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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 23 - Témoignages du 28 septembre 2012


EDMONTON, le vendredi 28 septembre 2012

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 heures, pour examiner, en vue d'en faire rapport, la reconnaissance juridique et politique de l'identité des Métis du Canada.

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour et bienvenue à tous les honorables sénateurs et à ceux qui suivent cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur la chaîne CPAC ou qui sont ici présents aujourd'hui.

Je m'appelle Gerry St. Germain, je viens de la Colombie-Britannique et je suis né au Manitoba. J'ai l'honneur de présider ce comité. Nous sommes très heureux de tenir à l'extérieur d'Ottawa une série d'audiences pour établir les faits et de rencontrer des Canadiens au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta, en Colombie-Britannique et dans les Territoires du Nord-Ouest. Dans le cadre de notre voyage et de notre étude sur l'identité des Métis, nous sommes très impressionnés par l'engagement marqué des Métis et nous les remercions de leurs efforts pour témoigner devant nous aujourd'hui.

Le mandat du comité consiste à examiner les questions législatives qui concernent les peuples autochtones du Canada en général. Nous poursuivons aujourd'hui notre étude des questions relatives aux Métis, surtout en ce qui a trait à la reconnaissance juridique et politique en évolution de l'identité collective et des droits des Métis au Canada.

Les membres du comité présents aujourd'hui sont, à ma droite, le sénateur Salma Ataullahjan, de l'Ontario, et le sénateur Dyck, de la Saskatchewan, et, à ma gauche, le sénateur Greene Raine, de la Colombie-Britannique, et le sénateur Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest. Le sénateur Dyck est aussi vice-président de notre comité.

Chers collègues, avant de commencer, il faut présenter une motion pour permettre que la séance soit télévisée. Quelqu'un peut-il déposer une motion? Le sénateur Dyck? Tous ceux qui sont pour? Tous ceux qui sont contre? La motion est adoptée à l'unanimité.

Veuillez vous joindre à moi pour souhaiter la bienvenue à notre premier groupe de témoins : Aaron Barner, fonctionnaire supérieur de la direction, Métis Nation of Alberta; Lorne Gladu, premier dirigeant, Rupertsland Institute. Bonjour et bienvenue.

Messieurs les témoins, nous sommes impatients d'entendre vos exposés, qui seront suivis de questions des sénateurs.

Nous examinons l'identité, le recensement et l'enregistrement des Métis en lien avec leurs droits qui résultent de l'article 35 de la Constitution, ainsi que leurs droits éventuels d'exploiter les ressources. Nous avons diverses questions.

Nous allons commencer par vous, monsieur Barner, si vous êtes prêt. Je vous invite à rester le plus bref possible pour que les sénateurs aient le temps de poser des questions.

Aaron Barner, agent de la haute direction, Métis Nation of Alberta : Monsieur le président, honorables sénateurs, je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner ce matin.

Je m'appelle Aaron Barner. Comme vous l'avez dit, je suis fonctionnaire supérieur de la direction à la Métis Nation of Alberta, la MNA. Je suis aussi un fier Métis de l'Alberta. J'ai le plaisir d'être accompagné de Lorne Gladu, du Rupertsland Institute, une organisation affiliée à la MNA.

Tout d'abord, je vais parler un peu de l'histoire de la MNA. La MNA a été fondée en 1928 et elle s'appelait alors la Métis Association of Alberta. Toutefois, les Métis étaient présents dans la région que nous appelons désormais l'Alberta à la fin du XVIIIe siècle.

L'Alberta compte de nombreuses communautés métisses historiques, comme celles du lac La Biche, de St. Albert et de St. Paul des Métis, pour n'en nommer que quelques-unes. Ces communautés existent toujours aujourd'hui et elles fonctionnent comme des municipalités modernes, où les Métis ne sont plus seuls.

En 1938, la Métis Association of Alberta et le gouvernement de l'Alberta ont établi ensemble un territoire propre aux Métis, une stratégie visant à l'époque à les sortir de la pauvreté. L'Alberta est la seule province au Canada où les Métis ont un territoire reconnu en vertu de la loi provinciale. Il y a présentement 8 000 Métis répartis de façon assez proportionnelle dans les 18 établissements métis de la province.

Selon Statistique Canada, la population métisse de l'Alberta a doublé entre 1996 et 2006. En 2006, on dénombrait 85 000 Métis dans la province, mais nous croyons qu'il y a bien plus de 100 000 Métis de nos jours.

En général, les Métis tendent à résider en ville, selon le recensement de 2006, le dernier qui présente des données à ce chapitre. Il y a un peu moins de 30 000 Métis à Edmonton, soit 55 p. 100 de sa population autochtone.

Selon l'Enquête auprès des peuples autochtones de 2006 menée par Statistique Canada, les médecins ont diagnostiqué au moins une maladie chronique chez 56 p. 100 des Métis de la région d'Edmonton.

La MNA est le gouvernement des Métis dans la province et elle est dirigée par les 14 membres du conseil provincial élus démocratiquement par la communauté dans un scrutin provincial.

Les 14 membres du conseil provincial sont le président et le vice-président ainsi que les présidents et les vice- présidents venant des six régions de la MNA. La MNA possède un siège social à Edmonton, en Alberta, et six bureaux régionaux. Le mandat de la Métis Nation of Alberta consiste à représenter les Métis de l'Alberta, à leur donner l'occasion de participer à l'élaboration des politiques et à la prise de décisions et, surtout, à promouvoir et à faciliter l'avancement des Métis par la quête d'autonomie, d'autodétermination et d'autogestion.

Le conseil provincial de la MNA rend des comptes aux Métis durant l'assemblée générale annuelle. Cette dernière représente le pouvoir législatif des Métis et elle doit approuver les états financiers et les changements proposés aux règlements et promulguer les grandes politiques.

La MNA a mis en œuvre son propre système vérifiable et objectif d'enregistrement des Métis et elle a enregistré jusqu'à présent 45 000 Métis. En 2004, la MNA a adopté la définition des Métis établie par le Ralliement national des Métis. Cette définition figure dans nos règlements et elle concorde avec la décision Powley de 2003.

Depuis 2004, ou depuis la décision Powley, la section de l'enregistrement de la MNA a délivré plus de 22 000 numéros d'enregistrement à des Métis et elle a traité bien plus de 100 000 demandes liées à l'enregistrement.

Nous avons également deux généalogistes dans notre personnel et nous avons mis sur pied à notre siège social notre propre centre de recherche en généalogie pour aider les Métis dans le processus d'enregistrement.

La MNA fournit des services aux Métis de la province à l'aide d'organisations affiliées qui lui appartiennent entièrement. En général, la MNA s'occupe des programmes communautaires jusqu'à ce que les organisations soient assez bien établies pour devenir indépendantes.

Bien sûr, toutes ces organisations appartiennent entièrement à la MNA. Elles lui rendent des comptes à l'aide du conseil provincial, des sections, durant les réunions générales annuelles ou par l'entremise des représentants des conseils régionaux ou provincial qui siègent à leurs conseils d'administration.

Je ne vais pas aborder le mandat d'éducation, de formation et de recherche, car Lorne Gladu qui est ici présent aujourd'hui pourra en parler un peu.

Concernant le logement, la MNA fournit des services à l'aide de la Métis Urban Housing et de sa société sœur, la Métis Capital Housing. Nous avons présentement environ 850 logements dans la province.

Récemment, notre société de logement a reçu un prix international pour son dernier projet, Boyle Street Renaissance, un bâtiment dernier cri de 90 logements pour les aînés autochtones et les personnes handicapées qui est en construction au centre-ville d'Edmonton.

La MNA offre également un financement commercial et un soutien opérationnel à son établissement de crédit, Apeetogosan. Elle possède aussi le grand emplacement culturel de 512 acres Métis Crossing, où se déroulent des activités culturelles, des visites parascolaires et où se trouvent des parcours d'hébertisme et un terrain de camping.

La MNA maintient que les Métis ont le droit d'exploiter les ressources en Alberta. En 2004, après la décision Powley, le gouvernement de l'Alberta et la MNA ont conclu une entente provisoire qui permettait aux Métis d'exploiter les ressources des terres domaniales dans la province. Toutefois, en 2007, le gouvernement de l'Alberta a annulé l'entente, et la MNA devra expliquer sa position devant les tribunaux pour obtenir justice. Nous estimons que le gouvernement de l'Alberta n'a pas véritablement mis en œuvre la décision Powley. La Cour d'appel de l'Alberta a indiqué qu'elle allait commencer à entendre les plaidoyers le 7 février 2013 dans l'affaire Hirsekorn. Ce sera la première occasion pour elle d'examiner comment il faut appliquer la décision Powley dans la province.

Cependant, même si elle fait suite à des décisions récentes comme les décisions Powley, Laviolette, Belhumeur et Goodon, cette affaire est différente. Elle ne concerne pas seulement un seul exploitant ou quelques exploitants métis, mais les droits d'exploitation de tous les Métis de la province.

Cette affaire est aussi différente parce qu'il n'est pas seulement question de la région où un exploitant a été mis à l'amende. Elle porte sur la plus vaste question du droit des Métis d'exploiter les ressources dans toute la province.

Comme vous pouvez le constater, la MNA en tant que gouvernement des Métis reste déterminée à faire valoir les droits des Métis de la province. Le conseil provincial de la MNA joue un rôle important et il veille non seulement à protéger les droits des Métis, mais aussi à les promouvoir. Notre quête de justice se fonde sur l'orientation fournie par les Métis lors de l'assemblée générale annuelle de 2007 qui vise à défendre les exploitants métis et à garantir de nouveau les droits d'exploitation partout en Alberta.

Les Métis de la province sont aux prises avec le même type de problème pour ce qui est du devoir de l'État de consulter les Autochtones et de répondre à leurs besoins. La MNA appuie l'avis de la Cour suprême selon lequel l'État doit agir honorablement et consulter les Autochtones si une décision peut influencer leurs droits.

Cela dit, le gouvernement de l'Alberta ignore en grande partie son devoir de consultation des Métis. À preuve, il a une politique de consultation des Premières nations, mais il n'en a pas concernant les Métis.

Nous croyons que c'est une discrimination flagrante des droits des Autochtones, car la Constitution précise que les Métis sont un des trois peuples autochtones du Canada.

En conséquence, la MNA n'avait d'autre choix que de créer sa propre politique sur la consultation et la prise en compte des besoins, qui a été approuvée à l'unanimité lors de l'assemblée générale annuelle de la MNA en 2010.

Cette politique stipule que le gouvernement des Métis de l'Alberta est la MNA et que la MNA va offrir une consultation unique pour que l'industrie négocie avec les Métis concernés.

Par ailleurs, la MNA croit que le gouvernement fédéral doit veiller à ce qu'elle soit consultée. Le fédéral dit souvent aux promoteurs de projets sous réglementation fédérale qu'ils doivent consulter les Métis.

Or, si le gouvernement fédéral demande à l'industrie de tenir des consultations avec la MNA, il doit aussi s'assurer que la MNA peut y participer convenablement.

À l'heure actuelle, aucun employé de la MNA n'est chargé de la consultation et de la prise en compte des besoins, car contrairement aux Premières nations, le gouvernement ne lui donne pas de fonds pour la consultation.

En ce qui a trait à l'identité, il faut comprendre les réalités actuelles des Métis. En août, le taux de chômage en Alberta était faible et se situait à 4,4 p. 100. Toutefois, celui des Métis s'élevait à près de 10 p. 100.

Par rapport aux Métis, les non-Autochtones ont trois fois plus de chances de posséder un diplôme universitaire et trois fois et demie plus de chance d'avoir une maîtrise. Cependant, les revenus des quelques Métis qui détiennent un baccalauréat ou un diplôme d'études supérieures sont de 1 p. 100 plus élevés que ceux des non-Autochtones qui ont le même niveau de scolarité.

Même si ça ne semble pas beaucoup, c'est une différence énorme par rapport à la réalité générale des Métis pour ce qui est des revenus potentiels. En moyenne, un Métis qui travaille à temps plein au Canada gagne 20 p. 100 de moins qu'un non-Autochtone qui travaille à temps plein.

Je crois que la réduction de l'écart entre les revenus des Métis et ceux des non-Autochtones qui possèdent un baccalauréat ou un diplôme d'études supérieures constitue un excellent exemple de ce qui peut arriver si les Métis et le gouvernement fédéral collaborent pour soutenir les étudiants métis.

