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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 20 -Témoignages du 28 juin 2012


OTTAWA, le jeudi 28 juin 2012

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 heures le projet de loi S-11, Loi concernant les produits alimentaires, et portant notamment sur leur inspection, leur salubrité, leur étiquetage, la publicité à leur égard, leur importation, leur exportation, leur commerce interprovincial, l'établissement de normes à leur égard, l'enregistrement de personnes exerçant certaines activités à leur égard, la délivrance de licences à ces personnes, l'établissement de normes relatives aux établissements où de telles activités sont exercées ainsi que l'agrément de tels établissements.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à notre réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

[Traduction]

De plus, je souhaite la bienvenue aux témoins, et je les remercie d'avoir accepté notre invitation à venir témoigner devant notre comité pour nous aider dans notre étude sur le projet de loi S-11. Merci beaucoup, monsieur Horel, monsieur Laws, de votre présence devant notre comité.

Je m'appelle Percy Mockler; je suis du Nouveau-Brunswick et je préside le comité. Je demanderais aux autres sénateurs de se présenter.

Le sénateur Mercer : Je m'appelle Terry Mercer; je suis de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, Saint-Louis-de-Kent, au Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Merchant : Bonjour. Je m'appelle Pana Merchant, et je suis de Regina, en Saskatchewan.

Le sénateur Mahovlich : Frank Mahovlich, Toronto, Ontario.

[Français]

Le sénateur Nolin : Pierre Claude Nolin, je représente la province de Québec et je viens de Montréal.

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, de Québec.

[Traduction]

Le sénateur Buth : Bonjour. JoAnne Buth; je suis du Manitoba.

[Français]

Le sénateur Rivard : Michel Rivard, les Laurentides au Québec.

[Traduction]

Le sénateur Eaton : Bonjour. Nicole Eaton, Ontario.

Le sénateur Plett : Bonjour. Je m'appelle Don Plett et je suis du Manitoba.

[Français]

Le président : Ce matin, notre réunion porte sur l'étude du projet de loi S-11, la Loi sur la salubrité des aliments au Canada.

[Traduction]

Nous poursuivons notre étude sur le projet de loi S-11, Loi sur la salubrité des aliments au Canada. Le gouvernement du Canada a déposé le projet de loi sur la salubrité des aliments au Canada au Parlement en vue de renforcer notre système de salubrité des aliments et de réduire les chevauchements pour les producteurs d'aliments canadiens.

Honorables sénateurs, cette loi donne à l'industrie des règles simples, claires et directes en matière d'inspection et d'application de la loi pour qu'elle puisse mieux s'acquitter de sa responsabilité d'offrir aux consommateurs des aliments salubres.

[Français]

Étant donné que les consommateurs veulent des aliments sains, ils tiennent à ce que le Canada adopte les lois appropriées afin d'être assurés que la salubrité des aliments au Canada soit à son meilleur.

[Traduction]

Honorables sénateurs, nous entendrons deux groupes. Dans un premier temps, nous accueillons James Laws, directeur général du Conseil des viandes du Canada, et Robin Horel, président-directeur général du Conseil canadien des transformateurs d'œufs et de volailles.

Encore une fois, merci d'avoir accepté notre invitation à témoigner. Le greffier m'a informé que M. Laws fera son exposé en premier, puis ce sera le tour de M. Horel. Ensuite, les sénateurs poseront leurs questions.

J'aimerais prendre un instant pour souhaiter la bienvenue au comité au sénateur Peterson, qui est le porte-parole relativement au projet de loi S-11. Merci de votre présence.

Monsieur Laws, vous avez la parole.

[Français]

James M. Laws, directeur general, Conseil des viandes du Canada : Bonjour, je m'appelle James Laws et je suis le directeur général du Conseil des viandes du Canada. Merci de m'avoir invité à parler aujourd'hui du projet de loi S-11, Loi sur la salubrité des aliments au Canada.

Notre secteur des viandes est le plus important de l'industrie de la transformation des aliments. Il emploie plus de 67 500 personnes. Ses ventes s'élèvent à plus de 21,3 milliards de dollars. En 2011, notre secteur a exporté 1,3 milliard de bœuf et 3,2 milliards de porc à plus de 120 différents pays à travers le monde. Au total, il y a près de 740 établissements de viande agrée par le fédéral qui abattent, transforment, équarrissent, désossent, emballent, mettent en conserve ou offrent de l'entreposage pour la viande et sont inspectés par l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

La salubrité des aliments est la principale priorité des transformateurs de viande. Nous appuyons les mesures visant à consolider et à moderniser la législation régissant les produits alimentaires qu'applique l'agence.

Actuellement, l'agence administre huit programmes d'inspection des aliments. Chacun d'entre eux utilise des méthodes et des outils d'inspection différente. La Loi sur la salubrité des aliments au Canada améliorera la surveillance alimentaire en instituant un régime d'inspection uniforme pour tous les produits alimentaires et des mesures de contrôle accrues des produits alimentaires importés.

Le gouvernement et l'industrie savent depuis longtemps qu'il faut moderniser et renforcer la législation canadienne régissant les produits alimentaires. En juillet 2009, l'organisme indépendant chargé d'enquêter sur l'épidémie de listériose survenue en 2008 a recommandé au gouvernement de simplifier et de moderniser la législation et la réglementation fédérale ayant des répercussions significatives sur la salubrité des aliments. C'est l'objectif même du projet de loi S-11.

Nous avons longtemps soutenu que l'industrie de la viande au Canada est traitée de façon très différente des autres secteurs des aliments. C'est pourquoi nous supportons la consolidation et la modernisation de la législation présentée dans le projet de loi S-11, qui cause l'abrogation des lois suivantes : la Loi sur l'inspection du poisson, la Loi sur l'inspection des viandes, la Loi sur les produits agricoles au Canada et certaines provisions dans la Loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation. Mais l'abrogation de la Loi sur l'inspection des viandes, un document de 17 pages est remplacé par cette nouvelle loi, un document de plus de 60 pages.

Il y a plusieurs sections notables. Premièrement, la section 39 de ce projet de loi sur les infractions impose :

La personne qui contrevient à toute disposition de la présente loi [...], ou à toute disposition des règlements, ou ne fait pas ce que lui ordonne le ministre ou l'inspecteur sous le régime de la présente loi, une amende maximale de 5 000 000 $ et un emprisonnement maximal de deux ans, ou l'une de ces peines.

Cette amende, qui est 20 fois plus que l'amende imposée dans la Loi sur l'inspection des viandes, est très sévère.

Deuxièmement, les sections 52 à 55 décrivent l'incorporation par renvoi. Il y est dit que :

Les règlements pris en vertu du paragraphe 51(1) peuvent incorporer par renvoi tout document, indépendamment de sa source, soit dans sa version à une date donnée, soit avec ses modifications successives.

L'industrie de la viande est le secteur le plus réglementé de l'industrie des aliments. Outre les exigences qui s'appliquent aux viandes et aux aliments en vertu de la Loi sur les aliments et drogues et son règlement, et la Loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation, nous devons nous conformer à la Loi sur l'inspection des viandes et son règlement ainsi qu'aux exigences normatives et complètes du Manuel des méthodes de l'hygiène des viandes, publié par l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

Ce manuel contient 19 chapitres et plus de 1 200 pages de texte et est déjà incorporé par renvoi dans les règlements sur l'inspection des viandes qui eux-mêmes ont 120 pages. Souvent, l'agence change des sections dans le manuel sans consultation avec l'industrie. On espère que l'incorporation par renvoi sera appuyée par un processus de consultation bien défini pour l'incorporation initiale du document de même que pour ses modifications futures puisque la section 55 du projet de loi décrit :

Il est entendu que les documents qui sont incorporés par renvoi dans les règlements pris en vertu du paragraphe 51(1) n'ont pas à être transmis pour enregistrement ni à être publiés dans la Gazette du Canada du seul fait de leur incorporation.

Pour nous, cela risque d'être un cercle vicieux puisque le processus de la Gazette du Canada, qui est lent, est au moins clair et bien expliqué.

Troisièmement et dernièrement, on veut souligner que la loi s'applique seulement aux transformateurs de viande qui sont inspectés par l'agence et qui exportent ou vendent leur viande par commerce interprovincial. La nouvelle loi ne va pas créer une norme unique, une norme nationale pour l'inspection des viandes. Nous continuerons d'avoir des centaines de transformateurs de viande au Canada qui opèrent sous différents régimes d'inspection dans les provinces. Nous pensons que toutes les normes d'inspection des viandes provinciales devraient se conformer à la norme fédérale pour l'inspection des viandes.

Les Canadiennes et les Canadiens devraient s'attendre à ce que tous les produits de viande qu'ils consomment soient conformes aux mêmes normes rigoureuses sans égard à l'endroit où ils résident et où ils font leurs achats.

Nous sommes prêts à travailler en étroite collaboration avec les représentants du gouvernement et les élus afin de veiller à ce que la nouvelle loi établisse un cadre réglementaire, qui assurera notre compétitivité sur la scène internationale et encouragera l'industrie canadienne de la viande à atteindre les normes les plus élevées au chapitre de la sécurité alimentaire.

Je vous remercie de votre attention. Cela me fera plaisir de répondre à vos questions.

[Traduction]

Robin Horel, président-directeur général, Conseil canadien des transformateurs d'œufs et de volailles : Bonjour, honorables sénateurs. Merci de nous avoir invités à venir vous faire part du point de vue du Conseil canadien des transformateurs d'œufs et de volailles sur le projet de loi S-11, Loi sur la salubrité des aliments au Canada.

Le Conseil canadien des transformateurs d'œufs et de volailles est l'organisme commercial national des transformateurs de poulets et de dindons, des exploitants de couvoirs qui produisent des poussins à griller d'un jour, des poules pondeuses et des dindonneaux, des préposés au triage des œufs et des transformateurs d'œufs. Nous en sommes à notre 63e année d'existence, et nos membres sont répartis dans toutes les provinces. En plus de représenter les intérêts de plus de 170 transformateurs de volailles et d'œufs et exploitants de couvoirs, nous avons plus de 50 partenaires nationaux et internationaux qui sont des membres associés.

Nous représentons certaines des plus importantes sociétés agroalimentaires au Canada, et nos membres s'occupent de plus de 90 p. 100 des poulets, des dindons, des œufs et des œufs d'incubation. Notre activité économique génère annuellement plus de 5 milliards de dollars en ventes au détail. Pour y arriver, nos membres investissent plus de 1,5 milliard dans les usines et l'équipement et emploient directement plus de 19 000 personnes.

Notre industrie a fait de la salubrité des aliments sa priorité stratégique. Les transformateurs de volailles et d'œufs sont depuis longtemps des partisans de la modernisation des lois et des règlements en matière de salubrité alimentaire; ils considèrent cette modernisation comme un élément clé dans l'élaboration d'une approche nationale, coordonnée et intégrée en la matière. Nous félicitons le gouvernement de son initiative visant la modernisation des lois, des règlements, des manuels de procédures, des lignes directrices et des décisions stratégiques qui concernent nos secteurs.

Nous comprenons que le projet de loi S-11 vise notamment à créer une seule loi qui remplacera les diverses lois en matière d'inspection; à harmoniser les pouvoirs d'application; à conférer le pouvoir d'élaborer des règlements dans les domaines jugés critiques en matière de salubrité alimentaire et de concurrence; à créer de nouvelles infractions relativement à l'altération et aux canulars; et à renforcer les mesures de contrôle pour les aliments importés.

Notre conseil est pour la réduction des incohérences entre les divers secteurs de l'industrie alimentaire au Canada et au sein même des secteurs. Ce projet de loi permettra de définir plus clairement les rôles et les responsabilités respectives des producteurs, des importateurs, des distributeurs et de l'ACIA en vue de garantir la salubrité des aliments. Nous entérinons une approche axée sur les risques concernant les règlements et l'inspection, et nous sommes conscients qu'il s'agit de l'un des principes directeurs du projet de loi. Nous avons évidemment hâte de voir les projets de règlements qui en découleront et qui respecteront la reconnaissance fondée sur les résultats en ce qui concerne la fabrication, la préparation, le stockage, le conditionnement, et cetera.

Nos membres reconnaissent que la salubrité des aliments est principalement la responsabilité de l'industrie. Nous croyons que ce projet de loi modifiera la façon de penser des inspecteurs, qui se concentreront sur l'efficacité des mesures de contrôle de la partie réglementée en vue d'offrir des aliments salubres et conformes.

Nous sommes particulièrement heureux de l'ajout dans le projet de loi des dispositions sur l'altération, les menaces et la communication de renseignements trompeurs concernant les produits alimentaires. Notre industrie a été aux prises avec un certain nombre de menaces d'altération malveillantes au cours des dernières années. Cela concerne souvent, mais pas exclusivement, la vente au détail de dindons à l'approche de fêtes. Nous avons établi une excellente relation avec les agriculteurs, les vendeurs au détail, l'ACIA et la GRC, mais les mesures se sont avérées très coûteuses, notamment les polices d'assurance spécialisées, les récompenses et la destruction des produits dans certains cas. D'après notre expérience, nous n'avons jamais eu la preuve qu'un produit a été altéré, mais la menace ou la communication de renseignements trompeurs ont été un problème. Nous accueillons bien entendu chaleureusement la possibilité d'avoir des amendes plus élevées grâce à ce projet de loi.

