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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 15 - Témoignages du 26 avril 2012


OTTAWA, le jeudi 26 avril 2012

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 5, pour examiner, afin d'en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole. (sujet : Importance de l'innovation dans les pratiques agricoles propices à la durabilité de l'environnement)

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, la séance est maintenant ouverte. En tant que président du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, j'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les sénateurs et sénatrices ici présents ce matin.

[Traduction]

J'aimerais remercier les témoins d'avoir accepté de nous rencontrer ce matin pour nous faire part de leurs idées, de leur vision et de leurs points de vue afin que le comité puisse accomplir son mandat, soit créer de nouveaux marchés nationaux et internationaux et améliorer la viabilité agricole ainsi que la diversité et la sécurité alimentaires.

Honorables sénateurs, si vous me le permettez, j'aimerais profiter du fait que cette séance est télévisée pour dire aux membres du secteur forestier de la Colombie-Britannique qui ont dû composer avec deux incendies dernièrement que nous sommes de tout cœur avec eux et leur famille. Tout comme vous, nous sommes endeuillés par la perte de vos collègues. Nous espérons que ceux qui sont encore hospitalisés pourront bientôt rejoindre leurs familles. Je tenais à transmettre ce message, honorables sénateurs, car lors de la visite du comité en Colombie-Britannique, nous avons été honorés par l'accueil que nous ont réservé les gens de Williams Lake et de l'UBC.

Nos cœurs et nos pensées accompagnent toutes les familles éprouvées.

Je m'appelle Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick. Je suis le président du comité. Je demanderais aux sénateurs de se présenter.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, Saint-Louis-de-Kent, Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Merchant : Bonjour. Je m'appelle Pana Merchant, de Regina, en Saskatchewan.

Le sénateur Mahovlich : Bonjour. Je m'appelle Frank Mahovlich, de Toronto, en Ontario.

Le sénateur Plett : Je m'appelle Don Plett, de Landmark, au Manitoba.

Le sénateur Buth : Je m'appelle JoAnne Buth, du Manitoba.

[Français]

Le sénateur Nolin : Pierre Claude Nolin, et je représente la province de Québec.

Le sénateur Eaton : Nicole Eaton, de l'Ontario

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, Québec.

Le sénateur Rivard : Michel Rivard, les Laurentides, Québec.

[Traduction]

Le président : Merci, honorables sénateurs.

Le comité poursuit ce matin son étude sur les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole.

[Français]

Aujourd'hui, l'objet de la réunion est de comprendre l'importance de l'innovation dans la pratique agricole propice à la durabilité de l'environnement. Nous accueillons Mme Beth McMahon, directrice exécutive chez Cultivons Biologique Canada.

[Traduction]

Nous accueillons également M. Andrew Hammermeister, directeur Centre d'agriculture biologique du Canada. Merci d'avoir accepté de nous rencontrer ce matin afin de nous transmettre votre vision, vos idées et vos recommandations.

On m'informe que Mme McMahon sera la première à prendre la parole, suivie de M. Hammermeister, après quoi nous passerons aux questions des sénateurs.

[Français]

Sur ce, la parole est à vous, madame McMahon.

[Traduction]

Beth McMahon, directrice exécutive, Cultivons Biologique Canada : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs, de nous avoir invités à témoigner.

Fondé en 1975, Cultivons Biologique Canada est le plus vieil organisme voué à la culture biologique. Depuis, beaucoup de choses ont changé dans le secteur de l'agriculture biologique. Autrefois philosophique et marginale, la culture biologique est maintenant répandue. En 2010, les ventes de produits biologiques ont été évaluées à 2,6 milliards de dollars au Canada.

Notre organisme représente tous les types d'agriculteurs biologiques, des jardiniers qui vendent leurs produits dans les marchés aux producteurs/exportateurs de céréales des prairies, du débutant à l'agriculteur expérimenté. Mais tous ces gens ont un point en commun : ils souscrivent à des principes agroécologiques.

Malgré ce que vous avez entendu sur le sujet, l'agriculture biologique ne ressemble en rien à ce que faisaient les colons. D'ailleurs, les systèmes de production biologiques les plus complexes sont conformes aux normes canadiennes en la matière, car ils font l'objet d'observations et de recherches, et utilisent des procédés scientifiques rigoureux. En plus des exigences générales en matière de production et de sécurité alimentaire, ainsi que des exigences pour chaque produit, le régime de certification biologique en vigueur impose également la mise en place de protocoles de traçabilité et la tenue d'une inspection annuelle effectuée par une tierce partie.

L'agriculture biologique est très viable en plus d'être novatrice. Grâce aux efforts du Centre d'agriculture biologique du Canada et d'autres organismes de recherche, la biodiversité des fermes qui pratiquent ce genre de culture s'élève à plus de 30 p. 100 : récoltes, insectes pollinisateurs, oiseaux et activité microbienne.

Récemment, le Dr Derek Lynch, de la Chaire canadienne en recherche biologique, a publié un article, dans le Journal of Sustainability, dans lequel il dit que les exploitations biologiques consomment 20 p. 100 moins d'énergie non renouvelable que les exploitations conventionnelles. Elles sont aussi plus performantes et plus rentables lors de périodes d'instabilité du climat, comme les sécheresses. Dans le marché très concurrentiel d'aujourd'hui, tant les petits producteurs biologiques que les grands doivent exceller dans leur domaine s'ils veulent offrir des produits de qualité qui comblent et dépassent les attentes des autres intervenants de la chaîne de valeur. Personne ne veut acheter une tomate tachée, peu importe la façon dont elle a été cultivée, et les producteurs biologiques ne veulent offrir que des produits de qualité supérieure.

Les agriculteurs biologiques possèdent également un esprit d'entreprise, ce qui est souhaitable dans le marché agroalimentaire d'aujourd'hui. Ils sont ingénieux sur le plan financier, font preuve de bon sens en matière de communication et de marketing, et utilisent les réseaux sociaux et les nouvelles technologies à leur avantage. Tout cela les aide à établir des relations authentiques avec les consommateurs.

Ces réussites sont reconnues, comme en fait foi le grand nombre d'agriculteurs biologiques parmi les finalistes pour le prix des Jeunes agriculteurs d'élite du Canada, dont les gagnants de 2011, Annemarie et Kevin Kippenstein, de Cawston, en Colombie-Britannique. À titre indicatif, les lauréats pour le Canada atlantique, en 2012, sont Sally et Mark Bernard, qui exploitent une ferme de grains mélangés et de soya, ainsi qu'un torréfacteur de soya, à Freetown, à l'Île-du-Prince-Édouard. Ces gens sont des leaders. Ils créent de nouveaux marchés. Ils connaissent du succès et subviennent aux besoins de leurs familles en tant qu'agriculteurs à temps plein. Ils sont très actifs dans leurs collectivités.

Les agriculteurs biologiques sont également des leaders au sein de la communauté agricole en général, ce qui aide à rapprocher l'agriculture conventionnelle et l'agriculture biologique. Le fossé entre les deux est disparu. Avec le manque de ressources et de programmes agricoles que l'on connaît, les deux côtés sont plus disposés à collaborer afin d'obtenir de meilleurs résultats. Par exemple, Organic Meadow, une coopérative laitière biologique ontarienne comptant plus de 100 membres, et Steen's ont conclu un partenariat afin de créer la première usine laitière indépendante depuis plus de 20 ans. Celle-ci peut transformer des produits laitiers selon des processus biologiques et conventionnels. Malgré sa petite superficie, soit 20 000 pi2, elle peut créer beaucoup de produits et s'ajuster rapidement aux demandes du marché.

Par nécessité, les intervenants du secteur biologique se spécialisent dans l'intégration verticale et la gestion de la chaîne de sous-traitance. Grâce à des modèles privés et coopératifs, les sociétés biologiques sont devenues des chefs de file dans la création de systèmes agroalimentaires. Le secteur doit relever bien des défis et étudier de nombreuses possibilités. Il doit, entre autres, composer avec une concurrence internationale féroce; plus de 75 p. 100 des produits biologiques vendus au pays sont importés. Le nombre de producteurs biologiques certifiés au pays a baissé entre 2009 et 2010, et l'on devrait remarquer la même tendance en 2011 lorsque les données à ce chapitre seront publiées. La baisse la plus marquée a été enregistrée dans les Prairies.

Le Québec est la seule province qui ait réglementé l'agriculture biologique. Elle a connu une augmentation du nombre de producteurs biologiques certifiés. Elle se classe au premier rang national pour le plus grand nombre de producteurs et de transformateurs biologiques au pays, place qu'occupait auparavant la Saskatchewan. En vertu du Règlement sur les produits biologiques qu'il a adopté, le gouvernement fédéral a conclu des ententes avec nos plus importants partenaires commerciaux en matière de produits biologiques, soit les États-Unis et l'Union européenne. C'est une excellente nouvelle, car cela réduit les formalités pour nos producteurs et entreprises biologiques et la répétition inutile de procédures. Toutefois, nos membres s'inquiètent quant au maintien de ces ententes, surtout lorsque l'on considère que le Canada n'a aucun mécanisme pour revoir et mettre à jour ses propres normes sur les produits biologiques.

Notre secteur est composé de gens très dynamiques et optimistes. On devrait célébrer le fait qu'il met à contribution les producteurs, les bénévoles et les intervenants du secteur de l'énergie. Aucun autre segment agroalimentaire n'a consacré autant d'heures à la mise en commun de stratégies de production et de résultats de recherches pour promouvoir le secteur. Il suffit de regarder le nombre de conférences et d'ateliers qui se donnent au pays sur les produits biologiques pour constater tout le transfert de connaissances qui se produit, sans parler des nouveaux sites Web destinés à la mise en commun d'idées sur la production et le matériel.

Cultivons Biologique Canada reconnaît qu'il y a encore place à amélioration sur le plan de la croissance, de la recherche et de l'innovation, et nous sommes impatients de collaborer avec le gouvernement du Canada pour que l'agriculture biologique soit soutenue et valorisée pour tout ce qu'elle apporte à la société.

Le président : Merci, madame McMahon.

Monsieur Andrew Hammermeister, vous avez la parole.

Andrew Hammermeister, directeur, Centre d'agriculture biologique du Canada : Je suis heureux d'être ici aujourd'hui et reconnaissant envers le comité de m'avoir invité.

Le Centre d'agriculture biologique du Canada a été créé en 2001. Il a pour mandat d'éduquer et d'encourager la recherche canadienne sur l'agriculture biologique. Il administre également la grappe scientifique biologique canadienne, dans le cadre de l'Initiative des grappes agroscientifiques du programme Cultivons l'avenir du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire du Canada, ce qui lui permet d'appuyer plus de 50 scientifiques et collaborateurs un peu partout au pays. Ceux-ci sont répartis dans 36 centres et sites de recherche et travaillent à 27 projets de recherche et de communication différents. Ce programme important prendra fin en mars 2013, soit en même temps que l'Initiative des grappes agroscientifiques.

Le comité m'a invité aujourd'hui pour parler de l'importance de l'innovation dans les pratiques agricoles en ce qui concerne la durabilité de l'environnement. La culture biologique est consacrée par l'usage, réglementée et reconnue mondialement. Elle est motivée par la demande du public et s'appuie sur des principes de durabilité environnementale.

Habituellement, lorsque l'on parle de durabilité de l'environnement, il est question de minimiser la pollution liée à nos pratiques agricoles, d'être plus efficace et de reconnaître que nos ressources sont limitées et qu'elles sont dispendieuses. Nous voulons que ce secteur soit très efficace. Pour y arriver, nous devons maximiser l'efficacité de ces ressources et empêcher leur perte, et utiliser autant que possible des ressources renouvelables.

Finalement, quand j'évoque la durabilité de l'environnement, je pense également à la biodiversité. À mon avis, grâce à l'innovation, à nos connaissances agricoles, à la science et à la technologie, nous pouvons maintenir la productivité de notre écosystème tout en adoptant des principes favorisant la durabilité de l'environnement.

Adopté après la Secondaire Guerre mondiale, notre ancien modèle agricole — que nous appelons la révolution verte — nous a permis d'accroître notre rentabilité et notre rendement agricoles, principalement en raison de l'utilisation de nouveaux moyens de production, comme les engrais, les pesticides et l'eau d'irrigation. Il a permis l'amélioration génétique des cultures et celle des troupeaux pour des programmes agricoles intensifs et de haute production, et entraîné la réduction de la diversité des sites ainsi qu'une nette augmentation au chapitre des monocultures, sans compter une concentration des exploitations d'élevage.

