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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 34, Témoignages du 2 mai 2013


OTTAWA, le jeudi 2 mai 2013

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 4, afin d'examiner, pour en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole (sujet : financement de l'innovation et de la recherche dans le secteur agricole et agroalimentaire).

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Un grand merci à tous nos témoins d'aujourd'hui. Nous allons vous présenter tout à l'heure, mais je tiens d'abord à vous remercier d'avoir accepté l'invitation du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je suis Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick et président de ce comité. Je demanderais maintenant à mes collègues de bien vouloir se présenter, en commençant par le vice-président.

Le sénateur Mercer : Je suis Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Tardif : Bonjour à tous! Claudette Tardif, de l'Alberta.

La sénatrice Merchant : Bonjour! Pana Merchant, de la Saskatchewan.

Le sénateur Plett : Je vous souhaite la bienvenue. Mon nom est Don Plett, du Manitoba.

La sénatrice Frum : Linda Frum, Ontario.

La sénatrice Eaton : Merci de votre présence. Nicole Eaton, Ontario.

[Français]

Le sénateur Maltais : Bienvenue, madame et messieurs. Je suis le sénateur Ghislain Maltais, du Québec.

Le président : Le comité poursuit son étude sur les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole.

[Traduction]

Le comité continue son étude sur les efforts de recherche et d'innovation en mettant aujourd'hui l'accent sur le financement de l'innovation et de la recherche dans le secteur agricole et agroalimentaire au Canada. En vertu de l'ordre de renvoi que nous avons reçu du Sénat, nous sommes autorisés à examiner les efforts en matière de recherche et de développement, notamment en ce qui concerne le développement de nouveaux marchés domestiques et internationaux, le renforcement du développement durable de l'agriculture et l'amélioration de la diversité, de la salubrité et de la traçabilité des aliments.

Chers collègues, nous recevons ce matin des témoins de l'Association des banquiers du Canada. Nous vous remercions vivement d'avoir accepté notre invitation à venir nous faire profiter de votre expertise, de vos points de vue, de votre vision et de vos recommandations dans le cadre de la poursuite de nos efforts pour faire du Canada le meilleur pays au monde. Nous accueillons donc M. Alex Ciappara, directeur, Analyses économiques; M. David Rinneard, directeur, Agriculture et Agroentreprise, BMO; M. Darryl Worsley, directeur national, Agriculture, CIBC; Mme Gwen Paddock, directrice nationale, Agriculture, Banque Royale du Canada. Sont également des nôtres M. Peter Brown, directeur, Agriculture, Banque Scotia; et Mme Stacey Schrof, directrice, Politiques et procédures agricoles, TD Canada Trust.

Nous sommes honorés de tous vous recevoir aujourd'hui. Notre greffier m'a indiqué que c'est M. Ciappara qui présentera un exposé en votre nom, lequel sera suivi des questions des sénateurs.

Alex Ciappara, directeur, Analyses économiques, Association des banquiers canadiens : Merci beaucoup, monsieur le président. Bonjour, je m'appelle Alex Ciappara et je suis directeur des analyses économiques à l'Association des banquiers canadiens. Je suis accompagné de représentants de cinq des grandes banques canadiennes et nous sommes heureux d'être ici ce matin pour représenter notre association, ses 55 banques et plus de 750 000 employés au Canada. Nous vous remercions de cette invitation à vous donner notre point de vue au sujet de l'étude sur les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole, particulièrement en ce qui a trait au financement agricole.

Les représentants des banques qui m'accompagnent aujourd'hui sont des experts aussi bien du secteur agricole que du secteur bancaire, chacun ayant son propre bagage en agriculture. Vu cette riche expérience que nous mettons à votre disposition aujourd'hui, je vais me contenter d'une brève présentation sans manquer toutefois de vous parler des importants efforts déployés par les banques pour servir les agriculteurs ainsi que les collectivités agricoles et rurales.

Les banques canadiennes reconnaissent l'importance du rôle qu'elles jouent pour soutenir les collectivités agricoles et rurales en leur offrant les produits et services financiers adéquats. Les banques offrent des comptes de dépôt et d'exploitation, des produits d'assurance et de placement, en plus des prêts d'exploitation, des prêts à terme et des prêts hypothécaires. Par ailleurs, les banques offrent des comptes Agri-investissement et des prêts au titre de la Loi canadienne sur les prêts agricoles (LCPA), et soutiennent le Programme de paiements anticipés (PPA). Elles conseillent en outre les agriculteurs sur des questions telles que les prêts agricoles, les prévisions économiques ainsi que la planification opérationnelle et la gestion générale de l'exploitation agricole. De plus, les banques travaillent avec les producteurs agricoles à la planification de la relève afin d'assurer une transition viable vers les générations futures. J'y reviendrai plus en détail tout à l'heure.

Les banques comprennent que, pour soutenir les agriculteurs, elles doivent faire preuve de souplesse en s'adaptant à leurs horaires chargés, notamment durant les saisons de plantation et de récolte. Les banques leur offrent des produits et des services dans quelque 2 100 succursales dans les petites villes et les localités rurales de tout le pays. Des banquiers mobiles se rendent jusqu'aux fermes afin d'offrir leurs services sur place. De plus, les agriculteurs peuvent accéder à ces produits et services à partir des applications pour téléphone intelligent, des services bancaires en ligne ou des services bancaires par téléphone.

Sur le plan personnel, les banques aident leurs clients des secteurs ruraux à épargner pour les études de leurs enfants et pour leur propre retraite. Elles leur offrent des conseils spécialisés, des marges de crédit, des prêts et des prêts hypothécaires, ainsi que les services bancaires courants comme les comptes de chèques et d'épargne.

Ainsi, les clients des collectivités agricoles et rurales ont accès aux mêmes produits, services et tarifs que les clients des plus grandes villes du Canada. En fait, un récent sondage d'Industrie Canada a révélé que le taux d'approbation des demandes de financement par emprunt faites par les petites et moyennes entreprises (PME) en milieu rural est plus élevé que celui des PME en milieu urbain, et que, pour les PME en milieu rural, l'accès au financement est le moins problématique des obstacles externes à la croissance.

Les banques comprennent l'importance de l'accès au crédit pour les agriculteurs. Ce secteur constitue une part considérable de notre portefeuille de prêts aux entreprises, les prêts au secteur agricole représentant 16 p. 100 du total du financement accordé par les banques aux PME. Par ailleurs, le crédit bancaire compte pour 36 p. 100 du total du marché du financement agricole. En plus des 25 milliards de dollars empruntés par les agriculteurs aux banques, près de 12 milliards en crédits ont été accessibles aux agriculteurs sans qu'ils aient à présenter une demande additionnelle. Non seulement les cinq banques ici présentes se livrent-elles une vive concurrence entre elles, mais elles sont aussi en compétition avec les coopératives agricoles, les sociétés de financement, Financement agricole Canada et les agences provinciales.

Les banques canadiennes sont fières de leurs normes de prudence dans l'octroi de crédit et de leurs pratiques de gestion du risque. Leur approche, qui leur a valu une réputation internationale en matière de sécurité et de rigueur, favorise la discipline financière et contribue à la sécurité financière de l'économie, notamment celle du secteur agricole.

Les banques travaillent avec les clients agricoles sur une base individuelle et au cas par cas, évaluant un nombre de facteurs, tels que leur encaisse d'exploitation et leurs besoins de liquidités, leur horizon temporel, leurs perspectives commerciales, leur clientèle et les fonds propres dont ils disposent.

Il en résulte que le crédit accordé par les banques s'est accru proportionnellement à la croissance du secteur agricole. Entre 2001 et 2011, le niveau des prêts accordés par les banques a été conforme et approprié à la croissance dans le secteur. Il en résulte principalement qu'une proportion assez large des prêts accordés par les banques sert de fonds de roulement et de marges de crédit à l'exploitation. Ce type de financement nécessite que les banques comprennent bien leurs clients et travaillent étroitement avec eux au fil du temps.

L'engagement des banques envers le secteur agricole date de très longtemps. Elles savent donc comment aider les agriculteurs dans chaque étape de leur vie et du cycle de vie de leur exploitation. Le secteur bancaire commandite et soutient les programmes et les événements qui attirent les jeunes, curieux ou intéressés par l'activité agricole, ainsi que de jeunes agriculteurs. Depuis plus d'un demi-siècle, les banques ont été individuellement membres, fières partenaires et donatrices des clubs 4-H aux niveaux national, provincial et local. Les banques appuient également des programmes comme les Jeunes orateurs canadiens pour l'agriculture, le programme Jeunes agriculteurs d'élite du Canada et les Farm Family Awards de l'Ontario, en plus d'offrir des bourses par l'intermédiaire de la Fondation de l'Institut agricole du Canada. En outre, les banques parrainent des événements courus qui attirent la prochaine génération d'agriculteurs : le Stampede de Calgary, le Championnat international de labour, le Salon de l'agriculture, la Royal Agricultural Winter Fair et la Canadian Western Agribition.

Les banques collaborent avec les agriculteurs qui se sont lancés en affaires, à travers les périodes inévitables de hauts et de bas caractéristiques de ce secteur. Au cours des 10 dernières années, les agriculteurs ont dû faire face à l'ESB, à la grippe aviaire, à la sécheresse, aux inondations, au virus de la grippe AH1N1 et à l'étiquetage du pays d'origine. Lorsque de tels événements ont lieu, les banquiers travaillent avec les agriculteurs pour leur trouver des solutions qui sont adaptées à leur situation individuelle, viables et dans leur plus grand intérêt. Parfois, les banques doivent avoir des conversations franches avec leurs clients afin que ces derniers puissent prendre les bonnes décisions pour préserver le capital de leur exploitation agricole. Le travail qu'accomplit le secteur bancaire à ce chapitre est la preuve incontestable de notre intérêt à contribuer à la viabilité à long terme des agriculteurs canadiens.

Au moment où les agriculteurs songent à la retraite et à la passation de leur ferme à la génération suivante, les banques mettent leur expertise à contribution pour assurer la transition. Selon notre expérience, peu d'agriculteurs prévoient un plan de relève. En effet, l'Enquête financière sur les fermes de 2010 révèle que seulement 9 p. 100 des agriculteurs en ont prévu un. Les enjeux que les familles doivent affronter sont complexes et souvent émotionnels, entre autres pour ce qui est de la viabilité de l'exploitation agricole et de la suffisance du revenu généré. Vu la relation qu'ils entretiennent avec les agriculteurs, les banquiers saisissent l'ensemble des besoins de la famille agricole dans un plan de relève qui comprend toutes les composantes susceptibles de protéger le revenu et les avoirs de toutes les générations : services bancaires et de financement, stratégies en matière d'assurance, gestion des placements, et planification successorale et fiduciaire. Les banquiers peuvent faire appel à l'expertise et aux ressources de l'ensemble de leur groupe financier, notamment les équipes de gestion du patrimoine privé et des placements, et des réseaux externes de contacts locaux dans les domaines de la comptabilité, des services-conseils et du droit.

