Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 35 - Témoignages du 29 mai 2013
OTTAWA, le mercredi 29 mai 2013
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui a été saisi du projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières), se réunit aujourd'hui, à 16 h 20, pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. Je déclare la séance du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce ouverte. Nous continuons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières).
Jusqu'à maintenant, nous avons entendu le témoignage du parrain du projet de loi, le député Russ Hiebert, de représentants du barreau, de plusieurs universitaires et d'autres parties intéressées.
Au cours de la première heure, nous entendrons le témoignage de Mme Jennifer Stoddart, commissaire à la protection de la vie privée du Canada. Elle est accompagnée de Mme Patricia Kosseim, avocate générale principale et directrice générale à la Direction des services juridiques, des politiques et de la recherche.
Madame Stoddart, la parole est à vous.
Jennifer Stoddart, commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada : Monsieur le président, mesdames et messieurs les honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole devant vous aujourd'hui au sujet du projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières). Comme l'a dit le président, j'ai la chance d'être accompagnée de notre avocate générale principale, qui pourra répondre à vos questions de nature juridique.
Tout d'abord, je crois que la transparence et la reddition de comptes sont des aspects essentiels d'une saine gestion et des éléments cruciaux d'une démocratie efficace et solide.
Toutefois, à titre de commissaire à la protection de la vie privée du Canada, je dois souligner qu'il faut établir un juste équilibre entre la transparence et la reddition de comptes, d'un côté, et la protection du droit à la vie privée des individus, de l'autre. En d'autres mots, toute divulgation publique de renseignements personnels, tel qu'envisagé dans le projet de loi C-377, doit faire l'objet d'un examen attentif visant à déterminer s'il existe un besoin réel de divulguer les renseignements.
[Français]
Comme vous le savez, je me suis présentée devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes, en novembre dernier, afin de faire état de mon point de vue au sujet du projet de loi C-377 tel qu'il était rédigé à ce moment-là.
À cette occasion, j'ai soulevé des préoccupations quant au niveau de divulgation publique de renseignements personnels envisagée dans ce projet de loi. J'ai été plus précisément troublée d'apprendre que les noms et les salaires de tous les membres des syndicats devraient être rendus publics, sans le consentement des personnes concernées, aux fins de l'atteinte des objectifs liés à la reddition de comptes.
J'ai fait valoir que le fait de restreindre la portée de la divulgation permettrait d'obtenir un résultat plus équilibré, mais tout aussi efficace, et j'ai suggéré que seuls les renseignements concernant les personnes qui gagnent les salaires les plus élevés soient divulgués, ou que le nombre d'employés du syndicat dont le salaire se situe à l'intérieur des fourchettes établies soit indiqué, mais sans nommer qui que ce soit.
J'ai aussi indiqué que la divulgation d'états financiers cumulatifs pourrait être perçue comme une alternative valide aux fins de l'atteinte des objectifs en matière de transparence et de reddition de comptes par rapport aux membres du public. J'ai trouvé encourageant de voir que la Chambre des communes avait adopté, à l'étape du rapport, certaines modifications visant à protéger la vie privée des personnes concernées. D'après ce que j'ai compris, ces modifications portent sur ce qui suit : l'obligation de divulgation ne s'applique plus aux activités et aux opérations liées aux régimes de retraite, de soins de santé et d'assurance; l'adresse des personnes auxquelles appartiennent des renseignements divulgués ne sera plus indiquée; l'obligation de divulguer les sommes versées à titre de rémunération et les noms ne s'appliquera désormais qu'aux agents, directeurs et administrateurs dont le salaire est supérieur à 100 000 $, ainsi qu'aux autres représentants syndicaux principaux; la divulgation des sommes versées à d'autres employés ainsi qu'à des entrepreneurs se fera sous forme cumulative; la divulgation des sommes versées aux fins d'activités liées aux relations du travail, à l'organisation des travaux de l'organisation et aux conventions collectives se fera aussi sous forme cumulative.
Du point de vue de la protection des renseignements personnels, ces amendements représentent une amélioration par rapport au régime de divulgation précédent.
[Traduction]
Cependant, honorables sénateurs, certaines préoccupations liées à la protection des renseignements personnels demeurent. En principe, l'article 241 de la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit que les renseignements afférents aux individus demeurent confidentiels, à moins qu'il n'existe une exception spécifique à cette interdiction de divulgation. Je suis consciente du fait que l'adoption du projet de loi C-377 aurait pour effet de permettre une exception à cette règle de confidentialité. Bien que d'un point de vue juridique cela soit en conformité avec la Loi sur la protection des renseignements personnels, la création d'une nouvelle exception me préoccupe.
Plus précisément, les noms de toutes les personnes ayant reçu des sommes totalisant plus de 5 000 $ seront encore divulgués, et ce, pour certains versements, tels que ceux liés à des prêts, à des activités politiques, à des activités de lobbying, à des contributions, à des cadeaux, à des subventions, ainsi qu'aux activités liées à des conférences, à l'éducation et à la formation. Il est évident que des renseignements personnels, et même, dans de nombreux cas, des renseignements personnels de nature délicate, figureront parmi les renseignements divulgués. Comme je l'ai indiqué précédemment, une façon de réduire les atteintes à la vie privée tout en favorisant la réalisation des objectifs en matière de reddition de comptes consisterait à limiter la portée de la divulgation à des nombres cumulatifs, ou à divulguer les renseignements demandés, mais sans nommer les personnes concernées.
En terminant, j'espère que mes commentaires aideront les parlementaires à trouver un juste équilibre entre la transparence et la reddition de comptes, d'un côté, et le droit à la vie privée des individus, de l'autre. Je m'arrêterai donc ici, et mon avocate générale et moi serons heureuses de répondre à vos questions.
Le président : Merci, madame Stoddart.
[Français]
La sénatrice Hervieux-Payette : J'aimerais avoir des précisions sur vos hésitations. Par exemple, dans les entreprises incorporées, à l'heure actuelle ce sont les cinq plus hauts salaires, à ma connaissance, qui doivent être dévoilés aux actionnaires des compagnies. Peut-être pourriez-vous me le préciser.
Certaines règles de divulgation de salaire sont faites pour les entreprises. J'essaie d'établir un parallèle entre les syndicats et les entreprises puisque ce sont des gens qui travaillent ensemble. S'il y a cinq dirigeants syndicaux et cinq dirigeants patronaux dont les noms sont connus, est-ce que c'est suffisant?
Dans les prospectus que l'on reçoit, généralement il y a un certain nombre d'actionnaires dont on connaît le salaire. Dans le projet de loi, il semble qu'on passera à un plus grand nombre de personnes. À mon avis, si on veut un équilibre dans la loi, on doit s'assurer que les parties qui sont en présence aient à peu près le même nombre de représentants. À votre connaissance, avez-vous la règle absolue au point de vue corporatif?
Patricia Kosseim, avocate générale principale et directrice générale, Direction des services juridiques, des politiques et de la recherche, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada : Pour ce qui est du contexte corporatif, je ne connais pas la règle spécifique ni les lois en la matière. Nous avons étudié surtout les lois qui portent sur la divulgation des salaires des hauts fonctionnaires, mais nous n'avons pas fait cette comparaison entre les syndicats et le contexte corporatif.
La sénatrice Hervieux-Payette : Qu'en est-il des hauts fonctionnaires, si on fait une comparaison?
Mme Kosseim : Pour la plupart, les lois exigent la divulgation selon le montant salarial, mais pas le nombre de personnes.
La sénatrice Hervieux-Payette : D'accord.
Mme Kosseim : Pour ce qui est du nombre, malheureusement je ne connais pas la règle dans le contexte corporatif. Si vous voulez, nous pourrons vous revenir avec une réponse ultérieurement.
La sénatrice Hervieux-Payette : Si on veut avoir un équilibre, il me semble qu'on peut comparer parce que généralement, les syndicats sont à l'intérieur des entreprises. Je sais que ce n'est pas un montant dans le cas des entreprises parce que ce serait compliqué dans certains cas. Cette semaine, on nous dévoilait qu'il y avait des présidents d'entreprises qui gagnaient 40 millions de dollars par année. Le montant de 100 000 $, est-ce que c'est une base que vous aviez proposée à la Chambre des communes? Est-ce que ça se compare avec nos fonctionnaires?
Mme Stoddart : Non, on ne l'a pas proposé, mais je pense — et là c'est fait sans recherche — que c'est un chiffre qui est repris ailleurs. Je crois que c'est le chiffre dans la législation ontarienne et je me demande si ce n'est pas aussi dans la législation australienne, ou l'équivalent de 100 000 dollars australiens. C'est un barème pris comme cela, je pense.
La sénatrice Hervieux-Payette : Et est-ce que, dans le cas des fonctionnaires de la haute fonction publique ici au Canada, est-ce que c'est 100 000 $. Il me semble que c'est plus élevé.
Mme Kosseim : Pour la plupart des provinces qui l'exigent, ça varie entre 50 000 $ et 100 000 $, selon nos recherches.
La sénatrice Hervieux-Payette : Quand vous parlez de faire un agrégat de montant par catégorie, je me pose la question : le syndicat va-t-il déposer, pour une catégorie, tous les montants ensemble sans indiquer de nom? Comment cela pourra-t-il se faire, de catégoriser cela par groupes?
Mme Stoddart : Je crois que, si on lit ce projet de loi, l'idée ce serait que pour un certain type de déboursé, plutôt que de dire, par exemple, plus de 5 000 $ dans une certaine catégorie, on nomme l'individu, on prendrait tous les déboursés qui auraient été faits pour, disons, les activités de formation, s'il y a six personnes qui ont fait plus de 5 000 $ d'activité de formation, alors on rapporterait 30 000 $ divisés entre six personnes.
La sénatrice Hervieux-Payette : D'accord. On dirait le nombre de personnes et le montant en question.
Mme Stoddart : C'est cela. Vous aurez par déduction le montant moyen dépensé par personne, mais sans les noms.
La sénatrice Hervieux-Payette : Le seul endroit où on aurait les noms serait pour les hauts salaires des dirigeants.
Mme Stoddart : Voilà.
[Traduction]
La sénatrice Nancy Ruth : Je vous remercie de votre présence. Tout d'abord, je ne comprends pas, mais on nous a dit qu'entre 1 000 et 25 000 entités pourraient être visées par le projet de loi. Savez-vous ce qui explique un tel écart?
Mme Stoddart : Non, je ne le sais pas. Je ne suis pas une spécialiste de cette question.
La sénatrice Nancy Ruth : Mes prochaines questions portent sur votre façon de collaborer avec l'ARC en matière de protection de la vie privée. Par exemple, compte tenu de la teneur du projet de loi que vous proposez et de vos préoccupations touchant la protection des renseignements personnels comme les noms des gens, si une organisation ouvrière décide de produire une déclaration, comment le commissariat tente-t-il en ce moment d'empêcher la divulgation totale ou partielle des renseignements?
Par ailleurs, si la ministre n'avait aucun pouvoir discrétionnaire, qu'elle était tenue de rendre tous les renseignements publics et que vous étiez d'avis que la divulgation de certains d'entre eux porte atteinte à la vie privée, comment géreriez-vous la situation?
C'est ce que je veux savoir. Comment collaborez-vous avec l'ARC?
Mme Stoddart : Merci. Nous avons des échanges constants avec l'ARC. En général, le commissariat essaie d'adapter ses activités aux secteurs du gouvernement. C'est principalement dans le secteur public qu'il est important de protéger les renseignements personnels des Canadiens. Cela dit, nous sommes en train de faire une vérification de l'Agence du revenu du Canada; les résultats seront rendus publics cet automne. Nous ferons des observations sur la façon dont l'Agence du revenu du Canada gère les renseignements personnels actuellement.
