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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 13 - Témoignages du 13 mars 2012


OTTAWA, le mardi 13 mars 2012

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 h 4, pour examiner, afin d'en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole (sujet : pourquoi de saines relations commerciales sont-elles essentielles à un secteur agroalimentaire novateur?).

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs et sénatrices, je déclare la séance ouverte.

[Traduction]

Je vous souhaite la bienvenue à la présente réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je tiens à remercier les témoins d'avoir accepté notre invitation. Nous voulons entendre vos observations, vos opinions, vos recommandations et votre vision concernant l'agriculture.

Je suis le sénateur Mockler, du Nouveau-Brunswick, président du comité. Je demanderais maintenant à tous les sénateurs de se présenter.

Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Merchant : Je suis le sénateur Pana Merchant, de la Saskatchewan.

Le sénateur Campbell : Je suis le sénateur Larry Campbell, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Mahovlich : Je suis Frank Mahovlich, de l'Ontario.

Le sénateur Plett : Je suis Don Plett, du Manitoba.

Le sénateur Buth : Je suis JoAnne Buth, du Manitoba.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, Québec.

[Traduction]

Le sénateur Duffy : Mike Duffy, de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Eaton : Nicky Eaton, de l'Ontario.

[Français]

Le sénateur Rivard : Michel Rivard, Les Laurentides, Québec.

[Traduction]

Le président : Le comité poursuit son étude des efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole conformément à l'ordre de renvoi du Sénat du Canada, qui nous autorise à examiner les efforts de recherche et d'innovation en ce qui concerne le développement de nouveaux marchés domestiques et internationaux, le renforcement du développement durable de l'agriculture et l'amélioration de la diversité et de la sécurité alimentaires.

Nous nous concentrons aujourd'hui sur les raisons pour lesquelles de saines relations commerciales sont essentielles pour assurer un secteur agroalimentaire novateur.

[Français]

Nous accueillons aujourd'hui M. Jacques Pomerleau, président de Canada Porc International, ainsi que Mme Kathleen Sullivan, directrice exécutive de la Canadian Agri-Food Trade Alliance.

[Traduction]

Nous recevons également M. John M. Weekes, ancien ambassadeur du Canada auprès de l'OMC et négociateur en chef de l'ALENA, et M. Peter Clark, l'un des experts en commerce international les plus actifs au Canada.

[Français]

Madame et messieurs, nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation à comparaître.

[Traduction]

Nous vous demandons de faire votre exposé, puis les sénateurs vous poseront des questions. Le greffier m'informe, chers collègues, que M. Weekes sera le premier à prendre la parole, suivi de M. Clark, Mme Sullivan et M. Pomerleau.

John M. Weekes, à titre personnel : Merci beaucoup, monsieur le président. C'est un plaisir d'être ici cet après-midi.

La réponse à la question à l'étude aujourd'hui, à savoir pourquoi de saines relations commerciales sont essentielles à un secteur agroalimentaire novateur, repose d'abord et avant tout sur l'importance des marchés internationaux pour l'agriculture canadienne.

Je vais commencer par la perspective mondiale; comme nous le savons tous, la population mondiale augmente de façon marquée. On s'attend à ce qu'elle atteigne 9 milliards d'habitants d'ici 2050. Comme les revenus disponibles sont élevés dans les principaux pays développés, la richesse du potentiel de ce marché international augmente. Le Canada est l'un des rares pays dans le monde qui disposent de terres arables et de ressources en eau en quantités suffisantes pour pouvoir accroître sa production agricole.

Il est également juste de dire que la croissance future de l'agriculture canadienne dépend fortement des exportations. Il est indéniable que le marché canadien est petit comparativement au marché mondial. Prenons l'exemple du bœuf. La consommation de bœuf par habitant est en baisse au Canada depuis un certain temps. On exporte déjà environ 50 p. 100 de notre bœuf sous forme de viande et de bovins sur pied. Environ 85 p. 100 de ces exportations sont destinées aux États-Unis. Cependant, les possibilités sont grandissantes dans des marchés de haute valeur en Asie et en Europe.

Je pense qu'il est utile de souligner également que de plus en plus, les consommateurs dans le monde entier ne s'attardent pas qu'au prix; ils veulent obtenir des renseignements sur ce que l'aliment contient, d'où il vient et comment il a été fabriqué. Les détaillants canadiens réagissent dans ce contexte, à l'instar des marchés étrangers. Prenons par exemple Loblaws et son programme dans le cadre duquel il garantit qu'aucun additif hormonal ou antibiotique n'a été utilisé dans le processus de production de certains produits. Sobeys a mis sur pied un programme qui vise à indiquer l'origine des poissons et les responsables de Loblaws parlent d'en faire autant avec les produits du bœuf d'ici un an ou deux. Ce ne sont là que quelques exemples.

Pour offrir de telles garanties aux consommateurs, il faut un système de traçabilité efficace, c'est-à-dire un système qui nous permet de connaître l'origine d'un produit et de savoir comment il s'est retrouvé sur les tablettes de l'épicerie.

Je crois que les producteurs doivent avoir un environnement clair et un ensemble de règles ou de paramètres à suivre dans le cadre de leur planification. Il est important d'en tenir compte lorsque nous examinons les débouchés sur les marchés internationaux. Nous disposons actuellement d'un ensemble sans précédent de possibilités pour négocier des accords commerciaux internationaux. Le programme de négociations commerciales du gouvernement offre clairement d'importants avantages potentiels aux producteurs agricoles canadiens.

Les obstacles étrangers aux produits agricoles continuent d'être nombreux. Par exemple, en Corée, les droits de douane sur les produits du bœuf et du porc sont de 40 p. 100. Au Japon, ils sont de 38,5 p. 100. Il y a de nombreux obstacles de taille comparativement à ce que nous sommes habitués avec nos pays partenaires plus développés en Amérique du Nord.

Dans certains cas, d'autres pays nous devancent pour ce qui est d'éliminer les obstacles dans certains de ces principaux marchés. Par exemple, les États-Unis et l'Union européenne ont déjà un accord de libre-échange avec la Corée du Sud. Nous sommes toujours en pourparlers avec la Corée du Sud pour conclure un accord. Cela désavantage nettement les producteurs canadiens dans ce marché. De surcroît, la Nouvelle-Zélande a des accords de libre-échange avec le Japon et la Chine. La liste des marchés où nous risquons de prendre du retard est longue.

Je pense que les mesures que le gouvernement prendra pour négocier des accords commerciaux et améliorer les relations commerciales et économiques avec ses marchés prioritaires auront une grande incidence sur l'avenir du secteur agricole au Canada.

Je vais maintenant nommer quatre ou cinq exemples de marchés qui sont, à mon avis, prioritaires. Les États-Unis sont toujours notre principale priorité, mais ce marché n'est clairement plus suffisant. Les négociateurs et les ministres du gouvernement nous disent que nous sommes en passe d'achever d'importantes négociations en vue de conclure avec l'Union européenne un accord économique et commercial exhaustif qui nous donnerait un accès préférentiel à ce marché important pour nos produits agricoles et autres marchandises, ce qui constituerait un énorme pas en avant.

Nous avons la possibilité d'amorcer des négociations en vue de conclure un accord de libre-échange avec le Japon. Un rapport sur le sujet est affiché sur le site web du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international dans lequel on indique qu'il serait grandement dans l'intérêt du Canada de signer un accord avec le Japon. J'ai parlé de la Corée. Nous négocions actuellement avec la Corée, mais ces pourparlers sont au point mort depuis un certain temps. Le premier ministre se rendra là-bas à la fin du mois. Peut-être que les entretiens qu'il aura au cours de sa visite donneront des résultats.

Nous négocions avec l'Inde pour conclure un accord de libre-échange. Les pourparlers sont en cours. L'Inde est un important marché en développement.

Nous essayons de nous joindre aux négociations sur le partenariat transpacifique, qui pourrait être un accord très important entre les États-Unis, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, certains pays du Sud-Est asiatique et quelques pays d'Amérique latine. Il n'y a pas encore de poids lourds mis à part les États-Unis, mais ces derniers et d'autres partenaires qui prennent part aux négociations ont signalé qu'ils essaient de conclure cet accord pour s'en servir comme modèle pour d'autres ententes avec des partenaires de la région de l'Asie-Pacifique. Cela devrait être intéressant pour nous.

Nous ne sommes peut-être pas prêts à négocier un accord de libre-échange avec la Chine dès demain, mais ce ne sont pas les possibilités qui manquent pour améliorer nos relations commerciales et économiques avec ce pays de manière à en faire profiter les producteurs agricoles canadiens.

Je n'ai pas parlé de l'Organisation mondiale du commerce. Les négociations du cycle de Doha sont au point mort, mais je pense qu'il faut mentionner que l'OMC demeure importante. Elle joue un rôle déterminant dans le règlement des différends. Le Canada a eu gain de cause pour que l'on réglemente l'étiquetage indiquant le pays d'origine du bœuf en provenance des États-Unis et de la Corée. Par conséquent, le marché coréen a rouvert ses portes aux exportations de bœuf canadien depuis la crise de l'ESB au Canada en 2003.

L'OMC joue un rôle important pour imposer des mesures disciplinaires relativement aux subventions agricoles, qui ne peuvent pas vraiment être négociées de façon bilatérale. C'est un autre aspect important pour l'agriculture canadienne, tant pour les subventions nationales que pour les subventions à l'exportation. Il convient de souligner que c'est également cette organisation qui s'occupe des règles relatives aux produits s'appuyant sur la recherche scientifique.

J'ai noté que le comité se penche sur l'innovation et la recherche. Compte tenu de ce que je viens de dire, je pense que la majorité des investissements effectués dans la recherche viseront à accroître notre capacité d'exportation. Je pense qu'il est également clair que pour surmonter le type de nouveaux défis auxquels nous sommes confrontés dans les marchés mondiaux, il faudra investir dans l'innovation et la recherche. Nous devrions peut-être examiner des façons de collaborer avec nos partenaires étrangers pour partager le fardeau et trouver ensemble des moyens de surmonter ces obstacles.

Merci, monsieur le président.

Le président : Merci, monsieur Weekes.

Monsieur Clark, on vous écoute.

Peter Clark, à titre personnel : Merci, monsieur le président.

En tant qu'expert en commerce, je suis certainement d'accord avec M. Weekes sur un grand nombre de points qu'il a soulevés. Je ne désapprouve presque rien de ce qu'il a dit, étant donné que nous avons essentiellement fait les mêmes choses en début de carrière. À un moment donné, nous étions assis l'un à côté de l'autre à Genève.

En ce qui concerne le cycle de Doha pour l'OMC, j'expliquerais la situation en montrant le sketch du perroquet mort de Monty Python. C'est le cycle de Doha. On ne peut pas dire grand-chose de plus à ce sujet.

Pour ce qui est de la Chine, j'entamerais les pourparlers dès demain parce que ce sera un long processus. Je vais trop souvent en Chine. En un an, j'y suis allé sept fois. C'est vraiment trop, mais mes fréquents séjours me montrent que la Chine évolue rapidement. Les jeunes Chinois qui accèdent à des postes d'influence — pas assez rapidement — ne sont pas de la même engeance. Je suis sérieux. Ils sont très ouverts sur le monde. Bon nombre d'entre eux ont fréquenté des écoles à l'extérieur de la Chine. Si l'on discute tranquillement avec eux, sans trop de personnes, le dogme disparaît. Ils s'intéressent plus à savoir quand la Chine devancera les États-Unis. Ce ne sont pas des propos chauvins ou belliqueux. Ils veulent vraiment savoir où ils s'en vont.

Les Vietnamiens sont pareils. Ils sont derrière, mais ils adoptent la même approche.

Par conséquent, j'entamerais les pourparlers avec la Chine dès maintenant car ce sera long.

M. Weekes a raison de dire que d'autres pays ont conclu des accords avant nous. L'accord coréen avec les Américains pourrait potentiellement représenter un milliard de dollars en échanges commerciaux existants et potentiels dans le secteur de l'agriculture. Le porc constituerait la majeure partie de ces exportations. Mme Sullivan peut vous dire quels sont les autres. Nous venons de rétablir l'accès au bœuf, mais comment procéderons-nous?

Le 15 mars, nous avons appris que les Américains ont un avantage sur nous de 12 p. 100 sur les produits du porc destinés à la Corée, dont la marge bénéficiaire est très faible. C'est un énorme marché en pleine expansion. Leurs troupeaux ont été essentiellement ravagés par la fièvre aphteuse et ils n'arrivent pas à les reconstituer. Nous ne pouvons attendre plus longtemps avant de pénétrer ce marché.

Il en va de même pour le partenariat transpacifique. À mon avis, nous serons en meilleure posture si, lors de son séjour au Japon plus tard ce mois-ci, le premier ministre annonce de concert avec le premier ministre Noda que nous travaillons à établir un accord de partenariat entre le Canada et le Japon. C'est pareil avec la Corée. C'est dans ces marchés que les affaires se font.

Les États-Unis veulent que nous fassions partie du PTP, même s'ils n'ont pas besoin de nous, pour essayer d'améliorer quelques points qui leur ont échappé dans l'ALENA. Il n'y a pas de véritable accès aux marchés pour nous.

Je suis désolé, malgré tout le respect que j'ai pour les Néo-Zélandais, je dois dire qu'il y a 82 villes qui sont plus grandes que la Nouvelle-Zélande. Ils ne devraient pas régir le commerce mondial dans aucun domaine.

