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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 30 -Témoignages du 28 février 2013


OTTAWA, le jeudi 28 février 2013

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 7, afin d'examiner, pour en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole (sujet : l'innovation dans le système agricole et agroalimentaire de la perspective des producteurs agricoles; la recherche et l'innovation en agriculture et en agroalimentaire, et la position du Canada à l'échelle internationale.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je suis Percy Mockler, un sénateur du Nouveau-Brunswick et je préside ce comité. Je vais demander à tous mes collègues de se présenter.

La sénatrice Merchant : Je suis Pana Merchant et je suis une sénatrice de la Saskatchewan.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, St-Louis-de-Kent, Nouveau-Brunswick. Bonjour.

[Traduction]

La sénatrice Callbeck : Catherine Callbeck, de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Plett : Je suis Don Plett, du Manitoba.

La sénatrice Buth : JoAnne Buth, du Manitoba.

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l'Ontario.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, Québec.

Le sénateur Rivard : Michel Rivard, Les Laurentides, Québec.

[Traduction]

Le président : Je vous remercie. Je tiens tout d'abord à vous présenter les salutations du sénateur Oliver, qui siège actuellement à un autre comité et qui nous rejoindra plus tard ce matin si les délibérations de ce comité prennent fin assez tôt.

Cela dit, sachez, chers collègues que le premier panel de ce matin va être consacré à l'innovation dans le système agricole et agroalimentaire, de la perspective des producteurs agricoles. Nous allons d'abord entendre un exposé de MM. Jim et Ralph DeLong, et vous pourrez ensuite poser vos questions à nos deux témoins.

Nous tenons à vous remercier tous deux de participer aux travaux du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je dois vous préciser que lorsque nous examinons notre mandat, l'ordre de renvoi du Sénat du Canada sur l'agriculture, ce comité a le pouvoir d'étudier les modalités de développement de nouveaux marchés, au pays et à l'étranger. Nous travaux s'inscrivent aussi dans la perspective d'améliorer la durabilité agricole pour les Canadiens et de renforcer la diversité et la sécurité des produits alimentaires.

Notre greffier, M. Pittman, m'a indiqué que c'est M. Jim DeLong qui va prendre la parole, après quoi les sénateurs pourront poser leurs questions.

Jim DeLong, propriétaire-exploitant, DeLong Farms : Bonjour honorables sénateurs, membres du comité et du personnel de soutien. Je vous remercie de cette occasion de m'adresser à vous ce matin pour vous faire part du point de vue d'un producteur sur l'innovation dans les secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire.

Mon frère Ralph et moi sommes les associés d'une exploitation agricole mixte située sur la côte sud de la Nouvelle- Écosse. Nous possédons 34 700 poules qui nous servent à la production d'œufs et avons un troupeau de 85 vaches de boucherie. Nous vendons également du foin, cultivons des arbres de Noël à même 1 200 acres de terre; et récoltons du bois. À l'automne, nous avons un atelier de fabrication de couronnes de Noël. Nous cultivons également, sur une petite superficie, du maïs sucré, des citrouilles et des courges. Jusqu'à l'automne dernier, notre famille exploitait, et ce depuis 45 ans, un restaurant.

On ne saurait trop dire combien, tout au long de l'histoire de ce pays, le secteur agricole s'est développé, a innové et a pris de l'ampleur grâce aux programmes fédéraux. Sans l'aide et les conseils des établissements d'enseignement, des fermes expérimentales, des laboratoires de recherche et des autres organismes de vulgarisation du gouvernement, cela aurait été impossible. Les succès enregistrés aussi bien par le passé qu'à l'avenir dépendent essentiellement de ce système de transfert de technologies.

Un autre élément déterminant de la réussite du secteur agroalimentaire canadien a été la mise en place et le maintien d'un système de gestion de l'offre. Ce système est sacré à nos yeux.

Agriculture Canada a mis à notre disposition un grand nombre d'excellents programmes et défend bien les intérêts des agriculteurs canadiens que nous sommes en prônant la mise en place d'accords de libre-échange.

Les programmes fédéraux permettent de réussir au pays, bénéficient aux jeunes agriculteurs, aident le secteur du bétail à se développer, permettent de gérer les risques d'affaires, la sécurité alimentaire ainsi que les sciences et les innovations qui nous concernent. Nous avons un besoin très réel de ces programmes que nous apprécions à leur juste mesure, mais il n'y a pas une solution unique qui convienne à tout le monde.

Pour que notre pays connaisse la réussite dans les domaines de l'agriculture et de l'agroentreprise, il faut que nous réalisions des profits. À chaque fois que nous avons besoin d'aide financière, il semble que les programmes en vigueur aient été modifiés et que nous n'y soyons plus admissibles. Dans le cas des programmes scientifiques et d'innovation, lorsque des groupements de producteurs spécialisés ont besoin de recherches et d'innovation, ils doivent assurer une partie du financement de ces programmes à titre de fonds de contrepartie. Cela est impossible dans l'économie qui est la nôtre.

Dans les établissements d'enseignement et sur les fermes expérimentales, des spécialistes prennent leur retraite et ne sont pas remplacés. Les autres chercheurs ne parviennent pas à mener les recherches nécessaires au niveau voulu parce que le financement dont ils disposent est insuffisant.

Les réductions de budget ont eu pour effet de paralyser certains secteurs. Lorsque des services sont amputés au sein d'un ministère, on nous explique, par exemple, que nous sommes une industrie arrivée à maturité et on nous demande pourquoi nous aurions besoin d'aide. Il arrive aussi qu'on nous dise que l'activité en question a été abandonnée. Pendant ce temps, nos concurrents étrangers accaparent une plus grande partie de notre marché.

Par le passé, lorsque nous traitions des affaires au Canada, les normes de l'ACIA étaient respectées par les clients de toutes les régions du monde. Maintenant, les clients ou les pays importateurs demandent à ce qu'une tierce partie procède à des vérifications ou exige que nous fassions venir leurs inspecteurs, aux frais des producteurs, sans que les prix de vente tiennent compte des coûts ainsi encourus. Ensuite, s'il s'avère qu'il y a un problème, on fait appel à l'ACIA pour procéder au nettoyage.

Nous nous heurtons aussi à l'étranger à un plus grand nombre de barrières non tarifaires. Les pays importateurs exigent la mise en place de protocoles d'importation pour lesquels nous avons besoin d'aide scientifique et politique.

En Nouvelle-Écosse, ce sont dorénavant les utilisateurs qui paient l'essentiel des coûts des services de vulgarisation. Ceux-ci s'avèrent vraiment prohibitifs lorsque les fonds dont on dispose sont limités. Les programmes sont transférés aux provinces pour qu'elles en assument les coûts, mais seront-ils financés de façon satisfaisante par celles-ci? Les programmes d'amélioration des terres, comme les programmes de drainage des terres, ont pratiquement disparu. Nous ressentons durement les effets des coupures et de la réduction des services.

Le Canada aura toujours besoin de stabilité alimentaire. Nos partenaires commerciaux sont prêts à nous vendre des aliments moins chers, mais nous devons rester autosuffisants pour faire face à d'éventuelles interruptions d'approvisionnement de l'étranger.

Le Canada rural a également besoin d'emplois et doit créer de la richesse. On sait fort bien que, en règle générale, il faut investir pour obtenir des résultats. Nous avons encore besoin d'innovations et de diverses aides adaptées à nos besoins.

Je vous remercie. Avez-vous des questions?

Le président : Je peux vous assurer, monsieur DeLong, que nous allons avoir des questions.

Le sénateur Plett : Vos productions sont passablement diversifiées avec des œufs et des produits laitiers, ainsi que des arbres et des couronnes de Noël. Vous nous avez parlé un peu des subventions et de l'aide à la recherche. Si vous deviez dresser une liste des trois types d'aide gouvernementale que vous souhaiteriez avoir, quels seraient-ils? Je ne parle pas uniquement de subventions, mais de toute forme d'aide.

M. J. DeLong : Je dois faire une correction. Nous avons un troupeau de vaches de boucherie et non pas de vaches laitières.

Parmi les diverses questions que j'ai abordées, ce ne sont pas les subventions versées aux agriculteurs qui nous préoccupent le plus. Il y a quantité de programmes. J'ai demandé à mon frère de m'accompagner, parce que, pour réussir, il faut en général que quelqu'un vous épaule pour vous permettre de faire bonne impression. C'est lui qui s'occupe de la comptabilité, de la tenue de livres et de la gestion de cette ferme. Moi, je travaille la plupart du temps dans les champs.

Quant à ma liste de trois souhaits, le premier concernerait la recherche et l'innovation, le second la restauration de l'ACIA que nous avons connue, parce que c'était un organisme excellent avec lequel nous faisions du travail très efficace. On nous demande maintenant de faire procéder à des vérifications par des tierces parties qui seraient, dit-on, motivées par des questions de responsabilité. L'ACIA fait un travail de première ligne plus que satisfaisant dans le domaine de la protection. Le troisième souhait serait de disposer à l'avenir de programmes de stabilisation du revenu à la ferme, pour les années bonnes et moins bonnes, parce que, comme vous le savez, pratiquement toutes nos cultures sont sensibles aux conditions climatiques. Ce serait là mes trois priorités.

Ralph DeLong, propriétaire-exploitant, La ferme DeLong : Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, nous exportons environ la moitié de nos arbres de Noël. Nous sommes confrontés à des barrières tarifaires et à d'autres difficultés pour acheminer nos arbres outre-frontières. Il ne sert à rien de produire des plantes si elles restent pourrir à la frontière. Nous avons besoin d'un système facilitant les échanges commerciaux et permettant de commercer. L'an dernier, nos exportations d'arbres de Noël ne se sont pas heurtées à des problèmes à la frontière. Pour la plupart des produits, si vous perdez d'un à trois jours, vous avez perdu tout le chargement de votre camion.

Le sénateur Plett : Comme vous le savez, le gouvernement travaille activement avec l'Agence des services frontaliers du Canada pour améliorer cette situation. C'est un domaine précis dans lequel il s'efforce d'obtenir des résultats. C'est une information qui m'est utile et qui, peut-être, répond à ma question suivante.

Vous gagnez votre vie avec des activités diversifiées dans trois domaines différents. Quel est celui qui, à votre avis, bénéficierait le plus de l'intervention ou de l'aide du gouvernement? Ce sont des activités qui existent depuis des centaines d'années. Pour lesquelles avez-vous le plus besoin d'aide, et pendant combien de temps?

Je vais vous poser tout de suite ma dernière question pour vous permettre de répondre aux trois d'un coup. Quelle devrait être la répartition entre les investissements de l'industrie, les fonds privés et les fonds gouvernementaux dans les domaines de la recherche et du développement, et de l'innovation?

M. J. DeLong : Veux-tu traiter de cette question?

M. R. DeLong : Je peux commencer.

Nombre des programmes sont permanents. Leur durée d'existence dépend davantage des politiques gouvernementales que des fonds gouvernementaux. Permettre les échanges commerciaux et les faciliter est un combat qui ne finit jamais et qui nécessite une vigilance constante. En ce qui concerne notre secteur de la volaille, avec la production d'œufs, cela signifie en vérité le maintien du système de gestion de l'offre. Comme vous le savez, c'est une bataille qui dure depuis une quarantaine d'années et les choses deviennent de plus en plus difficiles, et non pas l'inverse. Il est essentiel pour conserver ce volet de la prospérité rurale ou de la création de richesses dans les régions rurales de conserver cet appui des gouvernements fédéral et provinciaux.