Concernant votre deuxième question, si le projet de loi est adopté, nous nous attendons à recevoir des plaintes à cet égard. Toutefois, comme je l'ai expliqué dans ma déclaration préliminaire, si le Parlement juge bon d'adopter le projet de loi, l'Agence du revenu du Canada devra respecter les dispositions législatives, ce qui ne va pas à l'encontre de la Loi sur la protection des renseignements personnels en tant que telle. Dans le cadre d'une plainte, nous vérifierions si l'Agence du revenu du Canada a appliqué les dispositions de la loi modifiée en respectant la Loi sur la protection des renseignements personnels autant que possible, c'est-à-dire si elle n'est pas allée au-delà des dispositions de toute nouvelle loi.
La sénatrice Nancy Ruth : Même si vous vous opposiez à la divulgation de certains renseignements?
Mme Stoddart : Je vous donne mon opinion. Mon travail est d'appliquer la loi que le Parlement a adoptée.
La sénatrice Ringuette : Merci. Nous sommes reconnaissants du travail que vous faites concernant la Loi sur la protection des renseignements personnels. Je ne sais pas si vous avez suivi les discussions sur le projet de loi qui ont eu lieu au Sénat.
Mme Stoddart : Oui, en partie.
La sénatrice Ringuette : Le sénateur Cowan a très bien fait valoir qu'en droit, le libellé des amendements proposés à la dernière minute par la Chambre des communes n'appuie pas l'intention recherchée. L'acception juridique des termes et l'amendement en tant que tel ne changent rien aux exigences liées à la protection des renseignements personnels du projet de loi.
Je me demande si vous avez lu le discours du sénateur Cowan et son raisonnement juridique quant aux amendements. Je ne suis pas avocate, mais plus je lis ce qu'il a dit, plus j'appuie ses arguments selon lesquels, au bout du compte, ils n'ont rien changé au projet de loi.
Voici ma première question : avez-vous lu les arguments du sénateur Cowan au sujet du projet de loi?
Mme Stoddart : Oui, je les connais.
La sénatrice Ringuette : Êtes-vous d'accord pour dire que l'amendement que vous vouliez ne donne pas le résultat que vous espériez?
Mme Stoddart : Je respecte l'opinion de l'honorable sénateur, mais je n'irais pas jusqu'à dire qu'il n'a aucun effet. Il me semble que le texte a pour effet de soustraire certains renseignements personnels qui étaient inclus dans une version précédente.
Le commissariat en vient à la conclusion que des changements au libellé clarifieraient peut-être les choses. Ce n'est pas qu'il n'y a aucun effet; il s'agit simplement de la clarté de l'objectif. Cela dit, si vous me le permettez, madame la sénatrice, je vais laisser notre avocate générale expliquer notre point de vue plus en profondeur.
Mme Kosseim : Comme l'a expliqué la commissaire, si nous recevions une plainte au sujet de l'application des dispositions, aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels, la divulgation serait permise conformément à la loi. Il nous faudrait donc forcément interpréter les nouvelles dispositions pour déterminer si la divulgation des renseignements est conforme à la loi. Nous serions aussi ceux qui utilisent, interprètent et appliquent les dispositions.
Compte tenu de cela, nous avons étudié les nouvelles dispositions, et nous avons conclu à des ambiguïtés concernant l'objectif législatif de divulguer certains renseignements sous la forme d'un montant total. Le préambule de l'alinéa 149.01(3)b), exige toujours que la déclaration comprenne l'énumération d'inscriptions distinctes précisant le nom du payeur et du bénéficiaire, et il comprend tout ce qui est énuméré ensuite. Pour certains d'entre eux, on parle du « total », mais pas pour d'autres.
Toutefois, c'est seulement à l'alinéa (7)c) qu'on précise vraiment que pour les catégories énumérées, la déclaration du nom d'un payeur ou d'un bénéficiaire n'est pas exigée.
Je pense que c'est ainsi que certaines des dispositions pour lesquelles l'objectif du législateur est de déclarer seulement un montant total, malheureusement, ne sont pas exclues à l'alinéa (7)c). Ce n'est donc pas clair, parce qu'on dit, d'une part, qu'il faut divulguer le nom du payeur et du bénéficiaire et, d'autre part, qu'il y a des catégories à exclure, mais pas toutes, alors que nous comprenons que l'objectif était de divulguer les renseignements seulement sous la forme d'un montant total.
Par souci de clarté, il faudrait inclure dans l'alinéa 7(3)c) tout ce que dont le législateur souhaite la divulgation sous la forme d'un montant total seulement, de sorte que nous, les ministres, les représentants de l'ARC et tous ceux qui doivent appliquer la loi puissions le faire plus facilement.
La sénatrice Ringuette : J'ai lu les exigences liées à la protection des renseignements personnels contenues dans la Loi de l'impôt sur le revenu. La seule partie où l'on indique que les responsables de l'ARC sont autorisés à fournir des renseignements personnels, c'est lorsqu'il est question de mandats, par exemple. C'est compréhensible si une enquête est en cours, par exemple.
Je remarque que le projet de loi contient deux exigences liées à la divulgation. Il y a tout d'abord la personne qui est bénéficiaire d'une valeur cumulative de 5 000 $ ou plus en un an. L'organisation ouvrière doit fournir ce renseignement à l'ARC. Il faudrait que l'organisation ouvrière obtienne le consentement écrit pour déclarer cette première partie de l'information à l'ARC, car aux termes de la Loi sur l'Agence du revenu du Canada, il faut obtenir le consentement par écrit de la personne.
Ensuite, le ministre responsable de l'ARC mettra l'information sur le site web. Le ministre devra alors demander lui aussi le consentement par écrit de toutes les personnes visées avant de pouvoir publier l'information sur le site web pour respecter la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi de l'impôt sur le revenu. Comment cela est-il faisable?
Mme Stoddart : Je suis certaine que des représentants de l'Agence du revenu du Canada pourraient vous en dire davantage sur la façon...
La sénatrice Ringuette : La semaine dernière, ils disaient qu'ils ne savaient pas comment ils procéderaient.
Mme Stoddart : Comme je l'ai dit, la Loi sur la protection de la vie privée prévoit des exceptions et il en a toujours été ainsi. Si une loi doit être déclarée inconstitutionnelle, ce n'est pas dans la Loi sur les renseignements personnels que se trouve le critère ultime. La Loi sur la protection des renseignements personnels n'apporte rien en ce sens. Nous travaillons dans le cadre des limites établies par le législateur.
Votre question sur la divulgation des noms sur Internet m'amène à vous dire que je suis préoccupée par la publication de noms dans un format qui se prête à des recherches. Au fil des ans, j'ai essayé d'attirer l'attention des tribunaux administratifs régis par la Loi sur la protection des renseignements personnels sur les conséquences imprévues de la publication du nom d'une personne dans un tel format sur Internet. Il s'agit parfois de cas très inoffensifs, comme lorsqu'une personne demande une hausse de sa prestation d'invalidité parce que sa situation s'est détériorée. Je n'ai rien imaginé; des gens ont fait des plaintes. Une personne a déclaré ceci : « Je me suis adressé à un tribunal administratif fédéral pour obtenir une décision; or, surprise, mon voisin était au courant de ma situation et avait lu la décision ». Cela dépasse nettement les exigences de divulgation relatives à l'administration de la justice, et bon nombre de ces tribunaux ont remplacé leurs procédures par ce qu'on appelle le Protocole d'Exclusion des Robots, ce qui veut dire qu'on peut lire les décisions, mais qu'on ne peut pas les trouver à l'aide d'un moteur de recherche.
Dans ce cas, j'ai soulevé la question des gens qui n'ont rien fait de mal. Pourquoi est-il nécessaire de publier dans un format qui se prête à des recherches le nom de la personne qui a reçu plus de 5 000 $ ou qui a décroché des contrats publics valant plus de 5 000 $? Je reviens à l'anonymat et à la divulgation du montant total.
Pour ce qui est de votre deuxième question, je crois que l'avocate générale pourrait mieux vous répondre.
Mme Kosseim : Vous avez posé une question sur deux types de divulgation.
La sénatrice Ringuette : D'après ce que j'ai lu, le projet de loi inclut deux étapes de divulgation.
Mme Kosseim : Concernant la divulgation du syndicat à l'ARC, il faut consulter les dispositions législatives régissant les syndicats. À l'échelle fédérale, ni la Loi sur la protection des renseignements personnels, ni la LPRPDE ne s'appliquent aux activités principales des syndicats. Ce ne sont pas des activités commerciales régies par nos lois s'appliquant au secteur privé, et les syndicats ne sont pas inclus dans l'annexe 1 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Leur déclaration à l'ARC se fait conformément aux exigences de la Loi de l'impôt sur le revenu à cet égard; cependant, l'obtention du consentement par écrit des individus n'est pas une exigence législative. Dans les provinces où des lois les régissent, les dispositions générales seraient les mêmes que celles de la Loi sur la protection des renseignements personnels qui leur permettent de le faire conformément aux exigences législatives; et encore une fois, ils ne seraient pas tenus d'obtenir le consentement.
Pour ce qui est de la divulgation des renseignements que fait le ministre sur Internet, la partie 241 de la Loi de l'impôt sur le revenu interdit à toute entité gouvernementale de rendre publics les renseignements des contribuables. Selon les dispositions du projet de loi C-377, le ministre serait exempté de cette interdiction de publier les renseignements sur le site web; le ministre serait donc exempté de l'exigence générale liée à la confidentialité en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu et pourrait le faire sans le consentement des gens aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Dans la mesure où la divulgation des renseignements se fait conformément à la loi et où on ne rend pas publics plus de renseignements que la loi l'exige, on ne serait pas tenu d'obtenir le consentement des gens aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Comme la commissaire l'a indiqué, une fois la loi adoptée, nous allons l'appliquer, et c'est à vous que revient la tâche aujourd'hui de déterminer comment la formuler en fonction de l'équilibre que vous souhaitez atteindre.
Le sénateur Greene : De nos jours, l'équilibre dans la protection de la vie privée passe par la transparence. Quand vous examinez des lois comme celle-là dans d'autres situations, vous avez le mandat de formuler des opinions à l'égard de la protection de la vie privée. Pour tirer vos conclusions, est-ce que vous tâchez d'établir un équilibre entre toutes les questions relatives à la vie privée et les nouveaux enjeux concernant la transparence? Êtes-vous tenue par la loi de procéder ainsi?
Mme Stoddart : C'est une question très intéressante. Lorsqu'il s'agit d'examiner l'une ou l'autre des deux lois que nous sommes chargés d'administrer, nos décisions s'appuient uniquement sur ces deux lois. Toutefois, si nous sommes appelés à donner notre opinion sur des questions émergentes, à savoir si elles enfreignent peut-être les dispositions relatives à la protection de la vie privée, il s'agit généralement d'initiatives portant sur une transparence accrue ou le contexte entourant la sécurité nationale, qui est de plus en plus incertain depuis une dizaine d'années. Il est possible qu'elles violent les dispositions traditionnelles de protection de la vie privée, alors nous tâchons d'établir un équilibre entre ces protections et d'autres objectifs sociaux importants, comme la sécurité nationale, la sécurité publique et la transparence.
Le sénateur Greene : La loi ne vous oblige-t-elle pas à tenir compte des questions de transparence?
Mme Stoddart : Non, nous n'avons pas cette obligation. La transparence gouvernementale est abordée séparément dans la Loi sur l'accès à l'information.
Le sénateur Greene : J'aimerais bien comprendre votre position à l'égard du projet de loi. Si je ne m'abuse, rien dans le projet de loi ne contrevient à la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais vous avez tout de même certaines réserves. Est-ce exact?
Mme Stoddart : C'est exact.
Le sénateur Greene : Pouvez-vous nous expliquer rapidement quelles sont ces deux ou trois préoccupations que vous avez?
Mme Stoddart : Ce qui me tracasse encore à propos du projet de loi, ce sont ces passages qui prévoient la diffusion des noms du payeur et du bénéficiaire pour certaines transactions de plus de 5 000 $. Je vous propose de publier ces transactions sous forme anonyme ou agrégée, en faisant rapport seulement du montant total de la transaction et du nombre de personnes concernées.
