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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 36 - Témoignages du 5 juin 2013


OTTAWA, le mercredi 5 juin 2013

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été déféré le projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières), se réunit aujourd'hui, à 16 h 16, pour en examiner la teneur.

Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Nous poursuivons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières).

Au cours de la première heure de la réunion, nous entendrons Paul Taillefer, président, Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants; Denis Letourneux, vice-président à la vie politique, Fédération autonome de l'enseignement; le commandant Georges Dawood, secrétaire-trésorier, Conseil canadien, Air Line Pilots Association, International; et, Marc Roumy, qui témoignera à titre personnel.

Nous allons d'abord entendre les déclarations préliminaires de nos invités, en commençant par M. Taillefer.

Paul Taillefer, président, Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants : La Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants — la FCE — est une alliance de 15 organisations membres et d'un membre affilié représentant près de 200 000 enseignantes et enseignants du pays. La FCE a pour mission d'agir en tant que voix unifiée des organisations du secteur de l'enseignement en ce qui concerne l'éducation et les questions sociales connexes par la promotion d'une éducation publique de grande qualité, de la situation de la profession d'enseignant et de la liberté d'apprendre.

Le mémoire que vous avez sous les yeux expose brièvement quelques-unes de nos préoccupations touchant le projet de loi C-377, et plus particulièrement son objectif déclaré, à savoir la responsabilisation par la transparence.

Les membres du personnel enseignant ne sont pas étrangers à la responsabilisation. La responsabilisation soulève deux questions. La première est : « À qui doit-on rendre des comptes? » et la deuxième : « Par rapport à quel instrument de mesure sera-t-on tenu responsable? »

Comme les gouvernements, les organisations d'enseignants se composent de représentantes et de représentants élus qui sont tenus de rendre des comptes à leur électorat relativement aux décisions qu'ils prennent ou aux positions qu'ils adoptent. Les décisions organisationnelles sont prises soit par un vote de tous les membres, soit par un vote des représentantes et représentants élus, comme c'est le cas au sein du gouvernement. Les décisions prises à la majorité orientent les politiques, les activités de lobbying, les statuts et son règlement intérieur, de même que tout ce qui a trait aux cotisations et au budget. Les représentantes et représentants votent sur les questions relatives aux budgets et aux cotisations, et ont la possibilité de discuter de la pertinence des dépenses de nombreuses fois par année.

Comme c'est le cas au sein du gouvernement, une fois qu'une décision est prise par la majorité, la responsabilisation liée à cette décision incombe à cette majorité. L'évaluation des mesures prises par l'organisation par rapport à cette décision — la responsabilisation — incombe également aux membres.

Le gouvernement prétend que le projet de loi C-377 responsabilise davantage les organisations syndicales, mais envers qui? Si les membres de notre fédération désiraient que nous leur rendions davantage de comptes, ils n'auraient qu'à modifier le règlement intérieur de la fédération. Les organisations syndicales devraient-elles rendre des comptes à la population de la façon proposée par le projet de loi C-377? Nous répondons que non, car ce texte législatif mesure la responsabilisation à l'aide de l'instrument plutôt radical qu'est la transparence, tout en créant d'autres conséquences.

Les problèmes surviennent en éducation lorsque les instruments conçus dans un but précis — par exemple l'évaluation des élèves — sont utilisés à d'autres fins, par exemple la comparaison des écoles ou des réseaux scolaires.

Les exigences en matière de déclaration et d'affichage prévues par le projet de loi C-377 ne rehaussent pas la responsabilisation — cela, nos membres le font déjà. Les membres des syndicats, y compris les syndicats d'enseignants, ont déjà accès à toute l'information dont ils ont besoin pour prendre leurs décisions en ce qui concerne les activités de leur syndicat respectif. Un accès universel à cette information n'améliorera pas la responsabilisation, car l'accès par des personnes qui ne sont pas membres du syndicat n'a aucun but valable. Ces personnes n'ont pas leur mot à dire concernant les affaires du syndicat, n'ont pas le droit de vote et n'ont aucun intérêt direct.

De l'aveu même du gouvernement, il n'y a pas vraiment eu de tollé de la part de membres de syndicats qui n'auraient pas pu obtenir l'information dont ils avaient besoin pour prendre des décisions éclairées.

Il n'est pas nécessaire de publier les documents exigés par le projet de loi C-377. Cela n'améliore pas la responsabilisation. On a laissé entendre que le projet de loi est nécessaire pour justifier les allégements fiscaux accordés aux syndicats, mais les syndicats ne bénéficient d'aucun allégement fiscal; les membres obtiennent un crédit d'impôt à titre individuel, exactement comme les membres de nombreuses organisations non syndicales. Étant donné que le projet de loi ne vise pas tous ces autres groupes, le traitement fiscal des syndicats n'est pas un motif valable.