En ce qui concerne l'innovation, elle est créée au fil des ans. J'œuvre depuis longtemps dans le secteur de l'agriculture à l'intérieur et à l'extérieur du gouvernement et j'ai remarqué des choses en cours de route. Il y a une trentaine d'années, j'ai rencontré une femme philippine qui est maintenant mon épouse et son père était fermier. Nous nous sommes lancés, lui et moi, dans l'entreprise du porc aux Philippines. Quand je lui ai demandé où il se procurait ses animaux reproducteurs, il a répondu qu'il s'approvisionnait uniquement au Canada. Il a dit que c'était les meilleurs animaux reproducteurs au monde et ceux que les producteurs veulent avoir. La génétique est très importante.

J'ai pris part aux pourparlers à l'OMC lors du différend entourant l'étiquetage du pays d'origine. Je suis conseiller juridique auprès des producteurs de porc. En étudiant ce qui s'est produit au Manitoba, nous avons constaté que ces millions de porcelets que nous expédions aux États-Unis sont exportés parce qu'ils sont dotés d'une meilleure génétique.

Nous améliorons le porc que l'on sert.

Lors d'un autre différend à propos des subventions américaines pour les céréales, j'ai pris la parole à un souper annuel de l'association des producteurs de porc de l'Ontario. On m'a servi du porc un peu saignant. J'ai demandé si nous pouvions le manger et les producteurs m'ont expliqué pourquoi je pouvais le manger.

Nous réalisons des progrès et ce n'est pas le seul secteur où nous nous améliorons. Si l'on regarde la volaille, le poulet au Canada est en grande partie refroidi à l'air après l'abattage. Aux États-Unis, ils le refroidissent toujours à l'eau, ce qui signifie que le poulet contient entre 12 et 14 p. 100 d'eau. Ce n'est pas ce qu'il y a de mieux pour rehausser le goût. Nous avons mis au point cette technique. Si l'on regarde les statistiques sur les cas de salmonelle causés par la volaille au Canada et aux États-Unis, l'incidence est moindre ici parce que les producteurs ont l'argent pour prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que le poulet soit propre.

J'ai huit petits-enfants et je suis heureux qu'ils n'aient pas à ingérer des hormones dans le lait qu'ils consomment, comme c'est le cas aux États-Unis. Pour mes deux petits-enfants qui vivent aux États-Unis, leur père m'assure qu'ils ne boivent que du lait biologique.

Beaucoup ont été étonnés lorsqu'ils ont lu l'article dans le journal qui parlait de la grande quantité d'animaux que nous expédions en Chine pour leur génétique. Pourquoi les Chinois aiment-ils nos vaches? Parce qu'elles produisent beaucoup de lait et que ce sont de belles bêtes. Je ne ferai pas de plaisanteries; je vais laisser cela de côté.

Nous faisons le travail, mais nous devons avoir les marchés nécessaires. D'ici 2050, les besoins alimentaires mondiaux seront si grands qu'aucun pays n'imposera de droits de douane ni d'autres restrictions sur les produits agricoles et alimentaires, mais nous n'en sommes pas encore là. Nous devons vraiment en arriver là. Lorsque je vais à des réunions pour parler aux agriculteurs, généralement à propos de questions liées au commerce ou du perroquet de Monty Python, je suis impressionné de voir à quel point ils sont éduqués et d'apprendre ce qui les intéresse. Ceux qui se spécialisent dans l'élevage d'animaux et la génétique et ceux qui produisent des semences travaillent tous ensemble.

Ils ne collaborent malheureusement pas assez. Lorsque la collaboration est insuffisante, le gouvernement divise les parts et leur donne la moitié d'un pain.

En ce qui concerne la recherche, j'ai lu quelques-uns des rapports des comités antérieurs et j'ai remarqué que les critiques au sujet de la recherche étaient trop théoriques et n'étaient pas appliquées au marché. Je n'ai aucun argument pour réfuter ni pour corroborer cet état de fait.

Cependant, lorsque vous irez à Washington, je vous suggérerais de vous entretenir avec les responsables de l'Agriculture Research Service et les membres du comité sénatorial de l'agriculture. Ils seront si fiers de ce qu'ils ont fait aux États-Unis avec leurs organismes de concession de terres et leurs différents programmes. On peut voir chaque année quels secteurs ils ont financés.

J'avais une liste de cinq pages de différentes subventions, toutes octroyées pour des projets à la fine pointe de la technologie ou portant sur des enjeux d'actualité. Les sénateurs sont très fiers de ce qu'ils font. Ils préparent leurs études sur le marché et sur les problèmes. Les recherches ne peuvent pas être toutes menées sur des projets immédiatement commercialisables car il faut régler les problèmes.

Comme le sénateur Duffy s'en souviendra, j'ai défendu les producteurs de pommes de terre de l'Île-du-Prince- Édouard contre les viles attaques du sénateur Snowe, que Dieu la bénisse.

Le sénateur Duffy : De viles attaques.

M. Clark : De viles attaques, oui. On cherchait à contrôler les maladies, à les isoler et à les éradiquer. Les Américains y ont consacré beaucoup d'argent. Ils ont investi dans le développement de l'agriculture en Afghanistan et dans des marchés émergents.

L'un des marchés émergents à qui ils octroient de l'argent au titre du financement du crédit à l'exportation, c'est la Corée, à qui ils accordent 750 millions de dollars.

Je pense que j'ai dépassé mon temps de parole. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Madame Sullivan?

Kathleen Sullivan, directrice exécutive, Alliance canadienne du commerce agroalimentaire : Merci beaucoup. Je m'appelle Kathleen Sullivan et je suis directrice générale de l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire. C'est un plaisir d'être ici aujourd'hui.

L'ACCAA est une coalition qui représente la communauté agricole du Canada — agriculteurs, transformateurs et exportateurs —, même si nous représentons principalement les agriculteurs qui exportent leurs aliments. Nous comptons parmi nos membres le Conseil canadien du porc, la Canadian Cattlemen's Association, le Conseil canadien du canola et les Producteurs de grains du Canada. Je représente essentiellement les secteurs du bœuf, du porc, des céréales et des oléagineux, nos produits agricoles les plus exportés au Canada.

L'ACCAA a été créée il y a 10 ans parce que les agriculteurs, les transformateurs et les exportateurs canadiens se sont rendu compte que le commerce était si important pour notre communauté que nous devions parler d'une seule voix. Mon travail consiste essentiellement à participer aux négociations commerciales en cours et à m'assurer que le Canada a un volet agricole fort et solide.

Comme M. Weekes l'a souligné, la raison pour laquelle nous prenons ces mesures, c'est que la communauté agricole du Canada dépend du commerce. Le Canada est le quatrième plus gros exportateur de produits agricoles au monde. Chaque année, nous expédions environ 40 milliards de dollars en produits à l'étranger. Il n'y a que l'UE, les États-Unis et le Brésil qui nous devancent. En fait, nous expédions la moitié de ce que nous produisons. Dans certains cas, notamment pour le porc, on exporte près de 70 p. 100 de nos produits. Par ailleurs, nous exportons 85 p. 100 de tout le canola que nous produisons au Canada.

Si nous n'avions pas accès à des marchés étrangers, la taille et la structure de notre communauté agricole et de notre communauté de transformation en seraient grandement touchées. Nos exportations sont vraiment essentielles aux économies rurales, provinciales et nationales de partout au pays. Les produits agricoles et les aliments comptent pour près de 10 p. 100 de tout le commerce de marchandises. Nous avons estimé qu'environ 210 000 agriculteurs de partout au Canada dépendent des marchés d'exportation. C'est la majorité des agriculteurs dans chacune des provinces, dont le Québec, que beaucoup considèrent comme étant une province de gestion de l'approvisionnement, mais il n'en demeure pas moins que la majorité des agriculteurs au Québec dépendent des marchés d'exportation.

Le commerce doit être une priorité pour nous et nous avons ciblé trois principaux secteurs sur lesquels nous aimerions nous concentrer. Premièrement, nous voulons continuer de chercher des débouchés pour libéraliser le commerce par l'entremise d'ententes commerciales multilatérales telles que l'OMC.

Deuxièmement, nous voulons travailler activement et avec ardeur à conclure des accords de libre-échange et des accords commerciaux régionaux. Troisièmement, nous voulons nous attaquer aux obstacles à l'accès aux marchés. Ce serait des barrières non tarifaires qui nuisent au commerce dans le monde, voire le bloquent. Je vais aborder brièvement ces trois points.

M. Clark et moi divergeons peut-être d'opinions au sujet de l'OMC, mais je pense que nous conviendrons tous les deux que l'OMC est dans une impasse. Nous ne risquons pas de voir des progrès en vue de conclure un accord commercial multilatéral par l'entremise de l'OMC dans les prochaines années.

Il est regrettable que partout dans le monde, 60 p. 100 de toutes les distorsions commerciales sont liées aux échanges dans le milieu agricole, même si les produits agricoles comptent pour moins de 10 p. 100 des échanges. Nous avons un énorme problème, et bon nombre des difficultés dans le commerce de produits agricoles ne peuvent être réglées simplement de façon bilatérale. Elles doivent l'être par l'entremise d'une tribune commerciale multilatérale. Nous ne renoncerons jamais à notre vision qui consiste à conclure un accord multilatéral quelconque.

Nous nous concentrons actuellement sur les accords bilatéraux et régionaux. Je pense que M. Weekes a fait un excellent travail pour cibler nos priorités. J'étais il y a pas si longtemps dans le bureau du ministre de l'Agriculture, où nous avons dressé la liste de nos priorités. Si M. Weekes avait été là, la liste aurait été la même.

Je tiens à dire que le gouvernement canadien a le programme commercial le plus ambitieux que ce pays ait connu depuis l'ALENA et, de toute son histoire, je pense.

Les accords commerciaux que nous envisageons à l'heure actuelle, ceux que M. Weekes a énumérés — UE, Japon, partenariat transpacifique, Inde, Corée du Sud —, ces marchés représentent 70 p. 100 des exportations agricoles du Canada. Si nous pouvons conclure des accords avec ces pays, ce serait vraiment avantageux pour nous; dans le cas contraire, ce pourrait être très nuisible.

M. Weekes a souligné que les États-Unis et l'UE nous devancent en Corée du Sud. C'est un marché d'un milliard de dollars pour nous. Si nous ne signons pas d'entente avec ce pays très bientôt, nous risquons de perdre des transactions de l'ordre d'un milliard de dollars en exportations. C'est un milliard sur 40 milliards de dollars.

Si, par exemple, le Japon intégrait le partenariat transpacifique et pas nous, le Canada courrait un grand risque de perdre le marché japonais, qui est notre deuxième marché d'exportation en importance.

Les obstacles à l'accès aux marchés sont notre troisième priorité et c'est en fait une question d'instaurer une réglementation. Ces obstacles concernent notamment les barrières non tarifaires au commerce, la réglementation, des questions sanitaires et phytosanitaires, ce qui a évidemment une incidence sur les exportations de produits alimentaires, l'administration et les procédures douanières, ainsi que les règles sur l'origine. Ces diverses mesures ne sont pas précisément liées aux droits de douane et peuvent avoir d'énormes répercussions sur le commerce.

Nous disons que c'est l'avenir dans les obstacles au commerce. Nos négociateurs savent quoi faire avec les droits de douane et les quotas, mais les obstacles non tarifaires ne cessent de changer.

Aux pages 4 et 5 de mon mémoire, j'énumère plusieurs obstacles auxquels nous sommes confrontés partout dans le monde. Ces obstacles vont de l'étiquetage du pays d'origine aux États-Unis, aux restrictions relatives à la jambe noire en Chine sur nos produits du canola, en passant par une interdiction imposée par l'UE sur notre bœuf provenant de bovins élevés avec des anabolisants. Si nous ne pouvons pas régler ces difficultés, nous risquons de bloquer le commerce.

Par exemple, en raison de la réglementation sur les OGM de l'UE, nous n'expédions pas de produits du canola en ce moment dans les pays membres de l'UE parce qu'ils sont inquiets de la façon dont nous traitons les OGM. Le canola est notre plus grande culture commerciale et d'exportation. Nous devons ouvrir des marchés pour ces produits.

Nous visons à établir des accords commerciaux qui s'inscrivent dans le XXIe siècle. Ce sont ces accords qui commencent à supprimer les obstacles au commerce. On peut y parvenir de différentes façons. Je les énumère à la page 6 : assurer la coopération et la cohérence en matière de réglementation au moyen d'accords commerciaux, administrer les douanes, s'attaquer aux obstacles techniques au commerce et aux questions sanitaires et phytosanitaires et mettre en place des règles sur l'origine.

Pour conclure, le commerce est indispensable aux producteurs agricoles et aux transformateurs d'aliments du Canada et il est essentiel de continuer de miser sur des accords commerciaux qui ouvrent des marchés pour nos agriculteurs et nos transformateurs.

Le président : Monsieur Pomerleau?

[Français]

Jacques Pomerleau, président, Canada Porc International : Merci, monsieur le président.

Nous sommes l'agence de développement des marchés d'exportation de l'industrie porcine canadienne. Nous avons été établis en 1991, comme initiative conjointe du Conseil canadien du porc et du Conseil des viandes du Canada. C'était surtout en réaction aux mesures que les Américains voulaient nous imposer à l'époque où on dépendait énormément de ce marché.

Notre association s'occupe surtout de problèmes d'accès aux marchés, de la promotion du porc canadien à l'étranger et de fournir de l'information sur les marchés, mais aussi de tout autre enjeu important lié à l'exportation.

