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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 14 - Témoignages du 27 mars 2012


OTTAWA, le mardi 27 mars 2012

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour examiner, en vue d'en faire rapport, les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : les Métis au Canada).

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. J'aimerais souhaiter la bienvenue à l'ensemble des honorables sénateurs et des membres du public qui regardent la réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC ou éventuellement sur le web.

Je m'appelle Gerry St. Germain. Je viens de la Colombie-Britannique. J'ai l'honneur et le privilège de présider le comité. Le mandat du comité est d'examiner la législation et les questions qui ont trait aux peuples autochtones du Canada en général.

Aujourd'hui, nous allons commencer à examiner les questions qui concernent les Métis, et en particulier celles qui ont trait à la reconnaissance juridique et politique de plus en plus grande de l'identité collective et des droits des Métis au Canada. Nous prévoyons commencer l'étude en tenant des séances d'information auxquelles participeront les représentants de divers ministères, qui vont nous fournir des renseignements, y compris les faits concernant les programmes et les services actuellement offerts par le gouvernement fédéral, l'état des relations entre le gouvernement et les Métis et des données statistiques générales, et qui vont nous parler des enjeux actuels dans le domaine juridique, entre autres.

Nous allons entendre ce matin le témoignage de représentants d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, du Bureau de l'interlocuteur général auprès des Métis et des Indiens non inscrits et du ministère de la Justice.

[Français]

Avant d'entendre nos témoins, j'aimerais présenter les membres du comité présents ici ce matin.

[Traduction]

Il y a le sénateur Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest, et à côté de lui se trouve le sénateur Munson, de l'Ontario. Le sénateur Don Meredith vient aussi de l'Ontario, et à côté de lui se trouve le sénateur Dennis Patterson, du Nunavut. Le dernier sénateur, mais assurément pas le moindre, est le sénateur Jacques Demers, du Québec.

Je demanderais aux membres du comité de se joindre à moi pour souhaiter la bienvenue aux témoins. Nous recevons trois représentants du Bureau de l'interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits : Mme Elizabeth Tromp, sous-ministre adjointe; Mme Diane Robinson, directrice, Relations autochtones; et M. Michael Nadler, directeur général, Négociations Est. Nous recevons également une représentante du ministère de la Justice, Mme Peggy Stone, avocate générale et directrice.

Je crois que vous avez un exposé à présenter, madame Tromp. Nous avons hâte de vous écouter, et je suis sûr que les sénateurs vont vous poser des questions par la suite.

Elizabeth Tromp, sous-ministre adjointe, Bureau de l'interlocuteur fédéral, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : Merci beaucoup, monsieur le président, messieurs les sénateurs. Bonjour. Je suis heureuse de me joindre à vous aujourd'hui pour contribuer à votre étude sur les Métis du Canada.

Permettez-moi tout d'abord de vous parler un peu du Bureau de l'interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits et de le situer au sein du ministère et du gouvernement tout entier.

Le bureau a été créé en 1985 afin de donner voix à ces personnes au sein du gouvernement fédéral. À l'époque, il avait été jugé prudent de ne pas placer cette fonction sous le même toit que le ministère des Affaires indiennes, pour éviter toute confusion dans les différents mandats et rôles.

Bien entendu, beaucoup de choses ont changé au fil des ans. Le bureau de l'interlocuteur a déménagé dans les locaux d'Affaires indiennes en 2004, et le ministère a été rebaptisé l'année dernière Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, AADNC, pour que son nom corresponde mieux à l'évolution du rôle du ministre relativement aux Premières nations, aux Inuits et aux Métis.

Il va sans dire que l'AADNC n'est pas le seul ministère qui entretient une relation avec les Métis et leurs organisations, et je sais que plusieurs de mes collègues communiqueront avec vous au cours de votre étude.

J'aimerais ajouter quelques mots au sujet du contexte de la relation du Canada avec les Métis. Le Canada entretient avec les Métis une relation riche et profonde, inscrite dans notre histoire. Et comme vous le savez, les Métis, avec les Indiens et les Inuits, sont un des peuples autochtones reconnus en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Mais je ferai observer que cette relation avec les Métis est différente de celle du Canada avec les Premières nations et les Inuits. Comme ils vivent hors des réserves, par exemple, les Métis reçoivent la plupart de leurs programmes sociaux de base des provinces, et non du gouvernement fédéral. Les provinces entretiennent leurs propres relations profondes avec les Métis et les organisations, surtout dans l'Ouest canadien. En outre, il n'y a ni registre fédéral des Métis ni réserve métisse.

Je veux également souligner le rôle important que les provinces jouent dans la vie des Métis. Les Métis reçoivent en grande partie leurs programmes sociaux des gouvernements provinciaux. De plus, lorsque les Métis font valoir leurs droits autochtones, ils le font en grande partie sur les terres de la province. Que ce soit l'histoire entrecroisée des Métis et la création de la province du Manitoba, les batailles historiques et les accrochages en Saskatchewan avant la Confédération ou l'établissement du règlement des terres métisses en Alberta, les provinces ont chacune leur histoire et leur relation unique avec les Métis. Aucune étude sur les Métis au Canada ne serait complète sans considérer les rôles et les relations variés que les provinces et les territoires ont avec le peuple métis et ses organisations.

Si j'expose le contexte du rôle du gouvernement fédéral relativement aux Métis, mon but est non pas de diminuer ce rôle, mais bien d'illustrer que les Métis sont un peuple distinct et que le Canada a une relation distincte avec eux, tout comme les provinces. Les Métis et leurs organisations conviendraient de cette réalité.

Nous allons maintenant aborder les données démographiques.

[Français]

Les données démographiques : environ 390 000 Canadiens s'identifient à titre de Métis, soit environ un tiers du total de la population du Canada qui se dit autochtone. De même que les autres populations autochtones, celle-ci est jeune et en pleine croissance.

L'âge moyen des Métis est de 29 ans contre 40 pour la population non autochtone. Plus des deux tiers, 68 p. 100, des Métis vivent dans les quatre provinces de l'Ouest : 19 p. 100 en Ontario, 7 p. 100 au Québec, 5 p. 100 dans les provinces de l'Atlantique et 1 p. 100 dans les territoires.

De 2001 à 2006, la population métisse au Canada a augmenté de plus d'un tiers soit de 36 p. 100; taux qui dépasse de loin la croissance maximale théorique à partir des naissances et des migrations de la population des Métis actuelle. L'explication la plus probable de l'avis général est que la mobilité ethnique rend compte d'une proportion appréciable de cette récente croissance, c'est-à-dire que les gens s'identifient différemment d'un recensement au suivant.

Par comparaison, la population des Premières nations a augmenté de 12,8 p. 100 sur la même période. Il n'existe pas d'explication certaine de l'augmentation dans l'auto-identification. Elle est peut-être due à une sensibilisation accrue à la généalogie familiale, à une meilleure opinion de l'autochtonité, à de récentes décisions judiciaires ou à l'éducation par les médias entre autres. Une analyse des données du recensement révèle que les indices socioéconomiques relatifs aux Métis s'inscrivent en général entre ceux des membres des Premières nations et ceux de la population générale.

En ce qui concerne les relations entre le Canada et les Métis, le gouvernement fédéral entretient ses relations avec les Métis de plusieurs façons. Notamment, des relations bilatérales avec des organisations autochtones nationales, des relations tripartites avec les provinces et les organisations à l'échelle de la province au sud du 60e parallèle et des revendications territoriales au nord du 60e parallèle. Le Bureau de l'interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits a des relations bilatérales avec deux organisations nationales, qui représentent les intérêts des Métis dans les provinces soit le Congrès des Peuples Autochtones (CPA) et le Ralliement national des Métis (RNM).

Le CPA regroupe les Métis, mais aussi un vaste éventail d'Indiens hors des réserves et non-inscrits vivant dans les milieux urbains, ruraux et éloignés du Canada. Le RNM représente les Métis exclusivement de l'Ouest depuis l'Ontario jusqu'à la Colombie-Britannique. Ces relations bilatérales sont encadrées par un accord politique avec le CPA et par le protocole avec la nation métisse avec le RNM. En ce qui concerne le CPA, il s'appuie sur une solide entente bilatérale avec le gouvernement fédéral pour renforcer sa structure de gouvernance et l'aider ainsi à mieux représenter ses membres.

[Traduction]

Le gouvernement participe avec le Congrès des Peuples Autochtones, le CPA, à l'exécution de ses priorités stratégiques au moyen d'un plan de politiques stratégiques. Ce plan du CPA vise à fournir des résultats mesurables à ses membres, et à aider à appliquer des modifications essentielles et stratégiques de la Loi sur les Indiens, telles que celles mises en application par le projet de loi C-3.