Vous savez peut-être que, grâce à la Stratégie de formation pour les compétences et l'emploi destinée aux autochtones, la SFCEA, de RHDCC et aux stratégies précédentes comme l'Entente sur le développement des ressources humaines autochtones, les organisations des Métis peuvent fournir des livres, assumer des frais de scolarité et verser des allocations aux Métis qui effectuent leur dernière année à temps plein dans un programme de baccalauréat de quatre ans.

Comme tous les groupes autochtones au pays, nous avons une entente liée à la SFCEA. Nous accordons aussi des fonds pour divers établissements postsecondaires dont Lorne Gladu va sans doute parler plus tard, mais il faut faire plus. Comme vous pouvez le constater, le programme de la SFCEA est assez restrictif et il n'offre un soutien que pour la dernière année universitaire.

Nous croyons que les Métis doivent profiter d'un accès accru aux fonds d'éducation. Le gouvernement fédéral doit nous inclure dans les programmes d'éducation offerts aux Premières nations et aux Inuits ou créer un programme moins restrictif que la SFCEA qui bénéficie de fonds suffisants pour appuyer les étudiants métis tout au long de leur parcours scolaire.

De plus, compte tenu des inégalités de revenus auxquelles les Métis sont confrontés en général, le fédéral doit aussi chercher à alléger le fardeau des Métis qui ont terminé des études postsecondaires et qui ont contracté des prêts étudiants. Il faut permettre aux Métis d'accéder à un programme de réduction ou d'annulation de la dette étudiante jusqu'à ce qu'ils puissent gagner autant d'argent que les autres Canadiens.

Comme l'ont sans doute indiqué tous ceux qui ont témoigné devant le comité, les Métis payent de l'impôt. Je crois que le rendement du capital investi par le gouvernement du Canada et par la MNA va permettre de combler l'écart de revenus entre les Métis et les autres Canadiens.

Pour étayer ce point, j'ajoute que selon une étude menée en 2009 par le Centre d'étude sur les niveaux de vie du Canada, combler l'écart socioéconomique des Métis aurait des retombées fiscales de l'ordre de 115 milliards de dollars sur 20 ans pour le gouvernement.

À mon avis, c'est une occasion qui va se perdre si les gouvernements fédéral et provinciaux n'améliorent pas leurs relations de gouvernement à gouvernement avec la MNA et les quatre autres organes de gouvernance du Ralliement national des Métis.

La santé et le mieux-être sont les pierres angulaires des collectivités prospères. Cet automne, la MNA publiera un rapport sur l'état de santé de la population métisse de l'Alberta. Il s'agit du premier rapport sur les maladies chroniques produit d'après des données objectives et vérifiables tirées du registre sur la population de la Métis Nation of Alberta et des dossiers des autorités sanitaires de l'Alberta.

Comme on l'avait prédit, les conclusions du rapport indiquent que les Métis sont généralement en moins bonne santé que les populations non autochtones, et ce, à bien des égards. Par exemple, la prévalence de diabète est plus élevée de 68 p. 100 chez les Métis. Pour ce qui est des maladies cardiaques et des accidents cérébrovasculaires, on parle de 49 et de 34 p. 100 respectivement. La prévalence d'hypertension est également plus élevée de 32 p. 100 chez les Métis. On recense par ailleurs 16 p. 100 plus de blessures, 23 p. 100 plus de maladies respiratoires, 22 p. 100 plus de troubles de l'humeur et 34 p. 100 plus de troubles neurologiques.

Ces conclusions sont à prendre au sérieux, car de piètres conditions de vie sont synonymes d'une population de moins en moins en santé, de problèmes d'alphabétisation et d'une diminution du taux de rétention scolaire. Cette accumulation de facteurs a tendance à exacerber d'autres déterminants sociaux, notamment le potentiel de gains, comme on l'a mentionné plus tôt. Il faut tisser des liens et élaborer des stratégies pour composer efficacement avec les réalités du peuple métis en Alberta. Les Métis doivent faire partie des priorités du gouvernement fédéral. Il est inacceptable que les Métis soient exclus des initiatives fédérales qui portent sur la santé des Autochtones.

Aujourd'hui, la MNA a eu la possibilité de soumettre les données requises pour entreprendre l'élaboration de solutions appropriées sur le plan culturel et qui reconnaissent les droits du peuple métis, comme le prévoit la Constitution canadienne.

J'ai déjà lu quelque part que la croissance de la population au sein de la nation métisse avait l'effet d'un tsunami sur notre culture. Eh bien, en tant qu'agent de la haute direction de la Métis Nation of Alberta, je peux vous dire que notre association a l'impression d'être un minuscule village qui est sur le point d'être englouti par ce tsunami.

Nous avons besoin de plus de ressources, et nous en avons besoin maintenant. Pas demain, ni dans dix ans, et nous ne voulons pas de promesses; nous voulons des mesures concrètes.

On vient de nous informer que le financement que nous recevons du gouvernement fédéral allait être réduit de 10 p. 100 dans les années à venir. Il s'agit d'une diminution d'environ 46 000 $, ce qui signifie que je vais vraisemblablement devoir retrancher un salaire ou un salaire et demi de mon effectif.

Je demande finalement au comité de faire tout ce qui est en son pouvoir pour limiter les réductions à venir dans le financement des organisations autochtones au Canada. Nous subissons non seulement d'énormes pressions fiscales vu l'augmentation de nos dépenses de fonctionnement, mais le nombre de personnes que nous avons le mandat de servir croît aussi à un rythme encore jamais vu.

Notre peuple paie des impôts fédéraux, et nous devons obtenir une part équitable de ces revenus pour être en mesure de répondre adéquatement aux besoins de notre collectivité.

Merci de m'avoir accordé de votre temps. Je serai disposé à répondre à vos questions après l'exposé de Lorne Gladu.

Lorne Gladu, premier dirigeant, Rupertsland Institute : Bonjour, je m'appelle Lorne Gladu. Je suis le premier dirigeant du Rupertsland Institute, du Metis Centre of Excellence.

Il s'agit du plus récent groupe affilié à la Métis Nation of Alberta; il a été créé en 2010. C'est une entité considérée comme une société à but non lucratif selon l'article 9 de l'Alberta Companies Act, et elle appartient entièrement à la Métis Nation of Alberta, qui en est l'unique actionnaire.

Si j'ai bien compris, le comité a déjà entendu les présidents national et provincial de la Métis Nation et du Ralliement national des Métis, entre autres, qui lui ont parlé du fondement de l'identité métisse. Vous avez notamment parlé à notre président, et vous avez bien sûr entendu aujourd'hui mon collègue de la Métis Nation of Alberta.

Je n'ai donc rien à ajouter à cet égard, et je ne veux pas répéter ce qu'ont dit plus tôt ces deux témoins au comité. J'aimerais toutefois parler de l'un des mandats du comité en ce qui a trait aux programmes et aux services.

Le Rupertsland Institute est une organisation qui a été créée par la Métis Nation of Alberta pour offrir à la collectivité métisse toute une gamme de services liés à l'éducation, à la formation et à la recherche.

Quand nous traitons avec notre clientèle, c'est-à-dire les étudiants et les personnes en quête de formation qui sollicitent nos services, la question de l'identité entre souvent en ligne de compte. J'aimerais vous expliquer brièvement ce que cela signifie. Mais juste avant, je vais vous présenter rapidement le Rupertsland Institute et ses objectifs.

Notre mandat porte sur l'éducation. Au moment de sa création, en 2010, l'institut avait le mandat de favoriser les études postsecondaires. Toutefois, le 1er avril de cette année, on a élargi notre portefeuille pour y inclure aussi des activités touchant de la maternelle à la douzième année.

De plus, nous offrons des programmes de formation dans le cadre des initiatives nationales mises de l'avant d'abord pour la Stratégie de développement des ressources humaines autochtones, lancée en 1996, puis pour les stratégies autochtones 1 et 2, de 1999 à 2010, et la plus récente, la Stratégie pour les compétences et l'emploi des Autochtones, lancée en octobre 2010.

Dans le cadre de la stratégie que finance en grande partie Développement des ressources humaines Canada, nous offrons des services aux quelque 85 000 Métis qui habitent actuellement dans la province, et de ce nombre, certains font aussi appel à nos services d'emploi, offerts un peu partout dans la province. Nous offrons un soutien financier annuel à environ 800 étudiants; ce nombre peut varier de plus ou moins 50 étudiants chaque année.

Pour ce qui est de la recherche, nous avons conclu un protocole d'entente en 2007 avec l'Université de l'Alberta. C'était important pour nous de nous acquitter de ce mandat, et, pour ce faire, nous voulions non seulement miser sur notre conseil provincial, mais aussi sur un établissement postsecondaire de renom dans le domaine de la recherche universitaire. Nous avons ainsi conclu un protocole d'entente avec l'Université de l'Alberta, qui était très intéressée à établir un partenariat avec nous. Ce protocole d'entente nous permettait non seulement de créer un centre d'excellence pour les Métis, ce que nous sommes aujourd'hui, mais aussi de mettre en place un centre d'études dans un établissement académique comme l'université, où seraient entreprises des recherches axées sur la collectivité métisse.

Il a fallu quatre ans pour franchir les étapes du processus de gouvernance de l'université, mais nous avons aujourd'hui le Rupertsland Centre for Metis Research. Le centre est dirigé par un conseil exécutif de 10 membres; six ont été nommés par l'Université de l'Alberta et quatre par le Rupertsland Institute, dont notre président et moi-même, en ma qualité de premier dirigeant.

Nous nommons aussi deux autres personnes pour siéger au conseil de recherche, qui a le mandat de guider le directeur de la recherche du Rupertsland Centre for Metis Research.

Le directeur de la recherche a été désigné par l'Université de l'Alberta, et un professeur de la faculté des études autochtones se consacre à temps partiel à la supervision du Rupertsland Centre for Metis Research.

Le gouvernement de l'Alberta, par l'entremise d'Alberta Advanced Education, s'est montré très intéressé à appuyer cette initiative et a offert de financer le volet administratif du Rupertsland Centre.

Si je ne m'abuse, il s'agit d'un engagement de trois ans qu'a pris le gouvernement de l'Alberta pour financer l'établissement et l'exécution des fonctions administratives du Rupertsland Centre For Metis Research, qui consistent notamment à solliciter des subventions fédérales par l'entremise du fonds des sciences sociales et des ressources humaines. Ce financement nous permettrait de nous acquitter de notre mandat en ce qui a trait à la recherche.

Pour ce qui est de nos programmes et services, l'identité métisse entre en ligne de compte pour deux choses distinctes dont j'aimerais vous parler. Nous avons une formule nationale de financement appelée le Modèle national d'affectation des ressources pour les Autochtones (le MNARA); d'autres témoins vous en ont peut-être parlé d'ailleurs. Cette formule s'appuie sur les données sur la population autochtone, et dans ce cas-ci sur neuf indicateurs socioéconomiques.

Là où l'identité métisse entre en jeu, c'est que les clients qui sollicitent nos services de formation et de formation pour un emploi doivent se déclarer comme Métis pour y avoir accès. C'est primordial, évidemment.

Ce qui complique les choses, c'est que la formule nationale de financement, le MNARA, se fonde sur les données du recensement de 1996. Ce sont ces statistiques qui servent à l'évaluation des neuf indicateurs socioéconomiques, malgré le fait que les recensements de 2001 et de 2006 ont depuis été publiés, et donc que d'autres données sont disponibles depuis au moins dix ans. Le modèle national d'affectation des ressources continue néanmoins d'être fondé sur les données de 1996, même si on sait qu'il y a eu une hausse de 43 p. 100 de la population métisse. Je crois qu'entre 204 000 et 292 000 répondants se sont déclarés comme Métis dans la province en 2001.

À l'instar des autres provinces, l'Alberta a elle aussi enregistré une hausse de population. Comme vous le savez sans doute, c'est en Alberta qu'on trouve la plus importante population métisse au pays. On s'attendrait donc à ce que les formules nationales d'affectation des ressources l'avantagent à cet égard.

Si on avait appliqué les données des recensements de 2001 et de 2006 au modèle national d'attributions, par exemple, le financement annuel accordé aux organisations métisses de l'Alberta aurait pu grimper jusqu'à un million de dollars pour 2005, 2004 et 2006.