Même si le Canada exporte du porc depuis plus de 100 ans, les exportations de porc canadien ont connu une forte croissance au cours des 20 dernières années. Elles sont passées de 250 000 tonnes — d'une valeur de 600 millions de dollars, destinées à 54 pays en 1991 — à 1,1 million de tonnes — d'une valeur de 3,2 milliards de dollars à destination de plus de 100 pays, en 2011.

Avec une part de près de 20 p. 100 du commerce mondial du porc, nous sommes le troisième exportateur derrière les États-Unis et l'Union européenne. Nous devrions maintenir cette position dans un avenir prévisible. Nos principaux marchés sont les États-Unis, le Japon, la Russie, la Chine, Hong Kong et la Corée du Sud parmi les plus importants.

Comme l'ont mentionné M. Clark et Mme Sullivan, plus de 60 p. 100 de la production canadienne de porc est exportée. Et si vous ajoutez les porcs vivants dans l'équation, on atteint un chiffre de près de 70 p. 100 de notre production qui est exportée, ce qui fait que notre industrie est très dépendants des exportations.

Il convient de souligner que les exportations canadiennes de porc canadien à destination des États-Unis ne représentent plus que 30 p. 100 de nos exportations totales, alors qu'elles représentaient plus de 75 p. 100 lorsque ces marchés ont été mis en place, il y a plus de 20 ans.

Cela prouve donc que notre stratégie de diversifier nos marchés et d'être moins dépendant du marché américain s'est avérée un succès dans le cas de notre industrie.

Pour faire une digression sur les commentaires préalables, dans le cas de la Corée, s'il n'y a pas d'entente de libre- échange, notre industrie à elle seule risque de perdre un marché de 300 millions de dollars au cours des prochains 12 à 18 mois. Dans le cas du Japon, c'est un marché qui représente près d'un milliard de dollars en ce qui nous concerne, et contrairement à ce que les gens pourraient penser, ce ne sont pas les provinces les plus à l'Ouest qui fournissent le plus vers l'Asie, c'est le Québec et l'Ontario en particulier, surtout le Québec. Donc, plus de 50 p. 100 de la production est exportée.

Comme l'a mentionné plus tôt M. Clark, les succès de l'industrie porcine canadienne sur les marchés mondiaux peuvent, en bonne partie, être attribués aux travaux de recherche sur l'industrie porcine et la qualité de la viande effectués au cours des ans par le gouvernement fédéral. Agriculture et Agroalimentaire Canada a développé une nouvelle race, le Duroc, qui a acquis une réputation mondiale pour une performance supérieure.

L'élimination du gène halothane responsable d'un défaut de la viande majeur, a eu un impact important aussi sur notre acceptabilité sur les marchés internationaux. Il faut aussi mentionner le travail fait pour allonger la durée de vie du porc, ce qui permet maintenant d'exporter du porc frais vers l'Asie, connu en anglais sous le terme de chilled pork. La durée de vie de notre produit est maintenant de plus 45 jours, ce qui nous permet d'atteindre à peu près tous les marchés importants, jusqu'à Singapour et même vers la Russie. En fait, nous sommes un des deux seuls pays à maîtriser cette technologie.

En ce qui a trait aux efforts à consacrer dans le futur, il faut toujours se rappeler que le passé n'est pas garant de l'avenir. L'industrie porcine canadienne opère dans un environnement très compétitif qui comporte de multiples défis. Les producteurs de porcs ainsi que les abattoirs et transformateurs de porcs au Canada n'ont d'autres choix que d'être compétitifs au niveau mondial, même s'ils doivent composer avec les défis que posent la rapide réévaluation du dollar canadien, la nature cyclique des prix, les coûts croissants des aliments pour animaux et des carburants ainsi que des autres frais reliés à la réglementation gouvernementale, autant canadienne qu'à l'extérieur.

Tous ces facteurs forcent l'industrie canadienne à améliorer sa compétitivité sur les marchés mondiaux. Il y a 20 ans, notre industrie s'est bâtie sur un dollar à 65 sous. Maintenant, nous sommes à parité avec le dollar américain, ce qui nous oblige à d'énormes efforts pour adapter notre production. Et malgré ces facteurs, nos exportations sont à la hausse. Donc, l'industrie est en mesure de développer les efforts suffisants pour améliorer sa compétitivité.

Comme je l'ai mentionné plus haut, même si notre industrie a connu passablement de succès sur les marchés extérieurs, il lui faut encore obtenir de l'aide pour atteindre son objectif de devenir le fournisseur de choix pour le porc de qualité supérieure. Nous n'avons pas l'intention de nourrir le monde, nous n'avons pas les capacités de production suffisantes. Mais rien ne nous empêche de viser la portion supérieure des produits et d'obtenir une marge ou un produit beaucoup plus intéressant.

Pour y arriver, l'industrie devrait être capable d'offrir un produit bien différencié, de bien le positionner et d'en faire efficacement la promotion, autant au Canada qu'à l'étranger. Nous savons maintenant que l'avantage en termes de qualité que le porc canadien a déjà détenu par rapport à ses concurrents, surtout les Américains, n'est plus ce qu'il était et que nos points de différenciation traditionnelle ne suffisent plus. Pour améliorer la compétitivité du porc canadien, il faut le différencier sur une base scientifique. Des ouï-dire ne suffisent pas dans le commerce international. Il faut le prouver, surtout à nos acheteurs japonais.

Le porc demeure la viande la plus versatile mais nous sommes loin d'avoir exploité son plein potentiel, comme dans le cas du poulet, au cours des dernières années.

Pour ce faire, la recherche effectuée par Agriculture et Agroalimentaire Canada est primordiale. L'amélioration de la génétique et des attributs de qualité de la viande a un impact direct sur notre habileté à être compétitifs, autant à la maison qu'à l'extérieur. De plus, le ministère détient une expertise que le secteur privé ne peut égaler.

Même si parfois lier la recherche gouvernementale aux besoins du secteur privé peut être un défi, il est raisonnable d'affirmer que dans le cas du secteur porcin, cela s'est bien passé. Par contre, il faut souligner que le nombre de chercheurs qui travaillent pour l'industrie porcine dans le nombre total des chercheurs d'Agriculture et Agroalimentaire Canada est très minime, et que plus de 50 p. 100 des chercheurs qui travaillent dans le secteur porcin prendront leur retraite au cours des cinq à six prochaines années. Nous avons donc un défi à atteindre de ce côté. Nous comprenons que l'économie demeure la principale priorité du gouvernement.

Nous sommes en accord avec celui-ci sur le fait que l'engagement et un commerce accru constituent des moteurs importants pour assurer la croissance et la prospérité à long terme du Canada, mais il est nécessaire de maintenir une bonne base de recherche et d'innovation. Si on se base sur notre expérience, tous les intervenants en profitent, y compris le gouvernement. Il faut le voir comme un investissement et non pas comme une autre dépense gouvernementale.

Le président : Merci, monsieur Pomerleau.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Vos exposés ont été très intéressants. Je suis très optimiste quant à ce que notre avenir peut ou devrait être.

Monsieur Clark, j'ai bien aimé lorsque vous avez dit que nous devrions entamer les négociations avec la Chine dès demain parce que nous aurons l'impression qu'elles prendront une éternité.

Cependant, dans tous les pays qu'on évoque, on n'a cité l'Inde qu'une seule fois. Mme Sullivan l'a mentionnée. L'Inde est bien entendu le deuxième pays en importance pour sa population et, dans quelques années, elle sera le premier.

J'étais de passage là-bas récemment dans le cadre des activités de l'Association parlementaire du Commonwealth. J'ai été fasciné par beaucoup, beaucoup de choses dans ce pays, et notamment par la grande quantité d'oléagineuses et de légumineuses, comme les pois chiches et les lentilles, qu'elle achète du Canada, en particulier de la Saskatchewan et du Manitoba. Au cours de notre séjour dans ce pays, les gens nous ont indiqué à plusieurs reprises leur intérêt pour les produits de porc. Les perspectives pour nous sont très intéressantes là-bas.

Je ne vous ai pas entendu beaucoup parler de la possibilité de vendre du porc et d'autres produits à l'Inde.

Je sais qu'une grande partie de nos livraisons de légumineuses à destination de l'Inde et d'autres endroits en Asie sont faites à partir du port de Vancouver. Je m'en voudrais de ne pas mentionner que, par rapport à n'importe quel port de la côte Ouest, le port de Halifax et plus près du Sud de la Chine ainsi que de l'Inde, du Pakistan, de la Malaisie et de l'Indonésie. Si vous avez une influence sur les expéditeurs, je vous prie de le leur signaler et de leur dire que nous serions heureux de les servir.

Ma question concerne l'Inde. Pourquoi l'Inde n'est-elle pas dans notre liste de marchés à conquérir? C'est un marché énorme, et il grossit constamment. La population de l'Inde s'enrichit. Elle a de l'argent à dépenser. Seulement dans le domaine des infrastructures, l'Inde dépensera 1 billion de dollars étasuniens au cours des cinq prochaines années. C'est tout simplement énorme.

Mme Sullivan : Je répondrai en premier, puis je céderai la parole à M. Pomerleau pour qu'il vous parle du porc. Je vous mentionne au passage que Canada Porc International fait partie de nos membres.

L'Inde fait certainement partie de nos priorités, mais l'Union européenne et la Corée du Sud occupent le premier rang, dans l'ordre chronologique, simplement parce que nous sommes sur le point de terminer les négociations avec l'Union européenne et parce que, dans le cas de la Corée, nous risquons de perdre ce marché si nous ne faisons rien. Par la suite, nos priorités seront le Japon, les négociations du partenariat transpacifique et l'Inde. Vous avez raison; c'est un marché énorme qui s'offre à nous. Nous pourrions exporter pratiquement tous nos produits en Inde.

Le sénateur Mercer : Sauf le bœuf, peut-être.

Mme Sullivan : Il y a des obstacles, mais le secteur touristique est sans doute un débouché intéressant. Certains endroits en Inde voudraient sans doute consommer le bœuf que nous produisons, plutôt que le bœuf produit en Inde, c'est-à-dire le buffle d'Asie.

Nous sommes bien conscients du gros potentiel. Si l'Inde n'est pas notre premier objectif, c'est qu'à l'instar de la Chine, c'est un pays avec lequel il faudra beaucoup de temps pour conclure un accord. Les barrières non tarifaires constituent l'une des plus grandes difficultés pour nous, dans le cas de l'Inde. Elles s'apparentent souvent à une cible mouvante. Nous prévoyons donc qu'il nous faudra au moins cinq ans pour conclure un accord avec l'Inde, mais c'est un dossier qui devrait être prioritaire pour le gouvernement, et il l'est. Je suis d'accord avec M. Clark que nous devrions commencer dès maintenant aussi les négociations avec la Chine.

M. Pomerleau : Je suis allé en Inde deux fois, et nous sommes tout à fait conscients des possibilités qui s'offrent à nous là-bas. Nos clients potentiels sont les hôtels cinq étoiles. Nous avons rencontré les gens de la chaîne Taj Mahal et d'autres chaînes d'hôtels ainsi que les supermarchés de type occidental dans la région de Bangalore. Nous savons qu'ils recherchent la qualité canadienne. Je ne sais pas combien d'Indiens sont venus au Canada, mais je vous prie de croire qu'ils connaissent bien la qualité de nos produits. Ils l'ont vue et goûtée.

Nous savons que l'Inde serait un débouché pour nos produits haut de gamme. Cependant, il ne sera pas facile de conclure un accord avec l'Inde. Nous avons commencé il y a environ 10 ans, et nous n'y sommes pas encore parvenus. Il est très difficile de convaincre les Indiens d'entreprendre des négociations. Essentiellement, ils nous demandent actuellement de leur vendre du porc qui n'a pas été nourri avec de la moulée contenant des protéines de ruminant. Nous avons élaboré un protocole et nous le leur avons remis il y a six mois. Nous attendons toujours une réponse.

La question des maladies est la plus difficile. Comme vous avez pu le constater, il n'y a aucune maladie en Inde, mais les autorités de ce pays insistent pour que notre porc soit exempt de toutes les maladies possibles et imaginables. Les discussions avec la bureaucratie indienne sont très frustrantes. Mais c'est un débouché pour nos produits haut de gamme.

Mme Sullivan : Puis-je dire un mot au sujet de votre observation concernant le port de Halifax? C'est important, et notre accord commercial avec l'Union européenne engendrera des perspectives très favorables pour l'Est du Canada. Nous estimons que les échanges commerciaux avec l'Union européenne pourraient augmenter de 3 milliards de dollars, grâce à cet accord, dans le secteur alimentaire et agricole. Un quart des retombées de cet accord, produits et services confondus, seront dans ce secteur.

Ainsi, l'industrie alimentaire de l'Est du Canada et le port de Halifax trouveront dans un avenir plus rapproché des ouvertures formidables dans l'accord avec l'Union européenne, si nous pouvons le conclure.

Le sénateur Mercer : Évidemment, les débouchés commerciaux nous intéressent vivement, quel que soit le pays, et nous sommes plus près du marché européen.

Monsieur Weekes, vous avez beaucoup d'expérience. Vous avez dit que la Chine ne devrait pas être dans nos priorités, alors que votre collègue M. Clark est d'avis que nous devrions commencer demain. Pourriez-vous nous donner votre opinion à cet égard?

