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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 26 - Témoignages du 7 novembre 2012


OTTAWA, le mercredi 7 novembre 2012

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, pour examiner la teneur des éléments des Sections 1, 3, 6 et 14 de la Partie 4 du projet de loi C-45, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Aujourd'hui, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce tient sa deuxième séance dans le cadre d'une étude portant sur certaines dispositions du projet de loi C-45, la loi d'exécution du budget. Au cours de la séance, le comité examinera deux de ces dispositions et consacrera une heure à chacune. Durant la première heure, nous nous pencherons sur la Section 1 de la Partie 4, qui autoriserait certains fonds communs de placement du secteur public à investir directement dans une institution financière sous réglementation fédérale.

Permettez-moi de présenter les témoins : Philipe-A. Sarrazin, directeur général, Législation et initiatives stratégiques, du Bureau du surintendant des institutions financières Canada; Frank Zinatelli, vice-président et avocat général de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes. Messieurs, la parole est à vous. Monsieur Sarrazin, aimeriez-vous commencer?

Philippe-A. Sarrazin, directeur général, Législation et initiatives stratégiques, Bureau du surintendant des institutions financières Canada : Oui, et j'ai une déclaration préliminaire.

Monsieur le président, honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole devant le comité. Je m'appelle Philippe Sarrazin et je suis le directeur général de la Division de la législation et des initiatives stratégiques du Bureau du surintendant des institutions financières.

La Section 1 de la Partie 4 du projet de loi C-45 qui est à l'étude aujourd'hui complète les dispositions qui avaient été proposées dans le projet de loi C-38, et qui sont maintenant en vigueur. Elles visent ensemble à autoriser les fonds communs de placement du secteur public répondant à certains critères à investir directement dans une institution financière canadienne.

En vertu de la loi, le rôle du BSIF dans un processus d'agrément est de recueillir et d'analyser de l'information afin d'aider le ministre à prendre une décision éclairée. Nous effectuons ce travail dans la perspective d'un mandat clair et axé sur la prudence et présentons par la suite les résultats de notre analyse au ministre aux fins d'examen.

Comme pour les autres dossiers d'agrément ministériel, les placements doivent servir au mieux les intérêts du système financier et respecter des critères de sécurité nationale. Il s'agit là d'éléments qui dépassent bien souvent le mandat prudentiel du BSIF, mais qui devraient être soupesés par le ministre.

Je devine que le ministre d'État, M. Menzies, a été en mesure de répondre à vos questions hier. Toutefois, si vous avez des questions sur le rôle du BSIF, ce sera un plaisir pour moi d'y répondre.

Frank Zinatelli, vice-président et avocat général, Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes : Je suis Frank Zinatelli, vice-président et avocat général de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes. Je me réjouis d'avoir l'occasion de contribuer à l'examen que mène le comité de la Section 1, Partie 4, du projet de loi C-45, Loi de 2012 sur l'emploi et la croissance.

[Français]

Si vous le permettez, monsieur le président, j'aimerais formuler quelques remarques préliminaires. L'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes représente des sociétés détenant 99 p. 100 des assurances-vie et assurances-maladie en vigueur au Canada.

[Traduction]

L'industrie canadienne des assurances de personnes fournit des produits comme l'assurance vie individuelle et collective, l'assurance invalidité, l'assurance maladie complémentaire, les rentes individuelles et collectives, y compris les REER, les FERR et les CELI, ainsi que les régimes de retraite. L'industrie protège près de 27 millions de Canadiens et plus de 45 millions de personnes à l'étranger. Elle verse en prestations 64 milliards de dollars par année aux Canadiens. Elle investit plus de 570 milliards de dollars dans l'économie du Canada et emploie environ 139 000 Canadiens.

Les assureurs de personnes sont réglementés au fédéral en vertu de la Loi sur les sociétés d'assurances et sont en outre assujettis aux règles et règlements afférents aux lois provinciales sur les assurances.

Monsieur le président, nous sommes heureux de comparaître devant le comité, en préparation du rapport que vous remettrez au Parlement. Notre industrie appuie les dispositions de la Section 1, Partie 4, du projet de loi, dispositions au sujet desquelles j'aimerais formuler de brèves observations.

La Partie 4 de la Section 1 fait suite aux modifications que renfermait la Loi d'exécution du budget, le projet de loi C-38, au printemps dernier, relativement aux lois fédérales sur les services financiers, dont la Loi sur les sociétés d'assurances. Ces modifications antérieures autorisent les fonds communs de placement du secteur public qui remplissent certains critères, telle la poursuite d'objectifs commerciaux, à investir directement dans une institution financière canadienne, sous réserve de l'approbation du ministre des Finances.

Le ministre peut tenir compte dans sa décision de tout un éventail de critères prévus par la loi, notamment celui de servir les intérêts du système financier canadien. Comme l'ont indiqué les représentants du ministère des Finances devant votre comité le 16 mai 2012, les fonds communs de placement du secteur public sont déjà autorisés à investir dans d'autres secteurs de notre économie, et dans nombre d'autres pays, ces fonds peuvent investir dans des institutions financières. Les modifications du projet de loi C-38 ont pour effet d'égaliser les règles du jeu pour les institutions financières canadiennes et de leur donner accès à d'autres sources potentielles de financement.

Les modifications du projet de loi C-45, pour leur part, viennent préciser les modifications antérieures, notamment en ce qui concerne le processus d'approbation des investissements que peuvent effectuer les fonds communs de placement du secteur public. Par exemple, la demande d'approbation doit être présentée conjointement par l'institution financière et le fonds commun de placement. Les pouvoirs du ministre en cas de manquement de l'institution financière ou du fonds commun à toute obligation sont énoncés.

Les modifications de la Partie 4 de la Section 1 du projet de loi C-45 accroîtraient la cohérence interne des diverses lois régissant les services financiers et favoriseraient un solide processus d'approbation des investissements permis aux fonds communs de placement du secteur public. Ce sont là d'importantes modifications d'ordre technique et de clarification, et l'industrie des assurances de personnes les appuie.

L'industrie est très reconnaissante de l'occasion qui lui est donnée de participer à l'examen du projet de loi C-45 mené par le comité. Je serai heureux de répondre à toute question que vous pourriez avoir.

Le président : Merci, monsieur Zinatelli, de votre déclaration préliminaire.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Monsieur Zinatelli, vous comprenez le français?

M. Zinatelli : Je le comprends un peu si vous parlez très lentement pour moi.

Le sénateur Hervieux-Payette : Je me demandais combien d'organismes fédéraux et provinciaux sont désignés à titre de fonds commun de placement du secteur public et expliquez ce terme. Les gens comprennent que le secteur public est le gouvernement. Expliquez ce que c'est.

Je vais clarifier ma question. Combien d'organismes fédéraux et provinciaux sont désignés aux titres de fonds commun de placement du secteur public? Autrement dit, vous allez m'expliquer un fonds commun de placement du secteur public, nous donner des exemples. Avant de savoir si on est d'accord avec cette mesure, il faudrait d'abord savoir de quoi on parle.

[Traduction]

M. Zinatelli : Les fonds communs de placement du secteur public sont des organisations ou des fonds communs d'investissement qui appartiennent à un gouvernement, fédéral, provincial ou étranger, ou à un organisme qui relève d'un de ces gouvernements. Malheureusement, je ne sais pas combien il y en a.

Le sénateur Hervieux-Payette : Nommez-moi un ou deux de ces fonds provinciaux et fédéraux, pour que je sache ce dont vous parlez.

M. Zinatelli : Malheureusement, je n'ai pas le nom de ces fonds, mais je pourrais vous en fournir quelques-uns.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Donc, on ne sait pas de quoi on parle. Avant d'aller dans cette direction, il faudrait...

[Traduction]

M. Zinatelli : Il y en a un qui me vient à l'esprit : le Fonds du patrimoine de l'Alberta serait un exemple de fonds commun de placement. Je suis certain qu'il y a des équivalents à l'extérieur du Canada, mais je n'ai pas la liste de ces fonds.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Je n'en connais pas beaucoup qui peuvent se qualifier comme fonds d'un organisme fédéral. Je ne peux pas investir à la Caisse de dépôt comme individu même si c'est un bon fonds. Est-ce que les compagnies que vous représentez peuvent participer à acheter ou faire affaire avec un organisme comme la Caisse de dépôt au Québec?

[Traduction]

M. Zinatelli : Je crois que oui. Je ne vois aucune raison qui les empêcherait de le faire. Dans ce cas-ci, nous parlons des institutions qui achètent des actions dans les compagnies que je représente. Le projet de loi permettra un plus grand accès aux capitaux pour les institutions financières, grâce aux fonds communs de placement qui existent, y compris le Fonds du patrimoine de l'Alberta que j'ai donné en exemple.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Dans ma province, il y en a.

M. Zinatelli : Oui, dans votre province il y en a.

[Traduction]

M. Zinatelli : Ces fonds communs existent sur la scène internationale. Un des objectifs de la modification, je crois, est de permettre aux compagnies d'accéder à ces fonds communs lorsque les circonstances s'y prêtent et avec les protections prévues par le projet de loi.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Quel est quoi le pourcentage que vos compagnies peuvent aller chercher? Parce qu'il y a quand même dans une compagnie d'assurance une question de risque et de limites au secteur d'investissement et les investissements sont limités. Dans ce cas, on parle de quel pourcentage de vos 570 milliards de dollars qu'il est possible d'acheter, je dirais que les gens vont acheter.

J'essaie de penser à un fonds de pension français qui investirait dans une de vos compagnies d'assurance. Je veux savoir quelles sont les organisations, comprendre pourquoi on fait cette modification. Est-ce parce que, à l'heure actuelle, les fonds internationaux n'étaient pas permis?

[Traduction]

M. Zinatelli : Ils ne pouvaient pas acheter les actions des compagnies d'assurances, par exemple. La modification proposée permettrait aux institutions financières, y compris les compagnies d'assurances, d'émettre des actions dans ces fonds communs et, par conséquent, de réunir ainsi des capitaux. Elles ne peuvent le faire à l'heure actuelle. C'est là l'objectif de la modification.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Si j'ai bien compris, si on avait un fonds qui avait mauvaise réputation à l'étranger, le ministre des Finances pourrait refuser de donner son autorisation?

[Traduction]

M. Zinatelli : Oui, absolument. Les mesures de protection mises en place dans le processus et le pouvoir conféré au ministre d'examiner tous les aspects de ces investissements visent exactement cet objectif. Les investissements permis doivent servir au mieux les intérêts du Canada et de la compagnie. Le gouvernement a des pouvoirs importants pour décider dans quelles circonstances ces investissements seraient permis.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Avez-vous une idée du pourcentage d'investissement étranger qui va être autorisé, ou si le pourcentage d'investissement est ouvert dans cette catégorie d'investissement?