Nous collaborons très étroitement avec les agriculteurs canadiens par l'entremise des Producteurs de poulet du Canada, des Éleveurs de dindon du Canada, des Producteurs d'œufs du Canada et des Producteurs d'œufs d'incubation du Canada en vue de nous assurer que les volailles et les œufs produits sont salubres et conformes aux règlements canadiens.

Nous sommes heureux de constater un renforcement des mesures de contrôle sur les aliments importés qui nous assurera que ces produits sont également salubres pour les consommateurs canadiens. Nous sommes aussi heureux de constater que le projet de loi permet à l'ACIA de reconnaître les normes et les certifications d'une tierce partie dans leurs programmes d'inspection et d'incorporer par renvoi des documents dans les règlements. Nous accueillons favorablement la réduction du fardeau réglementaire pour nos membres qui importent et qui fabriquent des produits à partir d'aliments d'origine nationale, tout en continuant de se conformer pleinement aux règlements en matière de salubrité des aliments.

Nous prenons note de l'interdiction d'expédier ou de transporter des produits alimentaires d'une province à une autre, sauf si c'est fait en conformité avec les règlements ou si c'est autorisé par un enregistrement ou une licence. Cependant, ces changements législatifs n'abordent toujours pas le problème potentiel d'un système d'inspection des viandes à deux vitesses au Canada. Il ne peut pas y avoir une norme inférieure en matière de salubrité des aliments ou de bien-être animal ou de santé animale entre les petits et les gros exploitants ou entre les établissements inspectés par des agents provinciaux et les établissements agréés par le gouvernement fédéral.

Des membres nous ont fait part de leurs inquiétudes concernant le libellé actuel du paragraphe 24(2)e) du projet de loi. Ce paragraphe semble permettre à tout inspecteur dans tout établissement d'utiliser tout ordinateur en tout temps pour avoir accès au contenu qui se trouve sur le disque dur de l'appareil ou sur le réseau informatique de l'entreprise. Même si nous comprenons et acceptons l'intention de leur garantir un accès aux données permettant de procéder à la vérification de la conformité, la présente disposition illimitée semble ratisser large. Cela va au-delà de ce qui est nécessaire ou justifié. Au minimum, un inspecteur devrait avoir des motifs raisonnables pour accéder à un ordinateur ou au réseau informatique de l'entreprise qui contiennent peut-être principalement des renseignements personnels et des données qui n'ont rien à voir avec la vérification de la conformité.

Nous sommes heureux de la création d'un mécanisme d'appel, particulièrement un mécanisme qui réduit les incohérences dans les décisions et les attentes des inspecteurs.

Enfin, le Conseil canadien des transformateurs d'œufs et de volailles souhaite collaborer avec les représentants du gouvernement à l'élaboration des règlements, des lignes directrices, des manuels de procédures et des politiques visant la mise en œuvre du projet de loi S-11.

Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de vous présenter les points de vue de l'industrie au sujet de cet important projet de loi.

Le sénateur Plett : Messieurs, merci de votre présence. Vous avez déjà répondu à bon nombre de questions. Je suis très heureux d'être le parrain du projet de loi, et je sais que vous l'appuyez, comme vous l'avez sous-entendu. Nous avons entendu le ministre dire que c'était la troisième mouture. Nous avons tous les deux mis la main à la pâte pour y arriver. J'espère que la troisième sera la bonne et que nous pourrons l'adopter.

J'aimerais aborder la question des importations et des exportations à laquelle vous avez fait allusion. Je sais que vos deux industries, soit les secteurs alimentaire et agroalimentaire, dépendent énormément des exportations. Notre gouvernement se concentre évidemment sur le libre-échange. Je crois que ce projet de loi accordera au ministre et à l'ACIA un certain pouvoir additionnel concernant les certificats.

J'aimerais que vous nous en parliez davantage. Certains nous ont dit que l'ACIA n'est pas autorisée à délivrer des certificats d'exportation. Nous avons aussi entendu dire que c'est un enjeu majeur pour l'accès au marché. Je sais que vos industries exportent certains produits alimentaires. Pour les autres exportateurs canadiens et les autres industries, les améliorations apportées relativement aux certificats d'exportation dans le projet de loi sont-elles importantes?

M. Laws : Dans le cas de l'industrie des viandes, c'est l'ACIA qui délivre et signe les certificats d'exportation. Certains secteurs qui sont couverts par le projet de loi tireront peut-être avantage des nouveaux pouvoirs à cet égard.

Cependant, nous espérons que l'ACIA s'affairera à la mise en œuvre des certificats d'exportation électroniques que nous attendons depuis très longtemps. Actuellement, il s'agit en fait d'un document papier dont les diverses copies doivent être rédigées et signées, et c'est tout un casse-tête. Si les documents étaient électroniques, ce serait plus rapide. Des pays comme la Nouvelle-Zélande ont déjà cette capacité, et je crois que c'est aussi le cas de l'Australie. C'est bien que le Canada s'engage dans cette direction, parce que c'est fondamental pour nous, tout comme la délivrance rapide des certificats d'exportation.

Nous avons demandé des changements qui s'alignent sur ce qui se fait ailleurs dans le monde, à savoir que les certificats d'exportation peuvent être signés par un simple représentant autorisé ou certifié du gouvernement. Au Canada, il faut actuellement qu'ils le soient par un vétérinaire. C'est un défi dans les établissements où nous transformons les viandes, mais où nous n'abattons pas d'animaux, parce qu'il n'y a pas de vétérinaire sur place. Il faut donc apporter le certificat à un autre bureau pour le faire signer par un vétérinaire. La majorité des autres pays permettent aux inspecteurs de les signer. Nous avons donc hâte que ce soit aussi possible ici.

M. Horel : Premièrement, la majorité de nos membres sont dans un secteur à offre réglementée. L'un des éléments qui relient nos membres qui produisent des poulets, des dindons, des œufs d'incubation et des œufs, c'est qu'ils achètent leur principale matière première d'agriculteurs canadiens dans des secteurs à offre réglementée. Cela limite nos exportations, mais cela ne veut pas dire pour autant que ce n'est pas important.

Nous exportons plus que par le passé. Nous exportons davantage de produits de grande valeur qu'auparavant. Au sein de mon groupe, j'ai un certain nombre d'exploitants de couvoirs qui sont principalement des éleveurs, ce qui signifie que les exportations les intéressent grandement. C'est également important pour nos membres.

Je suis d'accord avec les propos de M. Laws. Nous avons hâte à l'arrivée des certificats électroniques, et nos membres profiteront également de tout moyen visant à simplifier les exportations.

Le sénateur Plett : Avant que mon collègue de l'opposition pose la question, nous savons que cela n'influera pas sur la gestion de l'offre. Ce n'est pas ce dont il est question. Il faut que ce soit clair.

En ce qui concerne les importations, dans le cas du bœuf et du porc, le marché est grand ouvert. Dans le cas de la volaille, le régime tarifaire permet encore l'entrée de certains produits, comme la volaille de réforme. Nos collègues de l'autre chambre ont fait une recommandation à l'égard de l'éclosion de listériose; elle avait pour but d'éliminer le dédouanement pour les produits de viande qui entrent au Canada en provenance des États-Unis. Lorsqu'il est question d'exportations, nous voulons bien entendu que ce soit gratuit dans la mesure du possible. Lorsque nous parlons d'importations, nous voulons nous assurer que la santé de nos citoyens ne sera pas compromise. Pourriez-vous nous en expliquer l'impact? Il s'agit d'une recommandation qui a été faite et qui a été mise en œuvre par notre gouvernement. Pourriez-vous nous expliquer l'effet que ce changement a eu sur votre industrie?

M. Laws : Il y a eu l'élimination de la notification concernant ceux qui referont l'objet d'une inspection à la frontière.

Le sénateur Plett : Que voulez-vous dire?

M. Laws : Le Canada et les États-Unis refont l'inspection d'environ 10 p. 100 des envois de viande qui traversent la frontière. Pour ce qui est de la viande américaine qui entre au Canada, les gens savaient un ou deux jours à l'avance si l'envoi devait refaire l'objet d'une inspection, mais les Américains ne le font pas, et avec raison. Nous ne devrions pas le faire. L'ACIA a éliminé cette notification.

Cela étant dit, selon le Conseil de coopération en matière de réglementation et l'initiative Par-delà la frontière, lorsqu'un camion arrive à la frontière, on ouvre la remorque, et on voit de la viande dans des boîtes. Nous gaspillons du temps et de la main-d'œuvre. Nous sommes d'avis qu'il n'est pas nécessaire d'inspecter de nouveau un produit qui l'a déjà été par l'ACIA dans un établissement, où ils se trouvent en permanence, et qui est placé à bord d'un camion scellé à l'usine qui se rend aux États-Unis.

Le sénateur Plett : Si le sceau n'est pas brisé, la cargaison est considérée comme vérifiée.

M. Laws : Exactement. Nous nous entendons pour dire que tous les camions devraient être inspectés pour la contrebande. Par contre, pourquoi est-ce seulement la viande qui refait ainsi l'objet d'une inspection à la frontière? Cela n'a aucun sens. Les Américains refont l'inspection de chaque envoi canadien qui franchit leur frontière. Ils ouvrent l'arrière de la remorque, et l'industrie canadienne écope d'une facture de 100 $ seulement pour accomplir cette tâche. Si la cargaison est soumise à un nouvel échantillonnage, cela peut coûter quelque 400 $ à l'entreprise canadienne, tandis que les envois de viande en provenance des États-Unis peuvent se rendre directement à un établissement agréé pour refaire un échantillonnage. Il y a toute une différence. Nous y travaillons d'arrache-pied, et nous espérons que cela se concrétisera également.

M. Horel : J'ajouterai deux choses. Premièrement, au sujet des importations dans nos secteurs de la volaille, à cause ou en dépit de la gestion des approvisionnements, nous sommes actuellement des importateurs nets de produits de volaille, quelle que soit la volaille. Mis à part la volaille qui, comme le sénateur Plett a dit, est importée et exportée librement, il est incontestable que nous sommes des importateurs nets de poulets, d'œufs et d'œufs d'incubation. Les importations sont très importantes pour nous et il est essentiel que les produits satisfassent aux mêmes normes que celles qui s'appliquent aux produits canadiens qui représentent 90 p. 100 de notre marché.

Pour ajouter à ce qu'a dit M. Laws, il paraît évident qu'en 2012 les ressources sont beaucoup mieux utilisées pour veiller à ce que nous sachions bien quel système est en usage dans l'établissement de traitement des viandes ou dans le pays producteur et quels produits vont être livrés plutôt que d'ouvrir les camions pour voir à l'intérieur ce à quoi ressemble la marchandise, ce qui ne sert pas à grand-chose.

Le sénateur Peterson : Merci messieurs d'être venus. Nous approuvons l'objectif général du projet de loi, cependant, comme dans tous les nouveaux projets de loi, c'est toujours dans les menus détails que surgissent les difficultés.

Dans une lettre publiée en ligne et dont vous êtes tous deux les auteurs, vous soulignez en faisant référence au budget de 2012 que :

Bien que les transformateurs canadiens doivent attendre des mois durant l'approbation des matériaux d'emballage des viandes et des poissons, de nouveaux matériaux novateurs... peuvent être utilisés entre-temps pour l'emballage de produits importés de pays tels que les États-Unis ou les pays européens.

Pouvez-vous nous dire ce que vous entendez par « matériaux novateurs » et, selon vous, est-ce que cela place les transformateurs canadiens en position désavantageuse?

M. Laws : Je vous le dirai avec plaisir. Par exemple, il y a deux ans, un de nos membres, un fabricant de viande en conserve voulait utiliser une boîte de conserve fabriquée au Danemark. Cette boîte de conserve était plus légère, avait un couvercle qui s'ouvrait rapidement et elle coûtait beaucoup moins que la boîte qu'il utilisait. Il a dû, toutefois, l'enregistrer en vertu de la présente réglementation de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Elle devait être enregistrée en vertu de la Loi sur l'inspection des viandes. Cela a duré des mois et des mois. Entre-temps, de la viande des États-Unis était commercialisée à travers le Canada, ici même à Ottawa, dans tous les magasins de détail, dans cette nouvelle boîte danoise que nous n'avions pas le droit d'utiliser.

Nous disons que cette situation est tout à fait illogique et je pense que n'importe qui en conviendra en moins de 10 secondes. Nous faisons valoir que les produits importés ne devraient pas être exemptés de cette exigence, mais l'agence fait valoir le contraire. Nous ne sommes pas allés plus loin, mais on nous a promis que cette question sera examinée.

Environ deux années se sont écoulées. Et maintenant, dans la partie I de la Gazette du Canada du 7 avril, « Règlement de 1990 sur l'inspection des viandes », il est publié qu'ils modifieront la disposition en question, soit l'article 92 du Règlement sur l'inspection des viandes afin d'abroger cette exigence.