Le projet de loi a pour conséquence — ou plutôt pour objectif, selon certaines personnes — d'étouffer la voix de l'opposition et de détruire le mouvement syndical.

Le sénateur Segal a déclaré que, dans l'ensemble de la société, une telle voix est l'essence même de la démocratie. Le personnel enseignant et la FCE conviennent également de l'importance d'écouter toutes les voix. C'est pourquoi les syndicats, y compris les syndicats d'enseignants, sont constitués d'une manière démocratique. Les membres prennent des décisions seulement à la suite de débats et de délibérations en bonne et due forme.

Le projet de loi C-377 n'a rien à voir avec la responsabilisation. Il se résume à de la bureaucratie, à des paperasseries administratives et à la destruction de l'équilibre des relations de travail qui a bien servi le pays depuis plus d'un siècle. La Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants continue de croire que le projet de loi C-377 pose des problèmes de compétence.

La FCE et ses organisations membres prennent leurs décisions d'une façon ouverte, démocratique et transparente — les états financiers sont accessibles à tous les membres; les budgets sont mis aux voix, et les dépenses sont suivies de près par les membres; et les rapports financiers sont distribués chaque année aux membres. À l'heure actuelle, le Code canadien du travail et les lois de la plupart des provinces obligent les syndicats à fournir des états financiers à leurs membres. Il n'y a pas lieu de faire intervenir la Loi de l'impôt sur le revenu.

En adoptant le projet de loi, le gouvernement modifierait une loi fiscale fédérale pour se mêler d'une question qui relève, de toute évidence, de la compétence des provinces et des territoires. Le projet de loi entraînera de nombreuses contestations judiciaires coûteuses.

Passons aux questions de coût et d'équité. Le coût pour les organisations syndicales — plus de 25 000 d'entre elles seront touchées au Canada — sera important, et le coût lié à la mise en place de l'infrastructure nécessaire pour soutenir le projet de loi pourrait s'élever à des dizaines ou même des centaines de millions de dollars. Cela supposerait l'élaboration des règlements requis pour la promulgation de la loi, la conception et l'élaboration des formulaires et livrets d'instructions nécessaires, la création des programmes informatiques servant à produire, à recevoir et à traiter l'information, l'embauche — à cette fin — de vérificateurs, de comptables, d'avocats et de membres du personnel administratif, et la création d'une énorme base de données pouvant être consultée en ligne. Une telle dépense de fonds publics ne peut pas être justifiée.

Le projet de loi C-377 porte aussi atteinte à un grand nombre de droits à la protection de la vie privée. Ces dispositions semblent aller à l'encontre de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques en ce qui concerne les renseignements personnels et l'activité commerciale.

Même s'il est modifié, le projet de loi C-377 exigera la divulgation d'informations, ce qui pourrait être, au mieux, injuste envers les syndicats et leurs fournisseurs, et, au pire, inconstitutionnel.

Qu'est-ce qui est à l'origine de cette attaque idéologique contre les syndicats? Le projet de loi C-377 n'est pas une mesure isolée; il s'inscrit plutôt dans une série de mesures perçues par de nombreuses personnes comme des tentatives visant à affaiblir les activités syndicales et à miner la négociation collective au pays. Le projet de loi facilite l'ingérence du gouvernement fédéral dans les relations syndicales sous réglementation provinciale. Il s'immisce dans les affaires internes des syndicats et risque de miner gravement la capacité d'un syndicat de servir ses membres.

Les plus récentes études sont claires : il existe une corrélation entre le déclin du nombre d'adhésions syndicales...

Le président : Veuillez conclure votre exposé.

M. Taillefer : ... et la croissance de l'inégalité dans un pays.

Le président : Avez-vous une dernière phrase à formuler? Nous avons trois autres déclarations à entendre, et nous voulons qu'il nous reste du temps pour la période de questions.

M. Taillefer : Pour conclure, je dirai que, indépendamment de nos préoccupations à l'égard du projet de loi, aucun amendement ne pourra vraiment, à notre avis, corriger le projet de loi. Nous estimons qu'il est fondamentalement mal conçu, et qu'il devrait être retiré.

Le président : Merci. Monsieur Letourneux.

[Français]

Denis Letourneux, vice-président, Poltiques, Fédération autonome de l'enseignement : Mon nom est Denis Letourneux, je suis vice-président de la Fédération autonome de l'enseignement. Nous représentons 32 000 membres, enseignantes et enseignants de la grande région de Montréal, de la région de Granby et de l'Outaouais. La FAE considère que le projet de loi C-377 est injuste puisqu'il impose aux organisations syndicales des exigences qu'il n'impose pas aux autres organisations qui ont aussi des exemptions fiscales.