Malgré leur impact considérable sur le rendement, la productivité et la rentabilité agricoles au pays, ces avancées ont eu des incidences non prévues, puisque l'unique but de la révolution verte était d'augmenter le rendement agricole.

Par exemple, des problèmes agricoles ont été soulignés en raison de l'augmentation de la charge en éléments nutritifs dans l'environnement, comme de l'azote et du phosphate dans notre eau souterraine et de surface. Nous avons remarqué, dans l'environnement, des conséquences non recherchées liées à l'utilisation de pesticides, comme une baisse considérable de la biodiversité et le réchauffement climatique.

Selon les Nations Unies, la Banque mondiale et d'autres organismes, le statu quo n'est pas une option. Nous devons adopter des approches diversifiées pour régler ces problèmes, et l'agriculture biologique fait partie des solutions. Selon eux, la culture biologique et les techniques intégrées de lutte antiparasitaire sont d'autres solutions possibles.

L'agriculture biologique est un modèle de production alimentaire guidé par des principes de durabilité : environnement, ressources, économies et santé animale. C'est un secteur réglementé et inspecté qui repose sur la demande du consommateur, tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle internationale.

J'ai remis au comité une copie des principes de la production biologique découlant des normes à ce chapitre. Encore une fois, le tout est réglementé. On retrouve sept principes, dont cinq concernent la durabilité de l'environnement. On y traite des trois points que j'ai mentionnés plus tôt.

Nous avons un système de production consacré par l'usage, réglementé et reconnu mondialement. Il s'appuie sur des principes de durabilité environnementale, et des agriculteurs partout sur la planète l'ont adopté. Des scientifiques internationaux ont analysé son impact sur l'environnement et lui ont découvert des avantages clairs et mesurables, dont certains ont été soulignés par Mme McMahon.

Ce que l'on remarque en Europe, mais aussi ailleurs, c'est que les États créent des politiques et des programmes agroenvironnementaux stratégiques qui appuient l'adoption de pratiques et de politiques de production biologique.

Lorsqu'il est question d'innovation, on pense à l'application de connaissances transmises par le secteur scientifique, qui nous permettent d'améliorer nos méthodes ou de créer de nouveaux produits. Selon moi, l'agriculture biologique trouve ses racines dans la science agroécologique, c'est-à-dire, une meilleure compréhension du fonctionnement de notre écosystème : comment les éléments nutritifs interagissent avec l'écosystème; comment il arrive à capturer l'énergie et à la distribuer; comment prévenir les pertes au sein de notre écosystème; comment la nature s'y prendra pour contrôler ces pertes et les éviter. C'est très efficace.

Même si elle est relativement nouvelle, l'agroécologie est une science qui progresse, et elle est au cœur de l'agriculture biologique. Le secteur de la production biologique a pris les connaissances développées par l'agroécologie et les a appliqués à des principes qui, je le répète, sont réglementés, sont reconnus mondialement et reposent sur la demande du consommateur, et à un prix élevé, soit dit en passant. Je dirais que le secteur de l'agriculture biologique est certainement novateur, car il a utilisé ces connaissances pour améliorer les pratiques agricoles et créer de nouveaux produits qui satisfont à la demande des consommateurs.

J'ai remis au comité une carte sur laquelle on peut voir les projets faisant partie de la grappe scientifique biologique. Comme vous pouvez le constater, ceux-ci sont répartis un peu partout au pays. Au verso, vous trouverez la liste des activités de recherches. Nous n'aurons pas le temps de toutes les passer en revue, mais plusieurs concernent la promotion des principes environnementaux de l'agriculture biologique ou encouragent le soutien de ces principes.

En terminant, j'aimerais dire que l'agriculture biologique est établie, qu'elle est viable et qu'elle s'appuie sur la durabilité de l'environnement. Elle constitue un système de production de rechange. Toutefois, elle n'a pas encore atteint tout son potentiel. Il nous reste encore des choses à apprendre sur l'agroécologie et sur son potentiel.

Je recommande que les politiques du Canada soient modifiées de façon à ce que les agriculteurs — biologiques et conventionnels —, la société, y compris les consommateurs, et l'environnement puissent bénéficier de l'agriculture biologique. Nous devons modifier nos initiatives stratégiques agroenvironnementales afin de soutenir ce type d'agriculture et ses principes.

Dans ce cas, je serais d'accord avec M. Martin Entz, mon collègue de l'Université du Manitoba, qui recommanderait de consacrer 60 p. 100 de la recherche agricole et la politique d'incitation à l'agriculture biologique en raison des services que l'agriculture biologique offre à l'ensemble de la société.

Cela dit, j'ai sans aucun doute aimé l'initiative des grappes scientifiques. Nous avons constaté qu'il s'agissait d'un mécanisme extrêmement utile en ce qui a trait à l'avancement de la recherche en agriculture biologique et nous recommandons son maintien. Nous sommes favorables à l'adoption de normes canadiennes en matière de production biologique et à la recherche pour étayer ces normes, ce qui nous permettra aussi de satisfaire aux demandes du marché international.

Le président : Merci.

Le sénateur Plett : Je vous remercie tous les deux d'être ici. Dans une minute, je vais faire preuve de mon manque de connaissance sur les aliments biologiques. Mais avant, je vois sur votre carte que vous avez, au Manitoba, un partenaire du milieu universitaire ou de l'industrie. S'agirait-il de l'Université du Manitoba?

M. Hammermeister : Oui. Un certain nombre de projets de recherche sont aussi dirigés par les chercheurs du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. Nous avons plusieurs chercheurs à cet endroit : Jennifer Mitchell-Fetch, qui travaille sur la sélection de l'avoine; Stephen Fox, qui s'occupe de l'amélioration du blé, à Winnipeg. Ensuite, de l'Université du Manitoba, il y a Martin Entz, qui travaille sur les systèmes de culture.

Le sénateur Plett : Je suis heureux que nous participions.

Madame McMahon, dans votre exposé, vous avez indiqué qu'on note, pour la production biologique, une augmentation du rendement et de la rentabilité, particulièrement pendant les périodes d'instabilité du climat, notamment pendant la sécheresse. J'aimerais avoir des explications à ce sujet, et surtout sur l'aspect de la rentabilité.

Un jour, par erreur, j'ai failli acheter des framboises biologiques. Lorsque je me suis présenté à la caisse pour les payer, chez Metro, j'ai constaté que pour une raison ou une autre, le prix des framboises avait augmenté de trois dollars. J'ai cherché à savoir ce qui s'était passé, et on m'a répondu qu'il s'agissait de framboises biologiques. J'ai dit que j'allais prendre les framboises ordinaires.

Je ne les ai pas achetés simplement en raison du prix. Serais-je en meilleure santé si je mangeais ces framboises dispendieuses? Si, en réalité, les aliments biologiques sont beaucoup plus coûteux, est-ce un secteur rentable, ou l'est-il seulement en raison du prix plus élevé?

Mme McMahon : Merci, sénateur Plett. La question sur les framboises est intéressante. Souvent, les fruits que l'on voit en épicerie sont des produits importés. Les consommateurs sont certainement prêts à payer le prix plus élevé que vous voyez en magasin, ce qui, évidemment, contribue à la rentabilité.

Un des problèmes dans le secteur de la culture fruitière, c'est qu'on n'utilise pas d'agents de conservation. Par conséquent, la durée de conservation du produit est réduite. Manifestement, la structure de prix comporte un mécanisme intégré qui permet de prendre en compte les pertes que l'on pourrait enregistrer pour un produit aussi fragile que la framboise.

Pour les pommes, par exemple, le rendement des produits conventionnels et biologiques est presque identique. La pomme a une longue durée de conservation et le prix est à peu près le même, surtout si vous êtes près d'une région productrice comme la vallée de l'Annapolis ou la Colombie-Britannique, et le secteur est en croissance. De plus en plus de producteurs se tournent vers la production biologique parce que le coût des intrants est moins élevé. Si vous n'avez pas à payer pour les intrants que sont les produits chimiques, vous réduisez alors vos coûts, bien sûr, et cela vous aide aussi au chapitre de la rentabilité.

Le sénateur Plett : L'économie réalisée par rapport aux produits chimiques est-elle la seule économie de coûts? Il y a aussi les coûts liés à l'ensemencement et tout le reste. On ne parle pas des pommes, évidemment, mais serait-ce à peu près la même chose pour les autres produits?

Mme McMahon : Même en tenant compte du coût réduit des engrais, on parle davantage d'un système de gestion holistique dans le cadre duquel on peut composter, on peut prendre les déchets des voisins et composter les résidus afin d'accroître la fertilité du sol. Cela permet aussi d'obtenir certains des gains pendant les années de sécheresse. Puisqu'on renforce le sol, par rapport à l'activité microbienne et la couche superficielle du sol, on obtient un sol plus riche et, en période de sécheresse, la plante pourra puiser dans les nutriments qui s'y trouvent.

M. Hammermeister : En agriculture biologique, puisque nous nous concentrons sur le développement de cultures adaptées à des conditions plus difficiles et des sols plus pauvres, les plantes ont tendance à avoir un système radiculaire plus fort parce que les racines doivent s'étendre davantage pour trouver des nutriments.

Dans le cas du stress causé par la sécheresse, l'exemple parfait est celui des cultures qui peuvent avoir un plus faible potentiel de rendement au début, mais qui, dans des conditions de stress, maintiennent le potentiel de rendement qu'elles avaient à l'origine parce que leur système radiculaire s'est mieux implanté — dans des conditions de sécheresse —, de sorte qu'elles s'adaptent mieux à la sécheresse. Par compte, dans des conditions normales, si on fertilise le sol pour obtenir un potentiel de rendement très élevé, dans des conditions d'humidité moyenne, on pourrait ne pas être en mesure d'obtenir le rendement souhaité et les nutriments qu'on a répandus sont perdus.

Parmi les coûts dont on ne tient pas compte, à mon avis, il y a le coût de l'assurance. Dans la région des Prairies et ailleurs, il y a eu de nombreux problèmes liés au climat ces dernières années. En agriculture conventionnelle, l'assurance est établie en fonction de tous les intrants, et cela pourrait représenter des centaines de dollars par acre, par année. Je ne suis pas un spécialiste en assurance, mais je crois savoir qu'habituellement, le producteur paie environ le tiers du coût de l'assurance s'il y a un paiement, et que le public — par l'intermédiaire de soutien offert par les provinces et le fédéral — en paie environ les deux tiers.

La société subventionne le recours intensif aux intrants, et quand la récolte est déficitaire, les nutriments et les pesticides utilisés sont perdus. L'absence de rendement a des répercussions sur l'environnement et la société subventionne ce secteur. En agriculture biologique, où l'on n'a pas de telles répercussions environnementales et où le risque associé aux assurances est moindre, ces risques n'existent pas.

Le sénateur Plett : Monsieur le président, puisque la séance est télévisée, je vais faire un peu de publicité pour un commerce local situé ici, à Ottawa. Hier soir, j'ai l'occasion d'aller à la Mill Street Brewery, un endroit formidable où l'on sert un excellent steak. On y sert aussi de la bière biologique. J'en ai consommé une, et je ne suis pas certain si l'état dans lequel je me trouve aujourd'hui est d'abord attribuable à la bière biologique ou à la quantité des autres sortes de bières que j'ai consommées. Permettez-moi de vous dire que je ne commanderais jamais plus une bière biologique. Je ne le ferais pas. Je suis désolé. Cependant, je suis certain qu'il y a des aliments biologiques que je pourrais manger.

Si vous le pouvez, pourriez-vous me dire ce qui m'inciterait à consommer des aliments biologiques plutôt que des aliments conventionnels? Madame McMahon, vous dites que ce ne sont pas tous les aliments biologiques qui sont plus chers. Au fait, des gens sont venus, avant-hier, nous renseigner sur les saines habitudes alimentaires. Un de mes collègues m'a expliqué qu'il avait essayé de préparer le souper pour ses petits-enfants. Il voulait leur donner tout ce qui était bon pour la santé et, en fin de compte, il a dû abandonner l'idée et les amener chez McDonald's parce qu'ils n'avaient aimé aucun des aliments sains qu'il avait préparés pour eux.