Le sénateur Greene : Je vois. C'est votre principale préoccupation, d'accord.
Mme Stoddart : Oui.
Le sénateur Black : Le sénateur Greene vous a posé la même question que je voulais vous poser. Je présume que vous me donneriez la même réponse.
Mme Stoddart : J'espère bien que oui.
Le sénateur Black : J'en suis persuadé.
Le président : Je vais revenir à la charge moi aussi. Vous soulevez un point très intéressant.
Madame Stoddart, si je me souviens bien, la dernière fois que vous avez comparu devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, c'était l'an dernier, pour l'étude de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
Mme Stoddart : Oui.
Le président : À ce moment-là, il était surtout question de la sécurité nationale par rapport à la protection de la vie privée. Cette fois-ci, c'est entre la transparence et la protection de la vie privée que vous faites un parallèle.
Suivant votre témoignage, le comité s'est rendu à Washington et a visité différentes entités là-bas. Je crois que l'une des choses que nous avons tous retenues est qu'on ne peut pas imaginer de quelle manière cet équilibre a changé aux États-Unis depuis les attentats du 11 septembre. Je parle ici de sécurité nationale versus protection de la vie privée.
Ma question revient au point soulevé par le sénateur Greene. Est-ce que votre interprétation de l'équilibre varie en fonction de l'opinion de la société? Est-ce que cela change ou est-ce toujours la même chose pour vous?
Mme Stoddart : Sénateur, mon travail est de sensibiliser le public et je donne mon opinion dans les présentations que je fais, mais je ne suis pas juge, alors mon interprétation de la loi n'est pas strictement la même que celle des tribunaux. Toutefois, tout au long de mon mandat de commissaire à la vie privée, j'ai tâché de faire une interprétation réaliste de ce que comporte la protection de la vie privée compte tenu notamment du contexte, des valeurs canadiennes et des défis auxquels la société canadienne fait face. Plus récemment, mon interprétation a souvent dû se faire dans le contexte de la législation du secteur privé, qui doit composer avec de nouvelles réalités, comme l'utilisation accrue des agrégats de données des réseaux sociaux, et dernièrement Big Data, et des choses de ce genre.
Comme vous le dites, dans le secteur public, nous avons affaire aux continuelles questions de sécurité nationale et de transactions financières internationales. Cela fait partie du contexte général dont je tiens compte, mais je ne peux pas dire que cela influe énormément sur les lois que j'administre, car je dois m'en tenir à elles et c'est la Cour fédérale qui, au bout du compte, en fait l'interprétation.
Le président : Supposons que vous êtes en poste depuis cinq ans. Au premier jour de votre mandat, la question de la transparence était ce qu'elle était, et cinq ans plus tard, la tendance est passée à une plus grande transparence vis-à-vis du public. Diriez-vous que votre interprétation est la même cinq ans plus tard et que vos délibérations n'en tiennent pas compte?
Mme Stoddart : Je ne crois pas que la question ait été soulevée. Cela ne s'est jamais présenté de la façon logique et objective que vous avez laissé entendre.
Je prends note de l'évolution du monde. En tant que commissaire à la vie privée, je reconnais qu'on accorde beaucoup plus d'importance à la transparence dans une société démocratique qu'en 1983, année où la Loi sur la protection des renseignements personnels a été adoptée. Dans mes observations d'aujourd'hui, j'en ai tenu compte. J'ai dit comprendre que la transparence est un droit démocratique important, et pas seulement au Canada. Pardon, c'est à cela qu'on s'attend dans une démocratie. Je ne sais pas si on peut déjà parler d'un droit, mais c'est certainement une attente. C'est un mouvement international énormément important. Ce n'était pas le cas en 1983. Mes commentaires d'aujourd'hui s'appuient donc sur le fait que la transparence fait l'objet d'un mouvement mondial. On le voit à l'OCDE. On le voit partout dans le monde, encore là pour les transactions financières et les affaires criminelles internationales, entre autres.
Quand je dois interpréter la loi ou donner mon opinion dans différentes affaires à titre d'ombudsman administrant la Loi sur la protection des renseignements personnels, je suis tenue de respecter la formulation de la loi de 1985, et il en va de même pour mon personnel.
Le président : Merci. C'est ce qui conclut le premier tour. Nous entamons le deuxième.
[Français]
La sénatrice Hervieux-Payette : Je reviens à l'équilibre entre l'employeur et le syndicat, en ce sens que ce sont deux entités qui doivent s'assurer de l'exécution du mandat des entreprises, et quand je regarde toute la série des informations qui doivent être dévoilées, y compris les frais juridiques, je me demande s'il ne peut pas y avoir une espèce de parallèle, que ce qui doit obligatoirement être dévoilé pour une entreprise devrait l'être obligatoirement pour les syndicats.
C'est pour cela que, dans votre petite recherche, maître Kosseim, c'est important de voir les informations qui peuvent être dévoilées, qui ne contreviennent pas à votre loi et qui s'appliquent dans l'administration des entreprises, et d'avoir un parallèle que les entreprises soient obligées de faire les mêmes déclarations que les syndicats. On aurait à ce moment-là un rapport de force.
On parle de subventions, les entreprises aussi reçoivent des subventions. On parle de lobbiystes, les entreprises aussi font du lobbying. Les coûts de négociations, il est sûr qu'un employeur, quand il entreprend des négociations, engage des avocats. C'est pareil pour les conférences et pour l'éducation.
Il y a deux choses. Il y a des compagnies publiques dont les actionnaires et le public sont au courant des états financiers, c'est de plus en plus détaillé. On aura des comptables, tantôt, qui pourront nous dire effectivement ce qui est requis, parce qu'au fond, ce qui est dans un état financier publié, ce n'est pas la bonne volonté de la haute direction, mais simplement ce qui est exigé des entreprises pour rendre des comptes aux actionnaires.
Dans les compagnies privées, il y a également des actionnaires, mais on ne peut pas aller sur le site web, sauf si la compagnie décide de le faire pour obtenir des états financiers. Il y a des compagnies privées qui peuvent faire plusieurs millions de dollars mais dont on ne connaît pas les dépenses, mais qui ont des syndicats aussi. Dans ces cas-là, il n'y a rien de dévoilé du côté de la haute direction, il n'y a rien de dévoilé sur toutes les activités sur lesquelles les syndicats doivent faire des rapports. Et là, on parle toujours de Revenu Canada. Les entreprises, à ce que je sache, ont toute sorte de bénéfices fiscaux, des prêts. On voit souvent que des cadres supérieurs des entreprises ont des prêts.
Il serait important de voir comment on peut arrimer les entreprises et les syndicats afin qu'ils aient les mêmes obligations. Je n'aurais pas de problème avec cela. Là, j'ai un problème, parce qu'on enlève totalement l'équilibre entre les deux. Ce sont deux parties d'une entreprise, et chacune est là pour le mieux-être de l'entreprise. La haute direction n'est pas nécessairement le fondateur.
J'aimerais voir quels sont les articles énumérés dans la loi que vous considéreriez comme étant équitable par rapport aux entreprises, qui pourraient être divulguées. À ce moment-là, si on a des recommandations d'amendement à faire, on recommanderait tout simplement qu'il y ait un parallèle de fait avec l'entreprise privée.
Est-ce que cette philosophie entrerait dans l'application de votre loi?
Mme Kosseim : Je comprends bien la nature et l'importance de votre question. Si on regarde cela du point de vue des renseignements personnels, nous ne sommes pas ceux qui vont nécessairement promouvoir la divulgation de plus de renseignements personnels, ni d'un côté ni de l'autre. On est ici pour commenter sur le projet de loi devant nous et mettre des balises ou vous suggérer certaines balises pour ce qui est proposé.
Il y a peut-être d'autres témoins mieux placés que nous qui pourront parler justement de cette question importante et fondamentale d'équilibre, mais nous ne sommes pas nécessairement les mieux placés pour le faire.
La sénatrice Hervieux-Payette : Parce que vous avez à vous pencher sur la Loi sur les corporations canadiennes pour savoir si elle porte également atteinte à la vie privée.
Mme Stoddart : Non, justement avec respect, sénatrice, des deux lois que nous avons, la loi la plus en cause ici par rapport à ce projet de loi, c'est celle qui porte sur la protection des renseignements personnels au secteur fédéral. Elle ne touche que le gouvernement canadien et des organismes publics qui sont nommés dans la loi. Nous n'avons pas vraiment l'occasion de regarder les différentes lois sur les corporations, fédérale et provinciales.
On n'a donc pas l'expertise nécessaire pour vous répondre de façon significative sur les questions très intéressantes que vous soulevez, parce que notre vue est forcément sur la relation entre cette loi que l'on administre par rapport à la Loi de l'impôt sur le revenu.
[Traduction]
La sénatrice Ringuette : C'est drôle d'entendre parler de droit à la transparence, un droit qui est déjà reconnu pour les syndicats dans les lois provinciales sur les relations de travail, de même que dans le Code canadien du travail. Toute cette transparence concernant les organisations syndicales et leurs membres est exigée depuis des années, au niveau fédéral comme au niveau provincial, et cela touche plus de 90 p. 100 des organisations syndicales de ce pays.
Je remercie le sénateur Gerstein d'avoir soulevé la question de la protection des renseignements personnels et de la sécurité. La semaine dernière, les représentants de l'Association canadienne des policiers nous ont dit que leurs membres craignaient pour la protection de leur vie privée en raison des exigences de divulgation prévues par ce projet de loi, et qu'ils étaient aussi très inquiets pour leur sécurité. C'est un problème en matière de vie privée et de sécurité. Vous hochez la tête, alors j'imagine que vous avez entendu leur témoignage.
Mme Stoddart : Oui.
La sénatrice Ringuette : C'est sans aucun doute une préoccupation supplémentaire pour moi. On entend constamment parler des intrusions informatiques, et les sites de certains ministères ont d'ailleurs été piratés dernièrement. Pouvez-vous apaiser mes craintes face à la protection de la vie privée et de la sécurité des policiers?
Mme Stoddart : Madame la sénatrice, je hoche la tête parce que j'ai lu cette partie de la transcription du témoignage en question. Je répète donc qu'il est très important selon moi de ne divulguer aucun nom, à part peut-être pour quelques exceptions, les plus hauts salariés. Il est difficile de justifier au nom de l'intérêt public le fait d'exposer, au moyen des recherches sur Internet, l'identité de toute personne ayant effectué une transaction à hauteur de 5 000 $, surtout quand on parle des agents d'infiltration ou de ceux qui occupent des postes dangereux. Je vous presse d'apporter les changements proposés à la Chambre des communes à la suite des délibérations et, à quelques exceptions près, de rendre anonymes les rapports à cet égard. Je vous recommande également de restreindre le nombre de personnes dont le nom peut figurer sur le site web de Revenu Canada en vertu de la loi.
La sénatrice Ringuette : Je vous considère comme la gardienne de la vie privée des citoyens canadiens à l'égard de la législation fédérale. Comme en témoignent les discussions que nous venons d'avoir, le Sénat comporte un groupe minoritaire et un groupe majoritaire. Je ne suis pas certaine que nous pourrons faire adopter les amendements que vous proposez, à moins d'avoir l'aval de certains membres de l'autre côté. Ce projet de loi ne passe pas le test selon vous en ce qui a trait à la protection de la vie privée.
Le président : Est-ce une question?
La sénatrice Ringuette : Oui.
Mme Stoddart : Et quelle est-elle?
La sénatrice Ringuette : Ma question est la suivante : si aucun amendement ne peut être déposé ou adopté au Sénat pour apaiser vos craintes, est-ce que ce projet de loi passe le test en ce qui concerne votre responsabilité envers la protection de la vie privée des Canadiens?
