Aller au contenu
BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 30 - Témoignages du 13 février 2013


OTTAWA, le mercredi 13 février 2013

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui a été saisi du projet de loi C-28, Loi modifiant la Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, se réunit aujourd'hui, à 16 h 16, pour examiner le projet de loi en question.

Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, c'est notre troisième séance consacrée à l'étude du projet de loi C-28, Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada. Le titre abrégé est Loi sur le chef du développement de la littératie financière.

Je vous rappelle certains faits. Après avoir examiné la question pendant 18 mois, le Groupe de travail sur la littératie financière a publié son rapport en décembre 2010. Selon la première de ses 30 recommandations, il fallait nommer une personne pour occuper le poste de responsable de la littératie financière. Je vous fais la lecture de cette recommandation : « Le Groupe de travail recommande que le gouvernement du Canada nomme une personne, qui relèverait directement du ministre des Finances, pour occuper le poste de Responsable national. Le Responsable de littératie financière devrait avoir pour mandat de collaborer avec les partenaires afin de superviser la stratégie nationale, de mettre en œuvre les recommandations et de faire la promotion de la littératie financière au nom de tous les Canadiens. » Le projet de loi C-28 a repris cette première recommandation.

Aujourd'hui, nous tiendrons deux réunions d'une heure chacune. Au cours de chaque réunion, nous accueillerons un groupe de témoins. Chaque personne ou organisation disposera de cinq minutes pour sa déclaration préliminaire, puis nous poserons des questions.

Je vous présente notre premier groupe de témoins. Nous sommes heureux d'accueillir Evelyn Jacks, présidente de Knowledge Bureau, organisme qui fournit à ses clients institutionnels des programmes personnalisés d'accréditation en matière de gestion de l'impôt et de patrimoine. Elle a siégé au Groupe de travail sur la littératie financière. Nous recevons aussi Robin Walsh, vice-président de Stratégie et communications, ainsi que Marion Wrobel, vice-président de Politiques et Opérations à l'Association des banquiers canadiens, qui représente le secteur bancaire canadien. Nous accueillons également Marc-André Pigeon, directeur du Secteur des services financiers, ainsi que Kevin Dorse, gestionnaire de Sensibilisation à la Centrale des caisses de crédit du Canada. Nous recevons Bernard Brun, directeur des relations gouvernementales du Groupe Desjardins, le plus important mouvement financier coopératif. Enfin, nous accueillons Leslie Byrnes, vice-présidente, Distribution et rentes à l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc.

Nous commencerons par les déclarations préliminaires de cinq minutes. Madame Jacks, vous serez la première à prendre la parole. Je vous en prie.

Evelyn Jacks, présidente, Knowledge Bureau : Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis heureuse d'être parmi vous aujourd'hui. J'aimerais remercier le comité de nous offrir l'occasion de présenter nos observations sur le projet de loi C- 28.

Je tiens d'abord à vous dire que je suis en faveur de ce projet de loi et de la nomination d'un chef du développement de la littératie financière dont le mandat renouvelable serait de cinq ans.

Dans mes observations, je ferai référence à deux documents. Le premier est le rapport du Groupe de travail sur la littératie financière. Nous y exposons la stratégie nationale et y proposons 30 recommandations.

Le second document est un rapport encore plus récent. Son titre est Principes de haut niveau sur les stratégies nationales pour l'éducation financière. Il a été élaboré par le Réseau international sur l'éducation financière de l'OCDE. Ce réseau est composé de représentants de plus de 100 économies. Ce document a été approuvé par les chefs du G20 lors du Sommet de Los Cabos en juin 2012.

De plus, je vous ferai valoir le point de vue de l'entreprise privée, étant donné que je dirige un établissement national d'enseignement postsecondaire qui regroupe environ 4 500 conseillers fiscaux et financiers, qui travaillent essentiellement avec les contribuables et les investisseurs, ce qui signifie des centaines de milliers de personnes. Nous publions également des livres sur la consommation financière rédigés, ce qui est le plus important, par des auteurs réputés qui sont lus par des millions de Canadiens et de Canadiennes.

Je voudrais aborder trois aspects aujourd'hui. Je traiterai tout d'abord des pouvoirs dont aura besoin le chef du développement de la littératie financière dans le cadre de votre projet de loi. Par la suite, j'aborderai un problème qu'il est urgent de résoudre et je vous expliquerai pourquoi nous sommes aux prises avec un tel problème aujourd'hui au Canada et ailleurs dans le monde. Enfin, je vous exposerai mon avis sur les compétences que devra posséder le titulaire du poste.

J'aborderai maintenant la question des attributions. Le chef du développement de la littératie financière devra avoir le mandat d'élaborer et de mettre en œuvre la stratégie nationale, ainsi que celui de consulter les intervenants nationaux et internationaux. Une seule personne ne peut mener à bien un tel travail. Elle devra pouvoir collaborer avec d'éminents intervenants en matière de politiques, et peut-être pouvoir faire appliquer les décisions.

La structure hiérarchique dont héritera le CDLF est donc importante, étant donné qu'il faudra améliorer la littératie financière des Canadiens par toute une gamme de moyens : autonomisation des consommateurs, réglementation, protection et juste valeur marchande. L'ACFC est probablement l'organisme idéal pour le CDLF. Cependant, la structure hiérarchique posera peut-être problème, en ce sens qu'il y aura deux dirigeants selon le projet de loi, et ils relèveront l'un de l'autre. Il faudra peut-être songer à modifier le mandat du commissaire et celui de l'ACFC.

Je voudrais également aborder l'urgence qu'il y a à intervenir en ce sens et plus précisément le succès auxquels on peut s'attendre du CDLF. Dans le contexte de l'après-crise financière, les particuliers doivent certes de plus en plus assumer des responsabilités entourant le bien-être financier et les décisions financières dont s'occupaient auparavant les gouvernements et le secteur privé. Ils doivent particulièrement économiser en vue de leur retraite. « Autonomie nationale », voilà peut-être deux termes synonymes de « succès ». Je souhaiterais aborder plus précisément la définition de « littératie financière » : connaissances, compétences et confiance en soi nécessaire pour prendre des décisions financières responsables. Dans nos déplacements au Canada, nous avons constaté que cette définition recevait généralement un accueil favorable. Avoir les connaissances et les compétences, c'est une chose, mais acquérir la confiance permettant de prendre des décisions responsables, c'est une toute autre chose. En fait, nous espérons que les Canadiens sauront plutôt éviter de prendre des décisions hâtives en la matière.

Il faut des occasions d'apprentissage pour chaque aspect de la vie. Après tout, les Canadiens souhaitant prendre des décisions responsables doivent savoir lire et compter. Le groupe de travail a constaté que la situation laissait énormément à désirer au Canada à ce chapitre. La littératie financière est un sous-ensemble de la littératie et de la numératie. De plus, les secteurs privé et public qui utilisent davantage sur l'Internet pour fournir les services et donner les renseignements, les Canadiens devront posséder des connaissances technologiques. Le CDLF devra être au fait de la situation.

La technologie peut être à la fois un bien et un mal. Par exemple, on inculque aux Canadiens qu'il est important d'acquitter ses impôts, mais nous ne leur envoyons plus les formulaires de déclaration de revenus. Il faut donc fournir des occasions d'apprentissage et de perfectionnement à ce chapitre. Le gouvernement est une institution financière, une réalité pour de nombreux Canadiens qui comptent notamment sur les crédits d'impôt remboursables. Par conséquent, le gouvernement et le secteur privé doivent s'assurer que les Canadiens comprennent de quoi il en retourne. Pour prendre des décisions éclairées, il faudra également changer de cap. Au Canada, le taux d'épargne a chuté de façon spectaculaire, passant de 20 p. 100 dans les années 1980 à seulement 3,5 p. 100 aujourd'hui.

En conclusion, je pose la question suivante : qu'est-ce qu'un chef du développement de la littératie financière? C'est probablement quelqu'un qui est un généraliste expert et un collaborateur. Comme l'a indiqué l'OCDE dans son rapport, c'est quelqu'un qui est une autorité pleine de ressources et compétente. Le projet de loi donnera au CDLF les pouvoirs nécessaires à ce chapitre. Après tout, il n'y aurait pas de chef s'il n'y avait pas de suiveur.

Le président : Monsieur Walsh, je vous en prie.

Robin Walsh, vice-président, Stratégie et communications, Association des banquiers canadiens : Nous sommes très heureux d'être devant vous aujourd'hui pour représenter l'Association des banquiers canadiens et ses 54 membres, soit les banques canadiennes, leurs succursales à l'étranger ainsi que les filiales de banques étrangères au Canada.

La littératie financière est importante pour l'ABC et ses membres. En effet, des Canadiens bien au fait des questions financières sont une composante vitale de note système bancaire solide, et un système bancaire solide est la pierre angulaire d'une économie nationale saine. Comme Mme Jacks l'a indiqué, le groupe de travail sur la littératie financière a défini ainsi la « littératie financière » : « disposer des connaissances, des compétences et de la confiance en soi nécessaire pour prendre des décisions financières responsables. » Nous sommes tout à fait d'accord.

Les banques savent pertinemment que les Canadiens qui prennent des décisions financières judicieuses à long terme, non seulement atteignent une sécurité financière personnelle, mais contribuent aussi à raffermir l'économie canadienne dans son ensemble. Parallèlement, un manque de connaissances et de compréhension des risques et des avantages que présentent les produits et les services financiers peut créer des problèmes, tant pour les particuliers que pour l'économie dans son ensemble.

L'ABC et ses membres travaillent à rehausser le niveau de littératie financière au pays depuis de nombreuses années. Par exemple, l'ABC a mis sur pied le programme VotreArgent, destiné à montrer à plus de 215 000 jeunes de la dernière année du secondaire les rudiments de la tenue de budget, de l'épargne, de l'investissement, du crédit et de la protection contre la fraude. Ce séminaire non commercial est animé par des banquiers de la collectivité qui vont dans les classes et communiquent leurs connaissances afin de montrer aux jeunes comment gérer leur argent de façon responsable. L'ABC a mis sur pied le programme VotreArgent en collaboration avec l'ACFC.

En outre, les banques favorisent la littératie financière au quotidien, grâce à leur interaction avec les millions de Canadiens qui se tournent vers elles à la recherche des produits et services adéquats, et des conseils pour mieux épargner, planifier leur retraite, se lancer en affaires et acheter une maison. Elles ne ménagent aucun effort afin de fournir aux Canadiens une variété de matériel éducatif, de conseils, de renseignements, d'outils et de services, le tout destiné à les aider à prendre de meilleures décisions financières. De plus, les banques du Canada sont des chefs de file dans l'appui aux activités et aux initiatives de littératie financière dans les collectivités de l'ensemble du pays. Voici quelques exemples de programmes et de partenariats entrepris ou soutenus par les banques en ce sens : Momentum Community Economic Development Society — un programme de gestion financière de Calgary, qui organise des ateliers destinés à aider les particuliers à prendre en charge leurs finances personnelles; www.jecomprends.ca — site d'éducation financière, qui propose des articles et de l'information aux familles, aux propriétaires immobiliers, aux étudiants et aux propriétaires d'entreprises; Jeunes Entreprises — programmes très prisés offerts dans les écoles et permettant d'enseigner la gestion financière et la gestion d'entreprise.

Par ailleurs, les banques et l'ABC fournissent au public des renseignements au sujet de la fraude en vue de sensibiliser les gens aux différents types de fraude, aux mesures que prennent les banques pour protéger les clients et aux moyens dont disposent les consommateurs pour se protéger et éviter d'être victimes de ce fléau. Depuis plus de 40 ans, les banques appuient sans défaillir les organismes sans but lucratif donnant des conseils en matière de crédit et l'excellent travail qu'elles accomplissent pour aider les Canadiens à acquérir de meilleures compétences afin de gérer leur argent.

Le secteur bancaire reconnaît que le renforcement du niveau de la littératie financière chez les Canadiens fait appel à la collaboration de nombreux acteurs, notamment le gouvernement. Le gouvernement fédéral a déjà joué un rôle de premier plan en constituant le groupe de travail et en présentant le projet de loi C-28 proposant la création du poste de chef du développement de la littératie financière. En fait, dans notre mémoire soumis au groupe de travail, nous avons formulé plusieurs recommandations qui pourraient être reprises par le bureau du CDLF.