Qu'est-ce qui nous inciterait à vouloir consommer des aliments biologiques? Nos enfants veulent manger ce qui a bon goût, comme ce qu'on trouve chez McDonald's. C'est la même chose pour nous. Regardez-moi, par exemple. Je ne mange pas toujours les aliments les plus sains, ce qui est évident, mais qu'est-ce qui pourrait m'inciter à faire l'impossible pour consommer des aliments biologiques? Est-ce strictement une question de santé?

Mme McMahon : Je ne crois pas. J'ai de jeunes enfants, âgés de trois et cinq ans. M. Hammermeister a aussi des enfants. Ils adorent les aliments sains. En fait, au cours de la dernière année, j'étais assise à une table avec des étudiants qui avaient terminé un programme de nutrition et lorsque le serveur est arrivé et qu'il nous a demandé de choisir entre des frites et du brocoli, mon enfant de trois ans a choisi le brocoli. Les étudiants en nutrition étaient stupéfaits. Ils n'avaient jamais vu un enfant choisir des légumes. C'est ce que mes enfants ont l'habitude de manger.

Il faut se pencher sur la façon dont on élève sa famille. Mes enfants ne savent pas à quoi ressemble l'intérieur d'un restaurant McDonald's. À notre avis, du moment qu'on leur donne cette base, c'est ce que recherchent les enfants puisque ce sont les aliments auxquels ils sont accoutumés.

Beaucoup de gens choisissent les produits biologiques parce qu'ils ont des liens avec les agriculteurs locaux et qu'ils veulent soutenir les jeunes agriculteurs. En agriculture biologique, il y a tant de nouveaux joueurs. Je pense que l'agriculture biologique est un des secteurs les plus enthousiasmants en agriculture en raison de ce renouveau, de cette énergie et du transfert de connaissances que l'on observe. Habituellement, les programmes d'apprentissage et de mentorat sur le terrain sont mis en oeuvre dans des exploitations de type biologique. Les gens qui ont un engouement pour les aliments veulent avoir des liens avec leur agriculteur et veulent soutenir les nouveaux agriculteurs. Dans le secteur biologique, ces liens s'établissent tout naturellement.

Beaucoup de gens plus âgés se tournent vers les aliments biologiques parce qu'ils considèrent cela comme un investissement dans un « REER de la santé », pourrait-on dire. Ils cherchent des façons de réduire leur exposition aux résidus chimiques. Nous recevons beaucoup d'appels de gens qui ont ou qui ont eu le cancer, et leur médecin leur a recommandé de consommer le plus d'aliments biologiques ou le plus de boeuf d'embouche possible. Donc, ils cherchent des façons de réduire le plus possible la charge de produits chimiques qu'ils retrouveraient dans des produits qui viennent de régions qu'ils ne connaissent pas et qui ne leur inspirent pas confiance.

Le sénateur Plett : La réponse est-elle que c'est principalement lié aux facteurs de santé? Je devrais manger des aliments biologiques non pas parce qu'ils sont meilleurs au goût, mais parce qu'ils sont plus sains?

Mme McMahon : C'est probablement la principale raison, mais ce n'est pas la seule. Comme je l'ai indiqué, il y a des gens qui veulent soutenir cette exploitation agricole et le modèle de développement économique communautaire.

M. Hammermeister : Comme Mme McMahon l'a mentionné, j'ai une fille, et elle refuse de manger à la cafétéria de l'école parce qu'elle pense que la nourriture qu'on y sert est infecte.

On a fait des sondages auprès des consommateurs pour savoir pourquoi ils achetaient des produits biologiques. En général, on invoque surtout trois raisons. Premièrement, la raison pour laquelle ils achètent ces produits est-elle liée à la santé, à l'environnement ou au bien-être des animaux? Habituellement, c'est sur cela que portent les questions.

En Amérique du Nord, la grande majorité des gens achètent des aliments biologiques pour des raisons de santé, et l'environnement et le bien-être des animaux sont certainement des raisons moins importantes. En Europe, la santé demeure au centre des préoccupations, mais le bien-être des animaux et les questions environnementales sont des éléments beaucoup plus présents dans l'esprit des gens; donc, nous constatons que ces aspects sont bien plus en évidence.

Dans le cadre de la réglementation des normes pour l'agriculture biologique, la certification ne vise pas le produit en soi, sa valeur nutritionnelle ou son goût. La certification porte sur les pratiques de production. C'est le fondement de l'agriculture biologique.

Le résultat de ce mode de production peut être des aliments qui sont à tout le moins aussi sains que les autres aliments, et je peux vous présenter des arguments scientifiques pour vous expliquer pourquoi, dans beaucoup de cas, ils peuvent être plus sains. C'est ce que nous observons, sans l'ombre d'un doute. Le risque de trouver des résidus de pesticides est certainement plus faible. Il y a moins de pesticides dans les aliments biologiques et les concentrations de pesticides sont beaucoup plus faibles dans les aliments biologiques. Cela a été clairement démontré à maintes reprises. Parfois, on peut trouver des résidus. Le seuil de détection des pesticides est si bas que la science nous permet maintenant de calculer les concentrations d'éléments de pesticides en partie par milliards, même s'il n'y a que des traces de pesticides dans l'environnement. Même s'ils ne sont pas utilisés dans les exploitations agricoles biologiques, on peut en trouver aussi sur les aliments biologiques. Parfois, vous verrez un reportage dans les médias ou l'on dit qu'il est possible de trouver des pesticides dans les aliments biologiques, mais cela ne résulte pas de son utilisation par la chaîne de production. C'est attribuable à des facteurs externes.

Le sénateur Robichaud : Je vais poursuivre dans la même veine que le sénateur Plett lorsqu'il a dit qu'il voulait faire un peu de publicité. Je vais faire de même. Je suis certain que M. Hammermeister connaît assez bien Hervé Michaud, de Bouctouche, qui s'est malheureusement fait couper les vivres par le gouvernement. La fermeture est prévue dans quelques mois. Monsieur Hammermeister, je vois qu'à l'instar de l'entreprise de Bouctouche, vous avez un projet D2 au Nouveau- Brunswick. Participait-elle à vos activités?

M. Hammermeister : Oui. Josée Owen, une chercheuse, travaillait au centre de recherche de Bouctouche.

Le sénateur Robichaud : A-t-on participé au programme pendant toute sa durée?

M. Hammermeister : Oui; Josée participe activement à la recherche dans le secteur biologique depuis des années.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Monsieur le président, nous allons faire tous les efforts nécessaires pour essayer de conserver cette activité à Bouctouche. Selon les agriculteurs de mon coin, il y a une relation entre la ferme, les recherches et l'application dans les champs. Je crois que c'est très important. Dans nos études, on trouve souvent que la recherche arrive à un point mort, où on ne peut pas faire le transfert. La ferme est toute petite, et je pense qu'elle jouait un rôle dans ce domaine.

Pouvez-vous nous parler de la grandeur de la ferme biologiques? On pose souvent la question, à savoir quelle doit être la grosseur d'une ferme pour qu'elle soit rentable? Quelle est la grandeur d'une ferme biologiques typique?

[Traduction]

Mme McMahon : Je ne sais pas si je peux parler de la taille d'une ferme typique. Cela varie probablement en fonction du contexte. Par rapport à une ferme céréalière typique des Prairies, M. Hammermeister serait mieux placé pour vous parler de leur taille. Les fermes auxquelles nous avons affaire pourraient avoir une superficie de 2 000 à 3000 acres, ce qui est minuscule comparativement à une ferme commerciale conventionnelle, mais lorsque vous parlez à un producteur maraîcher de l'Ontario... Je pense à une productrice qui a une acre et qui, grâce à son été, en tire 30 000 $ par année; et elle a le sentiment qu'elle obtient un haut rendement grâce à cette acre. Cela varie en fonction du marché. Quant à savoir s'il y a une taille moyenne, ce serait comme poser la même question par rapport à l'agriculture conventionnelle. Cela dépend de la région que l'on étudie.

Je dirais que certaines fermes dans le secteur biologique sont plus petites parce qu'elles dépendent beaucoup plus de la main-d'oeuvre humaine. Donc, si on veut être en mesure de trouver assez de main-d'oeuvre, il ne faut pas dépasser une certaine taille. On peut aussi vouloir maintenir la ferme à une échelle qui peut être gérée par la cellule familiale et réduire le plus possible la dépendance à la main-d'oeuvre extérieure parce que — comme je l'ai constaté pour n'importe quelle ferme — trouver de la main-d'oeuvre est difficile et la demande est très forte dans le secteur de l'agriculture biologique.

M. Hammermeister : Je suis du même avis que Mme McMahon. Cela dépend de la région du pays où l'on se trouve et des cultures que vous exploitez. Dans la région des Prairies, j'ai vu des fermes biologiques dont la taille variait : de quelques centaines d'acres, à une section de terrain — 640 acres —, jusqu'à 15 000 acres. Dans le centre du Canada, où les températures sont plus élevées, où les conditions d'agriculture sont généralement meilleures et où le taux d'humidité est plus élevé, on peut exploiter des cultures qui ont une valeur et un potentiel de rendement plus élevés, comme le maïs ou le soja. On voit souvent des fermes d'une superficie de quelques centaines d'acres qui sont plutôt viables au chapitre de la rentabilité.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Est-ce que le market gardener, en Ontario, réussit à rentabiliser ses opérations en plus des légumes qui vont avoir leur propre consommation?

[Traduction]

Mme McMahon : Ces légumes sont vendus sur des marchés de fermiers, qui sont des marchés directs. Nous voyons aussi — et je suis sûr que vous l'avez vous-même constaté — une multiplication des modèles agricoles appuyés par la collectivité, celui de la boîte à légumes par exemple, qui comprend aujourd'hui autre chose que des légumes. Ce modèle a grandi au point de devenir profitable. On n'a plus à mettre sur pied un marché et à rester assis 10 heures devant un étalage, d'où le nombre croissant de nouveaux agriculteurs. Ce système est d'autant plus intéressant que les agriculteurs reçoivent leur argent au début de la saison. Je pense que ce modèle est là pour durer. On l'utilise désormais pour les viandes, ainsi que pour des produits à valeur ajoutée comme les conserves de fruits, les gelées et le pain. Ce modèle est très intéressant, car il ne nécessite pas d'avoir beaucoup de terres.

M. Hammermeister : Beaucoup de nouveaux venus entrent dans le secteur en choisissant l'agriculture biologique. Ce sont des citadins qui s'intéressent à l'environnement et souhaitent être près de la terre et apprendre à la cultiver. Ils n'ont pas les capitaux suffisants pour se lancer dans des exploitations traditionnelles à grande échelle. Dans le secteur biologique, un nombre incroyable de jeunes travaillent bénévolement dans des fermes pour apprendre la culture et entrer ensuite sur ce marché.

Le sénateur Robichaud : Les nouveaux venus dont vous parlez ne viennent donc pas du secteur agricole traditionnel ou est-ce qu'ils débutent dans le secteur biologique? Est-ce que ce sont des gens qui ne viennent pas du tout du milieu?

M. Hammermeister : À ce sujet, j'aimerais vous citer une étude que j'aime beaucoup et qui a été menée il y a cinq ans aux États-Unis. Il s'agissait d'établir qui étaient ces fermiers biologiques et d'où ils venaient. On a ainsi établi que 50 p. 100 d'entre eux venaient du secteur traditionnel et que les 50 autres pour cent étaient tout nouveau dans le secteur agricole. Beaucoup sont de jeunes diplômés qui s'intéressent aux programmes environnementaux. Pour d'autres, il s'agit d'une seconde carrière. Ils ont déjà réussi dans les affaires et cherchent une ferme à la campagne. Quelquefois, ils ont suffisamment d'argent pour investir dans des infrastructures et monter une affaire. Ils sont dans la quarantaine ou la cinquantaine, et commencent une deuxième vie.

Le sénateur Eaton : Fascinant! J'aimerais revenir sur toute la question de l'import-export. Un colis vient juste de m'être renvoyé d'Angleterre parce que j'avais acheté de la marmelade d'oranges coupées à la main dans une boutique locale. Le colis a dû être renvoyé en Angleterre; ils l'ont ensuite enlevé de son emballage et me l'ont renvoyé. Je trouve cela très intéressant. L'une des motions portait sur l'étude des moyens que l'on pourrait envisager pour élargir nos marchés d'exportation. Créez-vous de nouvelles marques canadiennes? Facilitez-vous l'exportation? Y a-t-il davantage de pays qui exigent la traçabilité des produits et des produits biologiques?