Mme Stoddart : Au chapitre de la proportionnalité, je crois que le fait de nommer cette catégorie de personnes qui seraient toujours nommées aux termes du projet de loi constitue une atteinte considérable à leur vie privée. En ne limitant aucunement les recherches sur le Web, compte tenu de la puissance des moteurs de recherche de nos jours et de la facilité avec laquelle il est possible de reproduire les informations trouvées — le Web n'oublie jamais et les gens ont le droit d'être oubliés —, je crois que le projet de loi pourrait poser problème. J'y verrais un problème.
Le président : C'est ce qui conclut notre série de questions. Au nom des membres du Comité sénatorial des banques, je vous remercie d'être venues témoigner devant nous aujourd'hui.
Nous sommes heureux d'accueillir maintenant Carole Presseault, vice-présidente, Affaires gouvernementales et réglementaires, Association des comptables généraux accrédités du Canada; Terrance Oakey, président de Merit Canada; Robert Blakely, directeur des affaires canadiennes, Département des métiers de la construction, FAT-COI, Bureau canadien; et par vidéoconférence, nous avons Maureen Parker, directrice exécutive de la Writers Guild of Canada.
Nous allons d'abord entendre la déclaration liminaire de chacun des témoins, en commençant par Mme Presseault. Nous vous écoutons.
[Français]
Carole Presseault, vice-présidente, Affaires gouvernementales et réglementaires, Association des comptables généraux accrédités du Canada (CGA-Canada) : Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vous remercie de l'occasion que vous me donnez de présenter des commentaires dans le cadre de votre étude du projet de loi C-377.
Le projet de loi ne compte que six pages et trois articles, mais nous sommes d'avis que ces dispositions auront des retombées considérables, qu'elles ne sont probablement pas nécessaires et qu'elles ne se rapportent aucunement à la Loi de l'impôt sur le revenu.
Selon le projet de loi, les organisations ouvrières seront obligées, aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu, de présenter une déclaration annuelle faisant état des renseignements financiers internes détaillés. Aucune autre organisation de la société civile ni aucune entreprise du pays n'est tenue de présenter des renseignements détaillés de cette nature et ce, malgré les nombreuses mesures fiscales dont elles bénéficient.
Selon certains, il s'agirait d'une loi antisyndicale, d'un empiétement sur les compétences provinciales, d'une restriction des droits garantis par la Charte, une enfreinte sur les informations sur la vie privée. Mais de tels arguments dépassent évidemment notre champ d'expertise.
[Traduction]
Toutefois, en tant qu'organisme qui plaide fortement en faveur de la simplification du système fiscal, CGA-Canada se doit de s'exprimer sur l'utilisation de la Loi de l'impôt sur le revenu à des fins autres que son objet.
Soyons clairs. Le projet de loi C-377 n'est pas un projet de loi fiscal. Il ne convient pas d'utiliser la Loi de l'impôt sur le revenu de cette manière. La Loi de l'impôt sur le revenu n'est pas un instrument destiné à réglementer les activités des syndicats, ou de quelque organisation que ce soit, d'ailleurs. Cette loi n'est pas un instrument destiné à promouvoir la bonne gouvernance. En un mot, la Loi de l'impôt sur le revenu, qui compte 3 000 pages, a pour objectif de définir qui est assujetti à l'impôt, et dans quelles conditions. Elle vise à permettre au gouvernement de percevoir des recettes. À vrai dire, cette loi gagnerait plutôt à être simplifiée et rationalisée.
Certains pourraient soutenir que l'obligation de fournir des renseignements financiers supplémentaires aura pour effet d'accroître la transparence, de favoriser la bonne gouvernance et d'améliorer la reddition de comptes. Pourtant, les syndicats communiquent déjà de l'information financière à ceux qui surveillent leurs activités, c'est-à-dire leurs membres.
Le projet de loi C-377 est nécessaire, dit-on, parce que les membres des syndicats ont droit à des déductions fiscales à l'égard de leurs cotisations syndicales. Ces déductions ne sont pourtant pas différentes des déductions fiscales auxquelles ont droit bien d'autres Canadiens, dont les membres de notre association, à l'égard de leurs cotisations professionnelles. Cette déductibilité vise à reconnaître le fait que le maintien du statut professionnel, qui est souvent une condition d'emploi, exige certains frais. De fait, ces cotisations sont souvent payées directement par les employeurs, et les professionnels ne peuvent donc utiliser l'avantage fiscal eux-mêmes. J'ose espérer que le Parlement n'a pas l'intention d'appliquer des lois similaires à d'autres organisations, notamment aux associations professionnelles, y compris la nôtre.
Il y a quatre ans, le comité a étudié une loi très importante, la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif. J'ai témoigné à deux reprises dans le cadre de cette étude. Il avait fallu des dizaines d'années pour aboutir à cette loi, qui a instauré un régime moderne de gouvernance pour les organisations auxquelles elle s'applique. Parmi ces organisations, on compte les syndicats. Le régime qui figure dans la nouvelle loi sur les organisations à but non lucratif met l'accent sur les droits des membres, et non sur les droits du gouvernement.
[Français]
Ainsi, ces organisations ont l'obligation de présenter à leurs membres de l'information financière annuelle auditée. Ce sont les membres qui choisissent les auditeurs, ce sont les membres qui approuvent les états financiers et ce sont eux qui participent à la gouvernance des activités de leurs organisations.
Les obligations d'information découlant du projet de loi C-377 ne sont pas nécessaires. Elles seront source de redondance et elles accroîtront, en outre, le fardeau administratif du gouvernement. Le coût de l'administration de l'impôt s'élève déjà à des milliards de dollars. On devrait surtout chercher à protéger l'assiette fiscale, à recouvrer les impôts exigibles et mettre fin à la fraude fiscale.
Le projet de loi C-377 ne permettra pas d'améliorer la gouvernance des syndicats. La gouvernance des syndicats, comme celle de nombreuses autres organisations, relève des instances appropriées, à savoir leurs membres.
Je vous remercie de nous avoir accordé de votre temps aujourd'hui. Je suis maintenant disposée à répondre aux questions du comité.
[Traduction]
Le président : Merci. Monsieur Oakey, nous vous écoutons.
Terrance Oakey, président, Merit Canada : Bon après-midi. Merci de me donner l'occasion de m'adresser au comité aujourd'hui.
Pour vous présenter rapidement notre organisation, je précise que Merit Canada est le porte-parole national des huit associations provinciales de la construction à atelier ouvert. C'est au nom de ces 60 000 travailleurs et des 3 500 entreprises membres qui les emploient que notre organisation veut appuyer fermement le projet de loi.
Puisque certaines faussetés ont été répandues par des dirigeants syndicaux, permettez-moi d'abord de dire clairement ce que ne prévoit pas ce projet de loi. Il ne touche pas aux modèles de financement des syndicats, qui demeureront basés sur les contributions obligatoires versées par les travailleurs syndiqués, y compris ceux qui refusent de se joindre au syndicat de leur milieu de travail. Les allégements fiscaux sur les cotisations syndicales qui atteignent 4 milliards de dollars par année et représentent un pouvoir d'imposition de facto sur les Canadiens syndiqués. Cela ne changera pas, évidemment, si ce projet de loi est adopté.
De plus, le projet de loi C-377 ne dicte pas la façon dont les syndicats doivent dépenser les milliards de dollars qu'ils récoltent annuellement. Tout mouvement politique ou social financé par les syndicats aujourd'hui pourra l'être également après l'adoption du projet de loi. Il n'est pas non plus question de modifier le financement des processus de grief et de négociation ou toute autre activité liée aux conventions collectives.
Pour terminer, le projet de loi ne change rien aux avantages fiscaux des syndicats, ni même à leurs dépenses fiscales de 400 millions de dollars. De plus, les organisations syndicales continueront d'être exonérées d'impôt. On peut donc difficilement affirmer que le projet de loi réglemente le comportement des syndicats de quelque façon que ce soit.
Les exigences en matière de déclaration ne sont pas complexes, et même l'organisation avec les pratiques comptables les plus élémentaires pourra facilement s'y conformer. Ce traitement semble équitable pour des organisations dont le pouvoir fiscal rapporte environ 4 milliards de dollars par année. Ce droit d'imposer est assorti d'exigences de base en matière de transparence.
Je vais vous présenter d'autres éléments qui justifient l'adoption du projet de loi, mais dont les dirigeants syndicaux ne vous parleront naturellement jamais. Tout d'abord, il convient de mentionner que la Chambre des communes a accepté des amendements qui répondent aux préoccupations des spécialistes quant à la confidentialité des prestations et des pensions ainsi que des renseignements protégés par le secret professionnel. Ces amendements ont amélioré le projet de loi C-377. J'aimerais aussi préciser que le projet de loi harmonisera les lois canadiennes à celles d'autres pays industrialisés.
En fait, les Canadiens syndiqués appuient le projet de loi. En 2011, Nanos Research a réalisé une enquête qui montre que 86 p. 100 d'entre eux sont en faveur d'une plus grande transparence chez les syndicats. Du côté de la population en général, 83 p. 100 des citoyens sont de cet avis. Les dirigeants syndicaux continuent pourtant à s'opposer au projet de loi malgré les amendements, les exigences comptables minimes, l'opinion de la population et des syndiqués et l'existence de lois semblables dans d'autres pays.
Les honorables sénateurs peuvent se demander pourquoi. L'Office of Labor-Management Standards, le bureau américain des normes patronales-syndicales responsable de l'adoption de dispositions législatives semblables sur la divulgation de renseignements syndicaux chez nos voisins du Sud, a reconnu que la loi a permis de dénoncer plus de 900 infractions criminelles pour des activités inacceptables et frauduleuses entre 2001 et 2008. Il est toutefois surprenant de constater que l'AFL-CIO avait alors appuyé l'adoption d'une loi semblable aux États-Unis; j'imagine que mon confrère des métiers de la construction s'opposera farouchement au projet de loi.
Voici ce qu'a dit George Meany, qui était à l'époque président de l'AFL-CIO :
Tous ces projets de loi [sur la transparence] sont fondés sur... la théorie de l'aquarium, le concept selon lequel le dépôt des états financiers des syndicats et leur divulgation... permettra soit d'éliminer, soit de réduire les abus... L'AFL-CIO est convaincu du bien-fondé de cette théorie.
Chez Merit Canada, nous croyons nous aussi qu'un système ouvert et transparent est préférable pour les travailleurs et les contribuables.
J'aimerais maintenant aborder la question de la constitutionnalité puisqu'il en a beaucoup été question au sein du comité. Remettre en question la constitutionnalité d'un projet de loi est une vieille tactique employée par ceux qui s'y opposent. Il n'est donc pas surprenant que cet argument soit invoqué dans ce cas-ci. J'aimerais toutefois rappeler aux sénateurs que c'est loin d'être la première fois qu'un groupe comme l'Association du Barreau canadien invoque la non- constitutionnalité d'un projet de loi; elle l'a fait dans le cas du projet de loi C-10, la Loi sur la sécurité des rues et des communautés, du projet de loi C-31, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, et du projet de loi C-7, la proposition de Loi sur la réforme du Sénat. L'Association du Barreau canadien a aussi douté de la constitutionnalité des peines minimales obligatoires et de la législation canadienne sur le lobbying. En fait, M. Bruce Ryder d'Osgoode Hall, dont vous avez entendu le témoignage la semaine dernière, a affirmé en 2008 dans un article paru dans le National Post qu'un premier ministre qui nomme un sénateur en période de prorogation va à l'encontre de la Constitution. Monsieur le président, je regrette de devoir vous informer que le sénateur Greene et vous ne seriez pas ici aujourd'hui si les conseils de M. Ryder en matière de Constitution avaient été suivis.