Les banques entretiennent des relations ancrées, solides et de longue date avec les agriculteurs de tout le Canada. Ces relations ont été développées dans les succursales, autour des tables de cuisine et dans les foires agricoles. Grâce à ces relations, les banques sont bien placées pour travailler dans l'intérêt principal des agriculteurs, durant les bonnes et les mauvaises périodes.

Nous serons heureux de répondre à vos questions. Merci encore de votre invitation.

Le président : Merci à vous, monsieur Ciappara. C'est le sénateur Mercer qui posera la première question.

Le sénateur Mercer : Bonjour à tous et merci beaucoup d'être des nôtres ce matin. Je vis dans une localité si petite qu'on n'y trouve même pas de services bancaires. Nous devons nous déplacer jusqu'en banlieue pour ce faire. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas vraiment ce qui nous intéresse ce matin.

Vous avez parlé de planification de la relève. Ceux parmi nous qui participons aux travaux du comité depuis un bon moment déjà savons pertinemment qu'il s'agit d'une préoccupation de tout premier plan pour les agriculteurs et les résidents des régions rurales du Canada. Il est donc rassurant de vous entendre dire que les banques possèdent l'expertise nécessaire pour faciliter cette transition.

Les cinq banques représentées ici ce matin se livrent une concurrence assez vive, ce que nous continuons d'encourager. J'aimerais toutefois savoir si l'Association des banquiers canadiens a établi en collaboration avec vos cinq banques un programme donnant accès à des conseils en planification de la relève pour les agriculteurs.

M. Ciappara : Je peux vous répondre d'emblée que nous n'avons pas de programme commun. Chaque banque a ses propres objectifs et stratégies d'affaires en matière de planification de la relève. Je vais laisser chacun de leurs représentants vous expliquer en détail la manière dont sa banque procède en la matière.

Peter Brown, directeur, Agriculture, Banque Scotia, Association des banquiers canadiens : Je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je vous dirais qu'il s'agit d'un enjeu extrêmement important que nous avons cerné il y a un bon moment déjà. Ainsi, nous avons mené en 2004 et 2005 des recherches approfondies pour voir comment nous pourrions aider nos clients à ce chapitre.

À l'automne 2005, nous avons mis en œuvre le Programme Héritage agricole Scotia. Nos recherches nous ont permis de constater qu'une grande partie des mesures accessibles sur le marché était offerte à l'intérieur de silos bien particuliers, dont ceux du domaine juridique, de la comptabilité ou de l'investissement. Le marché avait plutôt besoin — et nous croyons que c'est ce que nous sommes parvenus à faire avec ce programme — d'une approche davantage holistique où tous les besoins de la famille agricole sont pris en compte. Nous estimons en effet essentiel que la famille soit en mesure de nous communiquer l'ensemble de ses préoccupations de manière à ce que nous puissions lui offrir un éventail de mesures qui produira des résultats concrets. Nous utilisons à cette fin de nombreux outils et j'ai d'ailleurs apporté avec moi un cartable qui en est rempli. Notre approche fait intervenir plusieurs secteurs de la banque, y compris celui de la planification du patrimoine et de la succession, de telle sorte que nous puissions discuter avec nos clients pour dégager toutes les possibilités s'offrant à eux.

Parallèlement à cela, nous collaborons avec les comptables et les avocats locaux, car ces professionnels connaissaient bien la situation de nos clients agricoles pour lesquels ils travaillent. Nous ne voyons pas pourquoi nous négligerions de mettre à profit leur contribution comme celle de toute autre personne susceptible de faciliter les choses.

Cette approche a produit de bons résultats. Il faut la considérer dans une perspective à long terme. Comme il s'agit d'un marathon et certainement pas d'un sprint, nous devons nous en tenir à nos objectifs et ne pas lâcher prise. Malgré les succès obtenus, il nous apparaît un peu plus difficile d'assurer à la prochaine génération le financement dont elle a besoin. Nous sommes à la recherche de meilleures façons de faire à ce chapitre. Nous offrons un produit hypothécaire distinctif qui mise sur une formule de financement par le vendeur, mais je pense qu'il nous faut continuer à chercher des moyens de mieux faire encore.

Il s'agit souvent pour nous de répondre à cette question de l'accès au financement pour la prochaine génération si nous souhaitons obtenir le mandat de gérer le patrimoine et les actifs d'un agriculteur souhaitant passer le flambeau. Nous en arrivons souvent à la conclusion que la valeur du patrimoine est insuffisante du fait que les membres de la famille sont trop nombreux à vouloir en tirer un revenu. Nous devons discuter franchement de ces questions-là. Nous en arrivons aussi parfois au constat que la prochaine génération n'est pas prête à prendre la relève. Lorsque nous parvenons vraiment à mettre de l'ordre dans tout cela, il n'est pas rare que des solutions beaucoup plus pertinentes émanent de nos discussions.

C'est un secteur auquel nous nous intéressons et dont les perspectives semblent vouloir s'améliorer.

Stacy Schrof, directrice, Politiques et procédures agricoles, TD Canada Trust, Association des banquiers canadiens : Si l'on en croit le taux de 9 p. 100 cité par M. Ciappara, il semblerait que bien peu d'agriculteurs s'intéressent à la planification de la relève, mais j'estime que cette tendance est en train de s'inverser. Bon nombre de nos clients se montrent plus proactifs en nous interpellant à ce sujet. Il y a tout lieu de se réjouir d'en voir certains commencer à planifier 10 ou 15 ans à l'avance la transition de leur exploitation agricole. Cela témoigne également de l'optimisme qui règne dans l'industrie. Si l'on considère l'âge moyen de notre clientèle agricole, nous prévoyons que le secteur de la planification de la relève va prendre beaucoup d'ampleur au cours des prochaines années.

Comme le disait M. Brown, nous sommes un partenaire parmi tant d'autres. Nous collaborons avec des comptables, des avocats et différents autres professionnels. Au sein de notre banque, nous avons un groupe spécialisé en planification de la relève dans nos divisions de la gestion du patrimoine et des services bancaires personnels.

Darryl Worsley, directeur national, Agriculture, CIBC, Association des banquiers canadiens : Merci de me donner l'occasion de comparaître devant vous ce matin. Comme mes collègues l'ont souligné, la planification de la relève fait intervenir certaines considérations d'ordre général, mais aussi de véritables enjeux financiers. Comme nos concurrents, nous organisons un peu partout au pays des rencontres où nos clients, les membres de la collectivité agricole, peuvent entendre des experts en planification de la relève, lesquels peuvent aussi bien être nos employés spécialisés en gestion du patrimoine privé et de la fiducie que des comptables ou des avocats indépendants.

Comme l'indiquait M. Brown, c'est un long processus. Il suffit parfois de faire germer l'idée de la planification de la relève. Les gens rentrent chez eux et peuvent nous revenir plusieurs années plus tard avec le plan qu'ils ont établi.

Mme Schrof : J'aimerais ajouter quelque chose au sujet des produits pour la planification de la relève. Il n'existe pas un produit qui convienne à toutes les situations de transition. Je pense que nous pouvons tous vous dire que nos banques adaptent leurs services en fonction des différentes circonstances.

David Rinneard, directeur, Agriculture et agroentreprises, BMO, Association des banquiers canadiens : Merci pour votre question, sénateur. La BMO est certes d'avis, et je suis persuadé que mes collègues en conviendront avec moi, que la planification de la relève est un enjeu crucial dans le monde agricole. Je ne vais pas trop insister sur les services que nous offrons, car tous en ont déjà parlé amplement.

Je peux toutefois vous faire valoir mon expérience personnelle. Au cours des derniers mois, j'ai participé à plusieurs rencontres d'information que nous avons tenues dans les secteurs ruraux de différentes régions du Canada au sujet de la planification de la relève. Nous y avons accueilli des centaines d'agriculteurs venus entendre nos spécialistes en la matière de chez Nesbitt Burns. Ceux-ci ont indiqué très clairement aux agriculteurs canadiens présents que la planification de la relève est tout à fait fondamentale pour assurer la continuité et la prospérité future de l'industrie et qu'il est vraiment nécessaire d'agir le plus tôt possible, comme plusieurs l'ont fait valoir, pour préparer l'avenir des jeunes Canadiens — en tout cas de ceux qui s'intéressent à l'agriculture.

Il va de soi que le plan établi doit être équitable pour tous les membres de la famille. C'est un obstacle qui peut bien sûr être difficile à franchir, mais les choses seront d'autant plus faciles si l'on parvient à mettre en place dès que possible un plan approprié.

Le sénateur Mercer : Il ne fait aucun doute que l'agriculture est un secteur tout à fait particulier. Il n'y a pas beaucoup d'autres industries où tous les propriétaires d'entreprise se demandent si leur fils ou leur fille finira par prendre la relève. Malheureusement, la réponse est négative dans bien des cas.

J'aurais une observation à vous faire avant de poser ma prochaine question. Je sais que les cinq banques représentées ici se montrent très généreuses en donnant de l'argent à d'excellentes causes, et je vous encouragerais à songer aux écoles d'agriculture de tout le pays dans le cadre de vos efforts philanthropiques. Ces établissements ont besoin d'aide. C'est primordial pour toutes les régions rurales du Canada. Il arrive parfois que l'on oublie les écoles d'agriculture dans le sillage des grandes universités. En ma qualité d'ancien collecteur de fonds pour plusieurs de ces établissements, j'aimerais bien que vous ne les oubliiez pas.

Ma prochaine question est...

Le président : Sénateur Mercer, puis-je vous interrompre?

Le sénateur Mercer : Bien sûr.

Le président : Madame Paddock, de la Banque Royale, aimeriez-vous faire des commentaires sur la première question? Je vois que M. Rinneard aimerait aussi faire un commentaire.

Gwen Paddock, directrice nationale, Agriculture, Banque Royale du Canada, Association des banquiers canadiens : Je crois que le sujet a été bien couvert par mes collègues, mais nous avons tendance à penser en termes de planification de la continuité des activités d'une exploitation agricole, car comme M. Brown l'a mentionné, il y a la relève agricole, il y a la génération qui prend sa retraite, mais il y a aussi l'importance de veiller à ce que l'exploitation agricole léguée soit fonctionnelle.

Le président : Merci. Monsieur Rinneard, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Rinneard : Certainement. J'aimerais seulement revenir au point qu'a fait valoir le sénateur au sujet de la générosité philanthropique à l'égard des établissements d'enseignement canadiens. Je peux citer quelques exemples récents en ce qui concerne notre organisme. J'ai eu la chance d'être présent à quelques remises de chèques où nous avons donné un quart de million de dollars à l'Université de la Colombie-Britannique pour aider la recherche et la formation en production laitière, il y a un peu plus d'un an.