Mme McMahon : De très nombreux travaux sont en fait menés dans le secteur biologique pour mettre sur pied des capacités d'exportation. Notre collègue Matthew Holmes, qui représente l'Association canadienne pour le commerce des produits biologiques, travaille au sein du programme d'agro-marchés afin de créer et de favoriser ces marchés d'exportation. Nous sommes souvent très présents à BioFach, en Allemagne, qui est le plus grand salon de produits biologiques au monde. Avec le soutien d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, notre pays en est l'un des principaux commanditaires. Dans le métro, on a placé de grandes affiches publicitaires arborant la marque du Canada. On y voit des traces de pas qu'il faut suivre et l'attention que cela a suscitée est réellement incroyable.

Même cette année, les kiosques du pavillon canadien ne se remplissaient pas parce que nos exportateurs avaient déjà vendu tous leurs produits. Ils venaient au salon comme observateurs, mais parce que, comme je l'ai dit, la production ayant chuté, surtout dans les Prairies, il y avait désormais des carences dans les approvisionnements. Nous pourrions donc exporter davantage.

Le sénateur Eaton : Mais qu'arrivera-t-il si nous nous associons au Partenariat transpacifique et qu'en est-il des négociations que nous menons actuellement avec l'Union européenne? Vous y voyez-vous jouer un rôle et quel serait- il? C'est très important.

M. Hammermeister : L'un des points essentiels à noter est que les produits biologiques canadiens font désormais l'objet d'un accord d'équivalence en Europe et aux États-Unis, et que l'on est en voie d'en conclure un avec le Japon.

Le sénateur Eaton : Cela veut-il dire que nous avons maintenant les mêmes normes que celles des États-Unis?

Mme McMahon : Des normes équivalentes.

M. Hammermeister : Elles ne sont pas identiques, mais, à quelques exceptions près, elles sont considérées comme équivalentes pour faciliter le commerce.

Le sénateur Eaton : Les échanges avec l'Union européenne et les États-Unis sont énormes.

M. Hammermeister : Ces échanges sont absolument énormes. Sans les accords d'équivalence, nous ne pourrions pas pénétrer ces marchés aujourd'hui. Le marché européen est devenu extrêmement strict sur l'entrée des produits. On s'y enthousiasme pour les produits biologiques et les systèmes de production qui les appuient. C'est pourquoi on ne soutiendra pas quiconque prétend vendre des produits biologiques sans établir clairement que ces produits font l'objet d'accords d'équivalence. Le Canada est un leader mondial dans l'établissement de normes d'équivalence avec les autres pays. En termes de reconnaissance internationale, il y a eu en France l'an dernier une réunion de grappes scientifiques s'intéressant aux plantes. Né en France, ce regroupement essaie de recueillir des données scientifiques sur diverses plantes du globe, échange des points de vue sur la formation des diverses grappes et noue des liens entre elles. Nous avons été invités à titre de grappe scientifique biologique. Parmi les 25 grappes présentes, nous étions la seule à être invitée dans ce domaine.

Je suis convaincu que nous sommes reconnus internationalement. Il y a deux semaines, nous avons reçu une demande de la Chine, qui songe à établir un modèle de grappe scientifique biologique. Elle a vu notre modèle et souhaite nous rendre visite, mais le problème est que nous n'avons pas la capacité de répondre à toutes ces demandes. Nous sommes des leaders dans ce domaine, mais n'avons pas tout l'appui nécessaire pour profiter de toutes les occasions qui se présentent.

Le sénateur Eaton : Voilà une recommandation que vous devriez soumettre au président, car, selon notre rapport, les marchés d'exportation sont évidemment très importants.

Dites-moi, est-ce que les semences génétiquement modifiées font partie des produits biologiques ou sont-elles absolument proscrites dans la production de ces produits?

Mme McMahon : On ne les accepte pas dans la production biologique.

Le sénateur Eaton : D'accord. Cela m'amène à la question suivante. Quelle est votre lien avec la recherche que mènent les universités? Je peux évidemment le voir sur votre carte. Est-ce que ces liens se resserrent? Je pense à une université en particulier qui songe, par exemple, à ajouter de la vitamine D ou à modifier certains produits alimentaires pour réduire le contenu en gras. Quels sont donc vos rapports avec les universités dans le domaine de la recherche?

M. Hammermeister : Il y a 10 ans, je vous aurais donné une réponse différente. Il était alors beaucoup plus difficile pour les chercheurs en agriculture biologique de trouver du financement et d'être crédibles. Maintenant, cette science est tout à fait reconnue. Dans la littérature internationale, des données appuient l'agriculture biologique et il y a, comme je l'ai dit, 50 chercheurs de cette grappe scientifique qui reçoivent du financement. Trente autres collaborent à des projets qui ne sont pas nécessairement subventionnés. La communauté scientifique s'associe certainement à la recherche sur les produits biologiques, non pas tant en raison de la philosophie qui la sous-tend, mais parce qu'ils y voient une solution de rechange qui demande peu d'intrants. Dans un système bien précis, elle y voit un moyen de réduire les intrants, de capturer un marché de premier choix et de faire de la recherche connexe.

Le sénateur Eaton : N'y aura-t-il pas, à un moment donné, une convergence de vues? Quand on pense à la rotation des cultures, au compostage, à la culture en couloirs, aux fertilisants biologiques et au traitement de l'eau, tout cela ne relève-t-il pas de bonnes pratiques agricoles? Bien des pratiques que vous prônez depuis des années sont réadoptées aujourd'hui à grande échelle par l'agriculture traditionnelle. Ce qui me dérange ou que je ne comprends pas parce que je ne suis pas experte en la matière, c'est que certaines cultures ont été tellement profitables, comme les cultures génétiquement modifiées, qu'elles ne nécessitent pas de pesticides ou qu'elles sont à l'épreuve de la sécheresse. Pensez-vous qu'un jour l'horticulture biologique acceptera certaines de ces semences? Pensez-vous voir un jour une convergence de vues entre ceux qui prônent l'horticulture biologique et les tenants de l'horticulture traditionnelle, ou pensez-vous qu'ils ne s'entendront jamais?

M. Hammermeister : Je pense qu'il faudra encore attendre avant que l'agriculture biologique accepte les cultures génétiquement modifiées. Le problème des modifications génétiques est qu'il s'agit d'un système de développement dont nous ne comprenons pas encore toutes les répercussions. J'ai assisté récemment à une conférence où quelqu'un disait essayer de trouver un moyen d'empêcher les pommes de terre de noircir après la cuisson. Il est vrai qu'une fois cuites, les pommes de terre prennent une couleur grise, n'est-ce pas?

Le sénateur Eaton : Je n'en cuis jamais. Je plaisante, il y a rien d'extraordinaire à cela.

M. Hammermeister : On cherchait donc la modification génétique qui éliminerait ce problème, qui n'est somme toute qu'un problème d'apparence. Le gène qu'on a trouvé à cette fin a déclenché d'autres réactions génétiques dans la plante. D'autres gènes étaient activés ou désactivés, ce qui avait une influence sur le rendement des cultures, l'absorption des matières nutritives, et cetera. C'est ce qui est inquiétant dans les modifications génétiques. On insère un gène qui cible une seule caractéristique et d'autres apparaissent ou disparaissent sans que l'on sache pourquoi.

Dans d'autres cas, la modification génétique apportée aux fins de la résistance à la sécheresse ou de l'accroissement du rendement a entraîné une baisse des micronutriments qui, dans certains cas, pourrait avoir de lourdes conséquences pour la chaîne alimentaire.

Ce qui est inquiétant, c'est le fait de ne pas comprendre toutes les conséquences des modifications génétiques.

Le sénateur Eaton : Je suppose que je suis plus optimiste que vous, puisque je pense qu'un jour on en saura assez.

Le sénateur Merchant : À propos du financement et en consultant la carte de la Saskatchewan que vous nous avez fournie, je vois que trois des projets sont financés par Agriculture et Agroalimentaire Canada et que l'un d'eux est mené en partenariat avec une université.

Est-ce que ce financement est suffisant? Avez-vous besoin de financement privé et est-ce difficile de l'obtenir? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Hammermeister : On croirait que je vous ai préparée à cette question. La réponse est oui, mais je vous dirai tout d'abord que la Saskatchewan a le plus grand nombre d'agriculteurs biologiques au pays et la plus grande superficie de cultures biologiques. Trois projets sont menés dans la province. Et non, le financement n'est pas vraiment suffisant; et oui, il faudrait que l'industrie nous finance à hauteur des crédits accordés aux grappes scientifiques. Dans le cadre des grappes scientifiques que nous avons pour l'instant, il faudrait que l'industrie nous fournisse 25 p. 100 des subventions que nous accorde le gouvernement. C'est un objectif d'autant plus ambitieux que le secteur est encore relativement modeste, même s'il croît rapidement. Pour cette grappe scientifique, nous avons pu obtenir plus de deux millions de dollars de fonds de contrepartie, ce qui est excellent, mais la prochaine grappe sera très concurrentielle et présentera un grand défi.

Le sénateur Merchant : Serait-ce parce que le grand public ne comprend pas suffisamment bien ce qu'est réellement l'agriculture biologique? J'achète moi-même des produits biologiques, mais pas tout le temps, à cause du prix. Lorsque je le fais, c'est parce que je pense que le produit que j'achète est supérieur au produit ordinaire, mais ce n'est pas nécessairement le cas. Vous m'avez appris aujourd'hui que ce qui caractérise réellement un produit biologique, ce sont les pratiques durables au plan de l'environnement qui entourent sa production, ce n'est pas nécessairement qu'il est meilleur.

Vous dites qu'ils contenaient des traces de produits chimiques. Est-ce cela? Je ne sais pas en quelle quantité et quelle est la différence. J'ai souvent lu que les produits biologiques n'étaient pas différents des autres, ni meilleurs et qu'ils coûtaient plus cher.

S'ils avaient un avantage et que les gens le savaient, peut-être qu'ils en achèteraient davantage. Plus ils en achèteraient, plus les prix diminueraient. En même temps, la collectivité investirait davantage dans votre recherche. S'agit-il d'un rapport symbiotique? Est-ce que c'est comme ça que vous le voyez?

M. Hammermeister : Lors d'une interview accordée à un magazine il y a à peu près une semaine, on m'a demandé quels produits je recommanderais au consommateur qui n'aurait pas suffisamment d'argent pour acheter exclusivement des produits biologiques? On pourrait s'en tenir à ceux qui ont le moins de pesticides et une plus grande valeur nutritive, qui sont les caractéristiques d'un grand nombre de ces produits. Cela ne fait pas partie du système, mais cela en découle. On peut aussi considérer les avantages environnementaux, le bien-être des animaux, et cetera. L'agriculture biologique peut présenter de nombreux avantages.

Le magazine voulait une liste des 10 ou 12 principales cultures biologiques. Pour moi la réponse est simple; si vous avez l'intention d'acheter des aliments biologiques — et on ne peut pas tous les acheter —, il vaut mieux choisir ceux qui sont produits localement parce que ce sont ceux qui offrent le plus d'avantages au plan de la santé et de la nutrition, sans parler des avantages au plan de l'environnement — puisqu'ils sont produits pas loin de chez vous — et que vous appuyez ainsi l'économie locale et les produits canadiens. Voilà le conseil que je donnerais.

Sur la question de savoir si les produits organiques devraient coûter moins cher, dans les marchés des agriculteurs, les prix des légumes biologiques ne sont pas plus élevés que chez les détaillants en raison des nombreux niveaux qui ont été éliminés dans la chaîne de valeur. Si vous achetez directement de l'agriculteur, les prix ne sont pas nécessairement plus élevés.

Il faut toutefois considérer le coût réel des aliments, le coût des répercussions sur l'environnement et celui des subsides dont profite l'agriculture traditionnelle et que n'a pas l'agriculture biologique. C'est tout cela qu'il faut considérer dans le prix et lorsqu'on cherche à supprimer la prime que les détaillants ajoutent à tous les produits.

Le sénateur Merchant : Que nous demanderez-vous de recommander au gouvernement fédéral? Que peut-il faire pour favoriser l'innovation?