[Traduction]

M. Zinatelli : Je n'ai pas cette information. J'imagine qu'on procéderait au cas par cas et que le ministre tiendrait compte de tous les facteurs, ce qui englobe tout. Je n'ai pas de réponse à votre question.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Je pense qu'on devrait avoir une réponse un peu plus complète à ce sujet. On peut demander de consulter. Parce que, dans le cas des compagnies d'assurance, il y a des règles très spécifiques sur les montants que les compagnies d'assurance peuvent investir. Est-ce un montant illimité? Est-ce que quelqu'un pourrait acheter la totalité des actions de compagnie d'assurance? Je veux savoir s'il y a une mesure. Dans le cas des banques, c'est 20 p. 100.

[Traduction]

Le président : Sénateur Hervieux-Payette, je crois que M. Sarrazin aurait un commentaire à ce sujet.

M. Zinatelli : Puis-je faire un commentaire? Les compagnies d'assurances sont supervisées, par mesure de prudence, par le surintendant des institutions financières. Ce dernier joue un rôle dans le processus d'approbation parce qu'il ne voudrait pas qu'un investissement nuise à la compagnie d'assurances. Cet aspect ferait partie de l'examen du surintendant et des avis qu'il donne au ministre pour éclairer ses décisions. Des contrôles sont exercés pour éviter qu'une compagnie d'assurances ou une banque soit menacée; on respecte ainsi les règles de prudence. C'est pourquoi les mesures qui sont établies ici sont très contrôlées et limitées.

Le sénateur Oliver : Merci à vous deux d'être présents. Mes questions s'adressent à M. Sarrazin

Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que votre bureau est un organisme de contrôle prudentiel et que vous effectuez le gros de votre travail en gardant en tête votre mandat qui est axé sur la prudence.

Dans votre déclaration préliminaire, vous avez beaucoup parlé de la façon dont vous recueillez l'information. Vous l'analysez ensuite afin d'aider le ministre. J'aimerais savoir quel type d'information vous recueillez et quelles en sont les sources. Une fois les données recueillies et colligées, j'aimerais savoir quel type d'analyse vous effectuez et quels critères vous utilisez pour déterminer si les intérêts du secteur financier sont servis. Quels critères prudentiels sont utilisés pour tirer cette conclusion dont vous faites part, je présume, au ministre?

M. Sarrazin : Merci de poser cette question. C'est une très bonne question.

Toutes les approbations ministérielles suivent la filière du Bureau du surintendant; c'est ainsi que commence un dossier. Vous remarquerez, dans les règlements des diverses institutions financières, que certains agréments viennent du surintendant. D'autres émanent du ministre. Certains sont des agréments que le ministre donne avec ou sans l'avis du surintendant. Dans le mécanisme d'approbation dont il est question ici, le ministre donne l'agrément sans l'avis du surintendant. Toutefois, comme pour tous les dossiers qui suivent la filière du Bureau du surintendant des institutions financières, nous sommes appelés à recueillir l'information, comme vous l'avez souligné et comme je l'ai indiqué dans ma déclaration préliminaire. Nous analysons cette information et nous soumettons le dossier en entier au ministre. Dans ce cas particulier, puisque le BSIF a un mandat clair et axé sur la prudence au Canada et puisque nous ne sommes pas appelés à fournir un avis cette fois-ci, nous assurerions au ministre que, pour le surintendant, le dossier ne suscite aucune préoccupation d'ordre prudentiel. Ce serait une assurance négative, à savoir que les règles de prudence ne nous permettent pas de remettre la demande en question.

Le sénateur Oliver : Vous parlez des fonds communs de placement du secteur public?

M. Sarrazin : Oui. Le fait qu'ils investissent dans une institution financière canadienne ne soulève aucune inquiétude. C'est ce que nous dirions au ministre, si c'était là notre conclusion.

Vous demandez également ce que nous examinons. Ce sont essentiellement des données factuelles, et la loi nous dit quels éléments nous devons prendre en considération. Ils sont énumérés à l'article 396 et ils incluent l'intégrité du demandeur. On déterminerait si le demandeur respecte des normes de bonne conduite. On examinerait ses investissements antérieurs pour voir si c'est le cas. Évidemment, on recueillerait l'information pour aider le ministre à se faire une opinion et à décider si l'investissement sert les intérêts du système financier. La décision lui appartient, mais on recueillerait l'information.

Il faut savoir également que nous travaillons en quelque sorte en collaboration avec le ministère des Finances. Bien sûr, nous constituons le dossier, mais nous sommes en communication constante avec les fonctionnaires du ministère des Finances. S'ils ont une préoccupation particulière et qu'ils veulent que nous établissions un dossier à ce sujet, ils en feraient la demande et nous ferions l'analyse pour eux.

Le sénateur Oliver : Vous dites que vous recueillez des données pour prendre vos décisions, mais vous ne recueillez pas ces données simplement pour le ministère des Finances. Vous faites des recherches indépendantes de votre côté, n'est-ce pas? Dans ce cas, quelles sont les sources que vous utilisez pour recueillir une information indépendante?

M. Sarrazin : Un des aspects qui entreraient en ligne de compte ici, c'est la notion de sécurité nationale. Ce serait en vertu de l'article 973.01 que nous établirions un dossier sur des questions liées à la sécurité nationale.

Bien sûr, lorsque des investissements importants sont faits dans le secteur financier, vous ne voulez pas d'investisseurs mal intentionnés qui chercheraient des occasions de blanchiment d'argent, et cetera. Nous sommes en contact avec le SCRS et nous faisons des vérifications pour ce service. Nous faisons aussi, pour la GRC, des vérifications sur les individus pour ce qui est des fonds communs de placement. Ce serait probablement l'aspect principal sur lequel nous recueillerions des données et celui qui occasionnerait des retards dans l'analyse d'un fonds.

Le sénateur Oliver : Merci.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Effectivement, j'ai presque la même question que le sénateur Oliver. Aux articles 105 et 106, on donne beaucoup de pouvoir au ministre même si l'achat des placements a été fait pour renverser la transaction et même forcer la vente du placement si jamais il contrevient au critère établi. La question qui se pose, c'est que ceux qui investissent doivent savoir les critères parce qu'ils ne veulent pas se faire punir à ce niveau.

Vous parlez du point de vue du blanchiment d'argent. J'assume un autre aspect important pour ces fonds puisque ce sont des fonds gouvernementaux d'un pays étranger, qui agit dans l'intérêt d'une manière commerciale et non avec un but politique avec leur propre intérêt. Cela pourrait être les ressources humaines. Est-ce clair? En d'autres mots si la boîte investit dans un fonds de pension ou un placement canadien, y a-t-il une entente écrite avec cet investisseur dictant les conditions X et, si on ne les respecte pas, le ministre peut imposer des conséquences?

M. Sarrazin : Vous touchez certains points qui sont documentés dans le projet de loi qui est étudié, mais vous ramenez aussi certains points qui sont déjà dans la loi depuis le projet de loi C-38. Dans ce projet de loi, il y avait la définition d'un agent éligible.

Le sénateur Harb : Agent légitime?

M. Sarrazin : Mes termes techniques, j'étais prêt à témoigner en anglais. J'essaie d'honorer la question en français. La définition du terme « eligible agent » prévoit qu'un fonds de placement qui investirait dans une institution financière doit avoir un mandat clair, public, donc pas caché. On parle ici d'agents de la Couronne qui sont pratiquement gouvernementaux, donc les fonds étrangers, provinciaux ou fédéraux. Nous avons eu de la misère à en nommer, je n'en connais pas beaucoup, mais ces fonds, de prime abord, sont des agents de la Couronne. Et c'est ce qui n'était pas permis auparavant. Toute implication gouvernementale dans une institution financière est prohibée à la base. Pour le permettre, il fallait éliminer cette prohibition d'investissement d'un agent gouvernemental et, deuxièmement, il fallait identifier les critères commerciaux, donc mandat public et non caché. En anglais on a utilisé le terme long term risk adjusted return. C'est un investisseur qui vise des objectifs économiques.

Il ne peut pas poursuivre des objectifs politiques. En plus, pour ajouter à tout cela, on est allé dire non, à cause de la possibilité de l'influence politique en particulier. Ce sont des éléments factuels.

Le sénateur Massicotte : Malgré tout cela, malgré la compréhension qui est transparente, le ministre a toujours le pouvoir de dire : « Nous sommes en désaccord », alors on vous force de vendre le placement. Est-ce que je comprends bien?

M. Sarrazin : À la porte d'entrée, si on ne satisfait pas au critère, le surintendant va aviser le ministre de ne pas admettre le placement parce qu'il ne respecte pas les règles de base. Si, par la suite, les faits changent, si le fonds a des influences politiques ou cesse d'avoir un objectif long term risk ajusted return, à ce moment-là, effectivement, le ministre peut retirer son approbation, la suspendre, la retirer et il peut forcer aussi le fonds.

Le sénateur Massicotte : De temps en temps, on a des interprétations différentes des faits. On est en désaccord. J'estime que l'article 106 donne le droit au ministre, à son jugement, avec une discrétion totale de l'exécuter, de forcer la vente de ces placements.

M. Sarrazin : Je ne sais pas si vous avez lu les autres articles par lesquels on donne le droit à des représentations. Dans la mesure où le ministre procéderait sur des faits erronés, il y a une occasion pour le fonds ou la banque de faire des représentations.

Le sénateur Massicotte : Le ministre a le droit de décider sans d'autres poursuites, sans équivoque.

M. Sarrazin : Effectivement, dans la mesure où il ordonnerait à un fonds de se départir d'actions et que le fonds n'obtempère pas, il a le pouvoir d'aller devant les tribunaux pour faire exécuter son ordonnance.

Le sénateur Massicotte : De bons exemples peut-être pour information, le fonds chinois investit, le fonds de Singapour, le fonds de Norvège, qui ont tous des fonds énormes, il y a plusieurs aspects. Je suis d'accord, il faut être ouvert à cela parce qu'on devient non compétitif.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk : J'aimerais clarifier certaines choses. Serait-il juste de dire qu'on s'intéresse ici à qui peut investir, qu'il n'y a aucune incidence sur les limites actuelles imposées relativement aux actions que peut détenir un investisseur, ni aucune incidence sur les règles portant sur le pourcentage maximal d'actions que peuvent détenir des non-résidents?

M. Sarrazin : Vous avez raison. Ces dispositions élimineraient l'interdiction d'investir imposée aux agents de la Couronne, mais elles ne changeraient en rien le régime de propriété prévu dans les lois régissant nos institutions financières. Les grandes banques resteront de grandes banques avec une participation publique; et elles ne peuvent pas être contrôlées. Les banques de taille moyenne resteront des banques de taille moyenne et les petits investissements seront assujettis aux mêmes règles que d'habitude.