La part relative de financement devant venir du gouvernement et du secteur privé est difficile à définir. Nous en avons parlé tous les deux, ainsi que de la difficulté pour des producteurs spécialisés de couvrir leur part de 10 p. 100, de 20 p. 100 ou de 40 p. 100 des énormes factures de la recherche. Vous donner un chiffre serait hasardeux. Ce serait très difficile pour moi.

M. J. DeLong : Je peux en parler.

Les provinces atlantiques se sont dotées d'un centre de recherche sur les arbres de Noël au campus agricole de l'Université Dalhousie, situé à Truro, en Nouvelle-Écosse. Cela pourrait devenir un projet de 6 millions de dollars. Actuellement, l'offre d'arbres de Noël sur le marché nord-américain est telle que ce marché est tout à fait saturé.

Les producteurs d'arbres de Noël du Canada atlantique ont de la difficulté à trouver 300 000 $ à injecter dans ce projet pour respecter leurs engagements. Si nous devions fournir 2 millions de dollars, nous n'aurions d'autre choix que de dire non et de laisser tomber. Il serait tout à fait impossible pour nous de nous engager à financer 33 p. 100 de ce projet.

Si on parle maintenant de maïs de semence, avec des grandes sociétés de semences génétiquement modifiées, comme Monsanto, DEKALB ou n'importe quelle autre, je suis convaincu qu'elles seraient en mesure de tenir de tels engagements, mais pour les cultures plus difficiles, moins rentables, mais très importantes pour le Canada rural, il serait impossible de respecter ces objectifs de 30 p. 100, ou même de 20 p. 100. Cela dépend de la culture.

M. R. DeLong : Nous sommes partisans d'une participation au financement par le secteur privé parce que, si on se contente de dépenser l'argent du gouvernement, on risque de voir apparaître un trop grand nombre de mauvaises idées.

Le sénateur Plett : Je partage cette opinion.

Pour terminer, vous avez évoqué la gestion de l'offre et c'est une bataille qui dure depuis 40 ans. Je suis convaincu que le gouvernement qui nous a précédés l'a défendue, mais il ne fait aucun doute que le gouvernement actuel a manifesté très clairement, partout dans le monde, qu'il défend et continuera à défendre cette approche. Cela vous donne donc quelques garanties. Très clairement, la politique gouvernementale est de défendre la gestion de l'offre.

La sénatrice Merchant : Je vous remercie, messieurs. Permettez-moi, pour vous interroger, de me mettre dans la peau des consommateurs. J'ai d'abord quelques explications à vous demander sur les œufs.

Les consommateurs, ou au moins moi, ont de la difficulté à faire la distinction entre les différents types d'œufs que l'on trouve sur les rayons d'une épicerie. Je ne sais pas avec précision ce qu'on entend par poulets élevés en liberté ou œufs contenant des oméga-3. Je sais fort bien ce que le consommateur qui parcourt les allées de l'épicerie a de la difficulté à apprécier leurs différences de qualité.

Ma seconde question est la suivante. Au sujet de la gestion de l'offre, vous avez parlé de la concurrence internationale. Je me pose des questions au sujet des œufs, parce que j'imagine qu'il est un peu plus difficile de les expédier outre frontières. Je ne sais pas comment vous vous y prenez pour en exporter. D'où vient la concurrence et quels sont les effets de la gestion de l'offre sur le consommateur? Savez-vous si nous payons plus cher à cause de celle-ci et quel est le montant du surcoût?

Ce sont là tout simplement des questions que je me pose. Elles ne traduisent en aucune façon une prise de position de ma part.

M. R. DeLong : Pour répondre à votre première question sur les œufs à choisir en rayon, les appellations « élevés en liberté », « œufs biologiques » ou celles désignant d'autres types d'œufs correspondent à des créneaux du marché afin de répondre aux attentes des consommateurs en matière d'éthique. Pour nous, nous utilisons des cages et des systèmes de production classiques. Je suis tous les jours dans le hangar où nous élevons nos poules et je suis convaincu que nous prenons bien soin de nos oiseaux et que les règles en matière de bien-être des animaux sont suivies comme il convient. Pour la plupart des consommateurs, je crois que, pour leur bien, ils peuvent se contenter d'acheter des œufs standard. Toutefois, comme je l'ai dit, certains sont en désaccord avec ce que je viens de vous dire sur la façon de prendre soin de mes oiseaux, pour des raisons éthiques. Quant aux œufs contenant des oméga-3 et enrichis par d'autres moyens, il s'agit là, une fois encore, d'une décision personnelle en matière de santé. Les œufs que nous produisons sont des œufs standard. C'est une décision personnelle.

Votre seconde question portait sur l'exportation des œufs. Les exportations d'œufs par le Canada ne sont soumises à aucune restriction particulière. C'est une question de prix. Quantité d'œufs sont exportés sous une forme transformée et non pas en coquille. Ils prennent la forme d'un produit liquide pasteurisé dont l'apparence est donc bien différente des œufs que vous achetez dans un magasin. Lorsque vous parlez de concurrence, vous parlez de faire face à des prix mondiaux qui fluctuent ou à un prix américain, alors que la gestion de l'offre appliquée au Canada permet aux détaillants et aux consommateurs de compter sur un prix stable au lieu de le voir varier fortement à la hausse ou à la baisse.

La sénatrice Merchant : Est-ce que cela ajoute au coût des œufs que nous achetons? Payons-nous nos œufs plus chers au Canada à cause de la gestion de l'offre?

M. R. DeLong : À mon avis, ce n'est pas le cas. Les prix au détail relèvent du problème général que nous avons au Canada. Nous comparons nos prix à ceux des États-Unis, et les œufs et le lait ne sont pas les seuls articles qui coûtent plus cher au détail chez nous que de l'autre côté de la frontière. À mon avis, la gestion de l'offre ne fait pas augmenter les prix au détail.

La sénatrice Merchant : Vous nous avez expliqué les différences entre les divers types d'œufs et les choix qui s'offrent aux consommateurs, mais pour bon nombre d'autres produits en rayon, vous êtes maintenant tenus d'inscrire quantité d'informations sur le produit pour faire l'éducation des consommateurs sur les choix qui s'offrent à eux et sur les façons de faire leurs choix. Y a-t-il une démarche comparable dans le cas des œufs? Y a-t-il une façon de faire l'éducation du consommateur? Seriez-vous partisan d'inscrire quelque chose sur les différents emballages qui faciliterait le choix du consommateur? Vous dites que c'est un choix personnel, mais comment choisir si vous ignorez les choix qui s'offrent à vous et les critères à utiliser?

M. R. DeLong : Les étiquettes apposées sur les emballages sont passablement complètes. Si vous regardez celles des autres produits que vous pouvez trouver à l'épicerie, vous constaterez qu'il s'agit davantage de promotion que d'information dans quantité de cas. Si un consommateur veut prendre une décision éclairée, je lui conseille de consulter le site web des Producteurs d'œufs du Canada. Il y trouvera toute l'information voulue pour éclairer ses choix.

[Français]

Le sénateur Rivard : Messieurs, dans la présentation de votre entreprise, vous mentionnez que vous embauchez une trentaine d'employés sur une période d'environ dix mois. Normalement, je devrais vous questionner sur vos efforts de recherche et vos résultats de recherche, mais je suis persuadé que M. le président va me permettre de dévier parce que c'est un sujet d'actualité; je veux parler de la réforme de l'assurance-emploi.

Si vos producteurs d'arbres travaillent 10 mois par année, à votre connaissance, pendant les deux autres mois, touchent-ils des prestations de l'assurance-emploi? Trouvent-ils de l'ouvrage dans vos autres entreprises, que ce soit pour la production d'œufs ou dans votre restaurant, ou encore attendent-ils que ces deux mois passent pour reprendre le travail?

[Traduction]

M. R. DeLong : Nous n'entendons pas la traduction.

Le sénateur Rivard : Je vais essayer de m'exprimer en anglais. Pour la production d'arbres de Noël, vous avez 30 employés qui travaillent environ 10 mois par année. Pendant les deux mois restants, que font vos employés? Essaient-ils de trouver un nouvel emploi ou ont-ils recours à l'assurance-emploi?

M. J. DeLong : La plupart d'entre eux font appel à l'assurance-emploi pour ces quelques mois. Ils essaient également de trouver un peu de travail pour subsister avant de retrouver leur travail au printemps. C'est ce qu'ils font pour l'essentiel.

Le sénateur Rivard : Craignez-vous ce qui pourrait se produire s'ils décidaient de travailler 12 mois par année et, pour cela, partaient dans l'ouest du pays? Pensez-vous que vous seriez obligé de faire venir des Mexicains ou des Colombiens? Est-ce que les effets de la réforme du programme d'assurance-emploi vous préoccupent?

M. J. DeLong : Nous sommes en relation avec l'assurance-emploi et nous nous tenons informés des modifications apportées à ce programme. Jusqu'à maintenant, ses représentants nous ont assuré que nous ne serions pas touchés. Il y a dans notre région un exode massif de gens qui partent vers l'Alberta et l'ouest du pays pour y travailler, mais nous sommes parvenus jusqu'à maintenant à conserver notre main-d'œuvre locale.

Toutes les fermes situées aux alentours utilisent de la main-d'œuvre étrangère. Nous n'avons pas eu encore à le faire et nous sommes parvenus à trouver sur place les employés nécessaires. C'est une préoccupation, mais il semble que le système prenne bien soin de nous. Nous n'avons pas été poussés dans cette situation.

M. R. DeLong : Nos employés ont les compétences nécessaires pour faire le travail qui leur incombe. Ils ont appris à le faire année après année et faire venir de nouveaux employés tous les ans poserait un vrai problème.

M. J. DeLong : Cela pourrait pratiquement nous détruire parce que quantité de taches mécanisées doivent se faire de la même façon, année après année. Donner leur forme aux arbres de Noël est tout un art, et il faut toute une vie pour apprendre à bien le faire. Merci.

M. R. DeLong : Nous préférerions pouvoir donner du travail à nos employés pendant toute l'année sans avoir à recourir à ce système pour le travail saisonnier.

La sénatrice Callbeck : Je vous remercie de votre exposé. J'espère que la météo est plus clémente en ce moment en Nouvelle-Écosse qu'à Ottawa.

Je veux maintenant vous interroger sur le financement. Vous nous avez dit que, maintenant, de nombreux programmes nécessitent un financement de contrepartie et que celui-ci est très difficile à obtenir. Le financement s'est-il resserré de plus en plus? Est-il de plus en plus difficile de trouver l'argent?

M. J. DeLong : Je participe à un programme dont je vous ai déjà parlé au Dalhousie Agricultural Campus, à Truro. Il s'appelle le Christmas Tree Research Centre. Nous sommes tout juste passés sous la barre et nous n'avons pas eu à respecter ce pourcentage élevé. Comme je l'ai dit, sur un programme de recherche qui aurait pu atteindre 6 millions de dollars, nous n'avons eu qu'à essayer de trouver 300 000 $ jusqu'à maintenant. Nous avons par contre passablement de difficultés à le faire parce que le secteur des arbres de Noël est une industrie artisanale. Néanmoins, c'est encore un programme d'une valeur de 50 millions de dollars pour les régions rurales de la Nouvelle-Écosse. Cela permet de fournir des emplois de petites collectivités, qui assurent leur survie.

