Aller au contenu
APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 16 - Témoignages du 2 mai 2012


OTTAWA, le mercredi 2 mai 2012

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 50, afin d'examiner, pour en faire un rapport, la reconnaissance juridique et politique de l'identité des Métis au Canada.

[Traduction]

Marcy Zlotnick, greffière du comité : Honorables sénateurs, je constate que nous avons le quorum.

[Français]

Honorables sénateurs, en tant que greffière du comité, il est de mon devoir de vous informer de l'absence inévitable du président et du vice-président, et de présider à l'élection d'un président suppléant.

[Traduction]

Je suis prête à recevoir une motion concernant la nomination d'un président suppléant.

Le sénateur Sibbeston : Je propose mon ami le sénateur Patterson.

Le sénateur White : J'appuie la proposition.

Mme Zlotnick : Il est proposé par l'honorable sénateur Sibbeston que l'honorable sénateur Patterson assume la présidence du comité.

Honorables sénateurs, souhaitez-vous adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Mme Zlotnick : La motion est adoptée, et j'invite l'honorable sénateur Patterson à occuper le fauteuil.

Le sénateur Dennis Glen Patterson (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le président suppléant : Merci beaucoup, chers collègues. Une fois de plus, je suis honoré qu'on me demande de présider le comité.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins, à tous les honorables sénateurs et aux gens qui regardent la séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC ou sur le Web. Je m'appelle Dennis Patterson, je viens du Nunavut et c'est avec plaisir que je vais jouer le rôle de président ce soir.

Le mandat du comité consiste à examiner les textes législatifs et les affaires qui concernent les peuples autochtones du Canada en général. En outre, nous avons un ordre de renvoi précis qui nous autorise à examiner les questions touchant les Métis, et en particulier celles qui touchent l'évolution de la reconnaissance juridique et politique de l'identité des Métis au Canada.

Au cours des séances précédentes, des représentants de divers ministères nous ont présenté de l'information, notamment des faits concernant les programmes et les services offerts actuellement par le gouvernement fédéral, l'état des relations entre le gouvernement et les Métis, des données statistiques de portée générale et l'état des questions d'actualité dans le domaine juridique.

Nous sommes très heureux de recevoir ce soir deux experts des questions juridiques concernant les Métis, ce qui va nous permettre d'inscrire les débats dans le contexte du droit.

[Français]

Mais avant d'entendre nos témoins, j'aimerais présenter les membres du comité qui sont présents aujourd'hui.

[Traduction]

Je vous présente les membres du comité, en commençant par la personne assise à ma gauche : le sénateur Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest; le sénateur Larry Campbell, de la Colombie-Britannique; le sénateur Vern White, de l'Ontario; le sénateur Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique, le sénateur Jacques Demers, du Québec; et le dernier, mais non le moindre, le sénateur Don Meredith, de l'Ontario.

Mesdames et messieurs les membres du comité, j'aimerais que vous vous joigniez à moi pour accueillir nos témoins. Avant de vous les présenter, je veux vous dire que le président ne peut être ici ce soir pour des raisons personnelles. Il m'a cependant dit que c'est un privilège que nous avons de recevoir ce soir Mme Jean Teillet, avocate chez Pape Salter Teillet. Notre président, le sénateur St. Germain, m'a dit que c'est une grande juriste et que nous sommes privilégiés de la recevoir. Je vous souhaite la bienvenue au nom du président et des membres du comité. Nous recevons également M. Jason T. Madden, avocat à JTM Law. Bienvenue.

D'après ce qu'on m'a dit, vous avez chacun un exposé à présenter, et vous préféreriez répondre aux questions des sénateurs au fur et à mesure qu'elles surviendront plutôt qu'à la fin de votre exposé, dans le cadre duquel vous allez présenter des cartes et un nombre important de figures. Nous allons donc nous écarter quelque peu de la procédure normale. Est-ce que les membres du comité sont d'accord pour poser leurs questions au fur et à mesure? Je vais être attentif, afin que nous puissions tenir un dialogue qui sera fondé sur les exposés.

Par ailleurs, nous avons reçu ce qu'on appelle à Ottawa des « diapos », dans lesquelles il y a surtout des figures et un peu de texte en anglais seulement, et nous n'avons pas eu le temps de faire traduite le texte. Les membres du comité seraient-ils d'accord pour utiliser ces documents ce soir et s'y référer pendant l'exposé, sachant que la traduction française leur sera fournie dès que possible? Êtes-vous d'accord?

Des voix : D'accord.

Le président suppléant : Je vais faire distribuer la série de diapos. Madame Teillet, vous avez la parole.

Jean Teillet, avocate, Pape Salter Teillet, à titre personnel : Merci du chaleureux accueil. Je suis contente de voir ici des gens que j'ai déjà vus au moment de présenter des exposés au nom d'autres instances. Je suis très heureuse de m'adresser à vous.

Je voudrais préciser que M. Madden et moi sommes Métis, alors nous abordons la question du point de vue de gens qui ont passé leur vie au sein de la communauté métisse. Je viens de St. Boniface. En fait, quand j'étais petite, le sénateur St. Germain était policier patrouilleur dans le secteur où se trouvait le bureau de mon oncle Roger, qui était assureur. Il a aussi été député de St. Boniface dans les années 1960, à l'époque de Pearson, et le sénateur St. Germain était une figure connue dans nos rues lorsque j'étais enfant. Je le connais depuis longtemps.

Le sénateur Meredith : Nous ne lui dirons rien.

Le sénateur Campbell : Les gens le reconnaissent encore dans la rue.

Mme Teillet : J'ai pensé commencer mon exposé d'aujourd'hui en parlant un peu de terminologie, parce que, dès qu'on parle des « Métis », des questions se posent sur l'identité des gens que cela désigne et sur le sens qu'on donne à ce mot. Il y a aussi d'autres termes utilisés dans le débat qui sont litigieux, l'un étant « communauté » et l'autre, « peuple ». J'ai pensé que je définirais ces termes avant que nous ne commencions à discuter, pour que vous sachiez de quoi je parle.

Les diapos que je vous ai remises ne contiennent plus ou moins que des figures, et je vais attirer votre attention dessus lorsque j'aborderai certaines choses précises. Mes notes d'exposé vont être traduites plus tard et vont vous être remises.

Lorsque je parle des « Métis » aujourd'hui, qu'est-ce que j'entends par là? Lorsque je parle d'eux comme personnes, je parle de gens qui sont des descendants des collectivités métisses du passé. J'établis une grande distinction à cet égard. Le terme « Métis » porte à confusion, disons. Il est source de confusion pour tout le monde, et non seulement pour les gens qui travaillent au gouvernement. Il porte à confusion, et encore plus depuis les années 1960. Avant, les Métis étaient de façon générale le peuple de Riel dans l'Ouest. C'est à ces gens que la plupart des francophones pensaient. En anglais, on utilisait évidemment l'expression « sang-mêlé ». Dans les années 1960, quand Frantz Fanon, entre autres, a commencé à écrire en Afrique sur le vocabulaire de la désignation et quand le mouvement afro-américain a commencé aux États-Unis, les gens sont devenus très conscients du vocabulaire, des étiquettes et de la façon de nommer les choses. On s'est clairement rendu compte que « sang-mêlé » n'était pas un terme très flatteur, ce à quoi on n'avait jamais vraiment pensé avant.

En fait, comme Fanon nous le fait remarquer, l'expression désigne un cheval de demi-sang. Si on l'applique à un humain, c'est comme si on désignait un être qui serait mi-homme, mi-animal. C'est péjoratif. À ce moment-là, les gens ont simplement décidé d'appeler Métis tous ceux qui avaient du sang autochtone ou un mélange de sang. Nous avons tendance à dire que les Métis sont issus des Blancs et des Autochtones, mais ce n'est pas toujours le cas. Parfois, c'est un mélange de Chinois et d'Autochtones ou un mélange d'Afro-Américains et d'Autochtones. Toutes les combinaisons sont possibles. Il est cependant vrai que la majorité est formée d'un mélange d'Européens et d'Autochtones.

C'est par la suite que tout est devenu vraiment confus. « Métis » est devenu le générique appliqué non seulement au peuple de Riel, dans l'Ouest, ou à la nation métisse ou encore aux Métis du Nord-Ouest, mais aussi aux gens qui avaient une obscure arrière-grand-mère indienne en Nouvelle-Écosse. Il y a aussi de la confusion aujourd'hui parce que certains Haïtiens de Montréal cochent la case Métis dans le questionnaire du recensement. C'est parce qu'ils sont d'origines mixtes et que c'est comme ça qu'ils comprennent le terme.

Cette confusion fausse toutes nos données. Toutes les données du recensement doivent être examinées avec soin, à cause du problème de terminologie.

La Cour suprême du Canada nous a fourni une idée de base, celle de l'identification personnelle. On s'auto-identifie comme étant Métis. Il s'agit d'avoir un lien ancestral avec une communauté métisse du passé et d'être accepté par la communauté. Voilà en gros la définition de « Métis » que la Cour suprême du Canada a établie.

Cette définition vient de l'affaire Powley. J'ai travaillé sur cette affaire comme avocate et collaboré avec le Ralliement national des Métis pour formuler cette définition et la présenter à la Cour suprême du Canada, qui l'a adoptée. Ce n'est pas comme si la Cour l'avait remise et l'avait imposée aux gens. Ce sont les Métis eux-mêmes qui l'ont présentée en disant que c'était une bonne base et que, selon eux, c'étaient de ces choses que les gens devraient parler lorsqu'ils parlent des Métis. Tous les tribunaux ont admis cela comme un bon point de départ, et pas seulement la Cour suprême.

Toujours au chapitre de la confusion dans les termes, je dirais qu'il y a beaucoup de choses que les Métis ne sont pas. Ce n'est pas le fourre-tout où mettre les gens qui ont perdu leur statut d'Indien. Ce n'est pas la poubelle, ni les restes. Ce n'est pas le groupe où l'on se retrouve lorsqu'on n'a pu se joindre à aucun autre groupe. Voilà la première chose.

L'autre se passe à l'heure actuelle, et je me sens un peu responsable, même si je n'avais pas prévu créer un monstre à l'époque de Powley. Depuis Powley, il y a beaucoup de gens qui font faire leur arbre généalogique, qui se trouvent une obscure arrière-grand-mère ayant vécu dans les années 1650 ou quelque chose de ce genre, et qui se déclarent Métis et déclarent qu'ils ont des droits ancestraux. Personnellement, je trouve que ce sont des foutaises. J'utiliserais un autre mot si je n'étais pas devant un comité sénatorial, mais je vais me retenir. Je vais me contenter de dire que la chose ne mérite pas une minute d'attention de la part de quiconque. Il y a eu de belles affaires devant les tribunaux du Nouveau- Brunswick dans le cadre desquelles on a martelé l'idée assez fort.

Je pense aussi que le terme n'est pas...

Le sénateur Meredith : J'ai une petite question, et en même temps vous allez pouvoir reprendre votre souffle. Je constate que le sujet vous passionne beaucoup. Quel est le moyen de régler le problème des gens qui essaient de réclamer le statut de Métis à partir de leur arbre généalogique?

Mme Teillet : Ce n'est qu'une partie de la définition. Au départ, ils ne font qu'établir leur arbre généalogique pour se trouver un ancêtre indien. Ils ne cherchent pas une communauté métisse. Voilà le problème. C'est de cela que nous devons nous préoccuper. Il faut qu'il y ait un lien quelque part. N'oubliez pas que nous parlons des « peuples autochtones ». Il faut qu'il y ait un lien avec quelque chose de réel au bout du compte. Si le lien remonte à 1650 et qu'il s'agit d'un ancêtre micmac, je dirais à la personne : « C'est très intéressant. Vous avez un ancêtre micmac. Mon arrière- grand-père vient de la Pologne. J'ai un ancêtre polonais. Cela ne fait pas de moi une Polonaise; cela ne fait que me donner des origines polonaises. » On peut assurément s'intéresser à ses origines, et en être fier, mais on n'en tire pas le droit de dire qu'on a changé d'identité. Je pense que cela demeure insuffisant pour se prévaloir de droits garantis par la Constitution qui distinguent la personne du reste des Canadiens. Je ne pense pas que cela soit approprié.

Personnellement, cela me choque, et je pense que les Canadiens en général auraient vraiment de la difficulté à y parvenir. Comme je l'ai dit, il y a six affaires portées devant les tribunaux du Nouveau-Brunswick qui ont été abandonnées avec véhémence après que les gens se sont fait dire que c'était un recours inapproprié.

Y a-t-il une autre question?

Le président suppléant : Merci. Je suggérerais peut-être simplement aux députés de s'adresser au président. La séance est télévisée.

Le sénateur Meredith : Désolé, monsieur le président. Je n'ai pas levé la main.

Le sénateur Demers : Vous êtes très passionnée, mais d'une bonne manière, et c'est quelque chose que j'apprécie.

Pourquoi les Métis sont-ils si mal compris?

Mme Teillet : Vous abordez le sujet qui est au cœur de mon exposé. Je veux vous parler de cela précisément, des raisons pour lesquelles nous n'arrivons pas à trouver l'identité des Métis, des raisons qui font que nous avons de la difficulté à les reconnaître comme tels et des raisons pour lesquelles nous avons de la difficulté avec tout cela. J'ai fait un mémoire de maîtrise là-dessus, alors j'y ai beaucoup réfléchi.

J'ai sept idées concernant les raisons pour lesquelles la chose nous donne du fil à retordre. Je vais vous en parler. Si j'utilise tout le temps qui m'est accordé pour parler de cela, je vais laisser mon collègue, monsieur Madden, compléter par la suite.

Le président suppléant : Cette question de la définition est l'un des éléments clés que le comité doit examiner. C'est très important.

Mme Teillet : Merci. Je ne serai pas inquiète, dans ce cas-là, si je passe tout mon temps à parler de ce sujet, parce que je pense que je peux vous aider à faire la lumière sur ce point.

Pour moi, les Métis forment une société invisible. Pourquoi est-elle invisible? Pourquoi n'arrivons-nous pas à les voir comme un peuple? C'est d'abord parce que personne ne veut le faire. C'est un problème qu'il ne faut pas sous-estimer. Nous n'aimons pas les gens issus d'un mélange de races. Même notre idée de multiculturalisme est fondée sur une espèce de notion de pureté. Nous permettons à des gens qui viennent, disons, de l'Inde, de s'installer au Canada et de continuer de vivre dans leur culture ici sans aucun problème. J'ai cependant une bonne amie qui a une mère indienne et un père iranien, mais ce genre de mélange n'a pas sa place ici.