En ce qui concerne le RNM, des progrès significatifs ont été organisés par l'intermédiaire du protocole avec la nation métisse, le document clé dans la relation du gouvernement avec le RNM. Par exemple, en 2009, l'ancien ministre Strahl a conduit un contingent d'anciens combattants et de dirigeants métis à la plage Juno, en France, afin d'honorer la contribution des Métis aux dernières guerres. Déclarant que 2010 était l'Année des Métis, le gouvernement a tenu des célébrations avec des Métis provenant de tous les coins du pays, à l'occasion entre autres du 125e anniversaire de la bataille de Batoche, l'un des événements fondateurs de l'histoire de notre pays. En 2010 et en 2011, notre ministre a accueilli des ministres provinciaux et des dirigeants métis à deux symposiums sur le développement économique, qui ont donné lieu à d'importants investissements dans le développement économique des Métis de la part du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux.

Le Bureau de l'interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits maintient de même des relations tripartites avec les gouvernements provinciaux et les organisations qui représentent, à l'échelle de la province, les intérêts des Métis et d'autres Autochtones hors des réserves. Dans ces processus, l'accent est mis sur la recherche de résultats concrets pour les Métis et les Indiens non inscrits, et le soutien de ces organisations pour leur permettre de faire valoir leurs intérêts auprès des gouvernements fédéral et provinciaux. Ces processus offrent à toutes les parties une tribune neutre où discuter des questions socioéconomiques essentielles. Ils offrent aussi la possibilité de renforcer la capacité interne, la reddition de comptes et les structures de gouvernance démocratiques.

Au nord du 60e parallèle, le cheminement constitutionnel est différent. Les Métis sont des parties prenantes des trois revendications territoriales signées dans les Territoires du Nord-Ouest, soit les Gwich'in, Sahtu et Tlicho. Le Canada est engagé dans les négociations avec les Dénés et les Métis de la région de Dehcho, et dans la conclusion d'une entente sur les terres et les ressources avec la nation métisse des Territoires du Nord-Ouest, qui portait anciennement le nom de Conseil tribal des Métis de South Slave. Vu les circonstances particulières dans les Territoires du Nord-Ouest, et vu que les Dénés et les Métis vivaient côte à côte dans les communautés mixtes, le Canada a adopté en 1978 une politique de négociation des revendications territoriales globales avec les Dénés aussi bien qu'avec les Métis des Territoires du Nord-Ouest.

Je vais maintenant aborder les programmes et services socioéconomiques offerts aux Métis et aux Indiens non inscrits. Le gouvernement du Canada met à la disposition des Métis un vaste éventail de programmes et de services — des programmes d'application générale accessibles à tous les Canadiens, comme la formation, l'assurance-emploi et le Régime de pensions du Canada, et des programmes pan-autochtones comme Partenariat pour les compétences et l'emploi des Autochtones, le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones et la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain. Le gouvernement fédéral n'offre que peu de programmes destinés précisément aux Métis, voire pas du tout. L'exception est le soutien financier pour aider les organisations métisses à créer leurs systèmes d'inscription selon des critères conformes à l'arrêt R. c. Powley rendu par la Cour suprême. Un autre exemple, c'est le financement de base que nous donnons aux organisations métisses et à celles des Indiens non inscrits.

En ce qui concerne les droits ancestraux des Métis, dans l'arrêt Powley de 2003, la Cour a statué qu'une communauté métisse à Sault-Ste-Marie et dans les environs possédait en fait des droits ancestraux de récolte protégés en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Tout comme les autres droits ancestraux, ceux des Métis sont contextuels et rattachés à un lieu en particulier. Ils doivent être prouvés au cas par cas, conformément au critère établi par la Cour suprême. Essentiellement, le droit en question doit être une pratique ou une tradition caractéristique et faisant partie intégrante de la communauté métisse qui existait avant l'imposition du contrôle européen, et l'activité doit être aussi intégrée à la communauté métisse aujourd'hui. La Cour suprême du Canada a aussi fixé des critères, dans l'arrêt Powley, auxquels un individu doit satisfaire avant qu'on puisse le considérer comme un Métis en vue de faire valoir des droits ancestraux en vertu de l'article 35. Les critères principaux de l'arrêt Powley sont au nombre de trois : la personne doit s'identifier comme Métis, elle doit être acceptée par la communauté métisse actuelle et elle doit avoir des liens avec une communauté métisse du passé.

Dans le contexte des droits ancestraux, l'une des questions essentielles pour le gouvernement était de définir qui sont les Métis aux fins de l'article 35 de la Constitution. Pour que ce soit clair, le gouvernement fédéral ne définit pas qui est une personne métisse et ne tient pas de registre des Métis. La Cour suprême du Canada a laissé entendre dans Powley que d'identifier clairement les Métis faciliterait la mise en application des droits ancestraux des Métis. Par conséquent, le Bureau de l'interlocuteur fédéral collabore avec les organisations métisses admissibles à la création de systèmes d'identification des membres de manière compatible avec les critères énoncés dans Powley. Ces organisations signalent qu'un total de quelque 50 000 Métis ont été identifiés à ce jour selon des processus conformes aux critères Powley. L'Association canadienne de normalisation a été appelée à collaborer avec le gouvernement et les groupes métis financés à la préparation d'une méthode de vérification de la qualité et de l'intégrité de ses systèmes d'inscription.

Comme je l'ai signalé, l'exploitation des ressources par les Métis est au cœur de l'arrêt Powley. Si les gouvernements provinciaux et territoriaux sont principalement responsables de la gestion et de la réglementation de la plupart des ressources naturelles sur le territoire, le gouvernement du Canada doit pour sa part répondre de la gestion et de la réglementation des terres et des ressources naturelles qu'il gère. Cela englobe les terres de la Couronne fédérale et l'accès à ces terres, par exemple, les parcs nationaux et les autres zones fédérales protégées, les bases militaires et les champs de tir, de même que les oiseaux migrateurs et les espèces halieutiques côtières. Désireux d'uniformiser l'approche nationale de l'accommodement des exploitants métis, le gouvernement du Canada a offert à tous les ministères fédéraux une orientation sous forme d'une approche provisoire de l'identification des exploitants métis. Cette approche vise à assurer le maintien de pratiques d'exploitation adaptées à la culture, dans les limites des critères de santé et de sécurité publiques, et de conservation.

En ce qui concerne l'obligation de consulter, le Canada satisfait à son obligation légale de consulter par des consultations valables avec les communautés autochtones, y compris des groupes métis, afin de veiller à ce que les opinions des Autochtones soient prises en compte concernant toute décision sur des projets de nature à porter atteinte à leurs droits.

En 2011, les Lignes directrices actualisées à l'intention des fonctionnaires fédéraux pour respecter l'obligation de consulter ont été distribuées aux responsables fédéraux. Elles donnent des instructions précises concernant la responsabilité des ministères et organismes, dans tout le gouvernement, de s'acquitter de l'obligation de consulter.

J'aimerais vous laisser sur l'idée que la compréhension et l'appréciation des droits des Métis en sont encore au stade préliminaire. La jurisprudence sur ces questions est peu abondante, et je pense que le cadre juridique des relations du Canada avec les Métis est appelé à évoluer au fil du temps.

Je m'arrête ici. Je sais que c'est beaucoup d'information à digérer. Nous serons heureux de répondre à vos questions dans la mesure de notre capacité.

Le président : Merci, madame Tromp.

Les sénateurs Campbell et Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique, se sont joints à nous. Je leur souhaite la bienvenue.

J'ai une liste, mais je vais poser la première question.

Madame Tromp, j'aimerais que vous expliquiez l'énoncé suivant au comité, si possible. Je vois que plus des deux tiers des Métis, soit 68 p. 100, vivent dans les quatre provinces de l'Ouest, que 19 p. 100 d'entre eux vivent en Ontario, 7 p. 100, au Québec, 5 p. 100, dans les provinces de l'Atlantique, et 1 p. 100 dans les territoires. Pourtant, le Ralliement national des Métis ne semble reconnaître que les régions à l'ouest de l'Ontario.

Pouvez-vous expliquer cette situation au comité?

Mme Tromp : Je peux essayer de répondre à votre question. La définition du Ralliement national des Métis concorde généralement avec celle de l'arrêt Powley. Essentiellement, le Ralliement ne considère comme étant Métis que les Métis de la rivière Rouge et leurs descendants, et ce sont ces gens qu'il représente. Ce groupe est vu comme étant distinct, et c'est lui qui correspond à la définition de Métis. Les Métis en question vivent en Ontario et dans l'Ouest, et c'est eux que leur Ralliement représente.

En ce qui concerne les autres régions du pays, il y a aussi le Congrès des Peuples Autochtones, comme je l'ai mentionné. Celui-ci représente les Autochtones qui vivent hors réserve, y compris les Métis et les Indiens non inscrits. La définition utilisée et l'approche sont vastes. Le Congrès compte des organisations membres dans l'Est qui représentent ce vaste groupe, y compris des gens qui s'identifieraient comme étant des Métis.