Dans les régions de New Germany et de New Ross, situées sur la côte sud de la Nouvelle-Écosse, c'est l'élément moteur de l'économie. L'injection de cet argent à l'automne permet de maintenir en vie ces petites collectivités, comme dans la région d'Antigonish à l'autre extrémité de la province, pendant tout l'hiver jusqu'à la prochaine saison de travail. C'est un impératif pour nous dans les régions rurales de la Nouvelle-Écosse. À cette époque où le dollar américain est stable et le dollar canadien élevé, la rentabilité est très faible. Il est difficile de demander aux producteurs de l'argent pour la recherche.

La sénatrice Callbeck : Vous nous avez dit qu'il s'agit d'un programme de 6 millions de dollars et, si je ne me trompe, que vous ne disposez que de 300 000 $.

M. J. DeLong : Qu'il faut que nous trouvions, oui, en fonds de contrepartie.

La sénatrice Callbeck : Vous essayez donc d'obtenir cet argent auprès de vos producteurs?

M. J. DeLong : Oui.

La sénatrice Callbeck : D'accord. Combien avez-vous recueilli jusqu'à maintenant?

M. J. DeLong : Nous avons probablement 120 000 $.

La sénatrice Callbeck : Votre organisation fait-elle actuellement des recherches?

M. J. DeLong : Oui. Essentiellement sur le contrôle des maladies, parce qu'avec l'évolution de l'environnement, nous avons des étés plus chauds, des hivers moins froids et le sol ne gèle plus en profondeur. Je sais que c'est quelque chose que vous aurez du mal à croire ici, ce matin, mais les hivers comme les étés sont plus chauds, les modèles de précipitation ont évolué et nous sommes confrontés à des insectes différents. Nous faisons des recherches sur les insectes, sur les solutions que nous pourrions utiliser pour nous en débarrasser et sur la conservation des aiguilles.

Hormis les arbres artificiels, nos principaux concurrents sont les sapins Fraser produits dans les deux Caroline aux États-Unis. Il faut que nous parvenions à découvrir pour quelle raison les aiguilles du sapin baumier restent en place ou tombent de façon prématurée. Cela aurait des répercussions importantes sur nos parts de marché. Nous serions en mesure de reprendre un pourcentage important du marché que nous avons perdu aux mains de la concurrence. Cela contribuerait de façon importante à la richesse des régions rurales du Canada atlantique.

La sénatrice Callbeck : Comment sont financés les travaux de recherche que vous faites actuellement? L'argent vient- il du gouvernement fédéral ou des producteurs?

M. J. DeLong : Il vient de l'APECA. Trois petits programmes provinciaux et l'université y injectent également de l'argent.

La sénatrice Callbeck : Une fois ces recherches terminées, comment acheminerez-vous cette information à vos producteurs?

M. J. DeLong : Cela se fait lors de réunions techniques.

La sénatrice Callbeck : Uniquement en Nouvelle-Écosse ou cela englobe-t-il...

M. J. DeLong : Les provinces atlantiques.

La sénatrice Callbeck : D'accord. J'ai d'autres questions à vous poser, mais j'y reviendrai lors du tour suivant.

La sénatrice Eaton : Dans le prolongement des questions de la sénatrice Callbeck, vous avez parlé des provinces atlantiques, mais le Québec ne produit-il pas également des arbres de Noël?

M. J. DeLong : Oui, il en produit.

La sénatrice Eaton : Et l'Ontario?

M. J. DeLong : Oui, beaucoup.

La sénatrice Eaton : Partagez-vous tous les résultats de vos recherches ou les informations? Il est certain que ce qui vous est bénéfique le serait également aux autres.

M. J. DeLong : Nous le faisons. Nous faisons du développement technologique et nombre des personnes qui font des affaires à l'échelle internationale en font dans le Canada atlantique. Ces gens, ou leurs représentants, sont présents pour la plupart aux tables lorsque nous organisons ces séances techniques en dehors du Québec et de l'Ontario. Ils viennent à nos séances et nous allons aux leurs.

La sénatrice Eaton : Mettez-vous en commun vos budgets de recherche?

M. J. DeLong : Non. Chaque entité réalise ses propres recherches.

La sénatrice Eaton : Vous n'êtes pas isolé?

M. J. DeLong : Que voulez-vous dire?

La sénatrice Eaton : En d'autres termes, un centre de recherche situé en Nouvelle-Écosse partagera ces résultats au Québec ou en Ontario. Mettez-vous en commun vos renseignements ou non?

M. J. DeLong : Lors des séances techniques, nous sommes tous intéressés par les résultats, mais tout n'est pas mis en commun parce que les universités ont leurs propres règlements en matière de propriété intellectuelle.

La sénatrice Eaton : Je vois. C'est peut-être un aspect des choses qui pourrait être amélioré en faisant preuve de plus d'ouverture.

M. J. DeLong : Nous y travaillons précisément en ce moment. Demain matin, je vais assister à une réunion consacrée à ce problème précis.

La sénatrice Eaton : Je vous remercie, c'était très intéressant, monsieur DeLong.

Avec toutes les initiatives actuelles de libre-échange du Canada, nous entendions parler ce matin d'un accord de libre-échange avec l'Union européenne, et cela devrait suivre avec la Corée, le Japon et avec le Partenariat transpacifique, il est évident que notre système de gestion de l'offre va faire l'objet de négociations et sera étudié attentivement. Nous en avons tous entendu parler. J'aimerais savoir si vous vous attendez à des obstacles importants ou si vous pensez que le Canada sera en mesure de conserver son système de gestion de l'offre? En même temps, profiterez-vous d'une plus grande ouverture des frontières? Cela va-t-il vous gêner ou vous aider?

M. J. DeLong : Je crois que cela nous aidera. J'ai une très grande confiance dans la qualité et dans le prix de nos produits. Dans mes remarques préliminaires, j'ai évoqué la prolifération des barrières non tarifaires dans le commerce international. Je ne peux pas accuser ces pays de protectionnisme, mais cela rend l'accès à ces marchés plus difficile et plus coûteux que lorsque les conditions sont plus favorables ailleurs. Tout le monde n'est pas soumis aux mêmes règles. Tout le monde n'est pas sur un pied d'égalité.

La sénatrice Eaton : Quelle est la région du monde qui utilise le plus de barrières non tarifaires ou d'entraves dans votre cas? Où la situation est-elle la pire à vos yeux?

M. J. DeLong : En dehors des États-Unis, il semble que de telles barrières non tarifaires apparaissent de plus en plus. Je l'ai mentionné à l'ACIA. Ses représentants nous ont fourni un excellent service et, tout d'un coup, d'autres pays déclarent que leurs propres inspecteurs doivent procéder aux vérifications. J'ignore pourquoi, mais ils veulent procéder eux-mêmes aux inspections pour vérifier les produits.

La sénatrice Eaton : Pensez-vous en particulier aux pays membres de l'Union européenne?

M. J. DeLong : Non, c'était en Amérique du Sud et au Mexique.

La sénatrice Eaton : Merci beaucoup.

Le sénateur Robichaud : Nous vous souhaitons à tous la bienvenue. Vous avez commencé en nous disant que ce qui compte le plus pour vous est la recherche et l'innovation. Vous avez parlé de Truro, mais qu'en est-il de Kentville? Collaborez-vous régulièrement avec ce centre pour faire de la recherche?

M. J. DeLong : Nous avons eu passablement recours au programme de vulgarisation appelé AgraPoint International qui s'appelle maintenant Perennia. Nous avons eu beaucoup recours aux compétences techniques de son personnel pour l'identification des mauvaises herbes et pour les recommandations de culture, mais plus autant maintenant. Ce sont des questions dont l'étude a été centralisée dans la région de Truro. Par le passé, nous avons beaucoup fait appel à la ferme expérimentale et y avons suivi des cours. Maintenant, celle-ci se consacre davantage au commerce des fruits et des légumes.

Le sénateur Robichaud : Obtenez-vous maintenant les mêmes services de Truro?

M. J. DeLong : Comme je l'ai dit dans mes commentaires préliminaires, nombre de ces services appliquent maintenant le principe de l'utilisateur payeur. Dans certains cas, pour certaines cultures, les coûts sont devenus passablement prohibitifs. Il faut que vous ayez un problème grave et je ne trouve pas qu'ils procèdent à autant de transferts de technologie qu'ils le faisaient par le passé. Mon fils, qui a 24 ans, est loin d'avoir accès aux mêmes cours de technologie que ceux dont j'ai bénéficié à son âge.

Le sénateur Robichaud : Pourquoi en est-il ainsi?

M. J. DeLong : C'est parce que les mêmes services ne sont pas offerts aussi facilement. L'argent pour donner les cours manque.

Le sénateur Robichaud : Un témoin nous a parlé l'autre jour des biocarburants. Votre exploitation est très diversifiée. Quel pourcentage de la terre que vous possédez utilisez-vous? Disposez-vous de parcelles où vous pourriez cultiver d'autres types de produits qui pourraient servir à la production de biocarburants? Cela améliorerait-il votre situation si un tel projet pouvait se mettre en place?

M. J. DeLong : Les régions rurales de la Nouvelle-Écosse se sont beaucoup développées dans des aulnaies, qui ne sont pas les meilleures terres agricoles. Oui, toutes les cultures offrant des débouchés et permettant de générer des profits seraient les bienvenues pour contribuer à revitaliser les régions rurales de la Nouvelle-Écosse. Ce n'est pas la place qui manque pour cela.

Le sénateur Robichaud : Je crois que la situation serait la même dans certaines régions du Nouveau-Brunswick. Beaucoup de terres ne sont pas utilisées à des fins agricoles.

La sénatrice Buth : Il est évident que votre exploitation est très moderne et très diversifiée. J'ai été intéressée par ce que vous avez dit sur la production des arbres de Noël et sur cette industrie. Vous nous avez indiqué que le marché des arbres de Noël est actuellement saturé. Quelles sont vos prévisions à long terme pour cette industrie?

M. J. DeLong : C'est un secteur qui est tout à fait viable. Il y a une quinzaine d'années, les États-Unis ont subventionné la plantation d'arbres de Noël sur des terres inoccupées, car ils estimaient que ce marché offrait des débouchés. Des arbres ont été plantés dans les États de l'ouest et du centre et en Caroline du Nord et du Sud, ainsi qu'en Virginie, sans que les gens réfléchissent où tous ces arbres seraient vendus quand ils auraient poussé. Je dirais que nous en sommes maintenant aux trois ou quatre dernières années de cette importante saturation du marché. Ce sont de bonnes terres arables qui ont été utilisées pour cette culture. On y plante maintenant d'autres cultures, comme le maïs pour produire de l'énergie.

Il serait possible, au Canada, de doubler ou de tripler la production d'arbres de Noël, voire plus. Les sites d'enfouissement n'ont plus besoin d'aluminium et de plastique avec lesquels sont fabriqués les arbres artificiels. Les arbres de Noël sont une ressource renouvelable. Ils sont respectueux de l'environnement et produisent de la richesse et des débouchés dans les régions rurales. Les possibilités qui s'offrent dans le secteur des arbres de Noël sont très importantes.

Il se peut qu'un nouveau marché apparaisse dans l'Union européenne. Ils ont servi aux nettoiements dans les zones de sylviculture, en Scandinavie et en Allemagne, ou là où ces pays ont encore des forêts. Ils font maintenant face à une pénurie d'arbres pour le marché des arbres de Noël. Cela constituerait un débouché très important pour le Canada atlantique, parce que nous avons accès aux moyens de transport, et il en serait de même pour l'Ontario et pour le Québec.