Il y a maintenant une importante théorie du mélange racial. Il y a ce que Minelle Mahtani, une excellente chercheuse qui travaille dans ce domaine à l'Université de Toronto, appelle une négativité constante à l'égard des gens issus d'un mélange de races. Nous n'aimons pas ces gens, et nous ne voulons surtout pas qu'un peuple issu d'un mélange de races voie le jour au Canada. Ce ne sont pas seulement les Blancs ou la société canadienne en général qui ne le veulent pas; les Indiens ne le veulent pas non plus. Les noms en témoignent. Les Métis sont un peuple aux nombreux noms.

À la page cinq du document que je vous ai remis figurent certains noms. Voyez ces noms donnés par les francophones : Michifs, Métis, gens libres, hommes libres, bois brûlés, chicots. Ce ne sont là que quelques termes créés en français pour désigner les Métis. Il ne s'agit pas de peuples différents, je vous l'assure. Ces noms ne renvoient pas à des gens différents; ce sont simplement des noms différents qui désignent le même peuple.

En anglais, nous disons freeman, half-breed, country-born, mixed-blood. Les Sioux ont un mot pour désigner les Métis. En cri, âpihtawikosisân signifie « demi-peuple », et otipêyimisowak signifie « les indépendants ». Je parle un peu le cri, mais moins le chippewa, alors je ne veux pas m'essayer à prononcer les autres mots. Il y a aussi l'odawa. Il y a aussi des expressions qui signifient mi-brûlé ou demi-peuple.

Si vous examinez ces expressions, vous constaterez qu'elles se répartissent en différentes catégories. Il y en a qui renvoient à la couleur. Certaines affirment un lien avec la personne visée. Lorsque les cris disent qu'une personne est âpihtawikosisân, ils disent qu'elle fait à moitié partie de leur groupe; ils affirment avoir un lien avec elle. Ils font référence à l'apparence de la personne ou à son mélange de races.

Je vais vous demander de prendre la diapo sur laquelle figure une carte. La ligne jaune circonscrit la région dans laquelle les gens qui font partie de la nation métisse vivent selon moi. Vous trouverez peut-être que c'est un grand territoire, mais les Cris et les Inuits ont eux aussi des territoires de cette taille. Dans la région supérieure des Grands Lacs, les gens sont en partie Chippewa ou Ojibway. À l'ouest, dans la partie sud — aux États-Unis — les gens sont en partie Sioux et en partie Européens. Au nord, ils ont des origines cries et dénées lorsqu'on remonte jusqu'au sud des lacs. En Alberta, ils sont en partie Blackfoot. Les origines autochtones sont assez diverses.

Le nom que les Cris utilisent signifie qu'ils voient les Métis du point de vue de leur territoire. On peut dire qu'ils voient les choses dans une certaine optique. Lorsque les Métis passent par ce territoire, c'est ainsi qu'ils les appellent, et les identifient. Cependant, ils ne pensent pas au fait que ce sont les mêmes gens qui vivent dans le Nord de l'Ontario : les mêmes familles, les mêmes frères, le même homme et sa famille. Ce sont les mêmes gens que ceux qui vivent au Montana, c'est la même famille à Fort Edmonton et à Fort Resolution. Ce sont tous les mêmes gens, et ils se déplacent. Toutefois, les observateurs — les gens qui leur donnent un nom — ne les voient que comme des gens de passage.

Vous devez comprendre qu'ils ne veulent pas que ce nouveau groupe de gens vienne, parce qu'ils ont l'impression que cela leur enlève quelque chose et enlève quelque chose à leur groupe culturel. Je n'aime pas utiliser le mot « race », parce qu'il pose des problèmes.

Il y a beaucoup de façons de décrire la situation. Il y a des gens qui disent que les Métis sont comme un pont entre deux cultures. Tout le monde veut être d'un côté du pont ou de l'autre, mais personne ne veut être ce pont. Personne ne veut être pris au milieu. Il y a toutes sortes d'idées qui circulent.

C'est la première chose que je veux dire : nous sommes un cas problème. Ce serait tellement plus facile pour vous si vous n'aviez à vous occuper que des Indiens et des Inuits. Nous n'appartenons pas à l'une ou l'autre des catégories bien définies. Nous n'entrons pas dans celles-ci. Ce serait tellement plus facile si nous n'existions pas. On ne veut pas de nous.

La deuxième raison pour laquelle nous avons du mal à voir qui sont les Métis, c'est que nous avons effacé leurs repères historiques et géographiques. Nous ne reconnaissons plus leur territoire. Nous avons délimité des frontières provinciales. Sur une carte du Canada, nous voyons les villes que nous avons créées, les frontières provinciales et territoriales, la route 1 qui traverse le Canada et les lignes du CP et du CN qui traversent le pays. Ce que nous ne voyons pas, c'est que, pour les Métis, la route 1, c'était les cours d'eau et le réseau fluvial qui part de la rivière des Français et passe par les Grands Lacs, la rivière à la Pluie, Winnipeg et ensuite le Nord de la Saskatchewan, jusqu'à l'Athabasca. Voilà leur route 1. Ils avaient des sentiers pour les chariots et des flottes de bateau, mais nous ne connaissons pas la géographie de leur territoire.

Les Métis ne fondaient pas de villes. C'était un peuple très nomade. Ils ne bâtissaient pas d'installations durables. Ils vivaient à un endroit et puis partaient, alors il n'y a pas de trace de leur passage. On ne découvrira pas de site archéologique de la communauté métisse. S'ils possédaient des objets de métal ou qui valaient la peine d'être transportés, ils les emportaient. Nous ne connaissons plus la géographie de leur territoire.

Nous connaissons un peu celle des territoires des Indiens, parce que nous avons créé des régions définies par des traités. Sinon, nous aurions de la difficulté à voir les frontières du territoire des Blackfoot ou d'autres tribus.

Troisièmement, l'un des facteurs clés pour l'identification d'un groupe culturel, c'est sa langue. Le michif, qui est la langue des Métis du Nord-Ouest, n'a pas été découvert par des étrangers avant 1960. C'est difficile à croire, mais c'est vrai. Il a fallu attendre jusqu'en 1960 pour que des gens autres que les Métis sachent que ceux-ci avaient une langue.

À ce moment-là, cette langue avait à peu près 200 ans. C'est une langue fascinante, et beaucoup de gens ont écrit sur les raisons pour lesquelles on ne la connaissait pas. L'exemple le plus apparenté qu'on trouve ailleurs dans le monde, c'est la langue des Roms — les gitans. C'est une autre langue qu'on appelle une langue interne : les gens ne la parlent qu'entre eux. La langue contient des éléments étrangers. Une personne qui parle le cri y entendra des mots de cri, mais elle trouvera que c'est un cri bizarre. Un francophone qui entend parler le michif y entend des mots français, mais pas suffisamment pour savoir de quoi la personne parle. C'est la même chose chez les Roms.

La raison pour laquelle c'est une langue interne, c'est que les Métis parlaient couramment de nombreuses langues. Tous les documents que nous possédons des XVIIIe, XIXe et XIXe siècles montrent que les Métis parlaient couramment quatre ou cinq langues. Le cri était la lingua franca des Prairies. Lorsqu'on s'adressait à quelqu'un, on parlait en cri. Il n'était pas nécessaire de parler michif. Les gens parlaient michif avec les membres de leur famille. C'est par accident que la langue a été découverte et seulement parce qu'un linguiste a entendu une personne le parler par hasard dans le Sud du Manitoba. Il a tendu l'oreille et a demandé, tout étonné, quelle était cette langue qu'il entendait. Il a aussi écrit des livres très volumineux sur le sujet, et il dit que la langue enfreint toutes les règles qu'on n'ait jamais établies pour les linguistes. Je ne suis pas linguiste, mais il semble que les linguistes soient tous fascinés par cette langue.

Les Métis ont une langue. C'est une autre raison pour laquelle nous ne les voyons pas comme un peuple : nous ne savions même pas qu'ils avaient une langue. La langue est l'une des choses qui unissent les gens.

La quatrième raison pour laquelle nous avons de la difficulté à comprendre qui sont les Métis, c'est qu'il n'y a pas de phénotype distinct chez eux. Essentiellement, ce que cela veut dire, c'est qu'on ne peut pas voir qu'une personne est métisse en la regardant. Dans les années 1800, à l'époque des certificats, de la Loi sur le Manitoba et des traités, les Métis avaient plus souvent l'air d'être Indiens. Il y avait beaucoup de commissaires aux traités qui disaient qu'ils ne pouvaient déterminer qui était Métis et qui était Indien. Ils n'avaient aucun moyen de les distinguer.

Aujourd'hui, les Métis peuvent ressembler à des gens comme moi. Il se trouve que je ressemble à un de mes ancêtres polonais de Varsovie. Ma sœur est décédée, mais elle avait les cheveux noirs, la peau foncée et les yeux bruns. C'est le hasard génétique. L'apparence des Métis peut aller aujourd'hui du stéréotype du vrai Indien à celle d'une personne comme moi.

C'est une autre raison pour laquelle nous avons de la difficulté à distinguer les membres de ce peuple : on ne peut pas simplement les regarder et dire qu'ils sont ceci ou cela.

Je vous ai déjà parlé des nombreux noms qu'on leur donne et des problèmes que cela a engendrés. Je dirais que c'est la cinquième raison. Une fois qu'on vous a donné un nom dans une région du monde, il est difficile pour les gens de comprendre que le peuple qu'on appelle différemment à un autre endroit n'est pas, en fait, un peuple différent du premier.

N'oubliez pas que les noms que j'ai cités ne sont pas ceux que les Métis se donnent eux-mêmes. Ce sont des gens de l'extérieur qui les leur ont attribués. Vous devriez considérer qu'ils vous en disent plus long sur les gens de l'extérieur que sur les Métis en tant que tels.

Même à l'époque de mon père, les Métis ne s'appelaient pas ainsi. Je vois que vous avez ici un tableau sur lequel il est inscrit « May-Tea », parce que c'est ainsi que l'on prononce le mot en anglais. À l'époque de mon père, on disait « Michif ». Lorsque j'étais petite, mon grand-père détestait entendre les gens dire « Métis ». Il disait que c'était Michif, que c'étaient des Michifs que nous étions. C'est le nom que nous nous donnions à nous-mêmes. Nous ne prononcions pas le mot « métis » comme aujourd'hui. Les gens ne faisaient pas cela.

Le fait de donner un nom pose problème, et, encore là, rend la chose difficile. C'est facile lorsqu'on peut dire qu'un tel est Blackfoot et qu'un tel est Cri, mais lorsqu'on parle d'un sang-mêlé, d'un homme libre ou d'autre chose, il faut vraiment du recul pour comprendre qu'il s'agit des mêmes personnes.

La sixième raison, c'est que je dirais que, après 1870, surtout, après les événements de la rivière Rouge de 1870 et en particulier la pendaison de mon arrière-grand-oncle, Louis Riel, en 1885, il est devenu très important de ne pas s'auto- identifier comme étant Métis. Les Métis avaient tout intérêt à se faire discrets et à ne pas s'identifier.

J'ai eu la très grande chance, au cours des 20 dernières années, de pouvoir interviewer des aînés métis extraordinaires. J'ai pu poser des questions à un homme de plus de 100 ans au Montana qui avait été éclaireur pendant la rébellion de 1885, et aussi une vieille femme qui m'a parlé de son départ des États-Unis pour venir s'installer ici. Tous m'ont affirmé qu'on leur avait dit quelque chose comme ceci lorsqu'ils avaient traversé la frontière : « Ne dites à personne que vous êtes Michif. Dites aux gens que vous êtes Français. Ne parlez pas michif à l'école. Parlez français. Ne dites à personne que vous êtes un sang-mêlé. » Faites-vous discret, et les gens vont peut-être vous laisser tranquille.

N'oubliez pas que, après 1870, c'était très sérieux. La terreur régnait à la rivière Rouge. Les soldats canadiens violaient et pillaient, et c'était le goudron et les plumes pour les gens qu'ils rencontraient. Ils brûlaient des maisons. Les gens partaient en masse parce que la violence et le danger étaient si grands.

George Brown, le premier propriétaire de ce qui est devenu le Globe and Mail, a personnellement offert une récompense de 5 000 $ pour la tête de Louis Riel et de quiconque avait contribué aux événements de 1870. En 1870, c'était une forte somme. Les Métis étaient très encouragés à ne pas s'identifier. C'est une autre raison qui fait que nous avons de la difficulté à retrouver ces gens, parce qu'ils ont caché leur identité, leur langue et leur mode de vie.

Le président suppléant : Je voudrais peut-être poser une question avant que le sénateur White en pose une. Vous me pardonnerez si elle est de nature trop personnelle. Il y avait dans votre famille un parlementaire distingué.

Mme Teillet : Deux.

Le président suppléant : L'un d'entre eux était ministre et membre du cabinet Pearson.

Nous savons que l'un de nos collègues du Sénat, le sénateur St. Germain, est fier d'être Métis. Est-ce que vos ancêtres politiciens s'identifiaient comme étant Métis?

Mme Teillet : Mon oncle, Roger Teillet, le faisait assurément. Il a été ministre des Anciens combattants à l'époque de Pearson. Nous ne pouvions pas ne pas nous identifier. C'est quelque chose qui est peut-être propre à ma famille, parce que nous sommes des Riel. Nous ne pouvions pas nous cacher à St. Boniface. Tout le monde savait qui était les Riel.

