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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 28 - Témoignages du 5 février 2013


OTTAWA, le mardi 5 février 2013

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 h 4, afin d'examiner, pour en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole (sujets : Les retombées des investissements fédéraux sur les acteurs de l'industrie d'un point de vue universitaire; et l'innovation dans le système agricole et agroalimentaire de la perspective des producteurs agricoles.)

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je m'appelle Percy Mockler. Je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et le président du comité. Je demanderais à mes collègues de bien vouloir se présenter.

Le sénateur Mercer : Terry Mercer, du nord d'Halifax.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Bonjour, je m'appelle Fernand Robichaud, je suis sénateur du Nouveau-Brunswick, à Saint- Louis-de-Kent.

[Traduction]

La sénatrice Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan.

La sénatrice Callbeck : Catherine Callbeck, de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Plett : Don Plett, du Manitoba.

La sénatrice Buth : JoAnne Buth, du Manitoba.

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de Toronto.

[Français]

Le sénateur Maltais : Bonjour, je m'appelle Ghislain Maltais, je suis un sénateur du Québec.

Le sénateur Michel Rivard : Bonjour, je m'appelle Michel Rivard, sénateur des Laurentides, Québec.

[Traduction]

Le président : Au nom des membres du comité, je tiens à profiter de l'occasion pour remercier nos deux témoins d'avoir accepté de venir nous faire part de leurs idées, de leurs recommandations et de leurs points de vue relativement au sujet de l'ordre de renvoi dont le comité est saisi, soit que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole. Le comité sera autorisé à examiner les efforts en matière de recherche et de développement, notamment en ce qui concerne le développement de nouveaux marchés domestiques et internationaux, le renforcement du développement durable de l'agriculture et l'amélioration de la diversité et de la sécurité alimentaires.

Nous accueillons aujourd'hui, de l'Université de la Saskatchewan, M. Reuben Mapletoft, professeur distingué, Département des sciences cliniques, Gros animaux, et Mme Sheila Schmutz, Département des sciences animales et de la volaille.

[Français]

Nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation.

[Traduction]

J'inviterais maintenant les témoins à faire leur déclaration et nous passerons ensuite aux questions des membres du comité. Mme Schmutz s'exprimera la première, suivie de M. Mapletoft.

Sheila Schmutz, Département des sciences animales et de la volaille, Université de la Saskatchewan : Merci de nous avoir invités. Nous vous en sommes reconnaissants. Si je ne m'abuse, vous avez reçu mes notes d'allocution. Je vais donc parler brièvement des trois sujets qui y figurent, en commençant par le bétail et le commerce avec l'Europe. Tandis que les négociations se poursuivent en vue de conclure un accord commercial entre le Canada et l'Union européenne, les possibilités commerciales avec l'Europe augmentent. Pour le moment, nous avons une mesure législative, la Loi sur la généalogie des animaux, dont les Canadiens peuvent être fiers. Au cours des dernières années, cette loi n'a peut-être pas été reconnue à sa juste valeur, mais elle permet au Canada de respecter des normes beaucoup plus élevées dans son commerce de bétail de race avec l'Europe, car l'Europe, contrairement à nos voisins du Sud, possède des lois semblables aux nôtres dans le domaine. Nous profitons donc d'une position favorable à cet égard.

L'autre point que j'aimerais aborder concerne l'administration d'hormones aux bovins qui nuit à notre commerce avec l'Europe. Des études menées grâce à de nouvelles technologies laissent entendre que ces hormones ou stimulateurs de croissance rendent la chair plus dure. Ce ne sont plus tous les parcs d'engraissement qui utilisent ces produits. La Nouvelle-Zélande et l'Australie ont mis en place des stratégies qui permettent d'ouvrir le marché européen à une partie de leur production bovine. Cela permet aux producteurs qui choisissent de ne pas administrer d'hormones à leurs bovins de profiter de ce nouveau marché.

Le deuxième sujet que j'aimerais aborder est ce que j'appelle l'agriculture urbaine. L'horticulture est considérée par bon nombre de gens comme étant une partie importante de l'agriculture en matière de production de fruits et légumes. Le prochain groupe de témoins vous parlera de la production fruitière à grande échelle. Pour moi, l'agriculture urbaine, c'est les jardins familiaux ou communautaires. Cette forme d'agriculture permet pendant l'été aux producteurs locaux de vendre et de distribuer des fruits et légumes frais aux habitants des collectivités éloignées, notamment dans le nord du pays, qui autrement n'auraient pas accès à ce genre de produits. Cela permet aux membres de ces collectivités d'améliorer leur santé. De plus, dans de nombreuses villes, la plantation d'arbres et l'embellissement urbain ne sont pas que des projets importants; ils contribuent à réduire notre empreinte environnementale, un dossier qui inquiète bon nombre de Canadiens.

L'augmentation du nombre d'animaux domestiques passe souvent inaperçue et on ne considère pas le fait de posséder un animal de compagnie comme étant un aspect de l'agriculture. Pourtant, de nombreuses études montrent que les propriétaires d'animaux de compagnie, notamment les personnes âgées, souffrent moins d'hypertension et de dépression et font plus d'activité physique. Chez les personnes âgées, ils semblent donc jouer un rôle important. Le mandat agricole devrait aussi inclure les animaux domestiques.

Le dernier sujet concerne le financement de la recherche. Vous seriez surpris si un universitaire venu témoigner ne vous disait pas qu'il est très satisfait de l'excellent travail du CRSNG et des autres organismes de financement au pays pour financer la recherche fondamentale et la recherche appliquée. J'aimerais vous raconter une histoire personnelle qui démontre que même les chercheurs ont parfois de la difficulté à différencier la recherche fondamentale de la recherche appliquée. J'ai grandi dans une petite ville, et non dans une ferme. Je n'ai pas de diplôme en agriculture, mais j'ai eu l'occasion d'étudier la génétique bovine avec l'aide de mes collègues, dont Reuben Mapletoft, et certains de mes élèves. Dans le cadre d'une de nos recherches fondamentales, nous avons étudié un gène nommé leptine, un gène important dans le cycle d'accumulation de gras. Celui-ci joue sur la rapidité avec laquelle le bétail accumule le gras. Je n'avais aucune idée des possibilités commerciales de ce gène. Je me suis dit que les éleveurs de bovins de race pourraient s'en servir pour faire une sélection de leurs bêtes en fonction des préférences des différents marchés : des bêtes maigres ou grasses. Un de mes étudiants à l'époque, Leigh Marquess, a créé une entreprise, Quantum Genetix, et utilise cette découverte d'une toute autre façon. De nombreux parcs d'engraissement achètent son produit et s'en servent pour trier leurs bêtes en fonction de leur génotype leptine. Cela les aide à orienter leurs bovins vers le marché qui convient le mieux. De son côté, Leigh a fait une contribution financière au laboratoire pour encourager la poursuite des recherches, somme qui a été égalée par le Programme coopératif de R-D en agriculture sous forme de subvention liée à l'industrie. En retour, la société de Leigh a profité d'un crédit d'impôt pour la RS-DE, ce qui lui a permis d'avoir les fonds nécessaires pour poursuivre ses activités de R-D et pour embaucher d'autres étudiants. Son entreprise a prospéré, ce qui me ramène au commerce avec l'Europe. Lors de la crise entourant le lin génétiquement modifié survenue il y a quelques années, le laboratoire de Leigh a été le premier au Canada à analyser le lin génétiquement modifié pour protéger notre commerce de lin avec l'Europe.

Merci beaucoup. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup. Monsieur Mapletoft, vous avez la parole.

Reuben Mapletoft, professeur distingué, Département des sciences cliniques, Gros animaux, Université de la Saskatchewan : Merci de m'avoir invité à témoigner. J'imagine que vous avez devant vous les notes que j'ai préparées. J'ai vérifié, et il me faudrait 27 minutes pour vous les lire. Par conséquent, je me suis dit qu'il serait peut-être préférable, par souci de brièveté, de souligner certains des points que je mentionne dans mon résumé et de peut-être en préciser quelques-uns.

J'aimerais d'abord aborder le point 3 : les recherches qui ont pour mission d'accroître la production alimentaire sont nécessaires, mais elles doivent aussi porter sur l'entreposage, le transport et la distribution de denrées. Il est nécessaire d'accroître la production alimentaire pour nourrir une population mondiale grandissante, et nous avons déjà fait beaucoup de progrès à ce chapitre, grâce à nos investissements en recherche agricole. Par exemple, la productivité dans les Prairies canadiennes a augmenté de 300 p. 100 au cours des 70 dernières années. À mon avis, nous en faisons déjà beaucoup grâce à nos investissements dans le secteur agricole. Cependant, nous devons mieux utiliser les aliments que nous produisons déjà.

Le point 4 : nous devons faire en sorte que les futurs efforts de recherche et les programmes de sélection et de gestion tirent parti des avantages naturels qu'offrent les ruminants en matière de production durable de viande et de lait. Des représentants de pays du tiers-monde m'ont dit que ce dont les habitants de ces pays ont vraiment besoin, c'est de plus protéines. Bon nombre de ces pays produisent déjà suffisamment d'hydrates de carbone. À cet égard, je crois que la viande, les œufs et le lait constitueront à l'avenir une partie importante des régimes alimentaires dans le monde. À ce chapitre, les ruminants — bovins, moutons et chèvres — joueront un rôle important. Ces animaux ont quatre estomacs. Leur système digestif s'appuie sur la fermentation microbienne, ce qui signifie qu'ils peuvent transformer un fourrage grossier de très faible qualité en protéine mangeable de haute qualité. Je crois que ce sera un facteur important.

Le point 5 : le gouvernement du Canada devrait investir davantage dans la R-D, surtout en agriculture. On rapporte que le taux de rendement des investissements en recherche agricole s'élève à environ 500 p. 100 sur 10 ans. Toutefois, ce genre de recherche semble être une priorité relativement faible. D'ailleurs, l'agriculture ne figure plus sur la liste des priorités du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie. Cela dit, le conseil prétend que les sujets de nature agricole cadrent dans plusieurs autres catégories, mais un fait demeure : l'agriculture n'est plus considérée comme une priorité.

Le point 6 : les subventions à la découverte du CRSNG sont la pierre angulaire de la recherche agricole, et leur financement devrait augmenter. Le CRSNG constitue la principale source de financement pour les chercheurs universitaires, plus particulièrement le Programme de subventions à la découverte du CRSNG. Pourquoi ces subventions sont-elles si importantes? Parce qu'elles permettent aux chercheurs de mener des recherches fondamentales motivées par la curiosité. De nos jours, la recherche est en majorité axée sur les résultats. Pourtant, c'est la curiosité et la volonté d'explorer l'inconnu qui nous permettent de faire des découvertes. Nous avons déjà dit que le Programme de subventions à la découverte du CRSNG doit être maintenu et que le montant des subventions doit être augmenté. Comme l'a souligné Mme Schmutz, les subventions dont son laboratoire a profité ont entraîné, entre autres, la création d'une nouvelle entreprise.

Le point 8 : le CRSNG doit accroître l'aide accordée pour la formation de travailleurs qualifiés. Les étudiants diplômés et les chargés de cours universitaires représentent l'avenir. Pourtant, le soutien financier qui leur est offert est insuffisant. Par conséquent, les plus intelligents et les plus doués se tournent vers d'autres professions qui leur offrent de meilleures possibilités. Certains quittent pour d'autres pays où ils peuvent développer leur carrière. Nous n'avons tout simplement pas assez de postes à offrir à nos nouveaux diplômés

Point no 9 : la bureaucratie et la paperasserie associées à la gestion des subventions à la recherche devraient être examinées. À l'Université de la Saskatchewan, les coûts administratifs de la recherche ont augmenté de plus de 300 p. 100 au cours des 10 dernières années. Dans les services de recherche seulement, le nombre d'employés est passé de 10 à 70 au cours des sept dernières années, et cela est attribuable en grande partie à la nécessité de se conformer aux exigences. Je ne veux nullement laisser entendre que les chercheurs ne doivent pas rendre des comptes, mais il demeure qu'ils doivent consacrer considérablement de temps et d'argent à ce processus.