De plus, le Sous-comité des affaires émanant des députés, dont l'illustre constitutionnaliste Stéphane Dion fait partie, n'a pas jugé le projet de loi inconstitutionnel après avoir obtenu l'avis des avocats de la Chambre des communes, et ce, même si les députés du NPD ont repris mot pour mot les arguments que M. Ryder vous a présentés la semaine passée. Le projet de loi C-377 a donc été jugé constitutionnel, à moins que quelqu'un ne fasse la preuve du contraire devant un tribunal à l'aide d'une série de faits précis; il ne suffit toutefois pas à un professeur de droit de pontifier une autre de ses théories constitutionnelles pour y arriver. Nous croyons que le projet de loi résistera à toute contestation constitutionnelle et que ce débat n'est qu'une tactique du lobby visant à détourner l'attention du véritable problème, à savoir la communication de renseignements financiers.
Pour terminer, j'encourage les sénateurs à adopter le projet de loi C-377. Les faits corroborent sa pertinence, et les discours incendiaires ainsi que l'opposition farouche à l'égard des exigences minimales de transparence en démontrent la nécessité. Je vous remercie, et j'ai hâte de répondre à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Oakey.
Monsieur Blakely, vous pouvez y aller.
Robert Blakely, directeur des affaires canadiennes, Département des métiers de la construction (FAT-COI), Bureau canadien : Puisque je n'ai que quatre minutes, je vous invite à lire mon mémoire.
Malgré ce qu'en dit M. Oakey, les syndicats sont des organisations démocratiques d'autoréglementation. Nos membres approuvent nos dépenses à l'avance. Dans la plupart des provinces canadiennes et au fédéral, les dépenses peuvent être considérées comme une question de droit. Il s'agit également d'un droit en vertu de la common law et de la constitution du syndicat. Nos membres s'inscrivent volontairement; c'est du moins le cas du côté des métiers de la construction. Ils n'ont qu'à se présenter au bureau de la section syndicale pour le faire. Certains peuvent être entraînés dans une campagne d'organisation, mais eux aussi ont le choix de s'inscrire ou non. S'ils le font, c'est de plein gré.
Vous avez peut-être remarqué les messages tendancieux de M. Oakey tout à l'heure sur ce que les syndicats ont à cacher — c'est un peu comme la question « Quand avez-vous arrêté de battre votre femme? » En un mot, nous n'avons rien à cacher. Qui a le droit d'être renseigné? Nos membres ont le droit de savoir où va le moindre sou que nous dépensons. Conformément à la loi, les syndicats sont des clubs privés plus ou moins codifiés dans la loi provinciale sur le travail qui les réglemente.
Nos membres ont le droit d'être renseignés, mais pas nécessairement M. Oakey. M. John Mortimer, qui a lui aussi témoigné devant le comité de la Chambre, a dit qu'il voulait l'information dans le but de dissuader les gens d'adhérer à un syndicat — ceux qui appuient le projet de loi font généralement partie des associations affiliées à Merit Canada, comme la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, la Fédération canadienne des contribuables et InfoTravail, qui ont tous des administrateurs communs. Le gouvernement pourrait faire meilleur usage de ses ressources que de donner une telle aubaine en matière de renseignements à M. Oakey et à ses amis.
Imaginez un instant une ville où il y a cinq journaux, mais où un seul doit divulguer publiquement ses sources et ses coûts, ainsi que de l'information sur ses dépenses, ses recettes, ses employés et ses activités. Seriez-vous enthousiaste si c'était vous?
Merit Canada appuie le projet de loi. Nos membres ne travaillent pas pour l'organisation et ne le feront probablement jamais. Dans ce cas, quel est son intérêt? C'est une question de temps, de richesse et d'argent, et c'est parce que nous sommes concurrents. En fait, la divulgation de nos renseignements lui donne un avantage concurrentiel. Fait intéressant, Merit Canada est organisée comme un syndicat et tire ses revenus des contributions de l'employeur. Les membres de Merit Canada profitent d'un allégement fiscal de 100 sous pour chaque dollar de revenu. Merit Canada est une organisation sans but lucratif exonérée d'impôts. Elle n'est pas imposée. Si le raisonnement de M. Oakey est juste, ce sont donc les contribuables canadiens qui paient pour que Merit Canada soit devant vous. L'organisation utilise à des fins politiques, législatives ou autres l'argent qu'elle perçoit, à l'image des syndicats. Elle devrait donc peut-être elle aussi divulguer ses renseignements.
Conformément à l'article 149 de la Loi de l'impôt sur le revenu, la ligne 212 de votre déclaration de revenus permet une déduction du revenu calculable pour des cotisations syndicales, professionnelles et semblables. Or, seuls les syndicats sont tenus de divulguer leurs renseignements. Le guide des petites entreprises touche des milliers de petites entreprises et d'autres organisations. Celles-ci reçoivent 100 sous pour chaque dollar si elles font partie d'un groupe de défense de l'industrie ou d'un groupe d'employeurs. Elles obtiennent le même traitement fiscal. Vous devriez mettre les syndicats sur un même pied d'égalité. Si nous devons divulguer nos renseignements, Merit Canada et les autres groupes de défense composés de membres devraient faire de même. Et les employeurs aussi.
Nous nous opposons au projet de loi pour des raisons de confidentialité. Vous avez entendu la commissaire à la protection de la vie privée et l'Association du Barreau canadien dire que le secret professionnel pose problème. Les syndicats devront faire un choix qui n'en est pas un. Quelle loi allons-nous enfreindre entre la Loi de l'impôt sur le revenu et la Loi sur la protection des renseignements personnels fédérale ou provinciale? Comme toute organisation imposée, nous devrions avoir droit à une certaine confidentialité en ce qui concerne nos activités. La dame qui gagne la somme rondelette de 42 000 $ pour répondre à mon téléphone ne devrait pas retrouver son nom sur le Web pour le plaisir de M. Oakey. Le Web est tout simplement trop vaste.
Je pense qu'un des sénateurs a demandé combien d'organisations sont touchées. D'après mes petits calculs, on parle de plus ou moins 5 400 rapports du côté des métiers de la construction seulement. Certaines sections locales devront déposer 10, 12 ou même 14 rapports. Comment est-ce possible? Il y a le syndicat, le régime de pension, le régime d'assurance-maladie et d'assurance-salaire, l'association d'épargne immobilière, l'organisation des membres à la retraite, l'organisme de bienfaisance, le fonds de prestation de retraite supplémentaire, la caisse de chômage, le fonds de santé et de sécurité, la caisse d'étude, le fonds pour la formation en apprentissage, le fonds pour la formation du compagnon, la caisse du secteur d'activité ainsi que tous les organismes patronaux-syndicaux. C'est ainsi pour chaque section. Le comptable de la section syndicale 280 des tôliers en Colombie-Britannique m'a dit qu'il devra produire 17 rapports différents.
Selon le bureau américain, qui a étudié la question, il faudrait 550 heures de travail pour compléter un seul de ces rapports aux États-Unis, et les rapports qui nous sont demandés pratiquement identiques. Si vous faites le calcul, vous constaterez que c'est un travail colossal.
Qui demande ces modifications? Ce ne sont pas des travailleurs frustrés exigeant plus de transparence. Nous avons mené notre propre enquête, tout comme M. Oakey. La différence, c'est que la nôtre est certifiée et a été réalisée auprès de 25 000 personnes, tandis que la sienne a été envoyée aux dirigeants des associations affiliées à Merit Canada qui semblent partager son avis.
Prenez celle que vous voulez...
Le président : Puis-je vous demander de conclure, s'il vous plaît?
M. Blakely : J'ai presque terminé, monsieur.
À qui appartient ce pouvoir législatif? Je me souviens de la théorie du caractère véritable à la faculté de droit. Le projet de loi propose-t-il une politique fiscale, une administration imposable, des mesures d'application, ou permet-il de déterminer l'assujettissement à l'impôt? La réponse est non. Il réglemente l'activité des organisations syndicales. Nous ne serions pas ici si le projet de loi s'intitulait simplement « la transparence et la divulgation de renseignements chez les syndicats ».
Les régimes de pension et les régimes d'assurance-maladie et d'assurance-salaire...
Le président : Est-ce votre conclusion?
M. Blakely : Oui, à vrai dire. Les régimes de pension et les régimes d'assurance-maladie et d'assurance-salaire posent encore problème. Je vous renvoie à l'Association du Barreau canadien, et n'oubliez pas que quatre provinces vous ont écrit pour vous dire que ce n'est pas une bonne idée. Certaines d'entre elles viendront vous voir. Pardon, il y en a cinq — le chiffre monte —, et je pense que c'est le Nouveau-Brunswick qui viendra témoigner.
Même s'il peut sembler alléchant d'envoyer promener les syndicats, ce n'est pas la chose à faire cette fois-ci. J'ai hâte de répondre à vos questions, et je vous remercie.
Le président : Merci. Nous allons maintenant écouter Maureen Parker, directrice exécutive de la Writers Guild of Canada.
Maureen Parker, directrice exécutive, Writers Guild of Canada : Bonjour, mesdames les sénatrices et messieurs les sénateurs. Merci de nous donner la chance de vous présenter le point de vue de la Writers Guild of Canada au sujet du projet de loi C-377.
La WGC est une association nationale représentant plus de 2 100 scénaristes du milieu anglophone de la production cinématographique, télévisuelle, radiophonique et des médias numériques au Canada. Nos membres sont les entrepreneurs créatifs sur lesquels repose cette industrie canadienne d'une valeur de 3,2 milliards de dollars.
Le principal rôle de la WGC est de négocier, mettre en application et gérer les conventions collectives du milieu relevant de sa compétence. La guilde perçoit aussi des droits d'auteur et des redevances étrangères, et règle des conflits en matière de conditions de travail, d'honoraires et de crédits d'auteur. Nous réalisons de grands projets de politique, et nous collaborons étroitement avec certaines organisations gouvernementales comme le CRTC, le Fonds des médias du Canada et Téléfilm Canada pour qu'un contenu canadien soit offert aux citoyens.
La WGC craint au plus haut point les dommages que le projet de loi C-377 pourrait causer à nos scénaristes ainsi qu'aux organisations syndicales, dont l'objectif est de conclure des ententes équitables avec les employeurs, petits ou grands.
Tout d'abord, si la moindre sortie de fonds de plus de 5 000 $ doit être divulguée publiquement, le projet de loi ira jusqu'à désavantager les petites organisations syndicales comme la nôtre ainsi que les auteurs protégés par une convention collective. La majeure partie de notre travail consiste à résoudre promptement et en toute confidentialité les conflits entre producteurs et auteurs, ce qui explique pourquoi les membres et les non-membres paient des cotisations.
Avec ce projet de loi, les producteurs sauront quels auteurs sont indemnisés à la suite d'un conflit et pourraient décider de les mettre sur leur liste noire. De plus, les embaucheurs ne voudront pas que la somme qu'ils versent dans le règlement d'un grief soit rendue publique.
En outre, le projet de loi mettra au jour un grand nombre de nos stratégies de négociation collective puisque nous embauchons souvent un conseiller juridique externe pour nous aider à les préparer. L'organisation de nos travaux sera rendue publique elle aussi. Les consultants externes et les avocats ne voudront peut-être plus travailler avec nous si leurs honoraires sont divulgués, et les embaucheurs pourraient tenter de limiter notre accès à ces ressources en leur offrant une somme plus importante que nous. Nous perdrons tout positionnement stratégique dans nos négociations collectives.
Il est tout aussi important de travailler avec les organismes gouvernementaux puisque nous tenons à ce que les citoyens aient accès à un contenu canadien de haute qualité. Plus particulièrement, notre travail auprès du CRTC est menacé puisqu'il exige l'expertise d'avocats spécialisés en réglementation et de cabinets comptables d'expérience.
Nous nous mesurons à de très gros radiodiffuseurs dont les ressources financières sont énormes, et qui embauchent des équipes d'avocats pour contredire nos arguments à l'endroit du CRTC. Pour être efficaces, nous devons donc avoir des experts du même calibre. Ces spécialistes n'accepteront très souvent de travailler pour nous que sous le couvert de l'anonymat par crainte de représailles. Il ne fait aucun doute que les radiodiffuseurs consulteront les bases de données pour savoir qui nous avons embauché et combien nous les payons dans le but de contrecarrer nos plans, ce qui nuirait à l'ensemble des Canadiens.