Ce n'était pas seulement injuste parce que nous faisons la concurrence aux importateurs, mais aussi parce que l'approbation préalable pour l'emballage d'autres produits canadiens, notamment les produits laitiers et les produits de boulangerie n'était pas requise. C'est un exemple de plus qui montre le traitement très différent dont fait l'objet le secteur de la viande. En 2012, comme l'a dit M. Horel, un tel traitement est tout à fait illogique surtout que le produit se trouvait déjà dans les étagères. Nous sommes dépassés par la concurrence car les gens préfèrent la boîte qui s'ouvre rapidement à celle qu'il faut tourner pour enlever le couvercle qui se casse et on ne peut pas ouvrir la boîte.

Le sénateur Peterson : Je crois comprendre que les entreprises américaines font actuellement tout leur emballage, elles le fabriquent au Canada afin de répondre aux exigences en vigueur. En vertu du nouveau projet de loi, elles n'auront plus à le faire. Elles retourneront aux États-Unis, le fabriqueront là-bas, et l'exporteront au Canada à un coût bien plus inférieur. Le saviez-vous?

M. Horel : En tout cas pour ce qui est du secteur de la volaille, je ne suis pas au courant d'une telle situation. Bien évidemment, des multinationales sont actives des deux côtés de la frontière, mais je n'ai pas entendu parler de sociétés américaines qui ont des usines de production de volaille au Canada.

Le sénateur Peterson : Le gouvernement dit qu'il va aussi abroger les règlements sur les normes relatives aux contenants afin de donner au secteur la possibilité de tirer avantage des nouveaux formats et technologies d'emballage et, en même temps, d'éliminer les barrières inutiles à l'importation de nouveaux produits provenant des marchés internationaux. Qu'est-ce que tout cela signifie?

M. Laws : Ça se rapporte aux normes relatives aux dimensions des contenants. Dans l'une des annexes à la fin du Règlement sur l'inspection des viandes, il y a une liste des poids autorisés et obligatoires pour la vente de quelques produits de viande, notamment le bacon. Ça ne se rapporte qu'à cela. Cependant, tout produit importé doit quand même satisfaire à toutes les autres exigences, par exemple l'étiquetage bilingue, le tableau de la valeur nutritive, et cetera.

Ça se rapporte simplement aux dimensions. Cela ne veut pas dire que des entreprises canadiennes n'auront pas à changer les dimensions de leurs emballages. Elles peuvent continuer à respecter les normes canadiennes relatives aux dimensions.

La seule chose qui préoccupe un certain nombre de nos membres, probablement à juste titre, c'est le fait que nous n'avons pas été suffisamment avertis à l'avance de la date de présentation du projet de loi. Je suppose que c'est annoncé dans la loi budgétaire.

[Français]

Le sénateur Nolin : Monsieur Laws, j'allais vous poser une question spécifique sur cette ligne de l'annexe du plan budgétaire. Votre réponse me rend encore plus confus. Vous n'avez aucune objection à ce que vos entreprises, les membres de votre organisation, puissent continuer à produire dans un format dans lequel ils produisent déjà et que la compétition internationale soit dans d'autres formats. N'avez-vous aucune objection à cela?

M. Laws : Non, ce n'est pas cela. Ils vont enlever les demandes voulant qu'on produise seulement un produit spécifique dans une telle quantité. Tous les transformateurs canadiens et internationaux peuvent utiliser n'importe quelle grandeur qu'ils veulent.

Le sénateur Nolin : Prenons une boîte de conserve dans laquelle il y a de la viande. Quel est le format de cette boîte de conserve au Canada? Je présume qu'elle est en millilitre plutôt qu'en onces.

M. Laws : Oui et cela ne sera pas enlevé. Il y aura encore la nécessité au Canada de mettre les quantités. Par exemple, toutes les autres lois doivent être suivies.

Le sénateur Nolin : Qu'est-ce qui vous fait dire cela en lisant le texte? Comment pouvez-vous en arriver à cette conclusion? N'oubliez pas qu'on dit bien : « tout en éliminant un obstacle inutile à l'importation de nouveaux produits en provenance de l'étranger. » Cela ne vous préoccupe-t-il pas?

M. Laws : On a posé la question à l'agence.

Le sénateur Nolin : Que vous ont-ils répondu? Écrivez-nous?

M. Laws : Ils nous ont dit que seule cette section sera retirée. Les grandeurs standards, c'est tout. Pas les autres nécessités d'étiquetage bilingues, et cetera.

Le sénateur Nolin : Vous dites qu'il va y avoir des produits de viande — on questionnera d'autres témoins sur d'autres types de produits alimentaires transformés au Canada — qui seront dans des formats en millilitres et qui seront offerts aux consommateurs, par exemple, dans des formats de 280 quelque millilitres, et des boîtes en provenance des États-Unis, le plus gros importateur au Canada, qui, elles, seront en onces pour le même produit?

M. Laws : On croit que ça ne sera par le cas. Pour la viande, puisque c'est un solide, ce sera en grammes parce que ce n'est pas vraiment un liquide. En même temps, on n'a pas encore vu les changements réglementés proposés.

Le sénateur Nolin : Avez-vous demandé à être consulté avant que le règlement soit en vigueur?

M. Laws : Oui, on a fait parvenir une lettre au gouvernement récemment indiquant que l'on veut que ces changements se fassent le plus tard possible pour donner la chance à l'industrie de s'adapter aux changements.

Le sénateur Nolin : C'est tout ce que vous leur avez demandé? Vous n'avez pas demandé d'étude d'impact?

M. Laws : On a inclus dans la lettre que nous comprenons que tous les autres règlements en place resteront les mêmes, comme la nécessité d'un étiquetage bilingue et toutes les autres exigences de l'étiquetage canadien.

Le sénateur Nolin : Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aurais une dernière question toujours dans la même ligne de pensée.

Le président : Toujours dans la même ligne de pensée que les questions posées par le sénateur Peterson.

Le sénateur Nolin : Lorsque vous avez écrit à l'agence, vous n'avez pas cru important qu'ils soient convaincus des conséquences économiques pour votre industrie? Vous leur avez dit que vous leur faisiez confiance sans que personne à l'agence ne se préoccupe des conséquences économiques pour vous. S'il n'y a pas de conséquences, tant mieux, mais s'il y en a, qui leur dira avant que le règlement soit mis en vigueur?

M. Laws : On veut aussi voir ce qu'ils vont écrire dans Gazette du Canada, Partie 1, parce qu'il y a une exigence d'expliquer ce qu'ils font, pourquoi ils le font et quel est l'effet économique. Ils doivent l'expliquer. Alors, il y aura une autre occasion pour faire des commentaires dans ce processus.

Le sénateur Robichaud : J'aurais également une question supplémentaire, monsieur le président.

[Traduction]

Le président : Sénateur Peterson, le sénateur Robichaud a une question supplémentaire.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Monsieur Laws, dans votre présentation, vous nous dites :

On espère que l'incorporation par envoi sera appuyée par un processus de consultation [...] du document de même que pour ses modifications futures puisque la section 55 du projet de loi décrit : « Il est entendu que les documents qui sont incorporés par renvoi dans les règlements pris en vertu du paragraphe 51(1) n'ont pas à être transmis pour enregistrement ni à être publiés dans La Gazette du Canada du seul fait de leur incorporation ».

Est-ce que ce n'est pas un peu contradictoire avec ce que vous venez de dire au sénateur Nolin?

M. Laws : Non, parce que, en effet, les changements que le sénateur mentionne sont maintenant dans un règlement. Ce n'est pas dans un document qui est actuellement incorporé par envoi. Puisque c'est un règlement, effectivement, il faut que cela passe par le processus de La Gazette. Dans le cas présent, on va avoir plus d'information.

Le sénateur Nolin : Il va être tard.

Le sénateur Robichaud : Vous soulignez qu'il peut y avoir un danger, que cela peut être un cercle vicieux, n'est-ce pas?

M. Laws : C'est ça.

[Traduction]

Le sénateur Peterson : Comme vous pouvez voir, c'est là dans les menus que surgissent les difficultés. Je suis sûr que vous conviendrez tous les deux qu'il est bon de tenir des consultations avec le secteur surtout lorsqu'il s'agit de définir des politiques d'intérêt public. Pouvez-vous me décrire le processus de consultation? Avez-vous été consultés? Avez-vous eu des discussions avec le gouvernement au sujet du projet de loi proposé? Savez-vous si une analyse de l'incidence économique est faite par rapport à cette question? Qu'en est-il de tout cela?

M. Laws : Parlez-vous plus précisément de l'abrogation des normes relatives aux dimensions des contenants?

Le sénateur Peterson : Je parle du rôle joué par le secteur, avec le gouvernement, sur le plan de ce nouveau projet de loi. Avez-vous eu des consultations avec le gouvernement? Le gouvernement vous a-t-il contactés pour vous demander votre avis à ce sujet?

M. Laws : Au sujet du projet de loi S-11?

Le sénateur Peterson : Oui.

M. Laws : Oui, et je suis sûr que mon collègue M. Horel a aussi quelque chose à dire. Nous avons été consultés, avant la présentation du projet de loi, de façon générale. Nous n'en avions pas les détails, mais, oui, nous savions que le gouvernement envisageait depuis plusieurs années de réunir tous les régimes d'inspection dans une même loi. L'agence n'existe pas depuis très longtemps, mais ils savent que tout ce qui a trait à l'alimentation devrait vraiment être renfermé dans une seule loi.

M. Horel : Nos deux organisations et un certain nombre d'autres associations de l'industrie alimentaire au Canada sont membres d'une coalition appelée Coalition canadienne filière alimentaire pour la salubrité des aliments.

La coalition a certainement reçu, comme M. Laws a dit, des renseignements d'ordre général parce que, évidemment, nous ne pouvions pas examiner les détails. En gros, le projet de loi S-11 ne nous a pas surpris.

Le sénateur Peterson : Avez-vous l'intention de jouer un rôle tout au long de l'évolution de ce projet?

M. Horel : Absolument. Comme nous l'avons indiqué tous les deux dans nos déclarations préliminaires, nous approuvons l'objectif général du projet de loi, mais je suis d'accord avec vous, monsieur le sénateur Peterson, incontestablement, c'est dans les menus détails que surviennent les difficultés. Il faut vraiment que l'on nous consulte au sujet du règlement et de toutes les dispositions habilitantes qui en découleront.

Le sénateur Peterson : Au sujet de la salubrité, qui est très importante pour tout le monde, particulièrement pour votre agence, l'ACIA, le budget est réduit de 10 p. 100. Pensez-vous que cette réduction aura une incidence sur les inspecteurs de première ligne?

M. Horel : Pas plus de deux semaines après l'annonce du budget, le président de l'ACIA nous a accordé une audience que j'ai trouvée très intéressante. Cette discussion avec lui et ses principaux collaborateurs ne portait que sur une seule question : l'incidence du budget sur l'ACIA? Il a parlé de ce que le projet de loi signifiera pour notre secteur, mais notre question était exactement identique à celle que vous avez posée et il a répondu qu'il n'y aurait pas de changement au niveau de l'inspection de première ligne.

Le sénateur Eaton : Est-ce que les épidémies de listériose et de la maladie de la vache folle ont terni notre réputation à l'échelon international en matière de salubrité alimentaire?

M. Laws : Absolument. Par exemple, pour ce qui est du bœuf, neuf ans plus tard nous nous efforçons encore de retrouver toute la place que nous occupions dans tous les marchés. Nous n'y sommes pas encore arrivés au Japon et nous essayons de pénétrer de nouveau le marché coréen.

Le sénateur Eaton : Vous avez ouvert la voie à ma prochaine question. Dans le contexte des négociations que nous allons entreprendre sur des accords de libre-échange avec le Japon, la Corée et l'UE, est-ce que ces pays ont les mêmes normes élevées de salubrité que nous vous demandons de respecter, que les Canadiens vous demandent de respecter?

M. Laws : Beaucoup de pays de ces régions ont absolument les mêmes normes, mais l'ACIA ne négocie pas de protocoles avec chaque pays individuel, particulièrement en ce qui concerne la santé animale et le mouvement des plantes et des animaux. C'est très important dans la lutte contre les maladies. Sur le plan alimentaire, oui, des auditeurs se rendent dans d'autres pays.

Le sénateur Eaton : Allez-vous participer aux négociations? Serez-vous consultés?

M. Laws : Nous l'avons souvent été, mais nous ne sommes pas présents dans la salle où se déroulent les négociations. Le gouvernement réussit très bien dans ses efforts de consultations avec nous.

Le sénateur Eaton : Très bien.

Pour terminer, vous avez soulevé un point, monsieur Laws, qui est l'un de mes intérêts. Vous savez que nous avons, au moyen d'un projet de loi d'initiative parlementaire, supprimé les barrières au commerce interprovincial du vin. Quand vous parlez de l'inspection des viandes, y a-t-il un aspect politique relativement aux barrières au commerce interprovincial? Y a-t-il un manque de ressources? Quels sont les plus grands obstacles auxquels vous vous heurtez?

M. Laws : Encore une fois, c'est dans la Loi sur l'inspection des viandes que le contexte est législatif.

Le sénateur Eaton : Donc, il y a un aspect politique?