Quoi qu'il en soit, j'ignore s'il y a une décision politique derrière cela, mais il demeure que ce sont les données du recensement de 1996 qui servent au modèle d'attribution des ressources.

Nous étions prêts à passer à 2001. Quand nous avons entrepris nos négociations avec Ressources humaines et Développement des compétences Canada, nous avons évidemment fait valoir que les données du recensement de 2001 à 2006 devraient être appliquées, pour ensuite laisser les choses suivre leur cours en ce qui a trait à l'attribution des ressources, non seulement aux provinces, mais dans ce cas-ci aussi aux organisations métisses de l'Alberta.

Comme vous le savez, le recensement vise à identifier, classifier, administrer et catégoriser les citoyens de ce pays, et j'aimerais à ce sujet reprendre les paroles d'un de nos collègues à l'Université de l'Alberta, qui a fait quelques recherches à cet égard. Dans l'une de ses études, il indique que l'influence de cet outil scientifique proéminent n'a pas seulement pour effet de normaliser l'idée que l'État canadien se fait de ce qu'est un Métis, mais aussi de présenter des données démographiques qui sont vivement contestées par les organisations politiques telles que nos organisations représentatives nationales et nos organisations politiques régionales, ce qui peut s'avérer destructeur pour les résultats finaux.

Dans le cas qui nous occupe, nous n'avons pas pu voir quels auraient été les résultats finaux avec les données du recensement de 2001 pour ce qui est du financement des organisations métisses de l'Alberta à partir de 2006.

L'accès à nos services peut également poser des difficultés. Nous avons 10 centres de services à l'emploi situés aux quatre coins de la province. Beaucoup de nos clients font toutefois appel à notre centre de services d'Edmonton, où se trouve la plus importante population métisse au Canada.

On demande aux clients de se déclarer comme Métis, mais évidemment, nous ne pouvons compter que sur leur bonne foi pour déterminer s'ils sont admissibles ou non à recevoir nos services. Nous leur posons des questions sur leur généalogie. Règle générale, le conseiller en emploi va demander au client de lui parler brièvement de ses antécédents généalogiques, entre autres choses.

Toutefois, vous le savez, les Métis du pays ne sont pas tous faits à partir du même moule, et il peut être assez difficile parfois de juger uniquement par l'apparence physique si la personne assise devant vous est véritablement d'appartenance métisse. Elle pourrait tout aussi bien être non autochtone ou membre des Premières nations, mais comme la politique actuelle veut que la déclaration du client suffit à lui donner accès aux services, cela devient problématique.

Comme je l'indiquais tout à l'heure, 800 personnes bénéficient de nos services à l'heure actuelle. Ces personnes reçoivent du financement pour poursuivre leurs études collégiales ou universitaires ou encore pour suivre une formation professionnelle d'une durée maximale de 52 semaines.

De plus, nous avons établi des chaires d'études un peu partout dans la province. Nous en avons neuf en ce moment. Je n'en ai pas autant parlé que mon collègue l'avait laissé entendre, mais je pourrais vous expliquer brièvement comment cela se rattache à notre partenariat avec les établissements postsecondaires de la province.

Jusqu'à maintenant, nous avons établi neuf chaires d'études dans la province, principalement grâce aux fonds que nous verse RHDCC par l'entremise de la SCEA, la Stratégie de formation pour les compétences et l'emploi destinée aux Autochtones.

Ce ne fut pas chose facile pour nous. Nous avons rencontré différents obstacles au fil des ans où a été mise en œuvre la Stratégie de développement des ressources humaines autochtones. Il a d'abord fallu du temps pour que le gouvernement fédéral, en l'occurrence RHDCC, accepte que nous engagions des fonds fédéraux dans des activités de formation de compétence provinciale.

Dans les faits, le gouvernement fédéral, le ministère dans ce cas-ci, a décidé, pendant 10 ou 12 ans, de fermer les yeux et de nous laisser financer la dernière année de collège ou d'université.

Nous tenions tellement à ce qu'il officialise la situation que nous avons demandé et obtenu l'insertion, dans notre accord, d'une clause autorisant ouvertement ce financement. Nous pouvions donc annoncer à la communauté la mise à notre disposition d'une certaine enveloppe que nous pouvions réserver à l'éducation postsecondaire, en général la dernière année de collège ou d'université.

Bien sûr, certains de nos étudiants sont en première, deuxième ou troisième année de collège ou d'université. Ils continuent de nous demander notre aide et, comme nous ne pouvions pas vraiment les aider avec les fonds fédéraux affectés à la formation, nous avons négocié avec RHDCC l'inclusion d'une clause, dans l'accord, pour nous autoriser à créer des dotations.

Sur 79 accords comme le nôtre signés un peu partout au pays, seulement 5 possèdent cette clause. RHDCC a appelé cette clause la « clause des Métis ».

Partout au pays, nos conseils d'établissement constitués de cinq membres pouvaient donc créer des dotations à l'aide de fonds fédéraux, avec les établissements d'éducation postsecondaire. Dans notre région, en Alberta, cela nous a permis de faire des propositions aux établissements. Le premier auquel nous nous sommes adressés a été l'Université MacEwan, ici, à Edmonton. De manière générale, il s'agissait d'obtenir des fonds de contrepartie, un dollar pour un dollar. Bref, l'Université MacEwan a fini par accepter de proposer nos fonds au gouvernement de la province, qui avait créé le Fonds Access to the Future et l'avait doté à hauteur de 1 milliard de dollars pour expressément faciliter l'accès à l'éducation postsecondaire.

Seuls les établissements d'éducation postsecondaire peuvent profiter de ce fonds. En nouant des partenariats avec des établissements d'éducation postsecondaire qui ont accès à ce fonds et en y allant de notre propre mise de fonds, nous permettons à ces établissements d'obtenir un montant égal de la province.

Pour notre première dotation, nous avons fourni 1 million de dollars à l'Université MacEwan. L'université a obtenu un montant égal du Fonds Access to the Future, puis, forts de l'expérience, nous avons approché d'autres établissements importants d'éducation postsecondaire, notamment l'Université de l'Alberta où nous avons maintenant une dotation de 4 millions de dollars établie précisément pour les étudiants métis. Nous avons ainsi procédé avec sept établissements. Nous avons commencé en 2008 et, actuellement, nous collaborons avec l'Université de Calgary. Nous sommes à la veille d'annoncer la mise sur pied d'une autre dotation à cet endroit la neuvième en existence, pour un total de 14 millions de dollars dans lesquels notre part se chiffre à 7 millions.

Notre objectif, bien sûr, est de nous adresser aux autres établissements postsecondaires de la province. Il y en a 26. Dans la mesure du possible, nous allons tenter de nous adresser aux plus importants. C'est par là que nous avons commencé. Nous nous adresserons certainement aux petits établissements, y compris les écoles polytechniques comme le Southern Alberta Institute of Technology (SAIT), dans le sud de la province, parce que nous avons déjà un établissement homologue dans le nord, le NAIT.

Notre objectif, pour 2015, c'est de disposer, pour les étudiants métis, de dotations totalisant 20 millions. Bien sûr, pour en revenir à la question d'identité, les demandeurs de bourses à ces dotations qui s'adressent aux services aux étudiants de ces établissements sont tenus de s'identifier comme Métis, et, bien sûr, pour les comités de sélection qui fournissent ce service et les responsables des bourses, l'examen des demandes n'est pas du tout cuit.

Pour le moment, je n'en dirai pas plus. Je crois que le Sénat a des questions. Je m'arrête donc pour y répondre avec le concours de mes collègues. Merci.

Le président : Merci messieurs pour vos exposés. Je pense que la première étape, c'est l'identité. Si on ne peut pas s'identifier, il y a un problème.

Le sénateur Dyck : Merci pour vos exposés. Tous les deux, vous nous avez beaucoup appris. Par où commencer? Je constate d'abord qu'il y a visiblement différentes définitions de « Métis » selon qu'il s'agit de la SFCEA ou qu'on essaie de s'inscrire à un programme d'éducation postsecondaire. Je tiens à vous complimenter des initiatives que vous avez prises pour les dotations destinées à financer l'éducation postsecondaire. Si j'étais étudiante, est-ce que, après m'être adressée à la personne compétente et m'être identifiée comme Métisse, j'aurais d'autres conditions à remplir pour profiter de ces fonds pour l'éducation postsecondaire ou devrais-je également produire une carte de membre de la nation métisse de l'Alberta? Quelles sont les mécanismes actuellement prévus? Sont-ils suffisants ou bien devraient-ils être plus rigoureux? Quelle définition devrait être en vigueur?

M. Gladu : Je vous remercie de vos questions. D'abord, oui, les demandeurs de ces bourses doivent s'identifier comme Métis.

À chaque dotation correspond un mandat. En outre, l'accord dont elle fait l'objet explicite la nécessité, pour le demandeur, de montrer ses liens avec la communauté métisse. C'est une exigence générale qui, dans les détails, peut différer de celle des autres accords. Chaque établissement avec qui nous avons négocié une dotation doit, bien sûr, jouer un rôle très important dans les résultats finaux que l'accord permet d'obtenir.

En général, ces accords, tout en étant semblables, diffèrent. C'est pourquoi on demande aux demandeurs de décrire leurs rapports avec la communauté métisse et pas seulement de s'identifier comme Métis. On leur demande donc de rédiger une espèce de dissertation sur ce sujet. Je pense que, en général, les comités de sélection en place doivent se servir de ces renseignements.

Je pense que vous vouliez également savoir si nous pouvions demander plus que la présentation de la carte de membre de la MNA. Eh bien, parce qu'il s'agit de fonds fédéraux, RHDCC ne nous autorise pas à demander l'adhésion à cette association. Essentiellement, il suffit donc, dans le programme fédéral, pour accéder à nos services, de simplement s'auto-identifier comme Métis au sens des accords avec ce ministère.

À l'échelon provincial, nous allons un peu plus loin, et notre personnel de services, nos conseillers en matière d'emploi et ceux qui font directement affaire avec les demandeurs qui se présentent à eux dans le cadre du processus d'assistance en matière d'emploi leur poseront des questions sur leur famille, leur origine, ce genre de renseignements.

En général, ces renseignements suffisent, parce que la communauté métisse est vraiment petite, quand on y pense bien, et, en général, les renseignements que ces personnes donnent sur leur origine, leurs racines, leur famille nous disent bien si elles sont effectivement métisses.

Le sénateur Dyck : J'aimerais savoir. Vous avez dit que, parce qu'il s'agissait d'un programme fédéral, vous deviez faire avec ce que l'accord autorisait. Et cet accord, c'est entre le gouvernement fédéral et qui? Par exemple, le programme en vertu de la SFCEA, ce serait un accord entre le gouvernement fédéral et qui?

M. Gladu : Eh bien, jusqu'en octobre 2010, depuis le premier accord conclu en mai 1996, ce fut toujours la Métis Nation of Alberta. Mais, maintenant qu'on a créé l'institut Rupertsland, on l'a délégué comme signataire de l'accord, et, dans cette mesure, les mêmes paramètres et critères s'appliquent.

Le sénateur Dyck : Est-il possible que l'on modifie les critères d'identification comme Métis, à l'avenir, ou bien êtes- vous obligés de vous en tenir à l'idée d'auto-identification? Vous avez l'air d'appliquer d'autres critères qui ne sont pas directement nommés. Je me demande si vous vous exposez à des contestations. Nous avons entendu dire, en Saskatchewan, que des gens se prétendent Métis, sans l'être vraiment; ils n'ont aucun lien avec la communauté. Certains menacent même d'invoquer une atteinte aux droits de la personne si on ne les accepte pas.

La question d'identité peut être contestée par le demandeur à moins qu'elle ne soit clairement mentionnée quelque part.

M. Gladu : Jusqu'ici, elle a fait très peu de vagues. En général, les demandeurs qui contestent invoquent d'autres éléments que l'identité.

En fait, sur l'ensemble de nos boursiers, dont le nombre, je l'ai dit, s'élevait à 800, à la cinquantaine près, le nombre d'appels, par exemple, pour contester une demande refusée représente moins de 1 p. 100, annuellement. En fait, l'année dernière, sur nos 811 boursiers, je pense que nous dénombrons 2 appels.