Pour la base de données, nous devrons embaucher au moins une personne pour faire le suivi, saisir les données et répondre aux questions de l'Agence du revenu du Canada. Ce n'était pas prévu, et notre personnel doit se concentrer sur nos priorités.
Le projet de loi C-377 nous obligera à gaspiller nos très précieuses ressources sur des choses qui ne nous intéressent pas et que nous n'avons pas à faire. Les contribuables canadiens paieront aussi pour la création et l'entretien de cette base de données colossale.
Pour terminer, nous remettons en question l'objectif même de ce projet de loi d'initiative parlementaire. Nous ne sommes pas d'accord pour dire que la population doit « avoir les moyens d'évaluer l'efficacité, l'intégrité financière et la santé » des syndicats canadiens. Le financement de la WGC provient des cotisations syndicales et d'autres frais exigés en vertu de nos conventions. Il ne s'agit ni de deniers publics ni de déductions fiscales. Nous ne recevons pas le moindre financement gouvernemental. Les organisations syndicales sont déjà gouvernées et réglementées par législation provinciale et sont responsables de leurs membres.
Notre organisation est dirigée par un conseil d'administration composé de membres élus de partout au pays. Les cotisations, droits et obligations sont décrits dans notre constitution et nos règlements. Seuls nos membres, par l'entremise d'un vote, peuvent modifier ces documents, ainsi que nos conventions collectives. Le conseil décide des activités et fixe le budget au nom des membres. Notre organisation doit se soumettre à des vérifications annuelles de ses activités et transmettre les résultats à ses membres. Si les membres sont insatisfaits de la façon dont leur argent est dépensé, ils peuvent exercer un recours par l'entremise de leurs représentants élus.
S'il vous plaît, veuillez soumettre ce projet de loi à un second examen objectif. Il comporte des lacunes sérieuses et ne sert pas bien le public. Nous vous demandons de retirer ce projet de loi ou de le rejeter.
Merci. Je suis impatiente de répondre à vos questions.
Le président : Merci, madame Parker. Nous allons amorcer immédiatement notre première série de questions, en commençant par la vice-présidente.
La sénatrice Hervieux-Payette : J'aimerais obtenir des précisions du représentant de Merit Canada. Monsieur Oakey, vous dites qu'il existe huit associations provinciales de la construction. Est-ce que cela inclut le Québec?
M. Oakey : Non. Comme vous le savez, au Québec, les entreprises de construction à atelier ouvert sont interdites en vertu du Code du travail. Il faut être syndiqué pour travailler dans le secteur de la construction au Québec.
M. Blakely : Pas nécessairement, mais généralement, oui.
La sénatrice Hervieux-Payette : Vous avez certainement entendu parler de la Commission Charbonneau et du nombre d'irrégularités commises par des entrepreneurs et travailleurs du secteur. Donc, transparence ou non, j'ignore quelles améliorations ce projet de loi pourrait apporter. Convenez-vous que les entrepreneurs que vous représentez devront fournir les mêmes informations?
M. Oakey : Si nous remplissons les critères de la définition, comme M. Blakely et d'autres l'ont déjà dit, nous allons divulguer l'information. Cela ne nous pose aucun problème.
La sénatrice Hervieux-Payette : Tous les critères énoncés? Toute l'information? La liste est longue. On parle des alinéas 3a), b) et c), des sous-alinéas (i) et (ii), et j'en passe. Le projet de loi comporte plusieurs pages et ces critères composent la moitié de cette mesure.
Je veux m'assurer que votre position figure bien au compte rendu. Vous dites que les organisations que vous représentez accepteraient de fournir exactement les mêmes données?
M. Oakey : Je crois que si nous remplissons les critères de la définition, certainement.
La sénatrice Hervieux-Payette : Que voulez-vous dire?
M. Oakey : La définition.
La sénatrice Hervieux-Payette : Je ne parle pas nécessairement de la définition fournie dans le projet de loi, je parle des employeurs. Je vous demande de préciser ce que vous voulez dire par « si nous remplissons les critères de la définition ».
M. Oakey : La définition de ce qu'est une organisation syndicale. Selon de nombreux dirigeants syndicaux, en raison de notre structure et de celle de nos membres, nous pourrions remplir les critères de la définition...
La sénatrice Hervieux-Payette : Ce n'est pas ma question. Je parle des entrepreneurs en tant que sociétés. Accepteraient-ils de fournir les mêmes données que les syndicats, en vertu de ce projet de loi?
M. Oakey : Je ne peux pas parler pour eux. Tout comme moi, nos membres ont dit publiquement que, si nous remplissons les critères de la définition, nous divulguerons les données demandées, sans protester.
M. Blakely dit que cette mesure vise à permettre aux membres de Merit de faire des recherches à l'aveuglette. Si c'était le cas, il suffirait d'aller sur le Web. Toutes ces informations s'y trouvent. Elles ont déjà été divulguées aux États- Unis, puisqu'il y a un syndicat affilié à celui de M. Blakely chez nos voisins du Sud. Tout avantage concurrentiel aurait déjà été divulgué aux États-Unis.
Le président : Ceci n'est pas un débat entre vous et M. Blakely.
Madame la sénatrice Hervieux-Payette, vous avez la parole.
La sénatrice Hervieux-Payette : Je veux m'assurer que vous me comprenez bien. Je ne dis pas que vous devez respecter les dispositions du projet de loi, parce que vous remplissez les critères de la définition. Je parle de votre organisation qui représente des sociétés. Ce sont des employeurs. Les employeurs que vous représentez accepteraient-ils de fournir exactement les mêmes renseignements à l'Agence du revenu du Canada?
M. Oakey : En vertu de ce projet de loi, ils n'y sont pas tenus, mais si l'association remplit les critères de la définition, nous fournirions les données demandées.
La sénatrice Hervieux-Payette : Je ne veux pas dire que le témoin ne répond pas à ma question. Je parlais des entrepreneurs, des sociétés. Je ne parlais pas de l'association.
Le sénateur Black : Merci à tous d'être ici. J'aurais plusieurs questions à poser, monsieur le président, alors lorsque j'aurai écoulé mon temps, n'hésitez pas à m'interrompre.
J'aimerais d'abord m'adresser à M. Oakey. Il a beaucoup été question au comité de la constitutionnalité du projet de loi C-377. J'ai entendu vos commentaires sur le sujet, et je vous en remercie.
Pouvez-vous nous fournir une copie de l'avis juridique que vous avez obtenu confirmant la constitutionnalité de cette mesure législative?
M. Oakey : Nous n'avons pas demandé d'avis juridique sur la constitutionnalité du projet de loi, car nous acceptons les conclusions du Sous-comité des affaires émanant des députés. Celui-ci a formulé quatre conclusions, dont celle que le projet de loi est constitutionnel. Nous avons lu le procès-verbal de la séance.
Le sénateur Black : D'accord.
M. Oakey : J'aimerais juste vous expliquer pourquoi nous n'avons pas demandé d'avis juridique. Nous avons remarqué qu'un des membres du sous-comité était un constitutionnaliste très bien connu. Le sous-comité a tenu un vote par appel nominal, à la demande du NPD, le document a été adopté.
Le sénateur Black : Nonobstant le fait que vous êtes conscients qu'il s'agit d'une question sérieuse, vous n'avez pas demandé un avis juridique? Vous avez les informations que certains vous ont fournies, les propos que d'autres ont tenus et les documents que vous avez consultés, mais vous dites au comité que vous n'avez pas obtenu d'avis juridique sur la constitutionnalité du projet de loi?
M. Oakey : Non, mais cela pourrait changer d'ici la fin de l'étude du comité.
Le sénateur Black : Si vous en obtenez un, pourriez-vous nous en faire parvenir une copie?
M. Oakey : Certainement.
Le sénateur Black : Merci beaucoup. Je ne veux pas avoir l'air d'être pointilleux. J'essaie simplement de comprendre les faits, l'essentiel. Ce serait très utile si vous pouviez nous fournir un tel avis, car jusqu'à maintenant, vous êtes le seul qui dites que ce projet de loi est constitutionnel. Je ne dis pas que vous avez tort.
Monsieur Blakely, disons que je suis un de vos membres et que je veux obtenir les renseignements dont il est question dans ce projet de loi. Je veux consulter les états financiers, le bilan et toutes sortes d'autres documents. Est-ce possible?
M. Blakely : Absolument. En vertu des diverses lois provinciales et du statut du syndicat, vous avez le droit d'obtenir ces documents. Vous y avez accès si vous participez régulièrement aux réunions du syndicat. Chaque année, lors de l'assemblée générale annuelle, le syndicat présente ses états financiers et les participants en reçoivent une copie. Lors de chaque réunion mensuelle, un état financier mensuel est présenté. Ceux qui le désirent peuvent en obtenir une copie. Ceux qui désirent plus d'information peuvent communiquer avec le directeur administratif du syndicat qui les mettra en communication avec le commis comptable. Ils pourront ainsi consulter les documents autant qu'ils le veulent.
Le sénateur Black : Ce que vous dites est très important. Je veux que vous y réfléchissiez, car ce n'est pas ce que d'autres témoins nous ont dit. Selon eux, parfois, l'information n'est pas communiquée librement. Les particuliers n'ont pas les droits dont vous parlez. Vous soutenez ce que vous venez de dire?
M. Blakely : Oui, monsieur. Il y a eu un cas en Colombie-Britannique, deux ou trois dans l'Ouest, si je ne m'abuse, et quelques cas en Ontario où des gens ont communiqué avec les relations de travail pour se plaindre de ne pas avoir pu obtenir les informations demandées. Ils ont finalement obtenu les renseignements demandés grâce à l'intervention des relations de travail. Le système fonctionne.
Le sénateur Black : J'aimerais poser la même question à la représentante de la Writers Guild of Canada. Je suis un rédacteur et vous êtes ma représentante. J'aimerais obtenir les renseignements proposés dans ce projet de loi. Est-ce possible?
Mme Parker : Je tiens à informer le comité que chaque année, après notre assemblée générale annuelle, nous fournissons une copie de nos états financiers aux membres. Nous produisons aussi tous les mois des rapports financiers. Notre secteur est différent, car la plupart de nos travaux, notre cycle télévisuel, se font vers la fin de l'année. Cependant, notre trésorier est un membre élu de notre association. Nous avons aussi des vérificateurs. Toutes les données sont vérifiées, certifiées et adoptées, puis divulguées aux membres. Nous aimerions simplement qu'ils y soient plus intéressés; on dirait qu'ils suppriment beaucoup de nos courriels.
Le sénateur Black : Vous dites que si un membre demande à obtenir les renseignements proposés dans ce projet de loi, vous lui fourniriez?
Mme Parker : Oui.
Le sénateur Black : Merci beaucoup.
La sénatrice Ringuette : J'aimerais d'abord m'adresser à M. Oakey.
Vous dites que vous avez 3 500 membres à l'échelle du pays. Pourriez-vous nous fournir la liste de vos membres et à combien s'élève le droit d'adhésion de chacun?
M. Oakey : Pas pour le moment. Nous sommes une organisation bénévole. Ce ne sont pas le genre de données que nous conservons.
La sénatrice Ringuette : Vous êtes un organisme à but non lucratif?
M. Oakey : Oui.
La sénatrice Ringuette : En vertu de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif et de la Loi de l'impôt sur le revenu, les organisations à but non lucratif, tout comme les syndicats, doivent fournir au moins une fois l'an, à leurs membres, une copie de leurs états financiers. Ils doivent également produire une déclaration de revenus une fois par année et la faire parvenir à l'Agence du revenu du Canada.
Vous devez donc respecter ces dispositions. Pourquoi vos déclarations de revenus pour 2010, 2011 et 2012 ont-elles été produites et envoyées il y a seulement quelques mois? J'ai également avec moi...
Le président : Madame la sénatrice, M. Oakey pourrait-il répondre à votre question?
