a exacerbé un autre problème : les services policiers en milieu rural. Les détachements de la GRC manquent désespérément de personnel et ils doivent patrouiller des centaines de kilomètres carrés. Nous ne devrions pas tolérer une situation où un appel au 911 demeure sans réponse — ou bien l’appelant se fait dire de verrouiller les portes et de se cacher parce qu’aucun agent de peut se rendre sur place.

Je suis sûre que certains sénateurs lèvent les yeux au ciel pendant que je raconte les expériences vécues par les habitants de ma région. Les politiques et les attitudes ont cependant des conséquences imprévues, ou peut-être prévues, et le projet de loi C-69 représente un autre message puissant en des temps difficiles.

(2030)

Oui, la plupart d’entre nous savons qu’il n’est pas question de la source de tous les maux. Ce n’est pas ce qui a empêché la construction de pipelines ou causé l’écart de prix, mais ses effets se font déjà sentir. Les investissements fuient le pays parce que rares sont ceux qui croient que des projets énergétiques parviendront à remplir tous les critères.

Il n’est donc pas surprenant que la ministre de l’Énergie et des Ressources de la Saskatchewan, Bronwyn Eyre, ait affirmé que le projet de loi C-69 est « une menace existentielle à notre compétitivité ». C’est l’économie du Canada, pas seulement celle de l’Alberta ou de la Saskatchewan, qui en souffrira.

Le projet de loi C-69 apporte différents changements d’envergure au processus d’évaluation d’impact. Il promet de réduire le délai des périodes d’évaluation, mais donne des pouvoirs discrétionnaires au ministre, ce qui ajoute au climat d’incertitude.

La liste à jour des projets qui sont ou non ciblés par le pouvoir discrétionnaire du ministre fait encore l’objet de débats, alors nous ne savons pas, pendant notre étude du projet de loi, quels projets figureront sur cette liste.

Une partie du libellé du projet de loi est mal définie. On peut y lire :

[...] le gouvernement du Canada, le ministre [...] doivent exercer leurs pouvoirs de manière à favoriser la durabilité [...]

Or, le terme « durabilité » n’est pas défini. Il n’y a pas de définition. Aussi, qu’entend-on par « l’interaction du sexe et du genre avec d’autres facteurs identitaires »?

On nous dit qu’il ne faut pas trop s’inquiéter des dispositions du projet de loi puisque, après son adoption, la réglementation viendra rassurer et informer les gens. Nous savons toutefois que, trop souvent, ce qui n’arrive pas à entrer par la grande porte du processus législatif se faufile par la petite porte de la réglementation.

Il n’est pas facile de déterminer où se situe le juste équilibre entre l’économie et l’environnement du pays. J’espère donc que plusieurs comités examineront attentivement ce projet de loi. J’admets toutefois que je préférerais, au point où nous en sommes, que les rédacteurs législatifs retournent à la case départ et s’efforcent de faire mieux.

Je reconnais volontiers que la loi actuelle pose problème, mais une erreur n’en répare pas une autre. Faisons les choses comme il se doit. Dans le contexte actuel, il m’est impossible d’appuyer le projet de loi C-69. C’est un enjeu trop important pour les gens de chez moi et pour ma région. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Pratte, appuyée par l’honorable sénatrice Coyle, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-71, Loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu.

L’honorable David Richards : Honorables sénateurs, je souhaite intervenir sur le projet de loi C-71 et la façon dont il me touche. Il s’agit d’observations personnelles sur ce projet de loi et sur les effets qu’ont eus les cartes de possession et d’acquisition sur les personnes que je connais et que j’aime. Je ne sais pas si d’autres sénateurs ont sur eux leur carte de possession et d’acquisition. La mienne se trouve dans mon portefeuille, et je sais ce que j’ai dû faire pour l’obtenir.

Après avoir chassé pendant 40 ans, je me suis fait dire que je devais suivre un cours parce que le monde dans lequel on vivait n’était plus sûr. On a dit la même chose à d’autres riverains, des hommes et des femmes qui vivaient en milieu rural, au Nouveau-Brunswick. Ainsi, pendant quatre semaines, on nous a enseigné des choses que nous connaissions déjà et on nous a montré à faire ce que nous avions toujours fait : porter un fusil, le charger, le démonter, puis l’assembler de nouveau.

Un homme assis à côté de moi était terriblement nerveux à l’idée de subir le test écrit, car, comme il était guide dans les forêts du Nouveau-Brunswick depuis 50 ans, il n’avait jamais appris à lire ni à écrire.

Les personnes qui ont élaboré les mesures législatives et qui ont préparé le test n’auraient jamais pu survivre une journée dans les bois, contrairement à l’homme en question. Toutefois, pour des raisons bidon de sécurité, il a dû subir ce test.

Un ami et moi avons demandé aux instructeurs si cet homme pouvait subir un examen oral au lieu d’un examen écrit, pour lui épargner l’humiliation, et ils ont accepté. Ses carabines représentaient pour lui son gagne-pain, et il n’a jamais entendu parler des gangs ou des voyous de Toronto.

Lorsque je vais chez Canadian Tire pour acheter mes balles de calibre 303 de 180 grains, je n’ai pas le droit de les manipuler ou même d’y toucher. Je dois attendre jusqu’à 30 minutes pour demander à un jeune de les prendre pour moi. Parfois, lorsque le jeune ne sait pas ce que c’est que des balles de calibre 303 de 180 grains, je dois les lui montrer, et il les prend, mais après avoir voulu prendre des balles de calibre 30-30 ou 308 ou encore des cartouches de fusil.

Ensuite, je dois le suivre comme un écolier jusqu’au comptoir, où une jeune fille, du même âge que le jeune homme, passe les balles à la caisse. Une fois que je lui ai montré mon permis de possession et d’acquisition, elle me les donne.

Parmi les 17 personnes avec qui j’ai suivi le cours en vue d’obtenir le permis de possession et d’acquisition, aucune n’avait déjà commis un crime et aucune n’en a commis par la suite. Ce n’étaient pas tous des hommes. Il y avait aussi des femmes, qui n’avaient jamais commis de crimes, elles non plus. Cependant, des crimes ont été commis à l’époque, et avant et après, par des personnes qui n’ont jamais subi l’examen ou qui n’y attacheraient aucune importance même si elles l’avaient suivi.

Il y a quelques années, mon fils m’a demandé d’aller à la chasse. Malheureusement, ma carte de possession avait expiré. Comme la plupart des gens, j’étais très occupé et j’avais oublié de la renouveler. « Oh, ai-je dit à John, je vais simplement en demander une autre. »

C’est alors que j’ai appris que le renouvellement prendrait 45 jours et que la saison de chasse serait alors terminée. Ils avaient dans leur dossier toute l’information dont ils pouvaient avoir besoin à mon sujet. Je n’avais jamais commis de crime, mais toute mon année de chasse a été ruinée par des gens qui ne sauront peut-être jamais que l’on chasse l’orignal ou le chevreuil pendant la saison du rut.

Cette totale fabrication bureaucratique n’est qu’un moyen de plus de viser ceux qui ne devraient pas l’être, car certains en sont arrivés à croire que les fusils sont mauvais, même s’ils sont manipulés par des gens honnêtes et décents.

La plupart du temps, ces mesures ciblent les hommes des régions rurales qui — et je le sais depuis longtemps — sont les gens les plus faciles à rappeler à l’ordre dans toute situation absurde. Mes amis des régions rurales sont ceux qui sont surveillés et catalogués s’ils utilisent une arme, se déplacent avec un fusil ou vont au travail. Certains veulent même les désigner comme dangereux avant qu’ils n’arrivent sur leur lieu de travail. S’il visait tout autre groupe, ce profilage ferait honte à cette Chambre et ébranlerait la nation.

Évidemment, on affirme que cette loi s’applique à tout le monde et que personne ne devrait s’en faire, qu’elle ne fait pas de tort, mais, d’une certaine façon, rien de cela n’est vrai. Seuls les gens respectueux des lois respectent la loi, et ce sont eux qui ont communiqué tous ces renseignements à des autorités qu’ils ne connaissent pas, parce que ce sont des gens loyaux. Ils croient en leur pays et l’aiment, même s’il les a trahis à de nombreuses reprises, s’il leur met des bâtons dans les roues et s’il les écarte du revers de la main.

Les gens respectueux des lois qui sont ciblés sont souvent des hommes et des femmes des régions rurales qui ont grandi avec une carabine et qui suivent la loi à la lettre. La plupart des gens qui se servent des armes à feu pour détruire la vie ne se soucient pas vraiment de cette loi, car ils ne subiront pas l’examen.

Cette loi représente une solution à un problème qui n’existe pas. Le problème qui, lui, existe ne peut être réglé par cette solution. Je respecte ceux qui appuient le projet de loi, le sénateur Cormier et le sénateur Gold, mais je suis en désaccord avec eux. Ce sera un gaspillage de temps et d’argent qui donnera une fausse impression de justice et de sécurité satisfaisant pour les gens des centres urbains.

Oui, je sais, les armes à feu tuent, mais c’est la volonté humaine qui guide l’arme, et aucune loi ou opinion n’a encore réussi à régler ce problème.

La plupart des crimes graves commis avec une arme à feu sont commis avec des armes non enregistrées à autorisation restreinte par des gens qui ne savent pas à quoi ressemble une carte d’acquisition et de possession, dans des villes comme Toronto, Vancouver et Montréal. C’est presque comme si, parce qu’il y a des accidents de la route sur la 401, le gouvernement, dans sa grande sagesse, avait décidé d’y mettre fin en révoquant les permis des conducteurs d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse, et de Chelmsford, au Nouveau-Brunswick.