Point no 10 : les initiatives de recherche visant les interactions entre les embryons et les pathogènes et s'appliquant au recours aux nouvelles techniques de reproduction devraient se poursuivre. Je discute de cela en détail dans le document, mais je dois ajouter que je viens d'apprendre que le dernier membre d'une jadis excellente équipe de recherche à Nepean est sur le point de prendre sa retraite et que le programme ne continuera pas. Les maladies constituent encore une importante préoccupation. Les échanges internationaux d'embryons sont un important facteur et l'application de nouvelles techniques de reproduction est extrêmement importante pour les programmes de sélection futurs. Je crois que nous devons continuer ce travail pour faire en sorte que les maladies infectieuses soient contrôlées grâce à nos techniques de procréation assistée.

Le dernier point, le point no 11, est le suivant : les agences de réglementation devraient prendre des mesures décisives, appuyées sur des preuves scientifiques, pour permettre l'entrée dans la chaîne alimentaire d'animaux produits au moyen de la procréation assistée.

Je veux parler précisément des animaux clonés et transgéniques. L'International Embryo Transfer Society, qui a étudié les animaux clonés, a conclu que la viande provenant d'un animal cloné ne présentait aucun risque pour la santé. De même, la Food and Drug Administration des États-Unis a effectué une étude critique et a déclaré que la viande et le lait provenant d'animaux clonés ne posaient aucun danger pour la santé. Pourtant, le Canada, après avoir étudié la question pendant plusieurs années, n'a toujours pas pris de décision. Il en va de même au sujet des animaux transgéniques. Le projet Enviropig mené à l'Université de Guelph a été annulé parce qu'il est peu probable que la descendance de l'animal en question soit acceptée dans la chaîne alimentaire en raison de l'absence de réglementation dans ce domaine. Je dirais que pour faire en sorte que le Canada continue d'être un chef de file sur le plan de l'application de ces techniques dans le cadre des programmes de sélection, les fonctionnaires responsables de la réglementation devront prendre des décisions difficiles.

Je vous remercie beaucoup.

Le président : Merci. Aux fins du compte rendu, j'aimerais mentionner que le sénateur Duffy vient de se joindre à nous.

Le sénateur Plett : Je vous remercie encore une fois tous les deux de comparaître devant nous aujourd'hui. Monsieur Mapletoft, il est malheureux que nous n'ayons pas pu entendre votre exposé de 27 minutes au lieu de votre résumé.

Je vais vous poser quelques questions. Je vais commencer par Mme Schmutz, si vous le permettez. J'aimerais discuter davantage de vos observations au sujet des hormones dans la viande des animaux. Je crois que vous avez affirmé que les Européens n'acceptent pas notre viande qui contient des hormones. Est-ce exact?

Mme Schmutz : Oui, monsieur le sénateur, c'est exact.

Le sénateur Plett : L'Australie et la Nouvelle-Zélande ont cessé l'utilisation d'hormones chez une partie ou l'ensemble des animaux?

Mme Schmutz : J'avais mis des liens menant à des documents, mais ils ne figurent malheureusement pas dans la copie papier que vous avez obtenue. L'Australie et la Nouvelle-Zélande ont mis en place des programmes qui prévoient que la proportion des animaux qui n'ont pas reçu d'hormones peut être exportée en Europe. Ils n'ont pas réussi à convaincre leurs producteurs de cesser complètement l'utilisation d'hormones. Au Canada, nous semblons avoir décidé que, parce que certains de nos producteurs utilisent des hormones, aucun producteur n'aura accès au marché européen. Nous n'avons pas vraiment été plus loin.

Le sénateur Plett : Alors nous n'exportons pas de viande en Europe?

Mme Schmutz : Nous n'exportons pas de bœuf en Europe.

Le sénateur Plett : Il est strictement question de bœuf.

Mme Schmutz : Il est strictement question de bœuf, à ma connaissance.

Le sénateur Plett : Pouvez-vous me dire pourquoi nous ne faisons rien à cet égard?

Mme Schmutz : Les propriétaires de parcs d'engraissement, d'après ce que je sais, diraient qu'il est dans leur intérêt de produire des animaux aussi gros que possible et le plus rapidement possible. Ils estiment que les hormones leur permettent d'y parvenir. Même si les hormones entraînent des coûts supplémentaires, ils maintiennent qu'il est rentable pour eux d'y avoir recours. Ils admettent que les hormones rendent la viande plus coriace, mais ils font valoir qu'ils ne sont pas payés pour la tendreté de la viande, mais plutôt pour son poids.

Le sénateur Plett : À mon avis, la viande est assez bonne au Canada, mais peut-être que si je mangeais de la viande provenant de l'Australie, je trouverais qu'elle est meilleure, mais je n'en suis pas certain. Nous avons de toute évidence un marché suffisant, car si ce n'était pas le cas, ne serions-nous pas portés à agir?

Mme Schmutz : Je ne suis pas économiste, alors je ne veux pas trop m'avancer, mais, d'après ce que je comprends, à mesure que la valeur de notre dollar a augmenté, notre part du marché américain, qui est le plus important, a diminué. Les États-Unis voulaient importer notre bœuf surtout lorsqu'il coûtait moins cher, mais maintenant qu'il coûte presque autant que le leur, ils appuient bien entendu leurs propres producteurs en premier lieu. Nous avons donc perdu une portion considérable de notre part du marché américain. C'est sans compter la crise de l'ESB d'il y a quelques années, dont l'industrie ne s'est pas encore totalement relevée.

Le sénateur Plett : Cela pourrait encourager certains propriétaires de parcs d'engraissement à changer d'avis.

Mme Schmutz : Peut-être.

Le sénateur Plett : Madame, je n'ai jamais entendu dire auparavant que les animaux de compagnie devraient faire partie de l'agriculture. Je me trompe peut-être, mais je pensais que tout ce qui fait partie de l'agriculture est destiné à la consommation. Je suis certain que ce n'est pas ce que vous prônez. Comment les chats et les chiens peuvent-ils faire partie de l'agriculture?

Mme Schmutz : Si nous disons que les arbres et les fleurs font partie de l'horticulture, qui elle fait partie de l'agriculture, on pourrait faire l'analogie avec le cheval, que nous ne mangeons pas beaucoup au Canada, quoique certaines personnes consomment de la viande de cheval, comme le font largement les Français. Les chevaux sont maintenant considérés comme des animaux de compagnie, au même titre que les chiens et les chats. Un département de biologie au sein d'une université étudie les animaux sauvages, mais il n'étudie pas vraiment les animaux de compagnie, qui sont également domestiqués. De nombreuses écoles d'agriculture dans le monde ont élargi leur mandat pour inclure tous les animaux domestiqués, y compris les chats, les chiens et les chevaux, et pas seulement les bovins, les porcs et la volaille.

Le sénateur Plett : Je vous remercie pour votre réponse. Je ne suis pas certain que nous soyons sur la même longueur d'onde, mais je vous remercie.

Monsieur Mapletoft, j'ai deux questions à vous poser. Vous avez dit que la priorité est d'effectuer de la recherche en vue d'accroître la production alimentaire, mais qu'il faut aussi se pencher sur l'entreposage, le transport et la distribution des denrées. N'est-ce pas ce que nous faisons?

M. Mapletoft : J'ai souligné ce point parce que dans le monde aujourd'hui, on produit probablement suffisamment de nourriture pour nourrir 9 milliards de personnes, et pourtant, on nous répète sans cesse que nous gaspillons environ la moitié de cette nourriture. Je conviens qu'il faut accroître la production parce que la population mondiale augmente, mais il faut aussi mieux utiliser ce que nous produisons actuellement. Les investissements qui ont été faits en agriculture ont été fructueux au cours des 50 dernières années; la production actuelle nous le prouve.

Le sénateur Plett : Très bien. Je n'ai pas tout lu votre document, mais j'espère être en mesure de le lire au complet. Vous avez dressé une liste de recommandations. Je vais faire une observation plutôt que vous poser une question. Pour chacune des recommandations, il n'y a rien de vraiment précis. Vous dites que le Canada devrait investir davantage, qu'il faudrait augmenter le soutien financier, notamment pour la formation, mais vous ne mentionnez aucun pourcentage, aucun chiffre, il n'y a aucune précision. Je suis certain que vous avez des idées plus précises, et peut-être que votre document donne davantage de détails.

M. Mapletoft : Je pense bien que le document contient beaucoup plus d'information sur chacun de ces points. Ce n'est qu'un résumé de chaque section de mon document. Je dois vous avouer que j'ai rédigé ce document alors que j'étais en Europe. Je n'avais donc pas accès à certains renseignements que je voulais obtenir à ce moment-là. J'ai d'ailleurs mentionné durant mon exposé certains éléments qui ne figurent pas dans mon document. Je dispose maintenant sans doute de plus d'information qu'au moment où j'ai rédigé le document.

Le sénateur Plett : Permettez-moi de dire, avec l'accord du président, que, si vous possédez certains chiffres, nous aimerions que vous nous les transmettiez par l'entremise du greffier. Le président serait sans doute favorable à cela. Je vous remercie beaucoup.

Le sénateur Mercer : Je vous remercie tous les deux d'être ici. Vos exposés ont été très instructifs. Je suis désolé que nous n'ayons pas pu écouter tout votre exposé de 27 minutes, car je suis certain que nous en aurions appris davantage. J'aime bien que vous ayez mentionné une douzaine de points, et j'aimerais vous poser des questions au sujet de quelques-uns d'entre eux.

Au troisième point, vous dites que les recherches qui ont pour mission d'accroître la production alimentaire doivent aussi porter sur l'entreposage, le transport et la distribution de denrées. J'aimerais savoir si des recherches approfondies sont menées sur l'entreposage et le transport. Je siège aussi au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, et, dans le cadre de nos travaux, nous avons discuté du transport de conteneurs partout au pays. On nous a expliqué que la disponibilité du bon mode de transport au bon moment et au bon endroit constitue une importante difficulté dans le domaine de l'agriculture. Quand une récolte de la Saskatchewan doit être envoyée au port de Vancouver ou d'Halifax, si les conteneurs ou les trains ne sont pas là au bon moment, la qualité des denrées se détériore à mesure que le temps s'écoule. Faites-vous valoir que la recherche universitaire devrait porter là- dessus également?

M. Mapletoft : Je dois avouer que je ne suis pas un spécialiste de ce domaine, alors j'exprimais davantage une opinion, mais je voulais surtout souligner que nous devons mieux utiliser ce que nous produisons actuellement. C'est un des aspects que j'estime important.

Le sénateur Mercer : Je pense que votre commentaire au sujet du fait que nous gaspillons la moitié de la nourriture qui est produite dans le monde est très pertinent. On prévoit que la population mondiale atteindra 9 milliards de personnes, et nous devrons nourrir tous ces gens.

Au point no 9, vous dites que la bureaucratie et la paperasserie associées à la gestion des subventions à la recherche devraient être examinées. Vous avez mentionné qu'au cours des dernières années, le nombre de personnes affectées à ce travail est passé de 10 à 70. Je présume, puisque j'ai passé une partie de ma carrière à essayer de trouver du financement pour les divers organismes pour lesquels j'ai travaillé, qu'il existe un processus d'examen par les pairs en ce qui concerne les demandes de subventions. Est-ce que c'est cet examen par les pairs qui constitue le problème? Ou bien est-ce que le problème se trouve quelque part entre ce processus et l'université? Quelqu'un a une idée de recherche et prépare une proposition qu'il considère valable. Ensuite, les pairs qui procèdent à l'examen estiment également qu'il s'agit d'une proposition valable, mais il se peut que par après bien des gens souhaitent que des exigences qui peuvent ou non être nécessaires soient respectées.

M. Mapletoft : Ce n'est pas ce que je voulais laisser entendre. Le problème concerne la gestion des subventions en tant que telles.

Dans mon document, je mentionne que les subventions à la découverte du CRSNG comportent relativement peu de bureaucratie, ce qui plaît aux chercheurs. Une fois qu'ils ont obtenu la subvention, ils peuvent se mettre au travail. Ils ont cinq ans pour obtenir des résultats, à défaut de quoi, ils doivent réorienter leur recherche. Le problème est essentiellement lié à la gestion des subventions au niveau local.

Le sénateur Mercer : Vous voulez dire l'université?

M. Mapletoft : Oui.

Le sénateur Mercer : C'est un problème qui concerne les universités et non pas le gouvernement ou l'organisme subventionnaire.