Premièrement, nous avons recommandé l'élaboration d'une stratégie nationale sur la littératie financière, qui comprend des études sur les besoins des Canadiens dans ce domaine. Une telle mesure permettra de définir les initiatives nécessaires et de mesurer les progrès qui seront réalisés. Nous avons aussi recommandé que ces stratégies nationales rendent obligatoire l'éducation financière dans le réseau des écoles publiques. Nous estimons qu'il serait opportun que le chef du développement de la littératie financière travaille avec tous les ordres de gouvernement afin de veiller à ce que les jeunes Canadiens acquièrent de solides connaissances financières avant de terminer leurs études secondaires. En outre, nous avons recommandé la création et la promotion par le gouvernement fédéral d'un portail unique regroupant toutes les activités et les organisations dans le domaine de la littératie financière. Un tel portail faciliterait l'échange des pratiques exemplaires et favoriserait la collaboration entre les organisations, tout en offrant aux Canadiens un guichet unique pour trouver les ressources adéquates dans leur collectivité.

En conclusion, l'ABC et ses membres appuient fermement la création du poste de chef du développement de la littératie financière au Canada, et ils sont prêts à collaborer avec le titulaire.

Le président : Monsieur Pigeon, je vous en prie.

Marc-André Pigeon, directeur, Politiques du secteur financier, Centrale des caisses de crédit du Canada : Honorables sénateurs, je suis directeur de Politiques du secteur financier pour la Centrale des caisses de crédit du Canada, l'association nationale du système des coopératives de crédit. M'accompagne aujourd'hui, M. Kevin Dorse, gestionnaire de Sensibilisation.

La Centrale des caisses de crédit du Canada représente 357 caisses de crédit et caisses populaires de l'extérieur du Québec, établissements comptant environ 5,3 millions de membres et détenant un actif de plus de 149 milliards.

[Français]

C'est avec plaisir que nous participons à votre étude du projet de loi C-28, qui a pour but de créer le poste de chef du développement de la littératie financière au sein de l'Agence de consommation en matière financière du Canada.

[Traduction]

L'importance de la littératie financière pour les caisses de crédit ne date pas d'hier et n'est pas due à un phénomène passager. La littératie financière fait plutôt partie des valeurs fondatrices de leur mission. Lorsqu'Alphonse Desjardins, le père Moses Coady et leurs contemporains ont fondé les toutes premières caisses de crédit, ils ne souhaitaient pas créer qu'une institution financière et de crédit. Ils tenaient également à aider les agriculteurs, les pêcheurs et les autres travailleurs à mieux comprendre les principes fondamentaux de la gestion financière, l'objectif final consistant, comme toujours, à améliorer la qualité de vie grâce à une meilleure gestion financière.

Comme vous le savez probablement, les coopératives tâchent de mener leurs activités en fonction de sept principes reconnus internationalement. Selon le cinquième principe, les coopératives doivent s'efforcer d'éduquer, de former et d'informer leurs membres. Dans la pratique, les caisses de crédit, les petites comme les grandes, doivent donc offrir à leurs membres des programmes qui leur permettent de mieux comprendre les moyens à leur disposition. En fait, nous aimons dire que chacune des 357 caisses de crédit du Canada est un laboratoire d'innovation pour les programmes de littératie financière. Cela est attribuable, à notre avis au fait que chaque caisse élabore, en matière de littératie financière, une approche qui est propre aux besoins de ses membres.

Avant de me joindre à la Centrale des caisses de crédit du Canada, j'étais chef de projet principal au sein du Groupe de travail sur la littératie financière du gouvernement fédéral. J'ai eu la chance de travailler avec Mme Jacks. Dans le cadre de mon mandat, j'ai accompagné le groupe de travail dans sa tournée de consultation d'un bout à l'autre du pays. La plupart du temps, le groupe de travail a été témoin des efforts incroyables déployés par les caisses de crédit pour améliorer les capacités financières de leurs membres. J'ai appris notamment que les caisses de crédit offraient des services financiers et de la formation aux immigrants et aux personnes à faible revenu. J'ai appris qu'elles recrutaient des jeunes afin de les outiller pour qu'ils puissent éduquer leurs pairs sur les questions financières. J'ai appris que certaines caisses de crédit encourageaient l'épargne chez les personnes à faible revenu en versant à leur compte d'épargne 3,00 $ pour chaque dollar que ces personnes y versaient.

Le projet de loi C-28 semble s'inspirer des recherches et des recommandations figurant dans le rapport final du groupe de travail, qui s'est inspiré, à son tour, de la consultation des Canadiens d'un bout à l'autre du pays. Ce rapport est également à l'origine d'une étude effectuée par la Centrale des caisses de crédit du Canada pour guider ses membres dans le labyrinthe de programmes de littératie financière afin qu'ils puissent adopter les meilleurs d'entre eux. Nous avons à cœur la préoccupation du groupe de travail à propos de la multiplicité des programmes de littératie financière. Les résultats de l'étude sont présentés dans notre document d'information intitulé Littératie financière : les meilleures pratiques et les perspectives d'avenir. Je crois qu'une copie bilingue de ce document a été remise au comité.

[Français]

Nous saluons le fait que le gouvernement ait, par l'intermédiaire du projet de loi C-28, commencé à mettre en œuvre les recommandations du Groupe de travail sur la littératie financière.

L'une de ces recommandations, qui est d'ailleurs l'une des plus importantes selon nous, visait à créer un conseil consultatif sur la littératie financière qui favoriserait la collaboration et fournirait régulièrement des avis au responsable de la littératie financière à propos de la mise en œuvre et de l'évolution de la stratégie nationale.

Nous remarquons également que le projet de loi C-28 propose de modifier la Loi sur l'Agence de consommation en matière financière du Canada afin que l'ACFC collabore avec les intéressés au développement et au soutien d'initiatives.

Comme cela devrait mener à la création d'un conseil consultatif réunissant les intéressés, nous demandons que les caisses de crédit y soient représentées. Cela assurerait que l'ensemble des points de vue puissent être pris en compte dans le cadre de l'élaboration d'une stratégie nationale. À ce sujet, le système des caisses de crédit est prêt à épauler les parlementaires, le gouvernement et l'éventuel chef du développement de la littératie financière. Sachez que dans l'éventualité de la création d'un conseil consultatif, la Centrale des caisses de crédit serait en mesure de fournir les noms d'experts et de professionnels du domaine de la littératie financière provenant du système des caisses de crédit.

[Traduction]

Monsieur le président, je tiens à vous remercier de nous avoir offert l'occasion de faire part aux membres du comité et à vous de notre point de vue sur le projet de loi C-28. Nous sommes conscients de l'importance que cet enjeu revêt pour le gouvernement et votre comité, qui étudie la question depuis longtemps.

J'espère être clair : la promotion de la littératie financière est au cœur de la mission des caisses de crédit, qui se réjouissent à l'idée d'avoir l'occasion de communiquer leurs connaissances et leur expérience afin de contribuer à l'élaboration d'une stratégie nationale en matière de littératie financière.

Mon collègue, Kevin Dorse, et moi répondrons avec plaisir à vos questions.

Le président : Monsieur Brun, je vous en prie.

[Français]

Bernard Brun, directeur, Relations gouvernementales, Groupe Desjardins : Mesdames et messieurs les sénateurs, nous tenons à vous remercier de l'invitation à se présenter devant vous puisque la question de la littératie financière revêt une importance toute particulière pour le secteur coopératif des Coopératives financières et tout particulièrement le Mouvement Desjardins.

Il nous fait donc plaisir d'être ici pour vous faire part de nos commentaires sur le projet de loi C-28 sur la création du poste de chef de la littératie financière.

Rappelons d'abord que le Mouvement Desjardins, avec ses 200 milliards d'actifs, est effectivement la plus grande coopérative financière au Canada et la huitième au monde. En s'appuyant sur la force du réseau des caisses et également des filiales, le Mouvement Desjardins est en mesure d'offrir toute la gamme de services financiers : donc services de type bancaire, d'assurances de personnes et de dommages, de valeurs mobilières, et cetera.

Le Mouvement Desjardins a également eu l'honneur, en 2012, d'être nommé comme meilleure entreprise citoyenne et avoir été classé parmi les 100 meilleurs employeurs au Canada.

Au Mouvement Desjardins, la valeur et l'importance de la littératie financière se retrouvent au premier plan. En fait, l'éducation financière est ancrée dans la mission, dans la valeur et dans la vision de l'ensemble du mouvement. C'est pour cette raison que nous avons été très heureux de participer aux travaux du Groupe de travail sur la littératie financière et de produire un mémoire. Nous avons également été extrêmement heureux de constater que plusieurs des recommandations que nous avons amenées ont été reprises par le rapport du groupe de travail.

Comme je l'ai mentionné précédemment, l'éducation financière est au cœur même de la mission du Mouvement Desjardins. Nous croyons fermement qu'il est essentiel de fournir à nos membres et à nos clients les outils nécessaires pour leur permettre de mieux gérer leurs finances personnelles afin de favoriser l'épargne et prévenir le surendettement.

Rappelons à ce sujet que le Mouvement Desjardins a d'ailleurs été la première institution financière à hausser les paiements minimums sur les cartes de crédit au Canada.

Nous sommes convaincus que l'habitude d'épargner est l'un des premiers fondements à acquérir. Nos initiatives d'éducation financière s'adressent à toutes les tranches d'âges de la population et touchent tous les aspects liés au domaine de la finance.

Il suffit simplement de rappeler qu'en 1907, donc très peu de temps après qu'Alphonse Desjardins ait créé le Mouvement des caisses populaires, il a également créé ce qu'on appelle la « caisse scolaire », précisément dans le but d'éduquer les enfants à l'épargne. Ce service, qui existe encore aujourd'hui, est présent dans près de 1 100 écoles primaires ainsi qu'au-delà de 350 caisses populaires. Nous offrons aussi de nombreux programmes éducatifs aux autres échelons du système d'éducation et apportons une contribution significative au chapitre de l'aide financière aux études.

Afin de rejoindre le plus grand nombre de personnes possible, divers sites de Desjardins et nos filiales offrent une foule d'informations présentées et articulées sous formes diverses. Nous nous efforçons de vulgariser l'information et d'assurer la clarté des documents.

En 2011, nous avons réaffirmé notre engagement en matière d'éducation financière en lançant un ambitieux programme appelé « Coopmoi », qui vise spécifiquement l'éducation financière et l'éducation coopérative. Ce programme en ligne permet de favoriser une gestion responsable des finances personnelles.

Pour ceux qui seraient tentés également, un indice de finances personnelles a été créé. Si vous consultez le site web, vous serez en mesure, suite à certaines questions, de vous autoévaluer.

Nous croyons qu'il est très important d'appuyer les clientèles vulnérables. Nous croyons également que ces personnes pourront faire de meilleurs choix en matière d'épargne et de placements, et même éviter d'être victimes de fraude, si elles ont une bonne compréhension des questions financières. À titre d'exemple, le programme Maître de sa vie et de ses biens est conçu spécifiquement pour les aînés afin de les protéger contre les abus et la fraude.

Un autre exemple : les fonds d'entraide en partenariat avec les organismes communautaires de consultations budgétaires, offrent des services en gestion budgétaire et en prêt de dépannage. Au total, pour le Mouvement Desjardins, on parle d'investissements récurrents d'environ 40 millions de dollars annuellement en matière d'éducation financière et de coopération.

Le Mouvement Desjardins est donc très heureux d'appuyer le projet de loi C-28, qui crée le poste de chef de la littératie financière. Celui-ci pourra coordonner de manière efficace les efforts en matière de littératie financière. Nous croyons que c'est extrêmement important.

Cela dit, nous jugeons essentiel que le poste de chef de la littératie financière soit occupé, notamment, par une personne bilingue, et nous sommes vivement intéressés à faire partie d'un éventuel conseil consultatif sur la littératie financière, tel qu'il a été mentionné par M. Pigeon.

Finalement, j'aimerais souligner que, comme vous le savez, la littératie financière est un domaine très large qui touche à l'éducation et à toutes les strates de la population et qui est également couvert par diverses juridictions.

Nous encourageons donc le gouvernement à mettre l'accent sur l'arrimage des programmes et d'assurer la cohérence de sa démarche avec ses homologues provinciaux dans le respect des champs de compétence respectifs.

J'aimerais terminer en réitérant l'engagement du mouvement Desjardins envers la littératie et l'éducation financière. Nous allons continuer à travailler activement à renforcer la littératie financière puisque nous savons que les décisions financières responsables contribuent à la croissance et la prospérité durable de la société.

[Traduction]

Leslie Byrnes, vice-présidente, Distribution et rentes, Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc. : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je suis heureuse de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de vous faire part des vues de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes sur le projet de loi C-28.