M. Weekes : Oui, j'en serais heureux.

J'ai écrit avec Eddie Goldenberg un article qui a été publié il y a un peu plus d'un an, dans les pages éditoriales du Globe and Mail. Nous disions que le Canada devrait négocier un accord de libre-échange avec la Chine. Il faut le faire en temps opportun, mais c'est certainement important.

Il y a deux raisons pour lesquelles je pense que nous ne devrions pas entreprendre les négociations tout de suite avec la Chine. Premièrement, nous avons besoin d'un peu de temps pour bâtir un consensus au Canada autour de l'idée, car elle effraie encore quelque peu certaines industries. Deuxièmement, dans la gestion de nos relations avec la Chine, nous devons prendre garde de ne pas créer des attentes que nous ne pourrons pas combler. Les Australiens ont entrepris de négocier un accord de libre-échange avec la Chine, et je pense qu'ils en sont quelque peu embarrassés, car ils n'ont pas obtenu les résultats qu'ils espéraient. Selon moi, il serait plus judicieux de faire un premier débroussaillage avec les Chinois, avant les négociations visant à conclure un accord de libre-échange, dans le but de déterminer quels seraient les problèmes à résoudre dans ces négociations.

Le sénateur Mercer : Madame Sullivan, vous nous avez parlé de libéraliser le commerce international et d'abattre les barrières commerciales. Lorsque j'entends ce genre de propos, je crains toujours qu'on veuille s'attaquer à la gestion de l'offre. Êtes-vous en train de nous dire que le gouvernement devrait mettre fin à la gestion de l'offre?

Mme Sullivan : Non, l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire n'a aucune politique concernant la gestion de l'offre, fort heureusement.

Nous nous intéressons aux accords commerciaux. Je dirais que nous avons assisté à une formidable nouveauté lors des négociations entre le Canada et l'Union européenne. Pour la première fois, le gouvernement du Canada n'a exclu aucune industrie de prime abord, dans le mandat donné aux négociateurs. Il les a laissés déterminer eux-mêmes quelles seraient les concessions que le Canada accepterait difficilement de faire. Les Européens aussi n'accepteraient pas n'importe quelle concession. Je pense que c'est ainsi qu'il faut procéder.

Lorsque nous disons publiquement, sur la scène internationale, que nous n'accepterons pas de discuter de ceci ou de cela, nous nous retrouvons devant un problème, car nos interlocuteurs en concluent que nous ne sommes pas vraiment disposés à entreprendre des négociations commerciales. Certains pays, comme la Nouvelle-Zélande, se servent de cet argument contre nous.

Nos négociateurs doivent avoir la latitude nécessaire pour négocier un accord qui a du bon sens, conformément aux priorités du Canada au pays et dans ses échanges commerciaux avec l'étranger.

Beaucoup de facteurs peuvent faire obstacle à la conclusion d'un accord. Dans le cas de la Corée, c'est le secteur de l'automobile qui a été la pierre d'achoppement dans les négociations. La gestion de l'offre n'est pas du tout en cause dans ce cas. Pour ce qui est des négociations avec l'Union européenne, je pense que nos interlocuteurs chercheront à avoir un meilleur accès au marché des produits laitiers, mais ils ne souhaitent certainement pas l'effondrement du système canadien de gestion de l'offre. Pourquoi voudraient-ils une pareille chose? Ils ont accès à des consommateurs qui sont prêts à payer cher pour des fromages de grande qualité. Il est dans leur intérêt de maintenir le marché tel qu'il est actuellement au Canada. Chaque accord commercial est différent.

Nous voulons seulement que le mandat des négociateurs n'exclue a priori aucun secteur. Sinon, le Canada est moins bien outillé pour négocier. Nous souhaitons aussi que les négociateurs ne ménagent aucun effort pour nous donner le plus grand accès possible aux marchés, car nous en avons besoin.

M. Clark : Puis-je ajouter un mot à ce sujet, je vous en prie, sénateur?

Je n'ai pas l'intention d'argumenter au sujet de la gestion de l'offre. Lorsque je travaillais au ministère des Finances, on m'avait confié la tâche d'essayer de démanteler ce système, et j'ai échoué lamentablement.

Le sénateur Mercer : J'en suis heureux.

M. Clark : Sinon, je travaille pour les producteurs laitiers et les producteurs de volaille, d'œufs et de porc. Parfois, je travaille pour les producteurs de bœuf. Par conséquent, je ne peux pas prononcer sur la gestion de l'offre.

Néanmoins, je vous dirais que, si les Européens veulent que nous nous conformions parfaitement aux règles du libre- échange, pour ainsi dire, ils devraient de leur côté mettre fin aux subventions issues de la Politique agricole commune. Lors de la discussion à l'Université Carleton avec le négociateur principal adjoint de l'Union européenne, je lui ai posé la dernière question : « Accepterez-vous de faire des concessions relativement à la Politique agricole commune? » Il nous a répondu : « Non, c'est impossible. » C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons un problème.

Dans les négociations du partenariat transpacifique et de l'accord économique et commercial global avec l'Union européenne, le Canada n'a exclu aucun secteur a priori, alors les négociations peuvent porter sur tout.

Mme Sullivan : À titre de représentants des producteurs agricoles, s'il y a une chose qui nous déplaît, c'est bien d'être coincés entre les partisans de la gestion de l'offre et les exportateurs. Il n'y a rien d'agréable pour des agriculteurs à lutter contre d'autres agriculteurs. Nous avons besoin du commerce international. Nous espérons que nos collègues des secteurs soumis à la gestion de l'offre le comprennent et respectent nos besoins. Ils ont fait le choix d'un système de commercialisation. Nous essayons de comprendre et de respecter ce choix. Si nous finissons, un jour ou l'autre, par nous trouver dans une situation où nos intérêts s'opposent vraiment, je crois que nous déterminerons à ce moment-là ce que nous devrons faire.

Mais les agriculteurs n'aiment pas aller à l'encontre des intérêts d'autres agriculteurs. Et il est formidable de voir qu'étant donné la grande portée des accords commerciaux négociés actuellement par le Canada avec l'Union européenne, il n'est pas nécessaire de faire des concessions dans le secteur agricole pour faire des gains ailleurs dans ce secteur. Les Européens veulent avoir accès à nos marchés publics. Nous espérons pouvoir vendre notre bœuf et notre porc sur le marché européen en nous servant des marchés publics comme monnaie d'échange. Ça n'a rien à voir avec la gestion de l'offre.

C'est l'avantage que nous avons lorsque nous négocions de vastes accords commerciaux.

M. Clark : Pour compléter ce qui vient d'être dit, j'ajoute que la Politique agricole commune limite les importations de porc à un cinquième de 1 p. 100 de la consommation de l'Union européenne. Je ne suis pas en train de défendre la gestion de l'offre, mais je suis d'avis que les Européens ne jouent pas le jeu selon les règles.

Le sénateur Plett : Merci à tous pour vos excellents exposés.

Monsieur Weekes, la semaine dernière, je crois, nous avons entendu des témoins nous dire que les terres arables commencent à manquer. Or, vous nous dites que nous aurons peut-être à l'avenir 9 milliards de bouches à nourrir et que nous avons suffisamment de terres arables pour accroître la production.

Pourriez-vous nous expliquer dans quelle mesure nous avons assez de terres arables pour augmenter notre production?

M. Weekes : Je vous avoue, monsieur le sénateur, que je ne suis pas en expert de la disponibilité des terres arables, mais j'ai assisté à des conférences sur la question. Il y a quelques mois, un congrès intéressant a eu lieu à Ottawa, le sommet Feeding a Hungry World. Il ressort des conférences données par des experts à ce congrès que les trois pays dans le monde qui ont le plus grand potentiel d'augmentation de la proportion de terres arables cultivées sont le Canada, l'Australie et le Kazakhstan. Cependant, parmi les trois, le Canada est le seul à disposer d'importantes réserves renouvelables d'eau. Il a donc l'avantage de pouvoir vraiment augmenter sa production agricole.

C'est tout ce que j'ai à dire aujourd'hui.

Le sénateur Plett : Quelqu'un d'autre a-t-il des observations à nous communiquer à ce sujet?

Mme Sullivan : Je voudrais seulement ajouter que, selon moi, une bonne partie de l'augmentation de la production proviendra de l'accroissement du rendement. Les investissements dans la recherche scientifique, sur lesquels vous nous avez posé des questions, entrent alors en jeu. Si nous pouvons employer de nouvelles techniques agricoles et développer de nouvelles variétés, soit par modification génétique, soit par les techniques traditionnelles d'hybridation, nous obtiendrons de meilleurs rendements, ce qui nous permettra également d'augmenter notre production.

Le sénateur Plett : C'est une question que j'ai posée la semaine dernière également, alors je vous remercie pour votre réponse.

Madame Sullivan, je pense vous avoir entendue affirmer à raison que nous avons un plan très ambitieux en matière de libre-échange. J'y suis certainement favorable. Depuis que les conservateurs dirigés par Stephen Harper sont au pouvoir, nous vivons une période faste — je le précise à l'intention du sénateur Campbell — au cours de laquelle nous avons conclu neuf accords de libre-échange. Nous négocions actuellement avec 50 pays.

Je me demande si nous ne sommes pas trop ambitieux. Sommes-nous en train de négocier avec un trop grand nombre de pays à la fois? Est-ce que cela pose problème? J'aimerais que vous nous en parliez.

Je voudrais également poser deux autres questions. Quelqu'un a dit que les négociations avec la Chine et l'Inde prenaient énormément de temps. Il me semble aussi que les négociations avec la Corée du Sud s'éternisent. Pourriez- vous nous dire quelques mots à ce sujet?

Nous n'avons pas encore entrepris de négocier un accord de libre-échange avec la Chine, mais je pense que notre premier ministre a affirmé très clairement qu'il voulait favoriser les échanges commerciaux avec l'Asie, y compris la Chine. Il l'a indiqué très clairement il y a tout juste un mois, et le sénateur Buth était présent avec le ministre de l'Agriculture. Ils ont conclu déjà de très bons accords, qui sont avantageux pour notre pays.

Je ne sais pas si on peut considérer ces accords comme des éléments d'une vaste stratégie favorisant le libre-échange, mais j'aimerais que vous nous disiez quelques mots sur ces trois questions.

Mme Sullivan : Certainement. D'abord, l'évolution actuelle est phénoménale. Il est très stimulant d'œuvrer actuellement dans le domaine du commerce international, compte tenu des négociations auxquelles nous participons. Cependant, vous avez raison de dire que les ressources dont nous disposons sont limitées. Nous n'avons qu'un certain nombre de négociateurs. Et quand bien même nous conclurions un accord avec tous les pays du monde, notre secteur agricole aurait du rattrapage à faire en matière de productivité.

Nous devons commencer un peu à établir des priorités, nous devons aussi admettre que les dossiers doivent être traités en séquence. Les négociations commerciales avec l'Union européenne retiennent beaucoup notre attention actuellement. Des négociations avec la Corée du Sud devraient commencer. Il faut être capable de tenir ces négociations en même temps qu'on discute avec la Chine ou qu'on courtise ce pays. Certaines négociations seront plus longues que d'autres avant d'aboutir à un accord. Si nous faisons attention, nous pouvons maintenir au cours des cinq ou dix prochaines années la solidité du programme que nous nous sommes donné en matière de commerce international.

Je suis désolée de devoir le dire, car je n'aime pas m'opposer aux accords commerciaux, mais nous devrions peut-être cesser les négociations relativement à certains accords de faible importance, auxquels nos négociateurs doivent consacrer beaucoup de temps. Je pense que nous devrons peut-être envisager la possibilité de mettre en veilleuse les négociations concernant certains de ces accords.

Les accords que nous voudrions conclure actuellement sont fantastiques. Nous voudrions concentrer nos ressources sur les négociations qui nous conduiront à ces accords.

Les négociations avec la Corée du Sud seront pour nous très ardues. Elles ont été interrompues en 2008 lorsque nous nous sommes heurtés à certains problèmes, notamment les objections du secteur de l'automobile concernant l'accord de libre-échange envisagé. D'autres objections concernaient le blocage des exportations de bœuf canadien par la Corée du Sud. Or, la procédure intentée devant l'OMC sur l'accès des producteurs de bœuf canadiens au marché sud-coréen est terminée. Nous avons négocié un règlement avec la Corée du Sud et nous pouvons maintenant y exporter notre bœuf. Cette contestation est terminée.

Je crois que le gouvernement commence à se rendre compte que les appréhensions du secteur canadien de l'automobile au sujet de la Corée du Sud ont été exagérées, car la plus grande partie de la production de ce secteur est destinée à l'exportation. Environ 85 p. 100 de cette production est vendue aux États-Unis et n'est pas dans les mêmes créneaux que les automobiles produites en Corée. À l'inverse, le secteur agricole canadien est sur le point de perdre des débouchés d'une valeur d'un milliard de dollars.

Les Coréens iront aux urnes en avril, et il sera difficile de négocier avec eux avant que leurs élections soient terminées. Lorsqu'elles le seront, en avril, nous devrons relancer les négociations. Nous sommes très contents que le ministre Ritz se rende en Corée du Sud, car cette visite constituera un signal favorable aux négociations.