M. Mapletoft : C'est un problème qui appartient au gouvernement parce que c'est lui qui nous demande de respecter certaines exigences. Par exemple, pour certaines subventions, il faut présenter un rapport d'étape tous les six mois. On passe tout notre temps à préparer des rapports d'étape au lieu de faire de la recherche.

Le sénateur Mercer : Je suis préoccupé par une chose que vous nous avez mentionnée au sujet du CRSNG, et je me demande si l'organisme vous a donné des explications. Pourquoi est-ce que l'agriculture ne figure plus dans les priorités du CRSNG? Vous a-t-il expliqué pourquoi?

M. Mapletoft : Je dois dire que je ne le sais pas. Mme Schmutz a siégé à certains comités du CRSNG et elle pourrait peut-être nous éclairer. Il semble que d'autres domaines soient devenus prioritaires. Les priorités changent de temps à autre et c'est peut-être pour cette raison.

Avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Schmutz : Tout ce que je peux dire, c'est que le programme stratégique du CRSNG compte normalement cinq domaines clés, et, comme M. Mapletoft l'a précisé, ces domaines changent de temps à autre. Nous étions tous les deux connus à une époque comme étant des chercheurs dans le domaine de la biotechnologie, qui a compté parmi ces domaines clés pendant probablement 10 ou 15 ans, mais ce n'est plus le cas maintenant. Je n'ai pas suivi assez bien le programme stratégique pour vous dire à quel moment l'agriculture a été supprimée de la liste.

Le sénateur Mercer : Monsieur le président, ce serait peut-être une bonne idée d'inviter à un moment donné des représentants du CRSNG afin de discuter avec eux de cette question précise.

Madame Schmutz, vous avez dit que certains stimulateurs de croissance actuellement administrés aux bovins de boucherie rendent leur chair plus dure. Nous avons ici des deux côtés de la table de grands consommateurs de bœuf. La plupart d'entre nous estiment que la majeure partie de la viande de bœuf que nous consommons est assez tendre. C'est ce que vous avez dit, alors je présume qu'une étude scientifique a permis de déterminer que l'utilisation d'hormones de croissance rend la viande plus dure.

Mme Schmutz : C'est exact, monsieur le sénateur. Je le répète, au lieu de mettre des chiffres dans mon document, j'ai plutôt mis des liens qui mènent à des documents de référence. J'ai consulté quelques-uns de mes collègues au sujet de cette étude. J'ai visité le département de la science des viandes de l'Université A&M du Texas, qui a mené cette étude. Il semble qu'il y ait suffisamment de preuves pour affirmer que le zilpaterol, qui est le stimulateur de croissance le plus utilisé actuellement, rend effectivement la viande plus dure. Cela ne signifie pas pour autant que la viande n'est pas de bonne qualité. Je dis seulement qu'elle pourrait être meilleure si nous n'utilisions pas ce stimulateur de croissance.

Le sénateur Mercer : Si nous sommes en concurrence avec des pays qui n'utilisent pas de stimulateurs de croissance, alors nous pouvons présumer que leur bœuf est plus tendre.

Mme Schmutz : Oui. Par exemple, certaines usines de transformation de la viande ou certains abattoirs ont décidé d'acheter du bœuf de meilleure qualité plutôt que d'acheter de grandes quantités de bœuf. Ces usines de transformation ont dit à leurs acheteurs qu'ils ne veulent pas de bovins qui ont reçu du zilpaterol parce qu'elles ont remarqué elles- mêmes que la qualité de la viande n'était pas aussi bonne.

Le sénateur Robichaud : Quelle est la proportion de bétail qui reçoit des hormones par rapport à celle qui n'en reçoit pas?

Mme Schmutz : J'ai fait beaucoup de recherches afin de pouvoir vous fournir un chiffre. C'est certainement plus de la moitié du bétail, mais je ne saurais préciser s'il s'agit des deux tiers ou des trois quarts, car bon nombre des plus petits parcs d'engraissement ne se servent pas d'hormones. Les parcs d'engraissement plus importants, cependant, qui disposent d'un système de gestion très perfectionné, ont davantage tendance à en utiliser, mais ils ne souhaitent pas forcément en parler.

M. Mapletoft : Permettez-moi d'intervenir. Il faut se souvenir que les implants anabolisants et les suppléments de croissance regroupent en fait de nombreux produits. Il y a les hormones stéroïdes et métaboliques, ainsi que les aliments complémentaires. C'est toute une gamme de produits. Comme le professeur Schmutz l'a indiqué plus tôt, pendant de nombreuses années, notre produit était destiné au marché américain et nous avons donc fourni ce que les Américains recherchaient. Nous avons perdu ce marché et nous cherchons maintenant d'autres débouchés.

À mon avis, les Européens se sont servis des implants d'hormones stéroïdes pour créer un obstacle commercial non tarifaire, et nous devons nous y faire. La Nouvelle-Zélande a dû arrêter de traiter ses vaches laitières aux hormones stéroïdes, car les Européens refusaient d'acheter leur lait. C'est une question fort complexe.

[Français]

Le sénateur Rivard : Docteur Mapletoft, j'ai eu l'occasion de lire votre mémoire, et je voudrais attirer votre attention sur le dernier paragraphe, lorsque vous parlez du problème concernant la salubrité des aliments, spécialement concernant le vaccin contre le E. coli 0157. Vous déplorez le fait que ce vaccin n'est pas obligatoire.

Existe-t-il une étude économique qui démontrerait le coût additionnel, au gramme ou à la livre, si ce vaccin était obligatoire? Car il faut bien se rappeler que, en bout de ligne, c'est le consommateur qui paie. Si on rendait obligatoire ce vaccin, est-ce que cela augmenterait le coût de production ou le prix de vente, et selon quel pourcentage? Y a-t-il une étude économique qui le montre?

Dans votre rapport, au dernier paragraphe, dans vos 12 recommandations — vous vous êtes arrêté à 11 tantôt —, cela pourrait peut-être faire partie de la douzième. Pour ma part, je trouve que cela aurait dû être la première ou deuxième recommandation, plutôt que la douzième.

[Traduction]

M. Mapletoft : Tout d'abord, merci beaucoup de l'avoir lu.

Mon avis est mitigé sur ce dernier point. La salubrité des aliments est bien sûr extrêmement importante. J'ai indiqué dans mon mémoire que j'agis en tant que consultant pour la société qui a mis au point le vaccin, et j'hésite pour cette raison-là à le recommander. Au final, j'ai proposé une politique sur la salubrité des aliments, dans laquelle figurerait probablement le vaccin. Il faut tenir compte de bien d'autres facteurs en plus.

Quant aux coûts, je ne me suis pas vraiment penché sur cette question et j'ignore si une étude a été faite à ce sujet, mais je peux vous dire rapidement que le vaccin ajouterait probablement de 25 $ à 30 $ aux coûts de production d'un bovin. Ce n'est pas beaucoup si l'on tient compte des enjeux de la salubrité.

La sénatrice Merchant : Docteur Mapletoft, vous venez de répondre à la question que j'allais vous poser sur les douze points que vous avez soulevés. Je m'adresserai maintenant à Mme Schmutz.

Je m'intéresse aux chiens. Vous effectuez des recherches sur les chiens et vous indiquez qu'il s'agit d'un animal qui contribue à la qualité de vie d'une population vieillissante. Vous dites que les chiens ont un effet salutaire sur la vie des gens. Ma question porte sur la recherche que vous effectuez à l'Université de la Saskatchewan. Il est certes bon d'avoir des chiens en santé, mais il y a des chiens qui ont des tares génétiques, telles que la dysplasie de l'articulation de la hanche et des problèmes oculaires. Votre recherche porte-t-elle sur ce genre de tares? J'aimerais aborder deux ou trois points. Le commerce des chiens est-il un facteur? Je sais que les Japonais aiment les chiens bergers Shetland, car c'est une race petite et facile d'entretien. Les chiens représentent-ils un avantage sur le plan commercial? Travaillez-vous sur la race de chien de chasse Munsterlander?

Mme Schmutz : En fait, ma recherche porte sur un aspect qui est important pour le commerce, mais qui n'a pas de lien avec la santé. Il s'agit de la couleur de la robe, qui peut sembler bizarre. La Loi sur la généalogie des animaux prévoit certaines normes en ce qui concerne la couleur de la robe de nombreuses races de chien. Certains chiens, tels que les doberman pinschers, ont des problèmes de santé liés à des allergies cutanées, allergies causées par la mutation génétique qui donne lieu à une des couleurs de leur robe ainsi qu'à des problèmes de santé secondaires. Je me penche sur cette question dans le cadre de nos recherches sur la pigmentation, dont une application a été commercialisée. Un laboratoire de Toronto offre nos tests de dépistage, tout comme de nombreux laboratoires du monde, y compris aux États-Unis, en Europe et en Australie. Je n'ai jamais fait breveter ces tests, qui bénéficient maintenant d'une grande application, mais je suis heureuse qu'on les utilise. Les propriétaires de chiens sont d'avis que ces tests de dépistage sont utiles.

Le commerce concerne les tests et les laboratoires qui les vendent. Certains pays participent au commerce des chiens, mais je ne connais pas très bien ce marché. La Loi sur la généalogie des animaux nous protégera. Le chien de race que moi-même et mon mari nous élevons, le grand épagneul de Munster, comme vous l'avez mentionné, est conforme aux exigences de la loi, tout comme les chiens élevés en Europe. Nous ne pourrions pas obtenir de chiens reproducteurs de qualité en Europe si nous ne disposions pas d'une telle loi, et nous sommes prêts à la respecter.

La sénatrice Eaton : Madame Schmutz, si le Canada conclut un accord de libre-échange avec l'UE, il sera intéressant d'en observer les effets. Il se peut que les agriculteurs canadiens refusent d'utiliser des hormones de croissance et d'autres stimulants dans ce genre. Pensez-vous que c'est possible? La pression du marché sera telle que ces produits seront abandonnés?

Mme Schmutz : Je ne suis pas convaincue que l'on abandonnera ces produits. Je propose l'adoption d'un mécanisme qui permettrait de certifier les producteurs qui n'en utilisent pas afin que ces derniers puissent vendre leurs produits sur le marché européen. Même s'il n'y a que le quart des éleveurs qui n'utilisent pas ces produits, le marché européen pourra représenter un marché intéressant. Et si certains producteurs réussissent à pénétrer ce marché, d'autres seront peut-être encouragés à les suivre.

La sénatrice Eaton : Il faudrait que nous ayons un processus de certification, comme celui qui existe pour les aliments transgéniques.

Mme Schmutz : Oui. L'Australie et la Nouvelle-Zélande utilisent surtout des hormones de croissance, mais ces pays ont un programme de certification gouvernemental qui permet aux producteurs qui n'en utilisent pas de vendre leurs produits sur le marché européen.

La sénatrice Eaton : Il nous faut un programme de certification.

Mme Schmutz : C'est ce que je recommanderais.

La sénatrice Eaton : C'est une recommandation qui pourrait figurer dans notre rapport.

Docteur Mapletoft, vous avez indiqué qu'il est difficile d'attirer les jeunes vers l'agriculture. Faut-il tenter de changer la perception des gens vis-à-vis de l'agriculture? De nos jours, les universités nous martèlent la nécessité d'étudier les sciences et les mathématiques. Or, une bonne partie des activités liées à l'agriculture, aux recherches dans ce domaine ainsi qu'à l'horticulture sont de nature scientifique. Faut-il essayer de rendre l'agriculture plus séduisante? Les gens se rendent-ils compte que l'agriculture, ce n'est pas les travaux de la ferme comme il y a cent ans — beaucoup de travail manuel, un savoir transmis d'une génération à l'autre, sans fondement scientifique?

M. Mapletoft : Je crains que vous n'ayez mal compris. Je parlais justement de la science. Nos meilleurs espoirs quittent le domaine scientifique tout court.

La sénatrice Eaton : Donc, ce sont toutes les sciences, et non seulement l'agriculture. Pardon.

M. Mapletoft : Je vous affirme cependant que le domaine a du sex-appeal.

La sénatrice Eaton : Ma question ne s'applique plus. Passons à autre chose.

L'UE permet-elle des animaux clonés ou transgéniques dans sa chaîne alimentaire?

M. Mapletoft : Cette question fait actuellement l'objet d'une étude, mais pour l'instant ce genre de produit n'est pas autorisé.