On nous compare aux organismes de bienfaisance. On dit que les organismes de bienfaisance sont tenus de dévoiler leurs états financiers et que ceux-ci sont disponibles sur le site de l'ARC. Pourtant on ne peut nous comparer à ces organisations puisque ces organisations sont redevables des personnes qui les financent, à savoir le grand public.

Toutes les organisations syndicales sont redevables seulement à leurs membres puisque ce sont ceux-ci qui les financent. Je vous rappelle que toutes les organisations syndicales font des déclarations fiscales très détaillées à l'Agence du revenu du Canada et à Revenu Québec.

Je vous affirme ici que la FAE est parfaitement transparente. Les budgets sont votés par l'instance suprême entre les congrès, qu'on appelle le conseil fédératif qui est constituée d'à peu près 60 membres. Il y a une révision budgétaire à la biannuelle et l'état des revenus et dépenses est présenté aussi à la fin de l'année.

Tous les membres, je dis bien tous les membres de la FAE, peuvent demander ces documents. Nous pensons aussi que la quantité d'information demandée freinera les organisations syndicales.

Elle implique qu'à chaque jour, les employés ou les élus prennent note de leurs activités quotidiennes et les classent dans différents postes budgétaires, par exemple, les activités politiques, l'administration, et cetera.

Nous avons aussi une particularité à la FAE et toutes les organisations qui ont comme employeur le gouvernement puisque ce sera très difficile de départager entre une activité qui est d'ordre de relation de travail que politique. Par exemple, si nous faisons une manifestation qui nous demande d'ajouter un palier d'imposition ou deux ou trois pour que le gouvernement en retire plus de revenus, évidemment, pour nos propres besoins dans les négociations, est-ce une activité de relation de travail ou bien une activité politique?

Pour ce qui est des coûts, une étude a été produite, une évaluation je dirais plutôt, par le directeur parlementaire du budget, M. Kevin Page sur 1 000 organisations. Si on transpose cette étude sur 25 000 organisations, on pense que ça coûtera 40 millions au gouvernement, au minimum, puisque nous sommes sûrs qu'il y aura aussi des frais liés aux contestations juridiques qui ne manqueront pas de se produire, nous en sommes sûrs.

Il y a aussi une étude faite par le Congrès du travail du Canada qui a étudié les conséquences d'une telle loi aux États-Unis qui est moins exigeante que le C-377. Cette étude conclut que ça demande environ trois mois pour un employé à temps plein pour produire les documents exigés par le projet de loi C-377. À ce moment-là, c'est sûr que c'est de la perte de temps pour nous, cet argent et ce temps devraient être utilisés pour défendre nos membres, qui est notre mission première.

Nous pensons également que cette loi va nuire aux entreprises qui voudraient faire affaire avec nous puisqu'elle dévoilera les prix qu'elles demandent. Donc la concurrence pourrait se servir de cela pour la prochaine fois, évidemment, demander moins et avoir le contrat en question. Nous pensons que la réelle volonté de cette loi, c'est d'affaiblir les organisations syndicales.

Par exemple, nous pensons que cela crée un déséquilibre entre les employeurs et les organisations syndicales. Nos employeurs seront en mesure de voir quelle est l'ampleur de notre fonds de grève et l'ampleur de nos finances en général, savoir nos forces et nos faiblesses. N'oubliez pas que nous sommes dans un rapport de force avec l'employeur et cela nous affaiblira. Je crois que le gouvernement en est bien conscient.

Autre chose, cela a déjà été dit, mais nous pensons que les informations qui seraient rendues publiques en vertu de ce projet de loi pourraient être problématiques à plusieurs égards et aller à l'encontre des droits enchâssés dans la Charte canadienne. Par exemple, être obligé de divulguer pour l'ensemble du personnel des renseignements comme le nom, le salaire et les avantages sociaux de ceux qui reçoivent plus de 5 000 $ par année.

L'Agence de revenu du Canada est soumise à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Cette loi stipule que les seuls renseignements personnels que peut recueillir une institution fédérale sont ceux qui ont un lien direct avec ses programmes et ses activités. Il n'y a aucun lien entre la Loi sur l'impôt et la divulgation publique du nom des employés et des gestionnaires. Nous pensons que le projet de loi C-377 attaque la liberté d'association.

La liberté d'association est consacrée aux articles 2d) de la Charte canadienne et de l'article 3 de la Charte québécoise. L'exercice de cette liberté implique l'absence d'entrave dans la décision et la gestion interne de l'organisation syndicale. Nous croyons que le projet de loi C-377 est une entrave majeure aux organisations syndicales.

En conclusion, nous croyons que cette loi ne vise qu'à affaiblir les syndicats et avantager les employeurs.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup, monsieur Letourneux.

Je signale aux membres du comité que M. Letourneux a déposé un mémoire rédigé en français. Nous le ferons traduire, puis nous vous le distribuerons.