M. Pomerleau vous en dira davantage à ce sujet, de même que M. Clark. Nous avons déjà vu les Coréens cesser d'acheter des produits canadiens parce qu'ils sont capables d'acheter des produits des États-Unis en payant des tarifs douaniers qui sont progressivement réduits. Au bout d'une période pouvant atteindre 15 ans, les tarifs douaniers sur presque tous les produits agricoles seront éliminés, dans les échanges commerciaux entre les États-Unis et la Corée. Plus nous attendons avant de conclure un accord, plus nous devrons faire du rattrapage par rapport aux États-Unis. C'est notre cinquième marché d'exportation, en importance, et c'est un marché asiatique prioritaire pour le gouvernement et pour nous.

La Chine est également une priorité pour nous. C'est un énorme marché d'exportation, qui figure pour nous parmi les cinq premiers. Comme vous l'avez mentionné, le sénateur Buth s'est rendue là-bas avec le premier ministre et des représentants de plusieurs secteurs, y compris certains membres de l'organisme de M. Pomerleau. Le ministre Ritz a passé beaucoup de temps en Chine à essayer de résoudre certains problèmes avec les Chinois. Ce sont souvent les barrières non tarifaires qui posent problème.

Je crois que M. Clark et M. Weekes ont tous les deux raison. Les négociations avec les Chinois sont épineuses. C'est comme viser une cible mouvante. Il nous faudra un certain temps pour régler les problèmes, pour déterminer dans quelle mesure les Chinois veulent vraiment négocier et, d'une certaine manière, pour choisir le meilleur type d'accord. Devons-nous chercher à conclure un accord de libre-échange ou une série de protocoles d'entente? Comme le dit M. Clark, nous devrions entreprendre les négociations le plus tôt possible, car la démarche sera très longue.

M. Clark : M. Weekes a raison de dire qu'il faut faire attention de ne pas décevoir les Chinois en créant des attentes que nous ne pourrons pas combler. Je m'adresse à un comité qui s'occupe d'agriculture. D'autres pays essaient d'avoir accès à ce marché avant nous, notamment l'Australie et les Européens. Nous devons y parvenir les premiers.

C'est un peu comme je disais lorsque je représentais l'industrie de la bière. Le premier qui parviendra à vendre de la bière Dry là-bas aura les meilleurs débouchés, puisque c'est en arrivant le premier qu'on parvient à occuper le plus d'espace sur les étalages et à se doter du meilleur réseau de distribution. Il en est de même dans le secteur agricole et dans n'importe quel autre secteur.

Ayant séjourné assez souvent en Chine, je peux vous dire que les Chinois ne négocieront pas un accord de libre- échange simplement parce que le premier ministre le leur conseille, comme il l'a fait semble-t-il à brûle-pourpoint. Ils ne font pas des déclarations impromptues. Ils étudient sérieusement la question. Nous nous employons à produire avec leur collaboration depuis plus de six mois le rapport que nous avons annoncé. C'est un dossier qui nécessite beaucoup de travail.

Il y a d'autres raisons pour lesquelles ils voudraient conclure un accord de libre-échange avec le Canada. Le partenariat transpacifique et ce que les Chinois essaient de faire avec le Japon, la Corée et l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est font partie des perspectives du commerce international en Asie. Ils ne s'opposeront pas du tout à ce que nous cherchions à conclure un accord commercial avec le Japon et la Corée en plus d'un accord avec eux. Cela leur serait utile. Ils voient le partenariat transpacifique comme une initiative antichinoise des États-Unis. C'est ainsi qu'on voit les choses en Chine.

Les Néo-Zélandais ont indiqué que, si c'est un accord antichinois, ils ne pourront pas y prendre part. Avec tout le tapage suscité par le partenariat transpacifique la semaine dernière, à Melbourne les Australiens ont indiqué clairement qu'ils ne voulaient pas de règles concernant les entreprises appartenant à l'État et visant spécialement la Chine, puisque la Chine ne participe pas aux négociations. Y aurait-il des communications entre Pékin, Canberra et la Nouvelle- Zélande? Certainement, car cette tension existe bel et bien. Les Chinois n'aiment pas la manière employée par les États- Unis pour essayer de reprendre le terrain perdu en Asie du Sud-Est et ailleurs en Asie. Les États-Unis ont soulevé cette question publiquement, et ils n'auraient jamais dû le faire.

M. Pomerleau : Je pense que tout a été dit, mais, comme nous dépendons beaucoup des exportations, nous sommes parvenus à exploiter le créneau des produits haut de gamme en Corée. Le plus gros supermarché de Corée m'a dit que c'est notre produit qui est le meilleur. Mais nous n'avions pas besoin de cet argument supplémentaire. Nous sommes déjà parfaitement capables de promouvoir notre produit.

Je crois que c'est la première fois que le gouvernement du Canada doit négocier un accord de libre-échange non pas pour faire des gains, mais simplement pour nous éviter de perdre du terrain. Le gouvernement n'a jamais rien vu de tel. Il est quelque peu difficile pour le gouvernement d'entreprendre ces négociations, mais nous espérons qu'il trouvera comment s'y prendre d'ici quelques mois et que nous serons capables de maintenir ce qui nous paraît être un marché prometteur.

Le sénateur Plett : Madame Sullivan, pourquoi y a-t-il une impasse dans les négociations à l'OMC?

Mme Sullivan : M. Weekes serait mieux placé que moi pour répondre à cette question, mais je vais tenter quand même de vous donner des explications.

Je pense que, depuis le début des négociations à l'OMC, il y a assez longtemps, les rapports de forces économiques et politiques ont changé. Les pays BRIC, comme le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine, détiennent maintenant une grande partie du pouvoir économique et politique

Ces pays et les États-Unis ne voient pas du même œil les concessions qui devraient être faites dans l'ensemble. Les États-Unis voudraient que ces pays soient traités davantage comme des pays développés. Il est important de comprendre qu'au sein de l'OMC, les pays en voie de développement ne sont pas tenus d'en faire autant que les pays développés. Si les pays en voie de développement doivent diminuer les tarifs douaniers, les pays développés sont obligés de les réduire davantage. S'il faut avoir moins recours aux quotas, les pays en voie de développement ne sont pas obligés de faire un effort aussi grand sur ce plan.

À l'OMC, chaque pays déclare lui-même à quelle catégorie il souhaite appartenir. Le Brésil, l'Inde, la Corée et la Chine sont tous considérés comme des pays en voie de développement, ce qui fait qu'ils ont des obligations moindres au sein de l'OMC que le Canada, l'Union européenne et les États-Unis, et cela a engendré des tensions.

M. Weekes me dira certainement qu'il s'agit d'une simplification à outrance.

M. Weekes : C'était très bien dit.

Il est intéressant de se rappeler que, lors du cycle de l'Uruguay, c'est-à-dire les négociations de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, tout le monde disait que ces négociations n'aboutiraient que lorsque les États-Unis et l'Union européenne finiraient par trouver un terrain d'entente relativement à certaines questions cruciales les opposant l'un à l'autre, puis mettraient les autres pays devant le fait accompli, ce qui veut dire qu'ils devraient accepter les règles de l'OMC telles quelles. C'est effectivement ce qui s'est produit.

Cette fois, les gens disent que les États-Unis et la Chine doivent s'entendre, et ils n'y sont pas encore parvenus.

Je crois franchement que, si les négociations se sont heurtées à des problèmes, malgré qu'elles se déroulent depuis 10 ans, c'est qu'elles ont été mal préparées. Ce manque de préparation a notamment engendré la confusion que Mme Sullivan vient de décrire quant aux obligations des pays en voie de développement, dans les faits. Ils ont accepté de se soumettre à des obligations plus importantes, mais ce n'est pas encore assez aux yeux des États-Unis.

Si vous jetez un coup d'œil aux tarifs douaniers proposés dans le secteur industriel, vous vous apercevrez qu'on vise l'élimination quasi totale de ces tarifs dans tous les grands pays industrialisés. Lorsque ces derniers, et en particulier les États-Unis, ont pris connaissance de ce que proposaient les chefs de file des pays en voie de développement, où se trouvent les marchés de l'avenir, ils ont jugé que ces propositions n'étaient pas suffisantes pour justifier des concessions de leur part.

Ces négociations ont été entreprises plusieurs mois après les attentats du 11 septembre 2001, à une époque où les gens croyaient qu'il serait bon de manifester un certain désir de renforcer la coopération internationale. Certaines questions n'avaient pas fait l'objet d'une réflexion préalable suffisamment approfondie. À l'heure actuelle, je ne pense pas que les négociations puissent être relancées sans qu'on en remanie substantiellement les objectifs.

Le sénateur Mahovlich : Un autre comité a fait une étude sur le Brésil. Ce pays a-t-il des liens commerciaux plus importants que nous avec l'Inde?

M. Pomerleau : Je ne pense pas. Le cas du Brésil est intéressant. Ce pays n'a pas tellement de marchés extérieurs.

Le sénateur Mahovlich : Ils sont plus près de l'Inde que nous.

M. Pomerleau : Pas vraiment. Pas si l'on emprunte le canal de Suez. Le Brésil a les moyens de ses ambitions, manifestement, mais n'a pas beaucoup de marchés actuellement à cause de ses infrastructures, à cause des problèmes phytosanitaires qu'il rencontre, simplement dans le cas du porc. Ce pays exporte vers trois marchés : Hong Kong, la Russie et l'Ukraine. C'est à peu près tout.

C'est la première fois que j'entends dire qu'il pourrait intensifier ses échanges avec l'Inde. Je ne crois pas que ce sera le cas. Le Canada a des relations beaucoup plus étroites avec l'Inde que le Brésil n'en aura jamais.

M. Clark : Dans l'État de São Paulo, beaucoup de terres agricoles appartiennent à des Brésiliens d'origine japonaise, alors les échanges commerciaux avec le Japon sont importants.

Le sénateur Mahovlich : Les produits doivent être de bonne qualité, alors.

M. Clark : Les aliments produits au Brésil sont de la meilleure qualité.

Le sénateur Mahovlich : La population de l'Inde augmente plus vite que celle de la Chine, alors il devrait y avoir une demande plus forte en Inde qu'en Chine pour les exportations de produits alimentaires, à ce qu'il me semble. Est-ce bien exact?

Mme Sullivan : Les débouchés seraient considérables. Mais le marché de l'Inde est parsemé de nombreuses barrières commerciales. Si nous pouvions éliminer ces barrières, ce marché nous offrirait des possibilités énormes. L'Inde est déjà parmi nos 10 marchés principaux, en dépit des barrières que nous devons surmonter. Cependant, nous ne vendons aucun porc là-bas actuellement et, en raison de leurs interdits religieux, nous n'y vendons aucun bœuf également. Or, ce sont deux exportations de très grande valeur pour nous. Nous vendons beaucoup de légumineuses à l'Inde, mais d'importantes barrières commerciales existent dans le cas des grains, notamment sous la forme d'inspections.

Le sénateur Mahovlich : Certains produits agricoles canadiens sont-ils recherchés en Inde?

Mme Sullivan : Oui, les légumineuses : lentilles et pois chiches. Il y a un énorme débouché pour ces produits là-bas, et nous voudrions en profiter encore davantage. L'Inde produit également des légumineuses en grande quantité, et cette production varie d'une région à l'autre de ce pays selon les spécialités agricoles et les préférences alimentaires. Nous vendons certaines légumineuses plutôt que d'autres dans certaines régions de l'Inde, et nos exportations dépendent de ce qui est cultivé localement.

Il existe en Inde des débouchés potentiels pour nos aliments transformés, pour nos produits de porc et même, à certains endroits, pour nos produits de bœuf, si nous sommes capables de surmonter les barrières. Toutefois, dans le cas de l'Inde, les barrières sont assez importantes.

Le sénateur Buth : Merci aux témoins pour leurs exposés et leurs observations.

Madame Sullivan, je commence avec vous. Vous êtes très bien renseignée sur l'une des initiatives du ministre Ritz, soit la mise sur pied du Secrétariat à l'accès au marché, et vous savez quelle a été l'expérience du secteur du canola avec ce secrétariat. L'Agence canadienne d'inspection des aliments a bien géré le problème de la maladie de la jambe noire en Chine. Vous savez qu'une longue liste de barrières non tarifaires devrait être éliminée. Qu'est-ce que le gouvernement fédéral peut faire de plus pour résoudre le problème de ces barrières non tarifaires?

Mme Sullivan : Quelques pistes de solutions existent. Je suis absolument d'accord avec vous pour dire que le Secrétariat de l'accès au marché joue un rôle utile pour le secteur agricole. Il fait notamment le pont entre plusieurs organismes fédéraux, comme le ministère du Commerce international, l'Agence canadienne d'inspection des aliments et Agriculture Canada, ce qui est très utile pour répondre les problèmes. Plus le Secrétariat de l'accès au marché sera généreusement doté en ressources, plus nous en serons satisfaits. C'est un bon organisme fédéral, et il serait vraiment très bon que l'on puisse continuer de le financer et qu'on accroisse les ressources à sa disposition.

Le Secrétariat de l'accès au marché œuvre déjà de concert avec l'industrie, mais je pense qu'il serait toujours souhaitable de resserrer la collaboration entre l'État et l'industrie pour cerner les barrières non tarifaires. Il y a place à l'amélioration dans ce domaine.

Troisièmement, il faudrait incorporer aux négociations commerciales des solutions aux problèmes que nous causent les barrières non tarifaires. C'est une question délicate. Les barrières non tarifaires ne sont pas un phénomène nouveau, mais elles prolifèrent au point où nous n'arrivons plus à toutes les cerner. Elles prennent souvent des formes et des tailles diverses, et elles sont difficiles à définir, car les pays changent souvent leurs pratiques. Il est utile par ailleurs d'essayer d'amener les pays à adhérer officiellement à des organisations internationales comme l'Organisation mondiale de la santé animale, pour résoudre les problèmes de santé animale et les problèmes relatifs à la viande. Il est utile également que les pays étrangers adhèrent au Codex Alimentarius, qui prescrit d'autres règles.