La sénatrice Eaton : L'Inde, le Japon ou encore la Corée autorisent-ils ce genre de produit? J'essaie de songer à des marchés prospectifs avec lesquels nous essayons de conclure des accords commerciaux.

M. Mapletoft : Je ne saurais vous répondre. Je crois que non. Les États-Unis étaient probablement le premier pays à autoriser les animaux clonés. Nous entretenons des discussions avec les États-Unis au sujet du saumon transgénique. Une fois que la décision aura été prise, elle créera un précédent.

La sénatrice Eaton : Seriez-vous à l'aise de manger du saumon transgénique?

M. Mapletoft : Oui. Nous mangeons des végétaux transgéniques depuis 30 ans déjà. Pourquoi les animaux seraient-ils différents?

La sénatrice Eaton : Je ne suis pas sûre.

Le sénateur Plett : Quels sont les domaines qui attirent les étudiants au détriment des sciences?

M. Mapletoft : Les affaires. Mon fils a un doctorat en immunologie, et il s'est lancé dans le monde des affaires. Les étudiants deviennent vétérinaires et continuent d'exercer cette profession. Les sciences n'aboutissent pas sur une carrière facile ni très intéressante sur le plan financier. De plus, bon nombre de nos étudiants de troisième cycle sont allés dans des pays comme la Nouvelle-Zélande pour y trouver des emplois dans le domaine de la recherche, car ce genre d'emploi n'existe pas au Canada. La question est complexe. Je vous dirais que c'est le monde des affaires en particulier qui nous vole nos meilleurs espoirs.

Mme Schmutz : Pour ce qui est des étudiants du premier cycle, je suis heureuse d'annoncer qu'au cours des trois dernières années, le nombre d'étudiants inscrits en agriculture au Canada a grimpé de façon dramatique. La sénatrice Eaton a fait un commentaire tout à fait pertinent sur le changement des perceptions quant à la nécessité d'étudier davantage les sciences. Je suis entièrement d'accord qu'au niveau des études supérieures, c'est un problème. Toutefois, je suis encouragée par le nombre de jeunes gens intelligents qui poursuivent des études en agriculture. À notre université, nous avons un problème dans le sens que nous n'avons pas suffisamment d'espace pour leur enseigner : en fait, nous voyons ce problème d'un bon œil.

Le sénateur Robichaud : Vous avez indiqué dans votre exposé qu'il existe plusieurs nouvelles technologies de reproduction assistée, dont le clonage. Pouvez-vous nous expliquer quels en sont les avantages? C'est un processus artificiel, n'est-ce pas? Ce n'est pas naturel.

M. Mapletoft : Pour vous répondre de façon très simple, les jumeaux monozygotes, les vrais jumeaux, sont des clones, et c'est un processus naturel.

Lors de la réunion de la Société internationale de transferts d'embryons qui vient d'avoir lieu en Europe, il y a eu une séance où les représentants des diverses régions du monde ont parlé de ce qui allait se passer dans un avenir proche. Le représentant de l'Europe a décrit une vision très intéressante.

Les scientifiques font tout au laboratoire. Ils procèdent au clonage, produisent des embryons à partir de cellules souches et effectuent des transferts transgéniques. Ces activités se poursuivent au laboratoire jusqu'à ce que les scientifiques obtiennent le profil génétique recherché : on en produit ensuite un animal. Je ne vous dis pas que c'est un fait accompli. C'est ce que ces scientifiques prévoient. C'est le genre d'activités que nous verrons probablement à l'avenir.

Le sénateur Robichaud : Pourquoi en avons-nous besoin? Pourquoi ne pas tout simplement continuer à produire comme nous le faisons actuellement. Quels en seraient les avantages pour l'agriculture en général?

M. Mapletoft : Lorsqu'on produit un animal à partir d'un embryon doté d'un profil génétique particulier, on peut se servir de techniques de clonage pour en accroître les nombres. Ce serait probablement l'application primaire, que l'on peut réaliser au laboratoire. Il ne faut pas forcément produire des animaux clonés.

Le taureau Starbuck a été produit dans le but d'accroître la production de semence à partir du taureau Starbuck original. Ce n'est pas forcément une mauvaise idée, mais les représentants du secteur laitier nous indiquent que le domaine génétique évolue tellement rapidement qu'à partir du moment où l'on produit un clone, le profil génétique est déjà probablement dépassé.

Il s'agit plutôt d'une technique de laboratoire que l'on peut utiliser, parmi d'autres, en vue d'améliorer le matériel génétique.

Le sénateur Robichaud : Merci.

La sénatrice Buth : Merci beaucoup d'être venu. Les discussions sont fort intéressantes. J'aimerais continuer sur le sujet du clonage. Si j'ai bien compris, vous nous dites que les animaux clonés nous permettent d'obtenir des améliorations. Si l'on a un animal qui affiche une forte production laitière ou encore donne une excellente viande, le clonage de cet individu nous permettra de modifier le profil génétique et d'obtenir davantage d'animaux qui présentent des caractéristiques améliorées sur le plan de la production laitière, et ainsi de suite.

M. Mapletoft : Oui, c'est cela. Le clonage en lui-même ne constitue pas une amélioration génétique. Il nous permet tout simplement de reproduire un profil qui existe déjà dans la nature. On reproduit ce qui existe déjà.

La sénatrice Buth : Je m'intéresse à vos propos sur les divers pays qui se penchent sur le clonage et sur l'inclusion des animaux clonés dans la chaîne alimentaire.

Je crois qu'il y a beaucoup de fausses notions en ce qui concerne la salubrité des aliments et ce que nous produisons artificiellement. J'ai beaucoup d'expérience dans le domaine du canola transgénique. Dans ce secteur, il y a toujours eu un problème lié à la réaction immédiate du grand public, découlant habituellement de l'énorme quantité de désinformation provenant de certains groupes voulant qu'un certain aliment ne soit pas salubre.

Je me demandais si vous pouviez nous parler de l'aspect scientifique et des perceptions, car il est évident que vous avez une certaine expérience dans le domaine des technologies liées aux embryons.

M. Mapletoft : Vous avez raison. J'aurais peut-être dû vous parler d'un autre aspect, c'est-à-dire l'éducation. La désinformation semble être mieux acceptée que l'information scientifique. Il y a bien sûr des groupes d'intérêts spéciaux et des radicaux qui fournissent des renseignements erronés au public, mais je ne crois pas que nous devrions prendre des décisions en nous fiant à leurs propos. Nos décisions devraient reposer sur des données scientifiques. Si je pouvais vous faire une recommandation, ce serait justement cela. C'est le problème auquel nous sommes confrontés actuellement en ce qui concerne les animaux transgéniques et clonés.

Les données scientifiques nous indiquent qu'il n'y a pas de raison de s'inquiéter, et pourtant nous hésitons à aller de l'avant en raison de la désinformation qui circule parmi le grand public.

La sénatrice Buth : Merci beaucoup.

J'aimerais revenir à la question des hormones et aussi à la désinformation.

Vous aviez raison, monsieur Mapletoft, lorsque vous avez dit que l'Union européenne en faisait une barrière commerciale.

Pouvez-vous nous dire quels sont les pays qui utilisent des hormones et quels sont les pays qui acceptent les bovins élevés aux hormones, et ensuite en faire la comparaison avec les pratiques actuelles de l'Union européenne?

Mme Schmutz : À ce que je le sache, le Canada et les États-Unis utilisent des stimulants de croissance dans une grande proportion de leurs bovins à viande. La Nouvelle-Zélande utilise ces produits dans une plus petite proportion, tout comme l'Australie. Il ne reste plus tellement de pays producteurs de bovins à viande après ceux-ci.

Il y a certes un secteur d'élevage bovin en Amérique du Sud, mais la production de viande bovine en Europe est davantage liée à la production laitière. Bon nombre des mâles qui ne servent pas à la production laitière sont destinés à la boucherie. Les Européens n'ont pas vraiment de système de parcs d'engraissement comme les nôtres. C'est peut-être également en raison d'une différence dans les mentalités, mais les Européens ont rejeté l'utilisation d'hormones dans les vaches laitières. À moins que je ne me trompe, aucun pays européen ne se sert de ces hormones. M. Mapletoft voyage davantage en Amérique du Sud que moi, et il se peut qu'il connaisse mieux la réglementation de cette région. Mes connaissances se résument à cela.

La sénatrice Buth : Dans les pays producteurs de bœuf comme le Canada, les États-Unis, l'Australie et la Nouvelle- Zélande, a-t-on effectué des recherches sur les hormones? Leur sécurité a bien été attestée?

Mme Schmutz : Sur le plan de l'éducation, leur sécurité a été attestée, mais là encore, il est possible d'aborder la question d'une autre façon. Certaines des hormones qui s'infiltrent dans les aquifères situés près des grands parcs d'engraissement pourraient s'avérer un problème, si elles ont un effet oestrogénique ou androgénique. Les stimulants de croissance dont je vous ai parlé représentent moins de risques. Nous savons que si l'on donne accidentellement certaines hormones à des vaches destinées à la reproduction, celles-ci deviennent stériles. Ces hormones ont un effet énorme sur un animal. Il y a un groupe de scientifiques qui affirmeront que la viande est bel et bien salubre, mais d'autres scientifiques contesteront que l'utilisation de ces hormones est tout à fait sans incidence sur l'environnement.

La sénatrice Buth : Merci beaucoup.

M. Mapletoft : J'allais faire une observation sur l'Amérique du Sud, où je passe beaucoup de temps. Je crois que l'Amérique du Sud bénéficie d'un traitement privilégié de la part de l'Union européenne à bien des égards, notamment en ce qui concerne le soja.

Bien sûr, les Européens sont fortement opposés aux végétaux transgéniques, mais le Brésil et l'Argentine produisent du soja transgénique et le vendent en Europe sans problème. De nombreux problèmes n'ont pas forcément une base scientifique.

Le sénateur Mercer : J'aurais une brève question supplémentaire pour boucler la boucle en quelque sorte. L'Argentine et le Brésil figurent parmi nos principaux concurrents dans l'industrie bovine. Est-ce que ces pays permettent l'utilisation de stimulateurs et d'hormones de croissance, et est-ce que cela limite leur capacité d'exportation vers l'Europe?

M. Mapletoft : Je ne peux vraiment pas vous répondre; je l'ignore. Ces pays ont d'autres problèmes liés aux exportations. Le gouvernement argentin ne permet pas que le bœuf soit exporté, car on veut qu'il puisse être vendu à bas prix au pays. À ma connaissance, on n'utilise pas là-bas de stimulateurs de croissance.

Le sénateur Mercer : Peut-être pourrions-nous demander à notre attaché de recherche de voir s'il peut le déterminer.

Le président : Oui. Nous pouvons également soumettre la question à nos témoins qui pourront nous répondre par l'entremise de notre greffier.

La sénatrice Callbeck : Madame Schmutz, dans votre exposé tout comme dans le document que vous nous avez remis au préalable, vous parlez de la leptine, de la recherche que vous avez menée et du fait que certains parcs d'engraissement l'utilisent maintenant. Dans quelle mesure sont-ils nombreux à s'en servir?

Mme Schmutz : Il y a près de Brooks, en Alberta, un véritable « couloir d'engraissement » où l'on trouve la plus forte concentration de parcs au Canada. Plus de la moitié du bétail au pays est engraissé là-bas, et seulement la moitié des parcs de ce secteur utilisent la leptine.

Aux États-Unis, le plus grand parc d'engraissement est celui de Cactus Feeders au Texas qui l'utilise également. Dans l'État de Washington, plusieurs parcs d'engraissement s'en servent aussi.

Dans l'ensemble du marché, la proportion est sans doute encore inférieure à 20 p. 100. Encore là, les petits parcs ne se tournent pas vers la technologie aussi rapidement que les très grandes installations. La proportion d'utilisateurs est sans doute plus forte dans ces grands parcs, mais, tout bien considéré, cela m'étonnerait que quiconque l'utilise dans votre région.

La sénatrice Callbeck : Si l'on s'en tient seulement aux parcs d'engraissement de plus grande taille, quelle serait la proportion approximative d'utilisateurs, si vous dites qu'elle se situe à environ 20 p. 100 dans l'ensemble?