Commandant Georges Dawood, secrétaire-trésorier, Conseil canadien, Air Line Pilots Association, International : Mesdames et messieurs, je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui. Je m'adresse à vous au nom de l'Air Line Pilots Association, International et de ses 2 800 membres canadiens, qui sont pilotes auprès de neuf lignes aériennes du Canada. Au nom de nos membres, je vous demande d'exprimer votre opposition au projet de loi C-377.

Au moment de présenter le projet de loi, M. Hiebert a vanté les mérites de l'affiliation syndicale et a affirmé que son projet de loi d'initiative parlementaire permettrait de sensibiliser le public au bon travail des syndicats. Même si son intention aurait pu être louable, nous croyons que l'adoption du projet de loi n'aura pas l'effet escompté, et ce, pour les raisons que je mentionnerai aujourd'hui.

Sa justification du projet de loi — à savoir que la transparence est nécessaire puisque les syndicats sont subventionnés par les contribuables — est un prétexte spécieux. En vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, un particulier peut déduire ses cotisations à titre de dépenses d'emploi, tout comme les professionnels du domaine juridique ou médical peuvent déduire leurs frais professionnels. Par souci de cohérence, je dois poser la question de savoir pourquoi M. Hiebert n'a pas élargi la portée de son projet de loi de manière à ce qu'il englobe les membres des organisations professionnelles plutôt que de mettre l'accent uniquement sur les syndicats et leurs membres. Le projet de loi n'a aucune utilité publique et vise à régler un problème qui n'existe tout simplement pas.

Les syndicats sont déjà un bel exemple de transparence à l'égard de leurs membres. Les personnes qui sont directement concernées, à savoir les syndiqués du secteur fédéral, ont déjà le droit, en vertu de l'article 110 du Code canadien du travail, d'obtenir une copie des états financiers du syndicat comportant un nombre suffisant de détails et donnant un portrait fidèle de ses opérations et de sa situation financière. Notre association fournit déjà à ses membres, sur demande, de tels renseignements.

Le projet de loi imposera non seulement des obligations financières accrues à tous les syndicats, mais également de lourdes obligations financières aux contribuables canadiens. Des règlements devront être rédigés et promulgués afin de soutenir les modifications de la Loi de l'impôt sur le revenu. Les déclarations d'une ampleur considérable qui sont exigées de quelque 25 000 syndicats canadiens devront être traitées, ce qui exigera l'embauche, par l'ARC — l'Agence du revenu du Canada —, de vérificateurs, de comptables et de personnel de soutien administratif supplémentaires. Cela survient à un moment où l'ARC vient de subir des réductions budgétaires d'environ 7,6 p. 100, soit approximativement 350 millions de dollars. L'ARC devra donc, avec moins de ressources, prendre en charge la gestion d'un nouveau programme qui n'est ni nécessaire ni souhaitable.

L'adoption du projet de loi entraînerait des coûts supplémentaires encore indéterminés pour les contribuables canadiens, et ce, pour régler un problème qui n'existe pas. Le projet de loi exige la divulgation, sur le site web de l'ARC, de toutes les transactions financières des syndicats d'une valeur de plus de 5 000 $. La publication de tels renseignements est contraire à la politique générale de la Loi de l'impôt sur le revenu, selon laquelle les renseignements de nature fiscale doivent être traités de manière confidentielle. Comme les fiducies des syndicats seraient visées par le texte législatif, il est plus que probable que les personnes qui reçoivent des prestations d'un régime de retraite, des prestations d'invalidité et d'autres types de prestations de ce genre verraient leur identité révélée sur le site web de l'ARC.

Comme la plupart des entreprises ou entités de notre société moderne prompte à intenter des poursuites, les syndicats ont souvent recours aux services d'avocats. La déclaration de toutes les transactions de plus de 5 000 $ et de la raison du paiement violerait le secret professionnel qui lie un avocat à son client, à savoir l'un des fondements de notre système judiciaire. Ces préoccupations à l'égard de la confidentialité et du respect de la vie privée devraient à elles seules vous inciter à reconsidérer tout appui à ce projet de loi.

On a fait valoir l'argument selon lequel les syndicats, comme les organismes de charité, ont droit à des déductions d'impôt, et devraient donc être soumis aux mêmes exigences en matière de divulgation que les organismes de bienfaisance. Cependant, ces organismes sollicitent publiquement et ouvertement des dons dans le but d'utiliser les fonds amassés pour réaliser leurs objectifs caritatifs. La déclaration est nécessaire pour que l'on puisse s'assurer que les objectifs énoncés sont communiqués aux éventuels donateurs et que l'argent recueilli est effectivement utilisé dans le but indiqué.