L'ACCAP est une association à adhésion libre dont les sociétés membres détiennent 99 p. 100 des assurances vie et maladie en vigueur au pays. Notre industrie fournit à près de 27 millions de Canadiens une large gamme de produits qui contribuent à leur sécurité financière, comme l'assurance vie, les rentes et l'assurance maladie complémentaire. Ces produits sont proposés aux collectivités, aux milieux de travail et aux foyers au Canada par un réseau de plus de 80 000 conseillers financiers habilités à vendre des produits d'assurances de personnes et à en faire le service après-vente.

Permettez-moi de féliciter le gouvernement d'avoir déposé le projet de loi C-28. Ce projet de loi s'inspire de l'important travail effectué par le Groupe de travail sur la littératie financière. En tant qu'industrie, nous sommes résolus à appuyer le chef du développement de la littératie financière et à contribuer à la cause, à mesure qu'il ou elle coordonnera les efforts en la matière à la grandeur du pays. Nous sommes d'avis que le conseil consultatif, recommandé par le groupe de travail, constituera une ressource utile pour le chef.

Mes propos seront brefs et ils couvriront deux aspects. D'une part, j'insisterai sur la nécessité de mettre en œuvre les initiatives énoncées dans le rapport du groupe de travail. D'autre part, je soulignerai les aspects de notre industrie qui, selon nous, peuvent contribuer grandement à faire progresser la littératie financière.

Les rapports de recherche cités dans le document du groupe de travail font ressortir deux grandes tendances, la première étant la détérioration de la solidité financière des ménages canadiens (le rapport endettement/revenu disponible étant passé de 90 à 140 p. 100 au cours des 20 dernières années), la seconde, la croyance — surprenante de naïveté — que des objectifs financiers peuvent être atteints sans trop d'efforts.

L'Enquête canadienne sur les capacités financières réalisées par Statistique Canada en 2009 révèle que 70 p. 100 des Canadiens se disent très confiants que leur revenu de retraite sera suffisant, tandis que 40 p. 100 seulement savent de combien ils auront besoin et combien d'argent ils doivent épargner. Force est de constater la nécessité de promouvoir la littératie financière auprès des Canadiens pour les aider à prendre des décisions éclairées en ce qui concerne leurs finances personnelles.

L'industrie des assurances de personnes contribue déjà à la littératie financière et nous croyons qu'elle pourra faire encore davantage. À preuve, nos produits sont conçus pour favoriser une plus grande autonomie des Canadiens, parer aux frais de santé grâce à l'assurance-maladie complémentaire et aux régimes d'assurance dentaire, protéger les familles et les personnes à charge lorsqu'un soutien de famille décède prématurément, et fournir à la population des outils d'épargne-retraite individuelle ou au travail.

La durée de bon nombre de ces produits — et de nos relations avec les clients — est très longue, s'étendant souvent sur des décennies. Les conseillers de l'industrie sont très bien placés pour aider individuellement les consommateurs à comprendre leurs propres objectifs financiers et comment les atteindre.

Notre industrie joue aussi un rôle en matière d'information et de formation en milieu de travail. Par exemple, lorsqu'un nouveau régime d'avantages sociaux ou de retraite collectif prend effet, les assureurs travaillent souvent de concert avec les employeurs en vue de fournir des brochures, des séances d'information, des outils en ligne et, au besoin, des rencontres individuelles.

L'une des recommandations formulées dans le rapport du groupe de travail et déjà mise en œuvre, du moins par le gouvernement fédéral, est l'instauration des régimes de pension agréés collectifs, les RPAC. En donnant accès à un régime de retraite au travail, les RPAC contribueront sans aucun doute à une plus grande autonomie financière, la retraite venue. Les assureurs seront appelés à fournir un éventail de ressources documentaires relativement aux RPAC, tout comme ils le font pour les régimes de retraite en vigueur, et cela aussi favorisera la littératie financière.

Notre industrie dispose d'une profusion de renseignements utiles sur les assurances vie et maladie, l'accumulation de richesse et les régimes de retraite. Nous possédons également d'excellents moyens de joindre les consommateurs, que ce soit par l'intermédiaire des conseillers, en milieu de travail ou en ligne. Notre industrie mise sur ces points forts et se concentre sur des recommandations précises du groupe de travail ayant trait à la communication d'informations à caractère éducatif au moment où les intéressés y sont le plus réceptifs, aux communications claires et à la promotion du bien-fondé des conseils financiers professionnels.

L'ACCAP offre aux consommateurs une large gamme de documents. Lorsque le chef du développement de la littératie financière créera un site web centralisé, comme le recommande le rapport du groupe de travail, nous avons des documents qui pourront y être mis immédiatement à la disposition des consommateurs. Nous ferons tout notre possible pour contribuer à la cause, et nous serons heureux de travailler avec le chef du développement de la littératie financière, une fois qu'il ou elle aura été nommée.

Merci de l'occasion que vous m'avez offerte de comparaître devant le comité.

Le président : Merci pour votre déclaration préliminaire. La première question sera posée par le sénateur Maltais, puis ce sera le sénateur Harb.

[Français]

Le sénateur Maltais : Merci, monsieur le président, et bienvenue à vous tous. Je suis d'autant plus heureux que je vois des coopératives financières telles que Desjardins qui ne sont pas couvertes par la Charte des banques mais vous êtes ici et vous leur avez donné votre appui. Cela démontre un intérêt envers vos membres.

J'aimerais souligner que, dans une autre vie, quand j'étais président du Forum francophone des affaires, une organisation internationale, nous avons décerné à votre présidente, en 2008, le prix de la femme d'affaires de la Francophonie. Votre institution le méritait bien.

Je suis très heureux, car, lors de mon premier discours au Sénat, j'ai invité les coopératives financières à se joindre à nous et vous êtes là aujourd'hui. Vous avez beaucoup participé à nos comités. C'est important. Tous les gens autour de la table qui ont participé ont compris que la littératie financière regardait vers l'avenir. Le gouvernement ne réinvente pas la roue; il prend l'expérience des autres et regarde vers l'avenir.

Il y a deux facteurs qui sont importants, à mon avis, dont celui des jeunes. Vous parliez des caisses scolaires dont je suis un ancien membre et de bien expliquer aux jeunes à quoi ils s'engagent dans la vie lorsqu'ils achètent un cellulaire, une voiture ou autre, pour ne pas avoir de grandes surprises lorsqu'ils reçoivent le compte, de ne pas le payer ou de le remettre à leurs parents, car cela pourrait entacher leur dossier. C'est une priorité pour le gouvernement. Le projet de loi C-28 met beaucoup d'accent là-dessus.

L'autre groupe d'individus, ce sont les personnes âgées. C'est très important parce qu'elles n'ont pas été élevées à l'ère électronique. Ils ne comprennent pas comment jouer sur l'ordinateur, à 85 ans, c'est difficile pour eux. Une carte de débit est un problème pour eux. Je le vois quotidiennement. Êtes-vous d'accord avec le principe que les personnes âgées doivent être plus protégées et les jeunes plus informées?

M. Brun : Vous donnez dans le mille. On ne doit laisser personne pour compte. En matière de littératie financière, il faut couvrir toutes les strates de la société. C'est ce qu'on essaie de faire avec les jeunes et les personnes âgées, particulièrement du côté des abus et de l'exploitation qui peuvent avoir lieu. Mais avec le côté technique des produits financiers, qui sont de plus en plus raffinés, je crois que toutes les strates de la société devraient être couvertes par les programmes. C'est aussi le but lorsqu'on parle d'un chef de la littéracie financière; cette personne doit assurer une certaine cohésion pour s'assurer que rien ne tombe dans le vide, qu'aucune facette ne soit laissée de côté. On parlait d'arrimage avec les autres gouvernements pour couvrir la globalité de l'enjeu.

Le sénateur Maltais : Vous voyez que ma question était très courte.

[Traduction]

Le président : Excellente question. Félicitations pour sa grande précision et son à-propos.

La parole est au sénateur Harb.

Le sénateur Harb : Merci pour votre exposé exhaustif. L'adoption du projet de loi et la nomination d'un chef de la littératie financière donneront une occasion à saisir et un défi à relever aux banquiers du groupe Desjardins et à la coopérative. Vous avez déjà beaucoup fait pour la littératie dans les écoles et dans les collectivités. Votre collaboration avec le bureau de liaison se fera-t-elle en amont, dans un but de coordination, pour que nous évitions une répétition de notre effort pour la littératie? Est-ce que vous y réfléchirez et est-ce ce que vous ferez dès que le poste sera comblé?

M. Walsh : Comme j'ai dit, dans ma déclaration, je pense que le chef du développement de la littératie financière doit notamment être un rassembleur des organisations. Il y en a ici toute une brochette, qui abattent un travail considérable pour la littératie financière, et nous ne sommes pas toujours tous au courant des programmes d'autrui. Dans la banque, nous savons ce que certains autres acteurs et nous faisons, parce que nous les appuyons et nous les finançons. L'important, c'est la collaboration, la coordination. Voilà pourquoi j'ai parlé d'un portail unique où les Canadiens intéressés, à titre personnel ou pour leurs collectivités, peuvent s'informer sur les acteurs qui, dans leurs collectivités, travaillent sur une question touchant les personnes âgées ou les jeunes et sur la nature des programmes en place. C'est une excellente façon de faire connaître ce bon travail.

M. Pigeon : Je tiens à dire que nous nous sommes déjà engagés dans ce processus avec l'Agence de la consommation en matière financière du Canada. Nous lui avons communiqué le mémoire que nous vous avons remis aujourd'hui pour dire : « Nous avons passé les programmes au peigne fin et voici ceux qui, à notre avis, sont exemplaires. » Nous avons commandé un bon nombre de travaux de recherche à des universitaires dont nous avons communiqué les résultats à l'ACFC, et j'imagine que le conseil consultatif participera lui aussi à ce processus. C'est excellent, et nous sommes tous déterminés à faire de même.

Le sénateur L.Smith : Pour faire suite à la question du sénateur Harb, vous êtes un groupe important, qui possède beaucoup de compétences. Pour développer la littératie financière et la répandre, et cetera, chacun crée ses produits et ses programmes à lui. Toutes ces bonnes intentions favorisent les cloisonnements, dont beaucoup de nos études nous révèlent l'existence. Comment supprimer cet effet de cloisonnement? Si, en ce qui concerne le crédit, vous avez une solution envisagée par le chef et appuyée par le comité consultatif, comment fait-on sauter les cloisons? En effet quelle sera la taille de ce comité? Tout le monde sera-t-il dans le coup? Comment mettre tout le monde sur la même longueur d'onde? Chacun doit promouvoir ses propres produits, ça fait partie de la concurrence.

Je laisse la question en suspens. Nous pourrons peut-être obtenir de nombreuses réponses.

Mme Jacks : Pendant les déplacements du groupe de travail, nous avons constaté que les gens étaient remarquablement désireux de faire connaître leur bon travail. En fait, il se fait un bon travail incroyable dans les diverses régions du Canada. En cette époque de réseaux sociaux et d'un appétit plus grand pour communiquer ses connaissances, nous pourrions nous apercevoir que les Canadiens sont plus enclins à dialoguer.

Relativement aux commentaires portant sur la structure du conseil consultatif, il importera aussi d'être précis. Le groupe de travail a recommandé pour le conseil une structure qui accordera une place à autant de secteurs que ceux que les Canadiens représentent et qui permettra une participation effective à tous ceux qui veulent y participer. Des règles devront absolument régir des choses comme le droit d'auteur et son partage, notamment. Il faudra respecter les décisions prises à ce sujet. D'après moi, la communication et le partage ne constitueront pas un problème pour les Canadiens.

Le sénateur L. Smith : Combien de sociétés feront partie du comité consultatif?

Mme Jacks : Il faudra que le chef et le conseil en élaborent le mandat. C'est déjà en train de se faire dans ma province natale du Manitoba, et l'autorité y est partagée entre sept conseils et autant de mandats. Je vous assure que c'est très stimulant d'exercer le leadership dans un climat où les gens ont été préparés à communiquer entre eux et à structurer un projet inclusif.

Le sénateur L. Smith : Si je n'ai rien à craindre au sujet de la communication et du partage, j'ai un certain nombre d'autres motifs de préoccupation. Quand il y aura des problèmes de compétence entre les provinces et le centre, il faudra énormément de polyvalence.