Je sais que la police a la tâche parfois très difficile, voire terrible. Sept membres de ma famille élargie sont policiers. Ma sœur est juge et mon frère est procureur de la Couronne, mais neuf des 11 victimes de meurtre que je connais ont été tuées par d’autres moyens.

Je sais aussi que le fait d’avoir des fusils dans la maison a sauvé des vies durant les années 1980 lorsqu’un tueur en série courait dans ma ville. Il n’est jamais entré dans une maison où un jeune homme habitait et était capable de protéger sa famille. Il s’en prenait aux personnes sans défense et aux aînés. Depuis toujours, les meurtriers trouvent les moyens pour commettre leurs crimes.

(2040)

Je prends donc la parole au nom de quelques-unes des victimes de meurtre que je connais, dont le souvenir me hante depuis des années, et dont on semble faire abstraction dans ce débat. Je parle de la jeune Tara Prokosh, qui avait 14 ans, des deux sœurs Daughney, de M. Glendenning, du père Smith et de Mme Flam, tous deux des aînés, de la victime de M. Cunningham, de la mère et de la fille tuées par M. Black. Ces victimes ont été battues et poignardées, mais elles ont surtout été assassinées par des gens qui ont manqué à leurs obligations personnelles et sociales en perdant de vue l’essence même de leur humanité.

Peu importe le réconfort qu’il peut apporter, ce projet de loi est loin de remédier au problème en question.

L’honorable Marc Gold : Merci, sénateur, de votre discours et de votre témoignage touchant sur les personnes qui ont perdu la vie. Je tiens à vous poser des questions au sujet de certaines données. Saviez-vous que, l’année dernière, en 2017, 41 p. 100 des crimes violents déclarés, commis avec une arme à feu, mettaient en cause une carabine ou un fusil de chasse? Cela dépasse de plus de 10 p. 100 le taux de crimes violents mettant en cause des armes de poing. C’est la situation au Nouveau-Brunswick. Ce taux de 41 p. 100 mettant en cause des carabines ou des fusils de chasse est un niveau record pour Statistique Canada, qui recueille ces données depuis 2009.

Ma question est la suivante : ne diriez-vous pas que de meilleures vérifications des antécédents pourraient servir à réduire l’incidence des crimes violents mettant en cause des carabines et des fusils de chasse, au Nouveau-Brunswick et ailleurs?

Le sénateur Richards : Non, je ne suis pas d’accord. Selon moi, si une personne a décidé d’utiliser une carabine pour commettre un crime, elle trouvera toujours le moyen de s’en procurer une. Si une personne est animée de mauvais desseins, ce n’est pas la vérification de ses antécédents qui va l’empêcher de passer à l’acte.

Pour ce qui est des statistiques, je suis plutôt d’accord avec Mark Twain. Vous vous rappelez ce qu’il disait à propos des statistiques : « Il y a les mensonges, il y a les gros mensonges et il y a les statistiques. » Je suis plutôt d’accord. Je l’ai toujours été d’ailleurs. Les tendances ne représentent jamais une seule année, et il est impossible d’établir une tendance à partir d’une seule année.

Personnellement, je considère que c’est une bonne chose d’avoir un fusil quand on habite un coin reculé du Nouveau-Brunswick. Les gens qui habitent là y tiennent, de la même façon que j’y tenais moi aussi.

Je vous donne un exemple, si vous permettez. Nous sommes entourés d’ours, l’été. Ce n’est pas comme à Toronto — et j’allais dire comme à Ottawa, mais je sais qu’on en a déjà vu un ici. Quand je rentre chez moi, le soir, je fais le tour du terrain avec le projecteur pour être sûr qu’il n’y a pas d’ours, parce que je ne veux pas que les enfants tombent nez à nez avec l’un d’eux. L’autre jour, un conducteur a heurté un ourson, mais il ne s’est pas arrêté. Pas parce qu’il est insensible, mais parce qu’il craignait que la mère ne soit à proximité. Elle l’aurait tué.

Il s’agissait d’un Acadien qui arrivait du bas de la rivière. Nous sommes sortis et avons déplacé l’ours sur le bord de la route. Nous savions qu’il était en mauvais état. Ma carabine se trouvait à 10 minutes de là, mais je ne pouvais pas aller la chercher, puisqu’il m’était interdit de l’utiliser. Il a donc fallu attendre une heure avant l’arrivée d’un agent des services forestiers, durant laquelle l’ours a souffert et de formidables touristes qui n’avaient jamais vu un ours de leur vie se sont arrêtés pour prendre des photos. L’agent des services forestiers a éventuellement mis fin aux souffrances de l’animal. À mes yeux, toute l’affaire est complètement imbécile. Voilà ce qui est advenu des lois canadiennes sur les armes à feu.

Je suis content d’avoir des armes à feu à la maison. Les munitions se trouvent dans la pièce opposée. Je suis certain que personne n’y touchera, et je les utilise tous les ans.

L’honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, je vais ajouter ma voix au débat de ce soir. Je ne serai assurément pas aussi éloquent que le sénateur Richards et je n’ai pas tout son vécu. J’ai bien aimé son discours et je l’en remercie beaucoup.

Chers collègues, je tiens à prendre la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-71, Loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu. Je crois que nous sommes tous bien au courant que le débat entourant le contrôle des armes à feu ne date pas d’hier. Il dure depuis des décennies. Il est très polarisé et hautement politisé. Les militants et les intervenants des deux camps ont des opinions tranchées qu’ils défendent vigoureusement et qu’ils expriment avec des émotions puissantes.

C’est compréhensible. D’une part, nous avons des gens qui ont perdu des proches en raison d’un homicide ou d’un suicide dans lequel on a utilisé une arme à feu. Dans certains cas, des accidents terribles mettant en cause des armes à feu ont changé la vie de personnes innocentes à tout jamais.

Jeudi dernier, c’était le 29e anniversaire de cette sombre journée en 1989 où 14 jeunes femmes ont été assassinées à l’École Polytechnique. Ce fut une terrible tragédie, chers collègues, qui a profondément marqué les survivants, les familles et tout le pays.

D’autre part, nous avons d’honnêtes citoyens respectueux des lois propriétaires d’armes à feu qui sont profondément préoccupés par la violence liée aux armes à feu, mais qui craignent que le projet de loi rate complètement la cible. Plutôt que de s’attaquer au véritable problème, il promet des résultats qu’il ne peut produire. Pis encore, il fait douter de l’intégrité des propriétaires d’armes à feu, laissant entendre qu’ils sont coupables pour les pertes tragiques vécues par d’autres en raison de la criminalité liée aux armes à feu.

Il n’est pas difficile de comprendre que, quand on combine ces deux camps bien divisés et qu’on y ajoute un discours virulent, souvent contradictoire et portant à confusion, on se retrouve avec un débat qui jette de l’huile sur le feu au lieu de désamorcer la situation. C’est regrettable, mais telle est la réalité.

Même au Sénat, je suis conscient que certains sénateurs ne m’entendront pas vraiment aujourd’hui parce que je m’oppose au projet de loi. Soyons clairs. Nul ne remet en question la nécessité d’intervenir à l’égard de la criminalité liée aux armes à feu, ni ne banalise les pertes terribles vécues, ni ne suggère que rien ne doit être fait. La question est la suivante : qu’est-ce qui doit être fait?

Il est essentiel de bien réfléchir à la réponse à cette question, car si l’on néglige de le faire, non seulement de précieuses ressources seront gaspillées, mais des vies seront en danger. Il est important de trouver la bonne réponse.

Honorables collègues, on dit que de faire la même chose encore et encore tout en s’attendant à obtenir un résultat différent est une bonne définition de la folie. À mon avis, c’est exactement la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Pour une raison incompréhensible, le gouvernement libéral a décidé de présenter encore une fois un projet de loi sur le contrôle des armes à feu qui est basé sur une logique boiteuse et des données douteuses. Si les mesures législatives qui resserrent à l’infini le contrôle des armes à feu étaient efficaces, le soutien au sein de la population serait beaucoup plus vaste, particulièrement parmi les propriétaires d’armes à feu. Le fait est que la simple logique et les données probantes indiquent que ce n’est pas le cas. Le projet de loi ne renforcera pas la sécurité publique, il ne réduira pas les crimes commis avec des armes à feu et il ne sauvera pas de vies.

Au lieu d’avoir des effets positifs, la mesure législative va plutôt représenter un obstacle au progrès en donnant l’illusion que le gouvernement règle le problème, alors qu’il rate complètement la cible.

Vous vous souviendrez que la précédente tentative du gouvernement en matière de contrôle des armes à feu a échoué lamentablement. En 1993, les libéraux ont dit aux Canadiens que le registre fédéral des armes d’épaule coûterait environ 2 millions de dollars et qu’il réduirait la criminalité. Au moment où nous sommes parvenus à nous débarrasser du registre, les coûts étaient estimés à plus de 2 milliards de dollars. L’impact sur le taux de criminalité, lui, a été nul.

Ce que nous devrions avoir appris de cette expérience, c’est qu’il y a de graves conséquences à se lancer dans une expérimentation sociale sans fondement au nom d’une idéologie. Le gouvernement actuel ne semble toutefois pas avoir retenu cette leçon. En fait, le bilan du Parti libéral dans ce dossier est si terrible que le gouvernement libéral actuel s’est donné beaucoup de mal pour se distancier des politiques de son prédécesseur, en affirmant qu’il ne rétablirait jamais le registre des armes à feu.