La sénatrice Buth : Quel type de commercialisation faites-vous pour les arbres de Noël? Y a-t-il un programme coopératif de commercialisation pour essayer d'accroître l'utilisation des vrais arbres au lieu des arbres artificiels?

M. J. DeLong : La Nouvelle-Écosse a la chance d'appartenir à la National Christmas Tree Association, qui est l'organisme américain s'occupant des arbres de Noël. Elle s'occupe très bien de nous. Si nous éprouvons des difficultés à la frontière, nous pouvons la prévenir et elle s'en occupe immédiatement. Cette association a un avocat en poste à Washington qui s'attaque aux questions avec les responsables de la sécurité à la frontière.

En Nouvelle-Écosse, nous avons un conseil, très actif, qui est financé par un système de contributions des producteurs. Nous avons des coopératives de producteurs, mais nous pourrions tirer parti d'un peu d'aide dans le domaine de la commercialisation. Les missions commerciales organisées à Washington et à Boston pour les arbres de Noël ont toujours été importantes pour nous, mais elles sont maintenant négligées. On pourrait assister à une augmentation des ventes de poisson et d'autres produits de la région atlantique, et du Canada, sur le marché américain si la promotion de ces débouchés se faisait à nouveau. Quelqu'un m'a dit que, autrefois, l'inauguration de l'arbre de Noël à l'ambassade de Washington y était le second événement en importance. Ces missions commerciales ont disparu et il y a juste un arbre de Noël et une collecte de fonds.

Oui, il y aurait d'importants débouchés en passant par diverses organisations, mais rien n'approche ceux dont nous aurions besoin pour promouvoir les arbres de Noël naturels.

La sénatrice Buth : Est-ce que votre système de contributions assure le financement des programmes de recherche?

M. J. DeLong : Non, pas du tout. Ces contributions équivalent tout juste à 1 p. 100 de la valeur marchande approximative d'un arbre au détail. C'est loin de couvrir ce que nous faisons maintenant.

La sénatrice Buth : Pourquoi n'envisageriez-vous pas d'accroître le montant des contributions de façon à recueillir suffisamment d'argent pour faire face à vos besoins de recherches?

M. J. DeLong : Les producteurs ne pourraient pas faire face à des pressions financières plus importantes. La Nouvelle-Écosse est la seule province dans ce cas et c'est une bonne chose, et nous en sommes très fiers. Les États-Unis s'efforcent de mettre en place une telle contribution, ce qui aiderait les deux pays. Nous sommes partisans de cette solution. Cette contribution serait prélevée à la frontière, aussi bien auprès des producteurs américains que canadiens. Les producteurs du Canada atlantique ne pourraient pas faire face à des pressions financières additionnelles.

M. R. DeLong : En dehors de la gestion de l'offre, il n'y a vraiment pas de mécanisme pour prélever des contributions. C'est un système reposant sur l'honneur. Avec un tel système, il y a donc des gens qui paient un montant disproportionné alors que d'autres ne paient pratiquement rien. Un système plus lourd de prélèvement de contributions serait difficile à gérer ou à faire fonctionner.

La sénatrice Buth : Votre législation provinciale ne vous permet-elle pas de mettre en place un système de prélèvements? Dans chacune des provinces de l'ouest du Canada, il y a des lois qui ont essentiellement pour but de permettre aux groupes de producteurs de procéder à des prélèvements.

M. J. DeLong : En Nouvelle-Écosse, nous n'avons pas le pouvoir juridique de l'appliquer. Cette loi existe bien, mais on ne sait pas clairement comment lui donner force de loi. La Canadian Cattlemen's Association étudie comment mettre en place un système de contributions des producteurs.

Le président : Au début de votre exposé, vous nous avez dit être préoccupés dans une certaine mesure par les inspections réalisées par des tierces parties. Pourriez-vous, s'il vous plaît, élaborer un peu sur cette question et nous donner des exemples de ce que cela implique? Comment cela touche-t-il vos activités?

M. R. DeLong : De façon traditionnelle, nous travaillons dans le respect de la réglementation de l'ACIA, et nous continuons à le faire. Nous procédons au classement de nos œufs dans un atelier sous contrôle fédéral.

Nous sommes soumis à la réglementation de l'ACIA afin de conserver notre enregistrement fédéral et de respecter les exigences qui s'appliquent à nos produits. Dans le cas des arbres de Noël, nous collaborons avec cette agence pour faire procéder aux inspections exigées pour l'exportation ou pour quelques autres raisons ayant trait à la préparation des documents phytosanitaires.

Nous constatons maintenant une évolution alors que des détaillants, des grossistes ou différentes sociétés veulent des mesures additionnelles à celles prises par l'ACIA, et c'est la raison pour laquelle nous avons instauré un système de vérification par une tierce partie. C'est ce que nous avons fait à notre poste de classement des œufs. C'était vraiment très coûteux pour la taille de notre entreprise, mais nous n'avions pas le choix. Il fallait le faire ou fermer l'entreprise. Nous voyons l'obligation de mettre en place des programmes de salubrité des aliments de tierce partie et nous nous efforçons de respecter ces exigences.

Le sénateur Plett : Je veux continuer dans le prolongement de certaines questions qui vous ont déjà été posées. Si cela vous est possible, j'aimerais que vous me donniez des réponses plus précises.

Il me semble, à la lumière de certaines des réponses que vous nous avez données, que nombre des problèmes auxquels vous vous heurtez sont des entraves de niveau provincial et non pas fédéral. Je vous ai peut-être mal compris et si c'est le cas, n'hésitez pas à me corriger.

Nous avons parlé de la Nouvelle-Écosse, du Québec et de l'Ontario pour la culture des arbres de Noël. Où cultive-t- on le plus d'arbres de Noël au Canada? Est-ce dans l'une de ces trois provinces ou en cultive-t-on également en Colombie-Britannique? Pouvez-vous me dire quelles sont les cinq principales provinces productrices?

M. J. DeLong : Ce serait dans l'ordre le Québec, l'Ontario, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, les autres provinces en produisent un peu à certains endroits, mais dans des quantités minimes au regard de la production de ces quatre provinces.

Le sénateur Plett : L'essentiel de la production se fait donc en Ontario, au Québec et dans l'est du pays.

M. J. DeLong : Dans l'ouest du pays, les sapins proviennent essentiellement de l'Oregon et de l'État de Washington.

Le sénateur Plett : Je vous remercie. Vous produisez des œufs et du bœuf et nous savons qu'il y a des programmes fédéraux dans ces domaines. Il me semble que vous auriez intérêt à collaborer, au moins avec les quatre provinces, si ce n'est pas avec un programme fédéral. Les entraves au niveau provincial sont-elles si importantes qu'il vous est impossible de vous regrouper avec quatre provinces et de mettre sur pied une organisation au sein de laquelle vous pourriez collaborer, que ce soit en y cotisant ou en faisant quoi que ce soit d'autre pour que tout le monde soit sur un pied d'égalité, au lieu de devoir éventuellement affronter la concurrence de l'Ontario et du Québec?

M. J. DeLong : Est-ce possible? C'est bien ce que vous demandez?

Le sénateur Plett : Est-ce possible? Si oui, pourquoi cela n'a-t-il pas encore été fait?

M. J. DeLong : Je ne sais pas. Je dirais que cela relève d'un niveau supérieur au nôtre. Cela devrait éventuellement se faire au niveau des ministères provinciaux. Les conditions de culture sont différentes dans chacune des provinces. Ce qui donne de bons résultats en Nouvelle-Écosse n'en donnera pas nécessairement au Québec ou en Ontario. Les contextes sont différents. Le Québec et l'Ontario cultivent davantage de sapins Fraser que de sapin baumier, celui que nous cultivons de façon traditionnelle, à cause de leur environnement. Leurs producteurs semblent gagner davantage d'argent en cultivant ce sapin que le sapin baumier. Pour moi, je peux cultiver deux sapins baumiers pendant le temps nécessaire pour faire pousser un sapin Fraser en Nouvelle-Écosse. Notre choix est donc plus rentable pour nous. Je dirais donc qu'il s'agit de cultures différentes répondant à des besoins techniques qui ne sont pas les mêmes.

Le sénateur Plett : C'est très bien, mais si l'Ontario et le Québec ont des besoins différents, qu'en est-il des problèmes financiers? Ces deux provinces sont-elles confrontées aux mêmes problèmes et aux mêmes difficultés? Leurs producteurs ont-ils aussi besoin d'aide de l'extérieur pour maintenir en vie le secteur des arbres de Noël?

M. J. DeLong : Je suis sûr que c'est le cas. Le Christmas Tree Research Centre du campus de Truro est le seul centre de recherche sur les arbres de Noël au Canada. L'Université de Caroline du Nord fait des recherches depuis 25 ou 30 ans pour le compte du secteur du sapin Fraser, mais cela ne fait que cinq ou six ans que nous faisons des recherches au Canada sur cette question. Je n'ai pas connaissance de travaux de recherche en la matière au Québec ou en Ontario, si ce n'est de quelques recherches sur les insectes faites par leurs services de foresterie. C'est tout ce qui se fait dans ce domaine. La recherche sur les arbres de Noël est très récente au Canada.

Le sénateur Plett : Vous êtes pourtant une industrie assez âgée.

Ma dernière question porte sur l'éducation. Vous en avez parlé, mais j'aimerais, là aussi, obtenir un peu plus de précisions. Vous nous avez dit que vous avez pu suivre des cours auxquels votre fils n'a plus accès. Je trouve cela étrange alors que, le temps passant, nous essayons d'être plus novateurs, et cetera, que de tels cours ne soient plus disponibles. S'agit-il d'un programme ou d'une série de programmes de la province qui ont été abandonnés? Votre secteur d'activité est important pour votre province. Il me semble que c'est un secteur important et que la province de la Nouvelle-Écosse devrait faire tout son possible pour le maintenir en vie. Pourquoi a-t-elle laissé tomber ces cours?

M. J. DeLong : Il y a une réponse bien simple : les compressions budgétaires. Au ministère des Ressources naturelles de notre province, il y avait deux agents qui s'occupaient de vulgarisation dans le domaine des arbres de Noël. Il y a deux ans, leurs postes ont été supprimés, sans que l'industrie en soit informée. L'une des réponses qu'on nous a données était : « Nous ne nous occupons plus de ces questions. Vous êtes une industrie arrivée à maturité. Pourquoi auriez-vous besoin d'aide? »

Comme vous le savez, il n'y a probablement pas au Canada atlantique d'industrie aussi évoluée que celle du bois. C'est pour nos forêts fantastiques que les gens sont venus d'Europe. Tout d'un coup, le secteur de la forêt s'est probablement retrouvé dans la pire situation qu'il a jamais connue au Canada atlantique et c'est dans ce secteur qu'il y a eu le plus de fonds gouvernementaux d'injectés. Ce serait une bonne question à poser aux gouvernements provinciaux. Pourquoi les programmes de vulgarisation de pratiquement tous les produits sont-ils coupés?

Le sénateur Plett : Sans vouloir faire de la partisanerie, parce que je veux bien m'en garder, je suppose que c'est une question que vous poserez lors de la prochaine campagne électorale. Je vous remercie.

Le président : Je surveille l'heure. Nous entendrons nos prochains témoins d'Europe par téléconférence. Ce sont des représentants de l'OCDE. Nous en sommes maintenant à la seconde série de questions et nous allons terminer avec une dernière question de la sénatrice Callbeck.