M. Hammermeister : Je recommanderais qu'il continue d'appuyer l'Initiative de grappes scientifiques et la Grappe scientifique biologique. Je recommanderais qu'il appuie le développement accru des Normes canadiennes et des Listes des substances permises pour l'agriculture biologique, car ce sont elles qui nous permettent d'accéder aux marchés étrangers. Si nous ne gardons pas ces normes à jour, la communauté internationale ne les acceptera plus et ne les considérera pas comme des normes équivalentes aux siennes. Je recommanderais en outre de financer le transfert aux agriculteurs des connaissances acquises dans l'agriculture biologique.

Mme McMahon : Un point sur lequel j'aimerais insister, c'est le manque de données statistiques. Notre organisation, Cultivons Biologique Canada, sollicite cette information auprès d'organismes de certification et de vérification. Le hic, c'est que cette information ne nous est pas présentée de manière uniforme. Les détails font défaut parce que ces organismes ne sont pas rémunérés pour le temps qu'ils consacrent à la collecte de ces données. Par conséquent, il arrive parfois que nous obtenions le nombre de cultivateurs ou de transformateurs de produits certifiés biologiques dans l'ensemble du Canada, sans toutefois connaître avec précision la superficie des cultures, les produits cultivés et transformés ou encore, les marchés desservis. Le gouvernement du Canada vient ensuite nous demander cette information parce qu'elle n'est pas recueillie à l'échelle nationale. Les provinces en font la demande, elles aussi.

Voilà un rôle que l'industrie assume, parce qu'il est important d'assurer la croissance et de saisir ces possibilités. Comme je l'ai dit, étant donné que nous importons une si grande quantité de produits, il est essentiel de cerner les possibilités qui s'offrent aux producteurs canadiens pour accroître leur productivité. Souvent, les renseignements dont nous disposons datent de plusieurs années. Ce n'est là qu'une pièce du casse-tête; cela soulève vraiment beaucoup d'autres questions.

Nous avons appris que le Bureau biologique du Canada, qui relève de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, est résolu à élaborer une sorte de système informatique. Toutefois, il faudra attendre des années avant d'en arriver là. À ce stade-ci, je dirais que c'est un rêve. Nous ignorons s'il se réalisera à cause des compressions que nous observons.

[Français]

Le sénateur Rivard : Votre présentation était éloquente. Quant aux questions sur le financement posées par les sénateurs Merchant et Eaton, vos tableaux à ce sujet sont éloquents. Pour ce qui est de l'impact des produits biologiques par rapport a nos partenaires économiques, vous avez également fourni de bonnes réponses au sénateur Eaton.

Lorsqu'on exporte des produits biologiques, ceux-ci doivent être acceptés par nos clients. Peut-on dire qu'on est aussi sévère avec nos importations que nos clients le sont avec nos exportations, ou est-ce comparable?

[Traduction]

Mme McMahon : Aux termes du Règlement canadien sur les produits biologiques, tout produit importé doit respecter les normes canadiennes relatives aux produits biologiques et le système mis en place par l'ACIA. Les produits importés doivent être reconnus par un organisme d'accréditation que le Bureau biologique de l'ACIA a examiné et approuvé. Il existe une liste nationale d'organismes d'accréditation approuvés.

Oui, les Canadiens peuvent être assurés que les produits agricoles qu'ils achètent respectent les normes canadiennes relatives aux produits biologiques. Par contre, s'il s'agit d'un produit de santé naturel ou même d'un produit issu de l'aquaculture, il n'existe pas de normes réglementées par le gouvernement fédéral. Donc, ces produits ne font pas l'objet de dispositions législatives.

[Français]

Le sénateur Rivard : De mémoire, auriez-vous un exemple d'un produit biologique exporté qui, en arrivant ici, aurait eu de la difficulté à être accepté à cause de nos normes, que ce soit un fruit ou un légume?

[Traduction]

M. Hammermeister : Il y a le problème du nitrate aux États-Unis. Ce serait un exemple.

Mme McMahon : Dans le cadre de notre examen de l'équivalence entre le Canada et les États-Unis pour ce qui est des normes relatives aux produits biologique, nous avons cerné quelques sujets de préoccupation aux États-Unis. L'un d'entre eux concernait l'utilisation du nitrate du Chili, qui était autorisée en vertu des normes américaines. Le Canada a interdit l'importation de produits cultivés au moyen de ce composé.

Par conséquent, certains produits ont été retirés des tablettes au Canada. On a principalement cessé d'importer des salades vertes en provenance de la Californie. Pour cette raison et, j'en suis sûre, à cause d'autres pressions internationales, les États-Unis ont modifié leurs normes relatives aux produits biologiques afin d'éliminer graduellement l'utilisation du nitrate du Chili. Comme on peut le voir, notre influence a un effet positif sur d'autres pays.

Je suis certaine que la question de savoir si ce produit devrait être autorisé suscite toujours un débat aux États-Unis. C'est qui nous a motivés à passer à la prochaine étape du processus d'examen.

[Français]

Le sénateur Rivard : C'est un peu le problème des fraises de la Californie qu'on importe tout au long de l'année, surtout dans les périodes où on n'en produit pas. Au début, il y avait des complications avec le gouvernement canadien quant au mode de réfrigération et au transport. Ce sont des exemples de problèmes que vous avez à traiter.

Avez-vous des statistiques démontrant le pourcentage de produits biologiques sur l'ensemble des produits dits traditionnels? Est-ce 15, 20 p. 100 ou autre? C'est sûrement en croissance. Avez-vous une idée du pourcentage de la production biologique au Canada? Est-ce qu'elle est en hausse?

[Traduction]

M. Hammermeister : Cherchez-vous à savoir quel pourcentage des légumes sur le marché sont biologiques et quel pourcentage ne le sont pas?

[Français]

Le sénateur Rivard : De façon générale, vous pouvez prendre les fruits ou les légumes que vous voulez, est-ce que c'est en hausse d'année en année? J'imagine que cela ne stagne pas. On produit de plus en plus de produits biologiques. Que représente le marché total, le quart, le tiers ou autre?

[Traduction]

M. Hammermeister : Non. Au Canada, et Mme McMahon peut me corriger si j'ai tort, les produits biologiques occupent actuellement 2 ou 3 p. 100 du marché. En Europe, cela dépend de la région où l'on se trouve et du produit qu'on recherche. Dans certains pays de l'Europe, 50 p. 100 des produits laitiers peuvent être biologiques. Dans de nombreux pays, 20 ou 25 p. 100 des produits consommés sont biologiques.

Je crois qu'il vaut la peine de mentionner qu'à l'heure actuelle, environ 75 p. 100 des produits biologiques qui sont consommés au Canada sont importés, en grande partie, des États-Unis et du Mexique.

Le sénateur Robichaud : Avez-vous bien dit que 75 p. 100 des produits biologiques consommés au Canada sont importés?

M. Hammermeister : Oui, 75 p. 100 des produits biologiques consommés au Canada sont importés. C'est une bonne occasion pour nous de saisir certaines parts du marché. Nous ne pouvons bien sûr pas faire pousser des bananes ici, mais pour ce qui est de la laitue et des tomates, nous le pouvons certes.

Le sénateur Mahovlich : Je vois qu'on s'occupe de la production de boutures et de plants en pot. Qu'entendez-vous par « plants en pot » : des fleurs, ou plutôt des herbes comme la ciboulette et des plantes de cette nature?

M. Hammermeister : Dans le contexte de ce projet de recherche, il s'agit de produits horticoles non comestibles.

Le sénateur Mahovlich : Vous faites maintenant des plantes florales biologiques?

M. Hammermeister : Oui. C'est un très bon exemple...

Le sénateur Mahovlich : Je ne savais pas qu'elles étaient polluées.

M. Hammermeister : Les fleurs qui sont produites dans les serres commerciales sont traitées avec des pesticides et des fertilisants, comme c'est le cas des aliments. Je me suis penché sur la question pour essayer de comprendre pourquoi les gens achètent des fleurs biologiques. Ma première réaction est de penser qu'il n'y a pas de corrélation directe avec la santé — les gens ne les achètent pas pour des raisons de santé. Alors pourquoi les achètent-ils? Cela doit être lié, une fois de plus, au système de production et aux avantages environnementaux.

J'en ai depuis parlé à plusieurs gens qui m'ont dit que c'est à cause d'une combinaison de facteurs. Il y a les avantages environnementaux; les gens veulent un système plus respectueux de l'environnement, et c'est ce qu'ils commencent à constater. Toutefois, on sait également que, dans les serres commerciales, des pesticides sont appliqués aux plantes. De nombreuses personnes ayant des sensibilités chimiques ne veulent pas s'exposer à ces risques lorsqu'elles achètent ces plantes. Dans la même veine, les propriétaires d'animaux domestiques évitent ces plantes parce que leurs animaux pourraient parfois les manger.

Le sénateur Mahovlich : Je vois. Cultivons Biologique Canada existe depuis maintenant 35 ans. Quand j'étais jeune, je dirais il y a 45 ans, ma mère m'envoyait cueillir des bleuets. Considéreriez-vous les bleuets sauvages comme étant biologiques?

Mme McMahon : Non. Les bleuets sauvages ne seraient pas considérés comme étant biologiques selon les normes et les règles du système canadien de production biologique parce qu'ils ne sont pas soumis à une inspection dans le cadre du processus de vérification par des tiers dont il a été question.

Le sénateur Mahovlich : Pourtant, dans la forêt, ce serait naturel.

Mme McMahon : Ils seraient cueillis dans la nature.

Le sénateur Mahovlich : Il n'y a pas de pesticide.

Mme McMahon : Si vous vouliez les certifier, ce serait tout à fait possible, mais vous devez passer par un organisme de vérification. En effet, qu'est-ce qui nous dit que vous n'avez pas réemballé des bleuets achetés à l'épicerie pour ensuite déclarer que vous les avez cueillis vous-même dans votre jardin? Voilà pourquoi il faut une certaine surveillance. Cela fait partie de notre promesse aux consommateurs : des organismes indépendants d'inspection et de vérification sont là pour s'assurer que les aliments biologiques ont réellement été produits ou cultivés de cette façon.

M. Hammermeister : Par souci de clarté, le terme « biologique » est réglementé au Canada.

Le sénateur Mahovlich : Ce n'est donc pas synonyme de naturel?

M. Hammermeister : Non. Pour pouvoir utiliser ce terme, on doit avoir franchi toutes les étapes du processus de certification et d'inspection. Un agriculteur pourrait suivre tous les principes et pratiques des normes relatives à la production biologique, mais s'il ne s'est pas soumis au système de vérification, il ne pourra pas utiliser le terme « biologique » s'il s'adonne au commerce interprovincial.

Le sénateur Mahovlich : Toutefois, vous avez utilisé le terme « sauvage ». Je vois ici la « production de bleuets sauvages biologiques ».

M. Hammermeister : Oui. Il s'agit d'un projet de recherche qui se déroule en Nouvelle-Écosse. Les bleuets sont... pardon?

Le sénateur Mercer : Les bleuets sauvages sont une variété de bleuets et ils ne sont pas réellement sauvages.

Le sénateur Mahovlich : Vous utilisez le terme « sauvage ». Je pense que vous jouez avec les mots, ici.

Mme McMahon : Ah, non.

M. Hammermeister : Non.

Le président : Pourriez-vous préciser ce point? Le sénateur Mercer a mentionné que c'était probablement une variété. Auriez-vous l'obligeance de clarifier ce point? C'est important.

M. Hammermeister : En fait, il y a les bleuets en corymbe qui poussent dans les buissons cultivés pouvant atteindre différentes hauteurs.

Le sénateur Mahovlich : S'agit-il des gros bleuets?

M. Hammermeister : Oui.

Le sénateur Mahovlich : Ils n'ont pas bon goût.

M. Hammermeister : Les bleuets sauvages poussent dans un environnement naturel. Pour les cultiver, on doit essentiellement défricher une forêt, et les bleuets sauvages qui y poussaient de façon clairsemée finissent par couvrir toute la surface des champs.

Dans la production traditionnelle de bleuets sauvages, on utilise des pesticides pour contrôler les mauvaises herbes et régler les problèmes éventuels d'insectes. Ce n'est donc pas un système de production biologique.

Le sénateur Nolin : Dans la région du Lac Saint-Jean, les bleuets sont très sauvages et ils poussent sur des terrains forestiers. D'habitude, les bleuets poussent dans des régions qui ont été brûlées, et c'est ainsi qu'on les cultive. C'est assez particulier. Je vais communiquer avec les cultivateurs pour savoir pourquoi ils ne cherchent pas à obtenir la certification.