De plus, récemment, nous avons fait un don comparable à l'Université de la Saskatchewan pour contribuer à certaines de leurs installations de production. Nous l'avons fait en collaboration avec le gouvernement provincial et, bien sûr, avec le gouvernement fédéral.

Nous nous rendons parfaitement compte qu'il est extrêmement important d'assurer la prospérité à long terme de l'agriculture au Canada, et que cela commence par les recherches qui sont effectuées dans de nombreux excellents établissements d'enseignement au Canada.

Le président : Avant que nous revenions au sénateur Mercer, la sénatrice Eaton aimerait poser une autre question.

La sénatrice Eaton : Pour faire suite à la question du sénateur Mercer, vous parlez de planifier la succession et d'aider les jeunes agriculteurs à prendre le relais de leurs parents. Qu'en est-il des jeunes diplômés qui n'ont pas de parents et qui ne sont pas dans la ligne de succession, mais qui ont fréquenté l'école d'agriculture et qui ont peut-être fait un stage sur une exploitation agricole, et qui souhaitent maintenant fonder leur propre entreprise agricole? Des témoins nous ont dit que les gens quittent les terres agricoles, mais les jeunes agriculteurs veulent savoir à qui ils peuvent s'adresser pour les aider à lancer leur entreprise agricole.

J'aimerais beaucoup entendre vos réponses. C'est une grosse question qui nous a été posée dans le cadre de notre étude.

Mme Paddock : Je serai heureuse de répondre à cette question.

Lorsqu'il s'agit des jeunes qui débutent en agriculture et qui n'ont pas d'antécédents dans ce domaine, la tendance qui se dégage, ce sont les occasions de lancer de petites entreprises à l'échelle locale ou de petites entreprises de production biologique. Les grandes exploitations ne sont pas nécessairement les meilleures; il s'agit seulement de faire mieux.

Il y a donc des occasions qui s'offrent à ces personnes qui souhaitent se lancer en affaires sans avoir d'antécédents en agriculture. Ils doivent avancer un peu plus lentement, ce qui signifie qu'ils doivent probablement avoir un emploi à l'extérieur de l'exploitation agricole pendant qu'ils bâtissent leur entreprise. Mais c'est très possible de réussir.

La sénatrice Eaton : Vous voulez dire qu'ils n'ont pas les moyens d'acheter l'équipement nécessaire, mais vous pouvez leur accorder un prêt pour acheter la terre, car peu importe la taille de l'exploitation agricole, il faut tout de même avoir une terre?

Mme Paddock : Ils ne doivent pas nécessairement être propriétaires de la terre; ils peuvent la louer. Nous proposons des conseils financiers et opérationnels à nos clients. L'un de nos experts en matière de compte agricole conseillerait à ces personnes de commencer lentement, de louer une terre pendant qu'elles bâtissent leur entreprise, et de faire appel à un fournisseur de services pour faire une partie des récoltes si elles ne peuvent pas acheter l'équipement nécessaire; il les aiderait donc à mettre sur pied une entreprise viable. Parfois, il est tout simplement impossible de fonder une grande entreprise ou de mener des activités à grande échelle dès le départ.

M. Worsley : Pour ajouter à votre question, madame la sénatrice, nous participons au programme Jeunes agriculteurs d'élite. Il est intéressant de remarquer qu'au cours des dernières années, certains gagnants régionaux et nationaux correspondaient au type de personnes que vous avez décrites, c'est-à-dire des jeunes diplômés qui s'intéressent à l'agriculture, mais qui n'ont pas un appui financier solide provenant d'une famille agricole déjà établie. Comme le disait Mme Paddock, ils ont commencé modestement — en profitant par exemple des occasions de marchés à créneaux — et ils ont mis sur pied des entreprises prospères en très peu de temps. Encore une fois, ces entreprises sont souvent à plus petite échelle et visent un marché à créneaux, mais ce sont des entreprises florissantes.

Mme Schrof : Il faut énormément de capitaux pour se lancer en agriculture. Personne ne dira le contraire. Nous encourageons vivement les nouveaux agriculteurs ou les agriculteurs déjà établis à profiter de certains programmes offerts par le gouvernement, par exemple la Loi canadienne sur les prêts agricoles, qui permet d'offrir un financement accru aux agriculteurs débutants.

M. Ciappara : J'aimerais ajouter quelque chose. En ce qui concerne les outils offerts aux jeunes agriculteurs qui souhaitent se lancer dans le domaine, il y a un programme de garantie de prêt établi par le gouvernement fédéral auquel j'ai fait référence dans mon exposé et qui s'appelle la Loi canadienne sur les prêts agricoles. Ce programme offre une garantie de prêt aux agriculteurs. Il vise surtout les jeunes agriculteurs, les agriculteurs intergénérationnels et les coopératives.

À la fin de mars 2013, les banques avaient versé 116 millions de dollars en prêts dans le cadre de ce programme.

Le président : Merci. Nous allons revenir au sénateur Mercer, qui a toujours la parole.

Le sénateur Mercer : Ce sera ma dernière question, monsieur le président, car je sais que d'autres sénateurs aimeraient poser leurs questions.

Dans votre exposé, vous avez parlé du Programme de paiements anticipés, le PPA. Pourriez-vous nous en dire plus au sujet du PPA, afin que nous comprenions mieux son fonctionnement et ses effets sur l'industrie?

M. Rinneard : Je suis heureux de répondre à cette question. Le PPA, ou le Programme de paiements anticipés, est un programme gouvernemental qui est exécuté au nom du gouvernement fédéral par les institutions financières du Canada. Il s'agit essentiellement d'un programme garanti par le gouvernement qui vise surtout le financement d'intrants. Les personnes qui reçoivent ce financement profiteront d'une garantie du gouvernement qui améliore le facteur de risque lié à ces entreprises individuelles. Le PPA est, le plus souvent, exécuté par de grands organismes qui se spécialisent dans l'exécution de programmes gouvernementaux, ou par de nombreux groupes de producteurs. Plusieurs dizaines d'organismes de partout au pays exécutent et gèrent, dans toutes les provinces, le PPA au nom du gouvernement fédéral.

M. Worsley : J'aimerais ajouter que le programme offre des prix préférentiels. Cela aide certainement les jeunes agriculteurs qui commencent et qui sont peut-être même des agriculteurs à temps partiel au départ. Cela les aide à se lancer en affaires dans certains secteurs, par exemple en leur permettant de participer aux associations d'engraisseurs de bovins, où ils peuvent profiter de meilleurs taux d'intérêt sur leurs prêts.

Le sénateur Plett : Je viens aussi d'une petite collectivité qui ressemble à celle du sénateur Mercer. Nous avons une caisse populaire, mais seulement depuis quelques années. Les gens de ma région, surtout les agriculteurs, devaient également se rendre dans les grands centres pour obtenir un appui financier. Mes questions seront probablement un peu plus personnelles.

Aujourd'hui, les exploitations agricoles sont beaucoup plus grandes qu'avant, et c'est l'une des raisons pour lesquelles il y a moins de gens qui en possèdent. Il y a moins d'exploitations agricoles, car elles sont beaucoup plus vastes. Il faut maintenant les faire fonctionner comme des entreprises. Néanmoins, il y a toujours des anciens, comme moi, qui font le travail d'agriculteur sur le terrain. Ils croient qu'ils sont invincibles et que Dieu leur donnera une bonne récolte à la fin de la saison, afin qu'ils soient en mesure de rembourser leurs dettes.

Les membres de notre comité ont visité une exploitation agricole il y a environ six mois. Le propriétaire, un agriculteur de l'ouest de Winnipeg, avait semé ses graines, épandu l'engrais et avait fait tout le nécessaire. Lorsque nous étions là-bas, il venait tout juste de déposer un chèque de 1 million de dollars à la banque, car il avait reçu son financement. Il y avait donc un énorme investissement dans son exploitation agricole, même s'il louait la plus grande partie de ses terres. Comment négociez-vous avec une personne qui loue la plus grande partie de ses terres, car elle n'a évidemment pas la garantie offerte par la terre, qui prend de la valeur; et nous comprenons cela. L'agriculteur disait qu'il faisait la récolte depuis 25 ans et qu'il le ferait encore cette année. Étant donné qu'investir 1 million de dollars là- bas sans garantie est assez risqué, que faites-vous dans ce cas? Les plus jeunes comprennent qu'ils doivent être conseillés par une personne qui s'y connaît en affaires, mais les plus vieux ne le comprennent pas.

M. Brown : L'un des aspects les plus positifs qui entrent en jeu dans ce type de situation, c'est que la personne a une vaste expérience, et nous reconnaissons cela. Nous recherchons surtout la capacité de gestion et l'expérience d'une personne. Nous n'exigeons pas toujours des biens durables en garantie de notre financement si le client a besoin d'une marge de crédit renouvelable pour les semailles et la récolte. Nous accordons un financement en nous fondant sur les CSG et sur les cultures dans le sol.

Mme Paddock : Dans l'Ouest, il y a beaucoup plus de producteurs qui louent leurs terres. Ce n'est pas considéré, là- bas, comme étant un point négatif ou une faiblesse; on juge plutôt qu'il s'agit d'affecter les ressources de l'entreprise de façon efficace, et cela signifie peut-être qu'il vaut mieux les affecter à l'équipement et aux intrants plutôt qu'à l'achat d'une terre. C'est une structure assez répandue, et c'est très facile à gérer.

Le sénateur Plett : Pour poursuivre dans cette veine, je suis certain que l'un de vos concurrents doit être Financement agricole Canada. Depuis des années, on considère qu'il s'agit de l'organisme dont les membres comprennent le mieux le secteur agricole. Mme Schrof vient, en quelque sorte, d'une communauté agricole, mais je ne sais pas si c'est le cas pour le reste d'entre vous. Lorsque j'ai parlé aux agriculteurs, ils m'ont donné l'impression que les « gars de la grande ville » ne comprenaient pas la nature des activités agricoles. Est-ce bien le cas? Dans vos banques, les employés qui s'occupent des agriculteurs ont-ils des antécédents agricoles? Comprennent-ils les agriculteurs? Que pensent-ils du crédit agricole? Je m'excuse d'avoir utilisé l'expression « les gars de la grande ville ».

M. Rinneard : Il ne fait aucun doute que nous avons de nombreux concurrents dans le secteur. À part ceux qui sont ici aujourd'hui, il y en a plusieurs autres, par exemple les caisses populaires, plusieurs organismes provinciaux qui offrent du financement et, évidemment, le gouvernement fédéral, par l'entremise de Financement agricole Canada, ou FAC.