M. Laws : Oui, mais si vous visitiez une usine de transformation des viandes inspectée par les services fédéraux puis des usines inspectées par les services provinciaux, vous constaterez qu'il y a une énorme différence. Il y a une grande différence au niveau de l'inspection et de la complexité de certaines usines inspectées par les services provinciaux. Nous pensons que la solution visant à éliminer cet obstacle est très simple : s'assurer que chaque producteur de viande au Canada soit enregistré en vertu de cette nouvelle loi et inspecté par l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

Le sénateur Eaton : Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Pour faire suite à la question du sénateur Eaton, lorsque vous parlez d'avoir un seul système, vous dites qu'il y a bien des différences entre le système provincial et le système fédéral. Est-ce qu'il serait très coûteux pour les usines des provinces de s'adapter au système national?

M. Laws : En effet, l'Agence canadienne a un projet avec à peu près 17 différents établissements provinciaux à travers le Canada, qui veulent être inspectés au fédéral. Ils ont évalué, et cela se trouve sur le site Web de l'agence, le coût moyen pour chacun de ces établissements. Oui, cela va coûter, mais en même temps, ceux qui fonctionnent dans le système maintenant ont déjà investi beaucoup d'argent pour y être et, franchement, on ne peut pas vraiment mettre en balance le coût et la santé des Canadiens.

Le sénateur Robichaud : Je suis entièrement d'accord avec vous, mais s'il existe deux systèmes, c'est probablement qu'il y a des raisons, quelque part, qui empêchent qu'on ait juste un système.

Ma question a trait à l'article 51(1) qui dit :

RÈGLEMENTS :

51. (1) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, prendre des mesures pour l'application de la présente loi et, notamment :

[...]

w) exempter de l'application de la présente loi ou des règlements ou de telle de leurs dispositions, avec ou sans conditions, toute chose visée par la présente loi ou toute personne ou activité relativement à des produits alimentaires, ou permettre au ministre de le faire;

Qu'est-ce que ça veut dire? On donne tous les pouvoirs au ministre, sans limite et sans aucune contrainte, et ceci parce que la loi le permet? Pourquoi a-t-on besoin de cela?

[Traduction]

M. Horel : Franchement, je l'ignore. C'est quelque chose que je devrais revoir plus en détail et je vous remercie de l'avoir signalé.

[Français]

M. Laws : Je vais répondre de la même façon que mon collègue; je devrai réviser les informations afin de bien répondre à votre question concernant cette section. Il semble que ça leur donne l'autorité pour le faire dans la réglementation, mais il serait très intéressant d'en connaître les détails pour comprendre l'intention dans cette section.

Le sénateur Robichaud : Je me demande pourquoi nous aurions besoin de cela. Cela se fait sans consultation. C'est seulement la volonté du ministre qui peut être exercée par cet article, n'est-ce pas? Si vous pouviez analyser les informations et nous faire savoir si nous en avons besoin, ce serait apprécié. Parce que si ça pouvait être une source d'inquiétudes, nous pourrions demander son élimination complète.

Le sénateur Nolin : J'aimerais que ce soit clair. Le témoin dit « oui »? Vous allez écrire au comité avant que l'on ait terminé l'examen du projet de loi?

M. Laws : Oui.

Le sénateur Nolin : Parfait.

Le président : Vous pourrez faire parvenir votre lettre au greffier et nous en ferons ensuite part aux personnes concernées au ministère.

M. Laws : D'accord.

Le sénateur Rivard : Monsieur Laws, dans votre mémoire, vous mentionnez que vous ne comprenez pas pourquoi l'amende maximale était de 250 000 dollars antérieurement, alors qu'elle passe maintenant à cinq millions de dollars. Dans l'histoire récente des dix dernières années, l'amende la plus importante a été de l'ordre de 100 000 dollars. Croyez-vous que cette augmentation du montant de l'amende maximale aura un impact assez dissuasif pour que toutes les compagnies, que ce soit les détaillants ou les producteurs, portent une plus grande attention à la qualité des produits?

M. Laws : Même si la Loi sur l'inspection des viandes est éliminée, cette loi qui la remplace est très importante. Les amendes sont très élevées. Je comprends que c'est pour ceux qui font quelque chose de mal clairement par exprès et ce sera effectivement une loi qui empêchera les gens de enser à faire quelque chose exprès, c'est-à-dire quelque chose qui pourrait mettre en péril la santé des Canadiens.

On ne dit pas que nous sommes contre ces amendes élevées, mais nous voulons que les gens sachent qu'il s'agit d'une très grosse augmentation et que ça doit être pris très au sérieux.

Le sénateur Rivard : Je me place du côté du consommateur. On entend souvent dire dans les médias que tel fabricant, tel producteur ou tel détaillant vient de décider de retirer tel produit des étagères, ou bien que le fabricant rappelle ses produits ou les détruit à l'usine.

Généralement, est-ce que cela se fait après une inspection par un tiers, donc par un inspecteur du gouvernement? Ou bien est-ce plus souvent le producteur lui-même, constatant la piètre qualité ou le danger pour la santé des consommateurs, qui désire lui-même retirer le produit? Avez-vous des statistiques? Sans donner des détails sur les chiffres, est-ce que c'est plus souvent suite à une inspection ou bien est-ce volontaire?

M. Laws : Je n'ai pas les détails avec moi, mais il est vrai que c'est l'industrie elle-même qui le retire volontairement, mais tout en communiquant avec l'Agence d'inspection des aliments. Ce que l'agence fait est très bien; lorsqu'ils annoncent un rappel, ils le disent clairement que c'est un rappel volontaire et les photos du produit sont visibles sur leur site Internet. Cela aide le consommateur à reconnaître le produit, à savoir s'il l'a dans son congélateur ou dans son réfrigérateur.

Le sénateur Rivard : Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président : Le sénateur Merchant avait une question supplémentaire.

Le sénateur Merchant : Vous avez parlé des amendes et déclaré que les gens sauront qu'ils ne doivent pas altérer les produits. Que voulez-vous dire exactement par les « gens »? S'agit-il de sociétés, de personnes, de particuliers? J'imagine qu'une société qui doit payer une amende de 1 million de dollars a une assurance. Même si son image de marque est peut-être ternie, elle a encore les moyens de faire face à la situation. Quand vous dites les « gens », voulez-vous dire que les mêmes amendes seront imposées aux particuliers?

M. Laws : Je veux vraiment dire qu'il est important que tous les Canadiens qui suivent l'évolution de ce projet de loi au Parlement en mesurent l'importance et le fait qu'il prévoit de graves conséquences, une amende de 5 millions de dollars. Je ne sais pas combien sont assurés pour tous les risques, mais nous prenons cela très au sérieux.

Le sénateur Merchant : Est-ce que les sociétés et les particuliers seront logés à la même enseigne? Est-ce que les mêmes amendes leur seront imposées?

M. Laws : Il faudra que je lise cela plus en détail. Il est question d'un emprisonnement maximal de deux ans. Donc, une personne en particulier sera identifiée et subira les conséquences de ses actes, tout à fait.

M. Horel : J'ajouterai seulement qu'il y a deux parties différentes dans le projet de loi; la partie mentionnée par M. Laws était différente de la partie précédente à laquelle j'ai fait référence au sujet de l'altération. Quand il s'agit d'altération, nous appuyons fermement l'augmentation des amendes et le renforcement de toutes ces dispositions. L'altération est un problème différent. Le résultat peut être le même, mais le problème est différent. Plus l'amende imposée pour des raisons d'altération est élevée, mieux c'est.

Le sénateur Mahovlich : Nous exportons nos produits de viande dans environ 120 pays. Répondons-nous à la demande de chaque pays? Par exemple, Israël veut probablement de la viande casher. Devrions-nous répondre à la demande particulière de chaque pays ou leur dire simplement que c'est ce que nous avons et c'est ce qu'ils recevront?

M. Laws : C'est ce que nous faisons, mais certains pays diront qu'ils prendront exactement...

Le sénateur Mahovlich : Ils sont difficiles.

M. Laws : Oui, ils sont difficiles.

Le sénateur Mahovlich : Certains aiment la viande de bœuf maturée et nous leur offrons cette viande.

M. Laws : Oui. Comme les clients ici au Canada, ils ont des exigences et des produits qu'ils veulent acheter, c'est comme ça. En même temps, si certains pays ont des exigences qui ne nous paraissent pas équitables, alors dans certains cas, nous leur avons dit que leurs exigences freinaient le commerce et du fait qu'ils n'ont pas donné une très bonne raison, nous jugeons que ces exigences ne sont pas équitables. L'Organisation mondiale du commerce nous a fourni un forum pour justement remettre en question ce type d'exigences.

M. Horel : La situation est similaire pour les produits avicoles que nous exportons. Ce sont, comme M. Laws a dit, des clients et peu importe que mes clients habitent Saskatoon ou en Afrique du Sud.

Le sénateur Mahovlich : Ou en Chine.

M. Horel : Ou en Chine. Nous pouvons exporter dans certains pays et pas dans d'autres. Mais là il s'agit d'autre chose. Mis à part cela, je veux que mon client soit satisfait et je ferai ce que je peux pour le satisfaire en supposant qu'il y ait un profit et une bonne relation d'affaires.

M. Laws : J'aimerais ajouter que certaines parties de l'animal se vendent beaucoup plus cher dans d'autres pays qu'au Canada. Cela nous aide à obtenir le meilleur prix possible et à pouvoir ensuite offrir de meilleurs prix aux agriculteurs pour leurs animaux. C'est vraiment très utile d'avoir accès aux marchés étrangers, si l'on pense qu'au Canada, bien des parties seraient envoyées à la fonte et serviraient d'aliments pour animaux.

Le président : Je regarde le temps dont nous disposons, et trois autres sénateurs poseront des questions, à commencer par le sénateur Buth. Je vous demanderais d'être bref. Si vous voulez répondre à la question par écrit après d'autres discussions, je vous demanderais de le faire par l'intermédiaire de notre greffier.

Le sénateur Buth : Pouvez-vous vous prononcer sur le concept de la traçabilité dans votre industrie et sur la question de savoir si ce projet de loi influera sur les exigences en matière de traçabilité?

M. Laws : En fait, le projet de loi permet au gouvernement de fixer des règles de traçabilité des animaux et des aliments. Oui, il aura des répercussions. Nous convenons que pour un traçage adéquat, un très bon traçage des animaux vivants doit être fait jusqu'à la ferme, par exemple.

C'est un peu plus compliqué si nous allons trop loin et exigeons ou rendons obligatoire la traçabilité d'un produit particulier jusqu'à la vente au détail. Cela pourrait coûter sensiblement plus cher si le reste du monde ne le faisait pas déjà, mais nous sommes capables de très bien faire le traçage. Nous savons quelle viande a été envoyée à quels magasins et nous pouvons rappeler des produits très rapidement. Cependant, si les exigences étaient rigoureuses qu'il nous fallait associer un produit particulier à une ferme en particulier, nous pourrions le faire si nous y étions contraints, mais cela coûterait assez cher.

Le sénateur Buth : Vous attendez-vous à tenir des consultations concernant la réglementation sur la traçabilité le moment venu?

M. Laws : Oui, tout à fait.

Le sénateur Mercer : Je veux parler de la question de la traçabilité que mon collègue a soulevée. Je siège à ce comité depuis neuf ans, alors j'étais ici pendant la crise de l'ESB. Je suppose que, maintenant, le traçage est seulement fait de la naissance de l'animal à son abattage à cause des complications dans votre industrie, en particulier avec le transport répété des bovins de part et d'autre de la frontière avant l'abattage final et la transformation. Ai-je raison de présumer cela, et les Canadiens comprennent donc que nous faisons la traçabilité jusqu'à ce point? Ai-je raison de penser que, une fois que la transformation commence, il est difficile de dire de quel animal provenait le steak que j'ai acheté à l'épicerie du coin hier soir, mais que jusqu'à l'abattage, nous avons beaucoup d'informations concernant cet animal?

M. Laws : Oui, vous avez raison.

Le sénateur Nolin : Je demanderais au témoin de répondre à la question par écrit, car la réponse pourrait être très longue.

Monsieur Horel, vous avez soulevé la question des pouvoirs des inspecteurs. Ce n'est pas la première fois qu'un comité sénatorial étudie un projet de loi qui confère de vastes pouvoirs aux inspecteurs. Si tel est le cas, c'est qu'au bout du compte, nous devons nous préoccuper de la sécurité des consommateurs.

J'aimerais que vous souleviez vos éventuelles objections par écrit. Si elles sont influencées par les avocats, n'hésitez pas à nous faire connaître les opinions qu'ils ont formulées parce que rien ne sert d'adopter une loi qui sera remise en question et ensuite invalidée parce qu'elle est trop étendue. Nous nous préoccupons peut-être de la même chose, et peut-être que nous avons eu tort d'adopter d'autres lois, mais peut-être que vos avocats ont trouvé quelque chose qui nous a échappé. S'il vous plaît, écrivez-nous, et nous étudierons la question.

M. Horel : Je vous écrirai certainement. Je dirai brièvement que l'objectif ne nous pose pas problème. Ce qui se passe ne nous pose pas problème. Comme l'a dit l'autre sénateur, c'est dans les détails qu'on trouve des problèmes.

Le sénateur Plett : Je demanderais que lorsqu'ils répondent à la question du sénateur Robichaud concernant l'article 51, les témoins nous laissent savoir s'il s'agit d'un pouvoir normal qui est déjà prévu par la loi en vigueur. Je crois que c'est le cas et j'aimerais qu'on me le confirme.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Le fait qu'elle est dans la présente loi et qu'elle est reportée ne veut pas dire qu'il faut que ce soit là. J'aimerais que vous commentiez là-dessus.