Le président : Sénateur Mahovlich, avez-vous terminé?

Le sénateur Mahovlich : Oui. Merci, monsieur le président.

[Français]

Le sénateur Nolin : Je suis de Montréal et j'utilise depuis quelques années ces boîtes que nous allons chercher dans un écocentre de la Ville de Montréal. Elle contient des produits agricoles, principalement biologiques. Plusieurs de ces produits sont cultivés sur des toits à travers la ville de Montréal. Donc, il y a tout ça qui peut circuler par ces centres de distribution.

Madame McMahon, dans vos remarques liminaires vous avez fait référence à nos partenaires étrangers. Certains de vos membres craignent que l'absence de mécanisme d'évaluation et d'amélioration de nos standards puisse nuire à cet équilibre dans nos relations multilatérales ou bilatérales avec nos partenaires étrangers. J'aimerais que vous m'expliquiez un peu plus quelle sorte de mécanisme vous avez en tête et qu'est-ce que vous visez exactement, et que vous me disiez si vous avez réfléchi aux coûts d'une telle proposition. Je suis convaincu que cela pourrait intéresser notre président et les rédacteurs de notre projet de rapport.

[Traduction]

Mme McMahon : Les normes canadiennes relatives aux produits biologiques sont mentionnées dans notre règlement national sur les produits biologiques. Il s'agit d'un système très moderne, sous l'égide de l'ACIA, et nous pouvons continuer de l'améliorer à mesure que de nouveaux renseignements deviennent disponibles ou que des partenaires commerciaux nous font des demandes que nous jugeons pertinentes. Toutefois, les normes relatives aux produits biologiques relèvent de l'Office des normes générales du Canada. La mise à jour de ces normes repose sur un processus consensuel qui coûte très cher. Dans le cadre de la Table ronde sur la chaîne de valeur des produits biologiques, que vous connaissez fort bien, nous avons activement cherché des moyens de continuer à mettre à jour nos normes. Nos normes prévoient également la tenue d'un examen tous les cinq ans, et nous nous rapprochons de ce délai.

Toutefois, par le passé, nos mises à jour ont été financées et appuyées par le gouvernement du Canada. Nous avons appris qu'il n'y aura plus de financement ni d'appui parce qu'il s'agit d'un processus coûteux. Je crois que le montant actuel se chiffre à 200 000 $ par année. Cependant, tous nos principaux partenaires commerciaux et tous les pays commerçants qui disposent d'un règlement sur les systèmes de production biologique ont mis en place des mécanismes de financement pour mettre à jour leurs normes. Le Canada tire de l'arrière. Quand on compare le Canada à ses partenaires commerciaux, on observe un grand écart sur le plan du traitement des normes.

Le sénateur Nolin : De combien d'argent s'agit-il?

Mme McMahon : Il s'agit de 200 000 $ par année.

Le sénateur Nolin : Ce n'est pas plus que cela?

Mme McMahon : C'est ce que montrent nos estimations.

Le sénateur Nolin : Monsieur Hammermeister, si on regarde votre carte, on constate qu'il n'y a aucune activité à Terre-Neuve-et-Labrador. Pourquoi? Ne me dites pas que c'est à cause du climat et de l'écozone du bouclier boréal. Je suis sûr que le greffier a bien hâte d'entendre votre réponse.

M. Hammermeister : Bien sûr, ce serait bien beau de dire que nous avons une présence dans chaque province. Malheureusement, nous n'avons pas de grappes scientifiques à Terre-Neuve-et-Labrador. Je pense que vous avez l'impression que les fonds sont limités. Dans le domaine de l'agriculture biologique, nous couvrons tous les aspects : les produits laitiers, les cultures céréalières, le blé, les fruits et les légumes. Nous répartissons cet argent partout au pays, entre tous les secteurs. Quand nous prenons des décisions liées à l'établissement des priorités, nous suivons un processus conçu à cet effet. C'est là où le problème se pose.

Parlons du cas de Terre-Neuve. Au bout du compte, si nous voulons effectuer des recherches, nous devons recourir à des chercheurs aptes à exécuter le travail dans ces provinces. À ce stade-ci, Terre-Neuve ne compte pas une collectivité de recherche bien établie dans le domaine de l'agriculture biologique. Il y a des gens qui s'intéressent aux méthodes de contrôle biologique, et cetera. Par ailleurs, le niveau de production est très faible dans cette province, et il y a une production commerciale très limitée. On trouve quelques petits producteurs à l'échelle des marchés fermiers. Je suis sûr que Mme McMahon pourra vous donner des chiffres ou des estimations à ce sujet. Pour ce qui est de l'impact sur les fermiers de la région, on le considère généralement comme étant faible. À cela s'ajoutent le manque de financement du secteur privé et le manque de chercheurs. Voilà pourquoi cette province est restée à l'écart.

Le sénateur Nolin : Madame McMahon, il ne s'agit pas seulement d'une province; on parle de Canadiens qui vivent là-bas et qui veulent avoir accès à des fruits, comme des framboises, et à des légumes. Quelle est la situation de l'industrie des produits biologiques à Terre-Neuve-et-Labrador?

Mme McMahon : C'est peu développé. Évidemment, la province importe des produits. Si on se rend dans n'importe quelle grande épicerie, on trouvera les mêmes produits biologiques que ce qu'on trouve ici, à Ottawa. Ce qui fait défaut, c'est le nombre de fermes certifiées, et ce, pour diverses raisons. L'isolement est un peu un facteur. Il y a aussi l'absence d'expertise. Pour ce qui est de l'aide à la diffusion, d'autres provinces ont la chance d'avoir un personnel à temps plein qui travaille avec des producteurs biologiques pour accroître la capacité et à assurer le transfert de connaissances. C'est ce qui manque vraiment à Terre-Neuve-et-Labrador. Je crois que la province ne compte qu'un seul employé qui consacre 25 p. 100 de ses tâches aux questions liées à l'agriculture biologique pour la région entière. Cette personne, malgré sa grande détermination, doit se rendre au Labrador pour rencontrer bon nombre des producteurs de baies, parce qu'il y a un intérêt là-bas. Nous avons certainement fourni de l'aide aux cultivateurs du Labrador et nous avons reçu des demandes d'information en provenance de cette région.

Le sénateur Nolin : Parlez-vous des bleuets?

Mme McMahon : Les baies sont très populaires. On organise une conférence annuelle sur les produits biologiques dans les provinces des Maritimes. Si je ne me trompe pas, environ 10 personnes de Terre-Neuve-et-Labrador ont participé à la conférence de cette année. En tout cas, l'intérêt ne manque pas, mais cette industrie en est encore à ses premiers balbutiements.

Le sénateur Mercer : Je remercie les témoins. Je suppose que le sénateur Plett n'a pas aimé la bière biologique. Peut- être que si on lui donnait du whisky single malt biologique ou des frites biologiques, il en raffolerait.

Le sénateur Mahovlich m'a pris de court en évoquant le chanvre. Ça me fait très plaisir d'en parler, mais je ne dirai pas si j'en ai inhalé ou non.

M. Hammermeister et moi venons de la Nouvelle-Écosse, qui est selon nous la région par excellence pour cultiver le bleuet au Canada. Lorsque nous visiterons la province, nous pourrions examiner des exploitations de bleuets biologiques et non biologiques.

Je veux parler de la production d'animaux d'élevage biologique. Dans le cadre d'une étude sur la pauvreté rurale menée il y a quelques années, nous avons visité une exploitation près d'Annapolis, en Nouvelle-Écosse. L'agriculteur produisait des aliments et des bovins biologiques. En discutant avec lui, nous avons compris que, même si les végétaux sont bien sûr à risque, les animaux étaient bien plus susceptibles d'attraper toutes sortes de maladies et qu'il fallait nécessairement les traiter. Mais on compromet ainsi le statut biologique du bœuf, du mouton, du porc ou de la volaille. Avons-nous réalisé des progrès à cet égard et élargi la définition de produit biologique pour que les éleveurs respectent les principes biologiques et puissent étiqueter leurs produits comme tels, sans sacrifier la santé des animaux?

Mme McMahon : Je sais précisément de quel éleveur vous parlez. C'est la septième génération de producteurs, et il est très attaché aux valeurs de production biologique. L'accès aux soins vétérinaires qui tiennent compte des systèmes biologiques et des substances permises présente toujours des problèmes.

Mais la principale préoccupation, c'est le bien-être de l'animal. La vache de boucherie traitée aux antibiotiques est tout simplement vendue de manière classique. Ce produit ne constitue pas une vente perdue, mais il n'est pas considéré comme biologique.

Pour revenir à ce dont j'ai parlé plus tôt, cet éleveur jouit maintenant d'un soutien communautaire et il utilise les réseaux sociaux pour vendre divers produits chaque mois dans la région d'Halifax. C'est très intéressant de voir que cet éleveur, issu de plusieurs générations, tire profit de la technologie.

Le sénateur Mercer : Lorsque nous l'avons rencontré, il ne faisait qu'amorcer ce processus et il nous a fait comprendre que, de nos jours, les agriculteurs doivent absolument employer la technologie. Bon nombre le font davantage au quotidien que bien des entreprises. Monsieur Hammermeister?

M. Hammermeister : Je veux simplement ajouter un commentaire. Les normes biologiques sont censées prévenir les maladies de manière proactive. L'objectif, c'est de réduire les risques de maladie et les stress importants associés à l'engraissement intensif, qui augmentent le risque de maladie chez les animaux.

On parle souvent des vaches laitières. Un certain nombre d'agriculteurs qui sont passés de la production classique à la production biologique m'ont indiqué qu'ils se demandaient avant tout comment remplacer tous les médicaments des vaches laitières. Ils voulaient disposer de plusieurs choix et s'inquiétaient des coûts liés aux soins vétérinaires, et cetera. Lorsque la transition est complète après quelques années, les producteurs constatent que les coûts sont moindres et que, même si les vaches produisent un peu moins, elles sont en meilleure santé. En leur faisant subir autant de pression pour maximiser la production, nous avons mis la santé des animaux en péril. Une diminution de 10 p. 100 de la production comporte des avantages pour la santé des élevages.

Le sénateur Mercer : Depuis plus de 30 ans, on nous dit que la production laitière des vaches augmente beaucoup, mais le taux de natalité diminue. Les vaches sont moins fertiles. À Saint-Hyacinthe, au Québec, nous avons discuté avec des professeurs de la Faculté de médecine vétérinaire de l'Université de Montréal qui effectuaient de la recherche là-dessus. Des études montrent-elles que les vaches laitières biologiques sont plus fertiles que les autres?

M. Hammermeister : Notre projet de recherche G1 porte présentement sur la production laitière biologique et, entre autres, les exploitations biologiques. Nous nous intéressons à toutes les pratiques de production laitière afin de connaître les plus avantageuses ou les moins risquées pour la santé et d'établir des corrélations. Les résultats préliminaires indiquent que la production biologique comporte certainement des avantages pour la santé et la fertilité des animaux.

Le sénateur Mercer : C'est intéressant, monsieur le président. Merci beaucoup à vous deux. Monsieur Hammermeister, j'espère que la fusion du collège d'agriculture de la Nouvelle-Écosse et de l'Université Dalhousie sera positive. Le Canada atlantique a besoin d'un bon collège d'agriculture à Truro.

M. Hammermeister : Merci du commentaire. Nous avons hâte de faire partie de l'Université Dalhousie, qui nous offre bien des possibilités. Nous devons simplement effectuer la transition et nous adapter aux différentes méthodes de gestion, mais c'est sans contredit avantageux à long terme pour nous tous.

[Français]

Le sénateur Maltais : Merci, monsieur le président, bienvenue, madame et monsieur. Comment allez-vous faire pour certifier biologiquement tout le poisson de l'Arctique canadien sur les côtes de Terre-Neuve-et-Labrador et du Québec. Comment allez-vous pouvoir leur donner un certificat?

[Traduction]

Mme McMahon : Les normes d'aquaculture biologique actuelles se fondent sur un consensus, comme la norme biologique du Canada. Elles ne s'appliquent pas à la pêche sauvage, mais à l'aquaculture. Selon ce que je comprends, ces normes ne pourraient jamais porter sur les poissons sauvages de l'Atlantique Nord.