Le président : Quel est le processus d'appel? Qui rend les décisions?

M. Gladu : En fait, la décision relève de la haute direction de notre programme. Les personnes qui interjettent appel font affaire avec le personnel de nos centres d'emploi, qui est réparti dans les régions.

Comme notre siège social ne s'occupe pas directement des clients, notre haute direction n'en voit jamais. En fait, nous ne voyons jamais les personnes qui participent aux projets, à leur élaboration, à ce genre de choses.

Tous les rapports entre nous et un demandeur se situent généralement à l'échelon de l'appel, et, comme j'ai dit, très peu de personnes interjettent appel en tout cas. Le cas échéant, c'est en général au service du programme et non à notre niveau que ça se règle.

Jusqu'ici, je dirais que nous avons agréé la moitié des appels. Cependant, le nombre d'appels dont nous sommes saisis est si petit qu'il occupe très peu le temps de la haute direction.

Le sénateur Sibbeston : Monsieur Barner, nous entendons parler de Métis, ailleurs, au pays, qui, essentiellement, n'ont pas de terres. Ici, en Alberta, il existe un certain nombre de colonies métisses. J'aimerais savoir à quel point c'est important pour l'existence des Métis et pour la prospérité et les avantages dont jouit le peuple métis.

M. Barner : Je répondrai en premier. Lorne pourra peut-être terminer, il a probablement quelque chose à dire, lui aussi.

Comme je l'ai dit, dans mon exposé, d'après les chiffres les plus récents que j'ai vus, les huit établissements métis comptent environ 8 000 membres répartis à peu près également entre eux.

Je sais que ces établissements, créés pendant le mandat du premier ministre Aberhart, visaient à soulager la pauvreté des Métis. Que, aujourd'hui encore, certains de ces établissements affrontent des problèmes semblables à ceux qui se posent dans le gros de la population métisse, le chômage, les problèmes de ce genre. Je ne sais pas exactement comment ils s'en tirent ni à quoi ressemble leur économie. J'en sais peu, mais M. Gladu a peut-être des remarques à ajouter.

M. Gladu : Toute reconnaissance de la propriété foncière des Métis est bien sûr très importante pour la nation métisse, en Alberta particulièrement, où le gouvernement de la province a offert 1,25 million d'acres réservées pour les Métis, à titre individuel, dont la population de base, dans les établissements, se chiffre à 8 000.

Le gouvernement de l'Alberta a ainsi établi, d'après moi, un exemple parfait à suivre par les autres provinces. Si on pouvait négocier la même chose dans les provinces, cela voudrait dire que les propriétaires auraient accès à la ressource que cela représente, c'est-à-dire la terre elle-même et les minéraux qui peuvent se trouver dans le territoire des établissements métis de la province.

Je ne prétends pas être un spécialiste du domaine, et je suppose que vous allez parler des établissements métis plus tard aujourd'hui. J'espère que les responsables pourront répondre à cette question beaucoup mieux que nous le pouvons, mais un fait est sûr, cette possession offre des possibilités de développement économique.

En ce moment même, l'Alberta traverse une période d'euphorie dans la mise en valeur des ressources, et, dans une forte mesure, à cause de cela et des négociations en cours, certains établissements profitent des possibilités d'emploi et de celles de passer des marchés et d'exploiter des entreprises.

Ils ont conclu avec la province un accord de partage des ressources, fondé sur une notion dont le nom m'échappe, qui leur permet de négocier un certain accès à ces ressources, ce qui a des retombées énormes pour les habitants de ces communautés.

Le sénateur Sibbeston : Vous piquez ma curiosité. Il me semble que pour la survie d'un peuple, un territoire, des terres sont indispensables. Je connais notre histoire, au Canada. Il y a l'histoire des réserves, chez les Premières nations. Si elles se trouvent dans une région nantie en ressources ou à proximité d'autoroutes ou de grandes villes, elles ont de bonnes chances d'en profiter. Certaines d'entre elles ont très bien réussi.

Toutefois, dans les régions reculées, sans ressources, une certaine apathie s'est installée. On entend parler de réserves qui, dans notre pays, souffrent vraiment d'apathie et de beaucoup de problèmes sociaux.

Pour les Métis de l'Alberta, est-ce que l'élargissement de leur assise territoriale fait partie de leurs projets futurs? Les Métis de notre pays pensent-ils, un peu comme les Juifs du monde entier pour Israël, que leur existence et leur survie passent par le fait d'avoir une patrie? Ou sont-ils relativement satisfaits de vivre à Edmonton et dans d'autres régions de la province? Les Métis croient-ils qu'une patrie est indispensable pour assurer leur survie?

M. Barner : C'est une question très délicate, mais je crois que les Métis ont toujours considéré le Nord-Ouest historique comme leur patrie, qu'il s'agisse d'Edmonton ou de Winnipeg.

Certaines collectivités à dominante métisse, comme Marlboro et Conklin, ne sont toujours pas considérées comme des établissements métis en vertu des lois provinciales. Comme je l'ai mentionné, près de 30 000 Métis vivent à Edmonton, mais ils se rendent parfois ailleurs dans la province pour exercer leurs droits. Leurs ancêtres avaient l'habitude de suivre les troupeaux de bisons. Ils peuvent donc aller dans d'autres régions pour exercer leur droit de récolte.

Le sénateur Raine : Merci beaucoup. Je dois dire que notre étude est très intéressante et que la question de l'identité en est une très complexe. Plus on creuse le sujet, plus on se rend compte de sa complexité. Au bout du compte, je crois qu'il faut se demander pourquoi il faut déterminer l'appartenance d'une personne à un groupe. Quel est le but? Lorsque des programmes sont réservés à certaines personnes, ou que certains établissements ont, par exemple, des places réservées à des Autochtones ou des Métis, la question de l'admissibilité devient très limitée.

Cela étant dit, il ne faut aucun doute que si vous avez des liens avec la communauté métisse et qu'elle vous accepte, et que vous vous considérez comme un Métis, même si vous ne répondez pas à certains critères, si vos ancêtres ne se sont pas arrêtés, par exemple, dans la vallée de la rivière Rouge dans leur périple vers l'Ouest, vous n'y avez donc pas de racines généalogiques, mais votre famille et vous avez vécu dans des collectivités métisses et êtes Métis depuis de nombreuses générations. Ainsi, on voit qu'en appliquant les critères pour établir le statut de Métis, on peut causer beaucoup de torts si on ne fait pas attention.

Cela étant dit encore une fois, je pense que nous sommes tous conscients qu'il sera nécessaire en fin de compte d'avoir une pièce d'identité, que l'on peut transporter avec soi, pour confirmer le statut de Métis.

J'aimerais simplement savoir si l'Institut Rupertsland et le centre de généalogie de la MNA éprouvent de la difficulté parfois à déterminer si une personne est métisse?

M. Barner : La question de l'identité est intéressante. Vous avez soulevé d'excellents points, notamment lorsque vous avez parlé des besoins de l'être humain et du fait que l'identité en fait partie intégrante.

Les années 1996 à 2006 ont été une période très importante pour la nation métisse. Comme M. Gladu l'a mentionné, le premier accord en vertu de l'ARDA date de 1996, notre accord de formation vers l'emploi, et au cours des 10 premières années de cet accord, le nombre de Métis à s'auto-identifier dans la province a doublé. Les besoins évoluent. Les gens reviennent au sein de la communauté lorsqu'ils ont une raison de le faire.

En ce qui a trait au travail de notre service de généalogie et des difficultés que nous avons, je crois pouvoir affirmer que nous avons le meilleur service de généalogie et le meilleur registre des Métis au Canada. Je crois que c'est après l'arrêt Powley que nous avons connu la hausse la plus importante du nombre d'inscriptions au registre. On peut produire l'information pour retracer les racines familiales et vérifier le tout de manière objective.

Mais vous savez quoi? Certaines personnes ont éprouvé des difficultés. Il est arrivé, par exemple, que des personnes n'étaient pas en mesure de se procurer un acte de naissance détaillé, ou qu'elles avaient perdu leur acte de baptême, ou d'autres problèmes du genre, alors nous avons parfois ce genre de problèmes. Toutefois, dans l'ensemble, le processus enclenché en 2004 s'est beaucoup simplifié au fil du temps, et nous avons maintenant un centre de recherche et des ressources à notre bureau central pour aider les intéressés à s'inscrire au registre.

Le sénateur Raine : Croyez-vous pouvoir dire un jour que le registre est complet? Il se fait beaucoup de travail à l'heure actuelle. Tous font des efforts colossaux, les familles, le personnel, tout le monde.

M. Barner : En fait, un élément que j'ai remarqué en quelque sorte, et que d'autres personnes au sein de la MNA savaient sans doute déjà, mais cela m'a sauté aux yeux lorsque nous avons effectué l'étude sur la santé dont je vous ai parlé, et Statistique Canada le dit, c'est le fait que la population métisse est très jeune. Toutefois, lorsqu'on examine le registre, la balance penche du côté des gens âgés, car lorsqu'un enfant naît, il n'y a pas vraiment d'incitation à l'inscrire immédiatement, n'est-ce pas? Souvent, ce qui se passe, c'est que les jeunes viennent au sein de la communauté lorsque c'est le temps de voter ou lorsqu'ils pensent par exemple à poursuivre leurs études au niveau postsecondaire et qu'ils veulent devenir autonomes et obtenir leur carte.

L'un des processus que nous avons, si une personne dans la famille a un arbre généalogique vérifiable, c'est de lui demander de signer une autorisation. Disons par exemple que ma sœur ou une autre personne veut faire partie de mon arbre généalogique, je peux lui signer une autorisation. C'est plus rapide en quelque sorte pour elle que d'avoir à passer par toutes les étapes.

Le sénateur Raine : Lorsqu'un membre de la famille a pu établir son arbre généalogique, ses descendants peuvent y être reliés directement.

M. Barner : On doit faire preuve quand même de diligence raisonnable et bien vérifier tous les documents, car il se produit parfois des choses bizarres. Nous voulons nous assurer que tous les gens qui se sont inscrits à partir de 2004 sont vraiment des Métis.

Le sénateur Raine : Est-ce qu'il vous est arrivé au sein de la MNA de rencontrer des gens qui disent avoir la citoyenneté métisse et qui vous présentent une carte qui n'est pas reconnue en quelque sorte? Y a-t-il des cartes en circulation que vous ne reconnaissez pas?

M. Barner : Eh bien, l'idée est que tous les membres dirigeants de la Colombie-Britannique à l'Ontario, le Ralliement national des Métis, suivent la même procédure en respectant la définition historique prévue dans l'arrêt Powley. Toutefois, lorsqu'ils viennent dans notre province, il faut exercer la diligence voulue.

Il y a différentes organisations, comme la Métis Nation of Canada. Je ne sais pas qui sont ses membres; je ne sais pas par qui les dirigeants sont élus, mais je sais qu'ils vendent des cartes. Pour moi, cela ne fait pas partie de notre philosophie.

Un problème que nous voyons concerne le projet de loi C-31, et une partie de notre processus d'inscription au registre est le fait de soumettre un lot au registre d'inscription d'AADNC, et de veiller à ce que les noms ne figurent pas déjà sur les listes des bandes ou que les membres ne sont pas des Indiens inscrits au Canada.

M. Gladu : Puis-je ajouter quelque chose à sa réponse? Je pense que M. Barner a mentionné un peu plus tôt que la MNA compte 45 000 membres inscrits. Si on regarde les données du recensement de 2001, il y avait 85 000 Métis dans la province, 45 000 membres représentent donc aujourd'hui plus de 50 p. 100 de ce nombre.

Selon ce que disent les statistiques, environ 40 p. 100 des membres de notre communauté sont des jeunes de moins de 16 ans, et ceux-ci ne peuvent pas être membres de la MNA. Ils représentent 40 p. 100 de la population métisse; 45 000, c'est plus en fait que 50 p. 100 de la population. Il y a donc en réalité un écart de 10 p. 100 dans le nombre de ceux qui pourraient faire une demande pour devenir membres de notre organisation.

Cela ne veut pas nécessairement dire qu'il y a des problèmes notamment du côté des recherches généalogiques.

Le sénateur Ataullahjan : Nous avons entendu quelques commentaires au sujet de la santé des Métis, et vous nous avez présenté quelques statistiques. Le diabète atteint presque des proportions d'épidémie.