Vous devez comprendre que les choses étaient différentes dans les années 1950 et 1960. Aujourd'hui, c'est un peu à la mode. Tout le monde veut être Métis. C'était différent alors. Le sénateur Sibbeston le sait. Être Autochtone, ce n'était pas à la mode dans les années 1950 et 1960. Nous étions des sang-mêlé sales, saouls, stupides et paresseux, et les Riel avaient le mot « traître » d'inscrit sur le front. Il n'était pas facile de lutter contre cette façon de voir les choses. Cela va de pair avec la question de la langue française au Manitoba. Pour les Métis du Manitoba, il était difficile de séparer les deux questions. J'ai toujours vu mon grand-père défendre des enjeux libéraux, catholiques et métis, et, pour être franche, je ne savais pas que c'étaient des choses différentes lorsque j'étais petite. Je ne distinguais rien. Je ne comprenais pas que la politique fédérale était différente de la politique métisse ou de la politique catholique, parce que toutes ces choses étaient pareilles à mes yeux. Il a fallu que je grandisse avant de comprendre qu'on pouvait faire des choix dans ces domaines et que je n'avais pas à être libérale. Mon Dieu, quelle idée!

Je viens d'une famille très politisée. Après la pendaison de Louis Riel, mon arrière-grand-père, Joseph, qui était le jeune frère de Louis Riel, s'est occupé de ses enfants et de sa femme. Il est devenu de facto le leader au Manitoba. Ce qui est devenu l'Union nationale et aujourd'hui la Fédération des Métis du Manitoba est né dans la cuisine chez nous, où se trouve maintenant le musée Riel. Mon grand-père est alors devenu le secrétaire de cette organisation de défense des droits des Métis.

Mon oncle Roger s'est aussi fait connaître par l'intermédiaire de l'Union nationale. Je ne pense pas que nous ayons jamais perdu notre identité politique et notre identité familiale, mais j'admets que cela n'a pas été le cas de bon nombre d'autres familles métisses. Nous avons dû nous armer de courage, parce que nous ne pouvions pas ne pas le faire. Ma grand-mère s'appelait Sara Riel. Lorsqu'on s'appelle Sara Riel à St. Boniface, on ne peut pas dire aux gens qu'on n'est pas Métis. C'est impossible.

Le sénateur White : Je ne sais pas si j'ai raté quelque chose, mais j'ai l'impression de recevoir un message ambigu. J'adore la passion avec laquelle vous parlez des gens qui avaient peur ou à qui on a peut-être inculqué la peur de dire qu'ils étaient Métis, ou j'ajouterais, dans certains, Autochtones au Canada.

Mme Teillet : Je suis d'accord avec vous.

Le sénateur White : Notre histoire n'est pas très positive à cet égard, mais en même temps, les gens me disent qu'ils n'ont maintenant pas le droit de dire qu'ils sont Métis ou Autochtones. Est-ce qu'il y a quelque chose que je n'ai pas compris?

Mme Teillet : Je n'ai peut-être pas mis les pièces du casse-tête ensemble. Ce que je comprends, c'est qu'il y a beaucoup de gens aujourd'hui, par exemple dans la famille du sénateur St. Germain, qui savent lorsqu'ils grandissent qu'ils sont Métis, mais qui ne veulent pas s'identifier publiquement comme l'étant. Parfois, c'est pour de bonnes raisons. Ils veulent simplement vivre leur vie. Dans les années 1950, il n'y avait rien à gagner, alors pourquoi se donner la peine d'en parler? Aujourd'hui, cependant, les gens se disent que c'est vrai qu'ils ont grandi dans un milieu métis, et ils ne voient pas pourquoi ils ne l'affirmeraient pas.

J'aimerais établir une distinction entre les gens qui ont des racines dans la communauté métisse et ceux dont j'ai parlé qui font faire leur arbre généalogique et qui se trouvent un ancêtre métis ayant vécu il y a 300 ans. La distinction que j'établis concerne des gens qui sont complètement différents.

Le sénateur White : C'est peut-être que j'ai mal compris; je pensais que vous aviez dit que quelqu'un avait une grand- mère polonaise et disait maintenant être Polonais. Si j'avais une grand-mère polonaise, je pense que je pourrais dire que je suis Polonais.

Mme Teillet : J'ai un grand-père maternel qui est polonais, et une grand-mère maternelle dont le nom est Sarah Riel. Je suis le fruit d'un mélange.

Le sénateur White : Je sais que le chapitre de l'histoire de notre pays qui concerne les Autochtones n'est pas reluisant. Beaucoup de gens du pays, et surtout dans l'Est, n'admettaient pas leurs racines; parfois ils admettaient leurs racines françaises, selon la région de la Nouvelle-Écosse dans laquelle ils vivaient et l'histoire que nous partageons avec les Français, laquelle n'est pas très positive non plus.

J'ai de la difficulté avec l'idée que nous n'admettions pas les gens, peu importe leurs droits constitutionnels ou ce qu'ils ont à gagner, comme vous avez dit, je crois. Autrement dit, dans les années 1950, il n'y avait rien à gagner. Du point de vue de l'acceptation par les Canadiens, j'aime que les gens s'identifient à ce qu'ils sont, alors je me demande si j'ai mal compris.

Mme Teillet : Sénateur White, si vous faites allusion à une personne dont la grand-mère ou l'arrière-grand-mère a perdu son statut d'Indien, mais qu'elle s'est toujours considérée, par exemple, comme une Micmac, et qu'elle est de sang mêlé, à mes yeux, cette personne est une Micmac.

Les Métis ont une culture, une langue et une histoire propres à eux. Nous avons une histoire et une géographie. Nous sommes unis par des liens de parenté, des liens historiques et toutes sortes d'autres liens.

Cela me rappelle un livre merveilleux que Tom Molloy a rédigé à propos de la Première nation Nisga'a, dont un Aîné avait posé la question suivante : « S'il s'agit de votre terre, quelles sont vos histoires? » Dans l'Ouest, les Métis ont des histoires, ils ont une histoire.

En revanche, selon les tribunaux de l'Est du pays, il n'existe rien de tel qu'une histoire des Métis. D'après eux, il y a une histoire des Indiens. À mon avis, l'erreur qu'ils commettent consiste à tenter de créer une nouvelle entité.

Le sénateur White : C'est parce qu'ils se considèrent eux-mêmes comme des personnes de sang mêlé.

Mme Teillet : Oui. À mon avis, on s'en remet à la généalogie, et l'on fait complètement abstraction de tous les autres facteurs qui doivent être pris en considération.

Le sénateur White : Merci. Je comprends. J'avoue mon ignorance à ce chapitre. J'ai travaillé auprès des communautés autochtones, des Premières nations et des Inuits, mais non pas auprès des communautés métisses.

Vous dites que nous établissons une distinction entre les Inuits, les Premières nations et les Métis, mais vous le faites aussi, et présentez les Métis comme une communauté forte, historique, ancestrale et indigène du pays.

Mme Teillet : C'est exact, et j'indique où se trouvent les membres de cette communauté.

Le sénateur White : Ainsi, selon vous, les Métis ne sont pas établis dans l'Est du pays, même s'il y en a au Labrador?

Mme Teillet : Le Labrador a simplement transformé leur esprit. Ils ne se désignent plus eux-mêmes comme des Métis.

Le sénateur White : Comme des Innus, alors?

Mme Teillet : Nous étions à l'audience de la Commission royale où ils ont décidé de devenir des Métis. Ils ont pris la parole et ont déclaré : « En fait, nous croyons que nous sommes des Innus, mais ceux-ci ne nous considèrent pas comme tels, de sorte que nous nous désignons comme des Métis. » J'étais assise à côté de Clem Chartier, président du Ralliement national des Métis, et je lui ai dit : « N'est-ce pas une belle et noble raison de devenir des Métis? » Il m'a répondu : « Sans blague! »

À la suite de l'affaire Powley, le gouvernement fédéral — et c'est une bonne chose — a versé beaucoup d'argent aux diverses organisations pour tenter de les aider à examiner les registres et à identifier les gens. Les Métis du Labrador ont investi judicieusement cet argent, ont mis la main sur quelques bons documents historiques et ont fait leur travail. Au bout du compte, ils ont affirmé : « Nous ne sommes pas des Métis. Nous avions raison. Nous sommes des Inuits, et nous nous en tiendrons désormais à cela. » Ils ont changé leur nom et ont déclaré : « Nous ne sommes pas des Métis. »

Le sénateur White : Ils se sont maintenant installés au Nunatsiavut.

Mme Teillet : Le Québec représente tout de même un exemple extrême.

Le sénateur White : À bien des égards.

Mme Teillet : Pour ma part, j'estime que les Métis n'ont pas de racines historiques là-bas, mais des recherches sont en train d'être menées dans le cadre de l'affaire Corneau. Je vais attendre de prendre connaissance de cette recherche, car je crois que tout cela est fondé sur des faits historiques. Examinons les faits historiques pour déterminer s'il existe une communauté métisse au Québec.

À nos yeux, à ce moment-ci, il n'y a pas non plus de communautés métisses en Colombie-Britannique. Je ne dispose d'aucune donnée qui me porte à croire que les Métis du Nord-Ouest... Ils n'ont pas franchi les Rocheuses, qui constituaient un extraordinaire obstacle.

Le sénateur White : Voilà la communauté métisse.

Mme Teillet : Exact. Je sais qu'il y a des groupes de Métis en Colombie-Britannique. Je vis dans cette province, et je sais qu'il y en a, mais la question est de savoir s'il s'agit d'une communauté historique. C'est une autre paire de manches.

Mon collègue me rappelle que le lac Kelly, dans l'angle Nord-Est, représente une exception.

Le sénateur White : Cela se trouve près de l'Alberta. Merci beaucoup.

Mme Teillet : Je vais passer au point suivant, qui concerne la raison pour laquelle nous avons de la difficulté à localiser les Métis, à savoir leur extrême mobilité. Je pense avoir dit quelques mots à ce sujet, mais je tiens à insister là-dessus. Les documents que nous étudions minutieusement depuis maintenant une vingtaine d'années nous apprennent des choses extraordinaires sur la mobilité de ces gens, qui se déplacent régulièrement des Grands Lacs au Montana en passant par le Grand lac des Esclaves.

Il existe trois activités économiques métisses. D'abord, le commerce des fourrures. Nous savons que les Métis sont les enfants de ce commerce, lequel se déroulait dans la forêt boréale qui s'étend du secteur supérieur des Grands Lacs jusqu'au Grand lac des Esclaves, et qui couvre le Nord de l'Ontario, du Manitoba et de la Saskatchewan. C'est dans cette région que se trouvaient tous les commerçants de fourrure.

Plus au sud, il y avait la chasse aux bisons. C'est dans la région des grandes plaines, des forêts-parcs et des prairies que se déroulait cette activité, et que se trouvaient les célèbres chasseurs de bisons métis.

Enfin, il y avait les pêches. Les gens qui vivaient de la pêche étaient établis sur les rives des Grands Lacs, du lac à la Pluie — d'où la famille de M. Madden est originaire —, du fleuve Saint-Laurent et du Lac Manitoba. Il s'agit de lieux axés sur la pêche.

Ces activités économiques sont étroitement liées, comme les familles. L'aliment miracle, si je peux dire, qui permettait aux commerçants de fourrure de fonctionner était le pemmican provenant de la chasse au bison. Les commerçants de fourrure ne s'arrêtaient jamais, ni pour chasser ni pour manger. Ils se nourrissaient exclusivement de viande séchée de bison. Je ne me souviens plus quelle quantité de pemmican ils ingurgitaient chaque jour, mais M. Ray nous a dit qu'ils devaient en consommer une quantité astronomique de manière à pouvoir ramer de 4 heures à 20 ou 21 heures — portages et transport de marchandises inclus — sans s'arrêter. Toute leur viande provenait de la chasse au bison.

Nos documents nous apprennent que des gens pratiquaient la chasse au bison pendant un moment, puis allaient dans le Nord pour faire le commerce des fourrures pendant un certain temps. Ces gens pouvaient également travailler dans le secteur de la pêche pendant un bout de temps, ou alors c'est leur frère qui le faisait pendant qu'eux faisaient autre chose. Des personnes qui s'occupaient du transport des marchandises ou des commerçants se joignaient à eux.

Dans cette vaste région, toutes ces activités économiques étaient étroitement liées. Les gens se déplaçaient, et ils adoraient cela. C'est l'une des choses incroyables que nous apprennent nos documents — on mentionne sans cesse combien ces gens aimaient vivre là. Ils répétaient inlassablement — ce qui est charmant — qu'ils aimaient le fait qu'il n'y avait aucune loi pour les embêter.

Les documents relatifs aux certificats mentionnent sans cesse des choses comme « On ne leur connaît aucune résidence », ou « Ils vivaient toute leur vie dans les prairies ». Selon Giraud, ils constituaient une « population errante » dans les prairies.

Si vous le permettez, je vais vous lire un extrait d'une histoire extraordinaire tirée d'un texte que Giraud a rédigé, caché dans une mansarde à Paris, durant la Deuxième Guerre mondiale. Il avait auparavant mené des recherches sur les Métis des Prairies. Voici l'extrait :

[...] pendant toute l'année, ils menaient une vie nomade, et ils sont devenus une véritable population errante qui, contrairement à ceux dont la vie se partageait entre la chasse et l'agriculture, avaient pratiquement rompu tous les liens qui les unissaient à la colonie.

— c'est-à-dire celle de la rivière Rouge.

Les familles qui réapparaissaient dans les paroisses de la rivière Rouge à la fin de mai ou au début de juin veillaient à ce que les mariages contractés durant l'hiver soient bénis, et à ce que les enfants nés durant leurs pérégrinations soient baptisés; certaines d'entre elles ramenaient même, de manière à ce qu'elle puisse être enterrée selon les rites chrétiens, la dépouille de leurs parents décédés quatre ou cinq mois plus tôt dans la prairie...

Je suis horrifiée à l'idée de ces personnes qui se déplaçaient en transportant avec elles pendant quatre mois la dépouille d'un oncle ou d'un autre membre de leur famille.

[...] et qu'elles avaient enseveli temporairement là-bas. Au bout de quelques jours, ces familles repartaient, et ne revenaient qu'un an plus tard.

[...] Certaines personnes n'avaient jamais pratiqué une activité autre que la chasse au bison. Après avoir quitté Saint- François Xavier ou la rivière Rouge, elles passaient de nombreuses années dans des villages d'hivernants dans les prairies, et ne se rendaient qu'occasionnellement dans le fort le plus près ou la colonie d'Assiniboia pour vendre leurs robes ou leurs provisions de viande.

C'est ce que je vois, des milliers de personnes.