La sénatrice Ringuette : Oui, car je crois qu'au cours de trois des cinq dernières années, l'organisme n'a pas respecté les dispositions de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif selon lesquelles il doit fournir annuellement une copie de ses états financiers à ses membres. Cette obligation est également stipulée dans la Loi de l'impôt sur le revenu en ce qui a trait aux organisations sans but lucratif.
M. Oakey : Toutes nos déclarations sont à jour. J'ignore quel est le problème.
La sénatrice Ringuette : Ce n'est que lorsque le comité de la Chambre des communes vous a demandé de produire vos déclarations que vous les avez produites à la hâte et envoyées à l'Agence du revenu du Canada.
Monsieur Oakey, quand Merit Canada a-t-il produit ses déclarations de revenus pour 2010, 2011 et 2012? Allez-y, divulguez cette information. N'hésitez pas.
Le président : Madame la sénatrice Ringuette, les questions sont censées porter sur le projet de loi. Je ne crois pas qu'elles...
La sénatrice Ringuette : Non. Nous parlons de la Loi de l'impôt sur le revenu. C'est une situation très particulière, puisque M. Oakey a parlé, dans son exposé, de la Loi de l'impôt sur le revenu et je veux savoir s'il a respecté la loi. Je veux savoir quand les déclarations de revenus de 2010, 2011 et 2012 de l'organisme ont été produites et envoyées, d'abord, à l'Agence du revenu du Canada et, ensuite, aux 3 500 membres de l'organisme.
Le président : Pouvez-vous répondre, monsieur Oakey?
M. Oakey : Comme je l'ai déjà dit, je suis ici pour parler du projet de loi.
La sénatrice Ringuette : Vous refusez de répondre?
M. Oakey : Nous avons respecté les dispositions de ces deux lois.
Le président : Merci. Le témoin a répondu.
La sénatrice Ringuette : Sauf votre respect, nous savons que Merit Canada a fait beaucoup de lobbying sur la Colline, mais vous ne voulez pas que les syndicats fassent du lobbying. Au cours des 18 derniers mois, vous avez visité la Colline 69 fois. Au cours de ces visites, vous avez rencontré un homme en particulier. Vous vous êtes rendu à neuf reprises au CPM. Nous avons souvent entendu dernièrement le nom de Nigel Wright. Vous avez aussi rencontré plusieurs fois Alykhan Velshi, le directeur des planifications du CPM.
Le président : Avez-vous une question à poser, madame la sénatrice Ringuette?
La sénatrice Ringuette : Le CPM vous a-t-il aidé à rédiger ce projet de loi?
M. Oakey : Je n'ai pas rédigé ce projet de loi, alors le CPM ne m'y a certainement pas aidé, ni quiconque qui travaille pour nous.
Le président : Vous avez posé votre question et le témoin y a répondu. Je vais ajouter votre nom à la liste des intervenants pour la deuxième série de questions.
La sénatrice Nancy Ruth : Étant donné les directives du président, j'aimerais vous poser une question, monsieur Oakey, sur les entrepreneurs membres de votre association. Offrent-ils des salaires similaires pour des emplois similaires à ce qu'offrent des employeurs où les employés sont syndiqués?
M. Oakey : La décision revient à chaque employeur, mais je peux vous donner des exemples. En Saskatchewan, nos membres offrent un salaire plus élevé pour plusieurs métiers que des employeurs où les employés sont syndiqués. Mais, nous ne négocions pas au nom de nos membres les salaires proposés dans les conventions collectives. Chaque candidat qui soumet sa candidature pour un poste chez un de nos membres négocie lui-même son salaire et ses avantages sociaux. Le régime offert par Merit est comparable. Dans certains cas, il offre de meilleures conditions, dans d'autres cas, des conditions similaires. Il offre des avantages aux travailleurs de la construction — soins de santé, soins dentaires, épargne-retraite, et ainsi de suite.
La sénatrice Nancy Ruth : Le régime que vous offrez n'est pas inférieur aux autres?
M. Oakey : Non. Si c'était le cas, les gens pourraient se tourner vers d'autres options.
La sénatrice Nancy Ruth : Lorsque vous parlez de salaires plus élevés... Je vous poserai la même question dans quelques minutes.
M. Blakely : J'essaie de vous aider.
La sénatrice Nancy Ruth : Je suis de Toronto où, chaque année, des travailleurs immigrants, peut-être illégaux, sont victimes d'accidents sur les chantiers de construction en raison d'échafaudages non sécuritaires, par exemple. Les entrepreneurs concernés sont-ils membres de votre association?
M. Oakey : Les entrepreneurs membres de Merit Canada, notamment ceux qui sont membres de nos associations provinciales, offrent un régime d'avantages sociaux. C'est ce qui les rassemble. Il n'y a donc aucun moyen de...
La sénatrice Nancy Ruth : De savoir?
M. Oakey : Non. En fin de compte, il faut retrouver les heures en question et payer le coût des prestations. Très peu d'études ont été faites. Je ne suis pas vraiment ici pour parler de notre bilan en matière de sécurité, mais je suis heureux de le faire. Des études ont comparé le taux de fréquence des accidents au Québec, où tout le secteur de la construction est syndiqué, et 90 p. 100 des travailleurs sont syndiqués, et en Ontario, où 70 p. 100 des travailleurs ne le sont pas. Le taux est plus élevé au Québec. Des entrepreneurs syndiqués sont dangereux, j'en suis sûr, et des entrepreneurs d'ateliers syndiqués ouverts aussi. Nous conviendrons tous les deux qu'aucun de nous ne préconiserait des politiques ou des mesures contraires à la sécurité des travailleurs. Je pense que, sur cette question, nous sommes d'accord pour assurer la sécurité de nos travailleurs, parce que, en fin de compte, c'est eux qui, sur le chantier, exécutent les travaux.
M. Blakely : Merit offre un excellent régime d'avantages sociaux. Certains de ses entrepreneurs accordent une rémunération proche de l'échelle prévue, tandis que d'autres sont malheureusement moins généreux, mais cela s'arrangera quand nous les ramènerons à la raison.
Le sénateur Campbell : Pour mettre les choses au clair, je suis un ex-membre du syndicat des métallurgistes unis et de la Writers Guild of Canada.
Ce que je vois d'ici, c'est un bœuf, le bœuf de Merit, qui se fait encorner par le syndicat. Merit aimerait remplacer tous ces syndicats. Je comprends. Je n'ai pas de problèmes avec Merit ni avec le syndicat. Le milieu de travail est ce qu'il est.
Ce qui me pose un problème, c'est la façon cavalière avec laquelle M. Oakey a écarté la question de la constitutionnalité. Nous obtiendrons cinq lettres de cinq provinces qui diront toutes que c'est inconstitutionnel et que, en fait, la question est de leur ressort. Que répondez-vous à cela?
M. Oakey : Je n'ai pas vu ces lettres, mais je serai heureux de les lire et de vous faire part de notre réaction.
Le sénateur Campbell : Cinq provinces, essentiellement, disent que c'est inconstitutionnel, que vous marchez sur leurs platebandes.
M. Oakey : Je n'ai pas vu les lettres, mais je serai heureux de les lire et de vous faire part de notre réaction.
Le sénateur Campbell : Est-ce que vous pensez que je mens?
M. Oakey : Non, pas du tout.
Le sénateur Campbell : Que pensez-vous des provinces qui disent que c'est inconstitutionnel? La question est simple.
M. Oakey : Je pense que, sur ce point, elles ont tort.
Le sénateur Campbell : Cinq provinces ont tort. Nous siégerons pour terminer notre travail... et vous, bien sûr, vous avez raison.
M. Oakey : Je pense que Stéphane Dion, les membres de la Chambre des communes...
Le sénateur Campbell : Ce que j'ai toujours aimé, chez le Parti conservateur, c'est le nom qu'ils donnent à leurs projets de loi, genre « projet de loi pour expulser de ma ville un tel qui a mal agi », vous savez.
Le président : Ce n'est pas un projet de loi, sénateur Campbell.
Le sénateur Campbell : Non, dans ce cas-ci, c'est en fait le projet de loi « Tea Party-Merit », parce que tout est bien visible. Je vais m'arrêter ici. Vous semblez vraiment aimer les États-Unis, parce que ça occupe 5 pages sur 15, ici. Je ne veux pas être comme les États-Unis ni comme l'Australie ni comme la France ni comme la Nouvelle-Zélande. Je veux être comme le Canada. Vous et l'auteur du projet de loi êtes les seuls à l'appuyer. Aucun de nos témoins ne lui a reconnu de qualités.
Le président : Sénateur Campbell, avez-vous une question à poser?
Le sénateur Campbell : Que dites-vous à tous ces gens?
M. Oakey : Eh bien, je ne sais pas vraiment qui a témoigné ou qui est...
Le sénateur Campbell : Je croirais que vous tenez à le savoir.
La sénatrice Ringuette : Ils sont en arrière.
M. Oakey : Si j'ai bien compris, la Fédération canadienne des contribuables appuie le projet de loi.
Le sénateur Campbell : C'est juste. N'oubliez pas InfoTravail. Voilà tous des gens qui vivent aux frais du contribuable et qui ne versent rien non plus. Merci, monsieur le président.
[Français]
Le sénateur Maltais : Sénateur Campbell, je comprends que vous aimez les conservateurs, mais un peu de retenue, ne le criez pas sur tous les toits. Je vais laisser M. Oakey se reposer un peu et je vais m'adresser à Mme Presseault.
Nous avons reçu beaucoup de témoins ici et j'ai tenté d'obtenir une définition que vous pouvez me donner. Je crois que vous êtes sans doute la meilleure personne pour me la donner.
Dans les syndicats, vous devez faire des activités politiques pour les conventions collectives, ainsi de suite, puis toute cette démarche qui est normale, mais quelle est la définition des autres activités politiques que vous donnez?
Mme Presseault : Votre question est intéressante, sauf que je ne travaille pas pour un syndicat, je travaille pour une association professionnelle qui, par législation provinciale, réglemente la profession de comptable, des CGA au Canada. Nous, on ne fait pas la distinction, on ne fait pas d'activités politiques, et les seules activités qu'on ferait, ce serait des activités de lobbying et ce sont des activités qui sont rapportées dans le registre de lobbying. Je ne peux pas vraiment répondre à votre question.
Le sénateur Maltais : Certains témoins — et je vous dis cela sous toute réserve — nous ont dit que, selon la charte des syndicats, ils ont le droit de faire de la politique concernant leur convention collective et « autres activités politiques ». J'aimerais savoir ce que ces « autres activités politiques » incluent, mais vous ne pouvez pas me le dire.
Mme Presseault : Je ne suis pas la personne qui pourrait vous répondre.
Le sénateur Maltais : Je vous remercie.
[Traduction]
Le sénateur Moore : Je remercie les témoins, d'être ici. Monsieur Oakey, au Canada, nous avons un marché libre, un système où les entreprises sont en concurrence. Que gagnerait ce système si les syndicats, les groupes professionnels et les guildes d'écrivains divulguaient leurs renseignements commerciaux confidentiels?
M. Oakey : En général, la transparence, en soi, est un excellent objectif public, et le projet de loi y contribue amplement. Je reconnais que les exigences sont différentes de celles de certaines autres organisations, mais ce n'est pas une critique du projet de loi; c'est peut-être que les autres lois ont besoin d'être actualisées.
Le sénateur Moore : Vous ne répondez pas à ma question. Que gagnerait notre économie concurrentielle dont profite aujourd'hui le Canada si tous les groupes que je viens de mentionner divulguaient leurs renseignements confidentiels?
M. Oakey : Je ne suis pas sûr qu'il s'agisse totalement de renseignements commerciaux confidentiels. Je sais que les syndicats des métiers de la construction, en raison du régime en vigueur aux États-Unis, sont déjà tenus de divulguer beaucoup de ce genre de renseignements. Dans le secteur de la construction, je ne pense pas que cette exigence aura beaucoup de répercussions sur la concurrence.