Le président : Je suis sûr qu'il y a eu beaucoup de discussions, et vous pouvez peut-être nous éclairer à l'égard d'une chose.

C'est dans la colonie de la rivière Rouge que le mot « Métis » a commencé à être utilisé, sous l'égide de Cuthbert Grant et surtout de Louis Riel, lorsqu'il a essayé d'établir un gouvernement pour les Métis de la région, ainsi que pour les Premières nations qui étaient là-bas.

Vous qui êtes experte de la question et qui baignez là-dedans, savez-vous si quelque chose de définitif est ressorti qui ferait que, si l'on vient de la Croatie, par exemple, alors on est Croate? A-t-on établi quoi que ce soit qui fait que, si une personne vient d'une région où on a essayé de mettre en place un gouvernement, elle serait obligatoirement considérée comme venant de cet endroit? La question de l'identité est extrêmement importante.

Mme Tromp : Je pense que vous me demandez de vous dire s'il y a une définition sans équivoque de « métis », et je pense que la réponse est non, pas vraiment. Vous avez raison. Les gens s'identifient eux-mêmes comme étant Métis. J'ai parlé de cela et de l'accroissement du nombre de gens qui s'identifient comme étant Métis.

Il y en a parmi eux qui sont d'origines mixtes, mais qui ne sont pas nécessairement métis au sens où le Ralliement national des Métis l'entend ou selon la définition qu'il utilise. La réponse dépend vraiment de deux choses : à qui on demande et qui pose la question.

Le gouvernement fédéral n'a pas de définition sans équivoque ou unique de « métis ». Le soin de définir le terme est laissé aux organisations et aux groupes métis. Là où il est intéressant de savoir qui sont les Métis, c'est lorsqu'il s'agit de déterminer qui sont les titulaires des droits. Encore là, c'est en évolution, mais c'est un domaine où nous devons être en mesure de dire qui les Métis sont pour pouvoir établir qui détient les droits de récolte, par exemple.

Le président : Très bien.

Le sénateur Campbell : Je vous remercie, monsieur le président, et je vous demande de me pardonner mon retard. Il semble qu'il faille éviter de laisser le GPS allumé lorsqu'on part pour une semaine. La pile se vide.

Ma question est un peu hors sujet, mais elle est liée au CPA. Je trouve intéressant que vous incluiez ici les Métis parmi les membres du CPA. Je n'ai jamais entendu parler du CPA auparavant lorsque j'ai discuté avec des gens qui représentent les Métis. C'est la première chose.

Ensuite, pourquoi accueillons-nous le CPA, plutôt qu'une organisation des Premières nations jouissant d'une meilleure reconnaissance à l'échelle nationale, par exemple celle du chef Atleo?

Il y a un an et demi environ, je me suis penché sur la situation du CPA, et je n'ai rien pu trouver. Je n'ai trouvé qu'un petit noyau ici, dans l'Est, mais à peu près rien dans l'Ouest. Premièrement, pourquoi en parler en même temps que les Métis, alors que nous savons qu'il n'y a pas de conseil des Métis qui soit fort; et, deuxièmement, pourquoi le gouvernement fédéral conclurait-il un accord bilatéral avec le CPA à l'égard du renforcement de sa structure de gouvernance? Je ne sais pas qui le CPA représente. Je n'ai jamais été en mesure de le découvrir. Je sais que c'est censé être les membres des Premières nations qui vivent hors réserve, mais je n'en avais jamais entendu parler avant de quitter la Colombie-Britannique pour venir à Ottawa — et je connaissais assez bien les affaires des Premières nations, dans la vallée du Bas-Fraser en tout cas.

Pouvez-vous nous donner des explications concernant cet accord bilatéral et la place des Métis au sein du CPA, dans le contexte de notre étude?

Mme Tromp : Premièrement, comme vous le savez, le Congrès des Peuples Autochtones est l'une des organisations nationales autochtones...

Le sénateur Campbell : Je ne le sais pas.

Mme Tromp : Il est l'une des organisations nationales autochtones que le gouvernement...

Le sénateur Campbell : Qui en a décidé ainsi?

Mme Tromp : Le gouvernement. Les représentants du CPA ont participé aux négociations constitutionnelles, et le gouvernement entretient des relations avec eux depuis longtemps.

Le sénateur Campbell : Depuis combien de temps?

Mme Tromp : Depuis les années 1970, et assurément depuis les pourparlers constitutionnels des années 1980.

Le sénateur Munson : Depuis l'époque où je suivais leurs activités, dans les années 1970.

Mme Tromp : Je vais demander à Mme Robinson, notre directrice des relations autochtones, de répondre à la question, car elle pourra vous parler davantage de la relation avec le CPA et vous donner quelques détails sur sa composition.

Diane Robinson, directrice, Relations autochtones, Bureau de l'interlocuteur fédéral, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : Comme Mme Tromp l'a dit, le gouvernement fédéral entretient des relations bilatérales avec le Congrès des Peuples Autochtones depuis les discussions constitutionnelles des années 1980 ou peut- être même avant. Avant qu'il ne change de nom, on l'appelait Conseil national des Autochtones.

Comme vous l'avez mentionné, l'effectif du Congrès se trouve dans l'Est. Il a un très grand nombre de membres au Québec et dans les provinces de l'Atlantique. Il représente la nation des Métis du Labrador, qui porte maintenant le nom de NunatuKavut, et il a une organisation membre en Colombie-Britannique qui s'appelle la United Native Nations Society.

Le CPA définit de façon très large qui il représente. Il affirme représenter tous les Autochtones qui vivent hors réserve. Il peut s'agir d'Indiens inscrits qui trouvent qu'ils ne sont pas représentés par les chefs. Ce peut être des gens dont le nom figure sur une liste générale plutôt que sur une liste de bandes. Il représente les gens qui s'identifient eux- mêmes comme étant Métis. Parmi eux, il y en a qui ne respectent pas les critères Powley, mais qui s'identifient quand même comme étant Métis. Le CPA affirme représenter quiconque prétend être autochtone sans vouloir toujours préciser son groupe d'appartenance.

Il y a assurément des Autochtones qui ne sont pas représentés par le Ralliement national des Métis ni par le chef Atleo, et c'est le Congrès des Peuples Autochtones qui joue ce rôle.

Le sénateur Campbell : Avez-vous des rapports avec l'organisation du chef Atleo?

Mme Robinson : Non. Notre unité travaille exclusivement auprès d'organisations de Métis et d'Indiens non inscrits.

Le sénateur Raine : Je suis d'accord : il est probablement difficile de trancher lorsqu'il s'agit de déterminer qui est Métis. Nous avons eu la chance, il n'y a pas très longtemps, d'entendre le témoignage d'une délégation de la Norvège qui nous a parlé des Samis et de leur relation avec le gouvernement norvégien. J'ai trouvé ce témoignage très intéressant.

Le peuple sami, qui est un peuple autochtone de la Norvège, est lui aussi titulaire de droits ancestraux concernant l'élevage de caribous et de rennes, ainsi que de certains droits de pêche. Ces droits sont propres au peuple qui vit là-bas, qui y a toujours vécu et qui s'est toujours livré à ces activités. Tout autre habitant de la Norvège qui souhaite s'identifier comme étant Sami peut le faire, et, grâce à cette possibilité, la promotion de la culture samie en Norvège connaît énormément de succès.

Lorsque j'ai demandé précisément aux témoins si les Samis ont droit à des choses particulières, ils m'ont répondu très clairement que non, évidemment, et qu'ils sont comme tous les Norvégiens et ont droit aux mêmes choses que n'importe quel Norvégien.

Pouvez-vous nous dire quelle proportion des 68 p. 100 de Métis qui vivent dans l'Ouest vit dans chacune des quatre provinces?

Mme Tromp : Nous sommes en train de vérifier si nous avons les chiffres exacts. Je peux vous dire grosso modo que la majorité vit en Alberta et en Saskatchewan, qu'il y en a qui vivent en Alberta et qu'une proportion plus petite vit en Ontario et en Colombie-Britannique.

Le sénateur Raine : Je crois que c'est 19 p. 100 en Ontario.

Mme Tromp : Oui.

Le sénateur Raine : Il serait intéressant de savoir quelle proportion des 68 p. 100 qui vivent dans les quatre provinces de l'Ouest vivent dans chacune des provinces.

Mme Tromp : Nous pouvons assurément vous communiquer cette information.

Le sénateur Raine : J'essaie de comprendre. Est-ce que l'association nationale des Métis représente les 19 p. 100 qui vivent en Ontario plus les 68 p. 100 qui vivent dans l'Ouest?