Le président : Veuillez nous faire parvenir vos commentaires par l'intermédiaire du greffier, s'il vous plaît. Merci beaucoup.

[Traduction]

Au nom du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, je tiens à remercier M. Laws et M. Horel d'avoir fait partie de notre premier groupe de témoins.

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts souhaite la bienvenue au deuxième groupe de témoins de la matinée : M. Gordon Harrison, président de la Canadian National Millers Association, et M. Rory McAlpine, vice-président des relations gouvernementales et industrielles chez Maple Leaf Foods.

Merci d'avoir accepté de nous faire part de vos commentaires et de votre vision concernant le projet de loi S-11, Loi sur la salubrité des aliments au Canada.

[Français]

Rory McAlpine, vice-président, Relations gouvernementales et industrielles, Maple Leaf Foods : Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie pour votre invitation. C'est un privilège de vous faire part de mes commentaires sur le projet de loi S-11.

[Traduction]

Pendant plus de 25 ans, les organismes du secteur agroalimentaire, les associations de consommateurs et les groupes de santé au Canada ont collaboré avec Santé Canada et l'Agence canadienne d'inspection des aliments en vue de moderniser la Loi sur les aliments et drogues, son règlement d'application et diverses lois se rapportant aux aliments sous l'autorité de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, mais ce processus a été boiteux. La plupart des intervenants ont été frustrés par des tentatives ratées de modifier la loi qui auraient permis de mettre à jour les exigences relatives à tous les aspects des normes de composition et d'alimentation, de la salubrité des aliments, de l'inspection des aliments, des étiquettes destinées aux consommateurs et des exigences en matière de commerce international.

Après la tragédie de la listériose en 2008, notre entreprise connaît mieux que la plupart des autres l'importance d'un partenariat industrie-gouvernement pour améliorer continuellement la salubrité des aliments et le rôle que des lois et règlements efficaces jouent à cet égard.

Le 3 mai, le gouvernement a déposé le projet de loi C-38 dans lequel il modifie la Loi sur les aliments et drogues, et nous avons maintenant le projet de loi S-11, la Loi sur la salubrité des aliments au Canada, qui apporte des modifications importantes à la loi sous la responsabilité de l'ACIA. Ensemble, ces modifications législatives apaiseront bon nombre de nos préoccupations, car elles jettent les bases d'un système canadien de réglementation alimentaire et d'application qui soit plus fort, adaptable et fondé sur les risques.

Quel effet auront ces modifications législatives? Si vous me le permettez, j'aimerais parler brièvement du contenu du projet de loi C-38 avant de me prononcer sur le projet de loi S-11.

Les modifications proposées à la Loi sur les aliments et drogues dans le projet de loi C-38 donnent au ministre de la Santé de nouveaux pouvoirs et les outils administratifs pour faire en sorte qu'il soit moins nécessaire d'apporter de nombreuses modifications réglementaires officielles de façon à obtenir plus rapidement les aliments, les ingrédients, les additifs, les technologies de transformation et les méthodes de dépistage qui répondent aux exigences rigoureuses du Canada en ce qui touche l'évaluation scientifique préalable à la mise en marché pour assurer la sécurité et l'efficacité. Un point particulièrement important sera l'approbation rapide des ingrédients et des additifs qui rehaussent la salubrité des aliments et les allégations scientifiques relatives à la nutrition, afin d'aider les Canadiens à faire des choix santé. L'innovation alimentaire au Canada s'accélérera et profitera tant aux consommateurs qu'à l'industrie.

Il est particulièrement important de noter que les modifications à Loi sur les aliments et drogues donneront au ministre de nouveaux outils, soit des autorisations de mise en marché et des incorporations par renvoi. Dans le cadre du système actuel, que Santé Canada évalue ou non une allégation relative à la santé, un ingrédient ou un additif, ils sont tous sujets à une évaluation préalable à la mise en marché pour confirmer leur salubrité et leur efficacité, mais l'approbation finale est donnée à l'issue d'un autre processus réglementaire de 18 à 36 mois par le truchement de la Gazette du Canada. Si l'on se fie à notre expérience, certaines approbations, dont celles qui rehausseraient la salubrité des aliments, ont été retardées pendant plusieurs années alors qu'elles étaient accordées dans d'autres pays, comme les États-Unis. Cela peut maintenant être évité grâce aux nouveaux outils.

Le projet de loi S-11 remplacera et modifiera les quatre lois qui régissent actuellement la salubrité des aliments, l'emballage, l'étiquetage et l'inspection sous la responsabilité de l'ACIA. Comme vous le savez, il s'agit de la Loi sur l'inspection du poisson, de la Loi sur l'inspection des viandes, de la Loi sur les produits agricoles au Canada, et de la Loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation. La Loi consolidée clarifiera et renforcera les pouvoirs de l'ACIA et elle permettra à l'Agence de prendre des mesures plus rapides et décisives pour prévenir les risques pour la salubrité des aliments et intervenir en cas de non-respect de la réglementation. Les rôles et responsabilités respectifs des fabricants, des importateurs/distributeurs et de l'ACIA pour assurer la salubrité des aliments que consomment les Canadiens seront mieux définis.

Point important, la loi consolidée pourrait conférer des pouvoirs pour rehausser les contrôles sur les aliments importés, ce qui renforcerait le nouveau régime en matière de licences d'importation qui entre en vigueur; elle clarifierait et rehausserait les pouvoirs accordés aux inspecteurs; elle imposerait des sanctions plus sévères en cas de non-conformité, notamment, comme nous l'avons discuté, s'agissant des pratiques trompeuses, de l'altération des aliments et des canulars; elle favoriserait la cohérence des inspections de tous les aliments et elle refléterait donc la Food Safety Modernization Act des États-Unis. L'ACIA pourrait respecter les normes et certifications de tiers dans le cadre de leurs programmes d'inspection. Par exemple, les normes de la Global Food Safety Initiative, auxquelles toutes nos usines se conforment, pourraient maintenant être reconnues en incorporant certains documents internationaux « par renvoi », comme les lignes directrices du Codex, qui sont fixées à l'échelle internationale. L'ACIA disposerait d'une trousse d'outils modernes et fondés sur les risques pour prévenir les problèmes de salubrité des aliments et favoriser la conformité.

En quoi cela est-il bon pour les Canadiens? Les Canadiens sont de plus en plus conscients de la relation qui existe entre leurs choix alimentaires et leur santé et ils font plus attention à l'aspect santé des produits alimentaires qu'ils achètent. On comprend de plus en plus le lien scientifique qui existe entre le régime alimentaire et la santé, et les chaînes d'approvisionnement alimentaire de la ferme à la fourchette réagissent en conséquence. On donnera plus rapidement aux consommateurs de nouveaux choix alimentaires, ils seront réconfortés de savoir que l'industrie et l'ACIA disposent de meilleurs outils pour prévenir les problèmes de salubrité alimentaire et ils auront la certitude que des mesures strictes seront appliquées lorsque les normes en matière de salubrité des aliments ne sont pas respectées. Ces mesures, combinées aux contrôles rehaussés des aliments importés et de la constance de l'inspection, amélioreront la confiance que les consommateurs canadiens ont dans la salubrité des aliments et l'information nutritionnelle.

En quoi cela est-il bon pour les agriculteurs canadiens et d'autres intervenants des chaînes d'approvisionnement alimentaire? Les modifications législatives réduiront les coûts administratifs et réglementaires nécessaires pour lancer de nouveaux produits sur le marché pour les fabricants d'aliments et les agrofournisseurs de toutes tailles au Canada. Cela favorisera une innovation plus rapide dans le secteur de la fabrication d'aliments. Le Canada se trouvera dans une position idéale pour les investissements. Au fur et à mesure que les chaînes d'approvisionnement alimentaire se mondialisent, le Canada aura l'occasion de mieux harmoniser ses normes de salubrité des aliments, ses normes nutritionnelles et ses procédures d'exécution avec ses partenaires internationaux. Le secteur alimentaire croîtra en même temps que le secteur agricole, qui devra accroître sa production pour répondre aux demandes d'entreprises comme la nôtre.

Certains se demandent peut-être comment nous pouvons être sûrs que les normes élevées en matière de salubrité alimentaire et de nutrition seront maintenues. Selon nous, elles le seront parce que les évaluations des risques scientifiques pour assurer la salubrité de nouveaux produits innovateurs resteront les mêmes.

Si l'on détecte de nouvelles sources de contamination des aliments, l'on modifiera des normes comme les limites maximales de résidus pour assurer la salubrité des aliments. Les obligations fondamentales prévues à l'article 4 de la Loi sur les aliments et drogues concernant les lois sur les aliments et les produits alimentaires et leurs règlements d'application sous le régime de l'ACIA resteront en vigueur. De nouveaux produits continueront aussi de contenir des renseignements transparents concernant les ingrédients et le contenu nutritionnel, et toutes les allégations de produits doivent continuer d'être exactes et non trompeuses.

En conclusion, en tant que principal transformateur alimentaire au Canada, et en tant qu'entreprise qui se soucie beaucoup de la salubrité et de la qualité des aliments, Maple Leaf Foods est satisfaite de la vision du gouvernement pour l'industrie alimentaire canadienne, qui se reflète dans ces modifications législatives. Nous nous réjouissons à la perspective de tenir d'autres consultations avec l'ACIA et Santé Canada sur la façon dont ces nouveaux processus d'approbation seront structurés, sur la façon dont de nouveaux pouvoirs habilitants seront exercés par le biais de la réglementation, et sur la façon de concevoir et de mettre en œuvre un système d'inspection alimentaire moderne pour tous les aliments.

Le président : Merci, monsieur McAlpine.

Monsieur Harrison, nous vous écoutons.

Gordon Harrison, président, Canadian National Millers Association : Merci beaucoup. Que reste-t-il à dire? Je tiens à vous remercier de me donner la possibilité de m'adresser au comité. C'est une occasion extraordinaire, tout comme le projet de loi S-11.

La Canadian National Millers Association est une association nationale de l'industrie qui représente des broyeurs de grains, des broyeurs de blé, d'avoine et d'autres céréales. Notre industrie fabrique des ingrédients utilisés par de nombreux sous-secteurs de l'industrie alimentaire qui sont réglementés et touchés par le projet de loi S-11 et les modifications qu'il apportera.

Le projet de loi S-11 est attendu depuis longtemps. Nous essayons de réviser notre cadre de réglementation fédérale pour les aliments depuis environ 1990. Les secteurs public et privé y ont consacré de très grands efforts au fil des ans, alors c'est une occasion depuis longtemps attendue.

Le projet de loi ne se limite pas à la salubrité des aliments; il englobe aussi leur intégrité. Par cela, je veux parler des normes de composition, de l'emballage et de l'étiquetage. M. McAlpine a mentionné ces aspects. Il est important de prendre note que nous avons beaucoup de normes de composition des aliments visées par la Loi sur les aliments et drogues. Elles sont aussi visées par bien des règlements pris en application de la Loi sur les produits agricoles au Canada en particulier et ailleurs. Je crois comprendre qu'un document d'information que nous avons préparé plus tôt cette année a été remis aux membres du comité avant l'audience. Ce document a été rédigé avant que le projet de loi C-38 ou le projet de loi S-11 soit déposé, mais il a été rédigé au départ dans le premier semestre de l'année dernière. Il énonce ce qui, pour nous, était une structure habilitante pour réviser les lois relatives aux aliments. Nous avons formulé notre recommandation en faveur de deux projets de loi ou mesures législatives connexes. Le projet de loi S-11 est l'un des deux. C'est presque exactement ce que nous avons demandé ou recommandé à titre de coalition des secteurs des aliments et des boissons et de leurs associations.

Il est très bien rédigé et très clair lorsque vous le comparez à d'autres tentatives des dernières années de moderniser la loi. Il est aussi habilitant. Nous devons insister sur ce point. Cela permettra et même exigera la tenue d'un examen exhaustif du règlement qui se rapporte à la loi en vigueur. Comme M. McAlpine l'a laissé entendre, cela permettra de déplacer vers le règlement des éléments qui se trouvent actuellement dans la loi et de déplacer des points comme les normes de composition vers des listes administratives qui sont beaucoup plus faciles à gérer et qui peuvent l'être beaucoup plus rapidement. Les choses peuvent être faites différemment, beaucoup plus rapidement. Cela sera plus efficace. Cela permettra aux secteurs public et privé d'économiser énormément de temps.

Je dois insister sur le fait que l'incorporation par renvoi est un outil extraordinaire que l'industrie et le gouvernement pourront utiliser à l'avenir pour élaborer de nouveaux règlements. En fait, ce concept se trouve dans la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation. Je suis désolé, je ne connais pas le nom exact du projet de loi qui a été adopté il y a quelques années, et l'incorporation par renvoi est prévue dans les modifications à la Loi sur les aliments et drogues qui figurent dans le projet de loi C-38. C'est très important.

Il est aussi important de reconnaître que ce projet de loi insiste sur le fait qu'il fonctionnera en parallèle avec la Loi sur les aliments et drogues. La Loi sur les aliments et drogues est très exhaustive, et certains articles de cette loi ont été intégrés directement dans le projet de loi S-11, notamment la définition d'un aliment.