Mme Schmutz : Dans le couloir d'engraissement de l'Alberta, la leptine est utilisée par environ 50 p. 100 des grands parcs d'engraissement. Au Texas, la proportion serait de 100 p. 100, mais ce n'est pas vraiment significatif, car à peu près tous les parcs appartiennent au même propriétaire.

La sénatrice Callbeck : Pourquoi les grands parcs d'engraissement albertains ne sont-ils pas plus nombreux à l'utiliser?

Mme Schmutz : Je suppose qu'ils ont déterminé que les avantages économiques n'étaient pas suffisants compte tenu des frais associés au système de tests qu'ils doivent mettre en place. Il est possible aussi que certains vendent leurs bêtes à des abattoirs qui font de la production de masse, plutôt que de qualité. Les différents parcs d'engraissement approvisionnent généralement certains abattoirs en particulier, ceux-ci ayant des besoins qui peuvent varier. Si vous faites surtout de la production de masse pour un abattoir qui ne paie pas davantage pour la qualité ou utilise des grilles de prix, il n'est pas nécessairement avantageux que votre parc utilise la leptine.

La sénatrice Callbeck : Combien de temps a-t-il fallu pour que des parcs d'engraissement appliquent les résultats de vos recherches en laboratoire?

Mme Schmutz : Il a fallu au moins 10 ans pour que les premiers parcs commencent à utiliser la leptine, et il y a maintenant plus de 15 ans que nous avons amorcé notre recherche.

La sénatrice Callbeck : Que pourrait-on faire pour raccourcir le temps qui s'écoule entre la découverte en laboratoire et l'utilisation à proprement parler?

Mme Schmutz : Comme je l'avoue dans mon rapport, l'une de nos découvertes s'est soldée par un échec. Le problème vient notamment du fait que les recherches menées dans un cadre restreint apparaissent souvent fort prometteuses, mais qu'il faut progresser petit à petit en testant le produit dans quelques grands parcs d'engraissement de différentes régions avant de pouvoir finalement convaincre une clientèle plus vaste. Je ne crois pas qu'il soit vraiment possible d'espérer qu'un produit de la recherche fondamentale en laboratoire puisse se retrouver sur le marché en moins de cinq à sept ans.

La sénatrice Callbeck : De cinq à sept ans, c'est beaucoup mieux que 10.

Mme Schmutz : Effectivement.

M. Mapletoft : Je crois que ma collègue est très optimiste en parlant de cinq à sept ans. J'estime déjà incroyable qu'elle ait réussi à le faire en dix ans. Je dirais que la période requise se rapprocherait sans doute plutôt de 15 à 20 ans.

La sénatrice Callbeck : Avez-vous une idée de ce que nous pourrions faire pour accélérer les choses?

M. Mapletoft : Nous présumons que chaque découverte sera importante. Je pense que c'est l'élément crucial. Il faut des années pour effectuer tous les tests nécessaires dans les différentes circonstances. Comme Mme Schmutz l'indiquait, elle croyait avoir fait une découverte clé et ce n'était pas le cas. Elle aurait pu aller très loin dans le processus sans obtenir de résultat.

Le président : Un grand merci à nos deux témoins. Si jamais nous avons besoin de renseignements supplémentaires, il est possible que nous communiquions avec vous par l'entremise de notre greffier.

Notre comité va maintenant entendre deux nouveaux témoins. Nous accueillons d'abord, par vidéoconférence, Mme Dela Erith, directrice exécutive de l'Association des producteurs de fruits de la Nouvelle-Écosse. Nous recevons également M. Brian Gilroy, président des Pomiculteurs de l'Ontario. Nous allons débuter avec Mme Erith par vidéoconférence, après quoi nous entendrons M. Gilroy avant de passer aux questions des sénateurs.

Dela Erith, directrice exécutive, Association des producteurs de fruits de la Nouvelle-Écosse : Bonsoir à tous les membres du comité sénatorial. Un grand merci d'avoir permis à l'Association des producteurs de fruits de la Nouvelle-Écosse (NSFGA) de vous présenter cet exposé. Notre association est un organisme constitué en société sans but lucratif qui représente l'industrie des fruits de verger de la Nouvelle-Écosse, à savoir les producteurs, les conditionneurs et les transformateurs, sans interruption depuis 1863. L'association a pour but d'aider les membres à assurer la croissance et le développement d'une industrie des fruits de verger rentable sur le plan économique et écologiquement viable.

La Nouvelle-Écosse produit, entre autres, des pommes, des poires, des pêches, des prunes et des cerises, la pomme étant le produit prédominant. Notre province produit 9 p. 100 de la récolte de pommes au Canada; la valeur à la ferme annuelle moyenne de la production de pommes en Nouvelle-Écosse est de 14 millions de dollars et les apports à l'économie de la province atteignent 70 millions de dollars.

Dans le but d'encourager le secteur pomicole, la NSFGA a élaboré en 2001 un programme de stimulation de l'industrie à long terme. Cette stratégie comporte six activités essentielles qui sont chapeautées par la science et l'innovation. De nombreux facteurs essentiels influent sur la réussite à long terme du secteur, des facteurs comme le climat, les compétences des producteurs, le coût des intrants, les marchés, la nouvelle technologie de même que l'accès permanent à des compétences scientifiques crédibles chez des tierces parties se trouvant à proximité immédiate de l'industrie.

Au cours des 10 dernières années, le programme de stimulation de l'industrie a permis de rétablir la rentabilité dans les exploitations agricoles progressistes. Des jeunes entrent dans le secteur, l'enthousiasme est revenu et les producteurs néo- écossais ont l'impression qu'un avenir s'offre maintenant au secteur pomicole.

Cependant, les risques financiers associés à l'adaptation continue des entreprises sont élevés et des défis importants se posent sans cesse quant à l'atteinte et au maintien de la pleine rentabilité du secteur. Il est notamment nécessaire d'avoir un solide programme de science et d'innovation.

En 2012, la NSFGA a chargé le George Morris Centre d'examiner s'il était possible pour l'industrie de croître tout en étant rentable. La réponse a été positive. De nouveaux débouchés sur les marchés, tant au Canada qu'à l'étranger, s'offrent au secteur. Pour approvisionner ces marchés, il faut accroître la production des variétés de grande valeur, il faut utiliser de nouvelles technologies dans les vergers et augmenter au maximum la qualité du produit tout en réduisant au minimum les coûts de production. Toutes ces mesures ont besoin de l'appui de la science et de l'innovation.

L'adaptation et la croissance posent un risque financier élevé que les producteurs doivent assumer. En Nouvelle-Écosse, la rénovation et l'aménagement de nouveaux vergers coûtent 22 500 $ l'acre, sans compter le coût en capital nécessaire pour accroître l'efficience des vergers au moyen de technologies d'automatisation de pointe. Ce sont les producteurs qui effectuent les évaluations économiques et financières des stratégies d'investissement dans la technologie liée à la croissance projetée.

Sachant que la réussite au chapitre de l'adaptation et de la croissance exige le soutien d'un programme de science et d'innovation à long terme, la NSFGA et ses collaborateurs ont conçu un modèle de recherche échelonné sur 10 ans pour l'Industrie des fruits de verger du Canada atlantique (IFVCA). Ce modèle de recherche est important parce que la science tout autant que l'innovation sont nécessaires pour soutenir la réussite environnementale et économique à long terme de l'industrie.

Il existe de nombreuses définitions de l'innovation. Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) en a peut-être une, mais le ministère n'en n'a pas fait clairement part à l'industrie et c'est pourquoi la NSFGA a choisi d'utiliser les termes suivants pour décrire la façon dont elle perçoit l'innovation : la science crée des connaissances et des idées nouvelles. La valeur est ajoutée lorsqu'une action innovatrice sert à transformer les connaissances ou les idées nouvelles en quelque chose ayant une valeur commerciale. Une innovation est une création novatrice qui produit de la valeur sans égard à la taille. L'innovation est mue par le risque et la récompense.

La viabilité de l'industrie dépend de l'accès à la science et de sa capacité à innover ou à utiliser les résultats de l'innovation venant d'ailleurs. Ceci est maintenant plus vrai que jamais étant donné les attentes du marché, les pressions exercées par la concurrence mondiale ainsi que l'étendue et le rythme du changement structurel. Pour connaître le succès, il faut que l'innovation soit présente sur trois niveaux d'activités commerciales : premièrement, le niveau fondamental, soit l'optimisation ou l'amélioration des produits existants pour les marchés existants; deuxièmement, le niveau adjacent, soit le développement des produits existants pour les marchés adjacents; et troisièmement, le niveau de la transformation, soit la mise au point de produits pour des marchés qui ne sont pas arrivés à maturité ou qui n'existent pas encore.

Au cours des 100 dernières années, le partenariat public-privé a mis en place un bon programme de science et d'innovation (ou de recherche et développement) dans le secteur des fruits de verger de la Nouvelle-Écosse. La base de connaissances, la capacité intellectuelle en continu et l'infrastructure d'appui qui a été mise en place, tout cela a une grande importance et l'industrie ne peut s'en passer si elle veut se maintenir et croître.

Au début des années 2000, AAC a commencé à fragiliser son programme de science. Cette démarche a imposé un stress énorme au secteur pomicole en Nouvelle-Écosse alors même qu'il amorçait un processus de renouvellement. C'est à ce moment-là qu'un programme de science et d'innovation stable était absolument nécessaire.

Malgré les efforts stratégiques d'AAC pour réduire considérablement les travaux scientifiques dans le domaine de la production et les remplacer par un processus mal défini axé sur l'innovation, le partenariat de collaboration public-privé en science s'est poursuivi dans l'industrie des fruits de verger de la Nouvelle-Écosse. L'équipe scientifique spécialisée dans les fruits de verger de la station de recherche de Kentville n'a pas changé en dépit de la politique d'AAC qui avait comme objectif de réduire grandement le nombre de scientifiques dans le réseau ou de faire de ceux qui restaient des rédacteurs de propositions et des collecteurs de fonds.

En 2013, après d'autres mesures de réorganisation à AAC, il semble que le ministère s'intéresse à nouveau aux travaux scientifiques sur les fruits de verger réalisés localement, ce qui est une bonne chose, mais, malheureusement, en raison de la politique ministérielle, il est maintenant trop coûteux pour l'industrie de participer aux programmes de science. Le coût de participation aux volets de financement du programme Agri-innovation dans le cadre du programme Cultivons l'avenir 2, de l'Initiative de grappes agroscientifiques et des projets agroscientifiques est de 25 p. 100 dans le cas des organismes constitués en société sans but lucratif.

De plus, des programmes de financement ayant connu beaucoup de succès, comme le Programme canadien d'adaptation agricole (PCAA), qui était administré localement et auquel l'industrie pouvait participer sans qu'il ne lui en coûte aussi cher que pour le programme Agri-innovation, sont en train de disparaître; cela signifie que l'industrie n'a plus accès qu'à un seul programme de financement, dont les coûts sont trop élevés, à AAC. On dirait qu'on change uniquement pour le plaisir de changer.

Selon Statistique Canada, le rendement du capital investi en agriculture est minime ou inexistant. En règle générale, on considère le Canada comme un innovateur inefficace qui consacre moins de fonds publics à la science que d'autres pays moins bien nantis. Sachant cela, en 2013, le gouvernement fédéral augmente les coûts de la science et de l'innovation dans le secteur agricole. En ce qui nous concerne, cette décision manque de logique.

La science et l'innovation en agriculture ont des répercussions positives sur la santé et le bien-être de tous les Canadiens, et pas seulement sur ceux du secteur agricole. Il aurait fallu que, dans le cadre du programme Cultivons l'avenir 2, la science et l'innovation soient moins coûteuses et davantage accessibles pour les producteurs, et non pas moins accessibles en raison des coûts accrus pour l'industrie. Même compte tenu des avantages des crédits d'impôt à la RS-DE, l'industrie pomicole de la Nouvelle-Écosse n'a pas les moyens de contribuer à hauteur de 25 p. 100 pour mobiliser des fonds des programmes d'AAC. Dans le cadre du programme Cultivons l'avenir 2, il sera très difficile pour l'industrie pomicole de la Nouvelle-Écosse de mobiliser des fonds d'AAC pour des programmes de science et d'innovation qui sont pourtant essentiels pour soutenir les produits de la pomiculture au niveau fondamental, au niveau adjacent et au niveau de la transformation.