Mme Tromp : Cela dépend, parce que, encore une fois, nos données démographiques sont fondées sur l'auto- identification. Ce ne sont pas tous les gens qui s'identifient comme étant Métis dans le recensement, par exemple, qui souhaitent être représentés par la Métis Nation of Ontario, laquelle est affiliée au Ralliement national des Métis. Beaucoup le souhaitent et sont membres de cette organisation, mais pas tout le monde. Il n'y a pas de corrélation directe. Nous pourrions obtenir les chiffres concernant le nombre de membres auprès des organisations concernées pour chacune des provinces. Les chiffres ne concorderaient pas nécessairement avec les données du recensement, pour ce qui est des gens qui déclarent personnellement être Métis.

Le sénateur Raine : Pour que ce soit clair, le chiffre que vous présentez ici, les 390 000 Canadiens qui s'identifient comme étant Métis, est-ce qu'ils viennent du Recensement, et non des membres d'une organisation donnée?

Mme Tromp : C'est exact. Outre cela, nous disposons de données sur leur composition qui nous sont fournies directement par les organisations.

Le sénateur Raine : Faut-il être membre d'une organisation pour être compté parmi les Métis?

Mme Tromp : Non. Lorsqu'il y a un recensement, on peut s'auto-identifier. Si une personne croit qu'elle est métisse, elle peut s'identifier comme telle. Je suppose que c'est un peu comme ce que vous venez de décrire en ce qui concerne les Samis. On peut affirmer être Métis, mais la mesure dans laquelle ce statut apporte quoi que ce soit d'autre dépend de l'appartenance à une organisation, de ce que cette organisation offre à ses membres et des programmes qui sont accessibles par celle-ci. Si une personne détient des droits dans une région donnée et qu'elle est devenue membre d'une organisation, elle a alors une carte de membre et probablement le droit de chasser. Cela s'applique par exemple aux Métis de la région de Sault-Ste-Marie. Il y a une différence entre le simple fait de s'identifier comme étant Métis, d'une part, et le fait d'être membre d'une organisation et de détenir éventuellement des droits, d'autre part.

Le sénateur Raine : J'essaie de comprendre, et je suis sûre que beaucoup de Canadiens essaient de comprendre aussi, parce qu'il y a maintenant des affaires judiciaires qui semblent établir des droits pour certaines personnes sans jamais donner de définition concernant les personnes qui détiennent ces droits. Si je lis dans le journal qu'on peut obtenir des droits en se déclarant Métis, je vais peut-être accourir et devenir Métis moi-même. Il faut évidemment qu'il y ait des descriptions pertinentes concernant l'identité métisse.

Mme Tromp : Oui.

Le sénateur Raine : Ce que j'ai trouvé très intéressant au sujet de la situation en Norvège, c'est que les gens là-bas sont fiers de ce que la société norvégienne dans l'ensemble fonctionne bien et de ce que tous les Norvégiens ont droit à certaines choses, qu'ils déterminent ensemble et paient aussi ensemble, ce qui fait qu'il n'est pas nécessaire d'établir des droits. Cela dit, cependant, les Norvégiens voulaient vraiment promouvoir l'histoire et la culture des Samis et que les gens se disent fièrement Samis.

Est-ce que c'est ce que nous souhaiterions, ou est-ce que nous sommes sur l'autre voie, c'est-à-dire que nous présentons comme une récompense des droits auxquels les autres Canadiens n'ont pas accès?

Mme Tromp : Je vais céder la parole à ma collègue du ministère de la Justice dans un instant pour qu'elle vous explique plus précisément les paramètres que la cour a établis pour déterminer qui est Métis aux fins de la réclamation d'un droit ancestral, ce qui est peut-être l'objet de la question que vous posez.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, le Ralliement national des Métis et les organisations affiliées de l'Ontario et de l'Ouest déterminent qui est Métis, et ce, en fonction de la définition établie par la cour. Je dois vous avouer que je n'en sais pas plus. Toutefois, je ne pense pas que l'on puisse obtenir une carte de membre de l'une des organisations affiliées sans être en mesure de démontrer son lien d'appartenance, ses origines liées à une communauté métisse du passé — une communauté distincte, qui existait dans le passé et qui continue d'exister encore aujourd'hui. Il faudrait être en mesure de démontrer tout cela.

Il y a des généalogistes qui examinent les documents et qui établissent qu'une personne est métisse, et c'est donc un critère assez rigoureux. Il faut donc être accepté par la communauté. Si vous deviez un jour réclamer un droit, par exemple un droit de récolte, il faudrait que vous soyez en mesure de démontrer que la communauté dont vous faites partie existait dans le passé et existe encore aujourd'hui et que l'activité de récolte en question était en vigueur dans le passé et continue de l'être aujourd'hui. C'est un critère assez rigoureux. Ce n'est pas seulement une question de droit.

En ce qui concerne les tribunaux, il n'y a pas beaucoup de jurisprudence. Le dossier des droits des Métis est encore jeune. Il y a toutefois un certain nombre de décisions d'instance inférieure qui circonscrivent des lieux précis où des tests ont été établis et où il y a donc un droit de chasse ou de récolte à des fins alimentaires. La reconnaissance des droits liés à cet aspect du fait d'être Métis et de faire partie des organisations métisses en question est très axée sur le contexte et les faits.

Il y a un second volet, et c'est le fait que les gens s'identifient eux-mêmes comme étant Métis. Il s'agit d'une expression de leur culture et de leurs origines. Comme l'ensemble des Canadiens, les Métis peuvent se prévaloir de tous les programmes et services. Beaucoup des services auxquels ils ont accès sont offerts par la province, comme c'est le cas pour les autres Canadiens qui vivent dans la même province. C'est un élément très important aussi.

Le président : Utilisez-vous les critères Powley pour établir l'identité?

Mme Tromp : Le gouvernement fédéral n'établit pas l'identité des gens. Ce sont les organisations, la collectivité elle- même, qui déterminent leur identité. Lorsque la cour a rendu la décision Powley, elle a insisté sur le fait qu'il devait y avoir un moyen de vérifier objectivement qui est Métis aux fins de l'application des droits ancestraux et des droits qui pourraient être établis. Par conséquent, le gouvernement fédéral verse des fonds aux organisations provinciales affiliées du Ralliement national des Métis, à partir de l'Ontario et vers l'Ouest, donc, afin qu'elles mettent au point leur système d'inscription et puissent ainsi identifier, conformément à la définition établie dans Powley, qui sont les Métis d'une façon objective et vérifiable. L'autre condition, c'est que, de temps à autre, nous puissions vérifier et examiner le système d'inscription pour nous assurer qu'il est rigoureux et que la liste de membres qu'il produit est vérifiable objectivement.

Le gouvernement finance la mise au point des systèmes par les organisations concernées. Ce n'est pas nous qui procédons à l'identification; ce sont les organisations. Ce qui nous importe, au bout du compte, c'est que cela se fasse de façon rigoureuse et qu'il y ait une norme en place de façon à ce que les gouvernements fédéral et provinciaux puissent se fier à ces systèmes d'inscription, c'est-à-dire que nous puissions nous fier au fait qu'une personne a une carte de membre d'une organisation donnée pour déterminer si elle a des droits dans une situation particulière.

C'est un travail très important que le gouvernement du Canada appuie depuis la décision Powley.

Le président : Avez-vous procédé à des vérifications?

Mme Tromp : Oui. Nous avons effectué un examen des systèmes en 2008. Nous avons constaté que chacun des systèmes a ses points forts et ses points faibles et qu'il y en a qui se développent plus rapidement que les autres, mais qu'on est sur la bonne voie dans tous les cas. Nous nous sommes appuyés sur l'information tirée de l'étude pour travailler auprès des organisations en question et financer et appuyer un travail visant à régler les problèmes. Nous collaborons actuellement avec l'Association canadienne de normalisation et avec les organisations métisses afin de déterminer quelles normes devraient être appliquées aux systèmes dont j'ai parlé.

Vous souhaiterez peut-être poser la question directement aux représentants du Ralliement national des Métis et des organismes affiliés, mais ils souhaitent vraiment s'assurer que leurs systèmes d'inscription satisfont aux critères, qu'ils fonctionnent bien et figurent parmi les meilleurs, qu'on ne peut pas en contester les résultats et qu'ils se caractérisent par leur rigueur et leur intégrité.

Nous nous intéressons à la question aussi, et les gens de notre bureau collaborent avec eux pour appuyer ce travail d'élaboration de normes.

Le sénateur Raine : Je sais comment les choses fonctionnent dans les provinces où le Ralliement national des Métis est présent. Dans les autres, est-ce que c'est automatiquement le Congrès des Peuples Autochtones qui intervient, ou est-ce que vous traitez avec des organisations métisses autonomes?

Mme Robinson : De quoi parlez-vous exactement? Des droits, des relations ou des programmes?

Le sénateur Raine : Je parle des droits.