En ce qui concerne notre présence dans les régions rurales partout au Canada, je peux affirmer avec assurance que nous avons des centaines de succursales où travaillent des gens qui s'y connaissent en agriculture. Les personnes qui sont naturellement portées à occuper des postes dans lesquels ils doivent représenter des organismes comme le nôtre dans les régions rurales du Canada ont naturellement des antécédents dans le milieu agricole. Pour eux, un poste dans le domaine des finances qui est aussi lié à l'agriculture est souvent une façon de conserver des liens avec l'industrie agricole. C'est ce penchant naturel qui les aide à gérer si efficacement les comptes agricoles.

La mesure dans laquelle ils réussissent dans le domaine est souvent directement liée à leur capacité de comprendre vraiment les producteurs agricoles canadiens. Je suis d'accord avec vous et je vous suis certainement reconnaissant de comprendre qu'il est essentiel d'avoir une bonne compréhension de ce domaine pour être un gestionnaire de comptes agricoles compétent. Nos succursales sont parfaitement réparties dans les régions rurales de toutes vos provinces.

Mme Schrof : Je vais parler de TD et du financement que nous offrons. Nous avons une division consacrée exclusivement aux services offerts au secteur agricole. Nous demandons à nos prêteurs de se rendre sur les exploitations agricoles. Nous ne voulons pas que les agriculteurs viennent nous voir, car nous voulons être sur le terrain. Les prêteurs de notre division des services agricoles ont habituellement des antécédents agricoles et vivent dans la communauté rurale. Cela signifie qu'ils connaissent bien le secteur agricole à l'échelle nationale et à l'échelle régionale. Ils ont les connaissances nécessaires.

Mme Paddock : La Banque Royale accorde des prêts dans le domaine agricole depuis le début des années 1900. Dans les années 1960, nous avons conclu qu'il était plus facile d'enseigner les opérations bancaires à une personne qui comprenait déjà le secteur agricole que d'enseigner à un banquier les principes du domaine agricole. Nous avons donc lancé des services spécialisés dans l'industrie. Nous avions des experts financiers en matière d'agriculture qui servaient exclusivement les besoins de la communauté agricole.

J'ai grandi sur une ferme bovine au sud de Guelph. J'ai participé aux 4-H Junior Farmers. J'ai un baccalauréat en agroéconomie. Je suis diplômée du Advanced Agricultural Leadership Program et j'ai déjà été présidente de l'Ontario Agri Business Association. Même si je fais partie des « gars de la grande ville », car j'habite à Toronto, je viens d'un milieu agricole. Je suis fière de dire que mes antécédents ressemblent à ceux de nos 150 gestionnaires de comptes qui répondent aux besoins de l'industrie agricole. Lorsque j'entends quelqu'un dire que les banques ne comprennent pas le secteur agricole, je pense plutôt que nous le comprenons très bien. Nous nous sommes engagés envers l'industrie, et c'est important pour nous.

Le président : Merci.

M. Brown : Mes commentaires ressemblent à ceux de Mme Paddock. Mes antécédents sont dans le domaine agricole et, en fait, ressemblent beaucoup aux siens. Je crois que tous les témoins viennent d'une exploitation agricole. Nous avons ce point en commun.

Je travaille à notre siège social, comme la plupart des autres témoins, et l'un de mes rôles consiste à veiller à ce que les intérêts du secteur agricole soient entendus jusqu'aux échelons les plus élevés de la banque. Je prends ce rôle très au sérieux, car il s'agit d'une partie très importante de nos activités. Le fait que j'ai grandi sur une exploitation agricole me permet de m'acquitter de cette tâche avec confiance. Nous avons également une équipe de vente qui se consacre à l'industrie agricole sur le terrain et un service de crédit qui s'occupe exclusivement du domaine agricole. Nous voulons concentrer l'expertise dans ce domaine pour veiller à prendre les bonnes décisions et à ne pas nous étendre dans un grand nombre de secteurs, ce qui pourrait nous faire oublier le caractère unique du secteur agricole.

Le sénateur Plett : Merci beaucoup. Évidemment, j'ai une liste de questions pour la deuxième série de questions.

La sénatrice Tardif : L'avenir de l'agriculture n'est pas seulement entre les mains de la prochaine génération, comme vous l'avez indiqué, mais repose aussi sur l'adoption de pratiques innovatrices et l'utilisation de nouvelles technologies. Quelle est votre politique à l'égard de l'accès au crédit pour l'innovation dans les secteurs agricole et agroalimentaire?

Mme Paddock : Je serais heureuse de répondre à cette question. Les producteurs agricoles peuvent innover de plusieurs façons, qu'il s'agisse d'un agriculteur qui adopte une technologie liée à son équipement ou d'une nouvelle entreprise agricole qui acquiert le nouveau gadget qui va l'aider à accroître sa productivité. Il y a deux façons de financer ces occasions. Lorsqu'il s'agit de l'adoption de technologies et de l'équipement, nous offrons différentes possibilités de financement — des prêts à terme et des prêts d'équipement — pour intégrer l'équipement sur l'exploitation agricole.

À la Banque Royale, lorsqu'il s'agit d'entreprises débutantes ou en démarrage qui inventent elles-mêmes la nouvelle technologie ou qui créent elles-mêmes l'innovation, le dossier est confié à nos experts de l'industrie axée sur le savoir. Les activités et les entreprises de ce type ont besoin d'accéder au réseau des capitaux providentiels et des investisseurs de capital de risque, et leurs affaires sont un peu différentes de celles du secteur de la production agricole. Nous les mettons en contact avec l'un de nos experts pour qu'il les aiguille sur les réseaux de bailleurs de fonds susceptibles de leur fournir des formes de financement mieux appropriées que des emprunts.

La sénatrice Tardif : Quelqu'un d'autre?

M. Brown : Nos façons d'approcher le marché se ressemblent. À Agriculture, nous examinons la possibilité d'assurer le financement de la dette de la même façon que le fait la banque principale. Nous avons aussi un groupe appelé Roynat, une filiale en propriété exclusive de la banque, qui s'occupe des financements sur mesure, dont les crédits-baux et le financement par actions. Agriculture n'a encore qu'un accès limité à son groupe, mais, de plus en plus, nous constatons qu'il y a des façons d'utiliser une partie de ce financement particulier. Nous n'avons pas d'experts en la matière, et nous en faisons de plus en plus la promotion auprès du secteur agricole.

Il importe aussi de souligner que le terme innovation englobe beaucoup de choses et qu'il peut être défini de bien des façons. Le fait d'adopter une approche traditionnelle, mais en faisant les choses un petit peu différemment peut aussi être considéré comme une forme d'innovation. C'est effectivement la position que nous défendons auprès de nos clients. En fait, nous avons une campagne publicitaire qui met l'accent sur des clients existants qui décident un jour d'innover. Nous voulons les mettre en évidence, car nous voulons dire au marché que c'est le genre de dynamique que nous aimons voir et que nous considérons comme très positive. J'ai apporté quelques-unes de ces annonces. Elles mettent bien l'accent sur l'entreprise agricole familiale qui met au point un concept vraiment nouveau, lequel leur donne un avantage sur le marché.

M. Rinneard : D'un point de vue structurel, je suis porté à penser que toutes nos organisations sont comparables, mais j'aimerais parler un peu de l'agriculture et de l'innovation qui s'y joue. Cela ne surprendra probablement aucun de vous si je dis que les agriculteurs sont des innovateurs dans l'âme. Il n'y a pas de mode d'emploi pour faire fonctionner une ferme. Chaque exploitation est pilotée pour elle-même et indépendamment du sous-secteur agricole dans lequel l'agriculteur choisit de faire sa niche. Je peux l'affirmer sans peur de me tromper que chaque ferme a quelque chose qui la différencie de ses concurrentes. Il s'agit très probablement de quelque chose que l'exploitant a créé. J'ai la chance d'aller visiter des fermes plusieurs fois par semaine et, à tout coup, je trouve quelque chose d'innovateur et d'ingénieux à bien des égards, qu'il s'agisse de mesures pour réaliser des gains d'efficience, de trucs pour remédier aux problèmes d'environnement ou d'énergie, de dispositifs pour stopper l'érosion ou la moisissure, et ainsi de suite. Les agriculteurs sont constamment en train de jongler avec une foule de stratégies. Dans de nombreux cas, ils choisissent de commercialiser les solutions qu'ils inventent. Nous avons quelques clients à l'échelle du pays et j'ai eu la chance de visiter nombre d'entre eux. À cause du succès des innovations qu'ils ont mises au point et de la commercialisation qu'ils en ont faite par la suite, beaucoup de nos clients ayant commencé comme exploitants dans le domaine de l'agriculture sont devenus des manufacturiers ou des experts-conseils. Assurément, l'innovation est une caractéristique intrinsèque de l'agriculture canadienne et l'une des principales raisons de son constant succès. Comme vous le savez tous, nous ne pouvons pas faire concurrence aux faibles coûts. Nous n'avons pas de conditions météo exceptionnelles, sauf pour cette semaine, bien sûr. Pour veiller à ce que l'agriculture canadienne soit concurrentielle à l'échelle internationale, il incombe à l'industrie et à nous, les financiers, de continuer à encourager l'innovation et de voir à ce que cette dernière soit au sommet de sa forme.

La sénatrice Tardif : J'allais ramener cela à l'argent que vous seriez susceptible d'investir en recherche et développement pour rendre le secteur de l'agriculture plus concurrentiel et plus productif. Avez-vous une politique concernant les montants que vous seriez prêt à investir en R-D, dans ces secteurs?

M. Ciappara : Lorsque les déposants confient leur argent à la banque, ils s'attendent à pouvoir le récupérer. Or, le modèle d'affaire des banques étant ce qu'il est et le fait que nous utiliserions l'argent des déposants pour financer les exploitations agricoles, tout cela rend l'exercice plutôt délicat. En général, le problème avec le financement en R-D et avec le financement du capital de risque est, justement, le risque très élevé qui accompagne ces opérations.

La sénatrice Tardif : L'aversion des banques au risque n'est pas si grande.

M. Ciappara : Il y a une raison qui fait que notre système bancaire ait été vu comme étant l'un des plus solides et des plus stables au monde. Nous prenons des risques, oui, mais à faible dose. Nous laissons cela aux organismes de capital de risque. Pour peu qu'il y en ait un qui soit prêt à fournir l'argent nécessaire, nos banques sont disposées à prêter main-forte pour les produits non liés au crédit — des conseils, des prévisions économiques, des stratégies de planification de l'entreprise et ce genre de conseils qui ne concernent pas le crédit — ainsi que pour tous les services bancaires courants, comme les comptes de dépôt et les comptes d'épargne. Le secteur bancaire a encore un rôle à jouer lorsqu'il s'agit d'aider ces petites entreprises novatrices qui n'ont pas nécessairement de rentrées de fonds. Oui, nous offrons aussi de l'aide à ces entreprises.