(2050)

Or, nous voilà ici, aujourd’hui, à débattre de la même approche déjà discréditée voulant que sévir contre les propriétaires légitimes d’armes à feu puisse réduire la criminalité et forcer les membres de gangs à retourner dans leur cachette. C’est absurde.

Chers collègues, je vais vous donner un peu de contexte. Dans les années 1960, 1970 et 1980, la criminalité était à la hausse au Canada. C’était une époque tumultueuse pour bien des raisons. Il y avait beaucoup de troubles sociaux et d’insécurité économique. Toutefois, en 1991, les infractions au Code criminel ont atteint un record, mais elles sont à la baisse depuis.

Les homicides ont atteint leur sommet — 3,02 victimes pour 100 000 habitants — beaucoup plus tôt, en 1975. Ces niveaux n’ont jamais été atteints à nouveau et sont à la baisse depuis, tout comme la criminalité en général.

En 2013, le taux d’homicides a atteint son point le plus bas — 1,45 victime pour 100 000 habitants — en près de 50 ans. Il faut remonter à 1966 pour trouver un taux plus bas. Dans les quatre dernières années, ce taux a augmenté un peu. Aujourd’hui, les dernières données de Statistique Canada révèlent que le taux d’homicides au Canada est de 1,8 victime pour 100 000 habitants.

Les fluctuations de ce genre sont normales. Les chiffres augmentent et diminuent d’une année à l’autre mais, lorsqu’on regarde les tendances à long terme, on constate que la criminalité, les crimes violents, les crimes commis avec des armes à feu et les homicides continuent tous de diminuer. En fait, comparativement au point où il était il y a près de 40 ans, le taux d’homicides a été réduit pratiquement de moitié.

Certaines personnes, dont Ralph Goodale et notre bon ami le sénateur Pratte, aimeraient nous faire croire que le vent a tourné depuis quatre ans. Ils affirment que les taux de criminalité, qui sont à la baisse depuis plus de quatre décennies, ont soudainement changé de direction et qu’il faut donc adopter, en catastrophe, un projet de loi mal ficelé pour tenter de contrer ce changement inquiétant.

Voici ce qu’a dit le sénateur Pratte pendant son discours à propos du projet de loi C-71 :

Au cours des quatre dernières années, nous avons assisté à une augmentation des crimes commis avec une arme à feu au Canada. Certains diront — vous allez les entendre au cours des prochaines semaines — que cette augmentation ne veut pas dire grand-chose puisque, l’année où ces crimes ont commencé à augmenter, en 2013, leur nombre n’avait jamais été aussi bas. Ils accuseront même le gouvernement de manipuler les chiffres pour avoir des arguments en faveur de ce projet de loi. Toutefois, chers collègues, il n’y a pas de manipulation ici, seulement des faits étayés par les statistiques. Les chiffres et les rapports de police révèlent une inversion fort inquiétante de la tendance à la baisse qui avait commencé il y a plus de 20 ans.

Voilà. Selon notre collègue le sénateur Pratte, il semblerait que nous soyons au bord du précipice et qu’une seule chose nous retienne d’y tomber : l’adoption du projet de loi C-71.

Chers collègues, je dirais, respectueusement, que le sénateur Pratte et le ministre Goodale prennent quelques libertés avec les faits.

Je n’ai cependant pas besoin de réfuter l’affirmation du sénateur Pratte. Le professeur Pierre-Jérôme Bergeron, qui enseigne la statistique au département de mathématiques et de statistique de l’Université d’Ottawa, s’en est déjà chargé.

En mars dernier, dans un article de CBC News, M. Bergeron indiquait que la décision du gouvernement de choisir 2013 comme année de référence dénotait, dans le meilleur des cas, de la mauvaise foi et qu’elle était peut-être même malhonnête. Il a déclaré :

Ils ont évidemment choisi l’année au taux le plus bas afin d’en maximiser l’impact. L’année, en gros, qui permet de donner l’impression que le changement est particulièrement draconien [...] Dans ce cas-ci, je suis passablement certain qu’ils ont constaté que 2013 était l’année la moins importante et ils se sont dit : « Utilisons-la ».

Dans ce même article, on cite la criminologue de l’Université d’Ottawa Holly Johnson, qui se spécialise dans la méthodologie des mesures du crime et a supervisé des sondages sur la violence et le crime pour Statistique Canada et les Nations Unies. Voici ce qu’elle a dit :

Je ne comprends pas le motif ou le raisonnement derrière ce choix méthodologique. Il est toutefois certain que le fait de choisir le plus bas taux en plusieurs décennies porterait à croire qu’il existe une raison derrière ce geste, qu’on essaie de faire passer un message [...] Quelques années ne font pas une tendance.

En effet, chers collègues, en consultant les statistiques, vous découvrirez que la hausse pendant quatre ans des crimes commis avec une arme à feu s’accompagne d’une augmentation générale de la criminalité, comme l’indique l’Indice de la gravité de la criminalité de Statistique Canada. En regardant seulement les statistiques sur les homicides, vous serez peut-être inquiets; toutefois, en tenant compte du contexte, dans lequel la criminalité en général a augmenté, on peut conclure qu’un phénomène plus vaste est en cause et que réglementer encore plus les fusils ne réglera pas le problème.

Alors, que se passe-t-il? Pourquoi la criminalité a-t-elle constamment augmenté, et de beaucoup, durant les années 1960 et au début des années 1970, puis a commencé à chuter? Que s’est-il passé les dernières années qui causé une interruption dans cette baisse?

En 2005, Statistique Canada a décidé de se pencher sur la question et a publié une étude intitulée L’exploration des tendances de la criminalité au Canada, dans laquelle les tendances de la criminalité entre 1962 et 2003 sont examinées avec une attention particulière portée à la baisse de la criminalité tout au long des années 1990. On y mentionne qu’il y a eu d’importants reculs en ce qui touche les crimes contre les biens, les vols qualifiés, les homicides commis à l’aide d’armes à feu ainsi que les homicides dans leur ensemble. Les chercheurs n’ont pas trouvé une réponse qui explique tout. Ils ont remarqué que différents crimes sont influencés par différents facteurs.

Par exemple, les fluctuations économiques influaient sur les crimes motivés par l’argent. Le nombre de vols avait tendance à grimper les années où le taux d’inflation était plus élevé.

On a observé une forte corrélation entre certains crimes contre les biens, comme l’introduction par effraction, et les changements démographiques, particulièrement en ce qui a trait à l’âge de la population. En résumé, on a découvert que, plus les jeunes de 15 à 24 ans sont nombreux dans la population, plus les introductions par effraction sont fréquentes.

Il y a eu une autre découverte intéressante en ce qui concerne le taux d’homicides. Selon le modèle statistique, il y a une corrélation entre le taux d’homicides, le taux de chômage et le taux de consommation d’alcool par habitant, à tel point que la hausse ou la baisse du taux de chômage s’accompagnent respectivement d’une hausse ou d’une baisse du taux d’homicides. Le même genre de corrélation a été observé entre le taux de consommation d’alcool par habitant et le taux d’homicides.

Personne n’est en train de dire que ce sont les seuls facteurs qui ont une incidence sur le taux d’homicides. Il ne fait aucun doute qu’il existe d’autres facteurs, et ils seront mieux connus grâce à des travaux de recherche et d’observation. Cependant, il est évident que divers facteurs sociaux et économiques ont une incidence sur les différents types de crimes.

Cela m’amène à parler de la récente hausse de la criminalité en général, et du nombre de crimes liés aux armes à feu en particulier. Que se passe-t-il exactement?

Eh bien, il n’y a rien de bien mystérieux à cela. Au cours des dernières années, Statistique Canada a sonné l’alarme au sujet de la hausse considérable du nombre d’homicides et de crimes commis avec des armes à feu, qui est principalement causée par les gangs criminels et la violence des gangs. Il en a de nouveau parlé dans son plus récent rapport intitulé L’homicide au Canada, 2017. Publié il y a à peine deux semaines, il précise qu’après avoir diminué de 2009 à 2014, le taux d’homicides attribuables à des gangs a augmenté pendant trois années consécutives.

Ce taux a doublé depuis 2015, et il est maintenant à son niveau le plus élevé depuis que Statistique Canada a commencé à recueillir ces données en 2005. Les homicides attribuables à des gangs représentent maintenant le quart de tous les homicides commis au Canada.

En outre, Statistique Canada nous a répété maintes fois que, comparativement à d’autres types d’homicides, les homicides attribuables à des gangs impliquent plus souvent des armes à feu.

(2100)

Au Canada, parmi les homicides liés aux gangs, 78 p. 100 ont été commis au moyen d’une arme à feu, généralement une arme à poing, alors que la proportion est de 27 p. 100 pour les homicides qui ne sont pas liés à l’activité des gangs. Le problème est on ne peut plus évident. Il ne s’agit pas de propriétaires d’armes à feu respectueux de la loi. Il s’agit surtout de criminels et de gangs.

Lisez vous-mêmes le rapport de Statistique Canada. Vous verrez les données noir sur blanc :

Il est courant pour les auteurs présumés [d’homicide] et les victimes d’homicide d’avoir un passé criminel.

On souligne également qu’en 2017, les deux tiers des auteurs présumés d’homicide d’âge adulte avaient un casier judiciaire — les deux tiers —, et plus de la moitié des victimes d’homicide d’âge adulte avaient un casier judiciaire au Canada. Autrement dit, honorables sénateurs, le problème de la criminalité liée aux armes à feu se résume essentiellement à des criminels qui tuent d’autres criminels au moyen d’armes à feu.