Mme Robinson : Lorsque la décision a été rendue, nous avons commencé à travailler auprès de toute organisation affirmant qu'elle représentait des Métis qui respecteraient les critères Powley. Nous avons offert du soutien à ces organisations, et elles ont commencé à faire de la recherche. Celles de l'Est du Canada en particulier nous ont dit qu'elles représentaient des Métis, mais que ceux-ci ne respectaient pas les critères Powley, qu'ils étaient des descendants des Micmacs ou des Malécites. Nous ne traitons pas avec ces organisations pour ce qui est des droits des Métis définis dans Powley et de la mise au point de systèmes objectivement vérifiables. Nous les aidons à mettre au point leur système d'inscription, parce qu'il demeure important pour elles de connaître leurs membres et d'être en mesure de les identifier. Nous collaborons avec l'ensemble des organisations affiliées au CPA dans l'Est du Canada et au Québec pour ce qui est de la mise sur pied de systèmes d'inscription.

Il y a le Metis Settlements General Council en Alberta. Nous n'avons pas à travailler à l'établissement d'un système d'inscription avec cette organisation, puisqu'il y en a déjà un qui est prévu par la loi et financé par le gouvernement provincial. On sait maintenant assez bien qui sont les Métis là-bas.

Le sénateur Raine : N'y a-t-il pas un groupe de Métis au Labrador?

Mme Robinson : Oui. NunatuKavut est un organisme affilié au CPA, alors nous collaborons avec cet organisme aussi.

Le sénateur Raine : Ses membres ne respectent pas la définition établie dans Powley?

Mme Robinson : Non. Ils affirment être de descendance inuite.

Le sénateur Meredith : Bienvenue, et merci de votre exposé. Vous avez dit dans votre exposé à l'égard du CPA qu'il s'agit d'un accord bilatéral avec le gouvernement fédéral visant à renforcer sa structure de gouvernance pour l'aider à mieux représenter ses membres.

Pouvez-vous préciser la façon dont vous avez contribué à renforcer sa structure de gouvernance? Vous avez parlé du plan de politiques stratégiques. Pouvez-vous nous en dire un peu plus là-dessus aussi?

Mme Robinson : Nous travaillons avec le CPA depuis environ un an sur la question de la gouvernance dans le but d'améliorer la reddition de comptes sur le plan financier. Nous avons nommé un CMA chargé de superviser ses affaires financières et de s'assurer qu'il rend compte de ses finances de façon responsable à ses membres et à nous. Le CPA vient de nommer un président-directeur général dans le but de commencer à séparer l'organe politique de l'administration. Il jette ainsi les bases importantes d'un système de gouvernance adéquat.

Nous collaborons aussi à l'établissement d'un programme stratégique, c'est-à-dire le document que le CPA appelle son plan de politiques stratégiques. Le conseil a trois objectifs. Il espère obtenir l'équité pour les Indiens qui vivent hors réserve et les Métis à l'aide d'un plan de travail, et il appuie la modification de la Loi sur les Indiens. Il souhaite que son plan comporte cinq points, c'est-à-dire l'économie, l'éducation, la gouvernance, la représentation et la responsabilité, le soutien familial et les droits et titres ancestraux. Il vient de commencer à travailler là-dessus, et il a tenu une assemblée extraordinaire ce mois-ci pour commencer à définir les positions stratégiques à l'égard desquelles il va commencer à travailler avec le gouvernement et les divers ministères responsables de ces domaines, ainsi qu'avec les provinces, probablement.

Mme Tromp : Le gouvernement entretient des relations avec le CPA, avec le RNM, en partie parce qu'il attribue une valeur à leur participation au processus d'élaboration des politiques. Il est extrêmement utile qu'il y ait des organisations représentatives capables de mettre au point ces positions stratégiques et de les communiquer au gouvernement, ce qui aide celui-ci à formuler ses politiques et à faire avancer les choses.

Le sénateur Meredith : Vous avez parlé du Symposium sur le développement économique que le gouvernement a tenu en collaboration avec les Métis en 2010. Ce qui m'importe toujours, en tant qu'homme d'affaires, c'est de voir comment les Premières nations peuvent véritablement faire valoir leurs intérêts dans le reste du Canada en ce qui a trait aux marchés auxquels elles ont accès grâce aux ressources dont elles disposent. Pouvez-vous me parler un peu plus du projet en question? Quels en ont été les résultats relativement aux projets que les Métis ont entrepris?

Est-ce que des jeunes ont pris part au processus? Vous dites que l'âge moyen est de 29 ans. C'est essentiel à mes yeux, car nous voyons des jeunes un peu partout au pays qui sont aux prises avec divers problèmes et qui n'arrivent pas à améliorer leur situation socioéconomique, encore une fois à cause des obstacles. J'aimerais que vous me disiez aussi dans votre réponse dans quelle mesure vous faites des progrès dans ce domaine pour ce qui est des projets, c'est-à-dire les projets financés par le gouvernement que vous avez entrepris avec les Métis.

Mme Tromp : Je commencerais par dire que le gouvernement a un cadre fédéral pour le développement économique des Autochtones. Il s'agit d'une série de mesures touchant les programmes, les partenariats et, dans certains cas, la législation, et qui visent à accroître la participation économique des Premières nations, des Inuits et des Métis. Le cadre est axé sur la création d'occasions et vise à mettre l'accent sur l'établissement de partenariats stratégiques avec les groupes autochtones, le secteur privé et les provinces et territoires. Parmi les objectifs, on compte la maximisation des investissements du gouvernement fédéral grâce au renforcement de l'entrepreneuriat autochtone, l'accroissement de la valeur des actifs autochtones, l'établissement de nouveaux partenariats efficaces, la mise en valeur du capital humain autochtone et une meilleure orientation du rôle du gouvernement fédéral.

Beaucoup de travail s'est fait à l'intérieur de ce cadre et dans le contexte des programmes qui l'ont précédé, comme le Programme de développement des entreprises autochtones. De 2000 à 2011, 96 millions de dollars ont été versés pour soutenir plus de 3 000 projets de création d'entreprises, la contribution moyenne étant de 74 000 $ par bénéficiaire métis. Les contributions versées à des Métis comptaient pour 23 p. 100 du total pour cette période. Il s'agit de contributions versées à des entreprises et à des institutions financières métisses.

Plusieurs contributions ont été faites dans le but de soutenir des fonds de développement économique pour les Métis : 3,12 millions de dollars pour l'établissement d'un Fonds d'entrepreneuriat pour les Métis, lequel sera administré par Apeetogosan (Métis) Development Inc. en Alberta, la SaskMétis Economic Development Corporation en Saskatchewan et la Louis Riel Capital Corporation au Manitoba; 3 millions de dollars pour permettre à la Metis Economic Development Organization, la MEDO, du Manitoba d'établir un important fonds d'investissement dans la mise en valeur des ressources et de l'énergie; 5,19 milliards de dollars au Fonds de développement Clarence Campeau, auxquels s'ajoute un investissement d'un million de dollars consenti par le fonds lui-même, pour la création d'un programme d'apport en capital et d'un programme d'infrastructure communautaire visant la mise sur pied d'entreprises par des Métis dans les secteurs des ressources et de l'énergie.

Le sénateur Meredith : Qu'en est-il de la formation offerte aux jeunes?

Mme Tromp : Il y a aussi des programmes relatifs au marché du travail, et je sais que vous allez rencontrer mes collègues de Ressources humaines et Développement des compétences, qui ont des programmes comme la Stratégie pour les compétences et l'emploi des Autochtones, la SCEA, dont ils pourront assurément vous parler plus en détail et qui concernent vraiment les programmes portant précisément sur la participation au marché du travail et la formation pour les jeunes Autochtones, y compris les Métis.

Ce qui revient dans tout ce dont j'ai parlé jusqu'à maintenant, par ailleurs, c'est que dans bien des cas les fonds sont fournis aux organisations métisses et que ce sont elles qui versent l'argent pour venir en aide aux entreprises métisses, aux jeunes Métis, pour contribuer au lancement d'entreprises par des jeunes et autres choses du genre.

En outre, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, le gouvernement a tenu deux symposiums avec le Ralliement national des Métis. Cela s'est fait à la suite de discussions dans le cadre du protocole bilatéral sur le développement économique où l'on a fait intervenir un vaste groupe de membres de la communauté, y compris les jeunes, et où on leur a demandé de parler de moyens de favoriser la croissance économique et de leurs problèmes et besoins. Certains de mes collègues du ministère les aident maintenant à tenir des forums régionaux visant plus précisément à faire participer le secteur privé et à examiner des solutions plus adaptées au contexte local ainsi que certains des problèmes d'ordre plus général qui empêchent les entreprises de voir le jour.

L'autre chose que j'aimerais mentionner par rapport aux jeunes, c'est la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain, qui n'est pas une initiative visant seulement les Métis, mais qui consiste en une stratégie appliquée localement que le gouvernement fédéral utilise depuis plus de cinq ans dans 13 centres. Il s'agit essentiellement de conclure des partenariats et de travailler auprès de comités communautaires dans certains des grands centres du Canada où il y a une importante population autochtone, dans le but de déterminer comment nous pouvons accroître la participation économique et l'autonomie des Autochtones. Les Métis des centres urbains sont bien évidemment inclus dans une bonne partie de ce travail, et les priorités dans ces endroits sont vraiment la promotion de la préparation à la vie active et de l'éducation, l'accent étant véritablement mis sur le fait d'aider les jeunes à faire leur entrée sur le marché du travail.