Les amendements contenus dans le projet de loi C-38 sont aussi très habilitants. Ils permettront de procéder à un examen exhaustif de la Loi sur les aliments et drogues et de son règlement d'application, ils permettront aussi de déplacer des éléments du règlement vers les listes administratives, les documents sur les normes et les documents d'orientation. Cela clarifiera les choses pour l'industrie. Elle modernisera bien des normes qui sont pertinentes et essentielles à la réglementation des aliments.

L'un des plus grands défis dont je dois parler dans le contexte du projet de loi et en raison de la façon dont il ira de pair avec la Loi sur les aliments et drogues modifiée, c'est que dans le pays et dans les chaînes d'approvisionnement du secteur des aliments et des boissons — par chaînes d'approvisionnement, je veux dire les agriculteurs, les transformateurs primaires, les transformateurs de second cycle et les détaillants —, il est très important de faire une distinction entre les contaminants de certains types et les autres. Il est important d'être en mesure de faire la distinction entre des choses gérées intelligemment et qui sont délibérément ajoutées aux aliments, et celles qui sont présentes, mais qui ne sont pas saines ou sécuritaires, qu'elles aient été ajoutées intentionnellement ou non.

L'autre catégorie de contaminants qui nous intéresse en ce qui concerne la sécurité alimentaire est celle comprenant les substances qui sont naturellement présentes et qui sont inévitables ou non intentionnelles — par exemple, les microtoxines et les métaux lourds. Ce sont donc deux domaines qui ne sont pas visés par le projet de loi. Cette distinction particulière est exigée à l'article 4 de la Loi sur les aliments et drogues.

Malgré les gains substantiels que les modifications à la Loi sur les aliments et drogues proposées dans le projet de loi C-38 nous feront réaliser, nous croyons que nous devrons travailler davantage, surtout avec l'ACIA. Dans un monde idéal, le projet de loi S-11serait modifié de façon à régler le problème dont je viens de parler et nous espérons qu'il serait possible, sur le plan législatif, de modifier le projet de loi S-11 pour qu'il modifie aussi l'article 4 de la Loi sur les aliments et drogues, afin que nous puissions terminer ce travail. En ce moment, on n'est pas encore certain que Santé Canada sera en mesure de le faire de façon satisfaisante, afin que nous soyons harmonisés avec notre partenaire commercial principal, c'est-à-dire les États-Unis. L'article 402 de la loi américaine est libellé de façon différente et s'harmonise avec la Loi sur les aliments et drogues. En ce moment, étant donné que la Food Safety Modernization Act est en vigueur aux États-Unis, il s'agit d'une occasion à saisir.

Le sénateur Plett : Monsieur McAlpine, je suis un sénateur de Landmark, au Manitoba, où se trouve évidemment l'une de vos plus grandes installations de l'Ouest du Canada. Puisque je viens de cette région, je compatis vraiment avec ce que vous avez vécu en 2008. Nous avons partagé votre malheur et nous savons qu'à la suite de l'éclosion de listériose, votre entreprise a assumé l'entière responsabilité des éclosions qui s'étaient produites dans le système, et nous vous en félicitons.

Le rapport rédigé par un enquêteur indépendant a aussi démontré qu'il y avait eu quelques problèmes avec ce que le gouvernement devait faire, et c'est pourquoi nous avons mis en œuvre, en tant que gouvernement, les 57 recommandations du rapport Weatherill.

Tout d'abord, en tant qu'entreprise qui se trouvait au cœur de la tourmente dans cette situation, pouvez-vous nous donner votre avis sur ce qui a été amélioré au niveau de la sécurité alimentaire au Canada depuis l'éclosion de la listériose? Maple Leaf a-t-elle tenu toutes ses promesses, et comment pourrions-nous concrètement améliorer ce que nous faisons déjà?

M. McAlpine : Merci, sénateur, d'avoir posé la question. Je pense que je peux dire que l'approche a été modifiée. Notre entreprise a certainement assumé toutes ses responsabilités dans cette affaire et nous avons mis en œuvre toutes les recommandations faites à l'industrie par le rapport Weatherill.

De plus, nous avons reconnu la nécessité d'augmenter de façon importante les ressources, les systèmes, les régimes de tests, et les certifications et vérifications effectuées par des tiers. Nous avons commencé par embaucher un nouveau chef de la salubrité des aliments, qui est un chef de file incontesté à l'échelle mondiale dans ce domaine. En nous fondant sur des mesures réelles, nous avons amélioré la performance de notre usine sur le plan de la sécurité alimentaire pour l'amener à un niveau de calibre mondial, et nous l'avons annoncé publiquement. C'est très bien documenté, et fondé sur les examens rigoureux que nous effectuons dans nos usines.

Je peux affirmer avec assurance que nous avons fait un énorme pas en avant, et je pense que c'est le cas dans l'ensemble de notre industrie. Nous avons appris beaucoup de nos malheurs et nous avons adopté de nouvelles mesures, surtout en ce qui concerne la mise à jour de la politique à l'égard de la listériose qui est exigée par le gouvernement, mais aussi le partage des pratiques exemplaires et la rédaction d'un nouveau document d'orientation sur les pratiques exemplaires concernant la listériose par le Conseil des viandes du Canada et le CCTOV.

Si vous voulez savoir comment nous pouvons aller plus loin, le projet de loi est certainement un élément important, car ce que nous avons reconnu pendant la crise de la listériose, c'est que les ressources et les outils à la disposition des inspecteurs du gouvernement n'étaient pas suffisants pour faire face aux défis les plus progressifs et émergents, par exemple, listeria monocytogenes.

Je pense que le projet de loi sera le fondement d'un grand nombre d'améliorations à cet égard. L'accès aux ressources, évidemment, a été extrêmement accru par le gouvernement en ce qui concerne les inspections, les laboratoires, et cetera.

Toutefois, j'encourage le gouvernement à envisager plus sérieusement l'harmonisation des approbations entre le Canada et les États-Unis. Le Conseil de coopération en matière de réglementation a promis quelques bonnes choses, mais nous sommes toujours au stade où les interventions liées à la salubrité alimentaire, les méthodes de tests, les nouveaux ingrédients antimicrobiens, et cetera, sont approuvés et utilisés aux États-Unis bien avant qu'ils le soient au Canada. Cette situation pose un risque pour la santé des Canadiens et compromet les normes nutritionnelles dans certains cas, et nous recommandons d'harmoniser beaucoup plus l'approbation des technologies des deux côtés de la frontière et d'augmenter la reconnaissance mutuelle à ce sujet, afin de veiller à ce que nous ne soyons pas laissés pour compte.

Le sénateur Plett : J'ai une question sur les usines d'aliments pour animaux, et vous pouvez probablement tous les deux y répondre. L'une de ces usines se trouve dans ma collectivité, et je sais à quel point on veille à ce que tout soit fait correctement. Toutefois, il existe un grand nombre d'usines d'aliments pour animaux sur les exploitations agricoles. Il est possible que ce ne soit pas votre cas; vous utilisez peut-être les vôtres.

Que pourrait-on améliorer dans le système de réglementation des usines d'aliments pour animaux, c'est-à-dire chez les plus petits exploitants? Que pourrait-on faire pour régler certains problèmes concernant ce règlement ou pour l'améliorer? J'aimerais que vous répondiez tous les deux.

M. Harrison : J'aimerais souligner qu'en plus de cette initiative législative et de l'examen réglementaire qui l'accompagne, il existe un examen complet des règlements sur l'alimentation pour animaux. L'examen de ce règlement a déjà commencé. L'Association de nutrition animale du Canada a préparé des documents de travail et s'est activement engagée avec l'ACIA pour effectuer une refonte de la réglementation. Je ne parle pas en leur nom, mais les inquiétudes des intervenants dans l'industrie de l'alimentation pour animaux concernent, assez bizarrement, les normes de composition et la nature trop normative des règlements sur l'alimentation pour animaux.

Pour fabriquer les aliments pour animaux dans une économie moderne, il faut avoir un grand nombre d'options et être en mesure de varier la composition de ces aliments pour obtenir les caractéristiques nutritionnelles voulues. Cela s'applique aux usines commerciales d'aliments pour animaux et aux usines situées sur des exploitations agricoles.

Une usine située sur une exploitation agricole utilise habituellement moins d'ingrédients provenant de l'extérieur de l'exploitation. C'est plus simple, et un agriculteur peut produire les aliments pour les animaux sur son exploitation agricole à l'aide de prémélanges et d'autres ingrédients qui ont été préparés dans des installations enregistrées qui se spécialisent dans l'approvisionnement de ces ingrédients aux agriculteurs.

C'est très différent, et l'agriculteur profite généralement, surtout dans l'Ouest du Canada, de grains produits dans ses propres installations ou dans des installations qui sont situées à proximité et qui ont traditionnellement été commercialisés de façon différente. Ce sont deux processus assez différents, mais l'ACIA et l'industrie connaissent toutes les deux les occasions offertes par la modernisation des règlements sur les aliments pour animaux. C'est pourquoi ce sont les premiers règlements, parmi les nombreux règlements de l'ACIA, à être visés.

Le sénateur Peterson : Monsieur McAlpine, j'ai remarqué qu'après l'éclosion de listériose en 2008, votre entreprise a déployé des efforts soutenus pour améliorer la sécurité en dépassant les normes en vigueur dans l'industrie. En fait, vous visez plutôt l'Initiative mondiale pour la sécurité alimentaire. À cet égard, pensez-vous que le gouvernement du Canada devrait aussi viser cette norme, et sommes-nous engagés dans cette voie?

M. McAlpine : Merci d'avoir posé la question. Il y a, bien sûr, différentes organisations intergouvernementales qui établissent les normes de la sécurité alimentaire et de la santé animale, et cetera. Il y a aussi des normes du secteur privé qui sont observées à l'échelle mondiale.

En ce moment, le Canada est très actif dans ces organisations intergouvernementales mondiales qui établissent les normes de la sécurité alimentaire — par exemple, Codex Alimentarius — et, lorsque c'est pertinent, il intègre les normes et les directives de Codex dans les règlements canadiens, ce qui est évidemment très positif, car cela facilite le commerce mondial.

Lorsqu'il s'agit des normes internationales du secteur privé — ou des normes ISO, c'est-à-dire l'Organisation internationale de normalisation — ou des normes qui sont maintenant reconnues par l'Initiative mondiale pour la sécurité alimentaire, il s'agit d'un développement important, car ces organismes qui établissent des normes et qui sont dirigés par le secteur privé peuvent généralement agir plus rapidement et sont en mesure d'adapter les normes aux découvertes scientifiques et aux risques plus rapidement.

Dans notre entreprise, comme je l'ai mentionné, nous avons certifié toutes nos usines, dans les domaines des protéines et de la boulangerie, en conformité aux normes du British Retail Consortium, qui font partie du système des normes de la sécurité alimentaire reconnu par l'Initiative mondiale pour la sécurité alimentaire. Je crois que si les gouvernements peuvent reconnaître les entreprises qui sont prêtes à investir dans la certification conforme à ces normes et à accepter des vérifications effectuées par des tiers, cela favorise la sécurité alimentaire et peut représenter une façon d'économiser les ressources du gouvernement; en effet, ces entreprises ont moins besoin d'être surveillées que celles qui ne sont pas certifiées conformes à une telle norme mondiale.

Il s'agit d'un développement très positif, et c'est pourquoi il peut être utile que la loi permette d'intégrer des normes par référence, car cela signifie que si le gouvernement souhaite intégrer directement, dans ses exigences réglementaires, des normes établies par Codex ou par l'Initiative mondiale pour la sécurité alimentaire, il a les mécanismes juridiques et administratifs nécessaires pour le faire.

Le sénateur Peterson : Le ministre Ritz a fait des comparaisons entre le projet de loi S-11 et la Food Safety Modernization Act des États-Unis. La Food and Drug Administration fait partie de cela en vertu de la loi américaine, alors qu'en vertu du projet de loi S-11, il s'agira sera seulement de l'ACIA et du ministre de l'Agriculture. À votre avis, Santé Canada devrait-il participer à cette loi?

M. Harrison : Pendant un certain temps, au cours de la rédaction du projet de loi S-11, Santé Canada et l'ACIA avaient entrepris une initiative par laquelle ils espéraient moderniser une seule loi. Il s'agit d'une chose très difficile à faire, car la Loi sur les aliments et drogues est une loi criminelle, et les lois qui sont consolidées dans le projet de loi S-11, en général, sont des lois commerciales; elles sont donc très différentes.

Le ministre de la Santé et Santé Canada continueront d'avoir compétence en ce qui concerne la Loi sur les aliments et drogues. Cette loi continuera aussi d'influer sur les interactions de l'ACIA avec le secteur privé et sur la façon dont elle traite des questions liées à la sécurité alimentaire et à l'inspection, dans une certaine mesure.

Il est important de remarquer que l'ACIA a ce paquet de lois, dont certaines sont maintenant consolidées dans le projet de loi, mais qu'elle va continuer d'effectuer les activités de surveillance nécessaires pour faire respecter la Loi sur les aliments et drogues. Personnellement, je ne vois pas de contraintes sur les plans juridique, autoritaire ou administratif.