Qu'en est-il de la santé maternelle et infantile? Avez-vous des statistiques à ce sujet?

M. Barner : Je n'ai pas ces renseignements avec moi et je ne veux pas vous induire en erreur en vous donnant des données de mémoire, mais si vous êtes prêts à accepter que je vous transmette l'information par écrit, je serai heureux de le faire.

Le sénateur Ataullahjan : Les Métis sont-ils sensibilisés d'une manière ou d'une autre à l'incidence du diabète et des troubles cardiaques? Prend-on des mesures pour s'assurer qu'ils sont au courant?

M. Barner : Nous recevions autrefois des fonds pour lutter contre le diabète, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui.

Comme je l'ai mentionné, au niveau fédéral, la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits exclut catégoriquement les Métis de ses programmes. De plus, le programme de l'ONSA dans le cadre duquel on effectuait de la recherche sur la santé des Métis a été aboli dernièrement.

Au niveau provincial, nous effectuons des recherches sur l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation fœtale, et nous espérons que le fruit de nos recherches dans ce rapport encouragera le gouvernement à collaborer avec nous pour combler le fossé qui nous sépare du reste de la population en matière de santé.

Le sénateur Dyck : Monsieur Gladu, vous avez parlé de la formule de financement du Modèle national d'affectation des ressources pour les Autochtones, ou quelque chose du genre, et vous avez dit que cela créait des problèmes. Avez- vous des recommandations à faire au comité pour remédier à ces problèmes?

M. Gladu : Je recommanderais au comité d'insister auprès du gouvernement fédéral pour qu'il utilise les données du recensement de 2006 ou du plus récent recensement au moment d'appliquer la formule de financement national pour, dans ce cas, le Modèle national d'affectation des ressources pour les Autochtones.

Le président : Nos analystes se posent une question. Les cartes de récolte sont-elles en train de déclencher une crise identitaire au sein de la MNA?

M. Barner : La MNA n'a pas... nous avons une politique en matière de récolte et un conseil de la récolte, mais je ne crois pas que nous ayons des cartes de récolte.

Le président : Vous n'avez pas de cartes de récolte? Vous ne les exigez pas?

M. Barner : Notre politique précise qui a droit de récolter et la procédure à suivre, mais nous n'avons pas de cartes de récolte.

Le président : Comment les agents de conservation savent-ils qui vous êtes?

M. Barner : À la MNA, nous croyons que le droit de récolte s'applique à tous les citoyens de la Métis Nation of Alberta.

M. Gladu : Lorsque les agents abordent un Métis qui chasse quelque part dans la province, il doit présenter sa carte de membre de la MNA.

Le sénateur Raine : Lorsqu'un agent de conservation aborde un Métis qui chasse et que celui-ci lui montre sa carte de Métis, est-ce que ce sont les mêmes règlements qui s'appliquent, ou est-ce qu'il peut récolter plus que sa part de gibier, par exemple, ou chasser à l'extérieur de la saison et faire fi des lois albertaines?

M. Gladu : À l'heure actuelle, je crois comprendre que le gouvernement de l'Alberta ne reconnaît pas la politique de récolte qui avait été acceptée il y a quelques années par le gouvernement de la province. Les autorités provinciales ont depuis annulé cette politique en vertu de laquelle les Métis devaient présenter leur carte de membres de la MNA et cela suffisait. Elles ont depuis annulé cette politique, annulé la décision, et depuis, à ce que je sache, les Métis qui s'adonnent à la récolte à un endroit ou un autre dans la province doivent respecter les lois provinciales qui s'appliquent à l'activité en question.

Le président : Merci, messieurs, de vos exposés.

Chers collègues, nous passons maintenant à l'exposé de Mme Catherine Bell, qui est professeure. Ce sont des gens formidables.

Catherine Bell, professeure de droit, à titre personnel : Vous venez de me mettre à l'aise.

Le président : J'ai vu des gens dans la salle acquiescer de la tête. Vous connaissez bien la procédure. Je vous demanderais donc d'être aussi concise que possible, car je sais qu'il y aura beaucoup de questions.

Mme Bell : Merci, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité, de m'avoir invitée à comparaître. Je vous prie d'excuser mon retard.

Mes propos porteront essentiellement sur la loi canadienne et son application à l'identité juridique des Métis et à l'exercice des droits constitutionnels autochtones en vertu de l'article 35. Toutefois, avant de commencer, j'aimerais me situer rapidement par rapport aux autres témoins qui ont comparu devant vous.

Il est très important pour moi de préciser que je ne suis pas métisse, que je ne suis pas membre d'un gouvernement métis, et que je ne suis pas une employée du gouvernement provincial ou fédéral. J'ai toutefois eu l'occasion et le plaisir de travailler avec tous ces groupes au cours des 25 ou 30 dernières années, y compris les établissements métis depuis leur origine et les négociations, et je serai donc très heureuse de répondre à vos questions, si je peux, dans ce dossier.

Il importe de souligner également que je ne parle pas au nom de l'une ou l'autre de ces organisations. De plus, j'ai pris le temps de lire la transcription des audiences, et je dois vous dire que mon analyse de la loi, telle qu'elle s'applique aux Métis, appuie fermement les arguments qui vous ont été présentés par la Métis Nation of Canada et ses divers représentants politiques et juridiques au sujet des droits constitutionnels des Métis, mais que mon interprétation du paragraphe 35(2) de la Loi constitutionnelle diffère de la leur en ce que la mienne inclut les collectivités qui s'auto- identifient comme étant métisses et sont distinctes de celles de leurs ancêtres indigènes et européens qui ne peuvent établir de liens ancestraux avec la nation métisse historique ou son territoire.

Certains juristes métis, avocats, et la nation métisse ont toujours été respectueusement en désaccord avec moi sur ce point. Nous continuons toutefois de nous serrer la main et demeurons des amis.

Cela étant dit, le fondement historique des droits potentiels en vertu de l'article 35 des collectivités contemporaines qui s'auto-identifient comme étant métisses mais ne répondent pas aux critères énoncés dans l'arrêt Powley repose sans doute sur leurs ancêtres inuits ou des Premières nations plutôt que sur leur identité distincte en tant que collectivités métisses historiques. Cela vient compliquer encore davantage la question de l'identification et de la reconnaissance des droits dans le cadre des programmes fédéraux et provinciaux, certains prétendant que ces groupes ne sont pas de vrais Métis, mais plutôt des Indiens non inscrits ou des Inuits, malgré le fait que dans certains cas, ils ont une longue histoire sociopolitique d'auto-identification au peuple métis.

Compte tenu de la complexité des questions dont nous traitons aujourd'hui et du fait que nous voulons consacrer le plus de temps possible aux questions, je vais citer cinq points clés et m'attarder un peu sur le deuxième en raison de l'intérêt suscité dans les délibérations de ce matin par les établissements métis.

Je passe maintenant à la page 2 de mon document, où je décris les cinq points principaux.

Premièrement, il existe une distinction entre la reconnaissance à titre de Métis en vertu du paragraphe 35(2), lequel définit ce qu'on entend par « peuples autochtones du Canada », et la reconnaissance à titre de Métis ayant des liens ancestraux avec une communauté métisse historique et accepté par sa collectivité actuelle en lien direct avec une telle communauté. Je m'explique : les Métis des collectivités actuelles possèdent peut-être des droits issus de motifs historiques différents.

Deuxièmement, lorsqu'on se penche sur les droits constitutionnels des Métis de l'Alberta, il faut tenir compte des obligations juridiques et morales envers les membres des établissements métis et leur gouvernement en raison de la portée juridique et du programme améliorateur du Métis Settlements Accord de 1989 ainsi que des lois adoptées à ce chapitre.

Troisièmement, les ambiguïtés de l'arrêt Powley sur les limites géographiques définissant un territoire métis — Jean Teillet et Jason Madden ont abordé la question dans leur témoignage — et sur l'existence d'une communauté historique ont entraîné des interprétations juridiques et des réactions politiques diamétralement opposées en ce qui concerne la reconnaissance et la portée géographique des droits conférés aux Métis et à leurs communautés en vertu de l'article 35. Et je voudrais vous citer peut-être l'exemple le plus flagrant de réaction politique : le gouvernement albertain élu en 2006 a modifié radicalement sa politique en matière de droits de récolte des Métis.

Quatrièmement, les droits de récolte des Métis ont été interprétés étroitement et d'une façon qui est, selon moi, contraire à l'inclusion des Métis en vertu de l'article 35 et de l'arrêt Powley. Les Métis ont donc été exclus des initiatives visant à concilier les droits autochtones avec les intérêts des autres citoyens canadiens ou ont été autorisés à y participer symboliquement. Par initiative, on entend les revendications territoriales auprès du gouvernement fédéral ainsi que la consultation, la négociation et l'accommodement lorsqu'il s'agit de déterminer les répercussions éventuelles de la mise en valeur des ressources et des autres activités de l'État sur les droits constitutionnels existants et éventuels des Autochtones. Les droits régissant la participation des Métis au processus de consultation varient d'une province à l'autre. Certaines autorisent leur participation alors que d'autres, notamment l'Alberta, la restreignent considérablement.

Enfin, cinquièmement, il est impérieux d'établir un mécanisme de règlement des différends indépendant et impartial afin de s'attaquer aux impasses dans les négociations entre d'une part les gouvernements métis démocratiquement élus, comme le Conseil général des établissements métis, la Nation métisse du Canada et la Métis Nation of Alberta, et d'autre part le Congrès des peuples autochtones.

Cela étant dit, je voudrais passer à la page 4 de mon mémoire pour aborder brièvement les établissements métis et l'Alberta.

Lorsqu'il s'agit des droits constitutionnels des Métis en Alberta, il faut tenir compte des obligations juridiques et morales particulières aux établissements métis, conformément à la décision de la Cour provinciale dans l'affaire R c. Lizotte, à la récente décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire R c. Cunningham et à la décision de la Cour d'appel du Manitoba dans l'affaire présentée par la Fédération des Métis du Manitoba, décision dont on a interjeté appel devant la Cour suprême du Canada.

Je pourrais commenter ces affaires et leurs répercussions sur les droits constitutionnels des Métis, mais j'en resterai là. Vous pourrez lire le mémoire que je vous ai remis pour savoir ce que j'en pense. Vous aurez peut-être beaucoup de questions à me poser sur les cinq points que je vous ai exposés.

Le président : Si mes collègues le permettent, je poserai la première question. Dans le premier de vos cinq points, vos arguments sont en contradiction avec ceux de certains autres témoins.

Mme Bell : J'en conviens.

Le président : Pouvez-vous me dire comment vous appellerez ces communautés qui ont leur langue, leurs coutumes et leur identité dans un territoire géographique bien défini, si vous ne reconnaissez pas la patrie de la nation métisse? Pourriez-vous nous donner des exemples précis?

Mme Bell : Je vous donne volontiers deux exemples, mais je dois auparavant apporter une correction. Je reconnais la patrie métisse. En fait, j'adhère à la position adoptée dans l'affaire Goodon, c'est-à-dire que la nation métisse a des droits distincts en vertu de la Constitution.

J'essaie simplement de faire valoir qu'il existe maintenant des groupes se déclarant métis qui font remonter leur origine après la mainmise effective des Européens sur leur territoire, sans pouvoir prouver leur appartenance à la nation métisse.

Les tribunaux ont reconnu notamment le droit constitutionnel des Métis du Labrador à participer au processus de consultation. Par contre, certains feraient valoir qu'ils ne sont pas véritablement des Métis parce qu'ils descendent des Inuits du sud du Labrador. Cependant, pendant de nombreuses années, ils se sont déclarés métis, et je suis d'avis qu'ils possèdent des droits constitutionnels qui ne sont cependant pas fondés sur leurs caractéristiques historiques distinctes de Métis, mais plutôt sur leur ascendance inuite.

Le président : Est-ce qu'il ne s'agit pas des mêmes personnes qui ne veulent plus être appelées des Métis?

Mme Bell : Ils se sont déclarés Autochtones et Métis. La Cour suprême du Canada a établi qu'ils peuvent le faire dans la mesure où ils sont en mesure de prouver avoir des droits autochtones qu'ils peuvent faire valoir de manière crédible. Voilà.