À la page 6, vous pouvez voir une photo d'un camp de chasseurs métis errants, prise dans le Sud de l'Alberta en 1874 par un membre de la Commission des frontières. On sait qu'il s'agit d'un camp de Métis en raison de la présence de charrettes de la rivière Rouge, qui ne se trouveraient pas là s'il s'agissait d'un camp de Sioux ou de Cris. D'après la Commission des frontières, plus de 1 000 personnes vivaient dans ce camp. On a demandé aux chasseurs de s'aligner, et on les a pris en photo. D'après la Commission, ces chasseurs vivaient dans les Prairies pendant des mois, allaient où il leur plaisait de se rendre, et parcouraient des centaines de kilomètres simplement pour traquer le bison. C'est de ces gens que nous parlons. Il s'agit de leurs histoires.

Je vais m'interrompre, car je veux laisser à M. Madden l'occasion de prendre la parole.

Je vous demanderais de vous reporter aux cartes, à partir de la page huit. La carte que je vous ai montrée, celle qui est encadrée par un gros trait jaune, n'a pas été inventée par moi — elle est le fruit de longs travaux. J'ai examiné 50 certificats d'argent. J'aimerais avoir plus de temps pour montrer ces documents extraordinaires à ceux qui ne les ont jamais vus.

Au moment d'émettre des certificats, à compter de 1885...

Le président suppléant : S'il vous plaît, pourriez-vous nous expliquer brièvement en quoi consistent ces certificats dont vous parlez?

Mme Teillet : Le gouvernement du Canada voulait abolir le titre indien, et n'était pas certain de savoir si les Métis le détenaient. À mon avis, par excès de prudence, il a décidé d'abolir également le titre des Métis; plutôt que de le faire au moyen d'un traité, il a aboli le titre que détenait chaque Métis.

On dit que nous ne savons pas qui sont les Métis aujourd'hui, mais nous le savions en 1885, car le gouvernement du Canada les a tous retracés et a joint des affidavits à leurs serments. Nous les avons tous.

Les certificats nous apprennent que les Métis ont reçu un lopin de terre ou de l'argent en échange de l'abolition de leur titre, mais ce qui est merveilleux à propos de ces documents, c'est qu'ils contiennent des renseignements sur le lieu de naissance et de mariage de ces Métis, ainsi que sur le lieu où leurs enfants se sont mariés. À l'époque, les Métis avaient beaucoup d'enfants — ils avaient un enfant aux deux ans. Les certificats nous indiquent où ces enfants sont nés, où ils ont été baptisés et où ils sont décédés — il y a eu des cas horribles, par exemple l'épidémie de variole de 1870, qui a duré trois mois. Dix enfants sont morts. Nous disposons de renseignements à propos de l'endroit où ils se trouvaient à certaines périodes de leur vie, de sorte que nous pouvons avoir une idée de leurs déplacements.

Je devrais également mentionner que ces certificats n'ont été délivrés que dans les Prairies. Ils ne nous fournissent aucun renseignement à propos de ce qui se passait en Ontario.

Cette carte a été créée au moyen de 50 demandes de certificats que j'ai choisies au hasard. J'ai séparé les demandes présentées par des hommes et celles présentées par des femmes parce que je voulais savoir si les hommes partaient seuls pendant que les femmes demeuraient sur place. Il s'est révélé que cela n'était pas le cas — les Métis se déplaçaient en famille. Je m'en suis tenue à 50 demandes, car vous pouvez deviner ce qui se serait passé si j'en avais choisi 1 000 — la carte serait recouverte d'une grosse tache rouge, et on ne pourrait plus rien y distinguer. La carte montre le secteur des Prairies où les Métis se déplaçaient.

À la carte suivante, on peut voir ce que j'appelle la mobilité migratoire des Métis, qui migrent également pour des raisons économiques ou politiques. En ce qui concerne les motifs économiques, vers 1850, à Sault Ste. Marie, à peu près tous les castors avaient été pris, et il n'était donc plus avantageux de rester là pour y faire du trappage. Les Métis étaient des commerçants de fourrure, et ils s'installaient dans des lieux propices au trappage. C'est la raison pour laquelle j'ai dit que ce type de migration était d'ordre économique. Pour ce qui est des migrations de nature politique, comme je l'ai mentionné plus tôt, après la rébellion de la rivière Rouge de 1870 et le règne de la terreur, les Métis ont quitté la région. C'est ce que j'appelle une migration attribuable à des motifs politiques.

Je pourrais examiner tout cela avec vous, mais je ne pense pas avoir suffisamment de temps pour le faire. Voilà les migrations. Il convient de souligner qu'il ne s'agit pas toujours de migration d'est en ouest. Parfois, les gens reviennent vers l'est, parfois ils vont vers le nord, parfois vers le sud, et ils font parfois la navette d'est en ouest. Je vous montre cela simplement pour illustrer le fait que les Métis se déplacent.

Sur la dernière carte, la grande région de couleur mauve qui est encerclée représente la région où les certificats ont été délivrés, et l'on voit également les routes migratoires. Les lignes rouges que vous pouvez voir représentent quelques-uns des liens généalogiques que j'ai tenté d'établir. Cette carte vous montre la région.

À la dernière page, j'ai placé la carte comportant du jaune à côté de l'autre de manière à ce que nous puissions constater que ce que j'ai dit à propos du territoire des Métis du Nord-Ouest ou de la nation métisse n'a pas été inventé par moi — cela est fondé sur les renseignements historiques probants dont nous disposons à propos de ces gens.

C'est de ces gens que nous parlons lorsque nous évoquons le peuple métis, ce sont eux qui composent ce peuple.

Je vais aborder deux autres points. Tout d'abord, je crois que, au cours de la prochaine décennie, cinq questions découleront du problème mentionné par le sénateur, à savoir celui de l'identification. La première, à mes yeux, est celle de l'identification en tant que telle. La deuxième concerne les pouvoirs. Je suis certaine que, si vous avez entendu des exposés à propos du droit, on vous a parlé de l'affaire Daniels et de la question de savoir si les Métis sont des Indiens au sens de l'article 91.24. Je crois que la question de la compétence sera soulevée.

La troisième question a trait à une nouvelle relation entre le gouvernement fédéral et les Métis, laquelle sera complètement remise en question, d'après moi, par l'affaire concernant la Manitoba Metis Federation. Nous avons besoin d'une nouvelle relation, car c'est là-dessus que nous devrons nous appuyer pour aller de l'avant.

La quatrième question touche à la consultation. Je sais que vous n'ignorez pas qu'il s'agit d'une cible mouvante et d'une question en voie d'évolution, mais elle touche également les Métis. Enfin, la cinquième question est celle de la représentation.

À mes yeux, ce qui sous-tend ces cinq questions, et mobilisera nos énergies sur le plan juridique au cours des cinq prochaines années, c'est la question de l'identification de la communauté et des personnes qui la composent. Cette question doit sous-tendre chacune des quatre autres. Si on ne sait pas qui consulter, si on ne sait pas avec qui on entretient une relation, au nom de qui nous exerçons des pouvoirs ou si les gens ne savent pas qui les représente, il sera impossible de commencer à régler ces problèmes. Le problème fondamental est celui de l'identification.

Je ne sais pas si vous disposez de statistiques sur la mobilité. L'une des raisons pour lesquelles j'ai insisté sur la mobilité des Métis tient à ce que, d'après les statistiques dont nous disposons, les Métis sont, encore aujourd'hui, deux fois plus mobiles que les autres Canadiens, et ils sont aussi plus mobiles que les Indiens inscrits. À cet égard, ma théorie est la suivante : aux XVIIIe et XIXe siècles, la politique du Canada consistait à faire en sorte que les Indiens se fixent à un endroit. C'est la raison pour laquelle des traités ont été conclus et des réserves ont été créées. On voulait qu'ils mettent fin à leurs pérégrinations, et qu'ils s'installent à un endroit. De façon globale, cela a réussi — dans les faits, les Autochtones sont moins mobiles que la majeure partie des Canadiens. Il y a beaucoup de va-et-vient entre les grandes villes et les réserves, mais pour l'essentiel, les Autochtones se déplacent moins que les autres Canadiens. On n'a pas placé les Métis dans des réserves ni créé des régions visées par des traités pour les encourager à se fixer à un endroit. À mon avis, si on n'avait pas fait cela dans leur cas, les Indiens se déplaceraient aujourd'hui autant qu'ils le faisaient autrefois.

D'après moi, si les Métis continuent de se déplacer, c'est parce que l'on n'a pas réussi à les empêcher de le faire, mais cela a des répercussions sur le plan des programmes sociaux. Si l'on veut savoir pourquoi les Métis sont en moins bonne santé que les autres Canadiens, et pourquoi le taux d'obtention du diplôme d'études secondaires des jeunes Métis n'est pas aussi élevé qu'il devrait l'être, il faudrait peut-être tenir compte du fait que ces jeunes peuvent fréquenter quelque 20 établissements différents durant leurs études secondaires. Cela a peut-être des répercussions. À mon avis, nous n'utilisons pas sérieusement les données relatives à la mobilité pour comprendre les problèmes sociaux auxquels font face les Métis aujourd'hui. Je pense que l'on devrait se pencher sérieusement là-dessus.

Je vais m'arrêter ici. Je vais céder la parole à M. Madden, à moins que quelqu'un ait d'autres questions à me poser.

Le président suppléant : Monsieur le sénateur Campbell, à un certain moment, vous sembliez avoir envie de poser une question.

Le sénateur Campbell : Je ne comprends toujours pas pourquoi, à un moment donné, on devient un Métis. Je ne comprends pas cela. Je vais vous expliquer pourquoi.

Je connais très bien une personne qui vit à Poplar Point, au Manitoba. Cette personne a manifestement des origines autochtones, et elle a fait exactement ce dont vous avez parlé, c'est-à-dire qu'elle a mené une recherche généalogique très sérieuse. Elle a découvert que, en fait, elle était descendante, d'une part, de membres des Premières nations, et de l'autre, d'Anglais de la baie d'Hudson. Est-ce que cela signifie que cette personne n'est pas métisse?

Mme Teillet : C'est exact.

Le sénateur Campbell : Vous allez avoir de la difficulté à expliquer cela à sa famille. Je ne comprends pas cela. Je suis Écossais et Canadien. Je ne cesse pas de l'être parce que quelqu'un me dit que je ne peux pas me réclamer de ces origines.

J'avais cru comprendre que l'on était Métis dans la mesure où l'on s'identifiait soi-même comme tel. J'ai de réelles difficultés à comprendre cela, car il semble que, à présent, on délimite précisément qui sont les Métis, qui pourrait s'identifier comme tel et qui ne le peut pas. J'ai beaucoup de difficulté à admettre cela.

Ce n'est pas comme si cette personne avait dit, au bout du compte : « Je suis Métis, et j'ai le droit de profiter des avantages découlant de ce statut. » Ce n'était pas du tout cela. Pour cette personne, il s'agissait plutôt de dire : « Je suis Métis, et fier de l'être ». Bien honnêtement, ce que vous dites à propos de qui est Métis et de qui ne l'est pas me pose problème.

J'ai compris tous les graphiques que vous avez présentés. À mes yeux, ils sont tout à fait pertinents. Il s'agit d'un excellent travail. Cependant, je ne pense pas qu'il existe un critère nous permettant de dire qui est Métis et qui ne l'est pas. Une personne l'est si elle s'identifie comme telle et qu'elle dispose de certains renseignements probants touchant ses origines; on ne peut pas dire, par exemple, qu'une personne qui ne se déplace pas et ne vit pas dans ces communautés migrantes n'est pas un Métis. Toute personne qui descend de cette famille n'est pas nécessairement Métis.

Mme Teillet : J'avais cru comprendre que vous aviez dit que ces personnes étaient d'origine autochtone. À mes yeux, cela ferait d'elles des personnes d'origine autochtone.

Le sénateur Campbell : Dans ce cas, revenons aux notions de base. Est-ce que tous les Métis sont des descendants des Premières nations?

Mme Teillet : À ce moment-ci, ce qui m'intéresse, c'est la question de l'auto-identification et le fait de remonter dans le passé pour cerner une culture métisse. On peut aller au-delà de ça, mais, pour notre part, nous sommes à la recherche de gens qui sont des descendants d'une culture historique métisse. Si l'on ne remonte qu'à une culture des Premières nations...

Le sénateur Campbell : La personne dont je vous parle est descendante d'une culture historique métisse.

Mme Teillet : Ce n'est pas ce que vous avez dit. Vous avez dit que cette personne avait découvert qu'elle était, d'une part, descendante des Premières nations et, de l'autre, d'une culture européenne.

Le sénateur Campbell : C'est exact. Cette personne vivait à Poplar Point, et a fini par vivre au sein d'une communauté métisse et étais considérée comme une Métisse, mais, à un moment donné, l'un de ses ancêtres a déclaré : « Nous ne sommes pas des Métis; nous sommes des Blancs. » C'est à ce moment-là que la rupture a eu lieu.

Revenons à ma question initiale : est-il possible d'être Métis et de ne pas être d'origine autochtone?

Mme Teillet : D'une façon ou d'une autre, les gens ont des ancêtres autochtones, mais ils doivent provenir d'une culture métisse. Il existe une chose que l'on appelle l'ethnogenèse — la naissance d'une culture. Il s'agit d'un terme utilisé en sociologie et qui renvoie à la création d'une nouvelle culture. Lorsqu'une culture est créée, les gens qui naissent au sein d'elle sont considérés comme provenant de cette culture, et non pas d'une autre vivant tout près, par exemple celle des Cris ou des Blackfoot. Du moment qu'une culture métisse est créée, les gens qui naissent au sein de cette culture sont des Métis. Nous savons à quel moment la culture des Métis du Nord-Ouest a vu le jour. Nous pouvons dater très précisément cette naissance. Nous possédons une foule de données solides à ce sujet.

Si on remonte plus haut et qu'il se révèle qu'une personne a des ancêtres au sein des Premières nations, elle sera considérée comme descendante des Premières nations. Si vous le permettez, j'aimerais parler d'une notion qui n'a pas été adoptée au Canada, mais qui l'a été en Nouvelle-Zélande, relativement aux Maoris. Il s'agit de la notion des trois générations selon laquelle, au cours de la première génération, on s'éloigne de sa culture. Nous avons entendu parler de la rafle des années 1960, durant laquelle une foule d'enfants ont été séparés de leur culture, n'est-ce pas? On dit que, si ces enfants veulent se réclamer, une fois qu'ils seront adultes, de la culture dont ils ont été séparés, ils pourront assurément le faire. Ce n'est pas de leur faute s'ils ont été arrachés à leur culture.