Dans un premier temps, le manque de soutien à la science et à l'innovation aura pour effet de ralentir la croissance de l'industrie, celle-ci deviendra non rentable et régressera. Les intervenants fermeront boutique, l'économie de la Nouvelle- Écosse sera durement touchée et il en sera de même de l'économie du Canada. De plus, des difficultés additionnelles se poseront en matière de sécurité alimentaire au Canada. Les producteurs d'aliments ne devraient pas être tenus d'assumer une si large part du coût des travaux scientifiques qui sont réalisés pour le bien public.

Un grand merci d'avoir invité notre association à faire connaître sa position.

Le président : Merci beaucoup. Nous allons maintenant entendre M. Gilroy, le président des Pomiculteurs de l'Ontario.

Brian Gilroy, président, Pomiculteurs de l'Ontario : Je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous ce soir.

Je suis pomiculteur dans la région de la baie Georgienne et président des Pomiculteurs de l'Ontario. Notre organisation représente 215 pomiculteurs commerciaux de la province. La pomme est le fruit le plus important pour ce qui est du nombre de tonnes produites. À l'échelle nationale, la pomme est la deuxième culture fruitière après le bleuet, avec une valeur à la ferme de 160 millions de dollars par année. En 2011, cela représentait 21 p. 100 de l'ensemble des recettes monétaires agricoles des exploitations fruitières au Canada.

L'Ontario produit 42 p. 100 de toutes les pommes au Canada, ce qui donne une valeur à la ferme d'environ 70 millions de dollars qui comprend les ventes au marché frais et au marché de la transformation ainsi que celle des vergers libre-service. Il existe 17 variétés de pommes cultivées en Ontario et les principales régions productrices s'étendent le long des rives des lacs Ontario, Érié et Huron et de la baie Georgienne. Les cinq principales variétés de pommes cultivées en Ontario pour ce qui est de la superficie plantée sont McIntosh, Empire, Northern Spy, Red Delicious et Gala.

Les pommes constituent l'une des récoltes les plus difficiles. Les variétés sont nombreuses et chacune a ses propres caractéristiques de culture et d'entreposage; les parasites et les maladies qui s'y attaquent sont parmi les plus complexes. Le marché canadien est cependant un petit marché à l'échelle internationale. Notre production nationale de pommes représente moins de 0,6 p. 100 de la production annuelle de pommes à l'échelle planétaire.

Je suis ici aujourd'hui pour vous parler de recherche et d'innovation dans le secteur pomicole canadien dans l'optique de la recherche de nouveaux marchés, de l'amélioration de la viabilité agricole et de l'amélioration de la diversité et de la sécurité alimentaires. Je traiterai des succès que nous obtenons, des secteurs à améliorer et de nos recommandations sur les mesures à prendre pour assurer l'essor et la pérennité du secteur avec la contribution du gouvernement. Dans le document d'information que nous vous avons fourni, vous trouverez de plus amples détails sur chacun de ces sujets.

Notre association a appuyé récemment des recherches et des innovations dans les exploitations pomicoles qui portaient notamment sur l'examen des avantages économiques de l'utilisation de plateformes dans les vergers pour l'émondage, la conduite sur tuteurs et la récolte; ainsi que sur les investissements dans les outils d'atténuation du mauvais temps comme des ventilateurs antigel, des souffleuses à air chaud, des filets paragrêles et nos propres canons paragrêles, de même que l'optimisation des pulvérisateurs grâce à un équipement amélioré.

Nous voyons également une gestion plus serrée dans les exploitations agricoles en raison du resserrement des normes de salubrité et de traçabilité alimentaires par les acheteurs de produits agricoles. Ontario Apple Growers a montré la voie avec appletracker.com, un outil de gestion des récoltes en ligne qui aide les cultivateurs à tenir leurs dossiers de manière à répondre aux exigences de salubrité alimentaire.

OAG participe à des recherches sur les goûts des consommateurs sur le plan de l'aspect, du goût, de la texture et de la couleur des pommes. Ce travail est effectué auprès de divers groupes démographiques et ethniques et nous aide dans nos recherches, au Canada et ailleurs, de nouvelles variétés de pommes qui répondraient à ces préférences et qui pousseraient ici. La sélection et l'évaluation des cultivars consistent à planter ces nouvelles variétés sur des parcelles d'expérimentation à des fins de recherche et d'évaluation ainsi que pour faire des croisements adaptés en Ontario dans l'espoir de découvrir la prochaine grande variété de pommes ontariennes. De nouvelles variétés nous aideront à assurer notre position sur le marché national et permettront aussi aux producteurs d'augmenter leur rendement financier.

Nous avons réalisé des progrès aux chapitres de la découverte de nouvelles variétés, des nouvelles technologies et de l'amélioration de la qualité des produits, mais, malheureusement, l'escalade des coûts et l'incapacité de recouvrer ces coûts sur le marché nous freinent beaucoup. Tout cela laisse bien peu d'argent aux pomiculteurs pour réinvestir dans leurs activités. L'économie mondiale est telle que les prix de nos produits sont souvent dictés par la présence de prix beaucoup plus bas ailleurs, là où le coût des intrants (engrais, énergie, protection des récoltes, et cetera) et de la main-d'œuvre ne sont pas aussi élevés. On observe depuis des années les différences qui existent entre le Canada et le États-Unis, et le prix des outils de protection des cultures demeure 56 p. 100 plus élevé au Canada.

Les économies d'échelle entrent aussi en ligne de compte pour tous les facteurs. Bon nombre de nos pomiculteurs et de nos emballeurs de pommes sont des entreprises relativement petites, qui ont du mal à coordonner leurs activités et à suivre l'évolution de la technologie. Bon nombre de nos concurrents se sont regroupés, de sorte qu'ils ont pu se concentrer sur les activités où ils peuvent faire preuve d'innovation et s'adapter rapidement aux nouvelles réalités du marché.

Il manque au secteur pomicole canadien une voix unique. Le Groupe de travail sur la pomme du Conseil canadien de l'horticulture se réunit de deux à trois fois par année, mais n'a pas de véritable perspective nationale. Une agence de recherche et de promotion nationale serait très bien accueillie par le secteur pomicole ontarien, mais il nous manque les ressources financières nécessaires pour y parvenir.

L'essor du mouvement d'achat de produits alimentaires locaux ces dernières années a fortement stimulé les pomiculteurs ontariens. Nous avons également pu bénéficier de la campagne locale sur le thème « Ontario, terre nourricière » que finance largement le gouvernement ontarien. Les consommateurs le connaissent bien et il fait l'envie de bien d'autres provinces. De même, les détaillants connaissent le programme et placent des documents promotionnels à côté de produits cultivés en Ontario. Toutefois, nous devons toujours concurrencer les producteurs étrangers pour ce qui est de la taille, de la qualité et du prix pour pouvoir avoir notre place chez les détaillants ontariens. Habituellement, les détaillants vendent des pommes ontariennes de huit à 12 mois par année.

Voici donc les recommandations que notre industrie aimerait formuler. Premièrement : l'investissement du gouvernement dans le développement de l'infrastructure dans les fermes. Nous estimons que le secteur pomicole ontarien présente un potentiel incroyable et que notre capacité de pomiculture n'est qu'une fraction de ce qu'elle peut être. Si nous arrivons à trouver et à créer de meilleures variétés pour notre marché et à accroître la production, nous pourrons entreposer et vendre des pommes 12 mois par année. Comme 2012 nous l'a montré, mère nature peut être dévastatrice. Il existe un bon nombre de stratégies que les agriculteurs peuvent mettre en place pour atténuer les dommages du mauvais temps, mais ils n'ont souvent pas les fonds nécessaires pour ce type d'investissement.

Une aide du gouvernement à des programmes d'infrastructure faciliterait la mise en place d'innovations dans les fermes. Il pourrait s'agir d'innovations ou de nouvelles technologies visant à réduire les coûts de production, à assurer la viabilité environnementale et à accroître la compétitivité. Le gouvernement pourrait également favoriser l'innovation s'il modifiait ses politiques financières ou fiscales.

Deuxièmement : l'investissement continu du gouvernement dans les programmes de recherche. Cela signifie un appui à l'innovation certes, mais aussi à la recherche notamment sur la lutte antiparasitaire et la résistance aux ravageurs. Nous avons besoin de fonds publics pour financer la capacité de recherche pour tenir compte de préoccupations comme la salubrité alimentaire, la viabilité environnementale, le changement climatique, l'énergie renouvelable, les biomatériaux et le développement rural. Des programmes de recherche à court et à long terme devraient être mis en place pour répondre aux besoins immédiats et à plus long terme dans des domaines comme la sélection ou la génomique, où les recherches peuvent s'étendre sur des années. Quelqu'un nous a parlé aujourd'hui du temps qu'il faut pour établir un cheptel. Pour l'établissement d'un verger, le minimum est probablement de 25 ans.

Tous les ordres de gouvernement refilent le coût de programmes qui profitent à l'ensemble de la société aux agriculteurs, notamment les programmes qui touchent à la salubrité alimentaire, au salaire minimum ou à la réglementation en matière d'eau et d'environnement. La mondialisation a fait de nous des preneurs de prix, incapables d'assumer les coûts les plus élevés dus au marché. En tant qu'agriculteurs, nous ne pouvons fournir d'aliments bon marché tout en absorbant toutes les dépenses supplémentaires faites au profit de la société dans son ensemble sans saper la viabilité future de notre secteur.

Le gouvernement peut nous aider à assurer la viabilité de notre secteur, mais il doit pour cela tenir compte des coûts refilés aux agriculteurs et prévoir des mesures compensatoires. En Ontario, l'horticulture génère 30 000 emplois dans les fermes et 8 700 emplois dans la transformation de spécialité.

Je vous remercie de votre temps. Je suis prêt à répondre aux questions des membres du comité.

Le président : Je vous remercie, monsieur Gilroy.

Le sénateur Mercer : Madame Erith, je vous félicite pour les 150 ans d'existence de votre organisation. C'est remarquable à cette époque. Je suis moi-même Néo-Écossais, et je sais qu'il n'y a rien de plus magnifique que les pommiers en fleurs dans la vallée de l'Annapolis. C'est un endroit merveilleux à cette période de l'année. J'encourage tous mes collègues à y aller.

Mes questions sont très brèves. Nous avons des pommes, des poires, des pêches, des prunes et des cerises. Qu'en est-il des bleuets et des raisins, deux autres fruits produits en Nouvelle-Écosse?

Mme Erith : Vous avez raison, sénateur Mercer, mais l'Association des producteurs de fruits de la Nouvelle-Écosse ne regroupe que des producteurs de trois types de fruits. C'est un ancien nom, et je crois que ses fondateurs croyaient qu'ils pourraient représenter tout le monde au début, mais l'Association ne peut s'occuper que de trois fruits.

Le sénateur Mercer : Il y a 150 ans, on ne faisait pas pousser de raisins chez nous, et les bleuets sauvages ne se trouvaient que sur le bord de la route. Aujourd'hui, il y a de grandes plantations. Je crois que vous allez être au centre de recherche de Kentville ce soir. Il fait la fierté de la Nouvelle-Écosse. Je sais que mes collègues ont été impressionnés quand nous y sommes allés.

J'aimerais vous parler du développement de nouveaux produits. Notre deuxième témoin nous a parlé de la possibilité d'introduire de nouvelles variétés en Ontario. Parlez-moi de la création de nouveaux produits, de ce qui se fait en Nouvelle-Écosse pour innover, dans le secteur des pommes en particulier.

Mme Erith : Le phénomène de la pomme est probablement unique au monde; la pomme se vend dans le monde entier. Grâce à la relation établie entre l'Association des producteurs de fruits de la Nouvelle-Écosse et les chercheurs du centre de Kentville, nous avons réussi à créer un programme de calibre mondial.

Les chercheurs d'autres pays, dont l'Italie et la France, viennent nous visiter pour comprendre comment fait le centre pour aider ainsi les cultivateurs à améliorer leurs méthodes de production, leurs techniques de récolte et leur calendrier. Nous avons la réputation d'être les meilleurs producteurs de Honey Crisp au monde.

Le sénateur Mercer : La Honey Crisp est une variété relativement nouvelle en Nouvelle-Écosse. Combien de temps s'est-il écoulé depuis son introduction avant que nous connaissions autant de succès? J'en ai mangé une hier soir, donc j'essaie de faire ma part. Combien de temps a-t-il fallu pour que nous connaissions tout le succès que nous avons aujourd'hui?