M. Walsh : Pour vous donner un exemple de la collaboration actuelle, quelqu'un a mentionné l'ACFC. Elle a un programme d'une durée d'un an, fondé sur le curriculum et appelé « La Zone »; nous, nous avons notre programme. Souvent, nous constatons que les enseignants aiment notre programme, qu'ils y voient un bon séminaire, mais qu'ils cherchent quelque chose qui s'étalerait sur toute l'année. Nous leur parlons du programme de l'ACFC. De son côté, l'ACFC se fait demander par des enseignants qui disent ne pas avoir le temps de mettre son programme dans le curriculum s'il existe autre chose. Elle leur signale notre programme. Il n'y a pas de concurrence pour un territoire. Le but final, c'est de s'assurer que les jeunes qui fréquentent l'école secondaire apprennent à établir un budget, à prévenir la fraude et qu'ils retiennent tout ce qui s'enseigne à l'école.

Je pense qu'on sera disposé à unir nos efforts. À chaque forum sur la littératie financière auquel j'ai assisté, je pense qu'on communiquait déjà des pratiques exemplaires et qu'on constatait la complémentarité des différents programmes proposés.

Le sénateur L. Smith : Est-ce que des membres à vous feront partie du comité de recherche?

M. Walsh : Actuellement, c'est une question à poser au gouvernement.

Le sénateur L. Smith : J'ai lu les 30 recommandations, mais en avez-vous formulé sur la composition d'un comité de recherche chargé d'aider le gouvernement?

Mme Jacks : Pas encore.

M. Pigeon : Il y a eu des propositions dans le rapport final. On y a mentionné des types d'organisation, les services financiers, les enseignants, les éducateurs et les groupes de bénévoles. Dans le rapport final, on a proposé ou évoqué une orientation, mais voilà une proposition utile que nous pourrions reprendre à notre compte.

Dans le réseau des caisses de crédit, j'ai finalement appris que nous sommes un microcosme pour la fédération. Notre structure est locale, provinciale et régionale. Le petit et le gros, le rural et l'urbain, l'Est et l'Ouest se côtoient. Toutes les tensions de la fédération travaillent notre propre réseau, ce qui, parfois, complique l'instauration du consensus, mais, dans ce dossier, nous avons remarquablement réussi à obtenir l'adhésion des gens pour notre travail national.

J'aimerais que le même esprit anime les efforts fédéraux qui s'exercent dans nos organisations.

La sénatrice Ringuette : Je suis étonnée. Vous êtes tous à vous réjouir du conseil consultatif dont, pourtant, le projet de loi C-28 ne dit rien. Il me semble que, pour le moment, nous ne nous occupons que du chef de l'éventuelle organisation.

[Français]

Monsieur Brun, vous avez indiqué au comité que, annuellement, le groupe Desjardins investit des millions de dollars pour l'éducation financière. J'aimerais bien que les autres organisations, comme l'Association des banquiers canadiens, le Knowledge Bureau, l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes et la Centrale des caisses de crédit du Canada, nous donnent aussi un aperçu des sommes d'argent qu'ils investissent annuellement dans les programmes d'éducation financière.

M. Brun : J'aimerais apporter une petite précision. Lorsqu'on parlait d'éducation financière, on incluait également l'éducation financière et à la coopération. Cela couvrait le tout.

La sénatrice Ringuette : Oui, car c'est selon votre mandat.

M. Brun : Voilà.

[Traduction]

M. Walsh : L'Association des banquiers canadiens ne fait pas le suivi de ce qu'elle investit dans la littératie financière. C'est intégré à notre mandat. Je suis donc au regret de dire que je ne peux pas vous communiquer de chiffres à ce sujet.

La sénatrice Ringuette : Pouvez-vous demander à vos membres s'ils peuvent communiquer au comité les montants annuels consacrés à la littératie financière?

M. Walsh : Je crois qu'ils ne font pas ce suivi non plus. À ce que je sache, ils ne le font pas. Encore une fois, il est probablement très difficile à chiffrer rigoureusement.

La sénatrice Ringuette : Dans ce cas, je vous exhorte à mettre vos membres en demeure de le faire.

M. Walsh : Si vous permettez, j'ai deux choses à dire. En plus des programmes qu'ils appuient dans les collectivités, partout au pays, beaucoup de banquiers participent aux programmes, et je ne suis pas sûr que ce soit comptabilisé. Comme j'ai dit dans ma déclaration préliminaire, il serait particulièrement difficile de chiffrer le travail quotidien de prestation de conseils effectivement accompli par les banques auprès de leurs millions de clients.

La sénatrice Ringuette : J'insiste, monsieur Walsh. Si le groupe Desjardins, présent partout au Québec, est en mesure de nous dire ici-même qu'il consacre 14 millions par année à l'éducation financière et à l'éducation coopérative, alors vos membres bien financés pourraient faire une petite recherche et communiquer ce renseignement au comité.

Madame Jacks, pourriez-vous répondre à cette question, s'il vous plaît?

Mme Jacks : Oui. Nous sommes un organisme voué à l'éducation, et notre apport principal est le nombre d'heures que nous consacrons à prodiguer de l'éducation au moyen de divers médias et à l'enseignement communautaire de la littératie financière. Je peux m'exprimer au nom de la plupart de nos enseignants qui, régulièrement, donnent de leur temps pour expliquer des notions difficiles. En outre, les diplômés de notre programme, comme je l'ai mentionné, sont des conseillers financiers qui prennent la parole dans leurs collectivités, qui rédigent des articles et qui expliquent des notions difficiles, en sachant bien qu'ils évoluent dans un monde privé, c'est-à-dire des centres à but lucratif.

La sénatrice Ringuette : Quel est le chiffre précis pour le Knowledge Bureau, votre entreprise?

Mme Jacks : Je ne peux pas vous communiquer de chiffres aujourd'hui sur l'argent que nous consacrons à la littératie financière. Nous instruisons les conseillers pour les sensibiliser à la littératie financière. Je peux vous révéler notre budget, mais ce ne serait pas un chiffre précis pour un domaine bien délimité. Notre budget se chiffre à environ 2 millions de dollars.

La sénatrice Ringuette : Deux millions pour faire quoi?

Mme Jacks : Pour prodiguer nos programmes d'éducation.

La sénatrice Ringuette : Je pose la même question à l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes.

Mme Byrnes : Nous n'avons pas de ventilation précise. Il importe probablement de signaler qu'une partie de notre travail s'inscrit uniquement dans le cadre de notre travail en comité et l'élaboration de nos normes, qui peuvent viser notamment l'incitation à des communications plus claires dans les documents et l'appui à cette mission. Voilà où s'exercerait notre action. Ça ne représente qu'une partie de notre budget général. Nous collaborons avec l'industrie à l'élaboration de normes dans de nombreux domaines. Nous ne disposons pas d'un budget particulier pour la littératie financière.

En fait, au fil des ans, nous avons réalisé de nombreuses choses qui ne correspondraient pas nécessairement à la terminologie actuelle de la littératie financière. Nous créons des publications pour les consommateurs, nous favorisons les normes pour que, dans les documents destinés aux consommateurs, les explications soient claires et nettes, et ainsi de suite. Voilà les réalisations de l'association. De plus, beaucoup de nos membres prennent une large gamme d'initiatives pour des communications claires et l'éducation des consommateurs.

La sénatrice Ringuette : Ils le font pour leurs produits. Nous tentons de déterminer comment assurer la littératie financière, peu importe la mise en marché d'un produit particulier.

Mme Byrnes : Il y a deux aspects. À l'instar de l'ACCAP, plusieurs entreprises affichent, sur leur site web, des renseignements qui ne visent pas uniquement leurs produits. Par exemple, en quoi consistent les assurances? Comment déterminer ses besoins en matière d'assurances? Ou encore, comment épargner pour la retraite?

La sénatrice Ringuette : J'aimerais connaître l'avis de M. Pigeon.

[Français]

M. Pigeon : C'est une question difficile pour nous puisque nous sommes décentralisés et autonomes de façon locale. Certaines coopératives de crédit comptent des caisses scolaires, tandis que d'autres effectuent des ristournes liées à certains aspects de l'éducation financière, mais c'est très difficile de classifier tout cela.

Par exemple, une coopérative de crédit en Colombie-Britannique a créé, il y a cinq ans, un logiciel créant des alertes pour ses membres lorsqu'ils dépassent un certain montant de dépenses. Ce n'est pas évident de quantifier cela en littératie financière, mais cela a un impact très important sur la gestion financière de nos membres.

C'est un enjeu difficile, surtout pour nous, puisque nous sommes souvent petits. Nous expérimentons déjà beaucoup de contraintes réglementaires et exiger cela nous créerait des problèmes.

[Traduction]

Le sénateur Patterson : J'ai trouvé encourageant d'entendre l'appui unanime des témoins à l'égard du projet de loi et de voir leur empressement à appliquer les mesures prises dans le cadre de ce nouvel effort. Je prends toutefois bonne note de la mise en garde faite par Mme Jacks, à savoir que le nouveau chef du développement de la littératie financière devra avoir du poids — je crois que c'est l'expression qu'elle a employée — pour assurer une collaboration. Le sénateur Smith a d'ailleurs parlé des dangers du travail en vase clos.

Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet, s'il vous plaît? Vous avez dit qu'il risque d'y avoir certaines questions de rapports hiérarchiques entre l'ACFC et le chef du développement de la littératie financière. Que recommandez-vous pour clarifier ces rapports? Qui assumerait cette responsabilité?

Mme Jacks : Il s'agit d'une question importante qu'il faut probablement régler dès le début. Si je comprends bien le projet de loi, le chef du développement de la littératie financière relèvera du commissaire de l'ACFC, lequel rendra compte au ministre des Finances et au gouvernement. À mon sens — et c'est la mise en garde que je fais —, si nous tenons à ce que le chef du développement de la littératie financière ait du poids, il faudra indiquer clairement que son mandat est assorti de pouvoirs. Ainsi, il pourrait s'avérer nécessaire de revoir le mandat de l'ACFC afin d'englober la vaste portée du mandat que devra remplir le chef du développement de la littératie financière dans l'exercice de ses fonctions. Dans le même ordre d'idées, il serait prudent d'examiner ce rapport hiérarchique dès le début afin de s'assurer que le projet de loi, dans sa forme actuelle, ne crée pas d'obstacles au plus grand bien.

Le sénateur Patterson : Le rôle de fournir des précisions et des directives incomberait-il au ministre des Finances, qui sera chargé de donner des directives écrites à l'ACFC, conformément au projet de loi?

Mme Jacks : Je crois que oui.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Je crois que nous sommes tous d'accord avec le projet de loi et nous l'appuyons totalement. La littératie financière des Canadiens est importante. On a besoin de faire beaucoup plus que de nommer une personne, il faut l'entourer, faire un suivi, créer un comité. Il faudrait dans notre société éventuellement parler de la motivation de ces gens à épargner.

Je fais toujours la comparaison avec la perte de poids. Pour la majorité d'entre nous, c'est très important, notre santé est prévue en conséquence, mais c'est difficile de le faire. Épargner de l'argent, ce n'est pas toujours plaisant. Il faut différer notre consommation. Le troisième défi fait partie de formule dont je voudrais discuter avec vous. Il faut aussi que les offres financières, les fournisseurs de produits financiers fassent plus d'efforts pour être très clairs dans leur présentation.

Je pense que vous tous, Desjardins, les banques, dans le marché, chaque jour, on voit des produits financiers assez complexes et compliqués et je suis d'avis que les Canadiens ne sont pas certains dans quoi ils s'engagent. Chez vous, il y a des motivations pour les conseillers et les vendeurs. Il y a des pressions pour performer, pour faire des ventes, l'intérêt égoïste de vos dirigeants et des actionnaires qui sont là pour créer des profits additionnels. Il y a un conflit naturel.

Nous sommes tous d'accord sur la littératie avec votre panel mais la vraie question est celle-ci : qu'allez-vous faire pour vous assurer que vos produits soient plus simples, plus clairs pour que le client comprenne réellement son engagement sans complexité?

J'ai été surpris et le comité aussi, il y a trois ou quatre ans, que Desjardins soit le deuxième vendeur en importance des produits hedge funds. Vos clients ont été pris avec ça pendant des années. Je pense que vous vous êtes départis de cela depuis. Il y a une tonne d'exemples de mauvaise compréhension, quelque peu motivée par vos conseillers. Vous être d'accord sur le principe de la littératie mais vous avez du chemin à faire je crois.

M. Brun : Merci de la question. Pour la question des hedge funds, je vais la laisser de côté. Je n'ai pas les détails là- dessus. Ce serait intéressant de l'approfondir. J'ai remarqué dans votre présentation que vous parliez des actionnaires. La base même, c'est bon de rappeler que nous n'avons pas d'actionnaires. Peut-être qu'à la base, il y a une structure qui donne une plus grande liberté. Quand on a des membres, un membre un vote, et où une personne ne peut pas détenir 100 000 actions et avoir 100 000 votes. La structure coopérative vient protéger tout cela. Nous sommes protégés.