Si, pendant une génération complète, des personnes ne se réclament pas d'une culture, mais que des membres de la génération suivante souhaitent s'en réclamer, et s'affirmer comme maoris, on leur dit qu'on leur reconnaissait cette identité, mais — car il s'agit à présent d'une reconnaissance conditionnelle — qu'ils seront comme des Maoris de deuxième génération. Toutefois, au bout de trois générations, on considère que le laps de temps écoulé est trop long, et que les personnes n'appartiennent plus à une culture. On ne peut pas se réclamer d'une culture si nos ascendants des deux générations précédentes ont cessé de s'en réclamer. Je ne suis pas en train de dire que, nous avons adopté ce critère ici. Pour ma part, j'estime que nous devrions envisager de le faire, mais je ne m'exprime pas au nom des politiciens. Je pense que nous devrions nous pencher là-dessus. Si une personne s'identifie comme une personne blanche appartenant à une communauté blanche ou une communauté canadienne ordinaire depuis trois générations, à mes yeux, cette personne appartient à cette communauté.

Le sénateur Campbell : Que se passe-t-il si une personne ne connaît pas ses origines? Que se passe-t-il alors dans un tel cas? Vous imposez un critère à des gens qui n'ont aucun choix en la matière. Que se passe-t-il si une personne ne connaît pas ses origines et que, tout d'un coup, elle parvient à retracer ses ancêtres, et découvre qu'elle est d'origine métisse. Si trois générations se sont écoulées, cette personne ne pourra plus être considérée comme une Métisse? Je suis un non-Écossais de troisième génération. Cela ne veut pas dire que je ne porte plus le kilt et que je ne suis pas fier de mes origines écossaises. Je suis désolé. J'ai beaucoup de difficulté avec cela. Je vais en venir à bout, mais ce que vous dites me pose de réels problèmes.

Mme Teillet : Pour ma part, j'ai de la difficulté à admettre que des gens découvrent, au bout de 30 ou 50 ans — parfois même au bout de 300 ans — qu'ils sont, comme moi, des Métis, simplement parce qu'ils ont mené une recherche généalogique. Je suis désolée, mais non, je n'admets pas cela. Je trace une limite. Vraiment.

Le sénateur Campbell : Nous n'aurons d'autre choix que d'en rester là.

Mme Teillet : D'accord.

Le sénateur Campbell : Je crois que vos arguments ne sont pas rigoureux.

Jason T. Madden, avocat, JTM Law, à titre personnel : Je me pose la question suivante : les gens ne peuvent-ils pas décider eux-mêmes? Ce que vous êtes en train de dire, c'est que, à l'issue d'une recherche généalogique, je peux affirmer : « Eh bien, il y a trois générations de cela, mes ancêtres étaient des Métis. » En fait, ce qui est protégé par l'article 35, ou plutôt la raison pour laquelle cet article existe, c'est pour protéger les collectivités, et non pas pour que les personnes puissent simplement s'auto-identifier.

Le sénateur Campbell : On s'identifie soi-même à une culture.

M. Madden : Cela ne suffit pas.

Mme Teillet : Cela ne représente qu'une partie du processus.

M. Madden : L'argument que vous faites valoir, c'est ce à qui nous avions affaire, en tant que Métis, avant l'affaire Powley. Cet argument a été rejeté par la Cour suprême. Il s'agit de l'argument présenté par le Congrès des Peuples Autochtones. Les Métis constituent la référence. Je suis une personne de sang mêlé, donc je suis un Métis. Notre victoire devant la Cour suprême tient à ce qu'il a été conclu que ce critère ne suffisait pas. Une personne ne pourrait pas se contenter de dire : « J'ai des ancêtres autochtones et des ancêtres blancs, et je m'identifie comme Métis parce que je ne parviens pas à établir mon origine exacte, parce que je suis perplexe à ce sujet ou parce que je me suis trouvé des ancêtres de telle ou telle origine. » Pour l'essentiel, l'article 35 et l'arrêt Powley ont établi qu'il ne suffisait pas d'être une personne de sang-mêlé pour que l'on puisse se définir comme Métis.

J'aimerais parler un peu de la jurisprudence. En fait, nous sommes réunis ici pour parler du droit, et les arguments ou les observations que vous avez présentés ont été rejetés par les tribunaux. Dans l'immense majorité des cas, nos arguments ont été admis. Mme Teillet et moi avons eu la chance de participer à de nombreuses affaires à titre d'avocats. Je vais vous parler de quelques affaires qui ont été entendues sur la côte Est. Ce n'est pas nous qui pouvons prendre notre propre pouls, mais les juges, car les arguments que vous faites valoir sont également formulés par des personnes qui affirment être des Métis.

Je vais vous citer un extrait de l'affaire R c. Castonguay, où le juge a déclaré ce qui suit :

De plus, aucune preuve ne fut présentée permettant à la cour de conclure qu'il existait en aucun temps une communauté métisse au Nouveau-Brunswick. C'est évident qu'il existait à un moment des Métis, c'est-à-dire des enfants issus d'un parent autochtone et d'un parent de descendance européenne. [...] Mais, cela dit, un lien génétique autochtone qui est né dix générations dans le passé, sans continuité jusqu'au présent, ne peut engendrer un droit constitutionnel.

C'est ce que les tribunaux ont réaffirmé, et c'est également ce qu'affirment les Métis : le simple fait que vous ayez un quelconque ancêtre de telle ou telle origine ne signifie pas que vous appartenez aux communautés qui détiennent des droits en vertu de l'article 35, et ne signifie donc pas que vous êtes un Métis.

Si l'article 35 figure dans la Constitution, c'est pour une raison fort simple : il y a des peuples qui étaient ici en premier. Lorsque la population canadienne a pris de l'expansion vers l'Ouest, elle ne l'a pas fait de façon brutale, bien qu'elle ait tenté de le faire à quelques occasions. Ces peuples doivent être protégés, de même que leur identité, leur culture et leur mode de vie distincts. Ces communautés sont protégées par l'article 35. Nous devons insister là-dessus : il s'agit de protéger les collectivités et les peuples.

Si les Métis décidaient que quiconque se découvre un ancêtre métis peut être considéré comme Métis, très bien. Cependant, ce n'est pas ce que les Métis ont décidé, et ce n'est pas ce qu'ils veulent. Les Métis sont protégés par l'article 35, comme le sont leur culture distincte et leur mode de vie particulier. S'ils n'ont pas la capacité de bénéficier de cette protection, ils disparaîtront et ne seront plus qu'un souvenir, comme c'est arrivé à d'autres peuples dans le passé.

Cela est extrêmement épineux et problématique parce qu'on n'a jamais vraiment discuté avec les Métis pour tenter de régler la question de l'identité — on évite d'aborder cette question. Au Canada, les gouvernements qui se sont succédé ont réussi à esquiver cette question. Les Métis se sont finalement eux-mêmes adressés aux tribunaux, et cela leur a été extrêmement profitable.

J'aimerais revenir sur les observations formulées par le sénateur Demers, car je crois que la Cour suprême du Canada nous aide beaucoup à comprendre pourquoi l'identité de ce peuple pose des difficultés. La Cour expose les faits en trois paragraphes; à mon avis, elle le fait très bien. Il s'agit de l'une des difficultés auxquelles les Métis font face.

Il s'agit d'un arrêt qui a été rendu récemment par la Cour suprême du Canada, et qui concerne les établissements métis de l'Alberta. Là-bas, les Métis disposent d'une assise territoriale. Il s'agit de l'un des autres problèmes qui expliquent pourquoi nous ne possédons pas de réserve ni un registre découlant de la Loi sur les Indiens nous permettant de comprendre clairement qui sont ces gens. Pourtant, depuis les années 1970, des peuples autochtones possèdent cela. Cela a débuté avec les Inuits.

Voici un extrait de l'arrêt de la Cour suprême :

Comme suite à la Proclamation royale de 1763 (reproduite dans L.R.C. 1985, app. II, no 1), qui organisait les territoires acquis récemment par la Grande-Bretagne et réservait certaines terres aux Indiens, la Couronne a adopté une pratique consistant à conclure des traités avec les bandes indiennes. Par conséquent, la plupart des Indiens des prairies sont soumis au régime d'un traité. En contrepartie de la cession de leurs terres traditionnelles à la Couronne, ils ont obtenu des réserves et d'autres avantages, comme le droit de chasser et de piéger le gibier sur les terres de la Couronne [...] La politique de la Couronne qui consistait à conclure des traités avec les Indiens, à établir des réserves et à leur conférer d'autres avantages en échange des terres ne s'appliquait pas aux Métis. Dans certaines régions, la Couronne a adopté un système de certificats d'argent selon lequel des terres étaient accordées à des Métis. Cependant, les communautés métisses n'ont pas obtenu de réserve ou d'assise territoriale collective; elles ne bénéficiaient pas des protections prévues par la Loi sur les Indiens ou par d'autres textes législatifs équivalents. Bien que largement reconnus comme formant un peuple autochtone culturellement distinct et vivant dans des communautés culturellement distinctes, les Métis voyaient leur histoire et leurs besoins uniques ignorés par le droit.

La cour ajoute ensuite : « Les gouvernements ont lentement pris conscience de cette lacune dans la loi. » Il s'agit d'une lacune considérable. Il s'agit d'un autre peuple dont le gouvernement a décidé de faire abstraction au moment d'élaborer ces politiques. Le gouvernement a dit aux Métis : « Nous allons faire affaire avec vous de façon individuelle, nous vous remettrons un certificat d'argent, nous ne reconnaîtrons pas le fait que vous avez besoin d'une assise territoriale afin que vos communautés puissent demeurer unies, ni que vous avez besoin de bénéficier des mêmes protections que les autres peuples autochtones. »

Bien honnêtement, le processus consistait à tenter de diviser un groupe. Si on divise ses membres, le groupe disparaîtra peut-être. À mes yeux, il s'agit là de la stratégie qui a été adoptée.

La Cour poursuit en ces termes :

Les gouvernements ont lentement pris conscience de cette lacune dans la loi [...] Le paysage a radicalement changé en 1982, avec l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1982. Pendant la période précédant la modification de la Constitution, les Indiens, les Inuit et les Métis se sont battus pour la reconnaissance constitutionnelle de leur statut et de leurs droits. L'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 a enchâssé les droits autochtones existants, ancestraux ou issus de traités, et a reconnu trois groupes autochtones — les Indiens, les Inuit et les Métis. Pour la première fois, les Métis étaient reconnus comme un groupe distinct titulaire de droits.

Nous parlons ici d'un peuple pour lequel personne n'a mis en place de systèmes; personne ne s'est donné la peine de continuer à les identifier. Personne n'a fait ce travail. Toutefois, il existe toujours l'article 35, qui reconnaît que ces gens ont toujours été là, mais que nous ne nous sommes pas occupés d'eux. C'est cela que l'arrêt Powley a changé. Il faut collaborer avec ces communautés distinctes pour établir la manière dont nous devrons nous y prendre pour identifier ces personnes aujourd'hui.

Il ne s'agit pas d'une simple auto-identification. Selon la Cour suprême du Canada, j'ai le droit de déclarer que je suis la reine de Saba, mais cela ne signifie pas que je le suis vraiment. D'après la Cour, une personne qui veut être reconnue comme appartenant à une communauté protégée par l'article 35 doit répondre aux trois critères suivants : elle doit s'identifier elle-même comme étant un Métis, établir ses liens ancestraux avec une communauté métisse distincte et être admise par cette dernière.

Le fait est que, si vous avez un ancêtre métis éloigné, mais que vous n'avez pas de lien avec une communauté métisse, c'est à cette dernière qu'il revient de prendre une décision. Vous pouvez vous identifier comme membre d'une communauté métisse, mais la réalité, c'est que c'est à cette dernière qu'il revient de décider si vous faites partie d'elle, et non pas à la personne qui l'affirme.

La difficulté, et la Cour suprême du Canada a mis le doigt dessus, est la suivante : aucun système n'a été mis en place pour déterminer qui sont réellement ces gens. De façon générale, les Métis ne possèdent aucune assise territoriale, sauf en Alberta, et dans les Territoires du Nord-Ouest, où les Métis ont été invités à participer au processus de règlement des revendications territoriales, ou mènent leurs propres négociations, dirigées par la nation métisse des Territoires du Nord-Ouest.

C'est là que le bât blesse. C'est cela qui vous pose des difficultés. Ce qui avait été prévu en 1982, c'est que cela devait faire l'objet de négociations. Nous devions discuter et régler cela, mais on ne l'a pas fait. En 1993 — et cela est mentionné dans les documents que j'ai fournis —, lorsque les négociations de Charlottetown ont repris, les Métis étaient présents, et sont parvenus à conclure une entente — l'accord relatif à la nation métisse — avec l'Ontario et les quatre provinces situées à l'ouest de celles-ci, les Territoires du Nord-Ouest et le gouvernement du Canada, entente selon laquelle nous devions entreprendre des négociations à propos de tout cela.

Cela faisait partie de l'accord de Charlottetown, mais celui-ci a été rejeté, et le processus politique s'est écroulé. Nous nous sommes adressés aux tribunaux. À mon avis, les Métis ont 20 ans de retard environ sur les Premières nations. Parfois, ils montrent la voie à suivre. Nous devons nous rappeler que, il y a 30 ans, peu de gens s'intéressaient aux traités. On disait qu'ils ne valaient pas le papier sur lequel ils étaient rédigés.

Au Canada, nous avons de la difficulté à trouver la façon de composer avec le troisième peuple autochtone. Il y a trois peuples autochtones, et l'ensemble du système que nous connaissons bien est axé sur les Premières nations, les Indiens et la Loi sur les Indiens. C'est ce que j'appelle le vortex — tout le monde se préoccupe de ce qui se passe au centre, et personne n'accorde la moindre attention à ce qui se passe en périphérie, où se trouvent les Inuits et les Métis. Bien souvent, malheureusement, on fait abstraction d'eux, ou alors, comme c'est généralement le cas, on ne sait pas comment composer avec eux.