Dans le cadre de notre loi qui était en vigueur avant la Food Safety Modernization Act, je pense qu'il est juste de dire que le Canada avait, pendant un grand nombre d'années, un cadre législatif qui avait déjà atteint les objectifs de cette loi. Pour ce qui est de l'articulation de cette loi par la prise de règlements — un travail intense qu'ils sont aussi en train d'accomplir —, ce que nous avons déjà se comparera favorablement avec ce qui sera élaboré et mis en œuvre dans le cadre de cette loi américaine. Cette loi va aussi fonctionner en parallèle avec la Food, Drug, and Cosmetic Act des États-Unis. Ce sera une situation similaire.

Santé Canada a collaboré de façon tellement étroite avec l'ACIA ces dernières années qu'à mon avis, il ne fait aucun doute qu'il y a une participation. Tout n'est pas dans une seule loi. Si c'était le cas, je dirais que le ministre de l'Agriculture a les ressources nécessaires pour superviser cette loi, mais ce n'est pas ce qui se passe. Nous allons continuer d'avoir une loi sur les aliments et drogues. J'espère que cela répond à votre question.

Le sénateur Peterson : La Drug and Safety Act des États-Unis protège assez bien les dénonciateurs, monsieur McAlpine. Appuieriez-vous cela pour les employés canadiens?

M. McAlpine : J'ai besoin d'éclaircissements : voulez-vous dire au sein du gouvernement, c'est-à-dire permettre aux fonctionnaires gouvernementaux de dénoncer des choses?

Le sénateur Peterson : La protection des employés de votre entreprise, par exemple, protéger les dénonciateurs.

M. McAlpine : Au sein de notre entreprise, nous avons des politiques très sévères qui encouragent les employés qui ont des connaissances à ce sujet à les communiquer ou à poser des questions. Dans le cas de la sécurité alimentaire, par exemple, nous encourageons nos employés de l'usine à littéralement ordonner l'arrêt de la production s'ils sont inquiets au sujet de la salubrité des aliments, peu importe les directives données par les échelons plus élevés.

Du point de vue de l'entreprise, il est certainement important d'encourager les employés à être responsables de signaler les actes répréhensibles. Je ne suis vraiment pas en mesure de commenter les employés du gouvernement et les règlements qui devraient s'appliquer à leur égard.

Le sénateur Peterson : Non, mais je pensais au fait que le gouvernement pourrait mieux protéger ses employés à cet égard. Est-ce que vous appuieriez cela?

M. McAlpine : Oui.

Le sénateur Peterson : Le ministre a comparu devant nous et nous avons parlé de Mme Weatherill et de ses recommandations. L'une d'entre elles concernait l'idée d'une vérification annuelle ou semestrielle, afin de veiller à ce qu'il y ait suffisamment d'inspecteurs et de ressources pour s'assurer que les mesures de sécurité de la loi sont appliquées. Appuieriez-vous cela?

M. McAlpine : Oui, j'appuie certainement l'idée de vérifications périodiques. Tout comme une entreprise reconnaît la valeur des vérifications internes et externes de toutes ses activités, j'appuierais cela sans réserve. Dans le cas du gouvernement, il est évident que le vérificateur général a joué un rôle important. En fait, je crois qu'au sein du gouvernement, on effectue en ce moment certaines évaluations concernant la sécurité alimentaire et les rapports entre le gouvernement et l'industrie en ce qui a trait à l'application des règlements sur la sécurité alimentaire.

M. Harrison : J'aimerais ajouter que M. McAlpine a fait allusion aux normes établies par l'industrie. Pour vous donner un exemple, dans notre industrie, le moulin qui produit la farine de blé et d'autres ingrédients pour le blé pourrait être assujetti, annuellement, à 24 vérifications indépendantes menées par des tiers sur la sécurité alimentaire et la distribution d'aliments, c'est-à-dire des vérifications sur la sécurité des installations. Dans une de nos usines, le cadre de l'échelon le plus élevé a passé environ 40 p. 100 de son temps à collaborer avec les vérificateurs qui représentaient des détaillants et des transformateurs de second cycle, par exemple, l'industrie de la boulangerie. L'ACIA et, avant elle, Santé Canada, ont toujours assumé une fonction de vérification. Cela fait partie de la façon dont l'industrie et le gouvernement doivent travailler sur la sécurité et l'intégrité alimentaires à l'avenir, notamment en donnant une fonction de vérification au gouvernement fédéral. Toutefois, ce qui est aussi extrêmement important, c'est de reconnaître le leadership de l'industrie et toute la formation, l'infrastructure et les services qui existent pour effectuer cette fonction de vérification. Cet aspect est déjà intégré dans l'approche de l'ACIA qui consiste à travailler avec des vérificateurs agréés en matière de salubrité des aliments.

Le sénateur Buth : Je m'intéresse à la traçabilité. Deux articles de la loi portent sur cette question. Pourriez-vous, tous les deux, nous dire ce qu'il en est au sein de votre entreprise et au sein de l'industrie, puis nous dire ce que vous aimeriez voir ou encore faire des commentaires sur les règlements qui pourraient être élaborés à cet égard?

M. McAlpine : Un témoin précédent a parlé des défis que pose la traçabilité d'un produit alimentaire à partir de sa fabrication jusqu'à la vente au détail, du fait qu'il existe de multiples canaux. Ce qui est absolument critique, toutefois, c'est de pouvoir assurer la traçabilité en cas de rappel et d'avoir une bonne gestion de la chaîne d'approvisionnement, des dossiers et des systèmes électroniques. C'était vital, par exemple, durant la crise causée par la listeria, lorsque nous avons dû rappeler de nombreux types de produits partout au pays.

Ce qu'on a dit précédemment est tout à fait juste, au sujet de la salubrité et de l'intégrité des aliments jusqu'au niveau de la ferme. Par exemple, le secteur du porc est maintenant doté d'un système très avancé de traçabilité animale. On va maintenant plus loin pour pouvoir identifier les installations et échanger l'information en temps réel, ce qui permet de savoir exactement où se trouvent les animaux. Encore une fois, il est très important, en cas d'éclosion d'une maladie animale exotique, de pouvoir détecter où se trouvent les animaux et à quels endroits ils ont été transportés dans un passé récent. Nous sommes en faveur de cela.

Le fait de rendre la traçabilité obligatoire pose énormément de défis. Nous avons participé à de nombreuses consultations qui nous ont menés là où nous en sommes présentement. Personnellement, je crois qu'il faut continuer de miser sur une approche volontaire. Évidemment, l'intégration des systèmes de données et l'échange d'information sont critiques. Beaucoup de choses se font à cet égard sur la scène internationale. Comme nous assistons à une intégration des chaînes d'approvisionnement alimentaire à l'échelle mondiale, vous devez aussi assurer une interface entre votre système de traçabilité et les systèmes mondiaux. Ce sont là d'énormes défis, et je ne suis pas certain qu'on obtiendra de bons résultats en rendant la chose obligatoire, si on le fait prématurément.

Le sénateur Buth : Les systèmes de traçabilité que vous aviez en place pour les rappels étaient-ils adéquats durant la crise de la listériose? Avez-vous modifié ce système depuis ce temps?

M. McAlpine : Oui. Ils étaient adéquats, mais ils pouvaient certainement être améliorés. Nous avons fait un certain nombre d'améliorations. En fait, notre entreprise est en train de mettre en place le système SAP, la plate-forme informatique standard, la plus connue pour une entreprise de transformation de biens de consommation comme la nôtre, afin de mieux intégrer la collecte de données et la gestion de l'information. Nous sommes aujourd'hui dans une bien meilleure position qu'à l'époque. Nous étions certes capables de rappeler tous les produits très rapidement, mais il a fallu beaucoup plus de main-d'œuvre et beaucoup plus d'appels téléphoniques, et cetera, partout au pays, comparativement à ce que nous devrions faire aujourd'hui avec les systèmes que nous avons en place.

M. Harrison : Dans notre secteur, celui du traitement des grains, il y a relativement peu de livraisons qui se font directement de la ferme aux installations de transformation. Il y en a un peu plus dans le cas de l'avoine dans l'Ouest du Canada, mais notre chaîne d'approvisionnement est avant tout un système de manutention et de transport en vrac, où un grand nombre d'agriculteurs livrent leurs produits à différents élévateurs à grains primaires. C'est vrai dans l'Est du Canada comme dans l'Ouest du pays. Les grains qui arrivent dans une installation exploitée par un de nos membres proviennent de nombreux producteurs qui, dans certains cas, se trouvent à des milliers de kilomètres de là, et la traçabilité est très difficile. Il y a aussi la ségrégation.

S'il faut absolument assurer la traçabilité, ou garantir une composition alimentaire particulière ou encore répondre à une norme de sécurité, la ségrégation est utilisée depuis de nombreuses années.

Toutefois, l'autre chose qu'il faut absolument souligner, c'est que non seulement les grains qui arrivent aux installations de traitement proviennent de très nombreuses fermes, de différentes régions de culture, mais aussi que la minoterie n'est pas construite de manière à séparer les lots de grains à leur arrivée. C'est plutôt le contraire. Une minoterie est construite de sorte à séparer seulement les catégories de grains et celles qui présentent différentes teneurs en protéine, par exemple, pour leur fonctionnalité. Dès qu'un lot de grains est jugé acceptable et qu'il peut être déchargé à une minoterie, suite à une certification quelconque ou à une analyse sur le terrain, il est immédiatement mélangé. Évidemment, quand vous entreprenez le processus de mouture, vous perdez toute possibilité de retracer 10, 40 ou 1 000 kilogrammes de grains non transformés. D'autres mesures doivent être prises et sont prises dans la chaîne d'approvisionnement de grains céréaliers pour permettre d'assurer la salubrité alimentaire.

Heureusement, dans notre secteur, nous n'avons habituellement pas affaire à la présence de pathogènes humains dans les produits, ce qui nous donne un avantage évident. La traçabilité devra donc être abordée de façon différente.

Le sénateur Mahovlich : Maple Leaf Foods existe depuis aussi longtemps que je peux me rappeler, depuis une cinquantaine d'années. Combien d'incidents comme celui-ci l'entreprise a-t-elle connus avant 2008?

M. McAlpine : Certainement aucun de cette ampleur.

Le sénateur Mahovlich : Pas un seul?

M. McAlpine : Non. Certains événements se sont produits de façon périodique. Pour dire vrai, des situations peuvent toujours se présenter. Il y a eu des rappels auparavant, mais à petite échelle, et aucun produit Maple Leaf n'a été identifié ou lié à une maladie humaine ou à un décès. D'autres événements se sont peut-être produits. Il y a eu aussi des canulars et du sabotage. Nous avons connu des événements comme ceux-là, mais rien du tout à comparer à ce qui s'est produit en 2008.

Le sénateur Mahovlich : C'est étrange.

Merci, monsieur le président.

Le sénateur Robichaud : Monsieur McAlpine, vous avez dit au cours de votre exposé qu'au Canada, dans le cadre du système actuel, peu importe que Santé Canada évalue une allégation relative à la santé, un ingrédient ou un additif, toutes ces choses sont sujettes à une évaluation avant la mise en marché qui confirmera leur innocuité et leur efficacité et que, en raison du processus réglementaire, l'approbation finale est donnée entre 18 et 36 mois plus tard. Ça prend du temps. J'aurais tendance à penser que ce délai joue un rôle d'amortisseur, n'est-ce pas, qu'il donne le temps de s'assurer que les choses sont... Je vois que M. Harrison hoche la tête et n'est pas d'accord.

M. Harrison : Veuillez m'excuser.

Le sénateur Robichaud : C'est très bien. Nous sommes ici pour entendre ce que vous avez à dire. Dans la réponse que vous avez donnée au sénateur Plett, ai-je bien compris que le processus suivi aux États-Unis, qui est plus court, pourrait ne pas protéger les Canadiens comme il se doit?

M. McAlpine : Non, je crois que c'est plutôt le contraire. Ce que je dirais essentiellement, c'est que l'évaluation scientifique des risques que mène Santé Canada pour déterminer si un produit répond aux normes réglementaires et peut être introduit dans un produit alimentaire ou dans une usine n'est pas du tout en cause. Cette évaluation est très rigoureuse et de calibre mondial.

Le problème, toutefois, c'est de savoir pourquoi on prolonge ce processus de 18 mois ou de 2 ans pour respecter les procédures réglementaires standard de la Gazette du Canada, en particulier lorsque le produit proposé fait l'objet d'une préévaluation pour ce qui est de l'innocuité alimentaire. Nous pouvons argumenter au sujet d'autres types d'approbations d'additifs qui sont, disons, plutôt d'intérêt commercial et moins importants pour la santé et la sécurité. Par exemple, Santé Canada doit approuver des méthodes officielles d'analyse qui sont reconnues pour la conduite des tests autorisés concernant la salubrité alimentaire dans les usines de transformation. À l'heure actuelle, nos compétiteurs américains disposent de méthodes d'analyse rapides qui leur permettent d'identifier un pathogène beaucoup plus rapidement et d'intervenir pour atténuer les risques, en comparaison avec ce que nous avons à notre disposition au Canada. Selon moi, cette disparité donne à nos compétiteurs non seulement un avantage commercial mais aussi, et surtout, un avantage sur le plan de la salubrité alimentaire. Ces disparités existent en partie parce que le Canada est un petit marché et que les fournisseurs de ces technologies demandent généralement une approbation au Canada seulement après avoir reçu une approbation aux États-Unis ou dans de plus grands pays. Tout retard est très malheureux et nuit aux intérêts des consommateurs canadiens.