Le sénateur Tkachuk : Certains peuvent être des fonds de pays étrangers ou des fonds de pension canadiens. Le ministre doit donc être en mesure de composer avec certaines de ces restrictions. Si une entreprise étrangère acquiert une compagnie canadienne, elle doit se soumettre à toutes sortes de règles de la Bourse de Toronto pour en obtenir l'autorisation. Dans ce cas particulier, comme il pourrait s'agir d'un pays souverain, comme l'Arabie saoudite, qui voudrait investir, le ministre voudrait savoir qui est cette personne qui s'occupe de recueillir le financement. Oui? Non?

M. Sarrazin : C'est exact.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce que l'un ou l'autre de ces fonds ont le droit aujourd'hui d'acheter des actions sur le marché boursier?

M. Sarrazin : Je présume que vous voulez parler des fonds étrangers?

Le sénateur Tkachuk : Oui, évidemment.

M. Sarrazin : Oui, ils sont autorisés à investir au Canada.

Le sénateur Tkachuk : Nous parlons d'une compagnie qui réunit des capitaux. On peut émettre une tonne d'actions, ce qu'on n'était pas autorisé à faire par le passé. On pourra émettre les actions, et ces fonds de placement étrangers ou ces fonds communs canadiens pourront participer à ce programme également; est-ce exact?

M. Sarrazin : Nous parlons des actions des institutions financières, et de la façon dont les institutions financières se capitalisent, ou se financent de façon permanente, ce que sont essentiellement les capitaux. Les agents de la Couronne n'étaient pas autorisés autrefois à investir dans les institutions financières. Dans le projet de loi S-5, nous avons vu le ministère des Finances ouvrir les possibilités d'investissement étranger. On a abaissé les barrières pour que les institutions étrangères puissent investir dans les institutions financières canadiennes. Cette fois-ci, avec les projets de loi C-38 et C-45, on permettra aux agents de la Couronne, aux fonds communs de placement étrangers d'inscrire leurs actions dans les institutions financières, ce qui permettra donc à nos institutions financières d'accéder aux capitaux.

M. Zinatelli : D'après ce que je comprends, nous ne parlons que de l'émission initiale d'actions. Les règles à ce sujet sont très strictes parce que nous voulons aplanir ces inquiétudes et examiner de très près même les plus petits investissements faits par ces fonds communs, parce que nous voulons savoir d'où ils viennent, qui ils sont, et cetera.

Le sénateur Harb : M. Zinatelli, vous avez mentionné dans votre document, à la page 4, que la demande d'approbation doit être présentée conjointement par l'institution financière et le fonds commun de placement.

Pourriez-vous me donner un scénario dans lequel une institution financière refuserait un investissement du secteur public?

M. Zinatelli : Je peux imaginer des situations où un fonds commun voudrait investir dans une entreprise, mais l'entreprise ne serait pas intéressée à ce qu'une telle partie prenne le contrôle. Cette disposition, qui est très intéressante, dit essentiellement que l'institution financière et le fonds commun souhaitent tous les deux cette acquisition. Par conséquent, ils doivent présenter conjointement la demande pour que l'investissement soit autorisé.

Le sénateur Harb : Monsieur Sarrazin, l'article 105 précise que la société et le mandataire admissible doivent présenter conjointement la demande en vue d'obtenir l'agrément visé au paragraphe 396(3). Est-ce à cela que M. Zinatelli faisait référence?

M. Sarrazin : C'est la disposition modifiant le paragraphe 401.2(4) de la Loi sur les banques.

Le sénateur Harb : Pourriez-vous répéter cela?

M. Sarrazin : C'est l'article 116, paragraphe 2 du projet de loi — enfin, dans la version que j'ai sous les yeux.

Le sénateur Harb : Cet article s'harmonise-t-il à l'article 105?

M. Sarrazin : Je suis désolé, mais je n'ai pas l'article 105 devant moi. C'est peut-être sous une autre section.

M. Zinatelli : Je faisais référence à l'article 138 de la partie concernant la Loi sur les sociétés d'assurances. Est-ce le même libellé?

Le sénateur Harb : Oui. J'imagine qu'il faut que ce soit uniforme. Il faut apporter la même modification à la Loi sur les banques et à la Loi sur les sociétés d'assurances que l'on apporte à la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêts, sinon il y a un manque d'uniformité, peu importe quelle loi on modifie.

Je vous repose ma question, monsieur Sarrazin. Pourriez-vous nous donner un exemple d'une situation où une banque ou institution financière refuserait l'investissement d'un fonds commun de placement du secteur public?

M. Sarrazin : J'ignore quelle est l'approche des banques pour trouver des investisseurs. Ce sont des négociations privées entre les deux parties. Par contre, j'imagine que les investisseurs intéressés communiquent avec les banques. Toutefois, si au moment de la proposition, la banque cherche à racheter des actions plutôt qu'à en émettre, il est probable qu'elle refusera l'offre. Tout dépend de ses intentions et de la façon dont elle envisage d'utiliser ses capitaux. Le rachat d'actions dépend des circonstances. Les règles des accords de Bâle III seront plus strictes relativement aux niveaux de fonds propres nécessaires. On devrait donc s'attendre à ce que les institutions financières trouvent de nouveaux capitaux, et non à ce qu'elles refusent des investissements. Mais, comme l'a souligné mon collègue, il est possible que les banques ne soient pas prêtes à accepter de nouveaux investissements. Tour dépend de leur situation.

Je suis désolé si je vous ai induit en erreur plus tôt. L'article 105 se trouve dans la partie concernant la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêts. Je n'avais devant moi que celle portant sur la Loi sur les banques. Cependant, les deux articles sont pareils.

Le sénateur Harb : Ma dernière question concerne le critère de la sécurité nationale. Vous avez parlé brièvement de ce que vous faites pour fournir au ministre les meilleurs renseignements possible. Quand on parle de critères, on parle évidemment de lignes directrices. On dit aux institutions financières ce qu'elles doivent respecter. La sécurité nationale est une question très vaste. Il faut donc la définir.

M. Sarrazin : Je vais vous répondre oui, mais j'attendais la fin de votre question, car, en réalité, nous n'avons aucune ligne directrice en matière de sécurité nationale.

Le sénateur Harb : C'est ce que je vous demandais.

M. Sarrazin : Nous avons des procédures internes concernant l'enregistrement d'informations, mais elles ne s'appliquent qu'à nous. Ce que nous rendons public, ce sont les critères que doivent respecter les institutions, les directives sur les renseignements qu'elles doivent nous fournir relativement aux transactions. Les vérifications de sécurité que nous effectuons s'appuient sur des procédures internes, et je ne crois pas qu'elles aient été rendues publiques.

Le sénateur Harb : D'accord, mais selon le document qui nous a été remis, les transactions doivent être approuvées par le ministre en fonction des intérêts nationaux. Vous dites dans votre mémoire que les placements doivent servir au mieux les intérêts du système financier et respecter des critères de sécurité nationale. En tant que Canadien, j'aimerais savoir quels sont ces critères. En quelles circonstances le ministre, avec votre recommandation, doit-il décider si une transaction est dans l'intérêt national ou non? Je vous ai demandé s'il y avait des lignes directrices, et vous m'avez répondu qu'il n'y en avait pas.

M. Sarrazin : Nous suivons certaines procédures pour obtenir des renseignements, y compris communiquer avec le SCRS et la GRC, vérifier si des sanctions internationales ont été imposées aux fonds, aux particuliers et aux pays concernés, examiner les règlements antiterroristes et vérifier si le nom des individus figure sur les listes de terroristes.

Le sénateur Harb : Tenez-vous compte, par exemple, de l'impact qu'aurait une transaction sur un secteur ou de l'influence étrangère sur ce secteur?

M. Sarrazin : Pas en ce qui concerne la sécurité nationale. Nous analysons uniquement ce que j'ai mentionné plus tôt.

Le sénateur Harb : Uniquement ce qui concerne la sécurité.

M. Sarrazin : C'est exact.

Le sénateur Harb : Merci.

Le sénateur Ringuette : Je veux m'assurer de bien comprendre. En réponse aux questions du sénateur Oliver, vous avez dit que vous recueillez des renseignements à l'intention du ministre, mais que vous ne lui prodiguez ni conseils, ni recommandations.

M. Sarrazin : La loi ne nous y oblige pas dans ce cas-ci. Toutefois, c'est une pratique courante en vertu du mandat du BSIF.

Le sénateur Ringuette : Dans ce cas-ci. Pourquoi, alors, n'en est-il pas question dans ce projet de loi?

M. Sarrazin : Il faudrait poser la question au ministère des Finances. Ce que je peux vous dire, par contre, c'est que cet agrément ministériel en matière d'investissement est comme tous les autres; ils sont tous rédigés de la même façon.

Le sénateur Ringuette : Quel est le plafond en ce qui concerne la propriété étrangère pour les institutions financières canadiennes?

M. Sarrazin : Il n'y a aucun plafond pour les investissements étrangers en tant que tels; uniquement un plafond pour les investissements en général. Il y a différents niveaux de propriété applicables en fonction de la taille de nos institutions. Tout dépend de l'institution visée. Les banques appartiennent à diverses catégories. Pour les sociétés d'assurances, le nombre de catégories est moins élevé. Comme je l'ai mentionné, cette mesure législative ne vise pas les règles relatives à la propriété. Elles demeurent inchangées pour les investisseurs étrangers comme pour les investisseurs canadiens.

Le sénateur Hervieux-Payette : Nous savons que le plafond en ce qui concerne les banques est fixé à 20 p. 100. Quel est-il pour les sociétés d'assurances?

M. Zinatelli : Le plafond est également de 20 p. 100 — c'est le critère de l'intérêt substantiel : 10 p. 100 et 20 p. 100.

Le président : Merci.

Le sénateur Ringuette : Il est intéressant de constater, par exemple, qu'un pays comme la Chine possède des milliers de sociétés d'État appartenant à la catégorie d'agents gouvernementaux, selon les dispositions de ce projet de loi. Ça ouvre la porte à de nombreux investisseurs potentiels.

Monsieur Zinatelli, vous avez dit, plus tôt, que vous protégez 25 millions de Canadiens et 45 millions de personnes un peu partout dans le monde. Vous avez dit également que votre association a investi plus de 570 milliards de dollars dans l'économie canadienne. J'aurais deux questions à vous poser. D'abord, à combien s'élève votre portefeuille d'investissement au pays?