Si vous ne savez pas quoi faire avec eux, les tribunaux, eux, le savent. Ils ont fait progresser les choses de la même manière sur cette question. Le vent a tourné — on s'occupe maintenant de bon nombre des questions touchant les Premières nations que l'on passait sous silence dans les années 1960 et 1970. Les Métis sont à présent au centre de l'attention. L'arrêt Powley a fixé les premiers paramètres en énonçant que la nation métisse n'était pas simplement un ramassis de personnes de sang-mêlé — il s'agit d'un peuple distinct et historique qui a vu le jour dans le Nord-Ouest du Canada avant que le pays ne porte ce nom.

En tant que Canadiens, nous affirmons qu'ils étaient là en premier, que nous respectons et reconnaissons cela, et que nous voulons trouver une façon de veiller à ce que ces communautés et l'ensemble des membres de ce peuple continuent d'exister.

Le hic, c'est que personne ne veut discuter avec les Métis. Comme toujours, les divers échelons se renvoient la balle : « Ne venez pas frapper à notre porte. Adressez-vous aux provinces. Nous croyons avoir aboli tous vos titres indiens, et nous traiterons avec vous en tant qu'individus. » À l'heure actuelle, il n'existe aucun processus nous permettant de régler ces problèmes.

Voici ce qui se passera. Depuis l'arrêt Powley, nous avons mené beaucoup de recherches, nous avons obtenu bien du succès devant les tribunaux et nous avons aussi essuyé certains échecs. La carte dont Mme Teillet a parlé — qui est fondée sur des recherches historiques — s'appuie sur la jurisprudence. Nous ne voyons pas de telles communautés apparaître dans l'Est du Canada. Nous nous plaisons à dire que c'est parce que nous sommes d'excellents avocats que nous continuons à obtenir gain de cause en Ontario et dans les Prairies. En réalité, la situation est différente. L'histoire le montre.

Nous sommes réunis ici aujourd'hui pour parler de ce qui nous semble être de grands enjeux naissants sur lesquels le gouvernement du Canada doit commencer à se pencher. Je vais peut-être répondre à la question au fil de nos délibérations. Le premier enjeu est celui de la compétence, et l'autre est l'affaire relative à la Manitoba Metis Federation entendue par la Cour suprême du Canada en décembre. Tout comme l'arrêt Powley a eu pour effet de mobiliser les gens et de leur faire prendre conscience du problème, cette affaire montrera qu'il y a des problèmes irrésolus dans la Fédération canadienne et que nous devons aborder les questions liées aux Métis dont nous avons en grande partie fait abstraction à ce jour.

Le sénateur Campbell : Je tiens à préciser que je ne voulais pas me montrer irrespectueux dans mes commentaires. Je comprends bien votre conception de la collectivité. Je comprends cela.

J'ai encore de la difficulté à comprendre la rupture qui s'effectue. Je comprends également le concept des trois générations. Je me demande seulement ce qui arrive aux personnes comme le sénateur St. Germain, qui a vécu tout cela; il a été identifié comme appartenant à une collectivité. Il est Métis. Qu'arrive-t-il aux personnes qui apprennent qu'ils ont un ancêtre métis?

Peuvent-elles alors être reconnues comme des Métis? Est-ce que cela revient à ce que vous dites : je me déclare Métis, puis je dois en fait être accepté par une culture, un groupe métis reconnus avant d'être accepté? Serait-ce le processus à suivre?

M. Madden : Oui.

Le sénateur Campbell : Je suis disposé à admettre que le fait d'avoir une grand-mère crie et un père de la baie d'Hudson qui était négociant ne fait pas de moi un Métis. Je comprends cela. Si je suis accepté par la communauté et qu'on reconnaît mes racines, alors suis-je Métis?

M. Madden : Oui, si vous avez des liens ancestraux avec cette communauté. Une chose qui n'a pas encore été réglée et qui pose problème aux Métis, ce sont les mesures à prendre pour mettre en œuvre les processus d'acceptation par la communauté.

Mme Teillet : Ce processus est en place dans certaines régions. Par exemple, dans une des causes — celle de Will Goodon — que nous avons défendues dans le Sud du Manitoba, il était question de l'approche suivante utilisée par la communauté : les personnes qui désirent se joindre à la communauté métisse doivent aller au Collège Saint-Boniface, qui fera leur arbre généalogique. Elles doivent ensuite le montrer à la communauté et lui dire : « Mon nom de famille, c'est Goodon, mais c'était Gaudin il y a trois générations, et mon arrière-grand-père faisait partie de la communauté. » Elles doivent se rendre dans cette petite communauté et obtenir la signature de neuf personnes attestant qu'elles connaissent cette famille et qu'elle a des origines métisses. Neuf personnes doivent attester qu'elles savent qui vous êtes ou qu'elles connaissent votre famille ou votre histoire. Voilà comment on procède là-bas.

Cela ne fonctionne pas ainsi partout.

Le sénateur Campbell : Il y a un modèle, n'est-ce pas?

Mme Teillet : Tout à fait. Il existe un moyen de faire en sorte que tout le monde se mobilise et dise : « Nous vous connaissons. »

Le président suppléant : Voilà qui est intéressant, car les revendications territoriales inuites comportaient un processus semblable d'acceptation par la communauté.

M. Madden : Voici le point à retenir : nous savons ce qu'il faut faire. Nous le savons assurément. Nous avons mis en œuvre ce processus pour les Indiens du Yukon et pour les Inuits des Territoires du Nord-Ouest dans le cadre d'accords de revendications territoriales que nous avons conclus avec eux. Personne ne l'a fait pour les Métis. En réalité, nous n'avons pas à le faire si nous choisissons de continuer à faire semblant qu'il n'y a pas de troisième peuple autochtone possédant essentiellement les mêmes droits et les mêmes protections constitutionnelles que les autres peuples autochtones. Il faut créer un processus qui nous permettra de corriger la situation. Malheureusement, la volonté politique a fait défaut, et les Métis se sont tournés vers les tribunaux pour faire avancer ces questions, tout comme l'ont fait les Premières nations et les Inuits quand la classe politique n'était pas disposée à aborder ces enjeux.

Le président suppléant : J'ai un commentaire à faire. Les Inuits se sont rendus d'une communauté à une autre pour inscrire des membres à la suite du règlement de leur revendication territoriale. J'ai été sidéré d'apprendre que, dans certaines communautés, des gens qui n'avaient aucun ancêtre inuit — et c'est un des trois points que vous avez soulignés — mais qui étaient bien appréciés ou considérés comme Inuits en raison de leur style de vie et de leur capacité de parler la langue, entre autres choses, ont en fait été inscrits dans le cadre de la revendication territoriale. Le gouvernement a autorisé pareille chose. Ils ont touché des prestations, même s'ils n'avaient aucune racine généalogique inuite. Voilà à quel point l'acceptation par la communauté était respectée dans le cadre des revendications territoriales inuites.

Le sénateur Sibbeston : Je veux remercier nos témoins, car je suis moi-même Métis, et vous avez donné les explications les plus claires que j'aie jamais entendues à ce sujet. Vous avez fait un survol des origines historiques des Métis en tant que groupe distinct des peuples autochtones des Prairies et avez bien décrit leur évolution.

J'espère qu'il y a beaucoup de Canadiens qui nous regardent. Selon moi, un exposé devrait être disponible dans les écoles de tout le pays, car il existe un malentendu au sujet des Métis. Je viens d'une importante famille métisse des Territoires du Nord-Ouest; mes ancêtres sont partis de la rivière Rouge pour aller s'établir là-bas, dans des lieux comme Fort Smith et Fort Providence. Il y a des noms de famille comme Lafferty, Mercredi, Macleod et Bouvier. Pendant un bout de temps, j'ai cru qu'un Métis était simplement le fruit de l'union entre un Blanc et un membre d'une Première nation qui crée une super race. Honnêtement, c'est ce que je croyais. Ou le fruit d'une union entre un Noir et un membre des Premières nations — j'ai des amis dans cette situation, et ce sont des gens formidables.

J'apprécie beaucoup les explications que vous avez données. Manifestement, vous avez investi beaucoup de temps et mené bien des recherches pour préparer votre exposé. Toutes les choses que vous avez dites sont absolument vraies. Dans les Territoires du Nord-Ouest, les Métis étaient favorisés et privilégiés, car c'étaient généralement des gens très compétents qui connaissaient les langues — à savoir l'anglais, le français et les langues autochtones. Ils étaient pilotes de bateau, négociants et interprètes; c'étaient tous des gens importants dans la communauté.

Je pense que c'était également un peuple errant. Si un Métis se rendait dans une autre communauté, il finissait par épouser une femme là-bas, ce qui créait un autre groupe de Métis. Voilà comment les choses se passaient dans le Nord. Toutes les communautés sont métisses, car des gens se rendaient dans une autre communauté et épousaient quelqu'un là-bas, ce qui donnait lieu à un nouveau groupe de Métis. Ce sont des gens très indépendants.

J'ai lu un livre au sujet de la région de Fort Edmonton : Buffalo Days and Nights, de Peter Erasmus. C'est un récit intéressant. Si vous voulez découvrir l'histoire des Métis, lisez ce livre. Il est question d'un jeune homme vigoureux qui travaille comme guide, qui est choisi pour mener des expéditions, qui va à la chasse aux bisons et qui côtoie des Cris et des membres d'autres Premières nations. Il se rend dans une petite localité qu'on appelait alors « Lac Ste. Anne »; là- bas, il rencontre une femme qu'il veut épouser et qui lui dit : « C'est non, car tu es trop nomade. Quand tu t'établiras, je t'épouserai. » Quelques années plus tard, il est plus disposé à s'établir. Il retourne à Lac Ste. Anne et découvre — tenez- vous bien — qu'elle avait épousé quelqu'un d'autre. Il finit par épouser une autre femme le soir même où il fait sa rencontre.

M. Madden : Ça semble très typique des Métis.

Le sénateur Sibbeston : C'est intéressant. Ma famille parle le michif. Après mes études en droit, j'ai fait des recherches sur les Métis dans le Nord. On leur délivrait des certificats. Ils donnaient le droit à chaque personne de toucher 250 $, ce qui représentait beaucoup d'argent au début des années 1920. Un vieillard a dit qu'avec cet argent, il pouvait se construire une maison, se procurer tout le nécessaire : portes, fenêtres... Et le bois, il pouvait le trouver dans les alentours. Pour 250 $, il pouvait se construire une belle maison. C'était un montant considérable. Il visait à faire disparaître le titre indien.

J'apprécie vos commentaires. Votre présence ce soir est très utile, car il y a beaucoup d'incertitude au Canada en ce qui a trait à la définition du mot « Métis ». Vous avez très bien défini et décrit ce que c'est, et la décision de la Cour suprême aidera les Métis.

À de nombreux égards, les Métis sont très indépendants, et ils ne se seraient pas établis quelque part de toute façon. Ce n'est pas le genre de gens à se regrouper ou à s'attrouper dans un endroit et à délimiter leur périmètre. Les Métis ne sont pas ainsi. En un sens, il est difficile de les décrire aujourd'hui, car ils sont très indépendants et très prospères et se sont éparpillés dans tout le pays, mais, manifestement, on a commencé à le faire. Je me réjouis de voir que ce travail a été entrepris.

Le président suppléant : Merci, sénateur. Voilà un appui enthousiaste.

Le sénateur Meredith : Merci encore de vos merveilleux exposés. Ils ont été des plus enrichissant, et j'abonde dans le même sens que le sénateur Sibbeston pour ce qui est du pouvoir qu'aurait votre exposé d'informer tout particulièrement les jeunes Canadiens de ces enjeux profonds et historiques qui doivent être réglés.

Monsieur Madden, vous avez dit que nous savons comment réaliser cela, que nous savons quels moyens prendre pour nous assurer de le faire. Ma question porte sur les organisations. Vous avez parlé de l'absence de volonté politique à cet égard.

Que faire, alors? Nous qui menons cette étude, nous voulons nous assurer d'avoir la bonne approche pour orienter la politique gouvernementale et encourager le gouvernement à modifier sa politique relative aux droits et aux revendications territoriales des Métis. Nous voulons être certains d'avoir la bonne approche. Que devons-nous faire?

M. Madden : Il doit y avoir des négociations avec les Métis au sujet de ces enjeux. Je pense que nous devons aussi continuer à laisser les Métis tenir leurs registres. Je crois que, dans la description de l'étude, vous avez parlé de dénombrement et d'enregistrement. À mon avis, il ne devrait pas être question de dénombrement. Cette mesure ne sert à rien et ne nous permettra pas de réaliser notre objectif. Nous avons besoin de registres.

La Cour suprême du Canada a établi, par ailleurs, qu'il n'était pas suffisant de s'autodéclarer métis. Les organisations ou les administrations métisses doivent se doter de systèmes objectivement vérifiables afin que les gens puissent s'y fier tout comme ils se fient aux certificats du statut d'Indien.

Je ne sais pas trop comment faire avancer le programme politique. La dernière page du document d'information que j'ai déposé montre une carte du Canada. Il s'agit seulement de mon opinion personnelle. Sénateur Sibbeston, dans les Territoires du Nord-Ouest, les Métis sont en fait inclus dans les accords sur une revendication territoriale modernes. Je parle de celui des Dénés, des Métis du Sahtu. Dans celui de Dehcho, ils participent.

Il y a une délimitation arbitraire au sud du 60e parallèle. Nous ne sommes pas censés négocier avec les Métis au sud de cette délimitation, car nous pensons que leur titre indien s'est perdu ou que nous ne sommes pas obligés de le faire.

Il faut établir un processus qui nous permettra de commencer à prendre en compte ces droits et ces intérêts. Il pourrait s'agir d'un processus propre aux Métis comme celui qui a été créé en 1993 ou en 1994 dans le cadre des négociations relatives à l'accord de Charlottetown. Quoi qu'il en soit, il doit y avoir une certaine prise de conscience concernant la nécessité de refaire une place aux Métis sur cette carte.

La carte montre les traités du présent et du passé qui ont été conclus au pays avec les Indiens et les Inuits, mais les Métis ne figurent nulle part. L'hypothèse soulevée dans Powley portait sur cette zone — en rose — visée par les traités historiques nos 8 et 6 et sur toutes ces régions que l'on voit sur la carte de Mme Teillet. La supposition est que nous avons éteint tous les droits ancestraux là-bas au moyen des traités historiques et qu'il reste seulement les droits conférés par traité.