Il faut regarder la mission de l'entreprise. Si la mission n'est pas de générer des profits, on est mieux placé. Les produits sont faits en fonction des membres. Desjardins s'est développé en offrant toute la gamme des produits et des services financiers. À un moment donné, les membres ont eu besoin de services d'assurance et de produits d'investissement. Les cartes de crédit sont arrivées très tard.

Il faut le faire chaque fois en limitant peut-être justement l'appétit du gain et en le faisant en fonction du membre. Pour les autres institutions, ce serait en fonction des clients. Il faut garder cette perspective et une certaine vigilance par rapport aux régulateurs.

[Traduction]

Le président : Je crois que M. Wrobel veut faire une observation. Nous devrons ensuite passer à notre dernier intervenant.

Marion Wrobel, vice-président, Politiques et opérations, Association des banquiers canadiens : À mon avis, le secteur bancaire repose sur un principe de base : nous voulons que nos clients soient satisfaits des produits que nous leur vendons. Il est donc important qu'ils comprennent ce qu'ils achètent et qu'ils obtiennent ce à quoi ils s'attendaient. À l'échelle des succursales bancaires, nous travaillons avec des clients de tous les niveaux de revenus et de toutes les couches de la société. Dans cette optique, il est important de connaître son client. La divulgation est cruciale pour que le client comprenne le produit.

Nous offrons également une foule de produits d'épargne et de crédit beaucoup plus simples et normalisés. Quand les clients se présentent dans une succursale bancaire, sans être pleinement au courant des produits, de leur utilité et des risques inhérents, c'est justement là qu'ils posent ces questions et qu'ils obtiennent ces réponses de leurs banquiers.

Le président : Notre dernier intervenant sera le sénateur Moore.

Le sénateur Moore : Je remercie les témoins de leur présence.

Madame Byrnes, la page 2 de votre mémoire m'a beaucoup intéressé; vous y parlez de quelques tendances, la première étant la détérioration de la solidité financière des ménages canadiens : en effet, le ratio de la dette au revenu disponible des ménages est passé de 90 à 148 p. 100. D'ailleurs, la Banque du Canada affirme que ce ratio s'élève à plus de 160 p. 100, d'où la mise en garde qu'elle a lancée aux Canadiens.

Parlons de la littératie financière, du point de vue historique, en ce qui concerne l'achat d'une maison. Le principe veut que les taxes ne représentent pas plus de 25 ou 30 p. 100 du revenu disponible. Relativement au ratio de 148 p. 100 dont vous avez parlé, quelle proportion était attribuable à l'achat d'une maison, au principal, aux intérêts et aux taxes?

Mme Byrnes : Je ne saurais vous le dire au pied levé. J'ai tiré cette statistique du rapport du groupe de travail, mais je peux obtenir l'information et vous en faire part.

Le sénateur Moore : C'est un point qui m'intéresse parce que je songe aux très nombreux prêts hypothécaires amortis sur 40 ans, sans aucun capital et assortis de faibles taux d'intérêt. Je ne sais pas ce qui arrivera. J'espère que ces prêts hypothécaires ne tomberont pas à l'eau lorsque les intérêts augmenteront, ce qui est inévitable. Au moment d'accorder ces hypothèques, vos organismes respectifs étaient-ils en train de mettre en garde les emprunteurs canadiens contre une telle éventualité?

M. Wrobel : La préoccupation que le sénateur vient de soulever est la même que celle dont le ministre des Finances et le gouverneur nous ont fait part. C'est une préoccupation que nous partageons.

Le ratio en question — à savoir la dette des ménages par rapport au revenu personnel disponible —n'est qu'un paramètre parmi tant d'autres. Il y a plusieurs façons de voir la situation afin d'avoir un point de vue plus global. Il faut également tenir compte des bilans des ménages. Au cours des 20 dernières années, nous avons observé un accroissement du rapport entre les actifs par rapport au revenu net. Les bilans des ménages sont actuellement au niveau le plus élevé depuis les 20 dernières années.

L'hypothèque constitue la principale cause de l'endettement des ménages. Vous avez tout à fait raison. À bien des égards, cette situation est attribuable à la baisse à long terme des taux d'intérêt. On se souvient des taux d'intérêt dans les années 1990. Ceux qui ont obtenu un prêt hypothécaire dans les années 1980 se souviennent des taux d'intérêt à deux chiffres. De nos jours, les taux d'intérêt varient de 3 à 5 p. 100. Vous avez tout à fait raison, monsieur le sénateur, de dire qu'ils sont maintenant à la hausse.

Comment les prêteurs se protègent-ils et comment s'y prennent-ils pour protéger les emprunteurs de cette situation? Une des façons consiste à s'assurer que les emprunteurs sont en mesure de faire face à un taux d'intérêt qui est supérieur à celui qui leur est imposé. À l'heure actuelle, les emprunteurs qui veulent obtenir un prêt hypothécaire doivent être admissibles, par exemple, à un taux fixe de cinq ans, même s'ils peuvent obtenir un taux de trois ans ou une hypothèque à taux variable qui est considérablement moins élevée. Voilà une des façons dont nous nous y prenons.

Une autre solution consiste à vérifier le revenu. C'est un élément important pour s'assurer que les propriétaires peuvent payer le prêt hypothécaire. Nous vérifions la valeur de la propriété qu'ils achètent. Il y a un certain nombre de mesures que les banques canadiennes prennent par souci de prudence afin de veiller à ce que les propriétaires et les emprunteurs puissent effectivement rembourser leur hypothèque.

Selon moi, c'est pourquoi le taux de prêts hypothécaires en souffrance au Canada se situe aux alentours de 33 points de base. Ce taux est demeuré assez constant au cours des 20 ou 25 dernières années, peu importe si les taux d'inflation ou les taux d'intérêt étaient élevés ou faibles.

Il y a certes des craintes, et je crois que les décideurs prennent les mesures nécessaires pour donner suite à ces inquiétudes. Cependant, tant qu'on aura un régime bancaire ou un régime de prêts qui fait preuve de prudence en accordant des prêts hypothécaires aux ménages qui ont les moyens de les rembourser, je crois qu'on peut avoir l'esprit tranquille.

Le sénateur Moore : Je vous remercie de votre réponse. Je pensais plutôt au renouvellement de ces hypothèques. C'est là que le bât blessera parce que si les taux augmentent à ce moment-là, il faudra alors prendre des décisions difficiles et redoubler de prudence.

M. Wrobel : Vous avez raison.

Le président : Mesdames et messieurs les témoins, vos témoignages ont été très instructifs. Au nom de tous les membres du Comité sénatorial des banques, je vous remercie.

Mesdames et messieurs les membres du comité, nous sommes maintenant heureux d'accueillir notre second groupe de témoins. Nous souhaitons la bienvenue à Greg Pollock, président et premier dirigeant d'Advocis, la plus grande association bénévole de conseillers et de planificateurs financiers au Canada. M. Pollock a aussi été membre du Groupe de travail sur la littératie financière. Nous souhaitons aussi la bienvenue à Mack Rogers, gestionnaire de programme, Alphabétisation populaire et apprenants, ABC Life Literacy Canada. Cet organisme sans but lucratif inspire les Canadiennes et les Canadiens à accroître leurs taux d'alphabétisation. Nous accueillons ensuite Adam Fair, directeur par intérim de Social and Enterprise Development Innovations. Cet organisme aide ceux qui servent les Canadiens à faible revenu en offrant aux praticiens de la formation et un appui aux programmes. Enfin, nous souhaitons la bienvenue à Zachary Dayler, directeur national de l'Alliance canadienne des associations étudiantes. Cet organisme défend les intérêts des étudiants de niveau postsecondaire.

Nous allons commencer avec vos remarques liminaires de cinq minutes.

Greg Pollock, président et premier dirigeant, Advocis : Merci, monsieur le président et honorables membres du comité. Au nom d'Advocis, l'association des conseillers financiers du Canada, je vous remercie de l'occasion que vous nous donnez d'exprimer notre point de vue au sujet du projet de loi C-28, Loi modifiant la Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada pour créer le poste de chef de développement de la littératie financière.

Pour Advocis, améliorer la littératie financière des Canadiens est un objectif important. Nous croyons fermement que grâce à des partenariats judicieux entre le gouvernement, le secteur privé et des organismes sans but lucratif, nous pouvons relever les niveaux de littératie financière au Canada. J'ai été très honoré de travailler au sein du Groupe de travail sur la littératie financière instauré par le ministre des Finances, Jim Flaherty.

Dans son rapport de décembre 2010, le Groupe de travail a révélé que les Canadiens ont besoin d'acquérir des connaissances et des compétences financières à toutes les étapes de leur vie; des décisions importantes, comme l'adhésion à un régime de pension, la quête de conseils en matière de finances ou l'achat d'un produit financier, la détermination de son admissibilité aux prestations d'un programme gouvernemental, sont toutes des occasions propices à l'apprentissage. Les consommateurs qui bénéficient de conseils financiers avisés sont mieux outillés pour prendre des décisions importantes pour leur vie.

Advocis a concentré ses initiatives en matière de littératie financière autour d'une recommandation essentielle :

... Que le gouvernement du Canada, en collaboration avec les partenaires, fournisse des outils propres à aider les Canadiens à mieux se renseigner sur le rôle et les effets positifs des conseils financiers offerts par les professionnels, ainsi que sur la façon de choisir un professionnel en matière financière.

Les conseillers financiers jouent un rôle fondamental dans l'augmentation du niveau de littératie financière de leurs clients. Ils aident les Canadiens à se préparer pour des événements et des besoins futurs importants, et aussi à devenir plus autonomes financièrement. Plus de meilleurs conseils financiers contribueront à améliorer la littératie financière des consommateurs.

Nos membres aident les Canadiens à mettre de l'argent de côté et à préparer leur avenir, mais aussi à protéger l'épargne qu'ils ont accumulée grâce à une planification globale et une à gamme étendue de produits d'assurance-vie et d'assurance-santé ou de solutions d'investissement. Les Canadiens qui reçoivent des conseils financiers se constituent un patrimoine financier beaucoup plus conséquent, sont mieux protégés et plus préparés pour la retraite et pour faire face à des imprévus que ceux qui n'ont eu aucun conseil.

La sécurité et l'indépendance financières des ménages canadiens de la classe moyenne est vitale, car elle permet aux gens de dépendre moins du gouvernement pour subvenir à leurs besoins financiers futurs, comme pour s'assurer des revenus de retraite, se payer des soins de longue durée ou obtenir de l'aide en cas d'invalidité. Au bout du compte, cela permet au gouvernement de mieux faire face aux pressions budgétaires accrues dues au vieillissement de la population.

Nous félicitons le gouvernement d'avoir pris l'initiative de faire de l'augmentation des niveaux de littératie financière un objectif de politique publique. Advocis est favorable au projet de loi C-28, qui prévoit la création d'un chef du développement de la littératie financière. Ce projet de loi montre bien aux Canadiens que le gouvernement est résolu à les aider à améliorer leur littératie financière.

Naturellement, l'Agence de la consommation en matière financière du Canada est très bien placée pour superviser les activités du chef du développement de la littératie financière étant donné qu'elle a pour mandat de protéger les consommateurs et de les informer au sujet des produits et services financiers. Elle a d'ailleurs déjà créé des programmes et des outils d'information à l'intention des Canadiens. Cependant, il importe que le chef du développement de la littératie financière puisse avoir les coudées franches afin de consulter les principaux intervenants et de créer puis de mettre en œuvre avec eux des programmes innovants.

Selon l'amendement à l'article 5, le chef en question se conformera aux directives du commissaire. Ce projet de loi vise à donner à cette personne toute la latitude nécessaire pour gérer le développement de la littératie financière; nous espérons donc que la structure hiérarchique et le cadre de gouvernance permettront à cette nouvelle entité d'agir en toute indépendance, avec pour objectif premier celui de mettre sur pied un conseil consultatif national sur la littératie financière réunissant les principaux intervenants.

Advocis admet que pour accroire les niveaux de littératie financière, il faudra déployer d'importantes ressources. Elle est donc favorable à l'inclusion d'un mécanisme de financement de la littératie financière qui permettrait au commissaire d'établir une cotisation à l'égard d'une institution financière pour le paiement, en partie, des dépenses liées aux initiatives visant à renforcer la littératie financière des Canadiens. Le cas échéant, ces cotisations devraient être fixées de manière juste et après consultation des institutions directement concernées ainsi que du comité consultatif national sur la littératie financière.