[Français]

Le sénateur Maltais : Quelle est la différence pour la santé d'un être humain entre un poisson élevé en aquaculture certifiée et un poisson qui vient du Labrador, de Terre-Neuve ou du Nord du Québec? Quelle est la différence?

[Traduction]

Mme McMahon : Ça dépend sûrement du poisson. Les discussions liées aux normes d'aquaculture concernent surtout le saumon d'élevage par rapport au saumon sauvage. Je ne suis pas scientifique, mais le saumon d'élevage contiendrait pas mal moins d'oméga. Mais il s'agit de deux systèmes de production et de deux modèles d'entreprise différents. Je ne peux pas vraiment me prononcer.

[Français]

Le sénateur Maltais : Vous avez dit tantôt que votre fille refusait de manger à l'école des produits non biologiques. Heureusement que les pensionnats sont fermés parce qu'elle n'aurait pas mangé du tout. Je veux parler du marketing. Je m'intéresse au consommateur. Je regarde dans les rayons de mon supermarché qui achète des produits biologiques. Bien sûr, vous avez un nouveau client, le sénateur Nolin, cela a pris 30 ans à sa femme pour le convaincre. Je regarde les gens qui achètent cela, ce n'est pas Monsieur et Madame Tout-le-monde. Les produits biologiques certifiés ne sont pas accessibles à la famille canadienne moyenne. Pourquoi? Parce qu'ils sont trop dispendieux. Une famille de trois enfants, père et mère, cinq personnes, il y a une différence fort appréciable à l'achat du panier de provisions. Est-ce que, à l'avenir, il y aura moyen que ces produits soient accessibles aux familles moyennes canadiennes et non à une petite élite?

[Traduction]

Mme McMahon : Notre étude de marché indique que les principaux consommateurs au Canada sont des femmes entre 25 et 35 ans qui possèdent un diplôme universitaire et qui commencent souvent à acheter des produits biologiques durant leur grossesse ou lorsqu'elles ont un premier enfant.

La plupart habitent dans les grandes villes, où elles ont un accès accru à davantage de produits biologiques.

Bien des femmes de plus de 55 ans consomment aussi des produits biologiques et cherchent des aliments entiers plus sains pour cuisiner.

J'observe ce que les gens achètent à l'épicerie et je pense qu'ils ne cuisinent pas des aliments entiers.

Une pizza biologique congelée coûtera 10 $ par rapport à 3,99 $ pour une pizza classique, mais si on la prépare à la maison, c'est très abordable, surtout si on profite des réseaux de vente directe. Les cartons de légumes produits par les agriculteurs soutenus par la communauté et les marchés fermiers connaissent une croissance exceptionnelle partout au Canada. Beaucoup de produits biologiques au pays sont à la portée de presque toutes les bourses.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je m'inscris en faux parce que j'ai fait une vérification. Pour le même sac de carottes, il y a 1,25 $ de différence. Je me mets dans la peau de la mère de famille qui doit acheter une livre de beurre un peu plus loin et qui se dit qu'elle va économiser 1,25 $. On comprend parce vous nous avez dit plus tôt qu'il y avait 2 p. 100 de la population canadienne qui consommait des produits biologiques.

Dans une vie antérieure, j'ai eu l'occasion de travailler pour des producteurs de sirop d'érable du Nouveau- Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de l'Ontario et du Québec. Je suis allé à Chicago, à l'exposition Drug & Foods, une des plus grandes expositions agricoles américaines. Les Américains reconnaissent le sirop d'érable comme étant un produit totalement biologique. Au Canada, est-ce aussi le cas?

[Traduction]

Mme McMahon : La norme biologique du Canada comporte des exigences relatives aux produits de l'érable. Le sirop d'érable courant n'est pas jugé biologique. Le Québec est un chef de file dans l'élaboration des normes sur les produits de l'érable. Il s'efforce de les promouvoir, et il y a de plus en plus de débouchés à l'étranger. Au Nouveau-Brunswick, on estime que 25 p. 100 du sirop d'érable produit dans la province est maintenant certifié biologique.

Les normes sur le sirop d'érable portent notamment sur la taille de l'arbre, le nombre d'entailles, le nombre d'années d'exploitation et la gestion de cette ressource renouvelable. Les agents chimiques et les acides utilisés pour nettoyer les filtres peuvent être très puissants. D'autres processus sont aussi concernés.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je reviens sur le fait que le sirop d'érable est un produit 100 p. 100 naturel, sans pesticides ni engrais, étant donné que l'érable pousse à l'état naturel. La seule pollution qu'il peut y avoir dans l'érable, c'est la pollution atmosphérique. Vous allez convenir avec moi que c'est la même chose que vos tomates biologiques ou vos carottes.

Je ne comprends pas pourquoi, de facto, ce produit devrait être certifié 100 p. 100 biologique. Je ne vous parle pas des produits dérivés de l'érable, je vous parle du sirop naturel de l'érable qui, à sa sortie de la bouilloire, devrait être certifié biologique.

C'est quelque chose qui chicote beaucoup de producteurs. Vous avez parlé du Nouveau-Brunswick, mais je vous annonce que le Québec achète presque 80 p. 100 de la production du sirop d'érable du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, et achète 100 p. 100 de la production de l'Ontario. Le Québec achète aussi du Vermont et du Maine.

Vous avec parlé de bleuets sauvages, mais on pourrait aussi parler de framboises et de fraises sauvages. Lorsqu'un produit ne contient aucun pesticide ni engrais, il devrait être certifié biologique parce que, s'il faut absolument passer par un organisme pour obtenir le sceau de certification, c'est choquant pour le producteur. À mon avis, les produits sans pesticides ni engrais chimiques devraient être certifiés biologiques.

[Traduction]

M. Hammermeister : J'ai un certain nombre de commentaires à faire là-dessus. Je ne produis pas du sirop d'érable non plus. Le système de certification biologique examine non seulement ce qui se fait à l'érablière et les pesticides utilisés, mais aussi la transformation, les additifs, et cetera. Ça fait également partie des normes. Comme le terme « biologique » est réglementé au Canada, il faut respecter certaines normes pour l'employer. Même si on suit des pratiques de production identiques, on ne peut pas utiliser ce terme sans avoir fait l'objet d'une inspection.

Puisque les produits biologiques sont visés par des normes particulières, ils coûtent plus cher. Étant donné que les gens sont prêts à débourser davantage, certains essaient d'en profiter. Nous voulons protéger le consommateur et lui en donner pour son argent, en lui évitant de se faire berner par des produits classiques prétendument biologiques.

Je suis d'accord avec vous pour dire que les produits d'un agriculteur peuvent tout à fait être naturels et respecter les normes biologiques. Bien des agriculteurs l'affirment dans les marchés locaux. Ils ne demandent pas forcément la certification, parce qu'ils connaissent les clients, qui vont dans les exploitations et voient comment se fait le travail. Ces derniers comprennent les processus et font confiance aux agriculteurs. La certification sert aux consommateurs qui ne connaissent pas l'agriculteur et qui se demandent s'ils peuvent lui faire confiance.

Le sénateur Eaton : En Colombie-Britannique, on parlait beaucoup de la différence entre le saumon d'élevage canadien par rapport à celui élevé en Alaska, aux États-Unis. La campagne des Américains a connu beaucoup de succès, et le saumon américain a supplanté le nôtre. Pouvez-vous m'expliquer la différence?

M. Hammermeister : Non, je ne connais pas bien le saumon d'élevage.

Mme McMahon : Moi non plus.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Rien n'empêche les producteurs d'identifier leurs produits comme étant des produits naturels. Est-ce que cela n'entre pas en conflit avec votre définition de produits biologiques?

[Traduction]

M. Hammermeister : Les intervenants de la Table ronde sur la chaîne des produits biologiques sont très préoccupés par le terme « naturel ». L'industrie veut exploiter le lien que les consommateurs ont établi avec les caractéristiques des produits biologiques. Même si l'ACIA donne une définition générale de ce terme, il n'est pas réglementé.

Les produits dits naturels ne contiennent peut-être pas d'additifs, d'agents de conservation, de colorant, et cetera, mais ils sont presque toujours faits à partir d'aliments ou de céréales classiques. Le consommateur pense acheter des produits naturels, mais rien ne garantit qu'on n'a utilisé ni engrais ni pesticide ou que les produits ont été transformés selon les normes biologiques.

Le sénateur Buth : Merci beaucoup de votre présence. Comme les exposés sur les produits biologiques sont souvent teintés de philosophie ou d'idéologie, je vous suis très reconnaissante de présenter les faits au sujet de l'industrie. C'est très important pour la crédibilité des produits biologiques dans l'industrie classique.

Votre commentaire sur la collaboration nécessaire entre les industries biologique et classique me plaît beaucoup. C'est clair qu'il y a deux systèmes différents, même si l'industrie classique adopte aussi des pratiques de développement durable et cherche à réduire les intrants pour améliorer la viabilité du système.

Madame McMahon, quelle est la valeur totale de la production agricole au Canada?

Mme McMahon : Nous n'avons pas la réponse précise.

Le sénateur Buth : Quelle est sa valeur pour l'économie canadienne?

Mme McMahon : Les ventes s'élèvent à 2,6 milliards de dollars, mais c'est surtout des produits importés.

M. Hammermeister : Même si nous connaissons le nombre d'agriculteurs dans les Prairies, nous ne savons pas quel est le volume des exportations et ce qu'elles nous rapportent. Nous avons des estimations, mais il nous manque des fonds et des ressources pour obtenir cette information.

Mme McMahon : Des mesures sont prises afin d'augmenter le nombre de codes SH pour suivre les exportations de produits biologiques. Nous en saurons un peu plus, mais c'est encore incertain.

Le sénateur Buth : Nous connaissons le nombre de producteurs biologiques dans les Prairies, mais vous avez dit qu'il diminuait. Savez-vous pourquoi?

Mme McMahon : Nous avons atteint un sommet en 2008, puis il y a eu des années de récession et des prix élevés pour les produits classiques. Bien des producteurs auraient abandonné leur certification pour recommencer à vendre de tels produits. Étant donné que les prix des produits biologiques augmentent de nouveau, il y a un vide à combler dans le système. Une exploitation classique a besoin de trois ans pour devenir biologique. La demande actuelle surpasse l'offre. C'est pourquoi nous ne participons pas en grand nombre aux foires d'exportation en Allemagne. Si vous permettez, je veux parler un peu du chanvre, dont le Canada est un producteur important. Puisqu'il est illégal de cultiver le chanvre aux États-Unis, le marché de ce produit biologique est très lucratif. Les ventes augmentent de façon exponentielle.

Le sénateur Mahovlich : Est-ce en Nouvelle-Écosse?

Mme McMahon : Non; en fait, c'est surtout dans les Prairies. C'est une histoire intéressante, et c'est réellement un produit de la chaîne de valeur à intégration verticale. C'est une très belle réussite.

Ce n'est pas un produit médicinal.

Le sénateur Nolin : Savez-vous où tout cela a commencé? Ici même, juste de l'autre côté du corridor, où le comité du Sénat a modifié la loi pour permettre la culture du chanvre industriel au Canada, en 1997. C'est donc ici, dans la pièce juste en face, que tout a commencé.

Mme McMahon : Bravo!

Le sénateur Nolin : Merci. Je tenais seulement à le préciser.

Mme McMahon : Je voulais en parler davantage. Je viens de lire une histoire où l'on raconte que chaque fois qu'Oprah ou le Dr Oz font la promotion des bienfaits du chanvre et des omégas qu'il contient, les ventes de ce produit augmentent en flèche au Canada, et on ne peut pas répondre à la demande. C'est une belle réussite.

Le sénateur Buth : J'ai quelques questions au sujet des aspects scientifique et technique, et au sujet du défi posé par une partie de la terminologie souvent utilisée pour qualifier l'agriculture biologique, c'est-à-dire qu'elle est durable sur le plan environnemental. Cette durabilité s'étale sur un continuum qui va de l'agriculture conventionnelle à l'agroécologie, c'est-à-dire qui utilise peu d'intrants. Par exemple, la culture sans labour, dans les Prairies, offre de grands avantages en ce qui concerne la durabilité sur le plan environnemental, surtout en ce qui a trait aux émissions de carbone.