Est-ce préoccupant? Oui, absolument, mais est-ce qu’adopter un projet de loi qui alourdit la réglementation pour les propriétaires d’armes à feu respectueux des lois va y changer quelque chose? Non. Les criminels se fichent des lois sur les armes à feu. Les membres des gangs qui préparent un meurtre ne se procurent pas une arme à feu dans un magasin. Certains sénateurs seront peut-être étonnés d’entendre que la plupart d’entre eux n’ont pas de permis. Une fois que les libéraux auront fait adopter la loi, ce qui se produira très certainement, les membres de gang qui portent une arme ne téléphoneront pas à leur contrôleur d’armes à feu pour obtenir l’autorisation de la transporter. Ils se moquent de verrouiller leur arme à double tour lorsqu’ils la transportent, et je doute fort qu’ils la déposent dans le coffre de la voiture.

Plus on en apprend sur la façon dont se passent vraiment les choses, plus on comprend l’absurdité de ce que propose le projet de loi. Il joue sur les émotions des Canadiens et il offre un réconfort factice à ceux qui n’aiment pas les armes à feu. Le projet de loi ne fait absolument rien de ce qu’il est censé accomplir.

Vous m’écoutez peut-être avec un certain scepticisme en pensant que le gouvernement libéral ne vante ce projet de loi que par souci de faire baisser les statistiques de la criminalité. Et bien, laissez-moi vous dire quelque chose, sénateurs. Ce projet de loi a été promis aux Canadiens lors des élections de 2015. À cette époque, les derniers chiffres sur les crimes commis à l’aide d’une arme à feu montraient que le taux d’homicide était à son plus bas niveau depuis près de 50 ans. Nous n’avions même pas atteint le pic de quatre ans. C’est le 25 novembre 2015 qu’ont été publiées les statistiques sur les homicides pour l’année 2014, un mois complet après l’arrivée des libéraux au pouvoir. Ces statistiques pour 2013-2014 faisaient même état du taux d’homicide le plus bas depuis 1966.

Ce que je veux dire par là, c’est que la détermination dont font preuve les libéraux pour rétablir le registre des armes à feu n’a rien à voir avec une augmentation des homicides ou des crimes commis à l’aide d’une arme à feu. Quand il s’agit du contrôle des armes, la hausse, la baisse ou la stabilité des chiffres ne les intéressent pas. Ils sont déterminés à imposer cette mesure législative inutile parce qu’ils jouent un jeu politique au lieu de s’occuper des vrais enjeux.

C’est tragique, mes amis. Les Canadiens sont manipulés et gavés de fausses informations pour susciter l’appui à l’égard de ce projet de loi.

Pour vous en donner un autre exemple, dans son discours prononcé à l’étape de la seconde lecture du projet de loi, le sénateur Pratte a déclaré ceci :

Selon des données fournies par Statistique Canada, au cours des 10 dernières années, pas moins de 169 homicides par balle ont été commis par des propriétaires d’armes à feu détenant un permis.

La sénatrice Coyle a répété cette information il y a quelques semaines. Or, on peut la répéter autant de fois que l’on veut, elle reste absolument fausse.

Les chiffres auxquels le sénateur Pratte faisait allusion ne portaient pas sur le nombre de personnes qui avaient commis un homicide, mais bien sur le nombre de personnes qui avaient été accusées ou qui pourraient être accusées d’homicide — 169 propriétaires d’arme à feu détenant un permis accusés ou pouvant être accusés d’homicide sur une période de 10 ans. On parle d’environ 17 propriétaires d’arme à feu détenant un permis par année sur plus de 2 millions.

En fait, le chiffre est encore moins élevé. Sur les 10 dernières années, en moyenne, 42 p. 100 des personnes accusées d’homicide ont été innocentées. Nous sommes donc rendus à 8 ou 9 personnes par année.

Ce n’est pas tout. Au bas du tableau utilisé par le sénateur Pratte, les chercheurs de Statistique Canada avaient ajouté une remarque. Voici ce qu’elle dit :

Compte tenu de la proportion élevée de victimes d’homicides commis au moyen d’une arme à feu pour lesquelles un accusé n’a pas été identifié et de la proportion relativement élevée de cas où le statut quant au permis d’arme à feu a été déclaré comme étant inconnu, les données liées à la détention d’un permis par l’accusé doivent être interprétées avec prudence.

En d’autres mots, il faut éviter de suivre l’exemple de notre ami le sénateur Pratte en tentant de s’appuyer sur ces chiffres. C’est aussi solide qu’un château de cartes.

Si on voulait vraiment monter un dossier contre les propriétaires d’armes à feu titulaires de permis, il faudrait jeter un œil au nombre de personnes qui sont accusées au titre de la Loi sur les armes à feu. Après tout, c’est cette loi que le projet de loi C-71 modifie.

Malheureusement, le dossier est plutôt mince dans ce cas-ci. En 2017, ce taux a atteint son niveau le plus bas depuis 2001 et est à la baisse depuis plus de 15 ans. Même le gouvernement fédéral admet sur le site web de Sécurité publique Canada ce qui suit :

La grande majorité des propriétaires d’armes de poing et d’autres armes à feu au Canada respectent les exigences, et la plupart des crimes liés aux armes à feu ne sont pas commis avec des armes à feu détenues légalement.

Honorables collègues, il n’y a tout simplement rien à reprocher aux propriétaires d’armes à feu titulaires de permis. Ce n’est que de la poudre aux yeux. Pour réduire le nombre d’homicides, il serait plus efficace de cibler les couteaux. De 2007 à 2016, il y a eu plus d’homicides commis au moyen de couteaux qu’au moyen d’armes à feu 7 années sur 10. L’utilisation de couteaux pour commettre des homicides est à la hausse depuis 1974 alors que le recours à des armes à feu suit une courbe descendante.

La vérité qui dérange, c’est que les couteaux représentent une plus grande menace que les armes à feu. En fait, les armes à feu sont loin d’être aussi souvent associées à des crimes violents qu’on pourrait le croire. En 2016, 265 555 crimes violents ont été signalés et, dans 97,3 p. 100 des cas, aucune arme à feu n’a été utilisée. Lorsqu’une arme à feu était en cause, il s’agissait d’une arme de poing dans 1,6 p. 100 des cas et une arme d’épaule dans 0,47 p. 100 des cas — moins d’un demi-point de pourcentage.

Si le contrôle des armes à feu était efficace, ce sont les armes d’épaule qui devraient être utilisées le plus souvent lors de la perpétration de crimes, et non les armes de poing, car, chers collègues, les armes de poing sont enregistrées au Canada depuis 1935. Apparemment, les criminels n’ont jamais reçu la note de service les informant qu’ils devaient enregistrer leurs armes et se conformer à tous les règlements sur les armes à feu.

Chers collègues, un certain nombre d’intervenants ont laissé entendre que, dans l’intérêt public, les propriétaires d’armes à feu respectueux des lois devraient être disposés à subir les légers inconvénients que le projet de loi C-71 pourrait leur causer. Sachez que si le projet de loi C-71 était le moindrement susceptible de contribuer au bien commun, les propriétaires d’armes à feu seraient tout à fait disposés à s’adapter à la situation. Le problème, c’est que rien ne nous permet de croire que ce projet de loi réduira les crimes commis avec des armes à feu. Toutefois, il pourrait avoir une incidence importante sur les propriétaires légitimes d’armes à feu.

J’aimerais maintenant décrire rapidement les cinq façons par lesquelles ce projet de loi aura une incidence sur les propriétaires légitimes d’armes à feu. Dans le livre intitulé The Bill C-71 Book, des propriétaires d’armes à feu exposent en détail ces conséquences.

Commençons par la révocation du permis. Si la vérification des antécédents couvre maintenant la vie entière d’une personne, certains propriétaires d’armes à feu pourraient perdre leur permis de possession et d’acquisition si une histoire depuis longtemps oubliée ressurgit. Même si leur dossier est demeuré vierge depuis qu’ils ont une arme à feu, un incident survenu il y a des dizaines années pourrait revenir les hanter et les empêcher d’obtenir un permis leur permettant d’avoir légalement une arme.

Vient ensuite la confiscation. Aux termes du projet de loi, de 10 000 à 15 000 armes à feu passeront des catégories « sans restriction » ou « à autorisation restreinte » à « prohibée ».

(2110)

Je vous rappelle que ces armes sont détenues et entreposées en toute légalité et qu’elles n’ont jamais servi à commettre le moindre crime. Elles ont été achetées en toute bonne foi et selon les modalités prévues par la loi. Elles seront pourtant reclassifiées dans la catégorie « armes prohibées », ce qui veut dire qu’elles pourraient être confisquées le jour où leur propriétaire mourra, sans que la famille ou la succession soit remboursée.

Passons maintenant à la criminalisation. Ce projet de loi pourrait faire des criminels d’environ 15 000 honnêtes citoyens le jour où leur arme à feu deviendra soudainement prohibée. Comme il n’existe aucun registre pour les armes à feu sans restriction, impossible de communiquer avec les propriétaires pour les aviser que leur arme est désormais prohibée. Certains propriétaires pourraient donc ignorer que leur arme à feu est illégale, jusqu’au jour où on viendra les arrêter et les inculper et où ils devront se défendre devant les tribunaux.