La sénatrice Callbeck : Vous nous avez parlé de la réduction et, dans de nombreux cas, de l'élimination par les provinces et par le gouvernement fédéral des programmes de vulgarisation. Les programmes qui restent en vigueur appliquent le plus souvent les principes de l'utilisateur payeur et sont très coûteux. Pourriez-vous nous donner un exemple précis des coûts afin que nous réalisions mieux la problématique dont vous parlez?

M. J. DeLong : Elle veut savoir pour quels programmes nous devons payer et combien il nous en coûte.

M. R. DeLong : Nous avons cessé de faire des analyses sur nos volailles parce que celles-ci, gratuites auparavant, nous coûtent maintenant 600 $ et que l'information obtenue ne les vaut pas à nos yeux. C'est pourquoi nous procédons à d'autres analyses que nous estimons valables.

Les cours ou les séances techniques dont Jim vous a parlé étaient assurés par les services de vulgarisation. Maintenant, ils sont payants. Les groupes de producteurs doivent recueillir l'argent ou prélever des frais d'inscription pour couvrir ces coûts. Je suppose que ce n'est pas une mauvaise chose en soi. C'est néanmoins un changement important par rapport à ce qui se faisait il y a une vingtaine d'années. Je ne peux pas vous donner de montants exacts, parce que je ne les connais pas, mais voilà des exemples.

La sénatrice Callbeck : Je m'interroge sur vos coûts de production d'arbres de Noël par comparaison à ceux des États-Unis. Nous avons entendu, il y a quelques semaines, un producteur de pommes qui nous a expliqué qu'il était difficile d'être concurrentiel face aux producteurs américains, et il l'imputait en particulier aux coûts de la main- d'œuvre et à la difficulté de trouver des gens pour faire le travail. Bien évidemment, vos employés sont des locaux et c'est une excellente chose. Pouvez-vous nous parler de vos coûts de production en Nouvelle-Écosse en comparaison de ceux des États-Unis?

M. J. DeLong : La différence essentielle se trouve dans les coûts du carburant et de la main-d'œuvre qui sont moins élevés, alors que ce sont des éléments très importants du coût global de production.

M. R. DeLong : L'élément monétaire qui nous pénalise le plus est le transport sur ce marché. Cela a toujours été notre principale difficulté.

Le président : Au nom du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, je vous remercie infiniment des commentaires, de la vision et des recommandations dont vous nous avez fait part.

Je m'adresse maintenant à nos témoins de l'OCDE, que je remercie d'être présents. Je m'appelle Percy Mockler et je suis le président de ce comité. Je vais demander aux sénateurs de se présenter et je profite de cette occasion pour vous remercier d'avoir accepté notre invitation.

La sénatrice Merchant : Mon nom est Pana Merchant et je suis une sénatrice de la Saskatchewan.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Bonjour, je suis Fernand Robichaud, je viens de Saint-Louis-de-Kent, Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Callbeck : Catherine Callbeck, de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Plett : Je suis Don Plett et je viens du Manitoba.

La sénatrice Buth : Bonjour madame, bonjour monsieur. Je suis JoAnne Buth, du Manitoba.

La sénatrice Eaton : Bonjour madame, bonjour monsieur, et bienvenue à vous deux. Je suis Nicky Eaton et je viens de l'Ontario.

[Français]

Le sénateur Maltais : Bon matin, Ghislain Maltais, de la province de Québec.

Le sénateur Rivard : Michel Rivard, Les Laurentides, de la province de Québec.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup, chers collègues.

[Français]

À l'Organisation de coopération et de développement économique, j'aimerais vous dire merci pour avoir accepté notre invitation. Comme vous l'avez remarqué, l'ordre de renvoi du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts vient du Sénat du Canada. L'objectif est de regarder et examiner les efforts en recherche et développement en ce qui concerne...

[Traduction]

Cela englobe les efforts à faire pour développer de nouveaux marchés domestiques et internationaux, le renforcement du développement durable de l'agriculture et l'amélioration de la diversification et de l'approvisionnement alimentaires.

Nous allons entendre deux personnes de la Direction des Échanges et de l'Agriculture de l'OCDE, soit M. Ken Ash, son directeur et Mme Catherine Moreddu, analyste principale.

J'invite M. Ash à nous faire son exposé, après quoi les sénateurs poseront des questions.

Ken Ash, directeur, Direction des Échanges et de l'Agriculture, Organisation de coopération et de développement économiques : Je vous remercie beaucoup de l'invitation. Permettez-moi de commencer par vous situer en quelques mots le contexte de quelques-unes des données que nous allons partager avec vous.

Le premier élément qu'il est important de comprendre est que l'agriculture mondiale est aujourd'hui très différente de ce qu'elle a été pendant très longtemps. Je suis convaincu que vous connaissez tous bien les tendances du marché. Après que les prix réels aient diminué pendant 60 ou 70 ans, ils ont commencé à se stabiliser, toujours en termes réels, il y a une décennie, et plus récemment, ils ont commencé à augmenter. Cela montre très clairement que la demande augmente plus rapidement que l'offre et que l'efficacité de la production du secteur commence à prendre du retard. Je crois que la plupart des observateurs dans le monde conviennent qu'il faut accorder plus d'attention et plus d'importance aux investissements en agriculture, innover davantage dans ce secteur et, peut-être, donner une nouvelle orientation aux programmes visant des types de produits traditionnels qui ont été appliqués couramment dans nombre des pays membres de l'OCDE.

Avec votre permission, je vais vous citer quelques faits concernant les rendements sur investissement des innovations dans le domaine agricole. Ils sont très élevés. On a évalué que le taux de rendement des dépenses en R et D se situe entre 20 et 80 p. 100. Certaines analyses laissent même entendre que les rendements sur investissement et la croissance de la productivité, quand vous tenez compte des très longs délais associés à ces rendements, pourraient même atteindre un rapport de 10 à 1. Ce sont là des rendements sur investissement très élevés, bien évidemment beaucoup plus importants que les avantages découlant de certains transferts de types de revenus relativement stables qui sont caractéristiques de quantité de mesures d'aide en milieu agricole dans les pays membres de l'OCDE.

L'innovation est également importante pour améliorer la performance environnementale et garantir la salubrité des aliments. Nous n'avons pas de chiffres pour quantifier ses effets.

Je vais vous donner quelques caractéristiques des tendances des dépenses en recherche et développement. Nous disposons de données sur le Canada. Nous avons constaté que, au cours des 20 ou 30 dernières années, la part des dépenses engagées par le gouvernement, exprimées en pourcentage de la valeur ajoutée agricole brute, a diminué sensiblement. Ces dépenses ainsi exprimées ont été beaucoup plus élevées que celles consacrées à la R-D non agricole, par rapport à la valeur ajoutée dans le reste de l'économie canadienne. En réalité, il y a 20 ou 30 ans, les dépenses canadiennes en R-D étaient pratiquement le double des dépenses australiennes et américaines, toujours en pourcentage de la valeur ajoutée. Les dépenses des trois pays se situent maintenant pratiquement au même niveau, ce qui fait que les dépenses dans ces trois régions sont très proches.

Permettez-moi de vous expliquer brièvement ce que cela signifie pour la performance ou le rendement. Nous avons constaté au Canada, aux États-Unis et en Australie une légère diminution du taux annuel de croissance de la productivité totale des facteurs agricoles. Je crois que la plupart des observateurs s'attendent à ce que cette diminution se poursuive au cours de la prochaine décennie. Ce n'est peut-être pas une si grande surprise. Si vous vous souvenez de mon premier point, après des décennies de diminution des prix réels, vous pouviez vous attendre à des sous- investissements en agriculture, y compris en innovations agricoles. Le contexte du marché, comme je l'ai, là aussi, dit dès le début, a évolué. Nous aimerions voir apparaître des mesures incitatives pour commencer à investir en agriculture, en particulier en innovations agricoles. C'est une situation à laquelle nous sommes tous confrontés maintenant.

Avec votre permission, je vais m'arrêter ici. Si vous avez des questions précises, nous ferons de notre mieux pour y répondre. Si vous souhaitez parler un peu des conclusions que nous tirons de cette analyse passablement rapide sur les implications des orientations à venir des politiques au Canada et ailleurs, nous nous ferons un plaisir d'essayer d'y consacrer un peu de temps.

Le sénateur Plett : J'ai quelques questions de base à vous poser sur l'organisation. Pouvez-vous me dire combien de pays sont membres de l'OCDE?

M. Ash : Il y en a 34.

Le sénateur Plett : Pouvez-vous m'expliquer comment cet organisme est financé. Comment le Canada est-il impliqué dans le financement de votre organisation?

M. Ash : Nous regroupons 34 pays. Nous sommes donc une organisation mondiale, mais pas universelle. Nos membres comprennent la plupart des économies pleinement développées les plus importantes. Notre financement est assuré par les pays membres en proportion de leur part du PIB de l'ensemble des pays membres. En d'autres termes, c'est le PIB du Canada, en proportion de celui de l'ensemble des pays membres de l'organisation, qui détermine le montant de sa quote-part. J'ignore combien vous payez actuellement, mais cela doit être entre 3 et 4 p. 100 de notre budget total.

Le sénateur Plett : À la fin de votre exposé, vous nous avez dit que nous devrions poser des questions précises sur les politiques, et cetera. Je n'ai pas de question précise, mais j'aimerais que vous nous fassiez un bref résumé de toutes les suggestions que vous pourriez nous faire sur les orientations que le Canada devrait prendre. C'est peut-être un sujet beaucoup trop vaste.

M. Ash : Permettez-moi de faire quelques remarques. Nous essayons de décourager les politiques visant à consacrer des dépenses uniquement à la R-D. Il faut bien réaliser que toute la série de mesures incitatives ou dissuasives que peuvent prendre les gouvernements et le secteur privé pour investir dans la R-D agricole est beaucoup plus vaste que les simples dépenses en R-D du secteur public. La première remarque que je tiens à faire est que le contexte beaucoup plus large de l'ensemble de l'économie, la nature de vos politiques d'innovation en dehors du secteur agricole, le niveau de stabilité macro-économique et la clarté de votre cadre réglementaire, c'est-à-dire toutes ces conditions de la gouvernance de base, sont importants, en particulier pour attirer les investissements du secteur privé dans n'importe quel domaine, y compris ceux de l'innovation et de l'innovation agricole. C'est le premier commentaire que j'aimerais faire.

En second lieu, quand on se penche sur la performance de votre pays dans le domaine agricole, il est très important d'examiner ses politiques en vigueur dans le domaine agricole, dont certaines peuvent favoriser une innovation plus poussée et d'autres non. Je vais vous donner un exemple. Les dépenses publiques en éducation, l'argent versé aux universités et le financement des services de vulgarisation ont eu tendance à diminuer au cours des dernières décennies. Nous pensons, comme les éléments de preuve dont on dispose le laissent entendre, que c'est là un aspect très important de l'innovation. C'est une chose d'innover en laboratoire, c'en est une autre d'amener cette innovation sur le terrain dans le pays, et encore une autre de la faire adopter par les exploitations agricoles selon les modalités prévues. Voilà un exemple précis.

Au Canada, comme dans de nombreux autres pays, quantité de politiques agricoles visent essentiellement à apporter ce que j'appellerais une « aide traditionnelle basée sur le cours des produits ». De telles politiques sont apparues il y a des décennies pour améliorer les perspectives de revenus agricoles des ménages agricoles et, peut-être de façon indirecte, pour dissuader de procéder à des ajustements structurels sur les exploitations agricoles.