Par exemple, le ministre s'est occupé séparément du dossier des faibles concentrations de matière génétiquement modifiée, et le Canada a fait vraiment œuvre de chef de file dans ce domaine. Une conférence aura lieu bientôt, comme vous le savez certainement, en vue d'obtenir l'adhésion des pays à des normes internationales concernant les faibles concentrations de matière génétiquement modifiée. C'est le genre de rôle de chef de file que le Canada peut jouer sur la scène internationale. Dans les négociations commerciales au sein de l'OMC, nous avons peut-être perdu une partie de notre position de chef de file, compte tenu des changements qui se produisent dans le monde, mais le Canada peut vraiment jouer un rôle important en ce qui a trait aux barrières non tarifaires.

Le sénateur Buth : Monsieur Pomerleau, vous nous avez indiqué, dans votre exposé, que vous attachez de l'importance aux services fournis actuellement par le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire et que vous vous inquiétez des départs à la retraite. Pourriez-vous informer davantage notre comité du genre d'aide que vous obtenez dans le domaine de la recherche? Quelles sommes les producteurs de porc et l'industrie dépensent-ils pour la recherche, dans le cadre du partage des coûts?

M. Pomerleau : C'est une grosse question. Je ne sais pas si vous connaissez la structure, mais elle est constituée de la Table ronde sur la chaîne de valeur du porc, où les chercheurs d'Agriculture Canada et de l'Agence canadienne d'inspection des aliments sont présents. Le ministre Ritz et le ministère ont formé ce qu'ils appellent des grappes de recherche, qui sont issues d'un partenariat entre le gouvernement fédéral, le Conseil des viandes du Canada et le Conseil canadien du porc. Des sommes d'argent importantes sont consacrées à ce domaine.

En outre, Agriculture Canada, c'est-à-dire le ministre Ritz encore une fois, a accordé 50 millions de dollars à l'industrie du porc pour que le Conseil canadien de la santé porcine puisse améliorer la santé animale.

C'est l'un des volets de la lutte contre les maladies animales. L'autre volet est le travail des spécialistes de la qualité des viandes ainsi que de la surveillance et des soins des animaux, dans les centres de recherche comme ceux de Lennoxville et de Lacombe.

Il y a de nombreuses questions à régler. Parallèlement à cela, le gouvernement et l'industrie forment un partenariat pour le Centre de développement du porc du Québec et le Prairie Swine Centre à Saskatoon. Il y a beaucoup d'interaction entre le gouvernement et l'industrie. Je dirais que l'industrie fournit une contribution de l'ordre de plusieurs millions de dollars, à laquelle s'ajoute la participation provinciale.

Le sénateur Buth : Il y a au moins deux points de vue ici relativement au PTP. MM. Clark et Weekes, pourriez-vous nous dire ce que vous pensez des avantages et des inconvénients qu'il y aurait à faire partie du PTP et ce qui essentiellement nous en empêche? Pourriez-vous commencer par nous dire ce qu'est le PTP?

M. Weekes : Le PTP désigne le Partenariat transpacifique, nom prestigieux que lui ont donné ceux qui le négocient et il comprend, je pense, neuf pays pour l'instant, les États-Unis étant le plus grand. Il fait suite à un accord antérieur conclu entre la Nouvelle-Zélande, le Brunei, le Singapour et le Chili et inclut maintenant le Pérou, la Malaisie, le Vietnam et l'Australie. L'idée pour ces pays était d'unir leurs forces — je simplifie beaucoup — et de créer un nouvel accord qui irait plus loin que les accords précédents et créerait un nouveau modèle pour les futurs accords internationaux du XXIe siècle, comme ils disent.

Les empêchements actuels à la participation du Canada ont été créés de toutes pièces par les pays qui participent actuellement aux négociations parce que ce sont eux qui siègent à la table de négociations. Le Canada, le Mexique et le Japon ont frappé à la porte, disant : « Nous aimerions participer. Nous pensons que c'est important et nous sommes prêts à nous joindre à vous pour négocier. »

Les neuf partenaires se sont entendus pour déterminer par consensus qui pourra se joindre aux négociations. Tout le monde sait qu'un consensus est nécessaire, mais 96 p. 100 du consensus semble reposer sur les décisions des États-Unis et, bien entendu, nous savons comment les décisions sont prises aux États-Unis. Il y a beaucoup d'intérêts différents. Ils disent : « Si le Canada se joint, pouvons-nous lui demander de prendre des engagements à l'avance? » La Nouvelle- Zélande a exprimé ses préoccupations au sujet du système de gestion de l'offre — celui du lait, en particulier, car, pour la Nouvelle-Zélande, le plus grand gain dans le Partenariat transpacifique serait un meilleur accès aux produits laitiers, surtout aux États-Unis, et les États-Unis n'ont pas dit qu'ils refuseraient, ce qui créée une dynamique plutôt intéressante pour le Canada.

Voilà pour le problème. Pourquoi est-il dans l'intérêt du Canada de participer aux négociations? Nous vous avons dit qui étaient actuellement les participants. Cela n'ouvre pas un grand nombre de nouvelles possibilités intéressantes, mais si l'objectif global de cet accord — créer un nouvel accord auquel participeraient un jour d'autres pays de l'Asie- Pacifique — était atteint et que nous n'y participions pas, cela nous ferait beaucoup de tort. Mme Sullivan a dit à quel point ce serait dommageable, par exemple, si le Japon s'y joignait, mais pas le Canada. Nous perdrions notre deuxième marché agricole en importance dans plusieurs secteurs, car les barrières commerciales japonaises restent très élevées sur papier même si, dans certains cas, elles ont été abaissées dans la pratique.

Ce serait une grosse erreur pour le Canada de ne pas essayer d'y entrer, d'influer sur le résultat des négociations pour qu'il soit représentatif du type d'accord qui, à notre avis, est adapté au XXIe siècle. À défaut d'être présents et si l'accord prend de l'ampleur, nous serons confrontés au problème de devoir y adhérer sans avoir eu notre mot à dire sur sa teneur, ce qui serait peu souhaitable.

M. Clark : Les États-Unis ont pris le contrôle du PTP. Ils veulent vendre l'accession au PTP, avec ou sans négociation, et ils préféreraient que nous ne participions pas aux négociations parce que nous savons tout ce qu'ils ont à cacher, que nous sommes casse-pieds et que nous leur rendrons la tâche plus longue et pénible. Nous aiderons la Nouvelle-Zélande et l'Australie avec leurs programmes d'assurance-maladie et probablement quelques personnes relativement à la propriété intellectuelle.

Cette histoire d'accord commercial de qualité digne du XXIe siècle n'est qu'un trompe-l'œil. Ce n'est pas du libre- échange. Il s'agit de protéger les droits de propriété américains, de protéger les investisseurs américains et bien d'autres choses. Je ne veux pas avoir l'air de Maude Barlow, mais il y a des préoccupations qui sont légitimes et non nécessairement celles que nous entendons lorsque des conseils municipaux votent pour ne pas participer à l'Accord économique et commercial global. Ce n'est pas vraiment un accord de libre-échange. Il s'agit des intérêts américains, de Hollywood et d'autres gens, qui essaient de protéger leurs droits au moyen d'accords commerciaux.

Certains trouvent cela répugnant. Il y a de quoi; nous nous y opposons depuis des années.

Je ne vais pas parler des produits laitiers. Je vais offrir une solution à la Nouvelle-Zélande. Si les Américains, qui importent 3 p. 100 des produits laitiers qu'ils consomment, devaient en importer 6 p. 100 comme nous, tout le monde en Nouvelle-Zélande roulerait en Rolls Royce.

Vu ainsi, le PTP est valable pour le Canada si le Japon y participe et que nous ne pouvons pas négocier séparément avec le Japon. Nous avons déjà conclu des accords de libre-échange avec certains des autres pays, comme le Pérou et le Chili. Nous en avons conclu un avec les États-Unis. Au fond, ce qu'ils voudraient, c'est modifier l'ALENA à leur guise, sans négociations. Voilà de quoi il retourne. Tous les autres pays sont, comme l'a dit Mme Sullivan, trop petits pour nous préoccuper sauf, peut-être le Vietnam. À ce propos, les autres fois où je suis venu témoigner devant ce comité, j'en parlais comme de la politique canadienne consistant à chercher l'amour par tous les moyens.

Mme Sullivan : Je vais ajouter des commentaires aux propos de M. Weekes au sujet du PTP. Il y a d'autres avantages possibles. Cela dépend de la qualité finale de l'accord du PTP. Nous n'avons pas de boule de cristal alors nous ne le saurons pas.

Lorsque certains parlent d'un accord du XXIe siècle, ils parlent de choses comme les barrières non tarifaires, les questions phytosanitaires et le libellé de ces accords. Si vous pouvez régler ces questions à l'échelle régionale et les harmoniser entre neuf, voire, 12 pays, vous commencez à voir ce qu'on pourrait appeler une chaîne d'approvisionnement régionale. Les règles sur l'origine en sont un excellent exemple. Si nous pouvions avoir un accord avec 12 pays pour lesquels les règles d'origine sont les mêmes, cela pourrait être utile pour notre commerce, surtout, celui des produits transformés.

Le sucre pose problème pour le Canada. Nous avons une énorme industrie de raffinage du sucre, mais, lorsque nous exportons des produits contenant du sucre ou tentons d'exporter du sucre, souvent, nous ne le pouvons pas parce que le sucre ne provient pas du Canada. Toutefois, avec le PTP, nous pourrions importer du sucre de pays qui sont parties à l'accord, l'introduire dans des pâtisseries ou du chocolat et exporter ces produits dans ces pays. Le fait d'avoir une chaîne d'approvisionnement régionale peut être utile à l'agriculture et c'est là un des avantages possibles tout comme régler les questions de réglementation et coopérer à ce niveau entre 12 pays. C'est une des choses qui nous posent problème et entravent le commerce. Si nous pouvons commencer à régler ces questions et à les harmoniser entre les pays, cela pourrait aussi être utile.

M. Weekes : Je vais ajouter un dernier point. Il y a une autre raison pour laquelle il serait tellement justifié que le Canada y participe et pour laquelle notre participation bénéficie d'un bon soutien dans le milieu américain des affaires et c'est l'argument des chaînes d'approvisionnement mondiales. Dans bien des secteurs, la production au Canada et aux États-Unis est intégrée. Il est peu sensé pour les milieux d'affaires américains d'inciter leur gouvernement à négocier un accord qui les empêcherait d'exporter des produits d'usines du Canada qui font partie de leur réseau, auprès de leurs nouveaux partenaires.

C'est un argument qui devrait convaincre les Américains de nous laisser participer, parce que nous sommes des partenaires naturels. Nous faisons des choses ensemble et nous voulons pouvoir les vendre au monde entier. Les Américains auraient plus de difficulté à le faire si nous ne comptions pas parmi les joueurs. C'est très important.

Il devient clair que ces négociations, que les Américains disent vouloir se terminer d'ici à l'été, prendront un peu plus de temps et qu'il y a de nombreux problèmes, dont certains ont déjà été évoqués.

Il nous apparaît sensé d'être présents et je pense que la possibilité que cela se fasse est assez bonne.

[Français]

Le sénateur Maltais : Madame Sullivan, messieurs, merci pour votre exposé. Étant donné l'heure tardive, je vais vous demander de nous donner des réponses brèves afin de donner la chance à mes collègues de poser des questions.

Je commence à comprendre pourquoi la négociation des accords de libre-échange prend du temps.

Monsieur Pomerleau, pouvez-vous me donner le pourcentage du porc canadien exporté par le Québec et l'Ontario?

M. Pomerleau : Le Québec exporte à lui seul 50 p. 100 et pour l'Ontario, c'est près d'un tiers.

Le sénateur Maltais : Quelles sont les autres provinces qui exportent?

M. Pomerleau : Le Manitoba et l'Alberta.

Le sénateur Maltais : Vous avez parlé d'une technologie de conservation vraiment exceptionnelle dont je n'avais jamais entendu parler. Sans me donner un cours technique, pouvez-vous m'expliquer en quoi cela consiste, brièvement?

M. Pomerleau : C'est simplement du porc emballé sous vide et conservé à une température de -1,25 degré Celcius pour toute la durée de vie du produit.

Le sénateur Maltais : C'est bien. Si, demain matin, on signait tous les accords de libre-échange avec la Corée, la Chine et l'Inde, quel pourcentage d'augmentation de production de porcs serait nécessaire au Canada afin de satisfaire ce vaste bassin de population?

M. Pomerleau : Pour vous rassurer, il est hors de question que l'on satisfasse toutes les demandes du monde entier. Ce qui nous intéresse, c'est la marge supérieure pour aller chercher le meilleur profit possible pour nos producteurs.

Le sénateur Maltais : Monsieur Clark, vous savez que le Canada est un pays qui a d'immenses richesses naturelles. On est considéré dans le monde comme un pays doté de richesses naturelles exceptionnelles, que ce soit l'agriculture, le pétrole, l'océan, les minéraux, particulièrement au Québec présentement. On sait que la Chine fait beaucoup de recherche de minéraux, de fer et de titane dans le Nord du Québec, au Labrador ainsi que dans l'Arctique.