Mme Erith : Cette variété est arrivée du Minnesota dans les années 1960, mais il a fallu beaucoup de temps avant qu'on en trouve chez nous des plantations d'importance. En 1996, on a fait des plantations expérimentales en Nouvelle-Écosse, puis on en a commencé sérieusement la plantation dans la province entre 2005 et 2011. Cette variété représente maintenant 9 p. 100 de la production locale. C'est donc assez long.

Le sénateur Mercer : C'est assez long, mais ce n'est pas nécessairement si long comparativement au développement d'autres produits. Je vous remercie beaucoup.

Le sénateur Plett : Monsieur Gilroy, vous avez dit dans votre exposé que les pommes étaient l'un des végétaux les plus difficiles à cultiver. Pourquoi? Je serais porté à croire qu'il suffit de planter un arbre et de laisser les pommes pousser.

M. Gilroy : Chaque variété de pomme a ses caractéristiques uniques. La Honey Crisp, par exemple, est très vulnérable à la fossette amère et très sensible aux conditions météorologiques. Elle se cultive idéalement dans un climat frais, et le climat de la Nouvelle-Écosse est extrêmement bon pour produire l'un des meilleurs cultivars. La baie Georgienne et la rive nord du lac Ontario sont également excellentes pour la production de Honey Crisp, mais il y a des endroits où il faut vaporiser un supplément de calcium sur les arbres. Les gens utilisent des sels d'Epsom. La Northern Spy a les mêmes fragilités et a besoin de vaporisations de calcium, faute de quoi il y a un petit sillon brun qui se forme à l'intérieur, qu'on appelle fossette amère.

Le complexe parasitaire évolue. De nouveaux parasites apparaissent, d'autres disparaissent.

Depuis que nous essayons d'utiliser des moyens moins toxiques pour protéger les cultures, des insectes que nous n'avions pas vus depuis 60 ans réapparaissent, donc plus nous améliorons nos produits antiparasitaires et en restreignons l'utilisation, plus nous voyons arriver de nouvelles problématiques. Il y a de nouvelles espèces envahissantes qui attaquent les pommes. La punaise marbrée a été importée de la Chine aux États-Unis, puis est montée jusqu'au Canada. Elle est maintenant présente dans la région de Niagara et a décimé des vergers dans le nord-est des États-Unis. C'est un combat perpétuel. Au fur et à mesure qu'on réévalue les produits antiparasitaires, on est incité à en utiliser de nouveaux. Il y a des pour et des contre à tous les changements. L'un des désavantages bien concrets, c'est le coût. La nouvelle génération de produits de protection des cultures coûte habituellement plus cher. La principale maladie contre laquelle nous luttons, c'est la tavelure du pommier; il y a probablement presque 50 p. 100 des substances protectrices vaporisées sur les pommiers qui visent cette maladie. Les nouvelles substances à notre disposition ont toutes un rayon d'action limité à un seul endroit, alors que nos anciens produits peuvent être utilisés à plus grande échelle. La résistance aux nouveaux produits se développe en quelques années à peine, il y a donc des échecs qui coûtent cher aux agriculteurs.

Le sénateur Plett : Je comprends. Vous m'expliquez pourquoi il est difficile de cultiver n'importe quelle plante, en fait. Les producteurs de grains sont aux prises avec les pucerons, les sauterelles, ceci et cela. Ils doivent utiliser des engrais. À peu près tout ce que vous me dites ressemble à ce qu'ils disent, donc il n'est pas vraiment plus difficile de produire des pommes qu'autre chose.

M. Gilroy : Je vais devoir m'inscrire en faux avec ce que vous dites.

Le sénateur Plett : C'est votre droit. Ce n'est pas la première fois que cela m'arrive avec un témoin.

Qui produit le plus de pommes? L'Ontario est le plus grand producteur de pommes au Canada, n'est-ce pas?

M. Gilroy : Au Canada, oui.

Le sénateur Plett : Qui suit? Nous venons d'entendre des représentants de la Nouvelle-Écosse.

M. Gilroy : Le Québec vient de ravir la seconde place à la Colombie-Britannique.

Le sénateur Plett : J'allais justement vous poser une question sur la Colombie-Britannique. Le climat est-il plus propice à la culture de pommes en Ontario qu'en Colombie-Britannique?

M. Gilroy : C'est différent. Les variétés idéales sont différentes d'un climat à l'autre. Il y a beaucoup de variétés qui ont besoin de plus de chaleur. La Red Delicious, par exemple, a besoin de beaucoup de chaleur pour finir de mûrir. L'Ambrosia est une toute nouvelle variété canadienne qui pousse extrêmement bien dans la plupart des climats. Le problème, pour cette variété, c'est d'atteindre un volume assez élevé pour absorber le coût de tout ce qui vient avec sa culture.

Je dois mentionner une chose, qui nous reporte à votre dernière question. Quand un pommier est en pleine floraison, à son plus beau, nous n'avons besoin que de 6 à 8 p. 100 des fleurs pour avoir une pleine récolte de pommes. Tout est question d'équilibre. Les pommiers ont tendance à avoir une production bisannuelle, c'est-à-dire qu'ils produisent beaucoup de pommes une année et très peu la suivante. Notre objectif est d'équilibrer les vergers pour que leur production soit constante. Ce n'est pas facile. Souvent, il faut faire de l'éclaircissage à la main, pour enlever les pommes en trop.

Le sénateur Plett : C'est pourquoi dans la cour de mes parents, nous avions des tonnes de pommettes une année et aucune l'année suivante.

M. Gilroy : C'est naturel.

Le sénateur Plett : Vous réclamez une voix nationale. J'aimerais poser une question aux deux témoins : pourquoi toutes les organisations qui existent (la vôtre, l'association de la Nouvelle-Écosse et toutes les autres) ne s'unissent-elles pas pour créer une voix nationale unique?

M. Gilroy : Nous sommes en pourparlers à ce sujet. Nous sommes en train de créer des précomptes de promotion et de recherche pour toutes les pommes : celles cultivées ici comme celles importées d'ailleurs.

Le gouvernement essaie de permettre à différents types de producteurs de lever des fonds dans leur industrie pour les activités de recherche et de promotion. Nous sommes très favorables à cette idée.

Le sénateur Plett : Madame Erith, l'association de la Nouvelle-Écosse y serait-elle favorable elle aussi?

Mme Erith : Pour cela, il faudrait que la loi nous autorise à percevoir des cotisations. Nous n'avons pas ce pouvoir pour les pommes en Nouvelle-Écosse. Il faudrait que nous essayions d'en obtenir le pouvoir juridique. Ce serait la première étape pour nous.

Le sénateur Plett : Je vous remercie.

Vous avez dit que le gouvernement vous refilait des coûts, et c'est probablement le deuxième sujet sur lequel nous allons être en désaccord. Je suis d'avis que l'industrie doit d'abord faire sa part. Je suis certain que vous la faites et je ne voudrais pas sous-estimer la valeur de vos efforts. Cependant, combien votre industrie dépense-t-elle en recherche et comment se compare votre contribution au financement que vous verse le gouvernement?

M. Gilroy : J'ai apporté un exemplaire de notre rapport annuel, qui présente la ventilation complète des fonds dépensés en recherche.

Nous sommes extrêmement bons pour trouver des fonds de démarrage et nous arrivons à obtenir de l'argent d'autres acteurs de l'industrie : les fabricants de produits antiparasitaires, les sociétés d'emballage, et cetera. En 2012, nous avons réussi à obtenir 539 157 $ du gouvernement pour la recherche, et nos producteurs ont fourni un peu moins de 40 000 $, donc nous nous en sommes extrêmement bien tirés.

Nous administrons aussi bon nombre de projets du genre, et les contributions en nature ne comptent pas. Le financement se fait strictement en espèces.

Ce qui s'est entre autres produit avec Cultivons l'avenir, c'est que nous sommes passés à un système de recherche agricole en grappes, et les débuts ont été fort difficiles. C'était nouveau pour tout le monde, et il y avait du changement. Je ne sais pas si vous avez vu le film Hamburger Hill, avec Clint Eatswood. Il avait un mot pour décrire la grappe, et je dirais que c'était encore plus que cela.

Bon nombre de nos chercheurs ont passé beaucoup de temps à essayer d'obtenir du financement pour faire la recherche. Ils doivent aller chercher de l'argent, puis préparer des rapports à l'excès. Certains de nos chercheurs ne sont pas habiles quand il s'agit de solliciter des fonds, mais ils sont de bons chercheurs. Il est très important de s'arrêter aux attributions de chacun et de choisir les meilleures personnes en fonction des tâches à accomplir.

Le sénateur Plett : Merci. Notre greffier va certainement distribuer les brochures.

M. Gilroy : Il ne peut pas y toucher, semble-t-il, parce qu'elles ne sont pas bilingues.

Le sénateur Plett : Assurez-vous simplement de les laisser là quand vous aurez terminé. Merci.

La sénatrice Eaton : Monsieur Gilroy, je peux témoigner de la beauté de la baie Georgienne. J'y passe tous mes étés. Je ne suis pas d'accord avec le sénateur Plett. On me perçoit comme une personne au pouce vert qui peut faire germer à peu près n'importe quelle semence. Les pommes sont nettement plus difficiles à cultiver. Par comparaison, cultiver des poires et des prunes semble un jeu d'enfant.

Est-ce que les Ontario Apple Growers sont liés à la recherche réalisée à Guelph? Les collèges agricoles ontariens comme celui de Guelph vous encourent-ils d'une façon ou d'une autre?

M. Gilroy : Oui. Il y a la Simcoe Research Station, et M. John Cline y réalise une grande part de la recherche sur les pommes. Nous avons aussi des liens avec le Vineland Research and Innovation Centre, à Vineland Station, en Ontario.

Il nous incombe de financer la création de variétés parce que c'est un processus qui prend beaucoup de temps. À l'Université du Minnesota, ils ont eu beaucoup de succès avec la Honey Crisp. L'Université Cornell a créé les pommes Empire et Cortland. En 125 ans, ils ont créé trois variétés qui ont eu beaucoup de succès sur le plan commercial.

Ils travaillent à des variétés qui résisteraient à la brûlure bactérienne. C'est une maladie qui peut anéantir un verger entier en quelques semaines.

Nous sommes très au fait de toute la recherche qui se réalise, et nous participons aussi à un projet de recherche sur la génomique qui a cours à Kemptville.

La sénatrice Eaton : Quand vous parlez de nouvelles variétés, est-ce que vous parlez aussi de pommes qui seraient le produit de manipulations génétiques? Si nous signons l'entente commerciale avec l'UE, pensez-vous qu'il y aurait des débouchés pour les pommes de l'Ontario?

M. Gilroy : La Grande-Bretagne se situait au deuxième rang de nos plus importants marchés. Ils ont beaucoup travaillé à revitaliser leur industrie pomicole, et nous avons ni plus ni moins perdu ce marché. Je ne sais pas si c'est la même chose en Nouvelle-Écosse.

Nous venons de terminer une étude d'étalonnage sur l'industrie pomicole du Canada. Je suis désolé. J'aurais pu, ou j'aurais dû apporter cette information. L'un des principaux facteurs, c'est que nous devons nous concentrer sur le marché intérieur. Les pommes symbolisent la santé et le bien-être, et nous savons tous que, quand il est question d'économie, ce sont les soins de santé qui font problème. Nous sommes prêts à travailler avec toutes les agences gouvernementales possibles à l'amélioration de la santé des Canadiens, et je nourris un intérêt personnel pour la santé dans le Grand Nord.

La sénatrice Eaton : En ce moment, vous estimez avoir de bons débouchés ici même, au Canada.

M. Gilroy : Oui.

La sénatrice Eaton : Voyez-vous des débouchés pour le cidre?

M. Gilroy : Ils augmentent. Le cidre des producteurs de la Colombie-Britannique est celui qui se vend le plus au Canada. Il y a deux semaines seulement, j'ai rencontré le nouveau président de l'Ontario Craft Cider Association. On estime que la possibilité de croissance est importante. En Allemagne, ils aiment beaucoup la bière, mais ils aiment aussi le cidre. Il y a plus de 600 cidreries, là-bas.