M. Zinatelli : Je pourrais vous faire parvenir cette information à une date ultérieure.

Le sénateur Ringuette : D'accord. J'aimerais aussi connaître la ventilation de vos investissements au pays. Ont-ils été faits dans le secteur manufacturier, des services, de la technologie? Ces industries, qui créent beaucoup d'emplois au Canada, ont besoin de fonds. Je crois que le secteur financier se porte assez bien, merci. Lors du dernier trimestre, la Banque TD a augmenté ses profits de 75 p. 100. Il serait préférable d'investir dans les autres secteurs afin de les aider à accroître leur efficacité et à créer des emplois au pays. J'aimerais connaître la composition de votre portefeuille d'investissement.

M. Zinatelli : Je peux vous dire que, de façon générale, nous investissons dans tous les secteurs de l'économie. Malheureusement, je n'ai pas ces informations en mémoire, mais je pourrai vous les faire parvenir, à vous ou au comité, un peu plus tard.

Le sénateur Ringuette : Au comité, s'il vous plaît.

M. Zinatelli : Je serai heureux de vous faire parvenir ces renseignements dans quelques jours.

Le président : Envoyez-les à la greffière. Elle se chargera de les distribuer aux membres du comité.

Le sénateur Tkachuk : Un citoyen chinois peut acheter des actions à la Bourse de Toronto, non?

M. Zinatelli : Oui.

Le sénateur Tkachuk : Il pourrait acheter 5, voire 10 p. 100 d'une banque.

M. Zinatelli : Une fois qu'il atteint les 10 p. 100, il doit...

Le sénateur Tkachuk : Il doit en informer les autorités compétentes. J'essaie simplement de démontrer que les investisseurs chinois ne forment pas un complot, comme le laisse entendre ma collègue d'en face. N'importe qui peut acheter des actions à la Bourse de Toronto. Ce n'est pas un secret.

Le président : Merci pour ces précisions.

Le sénateur Tkachuk : Je fais de mon mieux, monsieur le président.

Le sénateur Ringuette : Je voudrais également préciser que ce projet de loi ouvre la porte aux sociétés d'État étrangères, pas seulement aux nôtres. On pourrait en débattre longtemps, mais, ce qui m'inquiète, c'est que le BSIF ne fournira des renseignements qu'au ministre. C'est lui qui aura le dernier mot. C'est un peu dangereux, à mon avis.

Le sénateur Hervieux-Payette : J'essaie de comprendre le but de ces modifications. J'imagine que les banques ont besoin de plus de capitaux pour se conformer aux accords de Bâle III. Auparavant, les banques canadiennes se tiraient bien d'affaire, mais elles doivent maintenant satisfaire aux normes des accords de Bâle III.

Pourquoi nos sociétés d'assurances voudraient-elles ces modifications? À mon avis, le secteur se porte bien. D'ailleurs, les sociétés continuent de fusionner, si bien que leur nombre baisse chaque année. On parle maintenant de conglomérats. Certaines sociétés de propriété étrangère sont de nouveau de propriété canadienne. J'essaie de comprendre la logique derrière cette proposition pour les banques et les sociétés d'assurances. Peut-être que quelqu'un pourrait me l'expliquer. Aussi intelligent que puisse être le ministre des Finances, il n'a pas réalisé tout d'un coup qu'il fallait trouver des fonds étrangers. Quelqu'un doit avoir demandé à ce que ces modifications soient apportées. Savez- vous qui?

M. Zinatelli : J'ignore si cela a un lien avec cette modification, mais les secteurs de l'assurance vie et de l'assurance maladie sont très exigeants en investissements. Un organisme de réglementation les oblige à conserver des capitaux importants pour financer leurs engagements. On parle ici d'engagements à très long terme. Cela demande beaucoup de capitaux.

Je crois comprendre, en lisant les déclarations du ministère des Finances, que ces modifications ont été demandées, notamment pour mettre les institutions financières canadiennes sur un pied d'égalité avec les institutions étrangères relativement à l'obtention de capitaux. Je crois que c'est une des principales raisons.

Le sénateur Hervieux-Payette : Savez-vous si votre industrie a formulé une demande particulière.

M. Zinatelli : Je l'ignore.

Le sénateur Hervieux-Payette : C'est donc un cadeau pour elle. Quel mécanisme utilise-t-on pour réunir des capitaux? Mon collègue a parlé de la bourse, mais peut-être que la société visée ne vous permettra pas d'acheter leurs actions. Il doit y avoir un mécanisme qui oblige l'acheteur à demander la permission du ministre pour procéder. On ne peut pas accepter puis refuser une telle transaction. On parle de millions de dollars, et non de quelques actions. Monsieur Sarrazin, j'aimerais savoir comment les investisseurs s'y prennent pour conclure un accord.

Les banques se présentent-elles avec eux au bureau du ministre des Finances pour lui dire : « Nous avons un investisseur ici qui désire investir 200 millions de dollars dans notre institution »? Quel est la marche à suivre?

M. Sarrazin : Comme je l'ai dit plus tôt, j'ignore quel genre de négociations les banques et les investisseurs entreprennent avant de présenter une demande au Bureau du surintendant des institutions financières, mais il est clair qu'ils ont des discussions. Dans le cas d'une demande conjointe, les deux parties doivent être d'accord sur la transaction. Alors, elles doivent certainement en discuter au préalable.

Cet agrément ministériel concerne l'émission de nouvelles actions. Une émission importante demande la préparation de nombreux documents juridiques, y compris des prospectus. Ces documents doivent être présentés au BSIF en même temps que la demande.

Comme vous l'avez souligné, les parties doivent d'abord obtenir l'autorisation du bureau avant de procéder à l'émission des actions.

Le sénateur Hervieux-Payette : Une telle émission fait baisser le prix des actions existantes.

Le sénateur Tkachuk : Tout dépend du prix des nouvelles actions.

Le sénateur Hervieux-Payette : Vous me permettez de poser ma question?

Le sénateur Tkachuk : Ce que vous dites est faux.

Le sénateur Hervieux-Payette : N'est-il pas vrai que, si une institution émet pour 200 millions de dollars de nouvelles actions, cela aura un impact sur le prix des actions existantes et les dividendes qu'elles rapportent?

Le sénateur Tkachuk : Tout dépend du prix. Si les banques ont les capitaux nécessaires, quel est le problème?

Le sénateur Hervieux-Payette : J'aimerais que M. Sarrazin réponde à ma question.

M. Sarrazin : Je n'ai pas beaucoup d'expérience à ce chapitre, car je ne suis pas responsable des autorisations pour de nouvelles émissions. Cependant, comme l'ont souligné d'autres sénateurs, le prix des nouvelles actions doit être fixé avant qu'elles ne soient émises. Bien entendu, dans certains cas, cela aura un impact sur les actions existantes, mais, habituellement, le prix est établi en fonction des conditions du marché et du prix courant.

Le sénateur Hervieux-Payette : Je ne parle pas d'acheter des actions au rabais, mais bien au prix courant.

Combien de capitaux une telle émission peut-elle rapporter? Lorsqu'on achète des actions, surtout des actions d'institutions financières, on s'attend à ce que leur valeur augmente, mais aussi à ce qu'elles rapportent des dividendes. Cela a toujours été. Après la crise de 2008-2009, les banques ont émis des actions généreuses à ce chapitre afin d'accumuler suffisamment de capitaux.

Ce que l'on propose ici, c'est la capitalisation des banques et sociétés d'assurances canadiennes. M. Zinatelli ne peut pas me dire pourquoi les sociétés d'assurances auraient besoin de nouveaux capitaux. La seule raison, à mon avis, pour laquelle les banques, elles, en auraient besoin, c'est qu'elles doivent se conformer aux accords de Bâle III. Pour elles, cela représente des milliards et non de millions de dollars.

On parle aussi des intérêts des Canadiens. Les investisseurs veulent faire des profits, sinon ils n'investiraient pas. Comment faire pour s'assurer que c'est dans le meilleur intérêt des Canadiens? Quel est le lien? Comment pourront-ils évaluer si cet investissement sert au mieux leurs intérêts?

M. Sarrazin : J'espère que je ne vous ai pas amenés à croire que les banques canadiennes ont besoin des capitaux. Elles sont pourtant très bien capitalisées.

C'est une occasion opportune d'avoir accès à du capital pour favoriser la croissance et pas nécessairement afin de satisfaire aux exigences des accords de Bâle III, même s'il faut en tenir compte.

Vous avez posé une question sur les prix. Je dois malheureusement vous répondre que nous ne réglementons pas cet aspect. Nous ne sommes donc pas l'institution gouvernementale la mieux à même de répondre.

J'ai oublié votre dernière question.

Le sénateur Hervieux-Payette : Comment saurons-nous que nos intérêts nationaux seront respectés? S'agira-t-il d'un critère dont nous n'aurons jamais entendu parler, en l'absence d'un règlement? Comme Canadienne, comment saurais- je que mes intérêts seront protégés si je devais investir dans cette banque?

M. Sarrazin : Je vois où vous voulez en venir. Il faut établir une distinction claire à propos de la Chine, dont il a été question un peu plus tôt. Il faut se rappeler qu'il s'agit d'un investissement chinois. Aux termes du projet de loi C-38, la définition de « mandataire admissible » assure une certaine garantie quant à la source de l'investissement. Elle permet de s'assurer que le mandat est accessible au public et que le fonds offre un rendement corrigé du risque à long terme. Il est beaucoup moins important de déterminer la provenance du fonds et son pays d'origine, car l'investisseur est beaucoup plus objectif que la personne investissant à des fins politiques, notamment. La mesure législative contient une disposition qui élimine les considérations d'ordre politique et les objectifs non commerciaux.

Cela étant dit, ces critères vous permettent probablement mieux de montrer que les intérêts du système financier sont protégés. Pour le ministre, davantage de capitaux dans le système financier, c'est synonyme de stabilité. C'est, je pense, ce qui a présidé à la décision de faciliter l'accès aux capitaux.

Le président : Merci, monsieur Sarrazin. Le sénateur Tkachuk voudrait poser une dernière question.

Le sénateur Tkachuk : En fait, il ne s'agit pas de mobiliser des capitaux. Si la banque doit le faire, elle le fera. Après les crises financières, la CIBC a obtenu des capitaux d'un milliardaire de Hong Kong. Une banque doit se plier à une série de procédures, notamment établir un prospectus pour obtenir des capitaux. Elle peut recourir à ses capitaux propres ou mobiliser des capitaux pour satisfaire à un besoin particulier. En définitive, elle ne fait qu'ajouter un autre client à sa liste. C'est tout.

M. Sarrazin : Vous avez effectivement raison.

Le sénateur Tkachuk : C'est aussi simple que cela. Il ne s'agit donc pas d'un stratagème pour faire diminuer la valeur des actions. La banque réussira toujours à mobiliser des capitaux avec ou sans l'aide de ce client. On ne fait qu'ajouter un client.