Le rôle des politiciens arrive au quatrième rang. Le projet de loi retire au gouvernement le pouvoir d’annuler les erreurs de classification de la GRC, ce qui revient à dire qu’il accorde énormément de pouvoir à la police. Les libéraux disent aux Canadiens qu’ils dépolitisent le dossier des armes à feu, mais dans les faits, ils retirent aux politiciens l’obligation de rendre des comptes. Si la décision de reclassifier une arme fait en sorte que des citoyens canadiens soient privés de leur propriété, les politiciens doivent avoir leur mot à dire.

Cinquièmement, parlons du suivi de l’enregistrement et des liens. Le projet de loi criminalise le fait d’acheter, de vendre ou de donner une arme à feu sans que le directeur de l’enregistrement des armes à feu de la GRC n’accorde son autorisation et n’attribue un numéro de référence. Les propriétaires d’armes à feu sans restriction doivent obtenir l’autorisation de vendre une carabine ou un fusil de chasse en donnant leur numéro de permis de possession et d’acquisition à la GRC. Même si on ne finalise pas une vente, la GRC doit en être avisée pour qu’elle puisse créer un registre des liens contenant le nom des personnes à qui les propriétaires d’armes à feu parlent au sujet de la cession d’une arme à feu.

Je sais que le gouvernement et le sénateur Pratte ont tenté de vous enfoncer dans le crâne qu’il ne s’agit pas d’un registre des armes à feu, mais ce l’est. Il n’est tout simplement pas centralisé pour l’instant.

Toutefois, les propriétaires d’armes à feu s’inquiètent parce qu’il pourrait le devenir en un clin d’œil. Ils soulignent que, au titre du projet de loi, les détaillants d’armes à feu doivent créer, gérer et conserver un registre des acheteurs d’armes à feu sans restriction détenant un permis et des armes à feu qu’ils ont achetées pendant au moins 20 ans. Ils vont tenir un registre au nom du gouvernement, et, si une entreprise ferme, elle doit remettre ses dossiers aux autorités. Quelle partie de cette disposition ne ressemble pas au fondement d’un registre, chers collègues?

On ne peut reprocher aux propriétaires d’armes à feu d’être inquiets. Malgré la promesse du gouvernement de ne pas créer de registre des armes d’épaule, et malgré le fait qu’une disposition insignifiante a été inscrite au projet de loi pour dire qu’il ne s’agit pas d’un registre, le gouvernement fédéral tient toujours à enregistrer toutes les carabines et les fusils de chasse des Canadiens respectueux des lois.

Comment savons-nous cela? Parce que le projet de loi C-71 ne fait pas que mettre en place tous les mécanismes pour la collecte des renseignements nécessaires à la tenue d’un registre, il donne aux gouvernements provinciaux, et dans l’immédiat au gouvernement du Québec, l’accès aux données qui avaient été saisies dans l’ancien registre des armes d’épaule. Même si la Cour suprême a affirmé que ces données pouvaient être détruites, le gouvernement libéral a choisi de les conserver.

D’un côté, ils affirment être contre l’instauration d’un registre et, de l’autre, ils dépoussièrent les données recueillies pour le défunt registre de leurs anciens collègues libéraux. Les propriétaires d’armes à feu ne se font donc pas d’illusions quant au respect de la promesse du gouvernement Trudeau de ne pas transformer les dossiers qui seront créés en un registre en bonne et due forme.

Chers collègues, je n’ai pas le temps de souligner tous les problèmes de ce projet de loi, mais il faut que j’en aborde un dernier.

Contrairement à toute logique, le projet de loi crée des procédures absurdes pour le transport des armes à feu à autorisation restreinte. C’est probablement la partie du projet de loi qui est la plus critiquée, celle concernant les autorisations de transport.

Ces autorisations ne sont pas une nouveauté. Elles sont déjà exigées pour transporter les armes à feu à autorisation restreinte à certains endroits. Par le passé, lorsqu’on recevait un permis de port d’armes pour une arme à feu à autorisation restreinte, celui-ci permettait de transporter l’arme à six endroits bien précis. Ces endroits étaient les suivants. Premièrement, à la maison et au champ de tir, en autant que ce soit dans la même province.

Deuxièmement, au poste de police ou au bureau du contrôleur des armes à feu, pour fins de vérification ou d’inscription, ou bien pour s’en défaire.

Troisièmement, chez un armurier pour des réparations ou dans un magasin d’armes pour la faire évaluer ou pour la vendre.

Quatrièmement, à une exposition d’armes à feu.

Cinquièmement, à un point frontalier, comme un poste frontalier ou un aéroport international.

Sixièmement, du lieu d’achat jusqu’à chez soi.

Le transport des armes à feu à autorisation restreinte à ces endroits et pour ces fins était autorisé par le permis de port d’armes, et le propriétaire de l’arme n’avait pas besoin d’obtenir une autorisation de transport distincte chaque fois qu’il se déplaçait avec son arme.

Il faut garder à l’esprit que, pour transporter une arme à feu, celle-ci devait être deux fois verrouillée, ce qui veut dire qu’il fallait y fixer un verrou d’arme et aussi la placer dans un contenant verrouillé.

Il ne s’agit pas de déposer une arme de poing dans la boîte à gants et de partir pour le champ de tir. Il s’agit de prendre des mesures de sécurité sérieuses afin de transporter légalement une arme à feu.

Les autorisations en vigueur fonctionnent parfaitement bien, mais, pour une raison que j’ignore, dans sa sagesse infinie, le gouvernement a décidé d’apporter des changements. En vertu du projet de loi C-71, un propriétaire légitime d’arme à feu pourra encore emporter son arme de poing chez lui après en avoir fait l’acquisition, et pourra l’apporter au champ de tir, puis la rapporter chez lui, pourvu que ce soit dans la même province. Cependant, s’il l’apporte à un champ de tir dans une autre province et qu’elle s’enraye, il ne peut même pas l’apporter chez l’armurier. Il doit d’abord communiquer avec le contrôleur provincial des armes à feu afin d’obtenir la permission.

Que diable cette mesure est-elle censée accomplir, et comment, exactement, réduit-elle la violence liée aux armes à feu? En fait, elle nuit à la sécurité relative aux armes à feu en faisant obstacle à la réparation et à l’entretien rapides des armes à feu.

Chers collègues, permettez-moi d’aborder brièvement une autre préoccupation à l’égard des armes à feu, soit le suicide. Le suicide est une chose horrible. Il enlève une personne aimée à ses proches à un moment où elle est la plus vulnérable et la plus impuissante. Cependant, si nous croyons qu’une réglementation accrue des armes à feu est la solution, nous ne trompons personne. Nous manquons également à notre devoir envers ceux qui ont désespérément besoin de notre aide au moment où ils en ont le plus besoin.

Je suis tout à fait d’accord sur ce qu’a dit la sénatrice McCallum dans son discours, soit que le problème du suicide demeurera entier avec ce projet de loi. Se contenter de réglementer l’accès aux armes à feu ne fera pas disparaître cette forme prévalente de violence armée.

Il est vrai que, en 1998, le ministère de la Justice a mené une étude sur cette question, et voici ce qu’il a dit :

La corrélation qu’on observe entre la disponibilité des armes à feu et le suicide en général […] n’est pas aussi solide qu’on pourrait s’y attendre. Au Canada, des comparaisons entre les provinces quant au nombre d’armes et au taux global des suicides n’ont révélé aucune corrélation entre le nombre d’armes entre les mains des particuliers et les taux de suicide des diverses régions […] En outre, le taux canadien des suicides par arme à feu a diminué sans qu’on observe une réduction semblable dans le taux de possession d’armes à feu.

Cette tendance se poursuit. Selon Statistique Canada, l’utilisation d’armes à feu pour commettre un suicide est en baisse constante depuis le tournant du siècle. En 2000, une personne sur cinq s’étant suicidée a utilisé une arme à feu. En 2016, ce nombre était passé à une sur six. Il n’existe tout simplement pas de corrélation entre la possession légale d’armes à feu et le taux de suicide.

Honorables sénateurs, en terminant, je tiens à répéter que si la sécurité publique est notre priorité, nous devons nous assurer de comprendre la situation et prendre des mesures pour nous attaquer au véritable problème. Or, le projet de loi du gouvernement rate lamentablement ces deux cibles. Comme des propriétaires d’armes à feu titulaires de permis l’ont souligné, le gouvernement n’a pas fourni un seul exemple pour démontrer comment le projet de loi C-71 pourrait prévenir les crimes violents ou mieux protéger la population.

(2120)

Pire encore, le bilan du gouvernement en matière de lutte contre la criminalité et de sécurité publique est lamentable. Avec le projet de loi C-75, il cherche à alléger les peines pour des crimes comme le gangstérisme, l’enlèvement d’enfant, la conduite avec facultés affaiblies causant des lésions corporelles, l’utilisation de la drogue du viol, l’encouragement au génocide, la participation aux activités d’un groupe terroriste, et bien d’autres encore. Pendant ce temps, le gouvernement accueille à bras ouverts les combattants du groupe État islamique qui reviennent au pays, en disant qu’ils peuvent être une voix extraordinairement puissante au Canada. C’est ce même gouvernement qui croit qu’on peut combattre la violence liée aux armes à feu en imposant plus de formalités aux honnêtes propriétaires d’arme à feu qui sont titulaires d’un permis et qui ont suivi un cours de sécurité.

Chers collègues, au cas où certains auraient des doutes, je signale que je ne vais pas appuyer le projet de loi. Vous n’en serez peut-être pas étonnés, chers collègues, mais j’ai été surpris de lire dans la Presse canadienne que, selon notre bon ami le sénateur Pratte, les sénateurs indépendants appuieront ce projet de loi. Il ajoute que les conservateurs s’y opposeront. J’ignore qui l’a désigné comme porte-parole, mais c’est ce que nous dit la Presse canadienne.