D'après moi, les personnes qui se déclarent métisses aujourd'hui ne répondent peut-être pas aux critères établis en la matière.

Je vous donne un autre exemple : les établissements métis en Alberta. Dans ces établissements métis, la vaste majorité des gens peuvent établir leur ascendance métisse, leur appartenance historique à la nation métisse. Par contre, certains ne sont pas Métis, mais le deviendraient s'ils se prévalaient des dispositions du projet de loi C-31. Cependant, ils sont reconnus comme étant des Métis parce que le Métis Settlements Act de l'Alberta constitue un programme améliorateur. Ils ne peuvent certes pas être assujettis à la définition établie dans l'arrêt Powley. En fait, certaines des terres réservées aux Métis étaient déjà occupées par des personnes pouvant établir leur ascendance métisse.

Néanmoins, ce ne sont pas toutes ces terres qui ont été choisies à cette fin. Certaines l'ont été parce qu'elles sont propices à l'agriculture.

Par conséquent, cela pose problème si nous essayons d'appliquer vigoureusement les critères établis dans l'arrêt Powley à toutes les personnes qui se déclarent métisses aujourd'hui.

Cela étant dit, je suis tout à fait d'accord avec le Ralliement national des Métis qui fait valoir que ses membres ont des droits distincts en fonction de leur histoire et de leur territoire.

Le président : Je ne contesterai pas vos arguments. Je veux simplement signaler que les membres du groupe du Labrador ne veulent pas être considérés comme des Métis, ce qui me déconcerte un peu, mais nous obtiendrons ultérieurement des éclaircissements sur cette question.

Mme Bell : Oui, et je voudrais vous faire remarquer que je ne fais que citer les dispositions de la loi sur l'identité. Je n'ai pas pris connaissance des témoignages de leurs représentants.

Le président : Vous pourriez être fort surprise.

Mme Bell : Je n'en doute effectivement pas.

Le sénateur Sibbeston : Madame Bell, vous connaissez bien les lois qui s'appliquent aux Métis et les droits qu'ils possèdent. Les Métis finiront-ils par relever du paragraphe 91(24)?

Mme Bell : Le paragraphe 91(24) est très complexe. En fait, il a même fait l'objet d'une conférence tenue par la Commission du droit du Canada il y a quelques années.

D'après moi, le paragraphe confère deux pouvoirs : légiférer sur les Indiens et légiférer sur les terres réservées aux Indiens.

Or, le gouvernement fédéral s'en est toujours tenu à son pouvoir de légiférer sur les terres réservées aux Indiens. Si nous examinons l'interprétation du paragraphe 91(24), le terme « Indien » englobe les Métis et tous les peuples autochtones du Canada.

Cependant, les gouvernements provinciaux ont presque assumé une partie de ce pouvoir depuis toujours. Par conséquent, si les tribunaux devaient trancher aujourd'hui, j'estime qu'ils établiraient que les deux ordres de gouvernement sont compétents, étant donné que le gouvernement fédéral a dans les faits accepté ce partage et que les gouvernements provinciaux ont dû assumer ce rôle.

En théorie cependant, je suis d'accord moi aussi que le paragraphe 91(24) englobe les Métis.

Le sénateur Dyck : Je vous remercie de votre exposé. Cette semaine, nous sommes en déplacement. Hier, nous avons tenu une séance en Saskatchewan. Nous avons alors entendu le témoignage d'une femme qui pouvait établir que ses ancêtres habitaient au Québec et qu'elle ne pouvait donc pas être considérée comme une Métisse. Vous faites donc valoir que l'arrêt Powley est peut-être trop rigoureux?

Mme Bell : Effectivement.

Le sénateur Dyck : Il faut naturellement une certaine rigueur. Il faut un juste milieu entre le manque de rigueur et la rigueur excessive. Cette personne n'était pas reconnue comme une Métisse.

Votre définition juridique de Métis engloberait-elle cette personne?

Mme Bell : Oui. Ce que je n'ai peut-être pas réussi à énoncer clairement, et je m'en excuse, mais il s'agit, comme nous le savons, de questions très compliquées...

Voici où je veux en venir précisément : nous reconnaissons comme Métis les personnes qui se déclarent comme telles aujourd'hui et depuis assez longtemps en prouvant qu'elles n'ont pas d'ascendance autochtone. Cependant, leurs droits juridiques auront une source tout à fait différente.

Le sénateur Dyck : Je comprends. Dans le cas de cette personne, sa famille vivait dans la région de Duck Lake depuis des décennies, depuis au moins 40 ou 50 ans, sinon plus.

Vous prétendez donc qu'elle n'est pas considérée comme une Métisse en raison de la définition juridique, alors que c'est le cas contraire avec la définition sociopolitique.

Mme Bell : Effectivement, mais il existe une solution juridique pour qu'elle soit considérée comme une Métisse. Ce ne serait cependant pas en raison de son appartenance à une collectivité métisse distincte, mais en raison de son appartenance historique à une collectivité ancestrale autochtone.

Les personnes qui se déclarent métisses aujourd'hui ont donc des droits dont la source est différente.

Le sénateur Dyck : Vous faites allusion aux communautés actuelles et aux personnes qui y vivent.

Mme Bell : C'est exact.

Le sénateur Dyck : C'est pourquoi je ne m'y retrouve plus.

Mme Bell : On s'y perd effectivement.

Le sénateur Dyck : Selon vous, les descendants des mariages entre les colons originaires des îles Orcades et des Indiennes ne sont pas des Métis aux termes de l'arrêt Powley? Nous nous sommes rendus à Cross Lake, où la plupart des habitants sont des descendants des colons des Orcades en Écosse, à l'exception de quelques-uns ayant des ancêtres anglais. Les descendants de ces mariages sont-ils des Métis aux termes de cet arrêt?

Mme Bell : L'arrêt Powley met l'accent sur les caractéristiques distinctes des collectivités métisses. Je vous répondrais donc qu'ils sont en partie des Métis.

Ils ont établi cette distinction à titre de membres des communautés actuelles. Sur le plan historique cependant, ils ne peuvent prouver leur appartenance. Toutefois, ils pourraient établir qu'ils sont d'ascendance autochtone.

Le sénateur Raine : Je ne pense pas que ce soit le cas, parce que ces personnes peuvent établir leur ascendance jusqu'à la période... Ils ne viennent peut-être pas de la vallée de la rivière Rouge, mais ce sont des descendants de colons européens, qui se sont mariés avec des Autochtones et ont adopté le mode de vie des Métis.

Mme Bell : Je vous remercie de m'avoir corrigée. Je ne suis pas au fait de leur histoire. Cependant, s'ils peuvent vraiment établir qu'ils appartiennent à une communauté métisse distincte avant la mainmise effective des Européens sur le territoire, ils répondraient alors aux critères établis dans l'arrêt Powley.

Le sénateur Raine : Par conséquent, les négociants en fourrures de la baie d'Hudson qui se sont mariés avec des femmes autochtones avaient des ancêtres qui ont travaillé pour la Compagnie de la Baie d'Hudson bien avant la fondation du Canada.

Mme Bell : Il faudra alors se demander s'il s'agissait d'une communauté ou plutôt de quelques personnes qui se sont déclarées métisses avant la mainmise effective des Européens sur le territoire? S'il y avait une communauté avant cette mainmise effective, ces personnes répondraient aux critères de l'arrêt Powley. Je vous remercie de m'avoir corrigée.

Le sénateur Dyck : Ils habitaient autour du poste de traite des fourrures.

Mme Bell : Il s'agirait alors d'une communauté.

Le sénateur Dyck : On parle de l'ensemble du bassin du fleuve Churchill. Il s'agirait donc d'une communauté.

Mme Bell : Oui.

Le sénateur Dyck : Cependant, ils ne sont peut-être pas déclarés comme « Métis » en utilisant ce terme, qui est apparu ultérieurement.

Mme Bell : Ce qui vient compliquer le tout.

Le président : Ils se considéraient alors comme des Bois-Brûlés. C'était l'expression employée là où j'ai grandi. On nous appelait les Bois-Brûlés, mais nous avons mené le combat alors qu'ils semblent avoir accepté cette expression pour les décrire comme peuple.

Mme Bell : Oui.

Le président : Initialement ils s'occupaient certes du commerce des fourrures et du développement dans la région de York Factory.

Mme Bell : Ce qui leur permettrait de satisfaire aux critères établis dans l'arrêt Powley. Je ne suis pas au fait des données historiques de cette région. Je vous remercie d'éclairer ma lanterne.

Le sénateur Raine : Auriez-vous l'amabilité de nous donner votre avis sur les répercussions du projet de loi C-31 sur le statut de Métis? Nous avons tenu des séances dans le Nord, et certains Métis m'ont laissé clairement entendre que j'étais toujours un Métis, mais que j'en avais perdu le statut parce que j'avais besoin d'aide pour des motifs médicaux, entre autres. Ils abandonnent le statut de Métis pour des raisons économiques.

Peut-on alors parler de Métis?

Mme Bell : Ma réponse comporte deux volets. J'aborderai tout d'abord l'affaire Cunningham et les établissements métis en Alberta.

Un problème se pose parce que ces établissements peuvent exclure des personnes qui ont présenté une demande en vertu du projet de loi C-31 et qui possèdent le statut d'Indien. Il convient alors de se demander si cette exclusion est contraire aux dispositions de la Charte sur l'égalité, soit l'article 15.

Selon la Cour suprême du Canada, les établissements métis doivent être en mesure de continuer à désigner leurs membres comme Métis qui se distinguent des autres Autochtones et qui possèdent l'autonomie gouvernementale, ce qui les autorise donc à exclure les Indiens inscrits. La Cour suprême a établi que cela constitue un programme améliorateur et permet de reconnaitre les Métis comme un peuple distinct aux fins de la Constitution.

Nous devons sortir des établissements métis de l'Alberta pour analyser ce qui se passe là où il n'y a pas de régime législatif ayant un objet améliorateur clair par rapport aux objectifs de la Constitution. À l'extérieur de ce contexte, je crois que la question est beaucoup plus complexe et il faut reconnaître que, à toute fin pratique, les Métis ont été exclus de nombreux programmes. Ils peuvent certes présenter des demandes pour bénéficier de ces programmes, mais cela ne change en rien la façon dont ils s'identifient socialement, culturellement ou politiquement.

Je crois qu'il est très possible d'être citoyen de plus d'un gouvernement. Par exemple, certaines personnes ont à la fois la citoyenneté canadienne et la citoyenneté britannique. Ce qu'il faut éviter, c'est que les gens courent deux lièvres en même temps.

Le sénateur Raine : Il faudrait donc permettre la double citoyenneté.

Mme Bell : Absolument.

Le sénateur Raine : Mais vous ne pouvez pas cumuler les avantages.

Mme Bell : Absolument.

Le sénateur Ataullahjan : Je regarde le mémoire que vous nous avez remis. À la page 2, au numéro 5, vous dites qu'il est urgent d'établir un mécanisme impartial...

Mme Bell : Oui.

Le sénateur Ataullahjan : Puis, à la page 10, vous indiquez que la reconnaissance des droits des Métis continue de dépendre de la volonté politique changeante du gouvernement.

Mme Bell : Oui.

Le sénateur Ataullahjan : Alors si on règle un aspect, comment les deux peuvent-ils concorder?

Mme Bell : Ce que j'ai observé, c'est que nous débattons de certaines questions fondamentales depuis très longtemps, et nous n'avons pas réussi à nous entendre. Nous parlons de certaines de ces questions aujourd'hui.

Encore une fois, qui sont les Métis? Il me paraît très problématique que nous ne puissions nous entendre sur certaines questions essentielles comme celles-là. Je crois donc que la solution repose peut-être sur l'établissement d'un processus, qui soit équitable et que toutes les parties respectent.

La commission des relations de travail est un exemple intéressant, en ce sens que le patronat nomme une personne, le syndicat en nomme une autre, ils s'entendent sur le choix d'une personne impartiale et ils essaient de régler le litige. Je crois que ce qu'il faut vraiment, c'est un mécanisme équitable de règlement des litiges.

Je ne dis pas que le gouvernement fédéral ou les gouvernements provinciaux ont agi de mauvaise foi. La loi dans ce domaine est très complexe et peut être interprétée de bien des façons différentes, et les intérêts en jeu sont nombreux.