Monsieur Hammermeister, pouvez-vous nous parler des enjeux liés à la durabilité des engrais, car l'agriculture biologique en présente quelques-uns? En effet, si vous utilisez seulement des cultures de couverture ou même seulement du fumier, vous pouvez quand même avoir des problèmes de ruissellement et d'écoulement d'eau souterraine. D'après ce que je comprends, lorsqu'on utilise les cultures de couverture ou le fumier, certains nutriments sont absents, et cela pourrait rendre les choses difficiles, à long terme, pour la culture biologique. Pourriez-vous nous parler de certaines des recherches qui sont effectuées à ce sujet?

M. Hammermeister : Nous avons cinq minutes.

Le sénateur Buth : J'aurai ensuite une autre question.

M. Hammermeister : Tout d'abord, en ce qui concerne l'efficacité énergétique, vous avez parlé de l'efficacité de la culture comportant peu de labour et des avantages qu'elle présentait sur le plan des émissions de carbone. Quelques projets sur lesquels nous travaillons concernent en fait des systèmes de production biologique comportant peu de labour ou pas du tout. Je vais en parler en premier. En ce qui a trait à la question des crédits et de la séquestration de carbone dans les sols biologiques, en résumé, les sols utilisés dans l'agriculture biologique ne perdent pas de carbone plus rapidement que les sols de l'agriculture conventionnelle.

Toutefois, la comparaison avec les systèmes sans labour est une autre histoire. En effet, certaines études démontrent que les systèmes d'agriculture biologique augmentent le niveau de carbone dans le sol, comparativement aux systèmes conventionnels, mais cela dépend de ce que vous utilisez pour effectuer la comparaison.

En ce qui concerne les coûts énergétiques et l'efficacité des engrais, environ 40 p. 100 — et parfois plus — des coûts énergétiques associés à une exploitation agricole sont liés aux engrais azotés. C'est parce que les engrais azotés sont produits, dans l'agriculture conventionnelle, avec du gaz naturel. Quarante pour cent de toute l'énergie utilisée pour la production sert à la production d'azote pour l'engrais, et il y a aussi la mise au point des pesticides, et cetera. C'est très gros, et cela n'existe pas dans le système biologique. Nous cultivons plutôt les légumineuses, des plantes comme les pois et les fèves, qui établissent une relation avec les bactéries. C'est la façon dont la nature a capturé l'azote et l'a introduit dans le sol. Les bactéries prennent l'azote dans l'air et l'intègrent dans le sol et dans la plante. C'est le système de gestion qu'utilise l'agriculture biologique pour permettre au sol de se reposer et de se reconstruire, et pour capturer l'azote, afin que nous n'ayons pas à utiliser les combustibles fossiles pour le produire.

Le phosphore représente un très gros problème pour l'agriculture biologique. Dans l'agriculture conventionnelle, l'excès de phosphore représente un problème, alors que dans l'agriculture biologique, c'est plutôt sa carence qui cause des difficultés. En effet, nous avons des normes qui limitent notre utilisation d'engrais chimique au phosphore. Il y a un projet concernant les engrais au phosphore ici, mais nous devrions être conscients que, dans environ 50 ans, on prévoit que toutes les sources de phosphore facilement accessibles dans le monde seront épuisées. Il nous reste donc de 30 à 50 ans. L'agriculture biologique est aux prises avec ce défi. Toutefois, tous les types d'agriculture, partout dans le monde, auront à faire face au défi représenté par l'épuisement des sources de phosphore — c'est d'ailleurs déjà le cas. L'agriculture biologique est un modèle pour s'attaquer aux problèmes qui seront posés par le système utilisant peu d'intrants.

Le sénateur Buth : J'ai une question concernant un autre domaine. J'entends souvent dire que la nourriture biologique est plus nutritive. On bombarde les consommateurs de renseignements sur ce qui est bon pour eux et ce qui ne l'est pas. On nous dit de manger du brocoli une semaine, mais de ne pas en manger la semaine suivante. Cela crée beaucoup de confusion.

Avez-vous entendu parler d'un récent article de synthèse — je suis désolée, mais je ne suis pas en mesure de vous donner la référence — provenant de la Grande-Bretagne, dans lequel on a examiné toutes les études sur la valeur, sur le plan nutritionnel, de l'agriculture biologique comparativement à l'agriculture conventionnelle? Il s'agissait d'une méta- analyse, dont la conclusion était que l'agriculture biologique ne présentait pas d'avantages sur le plan nutritionnel.

M. Hammermeister : Il s'agit d'une conclusion générale. Cela revient à la question des éléments que vous utilisez pour établir la comparaison. C'est une question très importante. Nous ne faisons pas souvent ce genre d'étude, en raison de sa complexité. Il existe également des projets de recherche qui démontrent que l'agriculture biologique peut présenter des avantages sur ce plan, car ce type de culture nécessite peu d'intrants, et parfois, des agents stressants — y compris les insectes — forcent la plante à activer ses mécanismes d'autodéfense, ce qui introduit des antioxydants dans le fruit, afin de l'aider à se protéger. L'agriculture conventionnelle, qui fait disparaître ces agents stressants, ne produit pas ce genre de bienfaits.

De plus, dans la production conventionnelle, le rendement et la couleur sont souvent les caractéristiques les plus importantes. Par exemple, on cherche à obtenir de grosses tomates d'une belle couleur. Une grande partie de la valeur nutritionnelle et les antioxydants se trouvent dans la peau du produit — nous menons d'ailleurs, en ce moment, des recherches à ce sujet sur la groseille noire, en Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard — et c'est là où se trouvent aussi les mécanismes de défense. Si une tomate est très grosse, le ratio peau et volume n'est pas aussi élevé. Par exemple, si vous mangez la même quantité de deux types de tomates, un panier ou un kilogramme de tomates plus petites aura une valeur nutritionnelle plus élevée qu'un kilogramme de grosses tomates. Étant donné que l'agriculture biologique ne cherche pas à produire de très grosses plantes ou de très gros fruits, mais vise plutôt des fruits concentrés et plus durables, les fruits ont tendance à être plus petits, ce qui entraîne une concentration plus élevée en nutriments.

Le sénateur Buth : Ce sont de bons exemples, mais je serais prudente, car nous avons tendance à prendre un petit nombre d'exemples et à les extrapoler, même aux cas où ils ne s'appliquent pas nécessairement. Je pense qu'il est très important d'effectuer des recherches à ce sujet, et je vous félicite des projets que vous avez entrepris. Merci.

M. Hammermeister : Merci de votre commentaire.

Le président : Honorables sénateurs, il nous reste environ quatre minutes. Pour la deuxième série de questions, nous allons entendre le sénateur Robichaud, suivi du sénateur Plett; veuillez donc aller droit au but.

Le sénateur Robichaud : Je vais utiliser les quatre minutes. Ma question concerne la science, la recherche et l'innovation.

[Français]

Dans le programme des grappes de recherche, au niveau des sciences et de l'application de cette science dans les champs ou avec les personnes, est-ce que la science est beaucoup plus en avance que l'application qui est faite de cette recherche scientifique?

[Traduction]

M. Hammermeister : Dans certains domaines, nous confirmons le bien-fondé de l'agriculture biologique et les avantages qu'elle présente. Dans ce cas-ci, nous nous contentons d'observer ce qui est fait. Dans d'autres domaines, oui, nous innovons, par exemple, avec le système de production biologique sans labour. Les travaux de serriculture au Québec sont très innovateurs et à l'avant-garde de l'industrie, qu'il s'agisse d'agriculture biologique ou conventionnelle. Ce projet est dirigé par des producteurs qui se rendent compte que les besoins en innovation, en efficacité énergétique et en durabilité sur le plan environnemental font partie de leur système.

Cela dépend du projet sur lequel nous travaillons. Parfois, il s'agit simplement de mettre au point des pratiques de gestion, comme je le fais dans le cas des groseilles noires — c'est-à-dire que je mets au point des pratiques agronomiques favorisant leur culture. D'autres fois, il s'agit de mener des recherches innovatrices.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Je reviens à la ferme de Hervé Michaud; un bon exemple qui vous concerne. Avec des producteurs du coin, en organisant leur production dans un tunnel où ils pouvaient contrôler l'humidité et bien d'autres choses, ils peuvent produire beaucoup plus tôt et beaucoup plus tard. Cela a été prouvé que c'était très rentable. Ce n'était pas de la grande recherche, mais il s'agissait simplement d'appliquer ce que les gens savaient en les aidant à intégrer cette méthode de production. Je pense que c'était bien apprécié des producteurs.

[Traduction]

Le sénateur Plett : J'ai trois brèves questions qui vont droit au but, et je suis certain que vous pourrez y répondre brièvement. Après que le sénateur Mercer a parlé de whisky de single malt, j'ai effectué des recherches dans Internet, et j'ai découvert qu'on en produit effectivement une certaine quantité, mais aussi qu'une certaine partie ne peut pas être importée au Canada. Je vais vous lire cela. Je ne suis pas certain de le prononcer correctement, mais c'est au sujet de l'élégant whisky de single malt écossais, au goût tourbé, de la société Bruichladdich : « C'est avec regret que nous sommes dans l'incapacité d'exporter notre whiskey dans les pays suivants, en raison de restrictions sur l'importation et la livraison, le Canada étant l'un de ces pays ». Pourquoi?

Mme McMahon : Très probablement parce que l'entreprise n'est pas reconnue par un organisme de certification qui a fait une demande de reconnaissance au Canada. Elle serait évidemment reconnue en Écosse, ainsi qu'à l'extérieur des États-Unis. Si elle était reconnue à l'intérieur des États-Unis, ce serait probablement plus facile. Évidemment, ce n'est qu'une hypothèse de ma part.

Le sénateur Plett : Toutefois, évidemment, à l'exception d'une entreprise qui le fabrique en Nouvelle-Écosse, le vrai scotch n'est fabriqué qu'en Écosse.

Mme McMahon : L'ACIA reconnaît des organismes d'accréditation, mais il en existe des centaines partout dans le monde; c'est un marché libre. Vous avez le choix de l'organisme de certification avec lequel vous voulez faire affaire. La société pourrait changer d'organisme ou demander à celui auquel elle a fait appel de faire une demande de reconnaissance au Canada.

Le sénateur Nolin : Est-elle acceptée aux États-Unis?

Le sénateur Plett : Non, elle ne l'est pas au Canada et aux États-Unis.

Mme McMahon : Non, elle ne le serait pas.

Le sénateur Plett : Combien en coûte-t-il à une entreprise pour être certifiée?

Mme McMahon : Cela dépend. Si vous êtes un producteur de petit marché, et que vous êtes dans les ventes directes, il vous en coûtera environ 600 $ par année. Si vous avez de nombreux produits, ou si vous êtes un transformateur, il peut vous en coûter plusieurs milliers de dollars.

Le sénateur Plett : Dans votre exposé, vous avez parlé de Sally et Mark Bernard, qui gèrent une exploitation agricole de grains mélangés et de soya et un rôtisseur. Qu'est-ce qu'un rôtisseur?

Mme McMahon : Pour rendre le soya facile à digérer pour les porcs, on fait rôtir les grains de soja avant de les vendre aux producteurs de porcs; ensuite, le producteur de porcs de l'Île-du-Prince-Édouard exporte ses porcs au Québec, où ils sont transformés.

Le sénateur Plett : Merci.

Le président : Merci. J'aimerais seulement insister sur un point. La semaine dernière, j'étais à La Haye, en Hollande, et pendant notre magasinage, nous avons vu deux agriculteurs livrer leurs produits. L'un était étiqueté biologique, et l'autre naturel. J'ai parlé aux deux agriculteurs, et comme l'a dit le sénateur Mahovlich, j'ai constaté qu'il y avait une différence dans le prix des produits. J'ai demandé au producteur biologique s'il avait constaté des changements dans les habitudes des consommateurs dans la mise en marché de son produit. Je veux souligner ce que vous venez de dire, madame McMahon. Les jeunes consommateurs, c'est-à-dire ceux âgés de moins de 35 ans, comparaient de plus en plus les produits biologiques aux légumes et aux fruits produits de façon traditionnelle. Lorsque nous constatons, comme vous nous l'avez dit, que seulement 2 ou 3 p. 100 de ce qui est consommé sur le marché canadien est biologique, nous pouvons accroître — et j'espère que nous allons le faire — la production de cultures biologiques.

Chers témoins, nous tenons à vous remercier de nous avoir communiqué ces renseignements. Il ne fait aucun doute qu'il s'agissait d'un exposé de qualité. Merci d'avoir accepté notre invitation.

(La séance est levée.)


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