La sénatrice Tardif : Monsieur Worsley, vous alliez répondre à une question posée précédemment.

M. Worsley : Ceci concerne votre question précédente, sur l'innovation. Au cours des dernières années, nous avons remarqué que de nombreux clients, comme les exploitants de ferme laitière, ont décidé de s'éloigner des méthodes de production classiques — la traite de vaches — pour s'adonner à la transformation et à la vente de lait, devenant ainsi propriétaires de toutes les étapes du processus. Or, nous avons été en mesure de financer nombre de ce type d'exploitation par le biais de la gamme de prêts que nous avions déjà.

La sénatrice Tardif : Merci.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je vais m'adresser à M. Ciappara. Vous êtes le président de l'Association des banquiers canadiens; j'imagine que vous vous êtes consultés avant de venir ici et c'est donc à vous que je m'adresse.

Je vous écoute depuis le début et je sens dans votre discours qu'il n'y a pas de problèmes dans le domaine de l'agriculture au Canada. C'est comique parce qu'on se promène beaucoup sur le terrain, et il y en a des problèmes.

Il y a des problèmes majeurs dans les grandes provinces, que ce soit les provinces de l'Ouest au niveau des grains et de l'élevage, que ce soit en Ontario ou en Colombie-Britannique dans le domaine maraîcher, au Québec dans le domaine laitier et le domaine du porc, que ce soit dans les Maritimes au niveau des pommes de terre et d'autres élevages. Les gens que nous avons visités nous disent que le problème c'est le transfert de propriétés agricoles. Les propriétés agricoles sont de grandes entreprises aujourd'hui, il faut le convenir; comme le sénateur Plett le disait fort bien, il ne reste que lui dans sa province qui est un petit éleveur. Les gens ont de grandes entreprises. Et lorsque des grandes entreprises ont des actifs de cinq à six millions de dollars, la personne qui a travaillé toute sa vie et qui arrive à la fin de sa carrière, qui a accumulé ses biens, il veut toucher son argent. Son ou ses fils ne sont pas capables de payer 4 000 ou 5 000 dollars pour une ferme. Personne ne veut leur accorder de prêt parce qu'on ne sait pas si dans l'avenir, le jeune va se décourager et s'en aller, ou encore se séparer de son frère ou de sa sœur. C'est l'imprévu.

Le défi du Canada, au cours des 15 prochaines années, sera donc de s'assurer qu'il y aura un transfert agricole dans la famille et que la terre va continuer à produire, que les poires de l'Ontario vont pousser, que le lait du Québec va être primé, que les pommes de terre, que le blé de l'Ouest, que les fruits de la Colombie-Britannique vont continuer à pousser. C'est le défi canadien.

Alors que prévoyez-vous faire, à titre de président de l'Association des banquiers canadiens? Comment voyez-vous l'avenir de ce transfert agricole au cours des 10 ou 15 prochaines années?

[Traduction]

M. Ciappara : Loin de moi l'idée de suggérer qu'il n'y a pas de problèmes en agriculture. Je ne faisais que souligner ce que nous faisons pour ce secteur. Comme je le disais dans mon allocution, l'agriculture a subi quelques avaries au cours de la dernière décennie. Il y a eu la crise dans le secteur du porc, la grippe aviaire, les problèmes liés au H1N1 et à l'ESB. J'ai aussi mentionné que les banques et les membres réunis à cette table sont là pour aider les agriculteurs à surmonter ces épreuves.

Ça a d'ailleurs été le cas en 2009-2010, lorsque le secteur du porc a eu des difficultés avec la chute des prix. Le gouvernement — et Agriculture et Agroalimentaire Canada, notamment — nous a alors demandé de l'aider à mettre en œuvre un programme, le Programme de réserve pour pertes sur prêts dans l'industrie du porc. Nous avons travaillé très fort avec eux. Nous avons eu environ 10 réunions en l'espace de trois mois pour aider ce programme à prendre son envol. Nous avons parlé aux producteurs de porcs. C'était toute une réussite. En trois mois, nous avons réussi à mettre ce programme sur pied, de la conception à la mise en œuvre, un véritable exploit! Et si une telle chose doit se produire à nouveau, nous serons là. AAC sait à qui il doit s'adresser : à l'ABC ou directement aux banques. Nous sommes là pour les agriculteurs et pour prêter main-forte au gouvernement.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je comprends le travail que vous faites et je vous en félicite, mais ce qui m'intéresse, c'est l'avenir. Comment voyez-vous l'avenir? Vous êtes président de l'Association des banquiers canadiens. Vous devez avoir une prospective d'avenir un peu plus avancée. Vous regardez plus loin qu'en 2013. Quelle est votre vision et comment vous préparez-vous pour que les jeunes puissent bénéficier d'un transfert de ferme? Il y a une possibilité de transfert de ferme.

[Traduction]

M. Ciappara : J'aimerais bien avoir une boule de cristal. Nous continuerons à faire ce que nous avons toujours fait. Nos prêts destinés à ce secteur ont augmenté de 30 à 35 p. 100 au cours des 10 dernières années, ce qui est tout à fait fidèle à la croissance qu'a connue ce secteur, et nous continuerons d'accorder du financement. Je sais que l'agriculture occupe une partie important du portefeuille de prêts de certains des banquiers ici présents. Les membres de l'association sont disposés à continuer à financer ce secteur. Il ne s'agit pas que du crédit. Il s'agit aussi de fournir des conseils quant au transfert intergénérationnel dont les membres ont parlé relativement à la planification de la relève.

Ils continueront de faire ce qu'ils font déjà, c'est-à-dire offrir de bons conseils et un excellent financement aux agriculteurs.

Mme Paddock : Comme les fermes deviennent de plus en plus grosses et de plus en plus complexes, elles doivent sans l'ombre d'un doute faire vivre de nombreuses familles, ce qui leur permet aussi d'assurer la relève. C'est dans cette optique que les conseils que nous donnons à nos clients prennent toute leur importance. Nous avons parlé de la continuité des activités ou de la planification de la relève, de l'importance de commencer tôt et de ne pas lâcher prise avant la fin. Lorsque l'on a affaire à ces exploitations agricoles qui sont devenues si grosses et si complexes, il faut mesurer l'indépendance financière de ceux qui prennent leur retraite et s'assurer qu'ils ne dépendent pas complètement de la ferme pour assurer leur subsistance. Vous devez vous assurer que l'exploitation génère suffisamment de recettes pour faire vivre les familles qui la composent. Dans certains cas, les membres de la génération qui prend la relève n'ont pas les capacités voulues pour gérer les activités en amont. Il leur faut donc faire appel à des professionnels de la gestion. Plus tôt vous commencez à parler de ces choses et des options possibles, plus tôt vous pourrez jeter les bases d'une transition réussie.

[Français]

Le sénateur Maltais : Il faut faire attention et regarder l'avenir avec une grande ouverture si on ne veut pas se retrouver comme les Américains se sont retrouvés avec la ferme Hart. Et vous savez pourquoi tout cela est arrivé. C'est très important que vous ayez une vision du transfert de la famille.

J'aurais aimé vous entendre dire aujourd'hui à une personne qui vend sa ferme ce que ses fils peuvent lui donner, parce qu'il faut qu'ils puissent profiter d'une rente pour vivre. Il ne faut pas que le jeune s'endette jusqu'au cou parce que dès qu'il s'achète une pièce d'équipement, c'est 200 à 300 000 dollars. Il va se décourager s'il ne fait pas de profit et il va tout perdre et son père perdra tout aussi.

J'aimerais donc savoir la façon dont vous prévoyez l'avenir et qu'est-ce que vous préparez pour l'avenir. On s'en vient avec un traité de libre-échange avec l'Europe, ce qui a une grande influence sur la production agricole au Canada et il faut que les gens se préparent à cela. J'aimerais donc que vous me disiez le rôle que vous désirez jouer pour l'avenir.

[Traduction]

M. Worsley : Je crois, sénateur, que vous avez raison. Ce n'est pas simple. Il y a parfois des situations difficiles, et chaque exploitation a son propre scénario. Au cours des dernières années, nous avons vu beaucoup d'entreprises agricoles se former en sociétés. Cela permet effectivement de transférer peu à peu les actifs et la propriété aux générations suivantes. Comme vous l'avez dit, l'achat ou la prise de contrôle d'une ferme représente une importante dépense d'immobilisation. Cependant, nous constatons que certaines entreprises familiales choisissent de s'incorporer, ce qui permet d'étaler le transfert des actifs et de la propriété sur une période donnée. On aide en cela les plus jeunes à prendre l'entreprise en charge. C'est une démarche qui profite à la fois aux plus âgés et à la relève.

M. Rinneard : Merci. Sans l'ombre d'un doute, le secteur de l'agriculture mobilise des sommes d'argent astronomiques, du moins, plus que dans n'importe quel autre secteur d'activités où les propriétaires sont des familles. Cette dynamique crée parfois certaines difficultés, certes, mais aussi des perspectives intéressantes.

Vous avez parlé des gens qui quittent l'industrie. Je crois que nombre d'entre eux sont bien conscients de la richesse qu'ils ont accumulée au cours des deux dernières décennies avec l'appréciation du capital que leurs actifs à la ferme leur ont procuré et les capitaux propres que leurs entreprises ont générés.

Je crois que ce que vous soulevez concerne davantage la façon de permettre aux enfants de reprendre les rênes de l'entreprise.

L'une des choses dont mes collègues parlaient est ce que l'on appelle bien simplement le financement par le vendeur : dans les cas où les agriculteurs ont un certain actif et des enfants qui sont disposés à prendre la ferme en charge, les parents pourront tout au long de leur retraite et de concert avec leur financier assurer à leurs enfants un financement qui ne nécessitera pas le transfert des actifs à ces derniers. La succession se fera plutôt par une sorte de transfert de longue haleine au nouvel exploitant, selon un laps de temps que les parents pourraient choisir d'étirer sur des années, voire sur des décennies.

Encore, je reviens à certains des commentaires formulés ... L'importance ou, si vous préférez, les chances qu'une telle stratégie se matérialise dépend souvent du moment où les échanges en ce sens ont commencé. Il est en effet essentiel que les parties concernées discutent tôt de la question.

Lorsque vous parlez de notre engagement au-delà des aspects financiers, je peux vous rapporter avec une certaine autorité ce que nous faisons à la BMO. L'agriculture est sans conteste le secteur commercial le plus important que nous desservons. Il est absolument essentiel à notre réussite commerciale. C'est une industrie qui est extrêmement importante pour nous.