Je ne suis pas certain de savoir quand le sénateur Pratte a été nommé porte-parole du Groupe des sénateurs indépendants. Je pensais qu’être indépendant signifiait que vous décidiez vous-même de votre position. Je suis déconcerté de voir comment les sénateurs nommés par Trudeau ne peuvent pas voir qu’il est absurde de constamment affirmer qu’ils sont indépendants tout en votant régulièrement en bloc.

Honorables sénateurs, je vous recommande vivement d’examiner soigneusement ce projet de loi avant de l’appuyer. Il n’atteint pas ses objectifs, impose des fardeaux inutiles aux propriétaires d’armes à feu respectueux de la loi et mérite d’être rejeté. Merci.

L’honorable André Pratte : Le sénateur répondra-t-il à une question?

Le sénateur Plett : Eh bien, il se fait tard et nous avons d’autres articles au programme, mais oui, je vais répondre à une question.

Le sénateur Pratte : Tout d’abord, je tiens à remercier le sénateur de m’avoir cité. Je ne pense pas avoir jamais été cité aussi intensivement que ce soir.

Sénateur, vous avez parlé d’un rapport de Statistique Canada sur les homicides, paru en 2017. Ce rapport montre que les grandes villes du Canada souffrent d’un problème de gangs, mais ce n’est qu’une fraction du problème des armes à feu. J’aimerais obtenir votre avis sur les données suivantes, notamment sur le fait que le taux d’homicides dans les régions rurales du Canada a augmenté de 60 p. 100 en 2017 et que 66 p. 100 d’entre eux sont commis avec une arme d’épaule ou un fusil de chasse.

Sénateur, croyez-vous que c’est une hausse momentanée ou juste une variation normale que les gouvernements devraient ignorer? Je ne crois pas qu’il y ait de gouvernement qui accepterait d’ignorer de telles données, non seulement sur le Canada urbain, mais également sur le Canada rural, y compris le Manitoba.

Le sénateur Plett : Je crois, sénateur Pratte, que vous devriez inclure le nombre de crimes commis plutôt que de simplement donner l’exemple d’une augmentation momentanée. Si le nombre de crimes est passé de un à deux, il s’agit d’une augmentation de 100 p. 100.

Le sénateur Pratte : C’est une bonne réponse. Je n’ai pas les chiffres exacts sous les yeux, mais seulement les pourcentages. Si toutefois vous vous donnez la peine de vérifier, je crois que vous trouverez facilement les données pour le Manitoba. Je ne pense pas qu’il n’y aurait qu’un ou deux meurtres, mais même si c’était le cas, ce serait suffisant pour qu’un gouvernement intervienne.

Le sénateur Plett : Eh bien, nous pourrions peut-être proposer cette mesure législative au cours de la nouvelle année, faire des recherches et établir les chiffres exacts.

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Accepteriez-vous de répondre à une autre question, sénateur Plett?

Le sénateur Plett : Certainement.

La sénatrice Miville-Dechêne : La police fait état d’une augmentation de 66 p. 100 de femmes victimes de violence de la part de leur conjoint sur une période de huit ans. Puisque vous aimez les chiffres, cela fait 584 femmes victimes en 2016, donc plus de 500.

Ne trouvez-vous pas inquiétante cette énorme augmentation? Plus précisément, les vérifications plus approfondies des antécédents prévues par la loi seraient-elles utiles?

Le sénateur Plett : Vous avez des chiffres sur des crimes violents, mais, encore une fois, on ne dit pas combien d’entre eux ont été commis à l’aide d’une arme d’épaule.

Je ne conteste pas le fait que nous devrions réduire tous les crimes violents. Or, il y a plus de crimes violents commis à l’aide de couteaux qu’à l’aide d’armes à feu. Voilà ce que je veux dire. Je ne dis pas que nous ne devrions pas nous attacher à réduire les crimes violents. Nous devons certainement le faire.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je dirais que nous parlons de 584 femmes victimes de violence conjugale commise avec une arme à feu.

Le sénateur Plett : Ce n’est pas une question, c’est un commentaire.

L’honorable Frances Lankin : Je vous prie d’accepter mes excuses, sénateurs. Je sais qu’il est tard et que mon intervention est une surprise puisque je n’étais pas sur la liste. Cela dit, après avoir écouté les discours attentivement, je souhaite faire quelques observations. Je serai brève.

Je tiens à remercier le sénateur Richards, le sénateur Plett et les orateurs précédents d’avoir contribué aux discussions sur ce projet de loi. Je crois que la complexité de certains enjeux que les gouvernements tentent de résoudre nous laisse parfois perplexes.

Je vis dans une région rurale du Nord de l’Ontario. Les camps de chasse y sont nombreux, car ils font partie de la culture. Mon mari a une arme. Je n’en ai pas, mais mon mari en a une. De plus, la plupart de mes amis ont des armes et chassent. Je ne voudrais décidément pas voir les propriétaires d’armes d’épaule légales criminalisés ou discrédités.

J’en profite pour dire, honorables sénateurs, que je voterai en faveur de ce projet de loi à l’étape de la deuxième lecture parce que certains points importants doivent être examinés en comité. Je trouve plutôt étonnant de voir, ce soir, certains sénateurs voter constamment contre des mesures à l’étape de la deuxième lecture, c’est un phénomène nouveau.

Parmi les éléments qu’il faudra, selon moi, examiner en comité figure la violence familiale, un enjeu soulevé par la sénatrice Miville-Dechêne. J’aime bien la citation de Mark Twain. Bien que les statistiques fournissent des renseignements importants, nous savons tous, je crois, qu’il est possible de choisir seulement celles qui font notre affaire. C’est un piège qu’il faut éviter.

Je suis très chanceuse de siéger au Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel le projet de loi sera renvoyé, je crois. Il me tarde d’étudier la question plus en profondeur. À mon bureau, nous avons étudié des statistiques sur la violence familiale et la possession d’armes à feu. Durant un échange avec le sénateur Patterson, j’ai eu l’occasion de lui indiquer, pour les régions nordiques où il vit, le taux d’utilisation des armes à feu légales — quoiqu’il ait parfois dit qu’elles ne sont pas toujours enregistrées pour des raisons évidentes — dans les cas de violence familiale.

Nous nous sommes aussi penchés sur les rapports du contrôleur des armes à feu. Les sénateurs qui s’intéressent à la question savent que le contrôleur des armes à feu publie un rapport annuel, où il indique entre autres le nombre de personnes à qui on a refusé un permis de possession et d’acquisition d’arme à feu, de même que le nombre de personnes qui ont vu leur permis révoqué. On constate qu’au cours des 16 dernières années — je vais vérifier auprès de mon personnel pour confirmer qu’il ne s’agit pas d’une fausse comparaison par rapport à la période précédente —, il y a toujours deux fois plus de permis révoqués en raison de violence familiale. Le contrôleur des armes à feu doit établir la cause. Le nombre de personnes dont on a révoqué le permis est deux fois plus élevé que le nombre de personnes à qui ont a refusé de délivrer un permis.

Ce que cela me dit, à moi, c’est que les vérifications des antécédents que nous faisons ne sont pas suffisantes. Je comprends les arguments du sénateur Plett — et je crois que le sénateur Richards a évoqué les mêmes —, à savoir que les gens qui n’ont aucun antécédent de violence ni rien à se reprocher trouvent inquiétant qu’on veuille remonter plus loin que cinq ans en arrière. Je leur réponds que de nombreux Canadiens pensent exactement le contraire. Qu’il y ait deux fois plus de permis révoqués pour cause de violence familiale prouve que, pour le moment, les vérifications des antécédents ne donnent pas les résultats escomptés. J’admets cependant que les circonstances peuvent pousser certaines personnes à se comporter d’une manière que la vérification de leurs antécédents n’aurait jamais permis de prévoir.

(2130)

J’espère que nous prendrons le temps d’étudier cette question plus en profondeur. J’ai vécu en ville moi aussi. J’ai passé de nombreuses années à Toronto et j’ai été témoin de ce que font les armes à feu et les gangs. Je connais les deux côtés de la médaille. J’espère toutefois que nous prendrons le temps de bien étudier le tout et que, d’un côté comme de l’autre, nous éviterons les positions intransigeantes, car nous ne servirions les intérêts de personne : ni les nôtres, ni ceux des Canadiens, honnêtes propriétaires d’armes à feu ou victimes de violence commise au moyen d’une arme légale.

J’espère que le projet de loi franchira l’étape de la deuxième lecture et qu’il sera renvoyé au comité, qui pourra étudier les arguments de tout un chacun de manière plus pondérée. Je vous remercie.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Pratte, avec l’appui de l’honorable sénatrice Coyle, propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Plett : Une heure.

Son Honneur le Président : Le vote aura lieu à 22 h 31. Convoquez les sénateurs.