Le sénateur Sibbeston : L'existence des Métis est un phénomène propre au Canada. Ils sont en fait le résultat d'un mariage entre les Blancs qui, les premiers, sont venus ici et les Premières nations qui étaient déjà ici. Je pense que le résultat est excellent. Vous possédez les meilleures caractéristiques des deux races, un peu comme si vous étiez une race améliorée.

Le président : Vous exagérez peut-être un peu?

Le sénateur Sibbeston : Dans les Territoires du Nord-Ouest, l'histoire des Métis est positive et forte, parce qu'ils sont très indépendants, en général parce qu'ils étaient mieux éduqués et plus habiles. Ils étaient en quelque sorte l'intermédiaire entre les Blancs et les Autochtones. Voilà le rôle que les Métis ont joué dans le Nord. C'était eux les interprètes et aussi les guides, les pilotes de bateau, et ainsi de suite. Il y a un très bon livre au sujet de l'Ouest canadien qui s'intitule Buffalo Days and Nights, et ce livre raconte l'histoire de Peter Erasmus, qui était un jeune homme dans les années 1800 lorsque Fort Edmonton venait tout juste d'être fondé. Le livre porte sur les choses qu'il a faites, et il est plein d'aventures et très intéressant.

Plus jeune, j'ai fait un peu de recherche sur les Métis du Nord. Le gouvernement fédéral a conclu des traités avec les Premières nations, et aux Métis, il a remis un certificat d'argent. Dans le Nord, il n'y avait pas de terres en jeu, mais le certificat donnait droit à un paiement de 250 $ par membre d'une famille métisse. À l'époque, c'était beaucoup. J'ai parlé avec un vieil homme de Providence, et il m'a dit que ces 250 $ lui ont essentiellement permis de se construire une maison. Il a pu acheter tout le matériel, les portes et les fenêtres, et construire sa maison lui-même. Le certificat des Métis était remis en reconnaissance de l'extinction du titre des Indiens. C'était écrit sur le document. Même à l'époque, le gouvernement fédéral reconnaissait que les Métis avaient alors ce qu'on appelait le titre des Indiens.

Je sais que les Métis cherchent à faire reconnaître leurs droits au Canada, et que l'arrêt Powley est une décision très importante en ce qu'elle reconnaît leurs droits de chasse.

Est-ce qu'il y a au Canada un mouvement visant à faire en sorte que les Métis soient un jour reconnus selon les mêmes critères et le même statut que les Premières nations, avec tous les droits dont jouissent les Premières nations? Est-ce que vous diriez que c'est le mouvement que les Métis de notre pays cherchent à créer?

Mme Tromp : Comme je l'ai dit tout à l'heure, la jurisprudence concernant les droits des Métis n'existe que depuis très peu de temps. L'arrêt Powley date d'il y a neuf ans, alors il y a beaucoup de travail à faire pour circonscrire la question, et il faut attendre de voir comment le contexte juridique va évoluer.

Je pense qu'il ne serait ni juste ni raisonnable d'affirmer que c'est nécessairement la direction que tout cela va prendre.

Les Métis étant un peuple distinct, ils ont une histoire distincte, et les relations qu'ils entretiennent avec le gouvernement fédéral et les provinces sont donc uniques et différentes de celles que les autres groupes entretiennent.

Pour l'instant, on ne peut pas vraiment savoir. Il n'y a aucune raison de croire que la relation ne va pas évoluer d'une façon unique et continuer d'être unique et différente de celle qu'entretient le gouvernement du Canada avec les Premières nations, dont l'histoire est différente.

Le sénateur Sibbeston : J'ai une autre question qui est un peu hors sujet, mais qui concerne les Métis.

Pour une raison quelconque, en Saskatchewan et dans des régions semblables, les Métis ont fréquenté les pensionnats. Or le gouvernement fédéral n'a pas reconnu qu'il s'agissait de pensionnats aux fins du règlement concernant les pensionnats indiens.

Pouvez-vous dire quelque chose là-dessus? Pourquoi est-ce le cas? On dirait que les Métis se voient refuser les droits que d'autres Autochtones du pays ont dans ce dossier.

Mme Tromp : Comme vous le savez, le gouvernement fédéral a un programme de règlement relatif aux pensionnats indiens, et ce programme vise les élèves qui ont survécu aux pensionnats qu'il gérait.

Je pense que la réponse simple, c'est que les élèves métis qui ont fréquenté les pensionnats gérés par le gouvernement fédéral sont admissibles au même règlement que les anciens élèves membres d'une Première nation dans le cadre de ce programme fédéral. Cependant, il y avait aussi des pensionnats qui n'étaient pas gérés par le gouvernement fédéral, par exemple des établissements provinciaux, et les élèves qui ont fréquenté ces établissements ne respectent pas les critères d'admission au programme fédéral.

Le président : Merci, sénateur Sibbeston. Bonne question.

Le sénateur Munson : Bonjour et bienvenue. Vous avez répondu en partie à la question lorsque vous discutiez avec le sénateur Raine, mais, dans votre exposé, vous avez dit qu'il n'existait pas d'explications certaines de l'augmentation dans l'auto-identification.

Elle est peut-être due — vous avez dit « peut-être » — à une sensibilisation accrue à la généalogie familiale, à une meilleure opinion de l'autochtonité, à de récentes décisions judiciaires ou à l'éducation par les médias, entre autres. J'aime toujours ce « entre autres ».

Le mot « droit » a été utilisé, mais est-ce qu'il y a un incitatif financier à être identifié comme étant Métis, ou s'agit-il plutôt de la fierté à l'égard de ses origines?

Mme Tromp : Je dirais que c'est une question de fierté. Je ne vois rien qui puisse procurer un avantage financier du simple fait que l'on s'identifie comme étant Métis dans le recensement.

Le sénateur Munson : Merci. J'ai une autre question. Notre mandat est d'examiner, en vue d'en faire rapport, les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis.

Vous avez parlé au sénateur Meredith de certains programmes — la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain, entre autres —, mais est-ce que le ministère est au courant, même si le Budget s'en vient, des idées nouvelles et novatrices qui circulent au sein de la fonction publique fédérale ou de votre ministère en ce qui concerne des moyens pour le gouvernement fédéral de mieux s'acquitter de sa responsabilité? Y a-t-il des choses dont nous n'avons pas entendu parler et qui pourraient nous aider à produire notre rapport?

Mme Tromp : C'est une question de portée très générale, et je ne sais pas très bien comment y répondre.

Le gouvernement s'est donné un vaste éventail de priorités et d'objectifs en ce qui concerne tous les peuples autochtones, et il est clair qu'il y a un objectif très général à cet égard qui est d'améliorer leur situation socioéconomique et de favoriser la réconciliation, ainsi que d'établir des certitudes, par exemple, dans le cadre de revendications exhaustives et d'autres processus. Tout cela fait partie d'un programme stratégique et gouvernemental plus vaste, si l'on veut, qui vise ces résultats et qui vise à faire de tous les Autochtones des participants à part entière à la société canadienne.

Je crains de n'avoir rien à vous dire pour ce qui est des autres idées ou des autres possibilités.

Le sénateur Munson : Par rapport à l'autre question, est-ce que les Innus sont visés par notre étude aussi? Avez-vous une quelconque responsabilité, dans le cadre de vos fonctions particulières, à l'égard des gens du Labrador, par exemple? La bande de Peter Penashue, pour ainsi dire. Je vous pose la question, parce que, à l'époque où j'étais journaliste, je parlais de ce qui se passait à Davis Inlet, et c'était très émouvant et très troublant, et il y avait toutes sortes de choses liées à cela. On a consacré beaucoup d'argent et beaucoup d'efforts au déplacement des gens de Davis. Je ne sais pas si cela fait partie de notre mandat, mais j'aimerais savoir quelle est la situation là-bas aujourd'hui. Je pense que les gens de Davis Inlet occupaient une place importante dans le paysage autochtone.

Michael Nadler, directeur général, Négociations Est, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : Nous sommes en train de négocier une entente sur la revendication territoriale globale des Innus du Labrador. Nous avons pu célébrer la conclusion d'une entente de principe en novembre, et les négociations devant mener à la conclusion d'une entente définitive sont en cours.

Pour ce qui est de la relocalisation de Natuashish, la communauté participe pleinement aux négociations. Il y a deux communautés innues au Labrador : Sheshatshiu et Natuashish. Les deux communautés participent directement au processus et y apportent une grande contribution. Le ministère entretient un vaste ensemble de relations dans ces deux régions, mais je peux vous dire que les négociations progressent rapidement.