En réalité, il y a un autre peuple autochtone là-bas — celui des Métis —, et il faut en venir à une entente avec eux également. Nous savons ce qu'il faut faire pour y arriver : il faut conclure de nouveaux accords sur une revendication territoriale. Ces ententes n'ont pas nécessairement à être identiques à celles des Premières nations, mais il faut établir un processus à cette fin.

Je serai peut-être chauve ou j'aurai peut-être les cheveux gris — ou encore plus gris, et il n'y a rien de mal à être chauve ou à avoir des cheveux gris — à ce moment-là, mais je pense que les Métis finiront par en arriver là. Au bout du compte, c'est là-dessus que tous les litiges déboucheront. Je n'accepte pas ce principe et je pense que c'est la même chose pour les Métis et pour les gens autour de cette table. Nous savons ce qu'il faut faire. L'approche n'est pas parfaite. Toutefois, nous savons comment amorcer le processus de réconciliation. Je ne pense pas qu'il soit inacceptable de dire : « Nous allons faire cela avec deux des trois peuples autochtones, mais le troisième n'est pas assez important. » Je ne crois pas que la lacune juridique qu'a évoquée la Cour suprême du Canada et qui découle de l'absence de traités négociés avec les Métis par le passé représente une solution acceptable pour les Métis au pays.

Nous avons assisté à l'audience devant la Cour suprême du Canada en décembre, et je pense que certaines observations livrées par le tribunal constituaient une certaine forme d'approbation. La Cour a même dit que le temps était venu. Le gouvernement a lentement pris conscience de cette lacune juridique. À un certain moment, la dynamique politique nous pousse de nouveau dans cette direction, et je ne sais pas si cela réglera nécessairement la question, mais les tribunaux le feront.

Je veux souligner qu'il ne s'agit pas d'une tâche impossible. Avant les années 1970, aucun traité n'avait été négocié avec les Inuits du Canada. Il faut garder cela en tête. En moins de 30 ans, nous avons conclu quatre accords sur une revendication territoriale et créé le Nunavut conjointement avec les Inuits. J'ai peut-être tort, mais je ne pense pas qu'il s'agisse d'une tâche impossible ni inenvisageable.

En Alberta, des Métis ont déjà un territoire. Le Canada est le plus grand pays du monde, et pour ce qui est de l'idée qu'un de nos peuples autochtones ne mérite tout simplement pas d'avoir un territoire, je ne crois pas que les principes du droit international ni — à un certain moment — notre droit ne permettront que l'on continue à perpétuer cela.

Le comité devrait savoir — et peut-être que Mme Teillet peut parler du cas de la Manitoba Metis Federation — qu'on avait promis aux Métis de réserver 1,4 million d'hectares de territoire pour leurs enfants, promesse qui n'a pas été tenue. Cela ressemble aux promesses non tenues qui ont été faites aux Premières nations et qui les ont amenées à comparaître 54 fois devant la Cour suprême du Canada dans le cadre d'affaires différentes, lesquelles ont souvent débouché sur la conclusion que le Canada n'avait pas tenu ses promesses. Voilà maintenant que les promesses liées aux revendications territoriales des Métis font l'objet d'audiences devant les cours supérieures. L'affaire relative à la MMF représentera la première occasion d'examiner les promesses faites non pas aux Métis en général, mais celles faites à Louis Riel en 1870 et de vérifier si elles ont été tenues.

Le sénateur Meredith : Merci de vos commentaires, monsieur Madden.

Madame Teillet, le sénateur Sibbeston vient de soulever de nouveau la question des certificats des Métis. Je me demande bien — et d'autres personnes ont posé la question — comment on peut revendiquer des droits ancestraux quand certains certificats ont été vendus ou perdus d'une façon ou d'une autre en changeant de mains. Comment peut-il être équitable de permettre à quelqu'un de se raviser et de dire : « Nous voulons finalement une part du gâteau; nous voulons notre territoire et nos droits qui viennent avec? »

Je sais qu'il s'agit d'une question épineuse.

Mme Teillet : Elle n'est pas aussi épineuse que vous le croyez. Une telle situation s'est déjà produite dans les Territoires du Nord-Ouest. Là-bas, dans le cadre du traité 11 — le sénateur Sibbeston connaît probablement mieux les faits que moi — pas du Traité 8 sous le lac, mais le traité 11 au-dessus de celui-ci... Tous les traités numérotés étaient ce qu'on appelle des « traités d'extinction complète des droits ». Nous cédions nos doits ou nous y renoncions, et, en échange, on nous garantissait le droit de pouvoir continuer à chasser et à pêcher et on nous donnait des réserves. Or, les Autochtones n'ont jamais reçu les réserves qui leur avaient été promises dans le cadre du traité 11.

Après Calder — premier arrêt de la Cour suprême du Canada qui, en 1973, a reconnu le titre ancestral non pas seulement comme une idée politique, mais plutôt comme un droit —, le Canada a reçu l'avis juridique suivant du ministère de la Justice : « Vous êtes très vulnérables, car vous ne vous êtes pas acquittés de vos obligations dans le cadre du traité 11. Vous avez pris ce que vous vouliez avoir, mais vous n'avez pas versé la compensation convenue. »

Le Canada a donc amorcé des négociations avec les divers groupes des Territoires du Nord-Ouest. La plupart de ces négociations ont été bouclées — c'est-à-dire celles avec les Gwich'in, les Sahtu et les Tlicho —, et il reste maintenant à conclure celles avec les Deh Cho. Je ne connais pas leur état d'avancement, mais c'est le dernier groupe au nord du lac. Il est question d'accords modernes sur une revendication territoriale et sur l'autonomie gouvernementale qui s'appuient sur un traité d'extinction complète des droits. Il en est ainsi parce que le gouvernement n'a pas rempli sa part du contrat à cet égard, et c'est exactement la situation que nous vivons avec les certificats de Métis.

Le gouvernement a entrepris des démarches et a obtenu ce qu'il voulait — l'extinction des droits —, mais il n'a pas veillé à ce que les Métis reçoivent la part qui leur revenait. Voilà pourquoi nous disons qu'il y a des questions non résolues là-bas, et voilà pourquoi je dis que nous devons établir une nouvelle relation.

Je dirais, monsieur le sénateur — si on ne vous l'a pas déjà dit — que la décision relative à l'affaire Daniels va bientôt être rendue. Elle est en cours d'audition à la section de première instance à l'heure actuelle. C'est celle qui consiste à déterminer si les Métis sont des Indiens au sens des lois fédérales. Voici ma prédiction : ils le sont. À mon avis, il n'y a à peu près aucune chance que...

Le sénateur Meredith : Je peux en informer les médias, n'est-ce pas?

Mme Teillet : Oui, si vous voulez, et vous viendrez me demander des comptes après, si j'ai tort.

En tant qu'avocate, je pense qu'il n'y a à peu près aucune chance que les Métis ne soient pas reconnus comme étant du ressort fédéral. Les probabilités sont tout à fait nulles. Il serait insensé que les Métis relèvent de la compétence provinciale. C'est une équation binaire.

Le sénateur Meredith : Si j'étais joueur, je parierais que vous avez raison.

Mme Teillet : C'est une équation binaire. La compétence est soit fédérale, soit provinciale. Il n'y a pas d'autres possibilités.

Je pourrais comprendre que les Métis relèvent de la compétence provinciale seulement s'ils se trouvaient tous dans la même province. Cependant, dès qu'il y a des Métis dispersés dans les Prairies et Territoires du Nord-Ouest et non pas seulement en Ontario, cela devient une question de compétence fédérale. Ils seront de votre ressort, en tant que gouvernement fédéral. Pour ce qui est de l'affaire relative à la Manitoba Metis Federation, à qui la responsabilité incombe-t-elle? À vous.

Le sénateur Raine : Et qu'en est-il de l'Alberta?

Mme Teillet : Madame le sénateur, je pense que les tribunaux nous disent depuis de nombreuses années qu'ils n'aiment pas le cloisonnement. Ils ne veulent pas déclarer qu'une chose peut être faite seulement par le gouvernement fédéral, et non pas par les provinces.

Mon opinion à ce sujet est que les tribunaux n'ont jamais établi que les provinces ne pouvaient pas prendre des mesures bénéfiques pour les Autochtones. Ils disent qu'on ne peut pas éteindre leurs droits. Qu'on ne peut pas, sans justification, brimer leurs droits. Si l'on veut faire quelque chose de bien pour eux, par exemple créer des établissements pour les Métis en Alberta, pourquoi s'agirait-il d'une violation de la compétence fédérale? On fait quelque chose de bénéfique pour eux. Je ne pense pas que les gouvernements enfreignent un principe quelconque de droit constitutionnel quand ils font la bonne chose — comme le gouvernement de l'Alberta, selon moi. Il faut lui accorder tout le mérite qui lui revient.

M. Madden : Il faut faire une distinction importante concernant l'établissement des Métis en Alberta : il n'est pas fondé sur les droits ancestraux. Ce n'est pas qu'on a reconnu là-bas que les Métis avaient des titres ancestraux et qu'on a éteint leurs droits dans la majeure partie du territoire pour leur donner de tels établissements — initialement, il y en avait 12, et maintenant, il y en a 8. L'entente était plutôt fondée sur un besoin socioéconomique : après l'effondrement des populations de bisons et après la Grande Crise, les Métis sont devenus les négociants en fourrures qu'on appelait road allowance people, car ils vivaient carrément dans des réserves routières.

En Alberta, le parti CCF — eh oui, il existait bel et bien un tel parti là-bas à cette époque —, on a essentiellement dit qu'on créerait un endroit sécuritaire où les Métis pourront vivre et continuer d'exister en tant que peuple. Mais on ne l'a pas fait à cause de la norme globale relative aux ententes au Canada ou à cause du fait qu'il s'agit de traités; on s'y est pris différemment.

Dans l'arrêt Cunningham, dont j'ai parlé plus tôt quand j'ai lu la déclaration de la Cour suprême du Canada, il était question des établissements. Personne n'a remis en question la compétence de l'Alberta à cet égard, car elle se fondait sur des impératifs socioéconomiques, mais elle n'a rien à voir avec la reconnaissance du titre indien ou métis dans les régions en question.

Je veux revenir à l'observation du sénateur Meredith. Mme Teillet a dit que, tout d'abord, les Métis n'avaient pas obtenu les avantages qui leur revenaient. Toutefois, il y a une question plus large : si les titres métis... Nous savons tous que les titres indiens ne sont pas détenus de façon individuelle. Nous savons qu'ils sont fondés sur des intérêts collectifs. Si les Métis avaient ce qu'on appelait alors un « titre indien », on ne pourrait pas éteindre leurs intérêts collectifs en négociant des ententes avec des particuliers. Le Ralliement national des Métis et les Métis des Prairies font valoir cet argument juridique depuis des années.

Je crois également que la Cour suprême du Canada est de cet avis : il s'agit d'un groupe différent sur le plan culturel, et l'on ne peut éteindre ses droits. Nous savons pourquoi il faut une résolution du conseil de bande pour autoriser la cession de toute terre de la réserve. Nous savons que, pour ratifier un traité, il faut obtenir l'aval de tout le monde. Nous n'allons pas de maison en maison pour convaincre individuellement des gens.

L'argument invoqué par les Métis, c'est que, sur le plan constitutionnel ou juridique, le certificat de Métis ne pourrait pas éteindre les titres détenus collectivement par ceux des régions visées par l'Acte des terres fédérales.

Mme Teillet : J'ai une recommandation à vous faire : si vous voulez en apprendre davantage sur le processus de délivrance des certificats de Métis et de la grande escroquerie commise tout au long de celui-ci, sachez que M. Frank Tough, de l'Université de l'Alberta, a passé des années à étudier la question. Il présente un brillant exposé dans lequel il retrace toutes les manœuvres frauduleuses employées et montre avec précision que le système dans son ensemble a été conçu pour s'assurer que les Métis ne recevront jamais la moindre parcelle de ce territoire. C'est un exposé remarquable. Je vous le recommande fortement. M. Tough est un professeur éminent et très intéressant, et vous devriez écouter son exposé si vous voulez obtenir plus de renseignements sur les certificats des Métis.

M. Madden : La Cour suprême du Canada a déjà fait des déclarations à ce sujet. Dans l'arrêt Blais, elle a qualifié le processus de délivrance des certificats de « malheureux chapitre de l'histoire de notre pays ». La question n'est pas de savoir s'il était frauduleux ou s'il privait complètement les Métis de territoire; tout le monde sait que c'était le cas. C'était d'ailleurs un effort assez concerté visant à déterminer comment nous pourrions obtenir ce que nous souhaitons sans pouvoir faire de concessions, car nous savions qu'ils ne prendraient jamais les terres au moyen du processus qu'on avait établi.

L'autre point qui me semble intéressant dans l'exposé de M. Tough, c'est le fait que nombre de grandes banques actuelles ont fini par posséder la majorité des certificats. De nombreux cabinets d'avocats en ont également profité.

Mme Teillet : Les familles les plus riches des Prairies et les églises ont fini par posséder toutes les terres.

M. Madden : Il y a eu beaucoup de spéculation, et certaines personnes des Prairies se sont enrichies, mais les Métis n'en ont pas tiré de bénéfices. Voilà une partie des faits sur lesquels on fera la lumière dans le cadre des affaires relatives à la Manitoba Metis Federation. Cela représente une autre de ces situations où l'on a fait aux Métis de la rivière Rouge une promesse en 1870 qu'on n'a jamais tenue au cours des années suivantes, que ce soit par incompétence ou à cause d'une panoplie d'autres raisons. Dans bien des cas, les Métis ont reçu un territoire en région mennonite, mais, comme ils le font habituellement, ils ont séparé les terres et toutes les familles. Comme l'a dit plus tôt Mme Teillet, la terreur régnait à cette époque, et les Métis n'ont jamais reçu les terres qu'on leur avait promises. En outre, la Cour suprême du Canada a décrit les Métis comme étant les interlocuteurs du Canada dans la négociation de l'accès à la Confédération.

Il faut également savoir que les Métis ont toujours voulu être inclus dans le Canada et qu'ils ont toujours négocié à cet égard. À mon sens, le problème est que le gouvernement n'a jamais donné suite à ses engagements afin de respecter les intérêts de ce troisième peuple autochtone.