La sénatrice Eaton : Cela offre des débouchés pour les exportations.

M. Gilroy : Oui, pour les produits à valeur ajoutée.

La sénatrice Callbeck : Madame Erith, vous avez parlé du George Morris Centre. Pourriez-vous nous en dire davantage sur ce centre? Où est-il situé?

Mme Erith : Il se trouve en Ontario.

La sénatrice Callbeck : Quel est son mandat principal? On y a réalisé une étude, mais est-ce qu'on examine principalement les fruits?

Mme Erith : C'est un centre de consultation agricole. Son mandat principal est de se pencher sur l'agriculture. Il a réalisé de nombreuses études sur l'agriculture canadienne.

La sénatrice Callbeck : Vous avez dit avoir commandé une étude qui a révélé que l'industrie pourrait être profitable. Est-ce qu'ils ont regardé les finances...

Mme Erith : L'industrie pourrait connaître une croissance profitable. Il est assez facile de faire croître une entreprise, mais il faut que les profits soient au rendez-vous.

La sénatrice Callbeck : C'est à cela que je veux en venir. Ont-ils présumé que les agriculteurs prendraient tous les risques liés à l'expansion d'une entreprise, ou que le gouvernement les aiderait?

Mme Erith : Ils ont présumé que les cultivateurs prendraient les risques. Ce sont les risques pour les cultivateurs qui ont été au cœur des discussions. Il n'a pas été question de contribution de la part du gouvernement. Les discussions n'ont pas porté sur le gouvernement.

La sénatrice Callbeck : Vous mentionnez dans le paragraphe suivant l'industrie des fruits de verger du Canada atlantique. Est-ce qu'il existe une association du Canada atlantique?

Mme Erith : Non. Il y a une association au Nouveau-Brunswick, une autre à l'Île-du-Prince-Édouard et une encore en Nouvelle-Écosse. Franchement, je n'ai pas l'impression qu'on cultive la pomme à Terre-Neuve.

La sénatrice Callbeck : Le modèle, le plan échelonné sur 10 ans pour l'industrie des fruits de verger du Canada atlantique, est-ce qu'on l'a établi pour que ces associations travaillent ensemble?

Mme Erith : Oui, c'était dans ce but. Nous travaillons beaucoup avec le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince- Édouard. Nous les incluons dans une grande part des travaux de recherche que nous réalisons. Nous trouvons que ces deux provinces ne sont pas très grosses, quand il s'agit de soutien, et qu'il leur en faut le plus possible. Personne n'est plus près d'elles que nous, alors nous trouvons qu'il faut les aider et travailler avec elles.

La sénatrice Callbeck : Quand ce modèle de recherche échelonné sur 10 ans s'est-il amorcé? En quelle année?

Mme Erith : Nous l'avons conçu en 2012, mais nous faisions déjà de la recherche depuis des années.

La sénatrice Callbeck : C'est relativement nouveau, alors.

J'ai remarqué que l'APECA avait annoncé une aide de l'ordre de 47 000 $ pour le développement du projet de l'Association des producteurs de fruits de la Nouvelle-Écosse visant à cerner les occasions et les mesures qui peuvent contribuer à l'innovation et à l'avancement de la technologie. Comment les choses progressent-elles?

Mme Erith : Les choses progressent très bien. L'APECA a payé en partie le projet du George Morris Centre, et l'argent qu'elle a versé a contribué à payer une partie du travail réalisé auprès des cultivateurs pour mieux leur faire connaître les systèmes d'automatisation des vergers et les nouveaux logiciels de gestion qu'ils pourraient utiliser pour la gestion de leurs vergers. Nous utilisons maintenant des logiciels qui, par exemple, servent à faire le suivi du verger, et dont M. Gilroy a dit qu'il faudrait les présenter au secteur pour que les cultivateurs s'y habituent et l'utilisent.

La sénatrice Callbeck : Monsieur Gilroy, vous avez dit que l'association avait consacré environ un demi-million de dollars à la recherche, dont une part de 40 000 $ était venue des cultivateurs. Dans la province, à combien estimez-vous le montant consacré à la recherche? De toute évidence, une partie de l'argent irait aux universités et aux collèges, mais ce n'est peut-être pas le cas.

M. Gilroy : Un peu plus tôt, on a parlé de l'importance de la gestion après récolte, ainsi que de la nécessité de maintenir pendant longtemps la qualité des aliments. C'est l'un des aspects sur lesquels nous portons notre attention, car les pommes sont si délicates — nettement plus que les œufs — et que la chaîne du froid doit être assurée, entre autres.

La personne qui mène cette recherche reconnue à l'échelle internationale est un employé du ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Affaires rurales de l'Ontario. Au fil du temps, ce qui s'est produit, c'est que le nombre de personnes qui font de la recherche en agriculture diminue constamment. On a appris qu'un scientifique de Napanee, je pense, va prendre sa retraite et que personne ne le remplacera.

Dans la vallée de l'Okanagan, où se trouve le centre de création de variétés de pommes Summerlands, ils ne cessent de perdre des scientifiques. Je pense qu'il y en a trois qui vont prendre leur retraite sans être remplacés au cours des deux années à venir. Ce sont ces pertes qui nous préoccupent le plus.

La sénatrice Callbeck : D'où vient principalement la concurrence?

M. Gilroy : De l'État de Washington. C'est le fier-à-bras, et il est énorme. Certaines fermes produisent à elles seules autant de pommes que tout l'Ontario.

La sénatrice Callbeck : Je pense que vous avez dit que le Canada est responsable de 0,6 p. 100 des pommes produites dans le monde. Quelle serait la part de l'État de Washington?

M. Gilroy : Les États-Unis arrivent au deuxième rang, après la Chine, qui en produit nettement plus. La production de la Chine correspond à près de 50 p. 100 de la production mondiale. Les États-Unis viennent ensuite, puis l'Italie, je crois.

Je vais vous transmettre l'étude d'étalonnage sur la production de pommes. Elle contient bon nombre de ces données. Je peux vous la transmettre par courriel, en format électronique.

Le président : Monsieur Gilroy, la Chine produit-elle les mêmes variétés que l'Amérique du Nord?

M. Gilroy : Leur principale variété est la Fuji, qui est assez sucrée. Ils aiment beaucoup les fruits sucrés. Ce sont en réalité les Canadiens qui ont enseigné aux Chinois la culture commerciale de la pomme, dans les années 1960, je pense. Une mission commerciale s'y est rendue et leur a très bien montré comment faire. Nous pouvons maintenant nous en mordre les doigts. Une bonne part de leur production est allée à la production de jus de pomme concentré, et ils en sont venus ni plus ni moins à dominer la production mondiale de jus de pomme. La Pologne arrive au deuxième rang. Ils produisent surtout de la Fuji, et c'est aussi la variété qui est importée au Canada.

La sénatrice Buth : J'ai quelques questions à vous poser, monsieur Gilroy. J'allais en réalité vous demander qui est votre principal concurrent. Vous avez mentionné la Chine, vous avez aussi dit que c'est principalement l'État de Washington, et vous avez également mentionné qu'on accorde de plus en plus d'attention à l'innocuité des aliments, à la protection de l'environnement, à la traçabilité, et cetera.

Les importations doivent-elles être soumises aux mêmes directives que vous, en ce qui concerne ces programmes?

M. Gilroy : Oui. Pas tous. En Amérique du Sud — et j'oublie à quand cela remonte —, il y avait un problème avec les framboises du Honduras, je pense. Bon nombre des pays d'Amérique du Sud suivent le rythme en ce qui concerne les exigences relatives à l'innocuité des aliments, s'ils ne nous dépassent pas tout simplement, car ils dépendent entièrement de l'exportation.

En ce qui concerne ce qu'on exige ici, depuis 2012, toutes les chaînes d'épiceries du groupe Weston doivent avoir la certification CanadaGAP, qui est un programme de salubrité des aliments conçu par les cultivateurs, à l'intention des cultivateurs. On peut dire que, somme toute, cela fonctionne plutôt bien.

On ne connaît pas l'ampleur du recours à des produits de protection des cultures. Le niveau de résidus permis nous rendait très accueillants dans le passé, mais il semble que cela va changer; si le niveau est imposé ici, il devrait l'être sur tout ce qui entre.

La sénatrice Buth : C'est un changement dans le programme, alors.

Mon autre question porte sur la question de la protection des cultures et sur votre commentaire selon lequel le prix demeure environ 56 p. 100 plus élevé au Canada qu'aux États-Unis.

L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire a instauré un Programme d'importation pour approvisionnement personnel. Les pomiculteurs se sont-ils prévalus de ce programme, et est-ce qu'il leur a été utile?

M. Gilroy : Il y a deux ans, nous utilisions un acaricide appelé Agri-Mek, et il coûtait 600 p. 100 de plus au Canada qu'aux États-Unis. Certains cultivateurs ont fait une demande dans le cadre du Programme d'importation pour approvisionnement personnel, se sont rendus à la frontière, l'ont franchie et se sont occupés de toutes les formalités administratives. L'entreprise qui vendait le produit a reçu une lettre du fournisseur lui disant qu'elle ne pouvait le leur vendre parce qu'ils n'avaient pas leur certificat de manipulation des pesticides de l'État de New York. On leur a constamment mis des bâtons dans les roues. Cela a cependant eu pour effet de faire baisser les prix, qui correspondent maintenant au double seulement, plutôt que de coûter 600 p. 100 de plus.

Cela a donné des résultats. L'entreprise a accepté de le permettre, et maintenant, il va devenir obligatoire de mettre sur la liste toute différence de prix importante.

La sénatrice Buth : C'est donc une amélioration importante du programme.

M. Gilroy : Les choses évoluent, en effet.

Le sénateur Robichaud : Vous avez mentionné que l'État de Washington était le plus gros producteur des États-Unis. Comment se comparent-ils, sur le plan des subventions et de la recherche, ainsi qu'en ce qui concerne toutes les choses différentes que vous devez faire au sein de votre industrie? Ont-ils du soutien?

M. Gilroy : Oui.

Le sénateur Robichaud : Est-ce qu'ils en ont beaucoup?

M. Gilroy : Il est très difficile d'avoir des chiffres concrets, mais d'après ce que j'en sais, l'Université de l'État de Washington est l'une des plus importantes installations de recherche de l'Amérique du Nord. La production de cet État est énorme, car on y produit autant de pommes que dans tout le reste de l'Amérique du Nord. Ils sont très gros. La récolte de 2012 a été de loin la plus grosse de l'histoire, et la croissance se poursuit. C'est un peu épeurant. Ils ont accès à un fonds d'aide pour les marchés d'exportation qui subventionne leurs pommes destinées à l'exportation de manière à en abaisser le prix à 2 $ le boisseau. C'est considérable. Ils ont un bureau à Toronto. C'est un marché très attirant.

Il est difficile de faire face à d'aussi gros concurrents. En pomiculture, l'un des plus grands dilemmes, c'est que les cultivateurs dépendent du prix qu'ils obtiennent pour leur récolte. Pour les usines de conditionnement, c'est plutôt le volume. Quand le volume augmente, les prix risquent de diminuer, alors ils travaillent les uns contre les autres. C'est l'une des grandes difficultés du secteur de la pomiculture au Canada. Est-ce que cela vous aide?

Le sénateur Robichaud : Oui, c'est utile. Vous dites qu'ils obtiennent 2 $ pour chaque boisseau qu'ils exportent au Canada? Est-ce un programme de l'État de Washington?

M. Gilroy : Je pense que c'est un programme fédéral. J'en suis à peu près certain. Ils s'en servent pour acheter de l'espace dans les rayons. Ils s'en servent pour offrir des ristournes, pour faire de la promotion; souvent, l'argent va au siège social du détaillant, plutôt que de servir à faire baisser le prix des aliments pour le consommateur.

Le sénateur Robichaud : Leurs produits font donc directement concurrence aux nôtres, n'est-ce pas?

M. Gilroy : Oui.

Le président : Monsieur Gilroy, madame Erith, je vous remercie beaucoup de nous avoir fait part de vos opinions. Si vous souhaitez ultérieurement ajouter quelque chose, n'hésitez pas à nous transmettre vos commentaires par l'intermédiaire du greffier.

Chers collègues, sur ces remerciements à nos témoins, je déclare que la séance est levée.

(La séance est levée.)


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