Le contexte du marché est aujourd'hui très différent de ce qu'il était lorsque ces politiques ont été mises en place. Les marchés sont dynamiques, les prix sont élevés et la demande augmente. Au lieu d'investir peut-être autant que vous le faites dans les transferts de revenus, essentiellement destinés aux producteurs, nous favoriserions les investissements publics en R-D, en innovation, en vulgarisation et dans ce type de programmes qui permettent aux agriculteurs de gagner plus d'argent sur les marchés. Je vais m'arrêter ici.

Le sénateur Plett : C'était très bien. J'ai une question à vous poser dans le prolongement de ce que vous venez de nous dire. Vous avez parlé de financement par le secteur privé et par le gouvernement. Utilisez-vous des critères pour recommander le partage du financement ou de l'aide entre le secteur privé et le secteur public? Combien le secteur privé devrait-il investir en R-D et quelle devrait être la part du gouvernement?

M. Ash : Nous ne voudrions pas donner un ratio qui donnerait de bons résultats, parce qu'il ne fonctionnerait pas dans tous les cas. De façon plus générale, nous serions partisans d'accorder, pour les dépenses publiques, une plus grande priorité à ce qu'on pourrait appeler des sciences ou des technologies fondamentales ou plus pures, comme l'élaboration de nouveaux domaines de technologie et la prise de certains risques plus élevés, alors que nous aimerions voir le secteur privé travailler un peu plus étroitement avec le client final et le volet de la demande pour répondre aux besoins des agriculteurs et de l'industrie, et pour envisager de mettre en place des accords de partenariat. Lorsque nous parlons de l'implication du gouvernement et de celle de l'industrie, nous pensons davantage à des recherches plus pures et plus appliquées qu'à des proportions.

Pour vous donner une réponse un peu désinvolte, je vous dirais que vous saurez que vous avez réussi quand pratiquement tout l'argent proviendra du secteur privé.

Le sénateur Plett : C'est une réponse qui me plaît. Je vous remercie.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Merci à vous deux de bien vouloir vous entretenir avec nous. Vous avez parlé de recherche, d'innovation. Je comprends que vous dites que les efforts des autorités, des gouvernements, qu'ils soient au niveau fédéral ou provincial, doivent aller vers la recherche pure, vers l'innovation. On s'est aperçu dans notre étude que lorsqu'il y avait des nouvelles méthodes de mise en place, le problème était le transfert vers l'industrie et l'agriculture. Ce qu'on appelait la vallée de la mort. Quel rôle pensez-vous que les gouvernements devraient jouer dans ces transferts?

[Traduction]

M. Ash : Cela m'amène à vous faire deux commentaires : les transferts seraient plus faciles s'il y avait une demande pour cette technologie précise avant de procéder à la recherche et avant que la découverte ne soit faite. Plus votre système d'innovations agricoles obéit à la demande et plus il sera facile de transférer les résultats du laboratoire sur le terrain. Toutefois, cela ne répond pas à votre question.

Nous serions plutôt d'avis que le rôle du gouvernement devrait être de concentrer ses efforts dans le domaine de l'éducation, de la vulgarisation et des services de conseils de l'ensemble du système d'innovations agricoles. L'un des domaines dans lesquels le gouvernement aurait intérêt à s'impliquer énergiquement serait de veiller à ce que les gens soient bien formés et qualifiés, et d'avoir des services consultatifs pour leur venir en aide. Je pense que ce serait là la réponse de nature très générale à cette question.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Madame, est-ce que vous avez quelque chose à ajouter?

Catherine Moreddu, analyste principale, Direction des Échanges et de l'Agriculture, Organisation de coopération et de développement économiques : Bonjour. Je voulais simplement dire que l'innovation la plus facilement adoptée par les consommateurs, mais aussi par l'industrie et les agriculteurs, s'il y a un cadre réglementaire clair qui assure que l'innovation est bonne pour la santé et pour l'environnement.

Le sénateur Robichaud : Oui, je suis entièrement d'accord, mais il y a toujours la question du transfert. Vous dites que si c'est motivé par le marché, cela a plus de chance, mais n'empêche que de grandes découvertes ont été faites dans les laboratoires et avec beaucoup de succès. C'est là où est le problème. Lorsque le marché en arrive à des mesures innovatrices, elles sont acceptées assez facilement. Ma question portait surtout sur le transfert de recherche initié à un niveau universitaire qui peut, à court ou à long terme, profiter à toute l'industrie. Je vous remercie.

Le président : Est-ce que vous avez des commentaires?

[Traduction]

M. Ash : Une fois encore nous sommes sensibles à la préoccupation que vous soulevez. Je ne suis pas sûr qu'on puisse y donner une réponse simple. La réussite dépendra de communications plus cohérentes. Si vous avez un bon produit pour lequel il y a une demande, ce sera plus facile. Cela s'applique à la technologie de la même façon que cela s'applique aux légumes frais.

Il est important d'avoir un système d'innovations qui soit bien connecté et qui dispose de laboratoires et d'universités, ainsi que de services provinciaux de vulgarisation dans votre cas, connectés et également conscients les uns des autres. J'ai travaillé pendant longtemps pour Agriculture Canada, et les visites des centres de recherche des services provinciaux de vulgarisation constituent un exemple très concret de ce genre de chose. Il s'agit de bien communiquer et d'avoir des réseaux pour que les résultats se rendent bien aux collectivités agricoles et que les besoins de ces collectivités remontent bien jusqu'aux laboratoires. Je crois qu'il est très important que la communication se fasse dans les deux sens.

[Français]

Le sénateur Rivard : Merci. Il y aura bientôt trois ans, l'OCDE a tenu une conférence à Prague sur les enjeux de la recherche agricole. Depuis ce temps, l'OCDE a fait des constats sur les pressions sur les ressources naturelles. Pouvez- vous dire si, à partir du moment où les problèmes ont été identifiés, il y a eu des correctifs effectués? Qu'est-ce que vous en pensez?

[Traduction]

M. Ash : C'est la question la plus difficile que j'ai entendu poser depuis longtemps.

Je vous dirai ceci : le travail auquel vous faites allusion constituait une première tentative d'impliquer la collectivité internationale dans une discussion sur le fait que, depuis des décennies et de façon rétrospective, les pays développés avaient manifestement investi insuffisamment en agriculture, et la situation était encore plus flagrante dans les pays en développement. Les domaines les plus importants de sous-investissement étaient ceux des dépenses publiques et privées en innovation, en R-D, en transfert de technologie et en vulgarisation.

Au début de mes commentaires, j'ai fait allusion aux taux de rendement très élevés des dépenses en agriculture. S'il n'y a pas eu d'investissements, c'est que les prix, en termes réels, diminuaient. Ce n'était pas un secteur intéressant. Il est devenu manifeste, il y a quelques années, que les perspectives du marché de ce secteur étaient beaucoup plus intéressantes et que les prix étaient dynamiques et devraient le rester pendant un certain temps.

Nous avons alors organisé une réunion de la collectivité internationale pour parler du besoin d'accroître les dépenses en R-D et les investissements dans ce secteur. Ce qui est différent trois ans plus tard est qu'il n'y a plus de débat quant à savoir s'il est important ou non d'innover. La discussion porte maintenant sur la façon de procéder. Comment pouvons-nous accroître les dépenses publiques à une époque où les budgets diminuent ou sont soumis à de fortes contraintes partout à travers le monde? Comment attirer davantage d'investissements du secteur privé quand les dirigeants de celui-ci se sont habitués à ne pas consacrer de fonds à l'agriculture? Ce sont les questions que vous posez. Comment amener les bonnes idées et les bons produits du laboratoire sur le terrain, et comment nous assurer que ceux- ci donnent de bons résultats sur le terrain?

J'ai deux derniers commentaires à vous faire. La réponse de nature très générale à votre question est différente si vous vous trouvez au Canada ou dans un pays de l'Afrique subsaharienne. Dans les pays en développement, on observe en particulier un écart si important entre les taux de productivité actuels et ce qu'ils pourraient être en théorie que nous affirmons très énergiquement que le problème en est un de transfert de technologie et de parvenir à faire profiter les gens de ce qui est disponible, et de les aider à l'utiliser.

Dans les pays développés comme le vôtre, c'est beaucoup plus une question de sciences et de technologie, de repousser cette limite de la productivité, et d'élaborer de nouvelles et de meilleures façons de faire les choses. Je crois que c'est là tout le chemin que nous avons pu parcourir au cours des trois dernières années.

[Français]

Le sénateur Rivard : Je reprends vos mots du début, la question était difficile, mais la réponse que vous m'avez donnée est claire.

[Traduction]

La sénatrice Callbeck : Monsieur Ash, j'ai quelques questions brèves à vous poser. Vous nous avez indiqué que le Canada verse 3 à 4 p. 100 de votre budget. Quel est votre budget total?

M. Ash : Je peux vous donner le budget de ma direction. Je ne connais pas celui de l'ensemble de l'organisation. Je peux peut-être me procurer la réponse dans la demi-heure qui suit. Comme je n'ai pas à dépenser tout le budget de l'organisation, je ne m'en inquiète guère. Je ne peux que vous parler du mien qui, pour l'agriculture et les pêches, est d'environ 7 millions d'euros par année. Pour la politique commerciale, dont je suis également responsable, il est d'environ 5 millions d'euros. Je vais envoyer rapidement un message avec mon BlackBerry et voir si je peux obtenir la réponse à votre question.

La sénatrice Callbeck : Vous nous avez parlé des investissements du secteur privé. Avez-vous des chiffres sur ceux-ci dans les pays membres de l'OCDE? Si oui, où se situe le Canada par rapport aux autres?

Mme Moreddu : L'OCDE recueille des données sur les dépenses en R-D en agriculture dans de nombreux pays, par secteur de performance et par domaine de science. Malheureusement, pour le Canada, nous n'avons pas de données sur le secteur privé. Nous n'avons que les dépenses inscrites au budget.

M. Ash : Ce sont des questions assez précises. Si vous me donnez un moment, nous allons voir si nous avons ici les chiffres des dépenses publiques canadiennes.

La sénatrice Callbeck : C'est très bien.

Mme Moreddu : Je n'ai pas les chiffres parce que je me suis contentée de calculer le pourcentage. Le pourcentage de la valeur ajoutée de l'agriculture était de 2,2 p. 100 en 2010.

M. Ash : Les dépenses publiques en recherche agricole, exprimées en pourcentage de la valeur ajoutée brute de l'agriculture ont été de 2,2 p. 100 au cours des toutes dernières années.

La sénatrice Callbeck : Au Canada?

M. Ash : Au Canada.

La sénatrice Callbeck : Faisons-nous bonne figure par rapport aux autres pays?

M. Ash : J'ai deux pays à l'esprit. En Australie et aux États-Unis, le pourcentage est un peu inférieur. Il serait peut- être plus utile pour vous, en regardant les 30 dernières années, d'examiner les dépenses du Canada en R-D exprimées en pourcentage de la valeur ajoutée dans le secteur. Elles étaient d'environ 2,5 ou 3 p. 100, et elles sont, aujourd'hui, plus proches de 2 p. 100.

En Australie et aux États-Unis, ce pourcentage était au début plus près d'un et a augmenté puisqu'il est maintenant juste en dessous de 2 p. 100. Le chiffre du Canada baisse donc alors que celui de l'Australie et des États-Unis augmente. Ils ont pratiquement atteint, mais pas tout à fait, les 2 p. 100 de la valeur ajoutée brute dans le secteur. Cela vous donne un aperçu de la situation.