Toutefois, on se trouve dans une situation où les gouvernements, qui sont concernés en raison des ressources qui doivent être investies, prennent les décisions sur les questions fondamentales, et c'est ce que nous avons toujours eu, par exemple, pour ce qui est des revendications particulières des Premières nations. Celles-ci devaient présenter leurs demandes au gouvernement fédéral, et c'est lui qui décidait si la revendication était fondée ou non et, dans ce dernier cas, la Première nation devait s'adresser aux tribunaux, ce qui est très coûteux.

Ce sont donc des communautés qui investissent toutes leurs ressources financières dans le règlement des litiges. Aucune entente n'est jamais conclue et il faut s'adresser à la Cour suprême. Je crois que nous avons vraiment besoin d'un processus équitable.

Le président : Proposez-vous la mise sur pied d'un tribunal comme celui chargé des revendications particulières?

Mme Bell : Peut-être quelque chose de semblable. Toutefois, je ne nommerais pas nécessairement des juges pour rendre les décisions. Je dirais que la collectivité visée par le litige devrait pouvoir choisir la personne qu'elle juge compétente en la matière. Le gouvernement visé par le litige choisirait lui aussi son expert, et il y aurait une personne indépendante que les deux parties conviendraient de nommer. Toutefois, si aucune entente n'est possible, alors la cour pourrait intervenir pour nommer cette personne impartiale.

Ce n'est pas nécessairement le même modèle, mais, effectivement, monsieur, je crois qu'un tribunal serait très utile.

Le sénateur Dyck : Une autre question sur le même sujet. On nous a dit à Île-à-la-Crosse — je ne sais pas si on nous l'a dit ailleurs — qu'il pourrait s'agir d'une table, d'une table des affaires métisses où les parties intéressées seraient réunies pour négocier, afin d'en arriver à une entente avant de s'adresser aux tribunaux.

Les gens à Île-à-la-Crosse nous ont dit qu'ils étaient prêts à en parler si toutes les parties intéressées pouvaient être réunies à une table, où elles pourraient discuter, négocier et voir s'il est possible d'en arriver à une entente. Serait-ce le type de règlement que vous envisageriez?

Mme Bell : Oui, mais j'ajouterais que, s'il est impossible d'en arriver à une entente par ce processus, la cour n'est pas le seul endroit où l'on pourrait s'adresser, qu'il pourrait y avoir un organisme impartial puisque vous parlez, je crois, d'un processus de négociation avec plusieurs intervenants.

Si les gens ne peuvent s'entendre en suivant ce processus, à quelle autre instance doit-on s'adresser?

Le sénateur Dyck : Ce serait le tribunal.

Mme Bell : Exactement. Quelque chose comme un tribunal, comme le président l'a proposé. Au fil des années, il m'apparaît essentiel d'avoir une approche axée sur un processus, puisque nous sommes apparemment incapables de nous entendre sur bon nombre de ces questions fondamentales.

Le sénateur Dyck : On tourne toujours en rond.

Mme Bell : Oui, on tourne toujours en rond.

Le président : La jeune femme à ma droite me demande de vous demander de nous dire brièvement ce que vous pensez de l'affaire Hirsekorn, qui apparemment est renvoyée devant la Cour d'appel de l'Alberta.

Mme Bell : Je crois que l'argumentation présentée par la nation métisse dans ce cas est une juste interprétation de la loi. Lorsque l'affaire sera entendue par la cour d'appel, j'espère que celle-ci va conclure que la politique actuelle de l'Alberta en matière de récolte est trop étroite.

Cela étant dit, même si je crois que la politique originale en matière de récolte était plus sensible à la réalité de la nation métisse, de ses terres et de ses expériences en Alberta, les consultations ont été insuffisantes et on n'a pas tenu suffisamment compte des droits des peuples visés par un traité.

Cela fait ressortir le fait que les revendications commencent à se recouper et qu'il faut, je le répète, un processus équitable. Dans l'affaire Hirsekorn, ce sont les Pieds-Noirs qui interviennent, parce qu'ils s'inquiètent qu'une interprétation des droits des Métis qui soulève la question du droit de chasser pour se nourrir dans le sud de l'Alberta n'interfère avec les droits qui leur sont conférés par un traité et, à mon avis, il y a certaines inquiétudes légitimes qui doivent être aplanies. Toutefois, je ne suis pas certaine qu'on doive aplanir ces inquiétudes en niant les droits des Métis. Peu importe ce que la cour d'appel dit, je crois que cette affaire sera renvoyée à la Cour suprême.

Le président : En Saskatchewan, on semble avoir tiré un trait : tout va bien dans le nord, mais pas dans le sud.

Mme Bell : Oui.

Le président : Avez-vous réfléchi à cette question?

Mme Bell : Je ne suis pas historienne, ce qui est clairement ressorti de cette conversation. Je connais un peu le nord de l'Alberta, mais moins le sud.

Toutefois, quand on regarde la réalité des Métis sur les terres et leur mode de vie nomade, il devient très difficile de définir clairement les frontières qui délimitent le nord, le sud, l'est, l'ouest, une région donnée.

Le président : Merci, madame, d'être parmi nous ce matin. Nous vous savons gré de nous faire part non seulement de votre point de vue d'universitaire, mais aussi de vos expériences.

Mme Bell : Je vous remercie de vos précieuses observations sur les Métis du Labrador.

Le président : Chers collègues, nous accueillons maintenant les représentants de l'Aboriginal Metis Citizens Alliance of Canada : Garry Boudreau, président, et Brenda Blyan, membre de l'alliance. Mme Blyan fera un bref exposé. Nous avons prévu 15 minutes à cette fin, si ce temps est nécessaire.

Brenda Blyan, citoyenne métisse, Aboriginal Metis Citizens Alliance of Canada : Merci beaucoup, sénateur St. Germain, et merci aux sénateurs de nous permettre de prendre la parole aujourd'hui.

Nous avons appris par la télévision que vous teniez cette séance, il y a quatre jours seulement. Nous n'avons donc pas préparé de document écrit, mais nous sommes honorés que vous nous permettiez de nous entretenir avec vous ici et nous sommes ravis que vous parcouriez le Canada pour étudier cette question très problématique que constitue l'identité des Métis.

Après avoir écouté les autres intervenants, je me suis demandé comment nous allions procéder. Je pense que je vais simplement vous parler de quelques dossiers que nous avons dû traiter au fil des années, à titre de Métis de l'Alberta.

J'aimerais tout d'abord aborder cette question d'un point de vue personnel plutôt que d'un point de vue universitaire ou du point de vue de la Métis Nation of Alberta.

Je suis moi-même membre d'un établissement métis. Je viens de l'établissement métis de Buffalo Lake. J'ai grandi ici à Edmonton, alors je suis une Métisse urbaine.

J'étais membre de la Métis Nation of Alberta lorsque c'était la Métis Association of Alberta, et le gros de mon expérience de travail remonte à cette époque. J'étais, en fait, vice-présidente élue, au niveau provincial, en 1999. Je suis donc bien au fait de ces organisations.

Auparavant, j'ai travaillé pour le Ralliement national des Métis à titre de jeune intervenante, au milieu des années 1990. J'ai donc eu l'occasion de me rendre sur la Colline et je suis au courant de ce que nous faisons là-bas.

J'aimerais aborder, entre autres choses, toute la question d'appartenance par rapport à la citoyenneté, puisqu'on m'a dit que vous posiez ces questions.

L'appartenance est un principe sur lequel repose la nation métisse et la plupart des organisations au Canada. Vous devez être membre. Le problème, c'est que, lorsqu'un groupe accorde le statut de membre, il peut aussi le retirer.

Nous, les membres du peuple métis, nous affirmons appartenir à un groupe d'une nation. Nous nous identifions à une nation métisse. Or, qui dit nation dit citoyenneté. Je crois que, pour certains groupes, cette notion de citoyenneté est assez floue, puisque, une fois que vous avez acquis la qualité de citoyen, on ne peut vous la retirer comme s'il s'agissait d'une carte de membre, et c'est le problème qui se pose ici.

J'imagine que j'ai une double citoyenneté, puisque je suis membre des établissements métis. Je détiens également une carte de la nation métisse, et je possède maintenant une carte de la Metis Citizens Alliance of Canada. J'ai joint ce groupe parce qu'il est fondé sur la citoyenneté.

Les trois critères de citoyenneté sont les suivants. Premièrement, vous devez avoir du sang amérindien en vous. Vous devez donc être en mesure de retracer votre lignée. Deuxièmement, vous devez vous identifier vous-même et, troisièmement, votre communauté doit vous reconnaître. Vous faites donc partie d'une communauté et vous êtes aussi citoyen canadien.

Ces trois principes sont semblables à ceux d'autres organisations, et je souscris à ce que ma collègue, Catherine Bell, a mentionné. Je crois que nous avons beaucoup parlé de l'identité métisse. Nous devons établir une tribune où nous pourrons remettre en question la notion d'appartenance par rapport à la citoyenneté. Ce ne serait pas tant un tribunal qu'un endroit où l'équité serait assurée et où tous les intervenants seraient réunis.

C'est pour cette raison que je me réjouis de l'étude entreprise par votre comité, puisque vous constituez une tribune qui offre aux gens la possibilité de s'exprimer.

Cela étant dit, je vais terminer avec une question qu'a posée un de mes mentors, qui ne peut être ici parce qu'il est dans le bois. Vous le connaissez peut-être; il s'appelle Edward Swain. Il a posé cette question : à l'époque où on a distribué les certificats des Métis, comment les gens s'identifiaient-ils? Ont-ils dit que c'était là où ils vivaient et que c'était là où ils chassaient? A-t-on examiné une liste quelconque, quelque part?

Je vais vous laisser là-dessus. Je vous remercie de m'avoir écoutée, et je suis prête à répondre à toutes vos questions.

Le président : Merci, madame Blyan. C'est intéressant. Vous parlez de l'époque où on a distribué les certificats et de votre mentor. Vous dites que quiconque en Amérique du Nord qui peut prouver qu'il a du sang indien... Corrigez-moi si je me trompe, mais c'est ce que j'ai entendu. Toutefois, vous revenez aux certificats, qui concernaient seulement les Métis sur le territoire traditionnel et les zones qui partaient de là vers l'Ouest et le Nord. Comment expliquez-vous ce paradoxe? Je ne veux pas être mesquin; je pose simplement la question.

Mme Blyan : Oh, je ne trouve pas que vous êtes mesquin, sénateur.

Ce que nous essayons de dire, c'est qu'il doit y avoir quelque chose qui différencie un membre d'une Première nation nord-américaine, un Indien, comme tel, et un Métis.

Nous savons que, du fait de nos origines, nous avons du sang indien en nous, n'est-ce pas? Nous nous identifions donc de cette façon. C'est l'un des facteurs d'identification.

Je vous pose cette question, à savoir ce qui définissait les Métis qui ont accepté les certificats par le passé. S'identifiaient-ils de cette façon ou disaient-ils simplement « Je suis Métis » comme nous le faisons aujourd'hui?

Le président : Je ne suis pas certain. C'est une très bonne question. On avait des listes et on faisait des recensements à cette époque et les gens s'identifiaient comme Métis. C'est ce que ma propre famille a fait.

Mme Blyan : Exactement.

Le sénateur Dyck : Je vous remercie de votre exposé. Je crois que vous avez probablement donné une des définitions les plus claires concernant les identités conflictuelles, c'est-à-dire l'appartenance en tant que membre et la citoyenneté, et je vous en remercie.

Vous avez dit qu'il fallait un mécanisme de règlement et qu'un tribunal ne serait pas nécessairement utile à cet effet.

Si ce n'est pas un tribunal, que proposez-vous? Selon vous, quel mécanisme permettrait de régler la question d'appartenance et de citoyenneté? Que devrait-on mettre en place?

Mme Blyan : Je crois qu'il faut établir une tribune qui réunit les intervenants. Soyons clairs : le gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux sont des intervenants dans ce dossier, et ils devraient se trouver à la même table que les organismes interpellés.

Personnellement, je viendrais à la table et, si on m'interrogeait sur mon identité, je voudrais avoir cet espace, mais je voudrais aussi la participation des universitaires qui possèdent cette information, ainsi qu'une interprétation juridique.