Le sénateur Munson : L'entente globale a-t-elle été négociée, ou est-ce qu'elle est en train de l'être?

M. Nadler : Nous sommes à l'étape intermédiaire. Nous avons négocié une entente de principe, ce qui est l'étape précédant la conclusion d'une entente définitive, ce qui veut dire que nous allons conclure cette entente définitive au cours des deux ou trois années qui viennent.

Le sénateur Munson : Est-ce qu'il serait possible que nous soyons informés des conséquences et de ce qui va se passer à court terme?

M. Nadler : Assurément. Le texte de l'entente de principe a été affiché récemment dans le site web du ministère, alors je pourrais vous fournir, après la séance, une réponse écrite dans laquelle je vous donnerai l'adresse du site web. Il y a aussi un communiqué et d'autres renseignements contextuels concernant l'entente, dont un petit texte sur cette entente et ce qu'elle pourrait permettre.

Le sénateur Munson : Je vous en serais reconnaissant. Je ne sais pas si cela fait partie de notre mandat, monsieur le président, mais je pense que c'est important si nous voulons envisager la question dans son ensemble.

Le président : Si elle est intéressante et si elle a trait aux Autochtones en général, nous allons essayer de vous fournir l'information que vous demandez, et je suis sûr que le ministère de la Justice vous fournira les renseignements que vous demandez.

Le sénateur Munson : Merci.

Le président : Madame Tromp, vous avez parlé de jurisprudence. Laissez-vous entendre que le gouvernement compte sur les tribunaux pour établir l'identité et les droits des Métis? Qu'est-ce que le gouvernement prévoit faire pour définir l'identité et les droits des Métis? C'est le gouvernement qui a parlé d'eux dans l'article 35 en 1982, et on dirait que nous reléguons maintenant cette responsabilité aux tribunaux. Ce serait bien de pouvoir obtenir une réponse à cette question. La question du sénateur Munson concernant l'identité tournait en quelque sorte autour de celle-ci. Avez-vous une réponse à cette question?

Mme Tromp : Je ne suis pas sûre de savoir de quelle question d'identité vous parlez.

Le président : Je parle de l'identité des Métis. Vous dites qu'il n'y a pas suffisamment de jurisprudence, et vous laissez entendre que le gouvernement compte sur les tribunaux. J'interprète peut-être mal ce que vous dites, mais j'ai l'impression que vous laissez entendre que nous attendons que les tribunaux établissent l'identité des Métis et leurs droits. J'aimerais d'abord obtenir le plus de précisions possible là-dessus. Ce serait vraiment parfait si nous savions exactement où le gouvernement se situe et ce qu'il prévoit faire pour identifier les gens qui veulent être considérés comme étant Métis, de façon à ce que l'identité métisse ait la crédibilité qu'elle mérite au Canada.

Mme Tromp : Je vais essayer de clarifier cela, et peut-être que mes collègues pourront me venir en aide lorsque nous entrerons dans les détails.

Le gouvernement a évidemment été guidé par les tribunaux dans ce domaine, et il va continuer de l'être. Il y a eu un certain nombre de décisions d'instances inférieures qui ont établi ou confirmé certaines régions ou communautés où il y a un droit de chasse ou de récolte. Nous allons continuer d'être guidés par les tribunaux.

Pour ce qui est du soutien que nous fournissons, il s'agit en fait du travail que nous faisons auprès des organisations pour les aider à déterminer quels sont leurs membres qui pourraient devenir titulaires de droits. Il s'agit d'une somme importante d'efforts que le gouvernement a consentis et d'investissements qu'il a faits pour contribuer à la désignation des personnes qui peuvent profiter des avantages.

Nous avons également mis en place à l'échelon fédéral — puisque nous ne pouvons le faire que pour le gouvernement fédéral —, des lignes directrices en matière de droits de récolte sur les terres fédérales, qui sont utiles à nos employés chargés de l'application de la loi dans les parcs et pour ce qui est des ressources naturelles à l'égard des terres de la Couronne. Si ces employés tombent sur une personne qui chasse pour se nourrir, par exemple, et que cette personne s'identifie comme étant Métisse et présente les documents appropriés, ce qu'elle peut faire plus tard, les lignes directrices leur permettent de gérer les droits en question et d'autoriser la poursuite de l'activité.

Les lignes directrices sont fournies, et ce sont là les choses que nous faisons à la suite de la décision pour aborder la situation de façon pragmatique et nous assurer que l'application se fait dans le calme et l'ordre et de façon uniforme.

Peggy Stone, avocate générale et directrice, ministère de la Justice Canada : J'ajouterai brièvement que, comme Mme Tromp l'a dit, l'arrêt Powley a établi le cadre. La façon de procéder pour déterminer qui était Métis était très peu définie. La Cour suprême a établi un critère semblable à celui qui s'applique aux Premières nations et selon lequel, pour se prévaloir d'un droit, il faut faire partie d'un groupe qui existait dans le passé. On peut être membre d'une communauté qui existe actuellement et qui est reconnue. La Cour suprême a adapté le critère en fonction du contexte propre aux Métis et a établi que le moment charnière était celui de la domination européenne plutôt que l'époque antérieure aux premiers contacts avec les Européens.

Dans les communautés, l'appartenance est beaucoup plus difficile à déterminer pour les Métis que pour les Premières nations, concrètement parce que le gouvernement a une liste de membres pour les Indiens qui est souvent utilisée dans le cadre de procédures judiciaires pour déterminer si une personne est membre d'une Première nation. Il n'y a pas de liste du genre dans le monde métis, et le gouvernement travaille donc, comme Mme Tromp l'a dit, auprès de certaines organisations pour les aider à déterminer qui est Métis. Déterminer qui détient des droits par voie de procédures judiciaires coûte cher, alors lorsqu'il y a d'autres processus, c'est ce que le gouvernement privilégie.

Il n'y a pas eu beaucoup de décisions judiciaires jusqu'à maintenant. Il y en a eu quatre ou cinq dans l'ensemble du pays selon lesquelles les communautés métisses existent et certains membres de ces communautés peuvent exercer divers droits. Cela concerne principalement les provinces des Prairies. Deux ou trois décisions d'instance inférieure ont été portées en appel dans la région de l'Atlantique, et il s'agit de cas où des personnes accusées de pêcher illégalement dans un parc fédéral n'ont jusqu'à maintenant pas été en mesure de prouver qu'il existe une communauté ancestrale dans les régions en question. Comme je l'ai dit, ces décisions ont été portées en appel, et nous allons voir comment les tribunaux vont trancher au bout du compte. Ce n'est vraiment pas le meilleur moyen de déterminer qui est Métis, mais c'est un moyen qui demeure à la disposition des Premières nations et des Métis, s'ils le désirent.

Le président : Vous avez parlé de communautés reconnues. Comment reconnaît-on l'existence d'une communauté?

Mme Stone : À partir de preuves historiques. Les tribunaux examinent un ensemble de facteurs. Il faut que des historiens et des ethnographes se penchent sur l'histoire de la période en question. Comme vous le savez, les tribunaux ont affirmé que les Métis forment un peuple distinct. Il faut prouver qu'il existait à l'époque une communauté reconnue historiquement comme étant une communauté métisse. Des ethnographes doivent se pencher sur l'histoire et établir différentes manières d'examiner la correspondance et les documents gouvernementaux ainsi que la façon dont ceux-ci étaient traités en fonction de ce que disent les historiens. Il s'agit de pratiques complexes, coûteuses et qui exigent beaucoup de temps, et il faudra recommencer pour chacune des communautés.

Le président : Merci. Toutes mes excuses à mes collègues, mais c'est que cette question d'identité est fondamentale par rapport à ce que nous entreprenons.

Le sénateur Patterson : Il y a quelques questions que j'aimerais poser concernant des points qui n'ont pas encore été abordés. Je veux commencer par offrir mon appui au sénateur Sibbeston, qui a fait des commentaires positifs au sujet des Métis. Ce qu'il a dit a fait sourire lorsqu'il a parlé d'une race améliorée, mais je note d'après votre témoignage que les Métis semblent s'en tirer mieux que les Premières nations si l'on se fie aux indicateurs socioéconomiques. C'est une bonne nouvelle qui confirme ce que je pensais des Métis pour avoir eu affaire à certains d'entre eux dans le passé. Leur plus grande réalisation, c'est d'avoir obtenu une reconnaissance au titre de l'article 35, ce qui a été selon moi une étape très importante dans la reconnaissance de leur unicité et de leur force.

Je vais poser des questions aux fonctionnaires du Bureau de l'interlocuteur fédéral. La responsabilité du ministre était assumée à l'extérieur de votre ministère dans les années 1980, lorsqu'il a été créé, puis elle a été confiée à Affaires autochtones en 2004. Pouvez-vous me dire s'il existe une division qui s'occupe exclusivement des Métis? Y a-t-il des allocations pour les peuples métis et pour les programmes réservés aux Métis dans l'important budget d'Affaires autochtones à l'égard desquelles vous pourriez nous présenter une ventilation, maintenant ou plus tard?