(2230)

La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois :

POUR
Les honorables sénateurs

Bellemare Harder
Bernard Hartling
Black (Ontario) Klyne
Boehm LaBoucane-Benson
Bovey Lankin
Busson Lovelace Nicholas
Cordy McCallum
Cormier McPhedran
Coyle Mégie
Dalphond Mercer
Dasko Mitchell
Deacon (Nouvelle-Écosse) Miville-Dechêne
Deacon (Ontario) Moncion
Dean Munson
Downe Omidvar
Duffy Pate
Dupuis Petitclerc
Dyck Pratte
Forest Ravalia
Forest-Niesing Saint-Germain
Francis Simons
Gagné Sinclair
Galvez Wallin
Gold Wetston
Griffin Woo—50

CONTRE
Les honorables sénateurs

Andreychuk McIntyre
Ataullahjan Mockler
Batters Neufeld
Beyak Ngo
Boisvenu Oh
Carignan Patterson
Dagenais Plett
Doyle Poirier
Eaton Richards
Frum Seidman
Housakos Smith
MacDonald Stewart Olsen
Maltais Tannas
Manning Tkachuk
Marshall Wells
Martin White—33
McInnis

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Pratte, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.)

(2240)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, y a-t-il confusion quant à savoir si cette motion vient d’être adoptée? Y a-t-il des sénateurs qui veulent donner des explications s’il y a confusion quant à l’adoption de la motion, à savoir que le projet de loi est renvoyé au Comité de la sécurité nationale et de la défense?

Des voix : D’accord.

[Français]

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 10 décembre 2018, propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mercredi 12 décembre 2018, à 14 h 15.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à autoriser la photographie et l’enregistrement vidéo de la cérémonie de la sanction royale

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 10 décembre 2018, propose :

Que des photographes et caméramans soient autorisés à avoir accès à la salle du Sénat pour photographier et enregistrer sur vidéo la prochaine cérémonie de la sanction royale, d’une manière qui perturbe le moins possible les travaux.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Projet de loi sur la Semaine de la gentillesse

Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Munson, appuyée par l’honorable sénateur Mercer, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-244, Loi instituant la Semaine de la gentillesse.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-244, Loi instituant la Semaine de la gentillesse, à l’étape de la troisième lecture. Je tiens à remercier encore une fois le sénateur Jim Munson d’avoir présenté ce projet de loi et d’inspirer un débat senti au Sénat.

En tant que porte-parole officielle pour ce projet de loi, j’aimerais vous faire part de différentes préoccupations et de quelques réflexions personnelles à son sujet.

D’abord, certains ont affirmé qu’il y avait déjà trop de jours et de semaines désignés dans notre calendrier. La Semaine de la gentillesse viendra s’ajouter au lot et lasser les gens, en plus de possiblement susciter l’apathie ou l’indifférence plutôt que la compassion et l’inspiration.

Le dédoublement constitue une autre préoccupation. Il existe déjà des mouvements locaux, nationaux et internationaux qui font la promotion des actes de gentillesse, par exemple la semaine des bonnes actions en Alberta et la semaine des véritables actes de compassion en Colombie-Britannique.

Si ce projet de loi obtient la sanction royale, j’espère que la future Semaine de la gentillesse, telle que proposée dans le projet de loi, viendra s’ajouter à ce qui existe déjà au pays et le bonifier, plutôt que d’y faire concurrence et d’écarter les traditions en leur faisant de l’ombre. Par contre, dans l’ensemble, j’appuie ce projet de loi qui encourage les actes de gentillesse et le bénévolat, dans la plus pure tradition canadienne.

Un exemple bien connu a refait surface sur Internet au cours des derniers mois : le documentaire de CBC sur l’opération Ruban jaune en 2001. Lorsque l’espace aérien de nos voisins du Sud a été paralysé peu après les attentats du 11 septembre 2001, les Canadiens se sont mobilisés pour accueillir 33 000 passagers de 239 vols en direction des États-Unis à 17 aéroports différents. Ce fut le cas en particulier à l’aéroport international de Gander, à Terre-Neuve-et-Labrador, premier aéroport nord-américain de l’itinéraire transatlantique, qui a accueilli 6 600 passagers et membres d’équipage à bord de 38 appareils.

La population de Gander comptait alors moins de 10 000 personnes. Malgré les ressources matérielles et humaines limitées de la petite ville, plus de la moitié de la population s’est précipitée à l’aéroport pour offrir son aide à de parfaits étrangers qui descendaient des avions. Les chauffeurs d’autobus, qui étaient en grève, ont déposé leurs pancartes pour transporter les milliers de voyageurs éperdus. Les pharmaciens ont travaillé jour et nuit pour fournir les médicaments d’ordonnance dont les passagers avaient besoin. Les habitants de la ville ont offert leur maison et leurs espaces communautaires pour loger tous les passagers. Des collectivités de partout au Canada, dont Gander, ont pris les moyens nécessaires pour loger et nourrir ces milliers de voyageurs pendant les jours qui ont suivi.

Il n’est pas étonnant que cet acte de gentillesse à l’échelle nationale fasse vibrer les cœurs de tous les Canadiens.

Sur une note plus personnelle, quand j’entends le mot « gentillesse », cela me rappelle l’héritage de compassion et d’amour altruiste que les Canadiens ont transmis aux gens d’origine coréenne dans le monde entier depuis que le premier missionnaire canadien a mis le pied en sol coréen en 1888, il y a 130 ans.

L’effet d’une telle gentillesse, c’est que la Corée du Sud est, depuis, devenue un généreux donateur en envoyant plus de 2 milliards de dollars en aide humanitaire aux pays les plus démunis. C’est un pays souverain qui envoie plus de missionnaires que le Canada, et qui est devancé à ce chapitre uniquement par les États-Unis.

J’ai été témoin récemment du phénomène « payez au suivant » à Montréal, dans une église coréenne appelée Hosanna. En plus d’envoyer des missionnaires, la communauté d’origine coréenne de Montréal, qui peut apprendre le français, s’est rendu compte que des missionnaires devaient être envoyés dans les pays francophones d’Afrique. Elle a donc orienté sa mission de manière à combler ce besoin, puisqu’elle est composée de Canadiens d’origine coréenne vivant au Québec. C’est un merveilleux exemple du concept « payez au suivant ».

C’est également l’année du 65e anniversaire de l’armistice de la guerre de Corée. Vous m’avez entendue parler plusieurs fois de l’incroyable service et sacrifice des Canadiens à la guerre de Corée, grâce auxquels je suis ici aujourd’hui.

Cette magnifique enceinte que nous allons bientôt devoir quitter — temporairement, mais au moins pendant une décennie — est ornée de tableaux qui nous rappellent cette histoire qui est la nôtre et ce que nous ont légué tous ceux qui ont servi leur pays et ont consenti des sacrifices pour que nous puissions jouir de la liberté qui est la nôtre aujourd’hui, ainsi que de possibilités de toutes sortes. C’est dans cet esprit de service et de générosité que j’appuie l’adoption de ce projet de loi.

Pour reprendre l’idée d’Ésope, aucun acte de gentillesse, même petit, n’est jamais perdu. En cette période d’espoir, de paix, de joie et de gentillesse, avec mon collègue, le parrain du projet de loi, le sénateur Jim Munson, j’invite tous les sénateurs à faire de même.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi lu pour la troisième fois, est adopté.)

Projet de loi concernant Guides du Canada

Projet de loi d’intérêt privé—Troisième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Terry M. Mercer (leader adjoint des libéraux au Sénat) propose que le projet de loi S-1002, Loi concernant Guides du Canada, soit lu pour la troisième fois.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je prendrai deux minutes pour expliquer l’amendement, qui a été transmis cet après-midi. Je ne le lirai pas une autre fois. Il se fait tard et il y a des fêtes en cours. Essentiellement, ce que ce...

(2250)

Son Honneur le Président : Sénateur Dalphond, vous devez proposer l’amendement. Ensuite, si vous désirez prendre la parole à son sujet, vous pourrez le faire.

Motion d’amendement

L’honorable Pierre J. Dalphond, conformément au préavis donné plus tôt aujourd’hui, propose :

Que le projet de loi S-1002, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié, à la page 8, par adjonction, après la ligne 16, de ce qui suit :

« 16.1 (1) Les administrateurs sont solidairement responsables, envers les employés de l’association, des dettes liées aux services que ceux-ci exécutent pour le compte de cette dernière pendant qu’ils exercent leur mandat, et ce jusqu’à concurrence de six mois de salaire.

(2) La responsabilité des administrateurs n’est engagée aux termes du paragraphe (1) que dans l’un ou l’autre des cas suivants :

a) l’exécution n’a pu satisfaire au montant accordé par jugement, à la suite d’une action en recouvrement de la créance intentée contre l’association dans les six mois suivant l’échéance;

b) l’existence de la créance est établie dans les six mois suivant la date du début des procédures de liquidation et de dissolution de l’association ou, si elle lui est antérieure, la date de sa dissolution;

c) l’existence de la créance est établie dans les six mois suivant une cession de biens ou une ordonnance de mise sous séquestre frappant l’association en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.

(3) La responsabilité des administrateurs n’est engagée aux termes du présent article que si l’action est intentée durant leur mandat ou dans les deux ans suivant la fin de celui-ci.

(4) Les administrateurs ne sont tenus que des sommes restant à recouvrer après l’exécution visée à l’alinéa (2)a).

(5) L’administrateur qui acquitte les dettes visées au paragraphe (1) dont l’existence est établie au cours d’une procédure soit de liquidation et de dissolution, soit de faillite, est subrogé dans les droits de priorité qu’aurait pu faire valoir l’employé et, si un jugement a été rendu :

a) au Québec, est subrogé dans les droits constatés par celui-ci;

b) ailleurs au Canada, a le droit d’en exiger la cession.

(6) L’administrateur qui acquitte une créance en vertu du présent article peut répéter les parts des administrateurs qui étaient également responsables. ».