Une des choses que l'on nous a demandé de faire au cours des dernières années est de participer à certains offices de commercialisation, pour travailler à l'élaboration de programmes destinés aux nouveaux venus, car eux aussi voient les difficultés qu'ont toutes les parties concernées — dont nous — d'attirer la relève. Le programme pour nouveaux venus n'est pas le même pour tous les produits, mais beaucoup d'aspects restent à peu près constants, comme ce que l'on pourrait appeler un prêt sans intérêt, chose que l'on voit couramment pour de nombreux produits soumis à la gestion de l'offre. Comme il est difficile pour certains de faire leur place, les offices qui encadrent les produits soumis à la gestion de l'offre ont mis ces prêts à la disposition des nouveaux venus, prêts auxquels s'ajoutent l'application de certaines de nos recommandations et notre financement.

Je crois que la sénatrice Eaton a posé une question concernant les personnes qui viennent à l'agriculture, mais sans expérience préalable. Dans l'éventualité où certains ne deviendraient pas des banquiers, ils pourront toujours se recycler dans l'agriculture.

Néanmoins, le programme a permis à des gens qui n'évoluaient pas en agriculture de faire une entrée dans ce domaine. C'est une bonne chose, car ces personnes apportent avec elles de nouvelles idées, de nouveaux capitaux et de nouvelles façons de voir les choses, et cela est vrai pour toutes les industries.

M. Brown : Monsieur, vous avez touché à un enjeu très important semble-t-il, et dont nous discutons amplement avec les familles agricoles dans le cadre des plans pour la relève que nous élaborons avec elles. L'une des choses que nous encourageons très fortement les jeunes agriculteurs à faire est de préparer un plan d'affaires et de bien définir ce à quoi ils aspirent. Ce sont de jeunes entrepreneurs, ils doivent avoir une vision. Sans vision pour leur entreprise, il y a de fortes probabilités qu'ils manquent leur coup.

Souvent, cette vision prend une orientation différente de celle qu'avait la génération précédente. Cette dernière envisageait peut-être une entreprise de bonne taille nécessitant passablement de capitaux et concentrée sur certains produits, alors que la nouvelle génération n'aura pas la capacité de faire cela et devra penser à plus petite échelle ou renoncer à posséder autant de biens. De plus, il leur faudra peut-être jeter leur dévolu sur autre chose qu'un seul produit, traditionnel de surcroît, et lorgner du côté du marché local ou d'un créneau particulier.

Ce sont des conversations et des plans d'affaires de ce genre que nous essayons d'encourager auprès de nos jeunes clients. Ils doivent avoir une vision pour l'avenir.

La sénatrice Merchant : Nous sommes en présence de représentants de cinq banques concurrentes. Si je cherchais quelqu'un pour m'aider à financer mon rêve, quel programme me recommanderiez-vous parmi ceux que vous offrez? Comment vous distinguez-vous les uns des autres lorsque vous tentez d'attirer cette personne à vous?

Mme Paddock : Je pense que la Banque Royale a les meilleures gens.

Non, sérieusement, je crois que si l'on parle de prêts, nous louons tous de l'argent alors, ce n'est pas une bonne façon de nous différencier. Ce qui nous distingue des autres institutions est la qualité de nos employés affectés au marché et leur savoir-faire lorsqu'il s'agit de prodiguer des conseils commerciaux et financiers pertinents. En somme, nous veillons à ce que nos clients aient accès à ce qu'il y a de mieux.

Si vous demandez ce qui fait que nous nous démarquons de la concurrence, c'est notre équipe.

La sénatrice Merchant : Mais entre vous, ici présents.

Mme Paddock : Ce sont mes concurrents.

La sénatrice Merchant : Vous dites toutes la même chose; que vous avez la meilleure équipe.

Mme Paddock : Il faut donc le prouver, et gagner la confiance des clients. À votre avis, c'est facile à dire, mais si on ne peut livrer la marchandise, alors on perd sa crédibilité. Nous nous démarquons par notre capacité à tenir notre promesse.

La sénatrice Merchant : Le choix est donc difficile pour les clients. Ils doivent étudier chacune de vos propositions de très près; c'est leur devoir de le faire.

Mme Paddock : Je crois que les agriculteurs canadiens ont beaucoup de chance de pouvoir compter sur l'expertise d'un secteur bancaire solide qui leur permet d'accéder au crédit.

La sénatrice Merchant : Comment les banques décident-elles d'appuyer ou de rejeter un projet? Est-ce qu'elles se fondent sur la capacité d'une personne à générer suffisamment de revenus pour respecter ses obligations, ou y a-t-il certains créneaux que vous tentez d'encourager, pour favoriser les nouvelles idées? Quels critères utilisez-vous — outre les critères financiers — pour décider de soutenir ou non un projet?

Mme Paddock : Nous utilisons un certain nombre de critères. Avant, on se fiait sur le caractère, la capacité et la garantie. On se fonde beaucoup sur la personne. M. Brown a parlé de la vision relative à la capacité d'exploitation et de gestion, puisque l'agriculture est un mode de vie, mais aussi une entreprise. C'est donc la capacité d'une personne de gérer les opérations qui compte, et encore plus lorsqu'elles gagnent en importance et en complexité.

On tient compte du bilan de l'entité. On ne rend pas service à une personne en lui prêtant de l'argent qu'elle ne pourra pas rembourser.

Il y a aussi la capacité personnelle d'obtenir un prêt, puisque nous sommes des prêteurs garantis.

Tous ces facteurs entrent en jeu lorsqu'on évalue le risque associé à un prêt.

Vous avez parlé des possibilités de créneaux; on ne fait pas de choix en fonction d'un produit préféré; on n'encouragera pas par exemple les gens à faire pousser du ginseng. Nous croyons qu'il y a de bons producteurs dans tous les domaines. On étudie plutôt la personne et son entreprise.

M. Brown : Mes commentaires sont très similaires à ceux de Mme Paddock, et je les appuie. Cela nous rappelle l'importance de la vision et de l'élaboration d'un plan détaillé qui explique comment elle sera réalisée. Cela donne d'abord une idée des méthodes de gestion d'une personne, ce qui est très important.

Les agriculteurs doivent savoir comment ils commercialiseront leur produit, quel qu'il soit. Est-ce que le marché est établi, ou est-ce qu'ils doivent l'établir?

C'est ce qu'on étudie. Si l'on n'a pas de vision claire ou que le marché n'est pas établi, ou bien qu'on n'a pas pris la peine de conclure des contrats ou d'établir des relations avec ceux qui peuvent commercialiser un produit, il y a une bonne pente à remonter. Nous cherchons à financer ceux qui prennent la planification au sérieux et qui sont bien préparés.

La sénatrice Merchant : Ce doit être très difficile, lorsqu'on ne vient pas du milieu agricole et qu'on a peut-être un autre emploi, d'avoir une idée de la façon dont on veut vendre son produit et de développer des marchés. Savez-vous combien de gens doivent travailler à l'extérieur de la ferme pour tenter de réaliser leur rêve de devenir agriculteur à temps plein, si je puis dire?

M. Brown : Je n'ai pas de chiffres, mais il y a certainement beaucoup de jeunes qui commencent dans l'agriculture et qui doivent avoir d'autres sources de revenus pendant les premières années, même s'ils ont de l'expérience. C'est dommage, mais c'est assez courant. Et d'ailleurs, ce n'est pas unique à ce secteur. C'est la force de l'entrepreneur : s'il a une idée, une stratégie et un rêve, il fera ce qu'il faut pour les réaliser. Ce sont les personnes que nous voulons aider.

Le président : Madame Paddock, pourriez-vous répéter les trois critères que vous utilisez?

Mme Paddock : Le caractère, la capacité et la garantie.

Le président : Merci.

La sénatrice Eaton : Ce serait très utile pour notre rapport si vous pouviez nous faire part des plus importants problèmes auxquels risquent de faire face les agriculteurs au cours des 20 prochaines années. Vous avez un point de vue très différent de celui des agriculteurs et des universitaires, du nôtre même. Ce serait très intéressant parce que vous entendez et voyez toutes sortes de choses, mais vous êtes trop discrets pour nous en parler. Vous devez savoir quels seront les problèmes les plus importants.

Mme Schrof : Je vais parler de ce qui m'inquiète. À l'heure actuelle, on sent une nouvelle vague d'optimisme, ce qui est beau à voir. Cette industrie me passionne. J'ai grandi sur une ferme, j'ai suivi des cours d'agriculture à l'école, et j'ai nagé dans ce domaine tout au long de ma carrière.

Cet optimisme est favorisé par les faibles taux d'intérêt actuels et les coûts élevés des produits de base. On baigne dans cet environnement depuis un bon moment déjà. Les gens s'habituent à ces taux, et pensent qu'ils resteront toujours bas. La responsabilité d'une institution financière est d'éduquer ses clients : est-ce que l'entreprise peut supporter une augmentation des taux d'intérêt de 5 ou 7 p. 100? Quel sera le résultat?

M. Brown : Je n'ai pas de boule de cristal. Toutefois, lorsqu'on regarde le marché de l'agriculture, on voit que la commercialisation et les marchés représenteront à la fois un défi et une possibilité.

La sénatrice Eaton : Pourquoi représenteront-ils un défi?

M. Brown : Parce qu'il est toujours difficile de trouver des marchés, d'en garantir l'accès, de les conserver et de travailler avec les divers intervenants. Le défi a toujours été là, et il restera. Dans le mot « défi », je vois aussi une possibilité.

La sénatrice Eaton : Même avec les accords de libre-échange, vous voyez toujours un défi? Est-ce que c'est plus difficile pour certains secteurs de l'agriculture que pour d'autres?

M. Brown : Oui, bien sûr. Certains secteurs n'ont pas le même accès aux marchés étrangers que d'autres, par exemple. Je ne veux pas insister sur les difficultés, mais plutôt sur les possibilités. L'enjeu sera énorme et il l'est déjà.

Nous prenons part à de nombreux accords commerciaux à l'échelle mondiale, ce qui ouvre la voie à l'agriculture. Nous sommes un pays producteur d'aliments, et nous devons songer aux possibilités au-delà des frontières. Oui, la négociation des ententes représente un défi, mais c'est également une possibilité. Nos agriculteurs doivent voir plus loin.

Mme Paddock : Le plus grand défi sera probablement l'impact de l'agriculture sur l'environnement. Les agriculteurs doivent prendre les devants et adopter des pratiques agricoles fondées sur des faits scientifiques, qui permettent de gérer et de minimiser les effets sur l'environnement, faute de quoi on risque de perdre au plan social la légitimité de produire, notamment du bétail. C'est là où l'innovation entre en jeu. Comment pouvons-nous innover pour gérer et minimiser les effets sur l'environnement?