Étant donné que les particuliers sont de plus en plus sollicités pour assumer une part accrue de responsabilités à l'égard de leur sécurité financière future, il leur faudra acquérir davantage de connaissances financières pour épargner et investir. Il serait irréaliste de s'attendre à ce que chaque Canadien atteigne le niveau de connaissances requis pour bien évaluer les produits et services financiers toujours plus complexes offerts sur le marché. Cela signifie que les consommateurs doivent pouvoir consulter facilement des spécialistes financiers capables de leur fournir des conseils personnalisés.

Ce faisant, et en mettant toujours l'accent sur l'amélioration de la littératie financière des Canadiens, on réussira mieux à atteindre l'objectif du gouvernement d'accroître l'autonomie financière et de réduire la fraude fiscale.

Nous invitons le gouvernement à continuer de travailler en étroite collaboration avec des groupes comme Advocis pour s'assurer que les Canadiens augmentent leur niveau de littératie financière et comprennent mieux le rôle des conseillers financiers et les avantages qu'ils procurent, et apprennent aussi à bien choisir leur conseiller.

Le gouvernement, aidé de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et du nouveau chef du développement de la littératie financière, devrait élaborer un plan d'action ciblé avec des groupes de conseillers, afin que tous les Canadiens puissent avoir accès à des conseils financiers professionnels, que le gouvernement et les conseillers conjuguent mieux leurs efforts en matière de communications pour que soient mieux protégés les groupes vulnérables, particulièrement les personnes âgées, et que l'on informe les Canadiens de l'importance d'obtenir de bons conseils financiers.

Une fois de plus, je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de m'exprimer sur cette initiative majeure. Advocis se réjouit à l'avance de pouvoir œuvrer avec le gouvernement à la réalisation de cet objectif commun d'accroissement du niveau de littératie financière de tous les Canadiens.

Mack Rogers, gestionnaire de programme, Alphabétisation populaire et apprenants, ABC Life Literacy Canada : Près de 50 p. 100 de la population canadienne éprouvent de la difficulté à s'acquitter de tâches élémentaires de calcul ou de mathématiques; 35 p.100 des Canadiens n'ont pas d'économies ou de placements. Seulement un tiers des jeunes Canadiens âgés de 10 à 17 ans affirment que leurs parents leur parlent régulièrement d'argent et de finance.

Bonjour, je m'appelle Mack Rogers et je suis gestionnaire du programme Alphabétisation populaire et apprenants d'ABC Life Literacy Canada. Je suis heureux de représenter ABC à la demande du Comité permanent des banques et du commerce qui étudie le projet de loi C-28, Loi modifiant la Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, et la création du poste de chef du développement de la littératie financière.

À ABC, nous imaginons un Canada où tous les citoyens possèdent les compétences nécessaires pour vivre une vie pleinement active. Nous mobilisons les Canadiens et les incitons à améliorer leur littératie et leurs compétences essentielles par l'apprentissage tout au long de la vie. De plus, nous croyons que la littératie financière est une compétence essentielle dans la vie.

Dans le cadre de notre programme de littératie financière, Money Matters, nous travaillons avec des apprenants adultes et nous entendons des choses intéressantes de citoyens ordinaires. Je vais vous lire quelques citations d'apprenants que nous avons entendues.

Joanne d'Hamilton affirme que « si vous épargnez seulement 5 $ par semaine, ça peut faire toute une différence dans votre vie ».

Asif de Kitchener a fait le commentaire suivant : « Je pense maintenant à gérer mon argent, et je sais faire la différence entre un besoin et un désir! »

Un de nos apprenants de Toronto nous a dit : « Pour ma famille, je devais mieux comprendre ces choses, et je les comprends maintenant. »

Pour sa part, Ally d'Halifax nous a confié que « les services bancaires ne sont pas aussi angoissants que je le croyais. Maintenant, je sais mieux communiquer avec un banquier ».

Le programme Money Matters, financé en grande partie par le gouvernement du Canada, a connu un formidable succès auprès des apprenants adultes. En effet, plus de 900 apprenants ont déjà suivi la formation gratuite sur la littératie financière dans 45 centres au Canada.

Or, ce qui rend cette formation particulière, c'est le partenariat établi avec la Banque TD. En effet, cette dernière envoie des membres de son personnel animer bénévolement des ateliers sur la gestion financière dans les centres. C'est là, sur le terrain de l'apprentissage à la littératie financière, que nous constatons les plus grands effets.

Les apprenants adultes ont déjà assisté à 7 000 heures de formation dans les salles de classe du programme Money Matters. Nous espérons au moins doubler ce chiffre au cours des six à huit prochains mois. La littératie financière fait partie de l'éventail de compétences essentielles dont les Canadiens ont besoin pour se développer.

Le chef du développement de la littératie financière a la possibilité d'améliorer les compétences des Canadiens. Grâce à son leadership et à la collaboration avec des groupes comme l'Agence de la consommation en matière financière au Canada et ABC Life Literacy Canada, il contribuera à améliorer la littératie financière des citoyens en ralliant les organismes voués à ce domaine et à la promotion de cette compétence essentielle dans la vie courante.

L'Enquête internationale sur l'alphabétisation et les compétences des adultes réalisée en 2003 indique que 42 p. 100 de la population canadienne a un niveau de compréhension de l'écrit inférieur à celui d'un diplômé de l'enseignement secondaire, soit la norme recommandée pour composer avec les exigences de la vie quotidienne et travailler dans une société complexe et évoluée. Sur le plan de la numératie, 49 p. 100 de la population se situe sous le niveau recommandé. La littératie financière est un amalgame de différents types de littératies, mais les deux plus importants sont la compréhension de textes suivis et la numératie.

ABC a participé activement, en 2011, à la première édition du Mois de la littératie financière, offrant aux Canadiens les outils et les ressources dont ils ont besoin pour accroître leur littératie financière. ABC a également créé un carrefour social innovateur où les Canadiens peuvent s'échanger des trucs en matière de littératie financière et s'engager, en leur nom et au nom de leur famille, à acquérir de meilleures habitudes en matière de littératie financière.

À ABC, nous savons que les programmes de littératie financière ont un effet positif sur l'apprenant adulte. Tous les jours, nous constatons les effets d'une meilleure littératie financière sur la vie des gens. Du REER pour les jeunes à l'élaboration d'un plan financier pour les personnes âgées, les apprenants éprouvent un sentiment d'épanouissement et d'autonomie à tous les niveaux de la littératie financière.

Il s'agit d'expériences concrètes pour les citoyens du pays. Nous voulons que les Canadiens comprennent ces messages, qu'ils en discutent et qu'ils les diffusent. Leur vie quotidienne s'améliorera grâce à ces apprentissages, et nous sommes convaincus que le chef du développement de la littératie financière pourra réaliser tout cela.

En résumé, le projet de loi C-28, Loi modifiant la Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, constitue une étape essentielle importante qui aidera les Canadiens à améliorer leur niveau de littératie financière. Il reprend les recommandations formulées en 2011 par le Groupe de travail sur la littératie financière.

En tant que participant au Groupe de travail, ABC croit que ses idées, et celles de ses clients, ont été prises en compte. De plus, nous appuyons sans réserve ses recommandations. À titre de membre du Groupe d'action sur la littératie financière, nous avons préparé un mémoire dans lequel nous proposons un plan d'action sur la littératie financière et le rôle du nouveau chef du développement de la littératie financière. Ce mémoire est annexé à notre présentation.

J'aimerais attirer votre attention sur une ou deux des nombreuses recommandations importantes formulées dans le mémoire. Premièrement, j'aimerais souligner que le poste de chef du développement de la littératie financière devrait en être un de collaboration et de mise en commun. Le chef devra trouver des spécialistes du domaine et diffuser largement l'information afin de soutenir la formation en matière de littératie financière pour tous les Canadiens.

Deuxièmement, le poste de chef du développement de la littératie financière devra favoriser la littératie financière auprès du grand public. Nous croyons que les médias sociaux populaires et la présence sur le web sont les meilleurs moyens de joindre les Canadiens. Par conséquent, nous recommandons la création d'un centre de littératie financière où se ferait de la recherche et où les Canadiens pourraient trouver des ressources et obtenir des conseils. Nous croyons que l'Agence de la consommation en matière financière du Canada est l'organisme tout désigné pour accueillir ce centre.

L'engagement ferme de l'agence, son leadership durant le Mois de la littératie financière et l'élaboration incessante de programmes et des projets en matière de littératie financière sont la manifestation des recommandations formulées par le groupe de travail. Nous croyons que, plus le soutien dont bénéficient le chef du développement de la littératie financière et l'agence sera important, plus les Canadiens bénéficieront des moyens d'accroître leur littératie financière. C'est pour ces raisons qu'ABC appuie sans réserve la modification proposée par le projet de loi C-28.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Rogers.

Monsieur Fair.

Adam Fair, directeur par intérim, Social and Enterprise Development Innovations (SEDI) : Je m'appelle Adam Fair et je suis le directeur intérimaire du Centre canadien pour l'éducation financière, une division de Social and Enterprise Development Innovations. Merci de m'entendre aujourd'hui sur l'enjeu critique de la littératie financière et le projet de loi C-28.

Je tiens d'abord à remercier le gouvernement du Canada pour son leadership à l'égard de cette question. SEDI a collaboré étroitement pendant plus de 10 ans avec une gamme de ministères et d'organismes fédéraux, notamment le ministère des Finances, l'ACFC, RHDCC et CIC, pour aider à rendre l'éducation financière plus accessible aux Canadiens. En fait, l'ACFC, le Projet de recherche sur les politiques et SEDI ont coorganisé le premier symposium canadien sur la littératie financière en juin 2005.

L'ACFC a fait preuve d'un leadership remarquable pour promouvoir et développer la littératie financière des Canadiens depuis 10 ans. Nous croyons qu'elle est bien placée pour mener une stratégie nationale exhaustive d'amélioration des résultats attendus des Canadiens sur les plans sociaux et financiers par l'entremise des initiatives liées à la littératie financière.

Nous sommes membres du Groupe d'action sur la littératie financière, le GALF, et nous appuyons entièrement le document qui a été présenté conjointement à votre comité. Il présente des suggestions sur le rôle du chef du développement de la littératie financière et des options en ce qui a trait à la création d'un plan d'action concernant la littératie financière.

Tout d'abord, la mission de SEDI consiste à élargir les perspectives économiques des Canadiens qui vivent dans la pauvreté, par l'entremise de politiques et de programmes innovants. Nous travaillons avec des entreprises, des gouvernements et des groupes communautaires d'un bout à l'autre du Canada pour créer des possibilités à grande échelle pour les Canadiens sur la base d'idées transformatrices.

La préoccupation de longue date de SEDI à l'égard du bien-être financier nous a amenés à démarrer le Centre canadien pour l'éducation financière en 2009. Le centre a pour but d'aider à bâtir un système national viable d'éducation et de soutien des Canadiens à faible revenu en matière de littératie financière.

SEDI administre aussi le Fonds de subventions d'éducation financière TD, créé dans le but de fournir des subventions d'une valeur de 11,5 millions de dollars pour des projets communautaires de littératie financière sur une période de cinq ans. Ce fonds est censé arriver à terme en 2015.

Pourquoi la littératie financière est-elle importante pour les Canadiens à faible revenu? Les mauvais choix financiers des personnes à faible revenu qui n'ont pas de biens ou qui en ont peu peuvent plonger une famille dans la misère, fermer la porte à des occasions futures et générer des conséquences négatives pour le reste de leurs vies. Calculées globalement, ces répercussions ont aussi un impact négatif sur l'ensemble de l'économie.

L'Enquête canadienne sur les capacités financières a révélé que les Canadiens à faible revenu et vulnérables ne sont pas nécessairement moins compétents en matière financière que les autres, mais qu'ils connaissent de vraies difficultés à obtenir de l'information financière exacte et des conseils qui sont conformes à leurs vies et qui répondent à leurs besoins. Par conséquent, les programmes communautaires de littératie financière jouent un rôle prépondérant dans la transmission de l'information et des conseils financiers de base afin de les adapter et de les faire correspondre plus directement aux conditions de vie et aux besoins des Canadiens vulnérables.

C'est important de souligner ce que la littératie financière ne peut pas faire. La littératie financière n'est pas une panacée. Elle ne peut pas remplacer une bonne réglementation, l'investissement dans le capital humain, des programmes sociaux viables, des régimes fiscaux et des systèmes de transferts efficaces. Elle ne peut pas non plus être le remède pour les marchés qui posent des problèmes, la mauvaise réglementation ou la malchance. La littératie financière ne peut pas éradiquer la pauvreté à elle seule, mais il est impossible d'imaginer une réponse à la pauvreté qui pourrait raisonnablement échapper au besoin d'un certain niveau d'information ou d'orientation financières.