Mme Tromp : Le Bureau de l'interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits est actuellement un bureau distinct au sein d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. Il gère un secteur distinct au sein de ce ministère.

Son rôle comporte essentiellement trois volets. Il doit être le premier point de contact avec le gouvernement fédéral pour les Métis et les Indiens non inscrits. Je peux vous dire que, au fil des ans, ce rôle a été utile pour ce qui est de soutenir les organisations dont nous avons parlé dans le processus d'établissement de liens avec d'autres ministères et d'autres secteurs, mais elles ont établi leurs propres relations avec d'autres ministères aussi et elles sont les bénéficiaires de leurs programmes.

Le bureau doit soutenir l'établissement de relations bilatérales et tripartites avec les organisations dont j'ai parlé tout à l'heure. Il fournit des fonds, essentiellement pour le financement de base des organisations, le financement des capacités et le financement des processus tripartites bilatéraux qui relèvent du programme de contribution du Bureau de l'interlocuteur fédéral. Il y a également des fonds qui servent à ce que nous appelons la gestion des droits des Métis, qui correspond en fait au travail d'élaboration des systèmes d'inscription. Ce financement est également versé par l'intermédiaire de notre bureau.

Nous pourrions vous fournir les détails concernant le budget ainsi qu'une ventilation en fonction des divers programmes.

Pour répondre à votre question concernant l'existence d'un bureau chargé en particulier de verser les fonds et de gérer les relations, oui, il y en a un, et c'est encore le Bureau de l'interlocuteur fédéral, mais il fait partie d'Affaires autochtones.

Le sénateur Patterson : Qui le dirige? De combien d'années-personnes s'agit-il?

Mme Tromp : C'est le ministre qui est l'interlocuteur fédéral. Je m'occupe de la direction du bureau, à titre de sous- ministre adjointe. Encore une fois, nous pouvons vous faire parvenir les détails par écrit, mais je crois que nous avons un budget d'environ 40 millions de dollars et un effectif d'environ 66 ETP. C'est une petite organisation. La répartition est à peu près égale entre la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain et les Métis et Indiens non inscrits, c'est-à-dire la gestion des relations avec les Métis et des droits des Métis.

Pour ce qui est des contributions, il s'agit d'environ 41 millions de dollars en tout.

Le président : Nous fournirez-vous le montant total du budget ainsi que les réponses aux questions qui demeurent en suspens, madame Tromp?

Mme Tromp : Nous pouvons vous fournir le budget ventilé.

Le président : Ce serait excellent.

Le sénateur Meredith : Madame Tromp, à la page 9 de votre exposé, vous dites que, comme les Dénés et les Métis vivaient côte à côte dans des communautés mixtes, le Canada a adopté en 1978 une politique de négociation des revendications territoriales globales avec les Dénés aussi bien que les Métis des Territoires du Nord-Ouest.

Négociez-vous des ententes de revendications territoriales avec d'autres groupes du Canada qui s'identifient comme étant Métis? Le cas échéant, comment se déroulent les négociations? Nous avons entendu le témoignage d'autres personnes avant vous — monsieur Nadler, vous serez peut-être en mesure de dire quelque chose là-dessus vous aussi — concernant la longueur du processus et le fardeau économique que doivent porter ces groupes lorsqu'ils veulent ajouter des terres à leur réserve ou encore obtenir une partie des terres de la Couronne pour leur peuple.

Parlez-moi de la façon dont les choses évoluent dans le domaine. Également, pour en revenir à la question de la croissance économique, y a-t-il des ressources liées à ces terres que les Métis souhaiteraient voir mises en valeur?

M. Nadler : Merci de la question, sénateur. Permettez-moi d'y répondre en deux temps.

Il y a plusieurs revendications territoriales de la part de groupes métis dans les Territoires du Nord-Ouest. Comme vous le savez peut-être, certaines personnes ici présentes ont pris part à ce genre de démarches dans le passé, alors je ne vais pas trop entrer dans le détail, mais je vais vous donner des éléments de contexte.

Le Canada a commencé à négocier avec les Dénés et les Métis dans les Territoires du Nord-Ouest en 1978. Les négociations en étaient à l'étape de l'accord final en 1990, mais l'accord n'a pas tenu. Par la suite, on a entamé des négociations régionales auxquelles les Dénés et les Métis ont pris part, et ceux-ci ont donc commencé à négocier ensemble. Nous avons conclu des accords concernant la région visée par le règlement de la revendication des Gwich'in en 1992 et la région désignée du Sahtu en 1994. L'accord conclu avec le peuple Tlicho en 2003 concernait également certains bénéficiaires métis.

Nous sommes en train de négocier avec un seul groupe métis dans les Territoires du Nord-Ouest, au sud du Grand Lac des Esclaves. Nous allons en arriver bientôt à une entente de principe, ce qui est l'étape intermédiaire dont j'ai parlé tout à l'heure au sujet des Innus du Labrador.

Dans le Sud du Canada, il n'y a qu'un seul groupe qui envisage actuellement de présenter des revendications territoriales. Nous en avons déjà parlé, et il s'agit d'un groupe du Labrador qui se réclame des Inuits. Il porte le nom de NunatuKavut. Le groupe est en train de faire des recherches préparatoires. Il n'a pas encore présenté son affirmation définitive.

Le sénateur Meredith : De combien de personnes s'agit-il?

M. Nadler : Nous n'avons pas encore reçu leur affirmation, c'est-à-dire les documents définitifs, alors je ne peux pas estimer leur nombre pour l'instant.

Dans les Territoires du Nord-Ouest, les négociations en cours avec la NMTNO, la Nation métisse des Territoires du Nord-Ouest, concernent environ 3 000 Métis qui vivent dans trois communautés situées au sud du lac.

Je reconnais le fait que le cadre et le contexte des négociations dans les Territoires du Nord-Ouest ont été établis en grande partie entre 1978 et 1990, mais les accords définitifs en tant que tels ont été conclus rapidement après 1990. Nous avons été témoins du progrès rapide dans le règlement des revendications territoriales à l'égard des trois régions où les Métis prenaient part au processus.

Nous aurions pu être témoins de progrès similaires au sud du Grand Lac des Esclaves, mais le processus n'était pas le même pour les Dénés et pour les Métis. À ce moment-là, les Dénés cherchaient à faire valoir des droits fonciers issus de traités, ce qui nous a un peu ralentis, car il fallait restructurer le processus.

Le président : J'ai une petite question. Il y a une affaire devant la Cour suprême. Il s'agit de la Fédération des Métis du Manitoba, je crois. Est-ce plutôt le RNM?

Mme Tromp : Non, c'est la FMM.

Le président : Versez-vous des fonds à l'un ou l'autre des groupes en question pour les aider à porter leurs revendications devant les tribunaux?

Mme Robinson : Nous l'avons déjà fait, mais cela dépend. Nous avons un Programme de financement des causes types, et un groupe qui souhaite présenter ses revendications sous forme de cause type doit présenter une demande. Le gouvernement doit ensuite déterminer si c'est quelque chose qui ne peut être réglé au moyen de l'adoption de politiques ou par d'autres moyens, auquel cas, il peut offrir du soutien.

Je ne suis pas sûre que la Fédération des Métis du Manitoba ait réussi à faire accueillir sa demande dans le cadre de ce programme. Je ne pense pas que nous ayons financé cette procédure judiciaire.

Le président : Nous attendons la décision du tribunal à cet égard, n'est-ce pas? La cause a été présentée le 13 décembre dernier, je crois.

Mme Tromp : Oui.

Le président : Le gouvernement mène actuellement un exercice visant à définir le statut des Premières nations et les critères d'appartenance à une Première nation, d'après ce que j'ai entendu dire. Est-ce que cet exercice va être étendu aux Métis et aux Inuits, s'ils le souhaitent?

Mme Tromp : Faites-vous référence aux discussions exploratoires qui se sont tenues dans l'après-McIvor?

Le président : Oui.

Mme Tromp : D'après ce que je sais, les groupes métis ont été invités à prendre part au processus; le Congrès des Peuples Autochtones et le Ralliement national des Métis ont tous les deux été invités à participer et ont reçu des fonds pour faire certains travaux, consulter leurs membres et aborder les questions de l'appartenance, de la citoyenneté et ainsi de suite. Je crois qu'ils ont soumis des rapports au gouvernement en retour, et que le tout est en ce moment à l'examen et va être colligé.

Le président : J'aimerais remercier les fonctionnaires des ministères d'être venus témoigner. Nous vous remercions de votre excellent exposé et de vos réponses sincères et directes aux questions des sénateurs.

Mesdames et messieurs les sénateurs, nous allons interrompre brièvement nos travaux, puis allons poursuivre à huis clos pour discuter du rapport que nous prévoyons rédiger concernant la BC Treaty Commission.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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