Quant à ce que j'ai mentionné au sénateur Plett, il s'agit plutôt d'harmoniser nos approches. C'est ce que je voulais dire. Nous devrions être en mesure de reconnaître une intervention dès qu'elle est approuvée aux États-Unis, et nous aimerions pouvoir utiliser immédiatement la même chose au Canada.

Le sénateur Robichaud : Monsieur Harrison, aimeriez-vous expliquer pourquoi vous hochez la tête?

M. Harrison : Oui, effectivement. Merci beaucoup.

Il y a trois points, que je ferai valoir très rapidement. Premièrement, le système canadien d'évaluation préalable à la mise en marché est quelque peu différent pour les additifs alimentaires et les allégations en matière de santé, mais il arrive parfois qu'une allégation soit liée à un additif. Le système a déjà été modernisé. Le cadre canadien d'évaluation des allégations en matière de santé avant la mise en marché est de calibre mondial. On l'a comparé à celui des États-Unis, du Japon et de l'Union européenne, et Agriculture et Agroalimentaire Canada a fait beaucoup de travail à ce chapitre. Je suis certain que le comité peut obtenir des documents à ce sujet s'il en fait la demande.

Le processus d'évaluation préalable à la mise en marché des additifs alimentaires et les normes sont aussi de calibre mondial. Ils ont été largement modernisés. Ce qui est exigé est très clair, si vous voulez vous soumettre au processus. C'est un processus coûteux, qui peut durer des années. Il peut en coûter jusqu'à 20 ou 30 millions de dollars pour soutenir une approbation ou une allégation en matière de santé, en raison de l'importance et de la rigueur du système. C'est donc essentiel.

Se soumettre deux fois à l'approbation du comité du cabinet et au processus de la Gazette du Canada est une perte de temps. C'est une mauvaise utilisation des ressources, une fois que toutes ces exigences scientifiques ont été satisfaites, et on ne fait que retarder la mise en marché de choses qui sont importantes, que ce soit pour la compétitivité des entreprises canadiennes à l'échelle internationale ou pour la sécurité alimentaire. Un délai de 18 à 36 mois n'est pas trop mal. Santé Canada et l'ACIA ont tous deux présenté des modifications aux règlements qu'ils souhaitent faire adopter à diverses fins et qui ont été retardées pendant six ans en raison de l'accumulation de choses qui doivent être approuvées par le comité du cabinet.

Enfin, il y a d'autres façons de respecter nos obligations commerciales internationales que de suivre le processus de la Gazette. D'autres pays y ont sans cesse recours. Ils informent leurs partenaires commerciaux en vertu de l'accord, dans le cadre de l'OMC. Nous n'avons pas besoin de ce processus pour respecter nos obligations commerciales.

Sauf votre respect, je ne crois pas que ce processus nous donne des garanties ou un second examen objectif qui soient utiles et avantageux pour les consommateurs ou l'économie du Canada.

Le sénateur Robichaud : Cela signifie donc que vous êtes très à l'aise avec les processus et les vérifications qui sont faits, dans ce cas-ci, aux États-Unis, à l'égard des nouveaux procédés qui sont proposés; lorsque ceux-ci sont approuvés, après un certain temps, les gens doivent examiner la méthode et voir comment les choses se font. Vous êtes passablement satisfait de cela, n'est-ce pas?

M. Harrison : Permettez-moi de faire un commentaire à ce sujet. Le cadre de réglementation alimentaire du Canada et les organismes canadiens responsables de ce cadre sont très compétents, et il y a un certain nombre de pays dans le monde qui sont compétents également. Mentionnons, par exemple, les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Nos systèmes et notre droit administratif sont très semblables, mais ce qu'il faut absolument, c'est une reconnaissance mutuelle, soit des scientifiques et des systèmes d'évaluation préalable à la mise en marché qui sont en place au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Australie et en Nouvelle-Zélande. La reconnaissance mutuelle doit s'imposer davantage. Si le Canada investit beaucoup d'argent pour mener une évaluation préalable à la mise en marché, l'intégrité de cette évaluation doit être reconnue, et d'autres pays pourraient l'utiliser. Par ailleurs, nous devons faire la même chose au Canada. J'espère que ce commentaire vous est utile.

Le sénateur Robichaud : Je crois que vous avez parlé d'un amendement au projet de loi que nous étudions actuellement. Pourriez-vous fournir au comité l'essentiel de cet amendement, pour que nous puissions l'étudier et voir comment il pourrait être intégré au projet de loi? Pourriez-vous nous remettre un document?

M. Harrison : Oui, je le ferai. Je ferai une comparaison avec l'article 4, qui doit être modifié en vertu du projet de loi C-38. Je présenterai un texte comparatif, parce qu'il pourrait être encore modifié pour accomplir ce dont je parle. Ce texte sera utile également à l'ACIA et à Santé Canada. Je serai ravi de rédiger un document à cet égard. Merci de l'invitation.

[Français]

Le sénateur Nolin : Monsieur McAlpine, le comité est informé de la modernisation du processus d'inspection que l'agence a entrepris. Si quelqu'un a besoin de s'en convaincre, nous n'avons qu'à examiner le plan budgétaire du ministre des Finances qui annonce que, dans les quatre prochaines années, près de 120 millions de dollars seront économisés par l'agence.

Si ces réductions de coûts se manifestaient par une réduction du nombre d'inspecteurs, quelle serait votre réaction?

M. McAlpine : Nous ne sommes pas en faveur d'une réduction du nombre d'inspecteurs. Nous reconnaissons le rôle des inspecteurs, mais nous valorisons également l'importance d'une approche qui se fasse plutôt au niveau de la vérification des systèmes.

[Traduction]

Ils ont un système de vérification de la conformité. Nous reconnaissons l'importance de l'inspection, mais il faut adopter une approche moderne à l'égard de l'inspection, sans nécessairement augmenter le nombre d'inspecteurs. Nous avons besoin d'inspecteurs mieux formés, de meilleurs systèmes, d'une gestion et d'une collecte de données améliorées, pour pouvoir identifier les risques en matière de salubrité alimentaire qui ont tendance à surgir dans une usine, par exemple. Il faut trouver un juste équilibre entre les responsabilités de l'inspecteur et les obligations de celui qui exploite l'installation.

Nous avons été ravis de constater qu'un plus grand nombre d'inspecteurs avaient été embauchés. Chose peut-être encore plus importante, on investit dans une meilleure formation, une meilleure qualification, de meilleurs outils et de meilleurs laboratoires. C'est là l'avenir de l'inspection alimentaire, selon nous.

[Français]

Le sénateur Nolin : Et ils vont malgré tout réduire leurs coûts?

M. McAlpine : Oui, il est toujours possible de réduire les coûts. C'est une question à poser au gouvernement, mais, à ma connaissance, ils ont trouvé des moyens pour partager les coûts administratifs entre, par exemple, le ministère de l'Agriculture et Agroalimentaire Canada et l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Cela n'a toutefois pas d'impact concernant la présence dans nos usines.

[Traduction]

Le sénateur Nolin : Au Canada, il y a des barrières interprovinciales. Dans quelles mesures ces barrières vous préoccupent-elles?

M. Harrison : Nous voyons peu de barrières interprovinciales dans de nombreux sous-secteurs de seconde transformation. Il est important de faire une distinction entre les aliments qui sont vendus d'une province à une autre et ceux qui ne le sont pas. C'est l'une des raisons pourquoi la Loi sur les aliments et drogues est si importante et pourquoi elle continuera d'exister pour l'instant, parce que c'est elle qui prévaut en matière de santé humaine et de sécurité. Il est important de noter que cette question relève toujours de la compétence fédérale.

Le commerce interprovincial est beaucoup plus du domaine de M. McAlpine.

M. McAlpine : Des témoins ont parlé précédemment du système d'inspection des viandes à deux vitesses. C'est un problème. Cette situation empêche le commerce interprovincial mais, ce qu'il est encore plus important de dire, comme on l'a fait, c'est que les Canadiens ne méritent pas d'avoir un système à deux vitesses pour assurer la salubrité des viandes qu'ils consomment. Leurs attentes doivent être plus élevées.

Plus que toute autre chose, en tant qu'entreprise nationale active dans plusieurs provinces du Canada, le problème n'est pas tant qu'il y a des obstacles à la circulation de nos produits. Il n'y en a pas beaucoup. Toutefois, la réglementation est très fragmentée. Que ce soit les normes environnementales, le droit du travail, l'administration des pensions ou l'administration de la salubrité alimentaire, dans le cas de l'inspection des viandes dont j'ai parlé, il est très difficile dans notre pays d'exploiter des chaînes d'approvisionnement nationales, d'être rentable et de minimiser les fardeaux que pose la conformité aux règlements, en particulier depuis que nous faisons face à la parité du dollar.

Je m'éloigne de la salubrité alimentaire, mais c'est une réalité commerciale qui est très présente pour l'industrie alimentaire au Canada.

Le sénateur Peterson : Dans peu de temps, le secteur alimentaire connaîtra un certain nombre de changements sur le plan de la mise en conserve, de l'étiquetage et de l'emballage des produits. On dit que ce sera économiquement avantageux pour le Canada. On dit aussi que les transformateurs pourront s'installer à l'extérieur du pays pour réaliser des économies d'échelle et expédier l'excédent ici, à un taux beaucoup plus bas. Est-ce un enjeu réel ou non?

M. McAlpine : Oui, c'est réel. C'est une menace très réelle à notre compétitivité. Les importations d'aliments transformés augmentent rapidement, de même que la fermeture des usines au Canada. Une entreprise canadienne, Maple Leaf, investit actuellement 575 millions de dollars sur une période de quatre ans afin de moderniser et de mettre à niveau ses usines au Canada pour pouvoir être compétitive.

Nous observons certainement ce phénomène. Des usines ferment dans le centre du Canada, la production se déplace au sud de la frontière et les importations augmentent. C'est une situation commerciale très réelle, qui menace l'industrie à long terme.

M. Harrison : M. McAlpine a dit qu'il était complexe d'exploiter une entreprise de transformation alimentaire et une chaîne d'approvisionnement dans notre pays, à cause de toute une gamme de règlements qui ne relèvent pas de l'ACIA et de Santé Canada, et j'aimerais ajouter rapidement un commentaire à ce sujet. Cette situation influence les décisions d'investissement. Je dirais également que le Canada a et conserve des installations de production exclusive en Amérique du Nord. Nous ne les avons pas toutes perdues. Nous avons de très bonnes installations qui ont, elles aussi, de bonnes économies d'échelle. De grandes multinationales qui œuvrent partout dans le monde conservent des installations à production exclusive qui desservent les États-Unis et le Mexique. C'est toujours une menace. Vous devez examiner attentivement le cadre réglementaire. Du point de vue de notre industrie, je peux vous dire qu'il y a des règlements sur d'autres fronts qui ne sont pas cohérents avec ceux des États-Unis. C'est toujours une préoccupation. Nous aimerions une meilleure harmonisation.

Le sénateur Plett : Monsieur McAlpine, je crois que vous avez répondu à la question, mais j'aimerais faire un commentaire pour le compte rendu. Au cours des dernières années, le nombre d'inspecteurs a augmenté de façon nette entre 600 et 700. Toujours pour le compte rendu, pourriez-vous nous dire si vous êtes satisfait de l'orientation que nous empruntons pour ce qui est du processus d'inspection et du fait que, en effet, nous ne réduisons pas le nombre d'inspecteurs et que nous améliorons ce que nous faisions déjà?

Le sénateur Robichaud : Je peux répondre à cette question pour vous.

M. McAlpine : Nous sommes ravis de cet investissement. C'est très utile. C'est aussi important, parce que les Américains s'attendent à une présence continue dans nos installations et nous pouvons donc satisfaire leurs exigences, ce qui importe non seulement pour la salubrité alimentaire, mais aussi pour nos exportations. Nous apprécions beaucoup cela.

M. Harrison : Nous avons l'occasion de clarifier les choses et d'offrir, en particulier, une meilleure formation, ce que je trouve personnellement encourageant. Ce que l'industrie souhaite, c'est une certaine cohérence entre les bureaux régionaux de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Cela n'est pas seulement une question d'assurer une présence continue. Il est beaucoup plus important d'avoir des gens qui sont bien formés et qui sont capables d'appliquer les lois et les règlements de façon cohérente partout au pays.

Le président : Notre séance tire à sa fin et nous tenons à remercier les témoins. Comme nous l'avons vu, le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts continuera de veiller à ce que le projet de loi S-11 suive son cours et qu'il soit examiné avec équité et diligence par le gouvernement du Canada et tous les intervenants pour que nous puissions atteindre nos objectifs ultimes, c'est-à-dire que la loi donne à l'industrie des règles claires, cohérentes et directes en matière d'inspection et d'application de la loi pour qu'elle puisse s'acquitter de sa responsabilité d'offrir aux consommateurs canadiens, partout au pays, des aliments salubres.

Messieurs les témoins, nous vous remercions de vos commentaires.

(La séance est levée.)


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