Voici certaines idées à prendre en considération. Du point de vue de SEDI, la question clé pour un nouveau chef du développement de la littératie financière et une nouvelle stratégie en matière de littératie financière, c'est de savoir comment nous allons construire collectivement un système viable de mesures de soutien en matière de littératie financière qui sont de qualité élevée, pertinentes et accessibles à l'intention des Canadiens dans une période d'austérité budgétaire et de multiples pressions concurrentielles exercées sur les finances publiques.

Voici quelques idées qui devraient être utiles selon vous. Il faut déterminer les programmes publics où la littératie financière peut aider à soutenir le grand objectif de la politique et l'y intégrer. Nous devons faire de l'éducation en matière de littératie financière un programme admissible ou même, le cas échéant, une exigence obligatoire avec le financement qui correspond.

Voici quelques exemples excellents de situations où les ministères et les organismes fédéraux ont déjà commencé à travailler en ce sens. Citoyenneté et Immigration Canada a fait de la littératie financière une dépense admissible en vertu de son programme d'établissement. Condition féminine Canada a déterminé que la littératie financière est une façon importante d'améliorer la sécurité économique et la prospérité des femmes et des filles. RHDCC a soutenu des organismes communautaires d'un bout à l'autre du pays pour qu'ils fournissent de l'information en matière de littératie financière, de l'éducation et du soutien aux familles à faible revenu dans le but de les aider à épargner pour l'éducation de leurs enfants en utilisant des régimes enregistrés d'épargne-études et en profitant du Bon d'études canadien.

Nous proposons de mettre chaque organisme au défi de réfléchir à la façon dont la littératie financière pourrait les aider à réaliser les objectifs de leurs politiques et de leurs programmes et à trouver des occasions stratégiques à intégrer dans leurs politiques, leurs programmes et leurs cadres de financement actuels.

De plus, il faut mettre la capacité et l'infrastructure du secteur communautaire à profit pour s'assurer d'offrir de l'éducation financière et du soutien de qualité à tous les Canadiens à faible revenu. Le CCEF a pu former plus de 1 500 employés de première ligne pour fournir de l'éducation en matière de littératie financière d'un bout à l'autre du Canada dans plus de 500 organismes communautaires, grâce au soutien généreux de nos bailleurs de fonds, plus particulièrement la Banque TD, un partenaire fondateur du CCEF.

Un grand nombre des employés que nous formons accomplissent toutefois cette tâche sur le coin de leur bureau. Le Fonds de subventions d'éducation financière TD, que nous administrons, a aidé à fournir du financement de démarrage pour les programmes de littératie financière d'un bout à l'autre du pays, mais il sera épuisé en 2015. Nous croyons que, sans ce soutien financier continu à l'intention des organismes communautaires, nous perdrons la seule infrastructure réelle qui a été construite pour aider les Canadiens à faible revenu à améliorer leur littératie financière, et nous aurons perdu une énorme opportunité de mettre cet atout vital à profit.

La littératie financière n'est que l'un des grands piliers de la résilience financière, et nous devons commencer à nous demander comment nous pouvons mettre les autres en place. Nous croyons que nous devrions travailler pour un pays : qui procure non seulement l'égalité d'accès à de l'information et de l'éducation financières de qualité élevée, mais également à des conseils financiers neutres et de qualité élevée; où les Canadiens ont accès aux mesures de soutien pour les aider à obtenir les prestations du gouvernement et les crédits d'impôt auxquels ils ont droit; où les Canadiens ont accès à des produits et à des services financiers sûrs et abordables; où les Canadiens sont protégés, dans l'environnement financier, des fraudes, des escroqueries et des pratiques financières contraires à l'éthique qui créent de la détresse financière et émotionnelle pour les victimes et qui se traduisent par des coûts sociaux pour la société; où tous les Canadiens, particulièrement les Canadiens à faible revenu, ont les possibilités d'accumuler l'épargne et les avoirs nécessaires pour améliorer leur bien-être économique en investissant dans l'éducation postsecondaire, en démarrant une entreprise, en achetant une maison ou en préparant leur retraite.

Aucun secteur ne peut réaliser cette vision à lui seul. Il faudra un leadership et un engagement solides de tous les secteurs. Nous croyons que l'adoption du projet de loi C-28 et la nomination d'un chef du développement de la littératie financière qui peut commencer à réunir tous les secteurs autour de cette vision sont un grand pas en avant. Nous avons hâte, pour entreprendre son travail, de collaborer avec eux, comme nous l'avons fait avec l'ACFC et nos autres partenaires du gouvernement fédéral.

Zachary Dayler, directeur national, Alliance canadienne des associations étudiantes : Au nom de l'Alliance canadienne des associations étudiantes, une alliance de plus de 300 000 étudiants à travers le Canada, nous vous remercions de nous avoir invités aujourd'hui afin de discuter de la littératie financière, un sujet important et complexe.

La littératie financière est un sujet délicat; il ne s'agit pas seulement d'apprendre aux gens à budgéter et mettre de l'argent de côté, mais également de favoriser de bonnes habitudes financières pour les gens de tout âge. En 2011, notre épargne nationale a atteint un des plus bas taux de notre histoire, à 5 p. 100; il s'agit également d'un des taux les plus bas au sein de l'OCDE. La discussion devrait être centrée sur la façon dont un investissement dans des ressources plus claires et accessibles puisse aider à réduire le fardeau des dettes des étudiants, tout en les aidant à se préparer pour le futur.

Je crois que les étudiants connaissent les coûts associés à la poursuite d'une éducation et sont au courant que ces coûts augmentent à vue d'œil, mais l'économie et le marché du travail ont, de force, mis les étudiants dans une situation financière difficile. Pour plusieurs d'entre eux, la transition entre la jeunesse et la phase adulte s'adonne à être la première fois qu'ils doivent gérer les tenants et les aboutissants de produits financiers de cette envergure; soit à travers un prêteur privé ou le Programme canadien de prêts aux étudiants.

De façon à mieux comprendre le problème, l'ACAÉ a mené une étude auprès de plus de 20 000 étudiants. Nous avons posé une série de questions par rapport à l'aide financière et la compréhension en matière de finances. Les résultats nous ont donné un excellent portrait de l'état de la littératie financière étudiante, ainsi que des résultats intriguant quant aux différentes sources qui aident ou qui nuisent aux étudiants lorsqu'ils cherchent à mieux comprendre la gestion des finances. L'ACAÉ a constaté que les étudiants sont très peu informés sur le système d'aide financière gouvernementale. Trois quarts des sujets ont échoué à notre test de littératie financière, et même plus de la moitié des récipiendaires ayant reçu de l'aide financière à plusieurs reprises n'ont pas réussi à répondre correctement.

Le problème semble comporter deux facettes, pré-prêt et post-prêt. Par exemple, un grand nombre d'étudiants étaient méconnaissant de l'aide financière à leur disposition. Ceci fut le cas pour 29 p. 100 des étudiants qui n'ont ni emprunté, ni présenté une demande de bourse; ces mêmes 29 p. 100 qui n'étaient pas au courant que des étudiants à faible revenu pouvaient recevoir des bourses sans être récipiendaires de prêts.

D'un autre côté, plusieurs étudiants qui ont emprunté démontraient qu'ils ne connaissaient pas les informations de base quant au remboursement de leur prêt. Ils démontraient de la confusion quant aux dates d'échéance et à l'accumulation du taux d'intérêt, et finiront par apprendre qu'ils doivent plus d'argent qu'ils ne s'en attendaient.

L'impact potentiel de cet analphabétisme est sérieux et de grande envergure. Pour certains étudiants, le manque de connaissance rendra le processus de remboursement plus pénible qu'il en soit nécessaire; pour d'autres, l'analphabétisme financier les a complètement empêchés d'accéder à l'aide financière gouvernementale. Encore pire, ceci a dissuadé un grand nombre de gens à poursuivre leurs études plus loin. Aujourd'hui, l'éducation postsecondaire est une étape primordiale pour réussir dans le marché du travail.

On peut attribuer une grande portion du problème aux sources d'information que les étudiants utilisent; un quart des étudiants se tournent vers leurs amis et leur famille pour recevoir des conseils financiers. Cependant, à travers cette étude, l'ACAÉ a découvert que ces gens sont les sources les moins informées au niveau financier.

Nous avons trouvé que la désinformation est encore plus répandue en ce que les conseillers d'orientation dans les écoles secondaires ne performent pas beaucoup mieux.

Les sources financières les plus informatives provenaient de sites Internet gouvernementaux, mais ceux-ci n'étaient consultés que par 40 p. 100 des emprunteurs; même les sites Internet gouvernementaux, cependant, n'amélioraient les résultats du questionnaire que de 6 p. 100.

Comment pouvons-nous nous adresser à ce problème? Le Centre canadien pour l'éducation financière recommande quelques étapes positives. Le gouvernement du Canada, en partenariat avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, doit intégrer des parties de littératie financière à la demande d'aider financière du Programme canadien de prêts aux étudiants. Il doit organiser des programmes de formation sur la littératie financière pour les jeunes Canadiens éligibles au financement à travers la Stratégie emploi jeunesse. Le gouvernement du Canada et le secteur privé doivent offrir des prix de littératie financière et initier des compétitions pour les jeunes, les étudiants, ainsi que les gens dans le marché du travail au Canada.

Le gouvernement et les banques privées ont appuyé, au fil du temps, un système qui n'est pas avantageux pour ceux qui l'utilisent. Les intérêts continuent de s'accumuler, mais les étudiants demeurent évidemment mal informés, les outils à leur disposition sont inefficaces dans le meilleur des scénarios. Les jeunes Canadiens ne savent pas que, lorsqu'ils posent leur signature à ce contrat, ils s'engagent à vivre une décennie d'incertitude et de défis financiers qui influencera leur contribution à l'économie canadienne, ainsi que leur propre bien-être financier. Nous vouons l'économie du savoir à l'échec si nous ne mettons pas les bonnes ressources à sa disposition et si nous ne lui offrons pas un appui financier adéquat.

Le président : Le sénateur Smith va poser la première question.

Le sénateur L. Smith : Vous êtes le deuxième groupe avec qui nous discutons aujourd'hui. Nous sommes tous d'accord concernant les concepts financiers, mais le manque d'autosurveillance des établissements financiers fait-il partie du problème? Mes trois enfants ont soudain obtenu des cartes de crédit lorsqu'ils ont commencé leurs études universitaires. La marge de la première carte de crédit s'élève à 1 000 $ la première année, puis passe à 3 000 $ la deuxième année avant d'atteindre 5 000 $ l'année de la diplomation. Sans surprise, mes enfants ont utilisé toute leur marge de crédit. Nous aidons les gens à améliorer leur littératie financière, mais qu'en est-il de l'enthousiasme des établissements financiers qui font la promotion de leurs produits?

M. Pollock semble être le mieux placé pour m'aider. Je pense que nous n'avons pas eu l'occasion de répondre à cette question des sénateurs Massicotte et Moore. Quelles sont les obligations des établissements financiers en ce qui a trait à l'autorégulation pour éviter les abus?

M. Pollock : Je vais répondre avec plaisir. M. Dayler voudra peut-être faire un commentaire du point de vue étudiant. Nous avons parcouru tout le pays. Le groupe de travail a reçu 300 mémoires et entendu environ 160 délégations, dont bon nombre étaient des organisations étudiantes. Durant la semaine d'orientation, nous avons entendu à maintes reprises toutes les compagnies faire la promotion de leurs cartes de crédit à 30 p. 100 d'intérêt. Nous n'avons pas émis de recommandation dans le rapport sur le contrôle ou la réglementation des entreprises pour ces questions. Nous avons parlé de langage clair et simple. En tant que groupe, nous pensons que la sensibilisation aux niveaux primaire et secondaire permettra aux jeunes d'examiner les options qui s'offrent à eux de façon bien plus judicieuse.

Au fond, jusqu'où la réglementation doit-elle aller? Nous pourrions imposer une vaste réglementation, mais à un moment donné, nous devons sensibiliser la population sur la façon de prendre des décisions responsables. Ce n'est pas responsable d'emprunter de l'argent à des taux d'intérêt de 21, 22, 23 et 26 p. 100. Je ne le recommande pas à mes enfants ou à mes amis. Ça ne devrait pas arriver, et nous devons travailler avec les Canadiens à ce genre de questions.

Le sénateur L. Smith : Par contre, il y a eu un resserrement des prêts, et les taux d'intérêt ont baissé. Les adultes contractent des prêts hypothécaires de 200 000 ou 300 000 $ à deux, trois ou quatre points de pourcentage. Le marché peut passer de trois à cinq ou six points, voire atteindre la dizaine. Bien des gens de 40, 50 et 60 ans ne le savent pas.