M. Sarrazin : Lorsque vous voulez vendre votre maison, plus vous avez d'acheteurs potentiels, plus vous êtes ravis.

Le sénateur Tkachuk : Exactement, et cela en fait augmenter le prix.

M. Sarrazin : Plus vous émettez d'actions, plus vous avez d'acheteurs.

Le président : Merci infiniment. Messieurs, ainsi prennent fin les questions des membres de notre comité. Au nom de mes collègues, je tiens à vous signaler, monsieur Sarrazin et monsieur Zinatelli, que nous vous sommes grandement reconnaissants de votre comparution devant nous.

Au cours de la deuxième heure, nous examinerons la Section 2 de la Partie 4 qui prévoit une suspension automatique et limitée à l'égard de certains contrats financiers admissibles lors de la constitution d'une institution-relais. Cette section modifie également la loi afin de favoriser la compensation centralisée d'instruments dérivés de gré à gré standardisés.

Je vous présente notre second groupe de témoins : William S. Rice, qui comparaîtra par vidéoconférence, est président d'Autorités canadiennes en valeurs mobilières et de la Commission des valeurs mobilières de l'Alberta; Greg Cowper, directeur des Politiques de la Société d'assurance-dépôts du Canada, et Chantal Richer, directrice de Services juridiques de la même société; Robert Turnbull, conseiller juridique spécial, Système législatif à la Banque du Canada.

Nous commencerons peut-être par M. Rice. Monsieur, est-ce que vous m'entendez bien?

William S. Rice, président, Autorités canadiennes en valeurs mobilières, et président, Commission des valeurs mobilières de l'Alberta : Oui. Merci infiniment.

Le président : Souhaitez-vous lire une déclaration préliminaire?

M. Rice : Oui. Je me lance donc.

Lors du sommet du G20 tenu à Pittsburg en 2009, les dirigeants du Canada et des pays du G20 ont convenu ce qui suit à propos des organismes de réglementation des valeurs mobilières : « Tous les contrats dérivés de gré à gré standardisés devraient, d'ici la fin de 2012 au plus tard, se transiger sur des plates-formes boursières ou commerciales électroniques, au besoin, et être approuvés par les contreparties centrales. Ces contrats devraient être signalés aux dépositaires commerciaux. »

Après avoir analysé et débattu la question exhaustivement, les responsables de la Banque du Canada, du Bureau du surintendant des institutions financières, du ministère fédéral des Finances et d'Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont convenu que, sous réserve d'exemptions pertinentes, les instruments dérivés de gré à gré standardisés devraient faire l'objet d'une compensation par une contrepartie centrale, une CC, et que les autorités canadiennes accordent ce pouvoir de compensation à toute CC canadienne ou internationale. Les organismes canadiens de réglementation des valeurs mobilières possèdent les pouvoirs nécessaires afin d'autoriser l'exploitation d'une CC au pays.

Les systèmes de compensation et de règlement sont visés par plusieurs dispositions de la Loi sur la compensation et le règlement des paiements, la LCRP, qui garantit l'application de règles par une chambre de compensation des valeurs mobilières, afin de s'assurer que ces règles, qui visent à déterminer le montant d'un règlement, les modalités des transactions ou le transfert de paiements ou de garanties entre les parties, sont exécutoires et ne peuvent être contestées devant un tribunal ou une autre entité. Ces dispositions favorisent la certitude qui doit régner sur le marché des valeurs mobilières.

Tout d'abord, il faudrait aussi modifier la LCRP pour qu'elle vise non seulement la compensation des paiements et des valeurs mobilières, mais également la compensation des instruments dérivés. Ensuite, de tels amendements sont nécessaires pour que le Canada se dote d'un régime de compensation des instruments dérivés qui soit conforme aux normes et aux pratiques internationales à ce chapitre.

Il y d'abord les modifications aux diverses définitions. La LCRP a été rédigée en fonction de la compensation et le règlement des paiements au chapitre des valeurs mobilières plutôt qu'au chapitre des instruments dérivés de gré à gré. Par conséquent, ces définitions comportent des lacunes sur la compensation des instruments dérivés. Plusieurs des modifications proposées corrigent la situation. Notamment, la définition proposée de « système de compensation et de règlement » élimine toute ambiguïté concernant l'application de l'article 4 à la compensation des instruments dérivés.

On propose également de modifier la définition de « règles applicables au règlement » afin que ces règles visent non seulement les obligations de paiement, mais également les obligations de délivrance et le transfert de garanties. Autrement dit, la définition de « règles applicables au règlement » sera élargie pour viser les transferts d'intérêts dans des biens pour s'assurer que ces transferts ne peuvent être annulés, suspendus ou remboursés. Encore une fois, l'objectif consiste à viser les instruments dérivés de gré à gré.

Pour englober les garanties financières dans le cas de contrats dérivés de gré à gré faisant l'objet d'une compensation centralisée, le projet de loi propose également de modifier la définition de « garantie financière » de la Loi sur la compensation et le règlement des paiements. Pour que cette définition soit conforme à l'évolution des usages du marché, on accorde un pouvoir réglementaire pour que la liste des produits visés puisse être augmentée ultérieurement.

Nous retrouvons par la suite les modifications sur la suspension automatique et les préférences frauduleuses. Il est essentiel que le transfert, la cession et le nantissement d'un bien entre les membres d'un système de compensation et leurs clients ne fassent pas l'objet d'une suspension en vertu du droit canadien, ce qui offre une certitude aux établissements participants.

Le projet de loi C-45 accroît la portée de la protection accordée par l'article 13 de la LCRP pour viser les accords de compensation conclus entre un établissement participant — un membre de la chambre de compensation — et le client auquel il fournit un service de compensation. Des accords de compensation sont souvent conclus lors de la vente d'instruments dérivés. Le projet de loi C-45 modifie l'article 13.1 de la LCRP pour que les garanties données par une CC canadienne à une CC d'un autre pays soient protégées contre les suspensions. C'est une modification importante, compte tenu du rôle que devraient jouer les CC des autres pays dans notre régime.

Le projet de loi C-45 corrige les lacunes des dispositions régissant la préférence frauduleuse dans les lois en matière d'insolvabilité, de sorte que la protection accordée dans la LCRP s'applique à tous les transferts de biens dans un système de règlement et de compensation, et non pas uniquement au règlement des obligations monétaires. En outre, il propose une modification pour bien préciser que cette protection s'applique non seulement au paiement d'une somme relativement à une garantie financière, mais également à l'octroi de titres et au transfert de garanties financières.

En vertu de la Loi sur la Société d'assurance-dépôts du Canada, si un décret est adopté pour créer une institution- relais, les droits en matière de compensation, de résiliation ou de garantie s'appliquant aux contrats financiers admissibles exonérés ne peuvent être exigés de l'entité lorsque la SADC garantit sans condition le paiement de toute somme due par l'entité ou veille à ce que les obligations de l'entité résultant du contrat soient prises en charge par l'institution-relais.

Le libellé n'est pas assez précis pour déterminer si cette disposition annulerait la protection contre les suspensions en vertu des articles 8 et 13.1 de la LCRP. Le projet de loi C-45 modifie ladite loi pour préciser que les dispositions pertinentes de la Loi sur la SADC s'appliquent malgré les dispositions de la LCRP.

En outre, il y a également une modification à la Loi sur la Société d'assurance-dépôts du Canada. Actuellement, la société a le pouvoir d'autoriser la création d'une « banque-relais » qui assurerait la relève d'une banque en faillite, une banque qui ne serait plus fiable. Lorsqu'une telle banque-relais est constituée, la loi stipule qu'une suspension conditionnelle peut être imposée aux clauses de résiliation de certains contrats financiers admissibles, si la Société d'assurance-dépôts du Canada garantit le paiement des obligations de la banque en faillite ou transfère ces obligations à la nouvelle banque-relais. Ce sont les modalités qui s'appliquent actuellement. Cette suspension facilite la création d'une banque viable, en l'occurrence la nouvelle banque-relais.

Les modifications proposées à la Loi sur la Société d'assurance-dépôts du Canada établissent de nouvelles modalités concernant de telles suspensions. On accorde un jour ouvrable, et les mêmes critères s'appliquent. La SADC dispose donc d'un jour ouvrable pour déterminer les contrats financiers qui seront transférés à la nouvelle banque et ceux qui demeureront la responsabilité de la banque en faillite.

Je récapitule. Nous sommes d'avis que ces modifications garantissent que les lois régissant la compensation au Canada s'appliqueront aux instruments dérivés, en vertu des pouvoirs confiés aux organismes de réglementation financière du Canada. C'est ce qu'ont convenu les pays du G20. En outre, ces modifications font en sorte que les lois canadiennes seront conformes aux normes internationales, ce qui permet aux établissements canadiens d'offrir des services de compensation aux autres pays et ce qui permet aux établissements étrangers de faire de même au Canada. Selon les organismes canadiens de réglementation des valeurs mobilières, ces modifications sont conformes aux normes et pratiques internationales. Elles nous aideront à exercer nos pouvoirs en la matière. J'en resterai là. Je vous remercie de votre attention.

Le président : Monsieur Cowper, je vous cède la parole.

Greg Cowper, directeur, Politiques, Société d'assurance-dépôts du Canada (SADC) : Bonjour, je suis accompagné de ma collègue, Chantal Richer, directrice des Services juridiques à la SADC.

La Société d'assurance-dépôts du Canada est une société d'État fédérale, dont le mandat consiste à protéger les dépôts des Canadiens auprès de nos 82 institutions membres en cas de faillite de l'une d'entre elles, ainsi qu'à favoriser la stabilité du système financier canadien. Depuis sa création en 1967, la SADC a réglé la faillite de 43 institutions membres. Les dépôts détenus par ces institutions s'élevaient à 24 milliards de dollars et appartenaient à quelque 2 millions de Canadiens. Au 30 avril 2012, les dépôts assurables détenus auprès de nos membres étaient supérieurs à 640 milliards de dollars.

Depuis le début de la crise financière mondiale, le Parlement a modifié le cadre législatif de la SADC pour optimiser nos outils de règlement des faillites et notre capacité de promouvoir la stabilité financière, notamment en nous donnant le pouvoir d'établir une institution-relais pour assurer la poursuite des activités de l'institution faillie. Par ailleurs, le Conseil de stabilité financière a élaboré des normes internationales établissant un cadre de règlement efficace des faillites d'institutions financières, normes que les pays du G20 ont adoptées en 2011.