En revanche, un syndicat agit dans l'intérêt de ses membres. La gouvernance et les objectifs d'un syndicat concernent ses membres. Les analyses montrent que le projet de loi ne vise la réalisation d'aucun objectif rationnel en matière de politique publique, et qu'il est donc discriminatoire à l'égard des syndiqués; ses exigences en matière de déclaration sont contraires à la politique de confidentialité de la Loi de l'impôt sur le revenu, et son adoption entraînerait des coûts substantiels pour les contribuables canadiens, sommes qui seraient utilisées pour administrer un programme dont personne ne veut.

Je vous demande donc avec insistance, au nom des 2 800 membres canadiens de notre association, de voter contre le projet de loi au Sénat. J'ai hâte de répondre à toutes questions que vous voudrez bien me poser aujourd'hui.

Le président : Merci, monsieur Dawood.

Monsieur Roumy, durant votre déclaration préliminaire, vous pourriez peut-être nous fournir quelques renseignements généraux à votre sujet, vu que vous témoignez à titre personnel.

Marc Roumy, à titre personnel : Merci, monsieur le président. Je vous remercie, mesdames et messieurs, de m'accorder le privilège de m'adresser à vous à propos du projet de loi C-377. Je travaille pour Air Canada en tant qu'agent de bord, et j'ai été membre du SCFP — le Syndicat canadien de la fonction publique — pendant 16 ans. J'ai été réélu récemment pour un troisième mandat de syndic du SCFP. J'assiste régulièrement aux réunions de la section locale de mon syndicat, et j'ai participé à des congrès nationaux du SCFP. Vous avez peut-être déjà entendu parler de moi. Le Financial Post a publié une lettre d'opinion que j'ai rédigée. Elle s'intitulait « Union secrecy first-hand », et des extraits en ont été lus à la Chambre des communes en décembre la veille de l'adoption du projet de loi par le Sénat.

Ma lettre était une réplique à un article rédigé par les présidents des TCA et du SCEP intitulée « More open than you », qui contenait des critiques à l'égard du projet de loi C-377. Le syndicat dont je suis membre a également formulé des critiques à ce sujet. La direction du SCFP a insisté publiquement sur le fait qu'elle faisait preuve d'une transparence totale. Elle a affirmé qu'elle avait la responsabilité constitutionnelle de fournir des renseignements de nature financière à des gens comme moi. Le président national du SCFP est Paul Moist. Voici un extrait de la lettre d'opinion qu'il a écrite pour critiquer le projet de loi :

Les priorités du SCFP sont fixées par ses membres, et nous leur transmettons des renseignements exhaustifs concernant nos frais d'exploitation et nos activités.

À la lumière de ce que j'ai pu constater, cela n'est pas le cas. Je tiens donc à rectifier les faits. Des états financiers nous sont remis pendant les réunions des sections locales. Au début de ma carrière, nous pouvions conserver ces documents. Au cours des six dernières années, chaque exemplaire était numéroté et devait être remis à ceux qui nous les avaient fournis. Il ne s'agit pas d'une divulgation. Il n'y a concrètement aucune façon de les conserver ou de les passer en revue avec d'autres personnes.

Si un membre est dans l'impossibilité d'assister à une réunion, il doit prendre rendez-vous avec le secrétaire-trésorier. Le SCFP comporte de multiples échelons, et il dispose de nombreux sites Web. Ces sites Web ne contiennent aucune information de nature financière sur la section locale à laquelle j'appartiens, en dépit du fait qu'elle compte plus de 3 500 membres.

Sur le site web de ma section locale, jusqu'à l'an dernier, il était impossible de consulter le moindre état financier. Depuis octobre dernier, on peut y trouver quelques renseignements de nature financière. En mars dernier, le nouveau président de ma section locale a promis qu'il permettrait aux membres d'apporter chez eux les documents comportant des renseignements financiers qui leur sont remis. Nous ne savons pas combien de temps cette permission demeurera en vigueur — on ne nous a donné aucune garantie à ce sujet.

J'ai assisté à des congrès nationaux. Ils ont lieu aux deux ans. Même dans ces cas-là, il a fallu que j'insiste à de nombreuses reprises pour que les représentants syndicaux ne divulguent le salaire du président national et du secrétaire-trésorier. J'ai reçu l'information par courriel. Qu'en est-il des 610 000 autres employés qui paient des cotisations au SCFP? Quelque 2 000 d'entre eux ont reçu, à titre de délégués au congrès national, des renseignements financiers qu'ils ont pu apporter chez eux. Il est intéressant de souligner que ces renseignements sont plus complets que ceux fournis sur le site web du SCFP.

À la lecture des documents, ça a été une révélation d'apprendre que mes cotisations syndicales déductibles d'impôt avaient été utilisées pour financer des campagnes électorales de candidats du NPD, d'autres activités au Canada — par exemple le festival du film de Vancouver et une campagne contre Charest —, et des activités à l'extérieur du Canada, par exemple le projet Birmanie, Honduras Solidarity et un Congrès mondial sur l'eau.