M. Pollock : En effet, c'est une remarque importante. C'est ce que j'ai dit à mes trois enfants, qui sont maintenant de jeunes adultes. On peut être en mesure de faire ses paiements sur une hypothèque de 300 000 $ avec un taux d'intérêt de 3 p. 100, mais sera-t-on capable d'assumer un taux qui passe à 6 p. 100? La réponse est non. Que va-t-il arriver aux gens dans cette situation?

Les Canadiens sont trop endettés. Quelqu'un a avancé un taux d'endettement de 140 p. 100. Nous sommes maintenant rendus à 160 p. 100. C'est beaucoup trop élevé. Je suis conscient que l'hypothèque compte pour les deux tiers de l'endettement, mais lorsque les taux d'intérêt vont augmenter, la population va en souffrir. C'est l'avertissement que nos membres servent à leurs clients.

Le sénateur L. Smith : J'espère que cela fait partie des dossiers du groupe de travail et du processus de sensibilisation et que les banques sont suffisamment honnêtes pour inclure cet élément dans leur formation.

M. Pollock : Je ne peux pas vraiment parler au nom des banques.

M. Dayler : Il faudrait presque que les Canadiens soient leur propre chef de la littératie financière. L'évaluation de la situation des cartes de crédit sur les campus est juste et c'est effrayant. Beaucoup d'étudiants se laissent convaincre par l'argument de vente. Ils se disent : « Je vais terminer mes études et me trouver un emploi et tout va s'arranger. » Leurs parents leur disent : « Si tu ne peux pas vivre avec l'endettement, comment pourras-tu t'acheter une maison? » C'est une mauvaise façon de voir les choses, à mon avis. Les institutions financières devront assumer un peu plus de responsabilités et expliquer clairement à leurs clients à quoi ils s'engagent et comment fonctionne le remboursement. Je sais que le Programme canadien de prêts aux étudiants travaille à quelque chose à ce chapitre. C'est bien, mais j'encourage toutes les institutions financières qui accordent un prêt à un étudiant à lui expliquer clairement dans quoi il s'embarque.

Un jeune adulte peut se présenter dans une banque et en ressortir environ 20 minutes plus tard avec une marge de crédit étudiante pouvant atteindre 20 000 $. Nous devons nous assurer qu'ils sont sensibilisés aux conséquences.

M. Fair : J'aimerais souligner quelques points brièvement. La littératie financière, c'est l'histoire de toute une vie. Un des défis consiste à faire comprendre aux gens l'impact qu'une décision prise alors qu'ils sont étudiants peut avoir sur leur capacité à obtenir une hypothèque plus tard.

La Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique a réalisé un sondage auprès d'étudiants universitaires. Selon les résultats, les répondants prévoyaient se trouver un emploi, rembourser leur hypothèque et gagner un salaire d'au moins 100 000 $. C'est complètement farfelu, mais ils s'appuient sur ces impressions pour prendre leurs décisions.

Comme le soulignait M. Dayler, beaucoup de gens se laissent convaincre par l'argument de vente, y compris les nouveaux arrivants : on prend de bonnes décisions, on va à l'école, puis on se trouve un emploi, on rembourse la dette et tout va bien, comme pour les générations précédentes. Mais l'histoire ne se termine pas aussi bien pour tout le monde. Bon nombre se retrouvent avec un sérieux problème d'endettement et ne réalisent pas les conséquences que cela aura sur le reste de leur vie.

M. Rogers : Le problème, ce n'est pas les gros achats. Chez les gens ayant un faible niveau de scolarité, le plus gros problème, c'est les téléphones cellulaires. Certains ne comprennent pas les conséquences liées au défaut de paiement de la facture de leur cellulaire et du passage régulier d'une compagnie de téléphonie à une autre. Ce sont de petites choses, mais leur effet est cumulatif et tout cela a un impact sur leur cote de solvabilité et leur capacité d'emprunt à long terme.

Le sénateur Ringuette : Merci à vous tous. Vos commentaires et suggestions sont certainement les bienvenus. J'ai vu certains d'entre vous assis dans la salle un peu plus tôt. J'ai remis en question la contribution financière des banques aux groupes de bénévoles qui offrent de la formation financière impartiale. Mais j'ai été très heureuse d'entendre la réponse du représentant du Groupe Desjardins à mon interrogation dans les premiers instants de son exposé.

J'aurais deux questions à vous poser. Premièrement, quelle devrait être la priorité du Groupe de travail sur la littératie financière? Il doit y avoir une priorité commune, mais sur quels aspects en particulier devrait-il se concentrer pour envoyer un message efficace et atteindre les objectifs fixés?

Deuxièmement, selon votre expérience en littératie financière, les sociétés émettrices de cartes de crédit en font-elles assez pour favoriser la littératie financière — comme investir dans les groupes bénévoles qui offrent de la formation financière impartiale sur les produits financiers — pour contrebalancer les milliards de dollars qu'elles investissent au Canada dans la promotion de leurs produits?

M. Rogers : Ma réponse à votre première question ne peut être totalement impartiale. Les gens ayant un faible niveau de scolarité ont beaucoup de difficulté à assimiler la littératie financière, car les documents sur les produits financiers sont extrêmement complexes. Oui, il y a eu de l'amélioration à ce chapitre, grâce notamment à la version simplifiée produite par l'ACFC, mais ce n'est pas ce que les gens du milieu de la littératie considèrent comme un langage clair. C'est un peu incompréhensible. Donc, la clarté du langage serait ma principale priorité.

Au sujet des institutions financières, je ne peux pas parler de leur investissement financier dans la littératie financière, mais en ce qui a trait aux bénévoles, notamment ceux de la Banque TD, la formation qu'ils offrent est impartiale. Ce sont d'excellents enseignants et ils font un travail fantastique. C'est vrai qu'ils utilisent leurs propres produits et services à titre d'exemple, car ce sont ceux avec lesquels ils sont les plus familiers, mais ils travaillent avec les produits des institutions financières de nos participants afin de les aider à trouver la solution qui leur convient le mieux. Nos directives sont simples : lorsqu'ils viennent chez nous, ils ne défendent pas les intérêts de leur banque, mais bien ceux des participants, et c'est une chose qui leur tient à cœur.

Je dois dire que les banquiers font de l'excellent travail sur le terrain, et pas seulement dans le cadre de notre programme, mais aussi avec Centraide, entre autres.

M. Fair : Bien qu'il ne s'agisse pas d'un groupe homogène, la priorité devrait être accordée aux Canadiens à faible revenu. Bien entendu, il serait tout naturel d'enseigner la littératie financière dans les écoles, mais nous remarquons que les Canadiens à revenu moyen et élevé ont déjà accès à des renseignements adéquats en matière de littératie financière, ainsi qu'à un réseau solide de conseillers financiers.

Les citoyens à faible revenu ont accès à peu d'information relative à leur situation et aux défis auxquels ils sont confrontés. Souvent, l'information, comme les produits, d'ailleurs, ne s'applique pas à leur situation. Ils vont à la banque et se font offrir des produits qui ne leur conviennent pas. Ce n'est pas nécessairement la faute des institutions financières, puisque la situation de ces citoyens est très complexe et personne n'a encore pris le temps de bien comprendre les difficultés particulières de cette population. Que pouvons-nous faire pour les aider à faire de meilleurs choix afin qu'ils ne se retrouvent pas dans le pétrin? Ce qui nous intéresse, c'est comment aider les citoyens à faible revenu.

J'utilise parfois l'exemple suivant. Souvent, les projets de loi visant à aider les personnes handicapées proposent d'élargir les couloirs et d'installer des ascenseurs. Ce sont des propositions qui profitent à tous les citoyens. Si nous produisons des documents dans un langage plus simple afin d'aider les citoyens à faible revenu à mieux comprendre, les citoyens à revenu moyen et élevé pourront eux aussi profiter de ces documents. Dans la situation actuelle, beaucoup de Canadiens à revenu moyen risquent de devenir des citoyens à faible revenu. C'est le genre de soutien qui pourrait les aider rapidement à se remettre sur pied. Selon nous, c'est une des principales priorités.

Un fait intéressant au sujet des institutions financières — comme vous l'avez souligné —, c'est qu'elles font la promotion de leurs propres produits. C'est bien connu. Ceux qui veulent une carte de crédit savent où se trouvent les banques et ils n'ont qu'à s'y présenter. J'ai même vu des succursales dans le métro de Toronto. C'est insensé.

Sur le plan du financement, les banques ont été parmi les plus généreuses en appui à nos programmes sur le terrain au sein des collectivités. Par contre, nous avons encore besoin de fonds. Nous attendons en soutien financier, car tous conviennent que ce que nous faisons est très important. Les institutions financières — TD, RBC, BMO, CIBC — ont toutes contribué financièrement à nos projets sans nous obliger à promouvoir leurs produits. Elles nous appuient, mais nous laissent faire notre travail. L'occasion est belle pour solliciter davantage leur participation et leur parler des façons dont elles peuvent nous appuyer. On pourrait leur dire : « Voici certains aspects qui, selon nous, posent problème. » ou « Certains Canadiens ont de la difficulté à comprendre comment fonctionnent vos produits. Travaillons ensemble vers l'atteinte d'un objectif commun. » Je crois que le message trouvera un écho parmi les banques.

M. Dayler : Pour répondre à votre première question, j'ajouterais simplement que je suis plutôt d'accord avec les autres témoins au sujet des Canadiens à faible revenu, notamment les jeunes adultes. Il faut leur inculquer de bonnes habitudes tôt en espérant qu'ils les conserveront. Je ne saurais en dire davantage à ce sujet.

Nous devons nous assurer que les ressources des institutions financières doivent être claires dans leurs démarches. Je crois que c'est ce qu'il y a de plus important pour les jeunes. Actuellement, un jeune adulte peut se présenter dans une succursale bancaire et obtenir un prêt sans que l'agent lui demande combien il prévoit mettre de côté pour ses droits de scolarité, ses livres ou son loyer. On lui dit : « Voici ton argent. Bonne chance. Nous vous enverrons notre facture et communiquerons avec vous, si nécessaire. » C'est un problème et il faut que ça change.

J'ai bien aimé entendre les autres témoins parler de leurs produits et services. Mais, qui se présente à la banque sachant déjà ce dont il a besoin? Nous espérons qu'un chef de la littératie financière pourra coordonner les efforts afin d'offrir des documents simples et non intimidants, et j'insiste sur le mot « intimidant », car il est difficile pour certains de se présenter dans leur succursale alors qu'ils sont déjà stressés à propos de leur situation financière. Ils pensent qu'ils doivent tout savoir en matière d'économie pour s'en sortir. La documentation doit être pertinente et écrite dans un langage clair.

Le sénateur Ringuette : Monsieur Pollock, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Pollock : Nous avons beaucoup parlé de cette question lors des réunions du groupe de travail. Nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises pendant 18 mois et cette question revenait toujours. Je dirais que les étudiants étaient probablement notre priorité. Cependant, l'éducation est de compétence provinciale. Nous avons donc convenu que les populations vulnérables, comme les Autochtones et les nouveaux immigrants, ceux qui vivent dans la pauvreté, seraient un bon groupe par lequel commencer. Si j'étais le chef de la littératie financière, c'est ce groupe que je ciblerais.

Le sénateur Ringuette : Et ma deuxième question?

M. Pollock : J'ai été témoin des efforts des institutions financières dans ce domaine. D'ailleurs, M. Fair a fait état de quelques-uns des programmes de la TD. J'ai assisté à la cérémonie de remise des prix de la SEDI à laquelle participaient des gens qui sont maintenant financièrement autonomes et ce, grâce aux programmes offerts par les institutions financières. C'est fabuleux. Je ne veux pas faire de promotion pour une entreprise en particulier, mais une des sociétés émettrices de cartes de crédit a créé un jeu vidéo phénoménal. Je suis convaincu que leur marque de commerce y est bien visible. J'ai vu des outils d'apprentissage incroyables. J'ai déjà été enseignant, et j'ai trouvé ces outils très utiles.

Le président : Cela met un terme à notre série de questions. Je dois dire, chers témoins, que vous avez été exceptionnels, en ce sens que vous avez été très informatifs et stimulants. Je suis persuadé que les membres du comité se joignent à moi pour vous encourager à poursuivre votre excellent travail. Au nom des membres du comité, je vous remercie beaucoup d'avoir accepté notre invitation aujourd'hui.

(La séance est levée.)


Haut de page