Le sénateur Raine : À notre arrivée ici ce soir, on nous a présenté un document intitulé « Appendix 5D : Proposed Métis Nation Accord ». Est-ce seulement un projet d'accord? A-t-il été conclu?

M. Madden : Non, il faisait en fait partie de l'Accord de Charlottetown. Selon ce qu'avaient convenu les provinces, le territoire concerné et le gouvernement fédéral, l'Accord relatif à la nation métisse aurait fait partie de l'Accord de Charlottetown si celui-ci avait été adopté. Le document figure dans le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Quand on nous en a fourni une copie, on nous a dit que c'est l'entente qui aurait pris effet si l'Accord de Charlottetown avait été adopté.

Pour revenir au point soulevé par Mme Teillet concernant le fait de déterminer si les Métis sont des Indiens au sens de l'article 91.24, il est intéressant de noter qu'on considère dans cette entente que c'est le cas. Quand la situation était différente ou qu'il y avait une volonté de régler ces questions sur le plan politique, on a été en mesure de le faire. Or, cette volonté s'est manifestement dissipée après le rejet de l'Accord de Charlottetown.

Nous voulions vous présenter ce document pour vous montrer qu'il n'est pas utopique de penser qu'on peut régler ces questions. Nous devons nous rappeler que, à divers moments au cours de l'histoire du pays, les Métis sont passés à un cheveu d'être reconnus de la sorte. Nous nous battons maintenant devant les tribunaux pour essayer de forcer cette reconnaissance. Je pense que nous finirons par réussir. Quoi qu'il en soit, nous vous avons fourni ce document seulement à titre indicatif, pour vous mettre en contexte.

Le sénateur Raine : À la lecture de ce projet d'accord, je constate qu'une grande partie de son contenu correspond à ce que vous souhaiteriez encore qu'il arrive.

Pour ce qui est du dénombrement et du registre des Métis, vous êtes maintenant d'avis que la deuxième approche est utile, mais pas la première?

Mme Teillet : Non.

M. Madden : Tout à fait.

Mme Teillet : Par ailleurs, nous ne souhaitons pas que le gouvernement fédéral crée de registre comme celui relatif à la Loi sur les Indiens. Je ne pense pas que ce soit la bonne approche pour le Canada, et nous ne l'appuyons pas. À notre avis, le registre devrait être créé par la nation métisse elle-même. Si nous pouvons disposer de données fiables et vérifiables fondées sur de la documentation de qualité ainsi que de bons systèmes, de bons mécanismes d'appel et de bons processus administratifs sur lesquels le Canada et les provinces pourront s'appuyer, alors tout le monde pourra s'y fier. Cependant, il devrait appartenir aux Métis eux-mêmes de créer leurs registres. Selon moi, si le Canada le faisait, ce serait un cauchemar. Nous ferions fausse route.

Le sénateur Raine : Je comprends.

Il est question des terres et des ressources dans le document, mais comment envisagez-vous la suite des choses et la résolution du problème des terres, idéalement? Parlez-vous de communautés existantes et composées principalement de Métis qui disposeraient de titres attestant qu'ils sont propriétaires de leurs terres? À l'heure actuelle, ils vivent sur des domaines en fief simple. Est-ce que vous les collectiviseriez ou est-ce que vous ajouteriez des terres autour de leur communauté qui formeraient leur « réserve collective »? Comment cela pourrait-il fonctionner?

M. Madden : Je pense que ces questions seraient probablement tranchées par les communautés elles-mêmes. De fait, c'est au début des années 1900 que les établissements des Métis de l'Alberta ont été créés. Nous savons comment créer des territoires pour les Autochtones. Dans certaines régions, il n'est pas pratique de créer un territoire séparé, mais une des leçons cruciales que nous tirons des luttes qui ont lieu partout dans le monde, c'est qu'il est impératif pour tout peuple de posséder un territoire. Je pense qu'il doit y avoir une place pour les Métis au sein de leur territoire ancestral. À mon avis, outre pour ce qui est des huit établissements en Alberta et des processus de revendications territoriales qui se déroulent au nord du 60e parallèle, on ne peut pas dire que les Métis bénéficient actuellement d'un tel espace.

Mme Teillet : Comme je suis négociatrice de traités pour les Premières nations, je connais assez bien la question globale des terres. Nous considérons généralement que les terres servent à trois fins particulières. Premièrement, elles sont utilisées comme espace habitable, comme lieu de résidence, comme endroit où les gens peuvent construire des maisons et vivre en communauté.

Deuxièmement, nous cherchons souvent à obtenir des terres afin de protéger certains sites culturels. Le lieu historique de Batoche serait un exemple parfait du type de site culturel que les Métis pourraient vouloir protéger.

Troisièmement, les terres servent à des fins économiques en ce sens qu'elles permettent aux Métis de bâtir leur propre économie. Voilà les trois idées que nous faisons habituellement valoir dans le cadre de revendications territoriales afin de préparer le terrain pour les négociations.

Est-il nécessairement question d'un très vaste territoire? Peut-être pas. Il peut s'agir d'un site historique. Il peut s'agir d'un endroit où nous pouvons construire des logements pour les gens, car nous savons que cela représente un énorme problème pour certaines personnes. Il s'agit peut-être d'un endroit où nous voulons exploiter des terres pour renforcer notre économie. Voilà le genre d'utilisations auxquelles les gens pensent au moment de négocier un accord sur une revendication territoriale.

Le sénateur Raine : Je comprends. Toutefois, concrètement, je présume que la plupart des Métis vivent à un endroit qui n'est pas situé dans un territoire collectif et qu'ils possèdent leur propre maison là-bas.

Mme Teillet : Je ne sais pas si c'est le cas de la plupart d'entre eux. Il y a de nombreuses communautés — comme Green Lake, en Saskatchewan — où 98 p. 100 des habitants — sauf peut-être l'instituteur, le prêtre et l'infirmière — sont Métis. Seuls des Métis vivent à cet endroit. Lac La Biche, dans le Nord de l'Alberta, est une autre communauté constituée presque exclusivement de Métis.

Le sénateur Raine : Je suis au courant de l'existence de telles communautés métisses. Cependant, est-ce que les gens qui vivent là-bas possèdent leur propre maison ou est-ce qu'elle appartient à la réserve indienne? Ils n'ont pas de réserves.

Mme Teillet : Je dirai simplement ceci. Aussi loin que je peux remonter, même pour ce qui est des négociations foncières qui ont eu lieu en 1870, les Métis ont toujours voulu, en plus de posséder leurs propres terres, faire en sorte qu'ils jouissent d'une certaine protection — sans qu'elle soit nécessairement à perpétuité. Ils ne vivent pas en collectivité comme les Indiens parce que ce ne sont pas des Indiens. N'ai-je pas raison? Leur culture est différente. Nous devons examiner la question d'un autre angle. La conservation des terres en fief simple ne pose pas nécessairement problème. Ce n'est pas une difficulté insurmontable. Je ne crois pas qu'ils chercheront nécessairement à créer un territoire collectif comme ceux des réserves indiennes. Il est possible qu'ils chercheront à obtenir un domaine en fief simple dont vous pourrez peut-être conserver le titre sous-jacent, même si vous le vendez. Il y a de nombreuses façons d'examiner cette question. Nous n'avons pas à nous dire que le seul modèle possible est celui d'un territoire collectif prenant la forme d'une réserve.

Le sénateur Raine : Ou de terres en fief simple.

Mme Teillet : Tout à fait. Ils vont peut-être toutes les conserver en fief simple, comme c'est le cas des terres visées dans les revendications territoriales présentées en Colombie-Britannique.

Le sénateur Raine : Je pense qu'on pourrait plutôt utiliser l'expression « en fief complexe ».

Mme Teillet : Je ne suis pas d'accord pour qu'on utilise le terme « fief simple » pour les terres dont il est question en Colombie-Britannique, car elles ne correspondent pas à sa définition. Nous faisons déjà une chose différente. Rien ne nous empêche de faire preuve de créativité et de trouver divers moyens d'aborder ce problème. À mon avis, l'idée des terres en fief simple n'est pas la seule option. Il existe d'autres solutions.

Le sénateur Raine : Je comprends, mais cela représente une grande difficulté pour vous. J'espère que vous pourrez mettre...

Mme Teillet : J'aimerais d'abord constituer une tribune. Quand ce sera fait, je songerai à ce que nous nous penchions sur le problème des loyers élevés.

Le sénateur Raine : Ma dernière question est la suivante : certaines communautés métisses sont très faciles à localiser, mais de nombreux Métis vivent à l'extérieur de ces communautés. Comment aborderiez-vous leurs aspirations territoriales?

Mme Teillet : Nous le ferions peut-être de la même façon que dans le cas des communautés des Premières nations, car une telle situation se produit aussi là-bas. Certaines personnes vivent dans la réserve, mais la majorité d'entre elles vivent peut-être à Vancouver ou dans un lieu semblable. Elles ne vivent pas dans la réserve. Certaines n'ont pas habité là-bas depuis longtemps, mais demeurent tout de même des membres de la communauté. Ce n'est pas la bonne approche que de penser qu'il faut trouver une petite parcelle de terrain à chacun. Ce n'est pas tout le monde qui voudra s'établir là-bas.

Mes oncles et mes tantes, qui sont âgés, ne voudront pas quitter leurs maisons de St. Boniface, au Manitoba, pour aller vivre ailleurs. Je ne pense pas que nous devions nous dire qu'il faut trouver une terre pour chacun. Il y aura moyen de contourner le problème.

M. Madden : Nous avons déjà un exemple de cette situation dans les établissements métis de l'Alberta. En effet, les Métis sont représentés par la Metis Nation of Alberta quand ils vivent à l'extérieur de l'établissement et par les établissements métis eux-mêmes quand ils y vivent. Il y a constamment du mouvement entre Edmonton et les établissements.

Cela dit, pour moi, c'est vraiment la notion de lieu qui est importante. Un territoire, c'est fondamental. C'est un lieu. Mme Teillet a précisé plus tôt que les Métis avaient été rayés de la carte; les Premières nations ont certes leurs traités, mais elles ont aussi leurs réserves. Ce territoire est crucial pour protéger un endroit où les Métis pourront vivre dans l'avenir et pour s'assurer que les générations futures sauront toujours que leur communauté a vécu là-bas et qu'elle continuera à le faire. Je pense que ce territoire-là peut être envisagé avec un peu plus de souplesse, car il n'est pas nécessairement requis pour qu'on y construise des maisons ou pour que toute la communauté s'y établisse ou y vive. Toutefois, je crois que le territoire doit être une composante clé et que cette question devra être abordée quand nous créerons enfin une tribune pour les Métis.

Par ailleurs, les gens craignent que le gouvernement autonome des Métis doive être identique au régime énoncé dans la Loi sur les Indiens, mais ce n'est pas le cas. Parfois, ce n'est pas ce que souhaitent les Métis. Je pense que les Inuits, grâce à leurs accords modernes sur une revendication territoriale, ont bénéficié de la souplesse nécessaire — ainsi que des autres accords de cette nature qui ont été conclus — pour élaborer des structures gouvernementales autonomes qui répondent aux besoins des gens. Il n'y a pas de solution unique.

Le président suppléant : Sénateur Meredith, avez-vous une question brève?

Le sénateur Meredith : Vous avez parlé du registre et avez dit que sa création devrait revenir aux Métis plutôt qu'aux gouvernements. Quel rôle jouent les programmes une fois qu'on a identifié les personnes concernées? Quels services leur offrons-nous?

Mme Teillet : Cela se produit déjà au Manitoba, par exemple.

Le sénateur Meredith : Il ne serait pas nécessaire de créer des programmes additionnels ou d'autre chose du genre?

Mme Teillet : Je pense que les programmes existent déjà. Cependant, les Métis ont été exclus de certains d'entre eux.

Le sénateur Meredith : La question consiste donc à trouver comment les intégrer.

Mme Teillet : Tout à fait. Quand on connaît l'identité des personnes concernées et qu'elles savent qu'elles ont accès à ces programmes, il est facile de le faire.

Le sénateur Meredith : Voici le point central de notre étude en ce qui concerne l'accès aux programmes, entre autres choses : comment pouvons-nous veiller à ce que les Métis bénéficient de ces droits, comme les autres Premières nations?

Mme Teillet : Des organismes de tous les coins de l'Ontario et de l'Ouest du Canada dispensent déjà des programmes de santé, des programmes d'éducation, des programmes sociaux et plein d'autres programmes du genre. Je pense qu'une structure administrative est déjà en place et qu'il faudra simplement y apporter des modifications. Il est bien plus facile d'ajouter quelque chose à une structure déjà en place que d'en créer une nouvelle.

À mon avis, cela ne pose aucun problème, mais il reste tout de même à le faire.

Le président suppléant : Sénateur White, je pense que la dernière question vous revient.

Le sénateur White : Merci beaucoup. J'en ai appris plus sur l'histoire des Métis au cours des dernières heures que des 30 dernières années. Merci beaucoup.

Le président suppléant : Au nom du comité, j'aimerais dire que, comme vous l'avez souligné d'entrée de jeu, il s'agit d'un défi délicat pour nous. Les Métis sont mal compris, et leur situation est déroutante. Je peux vous assurer que vous nous avez énormément aidés à comprendre l'étude que nous venons d'amorcer.

Nous apprécions les commentaires que vous avez formulés au sujet des questions que nous devrions poser quand nous nous trouverons à Batoche, puisque nous comptons aller là-bas. Il y a au moins un autre témoin dont nous voulons être certains d'entendre le témoignage quand nous serons à Edmonton. Nous irons également en Ontario, dans la région de Sault Ste. Marie. Nous nous rendrons aussi dans d'autres régions.

Le sénateur Campbell : Nous n'irons pas au Labrador?

Le président suppléant : Il semble bien que non.

Je tiens à remercier les témoins. De toute évidence, non seulement vous êtes extrêmement compétents, mais vous êtes de véritables sommités en ce qui a trait aux questions juridiques que le sujet soulève. En outre, vous êtes manifestement passionnés par celui-ci. Nous vous sommes reconnaissants. La séance s'est étirée au-delà du temps prévu, mais cela en valait la peine.

Sur ce, je déclare que la séance est levée et je remercie tout le monde.

(La séance est levée.)


Haut de page