Les modifications visant la Loi sur la SADC s'inscrivent dans la suite logique de ces normes internationales. Elles donneraient à la SADC des moyens accrus d'assumer et de préserver les fonctions essentielles de l'un de ses membres en faillite. Elles lui donneraient le temps de décider quels contrats financiers admissibles elle veut transférer de l'institution membre en faillite à une institution-relais. Les modifications proposées prévoient une suspension automatique d'un jour ouvrable pour empêcher certaines contreparties d'une institution membre de la SADC en faillite de résilier des contrats financiers admissibles, concernant notamment des instruments dérivés et des pensions sur titres.

La suspension serait limitée : elle s'appliquerait uniquement aux droits de résiliation découlant des mesures prises par la SADC dans le cadre d'un règlement. Les contreparties conserveraient le droit de résilier un contrat financier admissible pour d'autres motifs, par exemple si l'institution faillie manquait à ses engagements.

Toutefois, la suspension automatique ne s'appliquerait pas aux contrats financiers admissibles compensés par des contreparties centralisées désignées dans la Loi sur la compensation et le règlement des paiements.

Sur ce, je vous remercie de votre attention et je répondrai avec plaisir à vos questions.

Robert Turnbull, conseiller juridique spécial, Système législatif, Banque du Canada : Je vous remercie de donner à la Banque du Canada l'occasion d'aider votre comité dans son étude des modifications proposées à la Loi sur la compensation et le règlement des paiements.

M. Rice, président d'Autorités canadiennes en valeurs mobilières, a fort bien résumé les diverses modifications. Je souhaiterais peut-être vous donner le point de vue de la Banque du Canada sur l'objectif des modifications proposées.

[Français]

Au sommet des dirigeants du G20, tenu à Pittsburgh en 2009, il avait été convenu que tous les contrats de produits dérivés de gré à gré standardisés devraient être compensés par des contreparties centrales d'ici la fin de 2012. Une contrepartie centrale est une infrastructure des marchés financiers qui s'interpose entre deux parties à une transaction, soit entre l'acheteur et le vendeur, en veillant au respect des obligations découlant de tout contrat qu'elle est chargée de compenser.

En atténuant et en gérant le risque de contrepartie, les contreparties ont de grandes chances de réduire le risque systémique tant à l'échelle mondiale qu'à celle du Canada. Elles réduisent le risque de propagation des chocs financiers au sein de système financier et permettent aux marchés de rester constamment ouverts, y compris en période de tensions.

Il y a environ un mois, les autorités canadiennes ont réitéré la volonté de respecter l'engagement du G20 à l'égard de la compensation centrale, et ont indiqué que les établissements canadiens participant au marché des produits dérivés pourraient s'y tenir en compensant leurs contrats par l'entremise des systèmes de compensation transfrontières qui sont actuellement mis en place au Royaume-Uni et aux États-Unis.

Que les produits dérivés soient compensés par une contrepartie centrale au Canada ou à l'étranger, ce sont les lois canadiennes qui s'appliqueront pour l'établissement des droits et obligations des participants canadiens et de leurs clients. Il est donc important, pour la stabilité financière au pays, que les transferts d'actifs qui s'opéreront entre les contreparties centrales, les participants canadiens et leurs clients dans le cadre de la compensation et du règlement des opérations sur les produits dérivés soient protégés de recours juridiques possibles s'il advenait qu'un participant canadien devienne insolvable.

[Traduction]

La Loi sur la compensation et le règlement des paiements est la principale mesure législative canadienne qui protège les systèmes de compensation et de règlement contre les recours juridiques en cas de défaillance d'un participant. Aux termes de cette loi, la Banque du Canada est chargée de surveiller les systèmes de compensation susceptibles de présenter un risque systémique. La loi confère également un certain nombre de protections juridiques. En particulier, elle garantit que les droits des chambres de compensation à être payées, à régler les opérations et à traiter les biens remis en garantie pour les participants ne puissent être entravés par des mesures de suspension ou d'annulation prévues par des lois sur l'insolvabilité en cas de défaut de participant. Ces protections visent à faire en sorte que les chambres de compensation puissent exercer leurs droits légaux pour régler dans des délais raisonnables les opérations dans le système à la suite d'un défaut, et qu'elles disposent des droits suffisants sur les biens remis en garantie par les participants pour éviter, elles-mêmes, de s'effondrer à cause de la défaillance d'un ou de plusieurs participants.

Lorsqu'elle a été adoptée, en 1996, la LCRP visait principalement les systèmes chargés de régler les obligations de paiement. Bien que sa portée ait été élargie depuis aux systèmes de compensation des valeurs mobilières et des instruments dérivés, un grand nombre des protections qu'elle confère sont encore formulées d'une façon qui donne à penser qu'elles s'appliquent à la compensation des paiements, mais pas nécessairement à celle des contrats dérivés. Par exemple, les protections garantissant le caractère exécutoire des règles applicables au règlement énoncées à l'article 8 se limitent aux règles des chambres de compensation qui servent au calcul, à la compensation ou au règlement des obligations de paiement. Rien n'indique que ces protections nécessaires s'étendent à la compensation des contrats dérivés et aux transferts de biens cédés en garantie et d'autres actifs qui étayent les systèmes de compensation d'instruments dérivés.

Les modifications qui seraient apportées à la loi lèvent tout doute à cet égard, en donnant aux intermédiaires l'assurance qu'ils pourront exercer avec succès les recours juridiques à leur disposition en cas de défaut d'un participant canadien, sans craindre que leurs droits soient suspendus ou gelés. Cette disposition permettra de réduire la probabilité que l'intermédiaire ait à assumer les pertes, ce qui pourrait présenter un risque pour l'ensemble du système financier.

À notre avis, il est aussi important de souligner que les modifications envisagées répondent également aux inquiétudes de certains intermédiaires d'envergure internationale qui sont convaincus, tout comme les organismes les réglementant, que la législation canadienne ne protège pas leur capacité d'exercer leurs droits à l'encontre d'un participant canadien défaillant et des biens que celui-ci aurait remis en garantie. Cette opinion restreint l'aptitude des grands établissements canadiens participants à faire compenser les instruments dérivés de leurs clients par un certain nombre d'intermédiaires. C'est ainsi que les participants canadiens au marché se retrouvent désavantagés par rapport à un concurrent étranger dont le pays a choisi d'instaurer des mesures législatives exhaustives pour protéger la compensation des instruments dérivés au moyen d'intermédiaires, ce qui est notamment le cas des États-Unis et des pays de l'UE.

Encore une fois, les modifications proposées donnent aux intermédiaires l'assurance qu'ils pourront exercer avec succès les recours juridiques à leur disposition en cas de défaut d'un participant canadien, sans craindre que leurs droits soient suspendus ou gelés.

Ceci conclut notre exposé, monsieur le président, et nous serons heureux de discuter des modifications.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Turnbull. Je vais maintenant donner la parole aux sénateurs qui ont des questions, en commençant par la vice-présidente du comité, le sénateur Hervieux-Payette.

Le sénateur Hervieux-Payette : Bienvenue à notre témoin de l'Alberta. J'aimerais vous poser quelques questions. Elles pourront vous sembler un peu moins précises, étant donné qu'elles passent par la vidéoconférence.

Par le passé, les instruments dérivés de gré à gré ont-ils causé des difficultés aux institutions financières? J'ai eu l'impression que l'effondrement majeur aux États-Unis n'était pas imputable aux instruments dérivés. Avez-vous qualifié le prêt à risque élevé d'instrument dérivé?

M. Turnbull : On a beaucoup parlé de ce qu'on appelle les instruments dérivés de gré à gré pendant et depuis la crise financière de 2008, car on a conclu qu'ils étaient l'un des moyens principaux par lesquels le risque se propageait dans l'ensemble du système. Ce sont des instruments extrêmement élaborés. Certains d'entre eux, très complexes, étaient exemptés, c'est-à-dire qu'ils ne faisaient l'objet d'aucun règlement ni d'aucune compensation centralisée.

Le sénateur Hervieux-Payette : Vous savez à quel point cela a été une catastrophe pour notre fonds de pension au Québec; on a perdu plusieurs milliards de dollars dans les transactions. Lorsque vous parlez d'instruments dérivés, j'ai toujours l'impression qu'ils sont très obscurs et difficiles à comprendre, au point où les spécialistes en fonds de pension ne pouvaient pas se rendre compte des risques qu'ils prenaient. Ils se fiaient à l'évaluation de Moody.

Maintenant, cela signifie-t-il que nous allons corriger la situation et que quelqu'un sera en mesure de faire une évaluation et de répondre oui ou non? J'aimerais avoir l'impression que nous ne mettrons pas le système financier en péril encore une fois.

M. Turnbull : Les gouvernements et les organismes de réglementation ont conclu que l'engagement du G20 à centraliser les compensations des instruments dérivés était l'une des mesures qu'il était important de mettre en œuvre pour contrôler le type de risque dont vous parlez. Ces intermédiaires aident à contrôler le risque, car les instruments sont d'abord négociés et on procède à leur règlement plus tard. En effet, avant la fin des négociations, les instruments sont intégrés à l'intermédiaire, qui absorbe le risque, car il est très bien protégé par des garanties et un ensemble de règles qui lui permettent de mettre fin à un contrat ou de le liquider s'il y a défaillance.

Les modifications à la LCRP sont conçues pour veiller au caractère exécutoire de ces systèmes de compensation centralisés.

Le président : Monsieur Rice, aimeriez-vous ajouter quelque chose?

Le sénateur Hervieux-Payette : Monsieur Rice, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Rice : J'aimerais faire deux brefs commentaires. L'un concerne la transparence. Les organismes de réglementation et d'autres ont donné l'impression qu'ils n'étaient pas vraiment conscients — ainsi qu'un grand nombre de participants — de la portée des transactions sur les instruments dérivés ou des complications associées à ces transactions. On a proposé de prendre une exigence de déclaration pour contribuer à la diffusion des connaissances sur ces transactions, afin qu'elles ne soient plus aussi mystérieuses.

L'intermédiaire est au centre de chaque transaction et il est l'acquéreur de chaque acheteur et l'acheteur de chaque acquéreur. En théorie, si l'intermédiaire est assez solide, la transaction sera toujours viable, durable et solide. Il est clair que ces exigences, comme M. Turnbull l'a expliqué, constituent un effort pour régler les problèmes que vous avez cernés et auxquels on a fait face pendant les difficultés de 2008-2009.

Le sénateur L. Smith : Monsieur Rice, j'ai une question à laquelle vous pouvez peut-être répondre. Je suis probablement un néophyte en matière d'instruments dérivés. Le G20 a accepté de prendre de nouveaux règlements qui lui permettent d'exercer un meilleur contrôle. Tous les pays du G20 ont-ils pris des règlements similaires? Qui se qualifie pour être un intermédiaire? Combien y a-t-il de participants? D'après ce que vous dites, il semble qu'un ou deux groupes principaux contrôlent les transactions pour garantir la légitimité et l'exécution appropriée de ces contrats. Si vous pouviez m'aider à ce sujet, je vous en serais reconnaissant.