Lors des négociations, ne serait-ce pas un bon argument de dire à un pays que puisqu'ils ont besoin de matières premières, nous pouvons leur en vendre?

Inévitablement, s'ils viennent la chercher dans le nord du Québec, c'est parce qu'ils n'en ont pas autour de Pékin, sinon ils l'exploiteraient chez eux parce que le coût du transport est quand même faramineux. Ils font le tour du globe avec leur barge, et cela coûte cher. Est-ce que ce n'est pas un moyen de négociation, de dire : « Écoutez, vous avez besoin de matière première, puis nous, il faut nourrir vos travailleurs qui manufacturent ce fer afin de nous revendre d'autres produits. » En négociations, habituellement — je ne connais pas le libre-échange —, c'est donnant-donnant. Si vous avez besoin de vendre un produit, vous avez besoin aussi de nourrir votre population. J'aimerais vous entendre là-dessus, brièvement.

[Traduction]

M. Clark : Sénateur, vous soulevez un point intéressant parce qu'il est clair que les Chinois ont besoin de nos ressources et qu'ils en veulent. Dans l'ALENA, l'Accord de libre-échange nord-américain, nous avons pris certains engagements envers les États-Unis dans le domaine de l'énergie, engagements qui ont été essentiels pour conclure l'accord. Ce sur quoi vous pouvez vous entendre dans un accord bilatéral est essentiellement limité par la volonté des parties aux négociations, tant que cela n'est pas discriminatoire envers des tiers. Il n'y a pas de raison pour laquelle le Canada ne pourrait pas donner des garanties d'approvisionnement à la Chine dans le cadre d'un accord. Cela devient parfois délicat si vous ne possédez pas les ressources que vous vous engagez à vendre, mais cela peut se discuter, comme l'obligation de ne pas imposer de restrictions aux exportations ou de ne pas imposer des restrictions aux exportations qui ne correspondraient pas à ce que vous exigez de votre propre population.

Les Chinois voudront certainement en discuter. Ce que nous ferons et le fait que ce sera inclus ou non dans l'accord est une autre histoire. Toutefois, nous devrions utiliser notre influence au maximum.

[Français]

Le sénateur Maltais : Madame Sullivan, vous semblez privilégier la Corée du Sud. Pourquoi?

[Traduction]

Mme Sullivan : Nous privilégions la Corée du Sud parce que, pour tout dire, nous sommes en mode crise avec ce pays. Nous exportons annuellement pour un milliard de dollars de produits agricoles et alimentaires dans ce pays et, l'année dernière, l'Union européenne et les États-Unis ont tous deux signé des accords de libre-échange avec la Corée, des accords qui, à terme, élimineront la plupart des tarifs dont doivent s'acquitter ces pays pour les produits agricoles qu'ils exportent en Corée du Sud.

Bien que le Canada soit avantagé en raison de la qualité de ses produits, comme le porc, les Coréens finiront par ne plus vouloir payer plus cher pour avoir du porc ou d'autres produits canadiens s'ils peuvent acheter des produits américains ou européens moins cher parce que les tarifs sont plus bas et finiront par être supprimés. Nous avons déjà des acheteurs en Corée du Sud qui passent de produits canadiens à des produits américains parce qu'ils seront très bientôt moins chers et, une fois que nous aurons perdu ces clients, il sera difficile de les reconquérir.

Par conséquent, nous risquons de perdre très bientôt un marché de un milliard de dollars.

[Français]

Le sénateur Maltais : Une dernière question. C'est sûr que ce que vous venez de dire est important, et je le comprends très bien. Cependant, lorsque vous négociez avec la Corée, n'est-il pas permis d'avoir un plan B et C?

[Traduction]

Mme Sullivan : Je vais laisser M. Pomerleau en parler. Je ne suis pas certaine qu'il y ait un plan B ou un plan C pour la Corée. Je pense que c'est M. Weekes...

[Français]

Le sénateur Maltais : Non, excusez-moi, on négocie avec la Corée et on en arrivera peut-être à une entente. Maintenant, si cela échoue, on ne restera pas avec notre part dans les entrepôts, même si elle se conserve 45 jours. Y a- t-il d'autres marchés que vous êtes en train de développer en cas d'échec? Les meilleurs syndicats finissent toujours par faire la grève.

[Traduction]

Mme Sullivan : Absolument. Nos autres plans prévoient d'ouvrir le marché européen au porc canadien, d'essayer de conclure un accord de libre-échange avec le Japon, d'essayer de négocier l'accès au marché indien et d'essayer d'adhérer au Partenariat transpacifique. Si nous perdons la Corée, nous aurons perdu la Corée. Le plan de rechange est de s'ouvrir à d'autres marchés pour pouvoir exporter nos produits.

[Français]

M. Pomerleau : Sauf que la Corée est le seul pays qui paie autant pour les découpes qu'on lui envoie, et on parle des flancs. Si jamais on était obligé de ramener 200 millions de dollars de flancs sur le marché nord-américain, on réduirait énormément nos prix à la production parce qu'il n'y a pas d'autres marchés porteurs ailleurs.

Le sénateur Maltais : Le bacon serait à la baisse, si je comprends bien?

M. Pomerleau : Oui.

[Traduction]

Le sénateur Eaton : Madame Sullivan, quelle est la date limite pour la Corée? Comme vous le savez, le premier ministre s'y rendra à la fin du mois.

Mme Sullivan : Pour être franche, la date limite pour la Corée est passée. Lorsque l'accord avec les États-Unis entrera en vigueur, le 15 mars, je pense, ce pays sera déjà avantagé.

Le sénateur Eaton : C'est la date limite, n'est-ce pas?

Mme Sullivan : C'est la date limite.

Plus tôt nous aurons conclu un accord, mieux ce sera. Nous aimerions certainement en voir un conclu cette année. La bonne nouvelle est que les négociations sont très avancées. Lorsque nos pourparlers avec la Corée ont été rompus en 2008, une grande partie de l'accord avait déjà été négociée et couchée sur papier. Il ne reste donc que quelques domaines pour lesquels les négociations ne sont pas encore terminées.

Je pense que nos négociateurs ont complété une ou deux rondes. Si nous pouvions ramener les Coréens à la table, nous pourrions mener à bien les négociations assez rapidement.

Le sénateur Eaton : Quand vous pensez au PTP, au voyage du premier ministre en Chine et aux négociations commerciales avec le Japon, voyez-vous une course contre la montre? Y a-t-il une course? En d'autres termes, serait-il plus rapide de prendre un moyen détourné et de dire à la Chine : « Nous mettons en place l'oléoduc du Nord, nous pourrons vous donner du pétrole; nous pourrons vous en donner » — pour reprendre l'idée du sénateur Maltais...

Le sénateur Duffy : « Vous vendre. »

Le sénateur Eaton : Évidemment.

Qu'est-ce qui ira plus vite? Essaierons-nous de faire les deux?

M. Clark : Nous pouvons boucler la Corée plus rapidement que la Chine.

Le sénateur Eaton : Le Japon?

M. Clark : Il faudrait probablement un an et demi pour le Japon.

Le sénateur Eaton : Serait-ce plus rapide que pour le PTP?

M. Clark : Qui sait? Les vrais problèmes n'ont pas été mis au jour.

Le sénateur Eaton : Nous travaillerons sur les deux fronts.

M. Clark : M. Pomerleau et moi entendons les exportateurs quotidiennement. Le problème ne commencera pas vendredi. Il existe déjà. Nous perdons des commandes et des fournisseurs en Corée. Le gouvernement canadien n'a pas manifesté l'intention de négocier un accord. On ne nous considère donc pas comme un fournisseur à long terme.

Le sénateur Eaton : Oubliez la Corée. Continuerons-nous avec le Japon et la Chine — le PTP? Travaillons-nous sur les deux fronts?

Mme Sullivan : La Chine n'est pas mêlée du tout au Partenariat transpacifique.

Le sénateur Eaton : Pas encore.

Mme Sullivan : Pas encore. Nous avons besoin tant du Japon que du PTP.

Le sénateur Eaton : Donc, nous travaillons aux deux?

Mme Sullivan : Nous devons travailler aux deux et c'est ce que le Canada fait présentement.

Le sénateur Eaton : D'accord.

Plus tôt, vous parliez de choses comme la traçabilité, la qualité, la marque canadienne et l'excellence de nos produits. Est-ce que le problème concerne parfois les barrières non tarifaires et les produits transgéniques, manifestement? Est-ce que notre industrie agricole est plus avancée que, disons, l'industrie agricole en Inde ou au Japon? Par conséquent, est- ce en grande partie politique? En d'autres termes, c'est la façon dont ils se protègent contre un pays qui fait les choses avec des méthodes plus avancées. Comment expliquez-vous la haine pour nos produits transgéniques qui se sont révélés, au fil de nombreuses années, être d'excellents produits, comme le canola?

Cela a une incidence puisque nous ne pouvons faire du commerce en Afrique parce que les Européens y ont positionné nos produits.

Mme Sullivan : J'ai passé un mois en Europe l'année dernière à travailler dans le cadre des négociations entre le Canada et l'Union européenne et je n'ai jamais vraiment compris la différence de sensibilité à l'endroit des produits transgéniques jusqu'à ce que je sois là-bas et que je commence à entendre des histoires de leurs députés. Une députée allemande racontait une histoire, et elle est plutôt en faveur des OGM, et ses électeurs ont brûlé son effigie.

Le sénateur Eaton : Regardez ce qu'ils font pour notre miel.

Mme Sullivan : Oui. Avec les barrières non tarifaires, les choses peuvent varier. Je pense que les pays s'en servent pour bloquer le commerce pour protéger leurs propres industries.

Le sénateur Eaton : C'est donc du protectionnisme politique.

Mme Sullivan : Dans certains cas, comme pour les OGM dans l'Union européenne et aussi l'interdiction des hormones de croissance dans notre bœuf par l'Union européenne, par exemple, je pense qu'une partie des mesures sont dictées par les consommateurs — et par consommateurs, comprenez des « groupes d'intérêts » et des « groupes d'activistes » — plutôt que par les politiciens. Les politiciens ont souvent l'impression qu'ils doivent adopter des positions parce qu'ils ont affaire à des groupes de pression très puissants. Dans certains cas, ces mesures sont dictées par des intérêts politiques.

Le sénateur Eaton : En plus d'être d'habiles négociateurs — je n'ai aucun doute que M. Clark et M. Weekes font très bien leur travail —, cela vous aide-t-il lorsque nous tentons de convaincre les consommateurs étrangers de l'excellence de notre produit et du fait que ces problèmes n'en sont pas vraiment, ou est-ce que cela n'est pas utile?

Mme Sullivan : C'est très utile. Le Canada a d'excellents négociateurs commerciaux reconnus dans le monde entier. Il est utile quand le gouvernement et l'industrie collaborent à la promotion d'un produit canadien.

Le sénateur Eaton : Cela se fait-il vraiment?

Mme Sullivan : Absolument. Ce sont les agriculteurs eux-mêmes plutôt que les transformateurs. M. Pomerleau a des bureaux dans le monde entier. Il en a un, mais la Canadian Cattlemen's Association en a sept dans le monde. Les agriculteurs se déplacent constamment pour faire la promotion de leurs produits dans le monde et tenter de s'ouvrir de nouveaux marchés.

Tous les efforts déployés pour sensibiliser le monde aux produits canadiens sont excellents, mais je pense qu'à l'échelle nationale, nous devons faire valoir les problèmes que nous avons et nos perspectives aux décideurs. Je suis allée à Bruxelles environ huit fois depuis le début des négociations. Nous rencontrons des représentants des États membres de l'Union européenne, des négociateurs et des députés. Nous nous sommes un peu endormis aux commandes dans certains des dossiers. Nous aurions dû nous mobiliser plus tôt.

Le sénateur Eaton : C'est un trait de caractère très canadien. Nous nous sommes fait prendre au dépourvu dans le dossier des sables bitumineux. Nous les avons laissés définir ce projet en termes écologiques, ce qui est absurde. Vous semblez dire que la même chose s'est passée avec nos produits agricoles et nos excellentes semences génétiquement modifiées. Je crains qu'on s'en prenne ensuite à notre industrie minière, mais c'est là une tout autre question.

Mme Sullivan : Nous devons effectivement prendre davantage les devants. Nous le reconnaissons, et c'est pourquoi nous consacrons tant de temps à l'Union européenne. Nous espérons nous rendre en Corée et au Japon dans les quelques prochaines semaines. Nous devons nous rendre sur le terrain pour expliquer les enjeux et les différences dans nos pratiques de production et, franchement, chercher à comprendre les sensibilités des marchés dans lesquels nous voulons percer. Il arrive que les consommateurs ne veulent pas ce que nous avons à offrir, dans quel cas nous devons leur offrir un produit qu'ils veulent. Il y a des différences.

Le sénateur Eaton : Le faisons-nous?

Mme Sullivan : Souvent, oui. Par exemple, nous reconnaissons que les consommateurs européens ne veulent pas de bœuf aux hormones, nous élevons donc des bœufs sans hormones pour ce marché-là. Notre position, c'est que nous ne voulons pas que les organismes de réglementation rejettent nos produits s'ils ne présentent aucun danger. Le choix devrait revenir aux consommateurs. Si les consommateurs veulent du bœuf sans hormones, nous le leur fournirons. Nous pouvons le faire, mais qu'on n'adopte pas un règlement interdisant l'utilisation d'hormones dont des organismes internationaux ont dit qu'ils ne présentent aucun danger.