Le sénateur Plett : J'aimerais tenter de répondre à la question de la sénatrice Callbeck et, lorsque nos témoins auront le résultat, voir si j'en suis proche. Je crois que le budget de l'OCDE était de 347 millions d'euros pour 2012. Nous verrons bien si j'ai le bon montant quand ils nous donneront la réponse plus tard.

La sénatrice Eaton : Merci beaucoup à vous deux. L'une des choses que nous avons observées en procédant à notre étude est qu'il y a un retard entre la mise au point d'une innovation et son application concrète, ou une difficulté à franchir cette étape. En d'autres termes, il faut du temps pour que l'innovation passe de sa conception en milieu universitaire à son application en milieu agricole. Est-ce que l'un des pays membres de l'OCDE obtient dans ce domaine de meilleurs résultats que les autres. Nous essayons d'apprendre quelles sont les pratiques exemplaires en la matière, quelles sont celles qui donnent les meilleurs résultats.

Mme Moreddu : Cela est une question de nature générale que tout le monde mentionne. Il y a des pays dans lesquels la recherche est financée par des contributions des producteurs. Dans ce cas, la recherche a un caractère plus concret et correspond aux besoins exprimés par le milieu.

Dans de nombreux pays, en particulier dans l'Union européenne, on commence maintenant à élaborer des réseaux regroupant les chercheurs, les agriculteurs, les consommateurs et les ONG afin de cerner des problèmes et de trouver des solutions. Je ne sais pas dans quelle mesure ce phénomène est marginal dans le secteur de la recherche. Je crois que la recherche fonctionne encore beaucoup du sommet vers la base, mais les réformes dans le secteur agricole ont tenté récemment d'inverser ce flux.

M. Ash : Puis-je tenter d'ajouter quelque chose à ceci? Si nous cherchons un pays dans lequel tout est mieux fait, je crois que nous serons déçus, mais il y a des exemples. Mme Moreddu a fait allusion aux systèmes de contribution des agriculteurs qui sont courants en Australie, par exemple. Dans ce pays, un système de contributions obligatoires des producteurs a été instauré. Le secteur public verse alors des fonds équivalents ou complémentaires. Ces fonds sont injectés dans ce qu'on appelle des sociétés de recherche et développement et la répartition des fonds et les décisions relèvent de groupes composés d'agriculteurs et de représentants gouvernementaux. Il y a un lien très direct entre eux, à la fois dans le domaine du financement et dans celui de la conduite des travaux.

Il y a également au Brésil un système qui suscite beaucoup d'admiration. Ce pays s'est doté d'un organisme appelé Embrapa qui collabore directement avec les agriculteurs et avec la collectivité scientifique. Il assure essentiellement la liaison entre les gens, que ce soit des universitaires, des chercheurs ou des enseignants, et les agriculteurs. Il y a un dénominateur commun.

L'élément commun à tous ces systèmes est évident. Il s'agit des communications bilatérales, commençant par la manifestation d'un besoin auquel on répond par des technologies et des conseils.

Si nous cherchons un pays qui fait tout de la meilleure façon, je ne crois pas que nous allons en trouver un à cette époque-ci.

La sénatrice Eaton : Je ne cherche pas un pays qui fasse tout mieux. En préparant notre rapport, nous cherchons des pratiques exemplaires qui permettent de passer de l'étape de la recherche à celle de l'utilisation concrète. C'est ce que je vous demandais. Je crois que vous m'avez répondu en me donnant plusieurs exemples.

Vous avez parlé d'augmentation des innovations et des investissements. À quel volet de l'innovation, de nature générale ou en fonction du climat, pensez-vous? Par exemple, pouvez-vous nous dire, dans le cas du Canada, où l'innovation serait, à votre avis, la plus utile. Dans quel domaine de l'activité agricole devrait-elle se faire?

M. Ash : Non. Je crois que votre milieu agricole et le secteur des affaires peuvent vous le dire beaucoup mieux que moi.

Mme Moreddu est Française. Je suis Canadien, mais cela fait 14 ans que je ne vis plus au Canada. Je crois qu'il est absolument essentiel que ces types de décisions soient pris à un niveau très local, pour des sites très précis. Si vous examinez la situation dans l'ensemble du monde...

La sénatrice Eaton : Ce que vous faites. Vous étudiez 34 pays.

M. Ash : Je peux vous donner un point de vue mondial. Je ne veux pas vous répondre en prétendant vous donner une solution canadienne.

D'un point de vue planétaire, nous devons trouver une façon de produire davantage d'aliments en consommant moins d'eau. C'est la première chose que je peux vous dire. Il y a assez de terres sur la planète, mais pas suffisamment d'eau pour l'avenir si nous ne commençons pas à l'utiliser plus efficacement. Cela a quantité d'implications. Cela ne signifie pas uniquement recourir à des solutions techniques. Cela signifie aussi que nous devrons facturer l'eau consommée, à sa valeur. Nous devons l'utiliser plus efficacement et nous devons disposer de systèmes d'irrigation qui n'arrosent pas au hasard. Nous devons utiliser des approches beaucoup plus scientifiques.

Toute la question du changement climatique, en laissant de côté les modalités d'utilisation de l'eau que nous avons, les changements qui vont survenir, les changements associés aux modèles climatiques dont nous ne connaissons pas encore très bien la nature, nécessitera des adaptations des cultures agricoles et de la production animale. Nous devrons prendre les mesures permettant à la fois d'atténuer la production de gaz à effet de serre et de nous adapter à l'évolution des conditions de production dans lesquelles nous nous trouverons. Je crois que ce sont là les deux questions de nature très générale que nous devrons aborder.

Comme il faut toujours répondre avec trois éléments, je vais vous en donner un autre : trouver une solution de remplacement pour produire les matières premières nécessaires à la production de carburant qui ne nuiraient pas à la production de stocks vivriers de base. C'est là un autre domaine auquel je crois que nous pourrions consacrer un peu plus d'efforts.

La sénatrice Merchant : Vous venez de répondre précisément à ma question. Vous nous avez également dit que nous devons nous habituer à payer plus cher l'eau que nous consommons. Les consommateurs vont-ils devoir s'adapter à des prix de produits agricoles et agroalimentaires élevés ou y aurait-il un moyen de contrôler l'augmentation des prix des produits?

M. Ash : Je crois que cela va se traduire par des prix plus élevés que ceux auxquels les consommateurs ont été habitués au cours de la dernière décennie, mais peut-être pas beaucoup plus élevés qu'ils le sont aujourd'hui. Cela dépend dans une large mesure des comportements que les gouvernements et l'industrie vont adopter ou non , en faisant comme si le monde n'avait pas évolué au cours des 20 dernières années, ou si nous convenons tous que la demande augmente et que nous devons prendre des mesures pour nous assurer que l'offre croît suffisamment pour suivre le rythme.

Si nous continuons comme actuellement, il vaut mieux nous faire une raison : les prix des aliments seront plus élevés. Toutefois, si nous prenons les mesures que nous savons devoir prendre, si nous commençons à étudier les possibilités d'innovation, si nous réduisons le gaspillage important qu'il y a dans le système alimentaire, nous commencerons alors à voir un nivellement des prix des aliments.

L'eau est un élément important, mais il est évident que, dans toute la chaîne de production, il y a beaucoup plus que simplement le prix de l'eau. Tant de choses dépendent de la façon dont nous réagirons aux possibilités qui s'offrent à nous. Si nous commençons à améliorer notre productivité, à moins consommer l'eau et à perfectionner le fonctionnement de la chaîne alimentaire, qui génère tant de déchets, nous continuerons alors à profiter de prix relativement faibles.

La sénatrice Merchant : Toutefois, avec la hausse rapide de la population mondiale, on évalue qu'il y aura plus de 9 milliards de personnes à nourrir en 2050. Nos ressources naturelles et notre environnement vont être soumis à quantité de pressions. Quelles sont les meilleures stratégies à envisager de retenir maintenant? Y en a-t-il une ou deux très bonnes que vous pourriez nous recommander?

M. Ash : Il est de la plus haute importance de réaliser que, aujourd'hui, quantité d'investissements publics se font dans le domaine de l'agriculture, qui est également soumis à un grand nombre de politiques et de règlements. La plupart de ces mesures ont été conçues pour le système agricole des années 1950, 1960, 1970 et 1980. Très peu le sont pour le type d'agriculture que nous avons aujourd'hui et que nous comptons avoir demain. Nous ne disons pas ici qu'il faut injecter de nouveaux fonds, mais qu'il faut adopter une approche différente au développement de l'agriculture. Comme je l'ai indiqué auparavant, on préférera aux subventions inefficaces, qui transfèrent des revenus aux agriculteurs, des investissements publics en innovation, en infrastructures, dans les personnes, c'est-à-dire investir dans les gens, les compétences et leur formation. Cela vous donnera le type de résultats qui mettra l'agriculture en très bonne posture à l'avenir, qu'il y ait 8, 9 ou 10 milliards de personnes à nourrir sur la planète.

Si nous ne faisons rien, nous ferons face à des prix élevés. Si nous prenons les mesures dont je vous parle qui, je le crois, seraient défendues par la plupart des personnes occupant des fonctions comparables aux miennes, les perspectives aussi bien du secteur lui-même que du public de consommateurs seront, à mon avis, très bonnes.

La sénatrice Buth : Merci infiniment de vous être joints à nous aujourd'hui.

Je reprends au vol un commentaire que vous avez fait, et que j'ai peut-être mal compris ou alors j'ai oublié le contexte dans lequel vous l'avez formulé. Vous avez dit que nous devrions songer à faire des recherches sur des produits non traditionnels. Vous ai-je bien compris et pouvez-vous élaborer un peu sur ce sujet?

M. Ash : Je ne me souviens pas non plus de ce que j'ai dit, mais je voulais dire que quantité de politiques agricoles visent des produits précis et sont destinées à assurer un soutien des prix de ces produits. Le Canada dispose d'un système de gestion de l'offre. Vous aviez une Commission canadienne du blé. Vous avez aussi un système de gestion des risques conçu pour transférer de l'argent aux producteurs quand leurs résultats sont moins bons.

Une grande partie des politiques de ce type a été mise en place à une époque où les revenus agricoles étaient relativement faibles, où les perspectives de gagner de l'argent sur le marché étaient relativement minces et où le risque associé à l'agriculture était relativement élevé. De nos jours, les marchés de l'agriculture sont très dynamiques. Le rendement sur la production de l'agriculture atteint des records alors que, en nous tournant un peu vers l'avenir, nous savons que nous ne disposerons pas sous peu de terres additionnelles ni de nouvelles sources d'eau. Nous savons que les répercussions des changements climatiques seront, dans l'ensemble, négatives. Nous savons aussi que si nous n'abandonnons pas un ensemble de politiques adaptées à un secteur, qui enregistre des diminutions de prix année après année, nous ne serons pas en mesure d'obtenir une augmentation de l'offre à un taux correspondant à la croissance de la demande importante à laquelle nous savons devoir faire face.

Je veux dire ici que nous devrions abandonner des programmes axés sur des produits et privilégier les investissements publics dans le secteur de l'innovation, des gens, et cetera. Nous pensons que cela donnera des rendements beaucoup plus importants et permettra d'obtenir la hausse de l'offre dont le monde a absolument besoin.

La sénatrice Buth : Je vous remercie de cette précision. Cela cadre fort bien avec ce que notre ministre de l'Agriculture ne cesse de dire, à savoir que nous devons veiller à ce que les agriculteurs retirent plus d'argent du marché que des divers types de programmes.