M. Rice : Tous les pays qui participent à des transactions financières importantes et à la réglementation des institutions financières et des opérations sur valeurs mobilières passent par le même processus. Certains sont plus avancés que d'autres. Les États-Unis sont probablement en tête, dans une certaine mesure. Les pays de l'UE sont peut-être un peu plus en avance. À notre connaissance, le Canada est probablement bien placé comparativement au reste en ce qui a trait à l'atteinte des objectifs de ces modifications et des directives du G20. Nous sommes tous en communication, et nous essayons de respecter les normes internationales et d'établir des normes cohérentes entre les différents pays. C'est l'intention, même si nous n'y sommes pas encore. Le processus n'est pas achevé, mais le Canada progresse à un bon rythme. Nous nous attendons à ce que le Canada se conforme aux règlements et aux régimes en vigueur ailleurs, surtout en ce qui concerne les États-Unis, le Royaume-Uni et les pays de l'UE, avec lesquels la majorité de nos transactions sont effectuées.

Peu de gens voudraient participer aux transactions les plus importantes sur les instruments dérivés. C'est l'une des raisons pour lesquelles le groupe d'organismes de réglementation a décidé qu'un intermédiaire mondial serait acceptable pour les transactions autorisées au Canada. À l'échelle mondiale, seules quelques agences de compensation et de dépôt très importantes et bien établies possèdent les installations, l'expérience et la stabilité financière nécessaires. En effet, lorsque les transactions ont une importance systémique, seules quelques agences de compensation et de dépôt se qualifieraient et seraient jugées appropriées pour assumer ce rôle.

Le sénateur L. Smith : Quelle agence se qualifierait au Canada?

M. Rice : Celle qui me vient à l'esprit, c'est LCH.Clearnet de Londres, en Angleterre.

Le sénateur L. Smith : Il s'agit d'une grande entreprise internationale.

M. Rice : C'est exact. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous devons veiller à ce que notre cadre législatif et réglementaire soit conforme aux normes internationales. En effet, les organismes qui pourraient s'occuper des transactions d'importance systémique pour le Canada seraient des organismes internationaux.

Le sénateur L. Smith : À votre avis, devrait-on apporter d'autres modifications ou ajouts au projet de loi qui pourraient aider à rendre les choses encore plus efficaces?

M. Rice : J'hésite à répondre, car nous n'avons pas participé à la rédaction du projet de loi, mais nous avions des gens qui participaient aux discussions avec des membres du personnel de divers organismes. S'il y a des carences sur le plan de l'efficacité, je ne suis pas au courant. Je ne veux pas vous donner de garantie, mais si nous avons besoin d'autre chose, je ne suis certainement pas au courant.

Le sénateur Harb : J'aimerais savoir quel effet l'adoption du projet de loi C-45 aura sur le temps nécessaire pour obtenir la compensation d'une transaction. Par exemple, a-t-on proposé quelque chose pour accélérer la compensation d'une transaction?

M. Rice : Ces modifications ne visent pas la vitesse du processus. En fait, sur le marché, on pourrait craindre que les choses ralentissent, car traditionnellement, ces transactions de gré à gré s'effectuaient individuellement entre deux parties et en privé; le temps ne posait donc pas de problème. Par contre, avec les modifications proposées, les transactions doivent passer par un processus et être consignées dans un rapport. Elles sont traitées par des systèmes électroniques extrêmement complexes. Je ne sais pas si le temps est une préoccupation, mais les projets de loi et de règlement ne visent pas à accélérer les transactions.

Le sénateur Harb : Nous parlons des instruments dérivés. Tous les deux jours, on lance un nouvel instrument sur le marché. À votre avis, le projet de loi prévoit-il d'autres types d'instruments ou vise-t-il précisément des instruments qui existent déjà? S'il vise seulement ceux qui existent déjà, le projet de loi C-45 devrait-il aussi prévoir les instruments futurs qui devraient être pris en considération?

M. Rice : Au bout du compte, l'ensemble du régime exigera que toutes les transactions d'instruments dérivés de gré à gré qui ont déjà été effectuées — et il y aura des exceptions à cette exigence — entre deux parties et sans publication passent par un intermédiaire et un système de rapports. Les exigences ne se limiteront pas à certaines catégories d'instruments dérivés. Les instruments dérivés futurs, s'ils se qualifient selon cette définition de « dérivés », seront aussi visés par ces exigences.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Cowper, et vous aussi monsieur Turnbull, pendant les événements de 2008-2009, nous avons tous appris qu'il faut être plus transparent. Cela ne fait aucun doute. Les modifications proposées sont très techniques, mais pourriez-vous nous confirmer que ce que nous faisons ici a été fait aux États-Unis et au Royaume-Uni et qu'il s'agit de la même approche?

M. Turnbull : Il est évident que chaque pays a ses propres lois, mais nous essayons d'offrir le même niveau de protection que les autres.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Cowper, d'après ce que je comprends, cela a été fait au Royaume-Uni et aux États-Unis. Notre démarche est-elle cohérente avec ce qui a été fait là-bas?

Chantal Richer, directrice, Services juridiques, Société d'assurance-dépôts du Canada (SADC) : En ce qui concerne la proposition dans le cadre de notre loi, ce sont des normes internationales récemment établies par le Conseil de stabilité financière et ce sont les éléments essentiels d'un régime de règlement efficace.

Ce sont des normes internationales, et la suspension a été utilisée aux États-Unis pendant un certain temps en vertu de la FDIC. D'autres pays envisagent aussi de mettre en œuvre ces normes.

Le sénateur Massicotte : Je constate que ce qu'on propose, c'est une suspension d'un jour ouvrable. Est-il adéquat de liquider et de permettre au reste du recours de se produire? Je ne sais pas à qui je devrais poser cette question.

M. Cowper : Nous pensons que cela établit un bon équilibre entre le fait de nous permettre d'accomplir notre travail, de façon très rapide, de régler une institution financière et de permettre aux titulaires de contrats d'exercer leurs droits dans un délai adéquat. Nous pensons que cela établit l'équilibre approprié.

Comme ma collègue l'a mentionné, c'est conforme aux pratiques internationales en vigueur dans ce domaine. Nous respectons les normes internationales.

Le sénateur Massicotte : Merci.

Le sénateur Moore : Je remercie tous les témoins d'être ici. J'aimerais revenir sur la question du sénateur Massicotte, car il mentionnait la résiliation des contrats admissibles pendant un jour ouvrable suivant la constitution d'une institution-relais. La constitution de l'institution-relais pourrait prendre quelques jours, ce qui vous donnerait un peu plus de temps, n'est-ce pas? Est-ce un jour après la constitution de l'institution-relais?

M. Cowper : C'est exact. En théorie, si le décret ordonnant la constitution de l'institution-relais est pris, par exemple, un vendredi soir, la suspension serait en vigueur jusqu'à la fin du jour ouvrable suivant, c'est-à-dire le lundi.

Le sénateur Moore : Lorsque vous entreprenez le processus de constitution d'une institution-relais, vous devez avoir fait preuve de la diligence nécessaire avant de prendre une telle décision.

M. Cowper : C'est exact.

Le sénateur Moore : Quelle est la durée habituelle du processus? Je ne sais pas si vous avez eu à constituer des institutions-relais lors des 43 autres faillites, mais combien de temps s'écoule-t-il entre la décision et son exécution?

Mme Richer : La période de suspension commence au moment où le décret ordonnant la constitution de l'institution- relais entre en vigueur et est rendu public. Dans l'exemple de mon collègue, si c'est le vendredi soir, la période de suspension commencerait donc à ce moment-là et, dans son exemple, elle se terminerait à 17 heures le lundi suivant.

Le sénateur Moore : Je comprends, mais pour conclure qu'il faut constituer une institution-relais, il n'est pas nécessaire de procéder rapidement, n'est-ce pas? Cela prend-il des jours ou des semaines?

M. Cowper : L'institution-relais peut être constituée en vertu d'un décret pris par le ministre des Finances.

Le sénateur Moore : Oui, mais il faudrait un peu de temps pour évaluer les circonstances et les actifs de l'institution en faillite, ce qui pourrait prendre combien de temps? Une semaine? Vous n'auriez pas à le faire du jour au lendemain.

M. Cowper : Non. Nous collaborons étroitement avec nos autres partenaires en matière de soutien financier à cet égard. La surintendante des institutions financières et son personnel sont sur place et évaluent régulièrement la viabilité financière d'une institution membre de la SADC, et nous serions en étroite communication avec eux avant de décider qu'il faut liquider une banque.

Durant ce processus, on évaluerait les options de règlement, et une institution-relais serait l'une des options envisagées.

Le sénateur Moore : Il faudrait peut-être plusieurs jours. Cela pourrait-il prendre jusqu'à une semaine?

M. Cowper : Je pense que cela dépendrait en grande partie des circonstances. Si une banque éprouvait des difficultés et qu'il fallait intervenir très rapidement, alors le processus pourrait être entrepris en conséquence.

Mme Richer : Le processus serait également simplifié grâce aux travaux que nos membres réalisent pour élaborer des plans de règlement et comprendre leur structure, les actifs, et cetera. Des travaux sont actuellement menés en ce sens.

Le sénateur Moore : Le sénateur Massicote a fait valoir une réflexion, mais je veux revenir sur la question.

Le sénateur Massicotte : À ce sujet, qu'est-ce qu'une institution-relais? S'agit-il d'une banque qui offre du financement provisoire?

M. Cowper : Il s'agit essentiellement d'une banque provisoire appartenant à la SADC qui prendrait la relève en assurant les services et les fonctions d'une institution membre en faillite.

Le sénateur Massicotte : C'est une entité qui appartient à la SADC, et non à un organisme externe. Vous prenez en main la gestion de tous les actifs. Vous avancez des fonds, mais j'imagine qu'on vous rembourse?

M. Cowper : Nous pouvons essentiellement transférer les actifs et les responsabilités de l'institution en faillite à la banque-relais nouvellement créée.

Le sénateur Massicotte : Merci.

Le sénateur Moore : Lorsque vous avez suivi ces processus et avez réparé le plus possible les pots cassés, qu'advient-il de cette banque par la suite? Qu'advient-il de cette société? La dissout-on?

M. Cowper : Non, idéalement, la banque-relais sera vendue au secteur privé.

Le sénateur Moore : Quelqu'un achèterait les actions?