M. Rinneard : J'aimerais renchérir sur les propos de Mme Schrof au sujet de la dette. Il ne fait aucun doute qu'elle continuera d'augmenter dans ce secteur. On a beaucoup misé sur le très faible taux d'intérêt. Chaque fois que l'occasion se présente, je rappelle aux gens qu'il y a à peine six ans, les taux d'intérêt étaient deux fois plus élevés qu'aujourd'hui. La plupart des entrepreneurs ne seraient pas en mesure de doubler leurs versements d'intérêts. C'est une réalité assez troublante, je dois l'admettre. Nous encourageons toujours les gens à mettre à l'épreuve leur bilan pour s'assurer que leur modèle opérationnel puisse tolérer une fluctuation des taux d'intérêt. Si ce n'est pas le cas, l'entreprise doit obtenir des fonds ou avoir recours à l'une des stratégies de couverture du taux d'intérêt que nous offrons.

C'est très important — et cela s'applique à votre étude sur l'innovation — puisque l'industrie agricole canadienne doit toujours évoluer et innover. Le problème, comme dans toute entreprise, est que si chaque dollar gagné sert à rembourser la dette, il y aura très peu de place pour l'expérimentation, qui s'accompagne d'un risque. Qu'il s'agisse de l'utilisation d'un nouveau produit chimique, d'une nouvelle variété de semence ou d'un nouvel élément génétique, il faut songer à la possibilité d'échec. Cet échec ne doit pas mettre en péril les éléments fondamentaux de l'entreprise.

Les fermes, comme toutes les entreprises, doivent avoir une certaine latitude relative aux mouvements de trésorerie de sorte qu'elles puissent gérer les problèmes associés à l'expérimentation tout en respectant leurs obligations.

M. Worsley : J'ajouterais qu'au fil du temps, les agriculteurs seront confrontés aux risques associés aux marchés et aux conditions météorologiques. Il y a plusieurs années, les agriculteurs vendaient leurs récoltes une ou deux fois par année. De nos jours, en raison de la fluctuation des marchés, ils doivent faire preuve de créativité dans leur plan de vente et de commercialisation, et bien couvrir leurs prix sur le marché. Les marchés des produits agricoles continueront d'être instables, comme c'est le cas depuis quelques années. Je ne crois pas que cette tendance disparaîtra. C'est important, du point de vue de l'environnement. Nous avons parlé des conditions météorologiques; elles ont toujours présenté un défi, et continueront de le faire. Les agriculteurs doivent être bien assurés, et établir une stratégie d'atténuation des risques.

[Français]

Le sénateur Rivard : La plupart des bonnes questions ont été posées et on y a répondu. Peut-on dire qu'il y a plus de faillites de défaut de paiement et de fermeture dans les PME d'agroalimentaire ou d'agriculture que d'autres entreprises? Existe-t-il des statistiques? Est-ce pire dans le domaine de l'agriculture?

[Traduction]

M. Brown : Je n'ai pas les chiffres exacts, mais notre portefeuille est très stable, depuis très longtemps, particulièrement dans le domaine de la production primaire. En moyenne, nos pertes y sont beaucoup moins importantes que dans le reste de notre portefeuille commercial.

[Français]

Le sénateur Rivard : J'aimerais poser une autre question. Je me souviens que, il y a quelques années, il y avait au Québec un programme de garantie des prêts pour les producteurs de porc. À votre connaissance, existe-t-il de telles garanties provenant des gouvernements provinciaux ou du gouvernement fédéral pour le monde agricole et agroalimentaire?

[Traduction]

Mme Paddock : En un mot, oui. Au Québec, il y a la FADQ, un programme de garanties de prêts assez exhaustif géré par le gouvernement provincial. Vous avez aussi parlé du porc. M. Ciappara a mentionné le Programme de réserve pour pertes sur prêts dans l'industrie du porc, qui a été mis sur pied par le gouvernement fédéral pour faire face à la crise. Il y a donc aussi des prêts garantis par le gouvernement.

[Français]

Le sénateur Rivard : J'aimerais poser une dernière question. Ce comité s'intéresse à la recherche et à l'innovation. C'est l'objet de l'étude que nous avons entreprise. C'est sûr que vos commentaires de ce matin sont très utiles.

J'aimerais vous faire part d'un scénario possible; je suis de la moyenne entreprise et j'ai besoin de 500 000 $ pour un projet de recherche et d'innovation. Je vous présente donc un plan d'affaires; je soumets les perspectives de revenu potentiel et, naturellement, vous vous intéressez au financement, à savoir quelle est la mise de fonds du promoteur, s'il y a des subventions, de l'argent qui vient d'ailleurs. Après, vous complétez si vous trouvez que c'est intéressant. Y a-t-il un pourcentage déjà prévoyant que vous ne puissiez pas dépasser un seuil de 50 p. 100 ou 40 p. 100? C'est le cas, par exemple, lorsqu'on achète une maison; le gouvernement impose un plafond au montant qui peut être emprunté. Les banques fonctionnent-elles selon les mêmes critères, à savoir un seuil de pourcentage à ne pas dépasser?

[Traduction]

Mme Paddock : Pour la recherche et le développement, le pourcentage de financement dépend du bilan de chaque entreprise. L'un des critères dont j'ai parlé est la garantie : quel type de sécurité est associé au prêt? Le pourcentage varie selon les entreprises. Nous avons un programme de crédit pour la recherche scientifique et l'éducation, et nous finançons jusqu'à 80 p. 100 des comptes débiteurs pour les crédits en la matière. Les agriculteurs sont également admissibles au programme.

Le sénateur Plett : J'aimerais poser quelques questions. Monsieur Rinneard, pour faire suite à votre commentaire sur les taux d'intérêt, on vous blâme trop souvent pour les mauvaises récoltes et la fluctuation du dollar. Si l'industrie porcine est dans un si mauvais état, c'est parce que le dollar canadien a pris de la valeur; bon nombre d'entre nous s'en sont réjouis, mais pas les éleveurs de porc. Vous n'êtes pas responsables des mauvaises récoltes.

Cependant, les taux d'endettement ont augmenté dans tous les domaines, et pas seulement dans le secteur agricole. Celui des ménages canadiens n'a jamais été aussi élevé. Les faibles taux d'intérêt y sont pour beaucoup. Ceux d'entre nous qui doivent encore de l'argent en profitent, tandis que ceux qui ont des économies aimeraient qu'ils soient un peu plus élevés.

Vous pouvez contrôler cela, dans une certaine mesure — pas vous personnellement, mais les banques. Êtes-vous responsables de certains problèmes?

M. Ciappara : Je crois que nous nous en sommes occupés, du moins dans le secteur agricole. Il a connu une croissance économique, et son PIB a augmenté de 25 à 30 p. 100 au cours des 10 dernières années, ce qui correspond à la croissance de l'ensemble de notre portefeuille. Nos prêts s'harmonisent à la croissance du secteur agricole, et je crois que nos activités sont opportunes et responsables.

Le sénateur Plett : Avez-vous un commentaire?

M. Rinneard : Certainement. Vous nous demandez si nous sommes en faute. La réponse simple est non, bien sûr.

Pour renchérir sur les propos de mon collègue M. Ciappara, l'augmentation de la dette dans le secteur agricole canadien est proportionnelle au produit intérieur brut de l'industrie. À mesure que l'industrie progresse, excelle et stimule l'économie, les besoins d'emprunts augmentent également, et nous sommes là pour y répondre. Il est important de souligner que bon nombre d'entre nous — et certainement la BMO — offrent un financement par fonds de roulement. C'est important de le reconnaître. C'est un financement étroitement lié aux activités à court terme d'une entreprise, et il est beaucoup plus difficile à offrir, à de nombreux égards, puisqu'il nécessite une évaluation judicieuse de l'entreprise — de son rendement et de sa capacité à réaliser ses projections — et est étroitement lié aux ventes, par opposition à une simple appréciation des actifs, sur une très longue période.

Nous estimons, en toute sincérité, que nous avons la responsabilité de nous assurer auprès d'un client qui songe à contracter de nouvelles dettes que son modèle d'entreprise se prête réellement au type ou, surtout, au niveau de dettes envisagées et que la somme demandée correspond aux éléments d'actifs qu'il veut financer. Ce que nous voulons éviter à tout prix, monsieur le sénateur, est une situation où, par exemple, quelqu'un a financé du bétail reproducteur sur une période de 20 ans alors que, comme vous le savez, ces animaux ne vivent pas aussi longtemps. Nous voulons nous assurer que nos clients ne continuent pas de payer pour une chose qui a déjà rempli sa fonction. Cela s'applique également à la machinerie. Personne ne veut payer pendant 15 ans pour une moissonneuse-batteuse qui n'aura dans une ferme qu'une durée de vie utile de seulement trois ans.

Il revient sans aucun doute à chacun de nous de prévenir ce genre de situations. Je peux donc vous garantir que nous conseillons la prudence à tous les fermiers que nous rencontrons.

Le sénateur Plett : Comme le temps manque, je vais résumer mes deux prochaines questions et n'en poser qu'une seule, si vous le permettez, monsieur le président. Je vais lire un passage tiré de votre présentation de ce matin :

En fait, un récent sondage d'Industrie Canada a révélé que le taux d'approbation des demandes de financement par emprunt faites par les petites et moyennes entreprises en milieu rural est plus élevé que celui des PME en milieu urbain, et que, pour les PME en milieu rural, l'accès au financement est le moins problématique des obstacles externes à la croissance.

Voici mes deux questions. Premièrement, à l'exception des petites et moyennes entreprises, où se situent les fermiers pour ce qui est de l'accès au financement?

Deuxièmement, pouvez-vous m'expliquer le passage suivant?

Le crédit bancaire compte pour 36 p. 100 du total du marché du financement agricole. En plus de la somme supérieure à 25 milliards de dollars empruntée par les agriculteurs aux banques, près de 12 milliards en crédit leurs sont accessibles sans qu'ils aient à en faire la demande.

Pouvez-vous me dire ce que vous entendez par les 12 milliards de dollars accessibles sans devoir présenter de demande additionnelle?

M. Ciappara : Bien sûr. Pour répondre à votre première question concernant les PME agricoles par rapport à l'ensemble des PME en milieu rural, elles font partie de ce milieu. Je n'ai pas les chiffres exacts en mains, mais je serai heureux de vous les faire parvenir.

Le sénateur Plett : Nous vous en serions reconnaissants.

M. Ciappara : C'est une étude d'Industrie Canada.

En ce qui concerne les 12 milliards de dollars supplémentaires, il s'agit là de ce que nous appelons du crédit autorisé. Nous avons parlé de fonds de roulement et de marges de crédit d'exploitation. Très souvent, quand un fermier — et je vais laisser mes collègues vous donner de plus amples détails — ou quelqu'un d'autre se rend à une succursale pour obtenir du crédit, on lui permet de retirer un certain montant sur sa marge de crédit d'exploitation. Le fermier ou l'entreprise peut alors obtenir des fonds.