Dans le cadre du congrès national de 2011, contrairement à ce qui s'était passé durant les congrès de 2007 et de 2009, aucun débat ni aucun vote n'a été tenu à propos du programme national du SCFP en matière de politique étrangère. À la question de savoir pourquoi il en était ainsi, on m'a répondu que tout ce qui avait été adopté en 2009 demeurerait en vigueur. De façon étonnante, de nombreuses personnes ont comparé les activités d'un syndicat à celles d'une entreprise privée. Cependant, une personne qui investit dans une entreprise peut décider, si elle estime qu'elle dépense ses fonds de manière inappropriée, de retirer ses billes et d'investir ailleurs. Au Canada, un syndiqué ne peut pas faire cela. Ce qui est encore plus inquiétant, c'est que, à l'heure actuelle, ce syndiqué se voit refuser le droit de se pencher sur la façon dont ces fonds sont utilisés dans le cadre d'activités qui ne sont pas liées aux négociations, par exemple le financement de Honduras Solidarity. Dieu sait quelles activités d'autres syndicats sont financées à même mes impôts?

Pour bien des gens, une telle situation est tolérable, mais je peux vous dire que l'on doit déployer de grands efforts chaque année afin d'obtenir ces renseignements. Bon nombre de mes collègues et moi-même sommes d'avis que notre syndicat serait plus solide si nous pouvions accéder facilement à ses états financiers. Si le syndicat n'a rien à cacher, nous devrions pouvoir mettre la main sur ses états financiers détaillés que nous réclamons depuis des années.

En conclusion, je mentionnerai que les dispositions du projet de loi C-377 sur la divulgation en ligne est une solution nécessaire qui permettra de régler tous les problèmes que je viens d'évoquer. La transparence est un bien public indispensable, et peu de gens font preuve de transparence de leur plein gré, comme vous pouvez le constater d'après ce que je vous ai dit à propos du SCFP.

Merci. J'ai hâte de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Roumy.

Le sénateur Black : Merci d'être ici. Il y a un certain nombre de choses que j'aimerais apprendre des trois premiers témoins. J'ai quelques questions à vous poser, monsieur. En fait, il y en a deux qui me viennent à l'esprit.

Je m'adresserai d'abord à M. Letourneux. Vous avez mentionné deux ou trois fois que, d'après vous, le projet de loi aura pour effet d'affaiblir les syndicats.

J'ai bien compris vos propos concernant la charge de travail supplémentaire et l'accroissement de la paperasserie qui découleront du projet de loi, et du fait qu'il fera augmenter les coûts. Pour l'essentiel, pouvez-vous me dire — et je demanderai aux deux autres témoins de le faire également — ce qui vous donne à penser que le projet de loi affaiblira les syndicats?

[Français]

M. Letourneux : J'ai parlé plus tôt, par exemple, de notre fonds de grève. S'il est énorme, l'employeur saura que nous sommes forts. S'il est très faible et que nous n'avons pas d'argent, l'employeur saura que nous sommes faibles. Cet argument semble suffisant. Nous affrontons l'employeur. C'est un rapport de force. Si nous n'avons pas de force, l'employeur aura des stratégies différentes, j'oserais dire. L'employeur peut savoir, par exemple, si nous avons beaucoup d'argent pour exercer des moyens de pression parce que nous avons un poste budgétaire pour l'action et la mobilisation. Il n'aura pas le détail, mais il saura que nous sommes un syndicat combattif par rapport à un syndicat qui le serait moins. Ce sont deux exemples, à moins qu'il ne m'en viennent d'autres.

[Traduction]

Le sénateur Black : Ces renseignements sont utiles. Avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Taillefer : Outre l'argument formulé par mon collègue à propos des employeurs, je dirai que, à notre avis, le projet de loi — et ses répercussions sur le plan des finances et de la dotation en personnel — vise simplement à réduire les syndicats à l'impuissance. Nous devrons consacrer beaucoup d'argent et de temps à faire des déclarations, et cela semble un peu déraisonnable si l'on songe au fait que l'objectif — comme on l'a mentionné au début — était de faire en sorte que les syndicats fassent des déclarations du même ordre que celles des organismes de bienfaisance. Le projet de loi va beaucoup plus loin que ça. La FCE dirige un organisme de bienfaisance, et je peux vous dire...

Le sénateur Black : Je comprends. Vous dites que cela crée de lourdes obligations. Les propos de M. Letourneux m'ont beaucoup intéressé. De quelle façon le projet de loi affaiblit-il les syndicats? Avez-vous quoi que ce soit à ajouter à ce qu'il a dit?