— Honorables sénateurs, le but de la motion est très simple. Elle vise à accorder aux 175 employés de l’association Guides du Canada les mêmes protections qui sont offertes aux employés des autres sociétés sans but lucratif du Canada, comme la Société canadienne du cancer. L’amendement propose d’inclure dans le projet de loi une disposition qui s’applique à tous les organismes sans but lucratif qui sont constitués au titre de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif. L’amendement, rédigé par le bureau du greffier, a été approuvé par l’association des Guides du Canada. Je propose que l’amendement soit adopté.

L’honorable Terry M. Mercer (leader adjoint des libéraux au Sénat) : En tant que motionnaire, je ne vois aucun inconvénient à ce que cet amendement soit adopté.

L’honorable Ratna Omidvar : Je propose l’ajournement du débat à mon nom.

Son Honneur le Président : L’honorable sénatrice Omidvar, avec l’appui de l’honorable sénateur Gold, propose que la suite du débat soit ajournée à la prochaine séance du Sénat. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Des voix : Oh, oh!

Des voix : Maintenant.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, permettez-moi de répéter la décision que j’ai prise plus tôt. S’il n’y a pas d’entente sur une durée inférieure à une heure fixée par le gouvernement et l’opposition, la sonnerie retentira, par défaut, pendant une heure. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Des voix : Maintenant.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils d’accord pour voter maintenant?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous sommes saisis d’une motion d’ajournement. Certains sénateurs sont en faveur de la motion d’ajournement, tandis que d’autres s’y opposent. Les sénateurs sont d’accord pour voter maintenant.

La motion, mise aux voix, est adoptée :

POUR
Les honorables sénateurs

Bernard Klyne
Beyak LaBoucane-Benson
Black (Ontario) Lankin
Boehm McCallum
Bovey McPhedran
Busson Mégie
Dalphond Mercer
Dasko Miville-Dechêne
Deacon (Nouvelle-Écosse) Munson
Deacon (Ontario) Omidvar
Dupuis Pate
Forest-Niesing Petitclerc
Francis Pratte
Gagné Ravalia
Galvez Saint-Germain
Gold Simons
Griffin Sinclair
Hartling Woo—36

CONTRE
Les honorables sénateurs

Andreychuk McIntyre
Ataullahjan Mockler
Batters Neufeld
Boisvenu Ngo
Carignan Oh
Dagenais Patterson
Doyle Plett
Eaton Poirier
Frum Seidman
Harder Smith
MacDonald Stewart Olsen
Manning Tannas
Marshall Wells
Martin White—29
McInnis

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Bellemare Lovelace Nicholas
Cordy Mitchell
Cormier Moncion
Coyle Wallin—9
Downe

(2300)

La Loi de l’Eglise-unie du Canada

Projet de loi d’intérêt privé—Troisième lecture

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi S-1003, Loi modifiant la Loi de l’Eglise-unie du Canada, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, il s’agit d’un projet de loi d’intérêt privé qui modifie la structure de gouvernance d’origine de l’Église Unie du Canada, que le Parlement a établie par voie législative il y a 94 ans. Ces modifications permettent d’adapter cette structure de gouvernance au XXIe siècle, de manière à répondre aux besoins actuels de l’Église Unie du Canada.

L’Église Unie du Canada a été constituée en personne morale par une loi du Parlement en 1924. Le projet de loi en remodèle la structure de gouvernance pour améliorer le processus décisionnel, la reddition de comptes et la transparence, ce qui rendra l’église plus accessible et plus inclusive pour un plus grand nombre de Canadiens tout en assurant que sa vision et sa mission restent claires.

Le projet de loi S-1003 simplifie l’organisation de l’église en la faisant passer d’une structure décisionnelle à quatre consistoires, ou à quatre niveaux, à une structure à trois conseils. Le modèle à trois conseils est plus souple, plus viable et plus apte à soutenir l’objectif principal du ministère et la mission de l’église ainsi qu’à réduire les coûts administratifs.

Cette réorganisation aidera l’église à mettre l’accent sur sa mission, qui consiste à améliorer la vie des gens grâce à la foi et aux engagements moraux qui en découlent.

Je remercie le sénateur Patterson, qui est le porte-parole dans ce dossier, d’avoir appuyé ce projet de loi. Je remercie également le Comité des banques, qui a fait l’examen de ce projet de loi et qui a effectué l’étude article par article des amendements proposés.

Je vous invite tous, chers collègues, à adopter ce projet de loi aujourd’hui.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je tiens aussi à prendre la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-1003, Loi modifiant la Loi de l’Eglise-unie du Canada.

Comme je l’ai dit lors de mon intervention à l’étape de la deuxième lecture, ce projet de loi est nécessaire parce que l’Église Unie du Canada a changé considérablement depuis qu’elle a été créée par une loi du Parlement en 1924, qui a transféré des biens immobiliers et qui a uni les trois principales confessions protestantes évangéliques au Canada — les Églises congrégationalistes, l’Église méthodiste et l’Église presbytérienne — pour former la plus grande confession chrétienne au Canada après l’Église catholique. Après l’union, c’est en 1964 que l’Église Unie a compté le plus de membres, soit plus de 1 million.

Aujourd’hui, l’Église Unie, à l’instar d’autres églises, doit s’adapter aux fluctuations de la démographie, au vieillissement de la population et à la laïcité qui gagne du terrain.

La structure de gouvernance qui a été créée à l’époque reposait sur des ressources financières et bénévoles plus importantes. L’Église Unie elle-même a entrepris une démarche très démocratique s’échelonnant sur plusieurs années en vue de restructurer sa gouvernance pour lui permettre de consacrer davantage de ses précieuses ressources à ses activités mondiales et communautaires et à la promotion de sa foi.

La structure traditionnelle de l’Église Unie est passée de quatre à trois conseils. Le projet de loi fait passer la taille du Conseil général de l’église de 68 membres votants et membres correspondants à 18 membres au total, un nombre plus gérable. Une nouvelle façon de traiter les questions liées au personnel a été établie sous l’appellation de Bureau de la vocation. Ces tâches étaient auparavant confiées aux bénévoles des presbytères. Les sources de financement et les façons dont les fonds sont utilisés pour l’administration et la gouvernance et les travaux liés à la mission et au service seront dorénavant plus claires.

L’Église Unie a mené des consultations exhaustives, et les presbytères et les charges pastorales se sont prononcés presque à l’unanimité en faveur de ces changements majeurs.

Honorables sénateurs, le fait que l’Église Unie doive obtenir l’approbation du Parlement pour moderniser sa structure interne relève d’une anomalie historique. Il peut paraître surprenant que nous ayons à nous prononcer là-dessus, mais je dirais, en tout respect, que ce ne devrait pas être à nous de juger de la façon dont l’Église Unie a consulté ses membres avant de proposer les changements exposés dans le projet de loi.

Je crois que nous devons respecter ce que l’Église Unie a fait pour se moderniser et changer sa structure. On nous a dit que le processus avait été démocratique et que rien n’avait été laissé au hasard. Ne faisons donc pas obstacle à cette importante institution canadienne qu’est l’Église Unie du Canada et laissons-la moderniser sa structure de gouvernance et utiliser ses ressources de la meilleure manière possible afin qu’elle puisse poursuivre ses bonnes œuvres.

Je souligne, en outre, qu’il serait important de régler cette question avant la fin de l’année.

Pour toutes ces raisons, je recommande que ce projet de loi soit adopté à l’étape de la troisième lecture. Merci.

L’honorable Jim Munson : Votre Honneur, il se fait tard, mais, comme je suis le fils d’un ministre de l’Église Unie, je dis que nous devons faire ce qui s’impose et adopter ce projet de loi. Merci.

L’honorable Percy E. Downe : Je vais faire une brève précision. Je veux remercier le sénateur Harder et le sénateur Patterson de leur travail, mais il y a une chose importante à clarifier.

Dans ma jeunesse, j’ai fréquenté l’Église Unie, et nous étions méthodistes. Ce ne sont pas tous les presbytériens qui s’y sont joints — et c’est important de le savoir —, et certains seulement l’ont fait. Nous voyons encore des églises presbytériennes au Canada. Nous ne voyons plus d’églises méthodistes. C’est un point important. Comme je suis marié à une presbytérienne, je tenais à le préciser.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi lu pour la troisième fois, est adopté.)

L’ajournement

Rejet de la motion

L’honorable Donald Neil Plett propose :

Que la séance soit maintenant levée.

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Plett, avec l’appui de l’honorable sénateur Wells, propose que la séance soit maintenant levée. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Plett : Une heure.

Le sénateur Mitchell : Quinze minutes.

Son Honneur le Président : À l’ordre, s’il vous plaît.

Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Plett : Non. Une heure.

Son Honneur le Président : Le vote aura lieu à 0 h 9.

Convoquez les sénateurs.

(0010)

La motion, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Andreychuk Manning
Batters Martin
Boisvenu Moncion
Dagenais Neufeld
Deacon (Nouvelle-Écosse) Plett
Housakos Smith—13
Maltais

CONTRE
Les honorables sénateurs

Black (Ontario) Klyne
Bovey LaBoucane-Benson
Busson Lankin
Cormier McPhedran
Coyle Mégie
Dalphond Pate
Deacon (Ontario) Petitclerc
Dupuis Pratte
Forest Ravalia
Forest-Niesing Simons
Gagné Sinclair
Gold Woo—24

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Bernard Wells—3
Saint-Germain

(À 0 h 15, conformément à l’article 3-4 du Règlement, le Président clôt la séance et, en conséquence, le Sénat s’ajourne jusqu’au mercredi 12 décembre 2018 à 14 h 15. )

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