J'ai remarqué, entre autres choses, que nous parlons des droits des Métis, et que Catherine Bell nous a notamment montré que les droits des Métis ne sont pas un tout. Il y a les droits constitutionnels, les droits territoriaux, les droits de chasse, les droits politiques. Les droits prennent de nombreuses formes.

Je verrais autour de la table des gens qui auraient cette expertise juridique, et je le répète, je pense que les gouvernements ont un intérêt dans cela, mais qu'ils ne sont pas les seuls membres déterminants.

Je vous ai entendu dire qu'il y avait des registres, à l'époque — des recensements gouvernementaux —, mais je pense qu'en tant que Métis, nous devons être à la même table et contribuer à définir qui nous sommes.

Le sénateur Dyck : Vous dites que les Métis doivent y être. Il y a les politiciens métis, mais aussi les citoyens métis. Qui représenterait les points de vue des citoyens?

Mme Blyan : Eh bien, il y a l'organisation dont nous faisons partie, mon collègue et moi, mais il y a aussi d'autres gens qui ne sont d'aucune organisation. C'était mon cas. Je m'étais éloignée de toute organisation, et il y a de très nombreux Métis en milieu urbain qui ne sont d'aucune organisation.

Le sénateur Sibbeston : Pourriez-vous nous parler de votre organisation?

Mme Blyan : Je vais laisser M. Boudreau le faire.

Garry Boudreau, président, Aboriginal Metis Citizens Alliance of Canada : En 2001, j'ai eu un différend avec l'association métisse de l'Alberta. J'en étais membre depuis bon nombre d'années et j'y travaillais très fort. Je crois qu'elle a été créée en 1986.

Nous avons eu un différend et ils ont tenu ce qu'on appelle, je pense, un conseil judiciaire. Nous nous sommes adressés à ce conseil judiciaire et je leur ai prouvé que le type avait fait ce que je prétendais, mais le conseil judiciaire a tranché en sa faveur. J'ai gaspillé temps et argent à chercher à prouver ce qu'il avait fait de mal.

Quoi qu'il en soit, je me suis retiré, puis je me suis mis à y réfléchir. C'est alors que cela m'a frappé et que j'ai fait de la recherche à ce sujet : quand le gouvernement nous reconnaîtra comme nation et nous déléguera toutes les responsabilités, il faudra que les membres de la nation soient des citoyens.

Les clubs ont des membres, mais il n'est pas question d'adhésion à une nation. La nation est formée de citoyens.

C'est alors que notre groupe s'est formé, que nous en avons parlé et que nous avons inscrit notre organisation; en ce moment, tout ce que nous faisons, c'est d'inscrire les Métis de partout au Canada. Nous avons effectivement un grand nombre de citoyens inscrits.

Nous ne réclamons pas nos droits. Nous ne les organisons pas non plus. C'est aux gens dans leurs propres communautés, en tant que citoyens de la nation des Métis du Canada — en tant que Métis —, qu'il appartient de s'organiser, car je ne sais pas ce qu'il leur faut dans leur propre communauté.

Quand vous êtes membre d'une organisation, vous n'avez pas ce droit.

Monsieur le sénateur, vous dites que vous êtes de la Colombie-Britannique?

Le président : Oui.

M. Boudreau : Si vous regardez la carte de membre de l'association des Métis, en Colombie-Britannique, vous verrez qu'on peut y lire « citoyen » et « membre ». Au verso de la carte, en petits caractères, cela dit que la carte est la propriété de la Fédération des Métis de la Colombie-Britannique — peu importe leur nom exact.

Pourquoi est-ce nécessaire, alors que nous devrions tous être les citoyens de notre propre nation et être reconnus par la Constitution? Pourquoi sommes-nous ici à essayer de définir qui nous sommes? Nous savons qui nous sommes. Nous le sentons dans nos cœurs et, tant que c'est le cas, nous savons d'où nous venons et ne devrions pas avoir à négocier cela. Tout ce que nous avons à faire, c'est prendre notre citoyenneté.

L'autre chose que j'ai remarquée, c'est qu'on ne voit jamais des Allemands ou des Polonais se défendre au sujet de leur patrimoine. Pourquoi le faisons-nous? Personne ne met en doute leur patrimoine. Mais le nôtre est toujours mis en doute.

Le président : Monsieur Boudreau, nous avons été mis au fait d'une situation à Saskatoon : Mme Dyck — sénatrice et professeure — a entendu l'exposé d'une dame à la tête des admissions à l'école de médecine universitaire de Saskatoon, et celle-ci affirmait que des gens avaient frauduleusement présenté leur candidature à des sièges réservés aux Métis.

Si vous demandez quelque chose au gouvernement, et que c'est quelque chose de très utile aux personnes, je peux vous assurer qu'il y aura un moyen de déterminer qui, exactement, est métis. Certains d'entre nous y croient.

Si n'importe qui peut entrer et dire qu'il est un Métis parce qu'il voit un avantage pour lui, qu'est-ce qu'il faut faire? Il faut des contrôles, malheureusement, mais je ne dis pas que c'est le gouvernement qui doit le faire. C'est pourquoi nous faisons cette étude.

C'est comme pour les droits de chasse. Je sais que bien des gens en Colombie-Britannique ont dit : « Si vous les Métis, vous obtenez des droits de chasse, je vais devenir un Métis », ce à quoi j'ai répondu : « Eh bien, vous n'en êtes pas un. » La réaction, c'est : « Ce n'est pas grave; je vais juste dire que j'en suis un. »

Nous, les Métis, formons un peuple unique. La situation est unique. Il y a ailleurs dans le monde d'autres peuples métis, mais nous sommes maintenant reconnus dans l'article 35 comme faisant partie des peuples autochtones. C'est la raison pour laquelle nous estimons — ou certains d'entre nous estiment — qu'il faut que ce soit porté à l'attention du gouvernement, et c'est ce que nous essayons de faire.

Comme je le dis, nous n'avons pas de notions préconçues. Les peuples métis devraient autant que possible exercer le contrôle sur leur propre destinée.

Le sénateur Sibbeston : Je remarque que vous soulignez la différence entre « membre » et « citoyen ». La citoyenneté est d'un ordre supérieur, puisqu'il faut généralement être citoyen d'un pays, alors qu'on est membre d'une organisation, ou de ce genre de choses.

Vous avez cela dans le nom de votre organisation, la Metis Citizens Alliance of Canada, mais de quoi êtes-vous citoyens? On comprend que vous êtes des citoyens du Canada, mais je sais aussi que vous vous estimez aussi citoyens d'une nation de Métis.

Y avez-vous pensé? Comment vous voyez-vous, au juste?

M. Boudreau : Je vais répondre : en réalité, nous ne sommes pas si instruits. Nous envisageons divers noms, et c'est le meilleur que nous ayons trouvé pour faire en sorte que les gens comprennent — votre citoyenneté.

Nous avons essayé d'inclure tous les mots, l'Aboriginal Metis Citizens Alliance of Canada. Nous avons ajouté « alliance » parce que nous sommes aussi des citoyens canadiens.

Nous avons inscrit notre organisation, et ce que j'ai dit alors aux gens, c'est que nous allions réunir tous les gens à l'échelle du Canada et convoquer une réunion. Si vous avez un beau nom ou qu'il est possible de trouver un nom pour la nation des Métis du Canada, nous allons le soumettre aux voix et nous allons l'utiliser. Nous nous donnons de la latitude.

J'aimerais ajouter que tout ce que notre organisation fait, c'est inscrire les Métis de toutes les régions du Canada. C'est tout ce que nous faisons.

Je ne veux entendre personne dire — en réalité, bien des gens le disent — que nous formons un groupe dissident ou rebelle. Ce n'est pas le cas. Tout ce que nous faisons, c'est créer un registre de toutes les personnes du Canada qui estiment être des Métis.

Quand nous avons créé cette organisation, j'ai écrit à chacun des présidents des associations métisses d'ici, dans l'ouest du Canada, et aucun ne m'a répondu. Trois ans plus tard, ils ont changé et ont ajouté « citoyen » à leur carte de membre.

Mme Blyan : J'aimerais rapidement répondre à votre question, monsieur le sénateur. C'est une question de dualité. Nous sommes des citoyens canadiens et des citoyens métis. Vous avez posé une question, un peu plus tôt, disant que normalement, la citoyenneté, c'est lié à une terre commune, à une langue commune, à un commerce commun; c'est alors qu'on peut se dire une nation. Je crois que les Métis ont cela.

Je compte peut-être parmi les chanceux. Je suis membre d'un établissement métis, mais en plus, ici à Edmonton, je vis comme une personne métisse et je m'identifie à ma région d'origine, mais je m'identifie aussi au coin de rue où j'habite, et je dis que je suis une fille de ce pays. Je vis ici, et je prétends à tout cela.

Le sénateur Raine : Vous avez soulevé des points très intéressants. Je dirais que la tâche d'inscrire toutes les personnes qui s'estiment métisses à l'échelle du Canada est énorme, et c'est la tâche à laquelle d'autres organisations métisses se sont attaquées avec l'appui du financement du gouvernement fédéral. Je trouve donc que le chevauchement n'est pas nécessairement dans l'intérêt de tout le monde.

Cependant, je vois que vous avez une organisation qui permet aux citoyens métis d'adhérer à un groupe d'action pour quelque raison que ce soit, tout comme il existe des groupes de citoyens dans l'ensemble du Canada qui exercent des pressions concernant certains sujets.

Vous avez mentionné qu'au verso de la carte des Métis en Colombie-Britannique, celle de la nation des Métis de la Colombie-Britannique, il est écrit que la carte est la propriété de la nation des Métis, et je veux seulement souligner que c'est plutôt normal pour des documents de citoyenneté.

Par exemple, dans le passeport canadien, il est indiqué que le passeport est la propriété du gouvernement du Canada. Je pense que c'est pour prévenir le transfert frauduleux de tels documents, et il est légalement justifié que l'organisation émettrice du document cherche à prévenir la fraude. Je ne crois pas qu'on renie ainsi les membres du groupe ou les citoyens, ni qu'on les prive de leurs droits. Mais dans nos discussions, ce que nous constatons, c'est qu'il est très complexe de déterminer qui est un Métis.

Mme Blyan : Vous avez raison, en ce qui concerne le recensement des nations métisses à l'échelle du Canada. Ils ne vont pas chercher les citoyens, mais des membres. Il faut garder à l'esprit que ces organisations sont là pour représenter leurs membres sur le plan politique. Donc, en raison de leur nature, si vous n'avez pas le bon nom de famille, vous risquez de vous trouver sous la pile. C'est triste, mais c'est ainsi que nos organisations fonctionnent.

J'ai toujours suggéré qu'on enlève le registre aux organisations politiques et qu'on le gère indépendamment, avec l'information généalogique. Vous obtiendrez un nombre plus juste de Métis dans un secteur particulier. Je ne peux parler pour les autres organisations à l'échelle du Canada, mais je sais qu'il en est ainsi ici, en Alberta.

Le président : Cette carte n'est pas une carte de membre. Rien ne dit « carte de membre » sur la carte. C'est une carte de citoyen. Je ne suis pas membre, mais citoyen de la nation des Métis de la Colombie-Britannique.

Quoi qu'il en soit, chers collègues, cela prête à controverse, et c'est compliqué.

La seule chose que je vous dirai, monsieur Boudreau — et je vous félicite pour votre courage et votre initiative —, mais ce qui m'effraie, c'est que si des cartes se trouvent un peu partout entre les mains de n'importe qui, il y a risque de fraude, par exemple, dans les universités où des places sont réservées aux Autochtones. Je crois que c'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons amorcé cette étude, et j'espère que nous trouverons une solution. Je ne voudrais absolument pas que le gouvernement gère cette liste. J'aimerais que les Métis s'en chargent, et je pense que bien des gens souhaitent cela. Pour ce qui est de la façon de résoudre cela, j'espère que nous pourrons réveiller les géants endormis; des hommes et des femmes plus sages pourraient proposer une solution. J'espère que nous pourrons être utiles.

Je vous remercie tous les deux d'avoir comparu, et je remercie les sénateurs de leur participation à cette séance.

Nous allons prendre un vol à destination d'un des établissements du Nord. Madame Blyan, je ne sais pas si vous y serez, mais dans l'affirmative, nous vous y verrons. Sinon, Dieu vous bénisse.

Merci encore.

(La séance est levée.)


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