Ce que je dis dans ma déclaration liminaire est que les fermes ont ainsi emprunté environ 25 milliards de dollars et qu'elles disposent d'un montant supplémentaire de 12 milliards sur leurs marges de crédit d'exploitation et leurs fonds de roulement. Cependant, je devrais préciser que les 25 milliards de dollars ne proviennent pas uniquement de leurs fonds de roulement et de leurs marges de crédit, car on leur accorde également des prêts à terme et des prêts hypothécaires. Cela dit, la différence entre 25 et 37 milliards de dollars se rapporte principalement aux marges de crédit et aux fonds de roulement.

Le sénateur Plett : Avez-vous d'autres commentaires? Merci.

[Français]

Le sénateur Maltais : Il y a un secteur que l'on n'a pas abordé, mais qui touche quand même une partie importante du Canada, en particulier la Colombie-Britannique, le Québec, les Maritimes et Terre-Neuve-et-Labrador, c'est le secteur des pêches. Quelle est votre implication à titre de banquier dans ce secteur?

[Traduction]

M. Ciappara : J'aimerais brièvement mentionner un point. Nous accordons également des prêts au secteur des pêches. Je n'ai pas les chiffres en mains, et les banquiers qui m'accompagnent travaillent principalement dans le milieu agricole, mais je tenais tout de même à le mentionner.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je suis heureux de l'apprendre parce qu'il y a quand même une partie importante des Canadiens qui vivent du secteur des pêches, que ce soit les pêcheurs, les propriétaires ou les travailleurs d'usine. Comment se fait le transfert? Est-ce qu'il y en a, parmi vous, qui savent comment se fait le transfert des petits et des moyens bateaux de pêche dans le golfe du Saint-Laurent et dans l'océan Pacifique? Comment est-ce que cela fonctionne? Est-ce que c'est selon le même principe que le transfert agricole ou est-ce qu'il y a un programme particulier que vous appliquez au rachat afin de s'assurer que la succession de père en fils va au niveau des bateaux de pêche?

[Traduction]

Le président : Je pourrais demander à M. Ciappara de nous faire parvenir une réponse de l'Association des banquiers canadiens.

M. Ciappara : Tout à fait, nous serons heureux de le faire.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je me serais attendu à ce que la Banque Scotia nous donne un peu d'information à ce sujet pour le sénateur Mercer puisqu'il vient de cette région.

[Traduction]

Le président : J'aimerais poser une question aux représentants de l'Association. Ce sera la dernière, à moins que le sénateur Plett ou le sénateur Mercer en aient d'autres. Nous avons abordé beaucoup de sujets liés à l'agriculture.

Les fermes familiales représentent un enjeu de taille. Pouvez-vous nous dire ce que leur réserve le futur par rapport aux conglomérats en Europe et en Amérique du Nord?

M. Ciappara : Il serait probablement préférable que mes collègues répondent, car ils ont des liens plus étroits que les miens avec la communauté agricole.

M. Brown : Cette question nous ramène à la définition de ferme familiale, qui n'est pas toujours facile à établir. Beaucoup de fermes familiales sont des sociétés en pleine expansion. Je ne sais pas si vous les considéreriez comme des conglomérats, mais elles sont exploitées de la même façon. Bref, il s'agit de très grandes exploitations familiales.

Il est vrai que les fermes deviennent de plus en plus grandes, mais ce sont encore des familles qui les exploitent et les contrôlent. Les entreprises propriétaires de biens fonciers enregistrent une certaine croissance, et c'est peut-être ce à quoi vous faites allusion. Il s'agit d'un groupe intéressant dont l'avenir est prometteur au moment où la valeur des terres augmente et où le secteur agricole et beaucoup d'autres bénéficient de prix très élevés. Si l'agriculture connaît une période creuse, nous ne savons pas vraiment si ces entreprises poursuivront leurs activités, car elles pourraient être moins disposées que les entreprises familiales à attendre un rendement.

Je pense que cela reste à voir. Nous en sommes certainement bien conscients et nous suivons la situation de près.

Mme Paddock : Dans la même veine que ce que vient de dire M. Brown à propos des sociétés agricoles, nous n'avons pas autant de conglomérats agricoles qu'aux États-Unis. Nous pouvons compter sur les doigts d'une ou deux mains le nombre de fermes qui sont vraiment gérées, contrôlées et détenues en tant que personne morale ou société cotée en bourse. En effet, la plupart de nos grandes exploitations agricoles sont des fermes appartenant à plus d'une famille aux besoins desquelles elles peuvent subvenir de par leur taille. Je les considère malgré tout comme des fermes familiales. Je crois qu'à l'avenir, le développement des grandes fermes se poursuivra et qu'il y aura de plus en plus de petites fermes dans le marché de niche de la production biologique locale. Ces segments de marché permettent tous les deux aux entreprises familiales de prospérer.

M. Rinneard : Tout à fait. Je suis entièrement d'accord avec ma collègue à propos de la proportion de vraies sociétés agricoles. Il n'y en a pratiquement pas au Canada.

Le nombre de sociétés agricoles augmente, mais d'un point de vue statistique, cela signifie simplement que ces entreprises se sont constituées en personne morale. Dans la plupart des cas, l'objectif est de faciliter la succession. Mon collègue a mentionné tout à l'heure que constituer une société est l'un des aspects clés d'un plan de relève efficace parce que cela facilite le transfert d'une exploitation agricole ou de certains de ses actifs.

On ne s'entend pas sur l'importance de leur croissance. Les statistiques semblent en indiquer une, mais elle témoigne plutôt d'une nécessité à bien des égards. C'est d'ailleurs une pratique de plus en plus courante dans l'industrie. Cette semaine, j'ai visité une ferme de 3 000 hectares dans le sud-ouest de l'Ontario. La femme et son mari s'occupent de la gestion et leurs trois enfants constituent la main-d'œuvre. C'est donc réellement une ferme familiale. Elle est constituée en société, mais elle est entièrement dirigée par la famille

Si l'agriculture au Canada continue de se développer comme elle le fait, les fermes devront effectuer cette transition. Les économies d'échelle sont un élément essentiel du succès, et l'industrie agricole du Canada, peut-être même plus que les autres, continue d'en faire davantage avec moins. Si l'on tient compte de la contribution des fermes du pays, les chiffres relatifs à la main-d'œuvre et aux capitaux investis sont peu élevés malgré la hausse considérable du PIB dans le secteur. À bien des égards, c'est une histoire passionnante et le résultat du maintien des entreprises familiales.

Mme Schrof : Je vais essentiellement reprendre les commentaires de mes collègues ici présents. La majorité de nos sociétés agricoles sont de deuxième ou de troisième génération et ont généralement été constituées en société à des fins fiscales sur l'avis de comptables ou autres spécialistes.

M. Worsley : Comme l'ont dit mes collègues, la majorité de nos clients ont des fermes familiales. Elles sont de plus en plus souvent constituées en société, mais elles demeurent généralement en tous points des entreprises familiales. Je crois que leur futur est plus prometteur que jamais. Au cours des dernières années, j'ai vu un nombre croissant de jeunes qui veulent travailler dans le domaine agricole, ce qui est très encourageant.

Le président : Nous allons entendre un dernier intervenant avant de terminer.

Le sénateur Plett : J'aimerais seulement formuler un commentaire et demander aux témoins s'ils sont d'accord. Nous avons parlé des sociétés agricoles et, comme vous l'avez tous dit, il s'agit de fermes familiales qui ont simplement été constituées en société comme le font toutes les bonnes entreprises.

Je connais des fermiers dans l'Ouest canadien, une famille qui emploie quelques employés, qui cultivent de 7 000 à 10 000 acres de terre et qui ont une exploitation laitière de 800 vaches. C'est en grande partie possible grâce à l'automatisation des tâches et à la taille de leur équipement. De nos jours, les moissonneuses-batteuses peuvent couvrir en une journée beaucoup plus d'acres qu'il y a 20 ans. Il est donc possible de prendre de l'expansion sans nécessairement augmenter le nombre d'employés.

Les témoins acquiescent de la tête, je suppose donc qu'ils sont d'accord.

Ma dernière question s'adresse à Mme Paddock. Vous avez parlé des trois grands critères à examiner. Ont-ils tous la même importance, ou est-ce que l'un deux, par exemple la personnalité, a plus de poids que la garantie?

Mme Paddock : Pour vous répondre brièvement, cela dépend. Je dirais qu'ils n'ont pas forcément tous la même importance. Si vous n'avez pas le sens aigu des affaires ni la capacité de gestion nécessaires pour diriger certaines des fermes plus grandes et plus complexes, nous ne conclurons pas d'entente avec vous, peu importe le montant de la garantie.

En fait, je crois que la personnalité ou le sens aigu des affaires seraient probablement les plus importants, surtout quand il s'agit d'une grande entreprise complexe pour laquelle les capacités de gestion sont cruciales.

Le sénateur Plett : J'aime votre réponse, parce que nous savons tous que l'approche des banquiers est souvent perçue comme étant impersonnelle et que les gens les redoutent. Je crois que c'est fantastique que vous accordiez autant d'importance à la personnalité.

M. Rinneard : J'aimerais simplement reprendre les propos de Mme Paddock concernant la personnalité. Les fermiers canadiens en 2013 sont les champions de la gestion. Quand on y pense, ils doivent assumer les fonctions de bien des métiers : vétérinaire, chimiste, botaniste, mécanicien, comptable, marchand — ils doivent couvrir un large éventail de capacités de gestion parce qu'ils ne sont souvent qu'un ou deux à gérer l'entreprise.

Leurs connaissances dans chacun de ces domaines doivent non seulement être vastes, mais aussi très approfondies étant donné qu'elles deviennent essentielles au succès à long terme de ce genre d'exploitation.

En effet, le succès d'un fermier repose de plus en plus sur ses talents de gestionnaire, comme c'est probablement le cas dans de nombreuses industries.

Le président : Chers membres de l'Association des banquiers canadiens, on a affirmé que notre nation se distingue assurément par sa production de denrées alimentaires. Nous avons tous un rôle à jouer. Votre leadership et vos réponses à nos questions nous ont permis de constater deux choses : premièrement, vos commentaires nous sont très utiles et, deuxièmement, nos institutions financières favorisent la coopération avec les gouvernements et les collectivités pour que nous poursuivions nos efforts visant à faire du Canada le meilleur pays au monde.

Ceci étant dit et pour le compte rendu, nous avons parmi nous Alex Ciappara, directeur, Analyses économiques, de l'Association des banquiers canadiens; David Rinneard, directeur, Agriculture et agroentreprise, de BMO; Darryl Worsley, directeur national, Agriculture, de la CIBC; Gwen Paddock, directeur national, Agriculture, de la Banque Royale du Canada; Peter Brown, directeur, Agriculture, de la Banque Scotia; et Stacey Schrof, directrice, Politiques et procédures agricoles, de TD Canada Trust. Merci beaucoup.

Honorables sénateurs, la séance est levée.

(La séance est levée.)


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