M. Cowper : C'est exact.

Mme Richer : C'est au cas où il n'y aurait aucun acheteur au moment voulu. La banque-relais vise à maintenir une stabilité financière jusqu'à ce qu'une banque viable puisse être revendue au secteur privé. Ces banques sont provisoires.

Le sénateur Moore : Monsieur Turnbull, vous parlez de l'importance de ce projet de loi parce qu'il confirme hors de tout doute si ces mesures de protection nécessaires résistent à la compensation des produits dérivés, et pas seulement aux obligations de paiement.

Au paragraphe suivant, vous dites que « les modification qui seraient apportées à la loi lèvent tout doute à cet égard, en donnant aux contreparties centrales l'assurance qu'elles pourront exercer avec succès les recours juridiques à leur disposition en cas de défaut d'un participant canadien, sans craindre que leurs droits soient suspendus ou gelés ». Vous répétez exactement la même chose plus loin.

Ce doit être important pour vous puisque vous le répétez. Je ne comprends pas ce que vous entendez par « en donnant aux contreparties centrales l'assurance qu'elles pourront exercer avec succès les recours juridiques à leur disposition en cas de défaut d'un participant canadien, sans craindre que leurs droits soient suspendus ou gelés ». Pourriez-vous m'expliquer ce que vous voulez dire par « sans craindre que leurs droits soient suspendus ou gelés »?

M. Turnbull : Ordinairement, les lois canadiennes sur l'insolvabilité prescrivent la procédure à suivre lorsqu'une institution devient insolvable. Soit la suspension est automatique, soit les tribunaux ont le pouvoir discrétionnaire de suspendre les recours intentés par les créanciers de l'institution. Les fonds sont gelés essentiellement.

Le sénateur Moore : On ne change rien. Personne ne fait de réclamation. Personne ne prend de mesure. Les choses demeurent telles quelles.

M. Turnbull : Aucun créditeur ne peut intenter de recours juridiques contre l'institution.

Dans certains cas, la loi reconnaît qu'il existe certains types de droits suffisamment importants prévus dans certains types de contrats, dans le but de maintenir une stabilité financière, pour permettre aux parties de se prévaloir de ces droits et exempter ces contrats des suspensions habituelles. C'est ce que font ces protections prévues dans la Loi sur la compensation et le règlement des paiements relativement aux transactions effectués en dehors de l'organisme de compensation, mais cela peut nuire à la stabilité de l'organisme.

Le sénateur Moore : Une suspension et un gel, c'est du pareil au même? Vous les avez mentionnés et répétés tous les deux. Quand des droits sont gelés, est-ce différent que lorsqu'ils sont suspendus?

M. Turnbull : Il n'y a pas de différence. On utilise diverses techniques dans les cas d'insolvabilité. D'une part, il y a la suspension, qui consiste à geler les actifs et à supprimer la capacité d'intenter des recours contre ces actifs et, d'autre part, il y a la suppression des transactions qui ont déjà été réglées. On peut parfois éliminer ces transactions.

Une autre disposition dans les lois sur l'insolvabilité — qui est courante —, c'est que l'on part du principe que pour une période donnée avant la déclaration d'insolvabilité, tout transfert des actifs par l'institution insolvable est réputé avoir été effectué dans le but de frauder les créanciers ou d'en privilégier certains.

Le sénateur Moore : Quelle est la période?

M. Turnbull : Dans certaines lois, c'est 90 jours, et dans d'autres, 60 jours.

Le sénateur Hervieux-Payette : J'ai une question pour M. Rice et une autre pour M. Turnbull.

Peut-on dire que la solution pour prévenir les futurs problèmes est prévue dans le mandat du Conseil de stabilité financière présidé par le gouverneur Carney de la Banque du Canada, et que le rôle du conseil a été établi dans le cadre des discussions du G20?

M. Turnbull : C'est exact. Vous avez mis le doigt sur l'objectif central du Conseil de stabilité financière, à savoir relever les lacunes réglementaires et formuler des recommandations qui pourraient être adoptées par des pays partout dans le monde pour renforcer leur cadre réglementaire et leurs règles concernant les capitaux et créer un système financier plus stable afin que la crise financière de 2008 ne se reproduise jamais, par exemple.

Le sénateur Hervieux-Payette : J'imagine que le gouverneur de la Banque du Canada et le ministre des Finances participent au processus.

M. Turnbull : Tout à fait.

Le sénateur Hervieux-Payette : Monsieur Rice, je vous ai entendu dire que le système de contrepartie centrale n'est pas totalement en place. Il le sera bientôt. Ai-je raison de dire que toute transaction sur instruments dérivés sera examinée ou approuvée par cet organisme lorsque le système sera entièrement en place? Qui surveillera ces transactions sur instruments dérivés?

M. Rice : Certaines responsabilités seront partagées. La Banque du Canada surveillera les transactions et les organismes de compensation qui ont une importance systémique pour le Canada. Les organismes de réglementation des valeurs mobilières surveilleront les transactions sur instruments dérivés, les organismes de compensation et les contreparties centrales qui participent à la compensation de transactions sur instruments dérivés.

Nous n'approuvons pas les transactions. Nous demandons que chaque transaction soit effectuée par l'entremise d'une contrepartie et soit envoyée à un référentiel central.

Le sénateur Hervieux-Payette : Les désapprouvez-vous si elles ne répondent pas aux critères?

M. Rice : Eh bien, cela reste à voir. Il faudra nous fier à la contrepartie centrale pour établir les règles. On demande à la contrepartie centrale de prendre le risque. On croit qu'elle est davantage faite pour assumer les risques que les parties mêmes. C'est pourquoi nous proposons que la contrepartie centrale s'interpose entre les deux joueurs. Elle prendra le risque et plusieurs organismes assureront une surveillance pour veiller à ce que la contrepartie centrale soit assez solide sur le plan financier pour supporter ce risque.

Le sénateur Hervieux-Payette : Lorsque le projet de loi aura été adopté et sera en place, puis-je dire qu'à part le fait d'avoir bien des défauts de paiement, les banques seront protégées et nous n'aurons pas besoin d'avoir recours à une institution-relais? Nous serons protégés, car c'est l'un des grands risques. Il y a aussi le fait de contracter trop d'emprunts. Conformément à l'accord de Bâle III, nous serons mieux protégés. Toutefois, notre secteur financier sera- t-il plus sûr pour les années à venir?

M. Rice : On pense qu'il sera plus sécuritaire, mais il n'a pas encore été éprouvé. Il y aura toujours un risque, mais on estime que le système complet sera plus sécuritaire et plus résistant au risque en raison des contreparties centrales et de la transparence qu'apporte l'obligation de rendre compte des échanges commerciaux aux autres participants. Il améliorera certainement le niveau de sécurité, mais il y aura toujours un certain risque.

Le sénateur Moore : Pour donner suite à la question du sénateur Hervieux-Payette, M. Rice ou M. Turnbull peuvent répondre à ma question sur le sommet de Pittsburgh de 2009. Les dirigeants qui y ont participé ont convenu que les produits dérivés de gré à gré normalisés devraient être compensés au moyen des systèmes de contrepartie centrale d'ici la fin de 2012. Monsieur Rice, si je ne m'abuse, vous avez dit que nous sommes à la queue du peloton pour ce qui est d'établir ces systèmes. Nous sommes le 7 novembre 2012. Ces systèmes seront-ils mis en place dans les 38 prochains jours? Est-il question d'établir un système de contrepartie au Canada ou utilisera-t-on le LCH.Clearnet de Londres? Est-ce ce que nous avons l'intention de faire?

M. Rice : Je ne crois pas que notre système sera en place avant la fin de 2012, mais nous ne sommes pas les seuls. Il nous a fallu plus de temps que prévu. Un système de compensation était en place, mais aucun mandat n'énonçait que toutes les transactions sur instruments dérivés de gré à gré doivent être effectuées dans ces systèmes. Ces grands organismes de compensation existent et sont responsables de la majorité des activités de compensation. Toutefois, le processus prend plus de temps que ce que les dirigeants des pays du G20 avaient prévu en 2009, et le système sera mis en œuvre l'année prochaine dans la plupart des pays.

Le sénateur Moore : Quand prévoyez-vous que le système du Canada sera terminé? Sera-t-il prêt pour le premier trimestre ou plus tard? Qu'en pensez-vous?

M. Rice : Je pense qu'il sera prêt à la fin de 2013.

Le sénateur Moore : Vous avez dit que nous sommes à peu près au milieu du peloton. De nombreux pays auront leur système en place en même temps que nous aurons le nôtre, n'est-ce pas?

M. Rice : C'est exact. La majorité des pays n'arrivaient pas à décider s'ils devaient mettre sur pied des organismes de compensation nationaux et ont passé de longs mois à essayer d'établir s'il était dans l'intérêt de divers pays d'exiger qu'ils mènent ces activités de compensation dans les organismes nationaux relativement à ces instruments dérivés qui revêtent une importance systémique. Il nous a fallu beaucoup de temps pour réaliser cette analyse. Au Canada, nous avons conclu que ces activités de compensation ne sont pas nécessaires et qu'elles pourraient en fait ralentir davantage le processus. Tous les autres pays menaient la même analyse et les mêmes discussions.

Le sénateur Moore : J'imagine que cela dépend du pays. Nous ne prévoyons pas établir un système de contrepartie centrale au Canada, mais le projet de loi exigera que l'on participe à un système acceptable reconnu dans l'un des pays membres du G20, comme LCH.Clearnet à Londres, n'est-ce pas? Est-ce ce que nous prévoyons faire ou pouvons-nous participer à d'autres système, peut-être un aux États-Unis? Pouvons-nous participer à un système ou envisager de contribuer à d'autres, qu'ils soient établis en Europe ou aux États-Unis?

M. Rice : Nous n'exigerons pas qu'un organisme particulier soit utilisé. L'organisme de compensation reconnu pourrait être établi au Canada, aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Nous établirons les normes, et si un organisme respecte ces normes, il sera reconnu comme étant un organisme de compensation adéquat. Il appartient aux participants de déterminer où ils veulent mener leurs affaires.

Le sénateur Moore : Monsieur Turnbull, voulez-vous intervenir?

M. Turnbull : En ce qui concerne le marché des produits dérivés de gré à gré, les instances gouvernementales ont indiqué que le Canada peut respecter l'engagement des pays du G20 en se joignant à ces grandes contreparties centrales qui sont en train d'être créées. Le système dont l'élaboration est la plus avancée, du moins pour le type de transactions sur instruments dérivés que les banques canadiennes effectuent principalement, est administré par LCH.Clearnet, à Londres.

Le président : Merci beaucoup, madame Richer et messieurs Cowper, Turnbull et Rice. Au nom de tous les membres du comité, nous vous sommes reconnaissants d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Vos observations nous ont beaucoup aidés.

(La séance est levée.)


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