[Français]

Le sénateur Rivard : Monsieur Weekes, on a établi plus tôt que la Corée avait levé l'interdiction de l'importation du bœuf canadien qui avait fait suite l'incident de la vache folle il y a plusieurs années. À votre connaissance, y a-t-il d'autres pays qui maintiennent cette interdiction de l'importation du bœuf?

[Traduction]

M. Weekes : Sauf erreur, la Corée est le dernier marché important à avoir promulgué une interdiction totale à l'égard du bœuf canadien à la suite de la crise de l'ESB. Il reste cependant quelques restrictions résiduelles dans certains autres marchés. Au Japon, par exemple, seules les importations américaines et canadiennes de bœuf provenant d'animaux de moins de 21 mois sont autorisées. Toutefois, les Japonais sont en train de réviser leur politique et le gouvernement a demandé à leur commission responsable de la salubrité alimentaire de revoir certaines des règles adoptées dans le domaine. Beaucoup de gens pensent qu'ils n'auraient pas entrepris cette démarche s'ils n'avaient pas l'intention de libéraliser le marché. Même notre partenaire de l'ALENA, le Mexique, accepte seulement le bœuf provenant d'animaux de moins de 30 mois. Il n'achète pas une quantité illimitée de bœuf provenant du Canada.

Des restrictions résiduelles persistent, mais la dernière interdiction majeure — elle était totale — est celle qu'a imposée la Corée.

[Français]

Le sénateur Rivard : Monsieur Pomerleau, en ce qui concerne l'industrie du porc, est-ce que la réglementation environnementale, tant fédérale que provinciale, est un frein à nos exportations? Est-ce que nos compétiteurs, les Américains, par exemple, qui vont sur les marchés asiatiques ont les mêmes contraintes environnementales que votre industrie a au Canada?

M. Pomerleau : Cela dépend des régions. Au Manitoba, il y a un moratoire sur l'expansion de l'industrie porcine. Même si on peut porter un jugement là-dessus, cela occasionne un certain frein à l'expansion de l'exportation.

En règle générale, les producteurs travaillent relativement bien avec les autorités gouvernementales. Il y a eu quelques cas au Québec mais cela visait surtout certaines municipalités. Cela varie donc d'une région à l'autre.

Est-ce qu'on peut dire que c'est un frein à l'exportation? À l'exception du moratoire au Manitoba, je ne le crois pas.

Le sénateur Rivard : J'ai une question concernant le traité de libre-échange qu'on négocie présentement avec l'Union européenne. L'année dernière, lors d'une réunion avec le Parlement européen, on nous disait que la finalisation du traité sur nos sables bitumineux était freinée à cause des dangers pour l'environnement. Mais on sait très bien que la production des gaz à effet de serre au Canada représente 1,8 p. 100 de la production mondiale et que les sables bitumineux représentent à peine 0,1 de 1 p. 100. Ils nous amènent cet argument alors qu'on sait qu'il y a beaucoup de pays de l'Union européenne qui produisent leur électricité à partir du charbon, qui est beaucoup plus polluant. Quelle est votre opinion à ce sujet?

M. Pomerleau : J'ai eu l'occasion de passer quelques années à l'ambassade du Canada, à Paris, et j'ai eu droit à Mme Bardot et à la chasse au phoque.

Il faut savoir que, étant donné la façon dont les membres du Parlement européen sont nommés, ce ne sont pas toujours les éléments les plus représentatifs de la société qui en font partie. Ce sont souvent des groupes d'activistes qui réussissent à passer leurs messages, tant à droite qu'à gauche.

Si vous assistez à une rencontre avec les parlementaires européens, vous allez entendre parler du gros contentieux qui existe entre le Danemark et le Canada au sujet de l'île de Hans, qui est situé entre les deux pays et qui est au cœur des motivations de certains députés européens, dont la chasse au phoque.

Le Parlement européen est en train de changer à cause du Traité de Lisbonne. Ils essaient de plus en plus de se faire prendre au sérieux, malgré tous les lunatiques qu'on a pu voir par le passé.

Le Parlement européen est en évolution. Par contre, c'est certain qu'on va encore entendre parler des petits cas. Mais comme plusieurs des contacts que nous avons eus au cours des derniers mois à Bruxelles, on se dit : laissons-les parler et ils finiront toujours par entendre la voix de la raison.

Le sénateur Rivard : Monsieur Weekes, est-ce que je me trompe si je dis qu'il n'y a pas de tarif douanier pour l'exportation du bœuf et du porc entre les pays membres de l'ALENA? Je comprends qu'on développe ce marché, mais est-ce qu'on atteint les objectifs qu'on visait avec nos partenaires de l'ALENA?

[Traduction]

M. Weekes : C'est une bonne question, que j'aborderai un pays à la fois. Au Mexique, nos activités commerciales se sont nettement intensifiées. Depuis la signature de l'ALENA, ce pays est devenu un marché d'exportation considérable pour une variété de produits agricoles canadiens.

Bien sûr, dans l'ensemble, les États-Unis demeurent notre premier marché en importance. Ils constituent notre principal marché pour un vaste éventail de produits agricoles, notamment le bœuf et les bovins vivants. Or, dans divers domaines, nous avons plus ou moins réalisé le plein potentiel de pénétration du marché. C'est un marché établi. Il ne croît pas rapidement. Dans divers domaines, ils ont leur propre production. D'autres exportateurs se font aussi concurrence dans ce marché. Ce sont les marchés étrangers qui ont été mentionnés précédemment qui recèlent le plus grand potentiel de croissance.

Le sénateur Duffy : Je remercie nos témoins d'être venus nous rencontrer. Je tiens aussi à m'adresser à notre auditoire à la maison : vous avez été noyés sous les acronymes et le jargon du commerce international. Résumons donc : de chaque billet de 5 $ qui se trouve dans vos poches, au moins 3 $ proviennent du travail des personnes qui se trouvent à cette table.

Le commerce revêt une importance capitale pour les gens à la maison, pour notre prospérité, pour ce que nous, les Canadiens, possédons et pour notre mode de vie. Je vous félicite, tous vos membres et vous, de ce que vous faites pour assurer la richesse de notre pays. Ne l'oubliez jamais : au moins les deux tiers, si ce n'est les trois quarts, du contenu de vos poches résultent du commerce dans son sens large.

Messieurs Weekes et Clark, on remonte loin dans le temps. Ce qui n'a pas changé — et le sénateur vient d'en parler lorsqu'il a posé des questions pour savoir ce que les Européens pensent de nos produits —, c'est qu'on mène des campagnes de peur contre la libéralisation accrue du commerce ou les accords de libre-échange. On retourne à une époque où des députés s'y opposaient. Ils organisaient notamment toutes sortes de manifestations.

Monsieur Clark, pourriez-vous nous dire brièvement de quelle façon le libre-échange a contribué à notre prospérité au cours des 25 ou 30 dernières années et nous parler de ces nouvelles initiatives commerciales, qui commencent déjà à avoir des détracteurs qui disent ne pas vouloir y participer? Quels progrès avons-nous réalisés et que nous réserve l'avenir?

M. Clark : Sénateur, quand j'ai commencé à travailler au ministère des Finances, nous étions heureux d'avoir dépassé quelques dizaines de milliards de dollars en exportations. C'est l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, conclu avant l'ALENA, qui a fait grimper autant nos exportations. Nous avons emprunté une autre voie dans laquelle nous devons poursuivre parce que l'OMC, que Dieu bénisse cette organisation, et le cycle de Doha ont été établis au mauvais moment et pour les mauvaises raisons. On ne constatera vraisemblablement aucun résultat à cet égard pour les dix prochaines années. Nous devons conclure ces accords régionaux, et ce, parce que d'autres pays le font. Des centaines d'accords sont en cours de négociation à l'heure actuelle. Nous serons nettement désavantagés si nous ne concluons pas de tels accords.

En ce qui concerne le Parlement européen, la semaine dernière à l'autre endroit, un résident de l'Île-du-Prince- Édouard m'a posé une question au sujet de la chasse au phoque. Il m'a demandé : « Que peut-on faire à propos de la chasse au phoque? », à quoi j'ai répondu : « Abolir le Parlement européen. » C'est toutefois impossible.

Le sénateur Duffy : Vous nous dites qu'il y aura toujours des alarmistes. Comme disait Roosevelt « La seule chose dont nous devons avoir peur c'est de la peur elle-même. »

Pour ceux qui sont à la maison, lorsque des gens répètent à la ronde : « Nous n'allons pas conclure d'autres accords commerciaux, et encore moins avec ces ignobles Américains. Ils nous enlèvent notre prospérité », que faut-il répondre?

M. Clark : Pour les Américains, charité bien ordonnée commence par soi-même, surtout en période de récession. Les Américains représentent notre plus grand marché et soyons honnêtes, il en sera toujours ainsi. Nous essayons de tirer parti — comme eux, comme les Européens et tout le monde — de la croissance et de l'intégration du monde. Ce n'est pas en Amérique du Nord qu'on observe une croissance des revenus et des populations, mais en Asie. Il est donc sage de se tourner vers l'Asie.

Nous pensons aussi — et nous en parlerons aux gens dans le secteur du commerce — que nous devrions songer à essayer de conclure un accord avec la Russie et les anciens pays de la Communauté des États indépendants parce qu'il y a du potentiel de ce côté-là aussi et il n'y a pas autant de problèmes.

Le sénateur Duffy : M. Weekes, que dites-vous à ceux qui ont des craintes, à ceux qui disent que le changement fait toujours peur? Certaines personnes dans notre système politique sont connues pour cela.

M. Weekes : Je peux comprendre pourquoi certaines personnes ont peur. Nous vivons dans un monde où notre économie est déjà intégrée. Les négociants vendent leurs produits sur les marchés du monde entier. Bien franchement, puisque le Canada est un pays moyen, il est plus avantageux pour nous d'évoluer dans un monde fondé sur les règles que dans un monde fondé sur les rapports de force. Plus il y a de règles pour le commerce international, qui régissent le commerce des produits que nous vendons et achetons, à mon avis, plus cela est avantageux pour notre pays, et plus les Canadiens auront de possibilités de participer au marché international sur un pied d'égalité.

Le sénateur Duffy : Madame Sullivan, qu'avez-vous à dire aux gens qui affirment que nous ne devrions pas exporter nos produits pétroliers, ni notre minerai de fer provenant du Nord du Québec et du Labrador, et que nous devrions les garder ici, car nous craignons le monde extérieur?

Mme Sullivan : Si nous n'exportons pas nos produits, la moitié de l'économie agricole du pays disparaîtra, ce qui aura des effets dévastateurs sur les collectivités rurales partout au pays. Vous avez parlé des gens qui ont peur du changement. Il ne s'agit pas de changement. Je crois qu'à l'échelle du pays, on ne comprend pas bien les fondements de notre économie. Nous faisons des échanges commerciaux. Nous envoyons la moitié de tout ce que nous produisons à l'extérieur du pays.

Il ne s'agit pas de changement. Il s'agit de faire comprendre aux gens les fondements de notre économie. Il ne fait aucun doute que notre marché intérieur est fort, mais il en va de même du marché d'exportation.

Nous faisons aussi beaucoup d'importation. Aujourd'hui, les gens sont heureux de disposer d'une aussi grande variété de produits dans les épiceries. Il y a beaucoup plus de produits sur les tablettes aujourd'hui que pendant mon enfance, et il y en a sans doute mille fois plus que lorsque ma mère et ma grand-mère étaient elles aussi des enfants. Cette variété plaît aux gens. Nous importons ces produits d'autres pays, et nous ne pouvons pas importer de produits si nous n'en exportons pas.

[Français]

Le sénateur Duffy : Dites-moi, monsieur Pomerleau, quel est l'impact du libre-échange sur les Québécois?

M. Pomerleau : C'est une question pour un référendum. Je ne peux pas parler pour l'ensemble de la société québécoise, mais ce que je peux dire par contre, c'est que dans notre industrie et dans la plupart des produits agricoles — moi je viens d'une région qui produit le sirop d'érable — s'il n'y avait pas d'exportation, je m'excuse, mais ça n'existerait pas. Il en est de même pour les produits carnés. Même pour la gestion de l'offre, l'alimentation animale, il y a plusieurs coûts qu'il faut amener pour pouvoir faire profiter ces industries et ça vient de l'extérieur. Donc si vous ne pouvez négocier un bon prix pour les aliments, même pour les vaches, vous allez avoir un problème. Pratiquement, oui, il y a un avantage, mais il faudrait le détailler un peu plus secteur par secteur.

Le sénateur Rivard : Monsieur Pomerleau, je ne sais pas si vous êtes de la famille des Pomerleau de la Beauce, mais je peux vous dire que le libre-échange a été très favorable pour les monteurs d'acier. On peut penser à Canam Manac et à tous les contrats que la firme Pomerleau et Verreault a effectués aux États-Unis grâce au libre-échange.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, je voudrais terminer en disant aux témoins que nous avons quelques questions à leur poser par écrit. Nous les leur ferons parvenir par l'intermédiaire de la greffière. Nous leur saurions gré de bien vouloir nous répondre par écrit également.

Mesdames et messieurs les témoins, vous nous avez bien informés. Vous avez été intéressants et instructifs et vous avez su nous éclairer sur ce que nous réserve l'avenir. Merci beaucoup pour votre temps.

(La séance est levée.)


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