M. Taillefer : L'Association des enseignants de l'Alberta a mené une étude selon laquelle il faudrait embaucher deux personnes pour faire cela. L'argent que nous leur verserons ne pourra pas être utilisé pour offrir des services à nos membres.

M. Dawood : Comme vous le savez, dans la conjoncture actuelle, les entreprises, le gouvernement et les syndicats également doivent se serrer la ceinture.

Le sénateur Black : À coup sûr.

M. Dawood : Les fonds que nous devrons consacrer aux activités de ce genre ne pourront pas être investis dans nos activités. C'est la réalité. C'est en cela que le projet de loi affaiblit les syndicats.

L'Air Line Pilots Association n'utilise qu'une partie de ses ressources pour financer ses activités de négociation des salaires et des conditions de travail. Elle consacre des sommes substantielles à des initiatives liées à la sûreté et à la sécurité, qui ont contribué à la constitution, en Amérique du Nord, de l'un des systèmes d'aviation les plus sûrs du monde.

Le fait est que chaque dollar que nous devons affecter à ces lourdes activités de déclaration ne pourra pas être investi dans la sûreté et la sécurité, et, sauf votre respect, sénateur, les initiatives que nous menons en ces matières sont plus avantageuses pour l'ensemble de la population que les exigences en matière de déclaration contenues dans le projet de loi, qui constituent une ingérence.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Merci à vous tous d'être parmi nous aujourd'hui, c'est très apprécié. Ce projet de loi a de l'importance pour nous et surtout pour vous. Il est important que l'on comprenne bien ses conséquences.

J'ai besoin de votre aide, et je vous dirai où j'en suis dans mon raisonnement. Je n'accepte pas totalement l'argument que l'on doive exiger davantage parce que vos employés ont des déductions salariales pour leurs cotisations syndicales. En examinant la situation aux États-Unis, en Angleterre et en Allemagne, on constate qu'ils ont tous des déductions pour cotisations syndicales. Il est raisonnable que l'employé soit en mesure de déduire ces frais. Cet argument ne nécessite pas de plus amples informations. Je ne partage toutefois pas les arguments pour ce qui est de la non- compétitivité du coût. Ces points semblent constituer des obstacles au vrai but de la loi. L'argument qui me touche le plus est le besoin de transparence pour ceux qui ont besoin d'information. On a entendu l'argument d'un particulier qui a éprouvé beaucoup de difficulté.

En allant sur vos sites web, on ne trouve pas d'états financiers, et j'ai fait l'exercice pour une vingtaine de syndicats. On parle de communiquer l'information par Internet, mais sur demande seulement. La législation dans presque toutes les provinces stipule que les états financiers ne sont disponibles que sur demande pour les membres et non disponible pour tous les membres, et encore moins pour celui qui est membre mais pas volontaire.

J'aimerais entendre vos commentaires à savoir pourquoi ne pas être plus transparent pour ce qui est des états financiers. Les états financiers ne donneront pas un avantage compétitif. Ces données sont très globales et peuvent s'avérer difficiles à comprendre pour le commun des mortels. Pourquoi ne pas les mettre sur le réseau et être plus transparent? Vous enlèveriez ainsi tout argument visant à exiger plus de transparence.

M. Taillefer : J'aimerais revenir sur la question de transparence. Je reviens d'une tournée à travers le pays pour les assemblées annuelles de nos membres. Je peux vous fournir de la documentation. Avant l'assemblée générale, les membres ont reçu un nombre de résolutions comportant des implications budgétaires et le coût spécifique de chaque résolution. Un budget fut proposé et est passé devant toutes les écoles. Lors de l'assemblée générale annuelle, ils ont pu débattre des résolutions et obtenir gain de cause. On n'a rien à cacher. Ces documents sont disponibles, par exemple, au salon du personnel et quiconque peut les ramasser sur la table. Tout est là, tout est disponible.

Le sénateur Massicotte : Pourquoi ne pas les mettre sur le site web?

M. Taillefer : Je n'ai aucune idée pourquoi ce n'est pas sur le site web. Je sais que beaucoup d'organisations se dirigent vers un environnement sans papier. Dans un avenir très proche, on verra sans doute ces documents sous forme numérique.

Le sénateur Massicotte : Seront-ils disponibles à tous?

M. Taillefer : Ils seront disponibles à tous. Nous n'avons rien à cacher. Nous tenons nos assemblées générales ici, à Ottawa. Nos budgets sont présentés à tout le monde au pays. Les gens peuvent prendre le budget et le remettre à leur maire, s'ils le désirent.

M. Letourneux : Le projet de loi C-377 ne demande pas de produire les états financiers que nous produisons déjà et qui sont disponibles. Le document est déjà entre les mains de 70 personnes en plus de ceux et celles qui en font la demande. Le document peut être reproduit par photocopie. Le document est donc déjà disponible sous forme papier. Dans le projet de loi C-377, il ne s'agit pas de cela, mais de bien plus.