Le sénateur Moore : Ne pensez-vous pas qu'il serait néfaste pour certaines de ces organisations que leurs renseignements financiers soient connus de leurs concurrents, grâce à Internet? Quand elle est rendue là, l'information se retrouve partout. C'est peut-être un moyen de divulgation, mais l'information se diffusera. Ne pensez-vous pas que ce serait néfaste?
M. Oakey : La Loi électorale du Canada, par exemple, exige des divulgations semblables, bien que, dans ce cas-là, la limite soit beaucoup plus basse, environ 100 $. Vous pourriez demander à un candidat ou à un travailleur d'élections si la divulgation des montants consacrés à ses pancartes électorales ferait que personne ne voudrait travailler pour lui.
Le sénateur Moore : Ce n'est pas la même chose. En vertu de la Loi électorale du Canada, les dépenses sont limitées. Elles doivent faire l'objet d'une déclaration.
M. Oakey : Je parle de la possibilité que la divulgation de renseignements ait des conséquences pour les entreprises. Le nom, les montants et l'objet de la dépense sont divulgués pour des montants de plus de 100 $. Si on loue un local de 1 600 pieds carrés dans un centre commercial linéaire et que, dans le rapport sur le scrutin, on lise que le montant de la location était de 1 300 $, je ne pense pas que ç'ait un effet.
Le sénateur Moore : Cela change, à cause du cycle électoral. Ce n'est pas toujours la même information comme quand les gens sont en concurrence pour des emplois.
M. Oakey : La divulgation serait annuelle.
Le sénateur Moore : Vous ne croyez pas que ce serait nocif pour l'économie canadienne?
M. Oakey : Absolument pas.
Le sénateur Moore : C'est stupéfiant. J'ai terminé.
M. Blakely : M. Oakey a pris ma place quand il a dit que les syndicats des métiers de la construction divulguent ces renseignements aux États-Unis. Les syndicats locaux canadiens d'un syndicat des métiers de la construction ne divulguent rien aux États-Unis. Ce qui se passe au Canada reste au Canada. Il y a peut-être quatre personnes, au sommet de l'organisation, un vice-président international, par exemple, rémunérées aux États-Unis. C'est là que la divulgation à ce sujet se ferait, mais 99,9985 p. 100 des syndicats des métiers de la construction au Canada ne divulguent rien aux États-Unis.
La sénatrice Ringuette : Monsieur Blakely, la semaine dernière, l'auteur du projet de loi, M. Russ Hiebert, nous a dit, et c'est dans le compte rendu, que les syndicats canadiens avaient déclaré aux États-Unis qu'ils donnaient des contributions politiques au Canada.
Vous dites que c'est impossible?
M. Blakely : Nous ne divulguons rien aux États-Unis.
La sénatrice Ringuette : Merci beaucoup.
Le sénateur Moore : Monsieur Oakey, il est intéressant que vous pensiez que les syndicats — guildes d'écrivains ou syndicats de journaliers — divulguent tous leurs renseignements financiers. Si vous lisez le projet de loi, vous verrez que cela dépasse la limite de 5 000 $ et vise tout, même le jeune homme qui tond le gazon au siège du bureau syndical. Pourtant je pense que vous avez dit qu'il ne convenait pas aux entreprises, qui profitent d'avantages fiscaux et qui déduisent leurs cotisations, de divulguer les mêmes renseignements. Est-ce ce que vous avez dit?
M. Oakey : Pas tout à fait. J'ai dit que les organisations syndicales bénéficiaient de structures juridiques et fiscales différentes, ce pourquoi, dans beaucoup d'autres pays, la divulgation publique est la norme. Le niveau de divulgation exigé des sociétés ou des associations sans but lucratif est un sujet dont il faudra discuter. Cette discussion est la bienvenue. Comme M. Blakely et d'autres ont dit, nous ne réclamons aucune sorte de divulgation particulière. Si la définition s'applique à nous, comme toutes les organisations syndicales, le cas échéant, nous divulguerons nos renseignements.
J'invite les sénateurs ou les députés, s'ils estiment qu'il faudrait exiger de toute organisation qui profite d'avantages fiscaux qu'elle divulgue plus de renseignements, de déposer des projets de loi à cette fin.
M. Blakely : Si nous sommes tenus de faire les mêmes déclarations que M. Oakey, nous le ferons. Si le Parlement canadien nous y oblige sous le régime du projet de loi C-377 et y oblige M. Oakey et tous ceux qui profitent du même traitement fiscal, je le ferai aussi, même si c'est à contrecœur.
Le sénateur Oliver : Ma question concerne la protection de la vie privée. Le témoin antérieur qui occupait votre place était Mme Jennifer Stoddart, commissaire à la protection de la vie privée pour le Canada. Elle a eu une carrière très brillante de fonctionnaire. Elle a dit que si on devait adopter le projet de loi C-377 sous sa forme actuelle, il ferait exception au respect de la règle de confidentialité. Elle est même allée jusqu'à dire qu'elle craignait d'autres exceptions.
Monsieur Oakey, répondrez-vous à deux de ses affirmations? Elle a précisément dit que, pour certains débours d'une valeur cumulative de 5 000 $, il faudra divulguer le nom des individus. Elle a aussi dit que ces divulgations mettent clairement en jeu des renseignements personnels et, souvent, de nature délicate.
Monsieur Oakey, ces propos de la commissaire m'inquiètent. J'aimerais connaître votre réaction.
M. Oakey : Elle a soulevé effectivement certains de ces motifs d'inquiétude devant le comité de la Chambre, et je la comprends. Je pense que ce projet de loi instaure un équilibre d'une très vaste portée entre la transparence et le droit à la vie privée. C'est ce qui explique pourquoi on a modifié le montant de 5 000 $ pour les activités de relations de travail. La divulgation des salaires, dans la version antérieure non amendée, était exigée de tous les employés et pour tous les salaires. Maintenant, c'est pour les employés en position d'autorité, dont le salaire excède 100 000 $. Ça ne nous embête pas de dire que l'équilibre ainsi atteint est juste et convenable. C'est la raison pour laquelle on a proposé ces amendements, qui ont fini par rassurer le gouvernement, qui a voté pour le projet de loi.
Le sénateur Oliver : Êtes-vous convaincu que ces amendements ont balayé les inquiétudes de Mme Stoddart pour les renseignements personnels de nature délicate?
M. Oakey : Nous n'avons peut-être pas, elle et moi, la même définition pour cette notion. Je pense que les amendements ont répondu en grande partie à son témoignage devant le comité de la Chambre et qu'ils ont amplement contribué à dissiper ses inquiétudes. Je suis bien conscient qu'elle exprimait un certain point de vue. Cependant, je pense que la loi, dans sa version actuelle, essaie de concilier ces intérêts opposés et qu'elle y parvient.
Le sénateur Oliver : Vous parlez de sa comparution à la Chambre. Vous avez dit qu'elle a témoigné là-bas il y a des mois. Depuis, les amendements ont été apportés et elle est ici, aujourd'hui, et elle exprime de graves motifs d'inquiétude sur la divulgation obligatoire de renseignements personnels de nature délicate.
J'en conclus qu'elle reste inquiète, malgré les amendements.
M. Oakey : Je suis d'accord. Son témoignage parle de lui-même. Je pense qu'elle éprouve des inquiétudes.
Le sénateur Tkachuk : Monsieur Blakely, je ne sais pas si vous pouvez vous exprimer au nom de tous les syndicats ou peut-être seulement du vôtre, mais, avez-vous un système de prélèvements pour contributions politiques?
M. Blakely : Des syndicats en ont un, mais ils sont peu nombreux.
Le sénateur Tkachuk : Comment est-il administré? A-t-on le choix du parti à qui vont les contributions? Est-il obligatoire?
M. Blakely : Pour les prélèvements politiques, la signature du syndiqué est requise. Quand on déclenche des élections, le Comité d'action politique annonce qu'il fera des recommandations aux syndiqués, qui choisissent où va l'argent prélevé. En général, dans les syndicats des métiers de la construction, mes syndiqués du Nouveau-Brunswick appuient les conservateurs. Ceux de Terre-Neuve aussi. Ceux de l'Ontario ont appuyé les libéraux dans une certaine mesure. Mon propre syndicat local donne à chacun des partis politiques. Au niveau provincial, qui est le seul où c'est autorisé.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce obligatoire? Un syndiqué peut-il refuser?
M. Blakely : De verser des contributions?
Le sénateur Tkachuk : Oui.
M. Blakely : Cela revient à 25 cents, à peu près. C'est ce qui a donné lieu à l'affaire Lavigne. Finalement, la Cour suprême du Canada a décidé qu'une partie du problème résidait dans la proportionnalité. Le montant est si petit qu'il n'a pas d'importance.
Le sénateur Tkachuk : Que voulez-vous dire?
M. Blakely : M. Lavigne était membre de la Fédération des enseignantes/enseignants des écoles secondaires de l'Ontario, je pense. Le total des prélèvements effectués sur son salaire pour le fonds d'action politique totalisait quelque 14 $ au bout de cinq ans. Le tribunal a dit que c'était peut-être trop peu pour obliger le syndicat à l'administrer.
Le sénateur Tkachuk : L'argent dans le fonds d'action politique est-il soit donné à un parti politique, soit utilisé pour du lobbying ou d'autres activités? Est-il destiné strictement à l'activité politique?
M. Blakely : En général, non. Le lobbying est financé par la trésorerie générale du syndicat ou du conseil.
[Français]
La sénatrice Hervieux-Payette : Ma question s'adresse à Mme Presseault, qui a travaillé à la révision de la Loi sur les entreprises sans but lucratif. Suggériez-vous, plutôt que de procéder avec le projet de loi C-377, si nous voulons améliorer la transparence des entreprises et des syndicats, que nous prenions le temps de nous asseoir avec les deux groupes afin de définir l'information nécessaire, étant donné que vous avez l'information en ce qui concerne les états financiers actuels?
Pourrions-nous faire l'exercice de savoir à quoi servira l'information pour faire en sorte que l'information soit égale?
Mme Presseault : Oui.
[Traduction]
La sénatrice Ringuette : Ma question s'adresse à M. Oakey. Pardonnez-moi, mais je n'ai pas eu le temps de faire une recherche sur votre navire ravitailleur, ABC Merit, aux États-Unis. Sur votre site web, on lit les commentaires suivants :
Afin de réduire le double emploi administratif et de respecter les compétences des provinces, les lois et règlements fédéraux en matière de travail devraient être limités aux industries réglementées au palier fédéral. Les provinces et les territoires canadiens ont déjà tous adopté des lois et des règlements relatifs aux normes d'emploi, aux conditions de travail, aux relations de travail, aux salaires et aux heures de travail dans les industries qui ne sont pas réglementées au palier fédéral.
Le président : Votre question, s'il vous plaît.
La sénatrice Ringuette : Elle vient.
Mérit Canada estime que le gouvernement fédéral devrait respecter le pouvoir légitime des assemblées législatives provinciales de réglementer l'industrie de la construction relevant de leurs compétences, sans ingérence.
C'est sur votre site web. Qu'avez-vous à dire au sujet de votre observation de tout à l'heure?
Le président : Voulez-vous répondre ou préférez-vous nous écrire à ce sujet?
M. Oakey : Relativement à cette lettre?
La sénatrice Ringuette : Vous ne pouvez pas affirmer une chose sur une question et dire exactement le contraire sur une autre.
Le président : Reformulez votre question, s'il vous plaît.
La sénatrice Ringuette : Reformuler la question? Je viens de lire ce qui figure sur le site web de Merit Canada. Ça contredit la déclaration de M. Oakey.
Le président : Merci. Êtes-vous d'accord?
M. Oakey : Non.
Le président : C'est la réponse. Merci beaucoup.
Au nom de tous les membres du comité, j'exprime leur immense reconnaissance à nos témoins d'être venus. Nous vous remercions.
(La séance est levée.)