Pour en revenir au document intitulé Les enjeux de la recherche agricole, publié par l'OCDE en 2010, quatre sujets se sont dégagés de la conférence lorsque nous les avons étudiés. L'un d'eux était que, pour l'essentiel, il faudrait élaborer des politiques et des mesures incitatives qui reconnaîtraient l'importance des gains environnementaux obtenus par les exploitants des terres. Avez-vous étudié les politiques et les mesures incitatives visant de tels gains environnementaux et, dans ce domaine, comment les résultats du Canada se comparent-ils à ceux des autres pays?

M. Ash : Il me semble qu'il y a deux réponses à votre question. Le domaine dans lequel la collectivité mondiale à laquelle nous appartenons a investi fortement au sujet des préoccupations environnementales, et je vous ai déjà parlé un peu de l'eau, est celui des changements climatiques. Je crois que le message important dans ce domaine, que nous devons à tout prix garder à l'esprit face à de telles préoccupations, est qu'une réponse au même niveau planétaire semble aussi tout à fait logique.

Une institution vient d'être mise sur pied. Il s'agit de la Global Research Alliance. C'est un réseau virtuel regroupant des pays qui ont convenu de mettre en commun leurs plans de recherche sur l'atténuation des effets néfastes du changement climatique sur l'agriculture, de combiner leurs efforts et de rassembler leurs résultats.

Lorsque nous parlons d'amélioration de la performance environnementale, une façon de l'envisager, en particulier quand on aborde des préoccupations environnementales plus globales qu'il importe vraiment de ne pas perdre de vue, est de garder à l'esprit que le Canada n'est pas seul à être confronté à ces questions et à ces problèmes. Tous les autres pays le sont, et c'est l'occasion de prendre le train des recherches qui se font à travers le monde, d'en profiter et d'y contribuer en tirant parti des technologies de communication de l'information contemporaine. C'est gratuit et c'est facile. Il s'agit simplement que les gens veuillent communiquer et échanger des idées. C'est un domaine dans lequel nous avons appuyé énergiquement une initiative lancée au départ par la Nouvelle-Zélande et à qui a bénéficié par la suite de l'appui du Canada et de nombreux autres pays.

C'est peut-être là une réponse indirecte à votre question. Je ne sais pas si vous voulez y revenir, mais il m'a paru important de vous fournir cet exemple d'une pratique exemplaire pour améliorer l'efficacité de la recherche.

La sénatrice Buth : Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Maltais : J'ai quelques questions qui seront assez courtes. Je vais vous demander peut-être des réponses assez courtes également. À l'OCDE, vous avez dit qu'il se faisait beaucoup de recherches en nouvelles technologies agricoles. Pourriez-vous me donner un exemple de nouvelles technologies qui ont été faites par l'OCDE et qui sont applicables au Canada?

[Traduction]

M. Ash : Je vais être très bref. Nous ne faisons pas de recherches scientifiques ou techniques en agronomie. Nous faisons des recherches sur la politique économique. Nous ne travaillons pas sur les technologies. Nous ne sommes pas des scientifiques.

[Français]

Le sénateur Maltais : Est-ce que vous travaillez en étroite collaboration avec la Communauté européenne, le Parlement européen?

[Traduction]

M. Ash : De la même façon que nous collaborons étroitement avec les Canadiens et avec les Américains, comme avec tous les autres pays membres de l'organisation.

[Français]

Le sénateur Maltais : En Europe, avec l'abolition du rideau de fer, il y a une libre circulation des produits agricoles qui proviennent des pays de l'Est. Il y a une libre circulation avec les pays de l'Ouest également. Est-ce qu'il y a un contrôle unique, pas de contrôle du tout ou s'il y a des normes très restrictives dans les échanges de produits agricoles?

[Traduction]

M. Ash : Il y a des lignes directrices et des normes très claires en matière de salubrité des aliments que doivent respecter tous les membres de l'Union européenne. Il y a aussi des normes nationales, et des normes pour le transport des marchandises au-delà des frontières, et c'est l'Autorité européenne de sécurité des aliments qui veille à leur respect. C'est une responsabilité paneuropéenne, mais, bien évidemment, la responsabilité première incombe à chacun des États membres de l'Union européenne.

[Français]

Le sénateur Maltais : Est-ce que vous vouliez ajouter quelque chose?

Mme Moreddu : Si votre question était s'il y avait des obstacles aux échanges entre pays européens, il n'y en a pas.

Le sénateur Maltais : Non, ma question était de savoir s'il y a une norme européenne ou s'il y a une norme qui appartient à chaque pays. Par exemple, je ne sais pas, la Hongrie versus la France, est-ce qu'il y a des normes européennes ou si ce sont des normes hongroises et des normes françaises?

Mme Moreddu : Il y a un minimum au sein de l'Union européenne. À l'intérieur de l'Union européenne, certains pays ont des normes plus sévères, mais il y a une reconnaissance mutuelle de toute façon.

Le sénateur Maltais : Merci.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Je n'ai pas de question à vous poser, mais plutôt un commentaire à faire, et je suis sûr que le sénateur Robichaud va l'écouter attentivement.

M. Ash a dit qu'il n'y a plus de Commission canadienne du blé et c'est un point sur lequel je dois revenir. Nous avons bien une Commission canadienne du blé. Le fait est que nous avons abandonné la commercialisation à comptoir unique et que nous avons maintenant une commercialisation mixte. Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Je crois que j'ai le dernier mot. Dans le rapport qui a été mentionné par l'honorable sénateur Rivard, Challenges for Agricultural Research, on parlait en fait...

[Traduction]

Un paragraphe rappelle que d'aucuns craignent que les techniques de modification génétique profitent au reste du monde, mais pas à l'Union européenne. Dans le même ordre d'esprit, un travail doit être mené sans tarder auprès du public sur ces nouvelles technologies, afin de les démystifier et de donner des explications claires et précises, et d'amener le grand public à s'impliquer dans ces questions. Des progrès ont-ils été réalisés dans ce domaine?

M. Ash : Mes collègues rigolent tous. Permettez-moi de dire deux choses. À ma connaissance, la position de l'Union européenne et de certains de ses États membres sur les modifications génétiques n'a pas évolué. Cela ne change pas ce qui est dit dans le rapport au sujet de la nécessité de s'en remettre à une base scientifique, de faire connaître celle-ci et d'acheminer l'information aux consommateurs au bon moment afin que la « bonne » science ne soit pas rejetée. C'est toujours très important.

Y a-t-il intérêt à ce que la science progresse, dans l'intérêt de la croissance de la productivité agricole? Oui, très certainement. Plus les travaux scientifiques seront bien divulgués et plus nous connaîtrons le succès. Toutefois, si votre question vise à savoir si la position de l'Union européenne sur les OGM a été modifiée, à ce que je sache, la réponse est non.

Le sénateur Robichaud : Que serait-il possible de faire pour que cette position change et faire connaître à la collectivité les avantages de ces nouvelles technologies?

M. Ash : Beaucoup de choses se font déjà. Les discussions sur les OGM qui se tiennent aujourd'hui sont très différentes de celles qui se tenaient lorsque je suis arrivé à l'OCDE, il y a 14 ans. C'est maintenant un sujet dont on discute, alors que ce n'était pas le cas auparavant. L'une des principales sources de tension pour accéder aux derniers travaux scientifiques et technologiques au sein de l'Union européenne vient de l'industrie. Toutefois, actuellement, les craintes et les inquiétudes des consommateurs sont telles que les gouvernements conservent l'attitude qu'ils ont depuis un certain temps. Je crois qu'il est de la plus haute importance de continuer à divulguer de façon cohérente de bons renseignements précis, qui n'exagèrent ni ne minimisent rien, et qui fournissent de bonnes bases probantes.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Je vois sur l'écran d'arrière-plan. Je vois trois mots : Fair World Economy. Comment on s'assure en fait que les pays qui ont besoin d'une économie forte pour produire la nourriture dont ils ont besoin, comment on les implique dans tout ce mouvement? C'est un problème, n'est-ce pas?

[Traduction]

M. Ash : Je ne suis pas sûr d'avoir bien saisi toute la portée de votre question. Il y a encore, tout comme il est important de faire connaître ce qui se fait en sciences et en technologie, il est tout aussi important de faire connaître ce qui se fait en coopération économique.

Comme l'indique le nom de notre organisme, et comme le montre le travail que nous faisons au quotidien, notre mandat n'est pas de prendre des décisions à la place des gouvernements. Notre rôle est de vous fournir l'information à laquelle nous pouvons accéder auprès d'autres pays et d'éclairer les choix que vous faites. C'est ce que nous nous efforçons de faire avec tous nos membres et c'est ce que nous essayons de faire avec le nombre très important et toujours croissant de pays qui ne sont pas actuellement membres de l'OCDE. Notre rôle est de vous informer et de vous aider à prendre les meilleures décisions de politique.

Quelqu'un m'a demandé le montant de notre budget. Je devrais le connaître. Il figure sur notre site web. Il semble donc que ce soit 347 millions d'euros par an.

Le sénateur Plett : Inscrivons au procès-verbal que j'avais le bon chiffre avant nos témoins.

[Français]

Le président : D'autres commentaires, sénateur Robichaud?

Le sénateur Robichaud : Je vous remercie et je vous encourage à continuer de jouer le rôle qui est celui de votre organisation. Je vous remercie de nous avoir parlé.

[Traduction]

Le président : Avant de vous laisser à Paris, j'aimerais vous poser une question et connaître votre opinion sur un sujet, la traçabilité, puisque nous nous intéressons aux marchés mondiaux.

Quand je vois les difficultés qui sont apparues récemment avec la viande de cheval, que pourriez-vous nous dire au sujet de la traçabilité du producteur au consommateur, dans une optique de protection, et que recommanderiez-vous au secteur agricole de notre monde?

M. Ash : Je crois que, dans la réalité, la plupart des pays sont déjà dotés de systèmes qui permettent de suivre le cheminement d'un produit de son point final de consommation jusqu'à son origine. Cela permet de prendre des mesures correctrices. Dans un monde visant la perfection, vous voulez empêcher ce type de chose de se produire. Que cela tienne à des accidents ou à des actions délibérées de gens qui cherchent à faire un peu plus d'argent qu'ils n'auraient pu en faire autrement, ce type de problème nécessite qu'on s'y attaque sérieusement à chaque fois que cela se produit.

Toutefois, je crois qu'il est également important de garder à l'esprit que nos systèmes alimentaires, le vôtre au Canada comme, de façon plus générale, ceux en vigueur dans le monde entier, offrent une sécurité incroyable et que ce genre d'accidents est relativement rare. Il n'y a pas de raison que de tels accidents se produisent, et c'est là un rêve très ambitieux, mais je crois que nombre des systèmes de traçabilité en vigueur dans les pays fonctionnent déjà très bien.

Le président : Les membres du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts tiennent à vous remercier. Avant que je ne m'adresse à Mme Moreddu, pouvez-vous me dire d'où vous venez au Canada, monsieur Ash?

M. Ash : Vous ne l'avez pas décelé? Je viens de la Côte Est. Je suis originaire de Terre-Neuve.

Le président : Nous nous rendrons visiter des agriculteurs dans votre province la semaine prochaine. Merci beaucoup, monsieur Ash.

[Français]

Madame Moreddu je vous remercie d'avoir partagé vos commentaires.

[Traduction]

Je vous remercie infiniment au nom du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je lève maintenant la séance.

(La séance est levée.)


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