Le sénateur Massicotte : Je tente d'éclaircir mon raisonnement. Il est toujours possible d'apporter un amendement si nécessaire. Vous dites que si deux personnes le connaissent, tout le monde le connaît. Si 70 p. 100 des gens sont impliqués, pourquoi ne pas le mettre sur le site web? On retire alors les arguments de M. Roumy qui dit qu'il manque de transparence.

Le président : Monsieur Roumy, aimeriez-vous commenter?

M. Roumy : Plusieurs de mes collègues sont frustrés de ne pas avoir accès à l'information qui indique où l'argent des syndicats est dépensé. Cette information leur donnera plus confiance. Si les syndicats n'ont rien à cacher sur leurs dépenses, ils devraient rendre cette information disponible aux membres sur leur site Internet. On aurait alors une plus grande confiance. Les membres sont très déçus des coûts élevés des syndicats.

[Traduction]

Le sénateur Massicotte : Monsieur Dawood, avez-vous des observations à formuler?

M. Dawood : Nous faisons preuve de transparence à l'égard de nos membres en ce qui concerne les questions d'ordre budgétaire, et si nos membres estiment que cette transparence n'est pas suffisante, ils peuvent recourir à des mesures prévues par notre constitution et nos règlements, de même que par l'article 110 du Code canadien du travail. Nous devons établir un juste équilibre entre les diverses questions relatives à la transparence. À nos yeux, l'un des problèmes que pose le projet de loi tient au fait qu'il exige que l'on fournisse de l'information que tout le monde pourra consulter et, dans certains cas, utiliser à des fins, si je peux dire, pas tout à fait honorables.

Le sénateur Massicotte : Au sein de votre syndicat, est-ce que les membres doivent présenter une demande afin d'obtenir des états financiers, ou est-ce que les documents de ce genre leur sont systématiquement remis aux assemblées annuelles où ils sont appelés à voter?

M. Dawood : Les états financiers sont transmis chaque trimestre au conseil exécutif, qui les distribue à ses membres.

Le sénateur Massicotte : Combien y a-t-il de membres dans votre syndicat?

M. Dawood : Environ 2 800 au Canada. En tout, au Canada et aux États-Unis, il y en a 53 000.

Le sénateur Massicotte : Combien d'entre eux ont reçu les états financiers du syndicat l'an dernier?

M. Dawood : Trente-huit présidents siégeant au CEP.

Le sénateur Massicotte : Qu'en est-il des autres 95 p. 100?

M. Dawood : Là encore, s'ils ne les ont pas reçus, c'est parce que ceux qui pourraient avoir accès à cette information pourraient l'utiliser pour nuire aux syndicats plutôt qu'à des fins véritablement bénéfiques. Les membres qui demandent l'information la reçoivent toujours. Ils n'ont qu'à nous téléphoner, et nous leur enverrons tout ce qu'ils souhaitent obtenir.

Le sénateur Massicotte : En raison du poste que vous occupez, vous êtes conscient du fait que ces renseignements pourraient être utilisés contre vous, et cela vous préoccupe. Je plains les membres qui présentent une demande pour obtenir de l'information. J'imagine qu'ils doivent répondre à une kyrielle de questions. Pourquoi avez-vous besoin de cette information? Pourquoi voulez-vous recevoir ces renseignements? Qui va vous fournir des conseils?

M. Dawood : Non, pas du tout. Si un membre nous téléphone et demande des renseignements, nous les lui transmettons. C'est aussi simple que cela.

Le président : Vous lui transmettez l'information?

M. Dawood : Il n'y a qu'à nous téléphoner pour l'obtenir. C'est tout.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur Dawood, vous dites dans votre mémoire que grâce à vos cotisations syndicales et aux économies que fait votre administration, vous avez beaucoup investi dans les mesures de sécurité dans le milieu de l'aviation. Pourriez-vous me citer des mesures auxquelles ces fonds auraient servi et qui sont présentement appliquées au Canada?

[Traduction]

M. Dawood : À l'heure actuelle, nous prenons un certain nombre de mesures en matière de sûreté et de sécurité. L'une d'entre elles concerne le temps de vol et les périodes de service de vol. Il s'agit d'une initiative qui est en cours depuis un certain nombre d'années. Nous avons consacré beaucoup de ressources à cette initiative, et elle devrait être examinée sous peu dans le cadre de votre processus législatif.

Une autre de nos initiatives tient au comité du président pour les opérations en régions éloignées. On envisage de la mener dans le Nord du Canada, de même qu'à l'étranger. Il ne s'agit que de deux initiatives en matière de sûreté que nous menons au pays. Nous en menons aussi un certain nombre aux États-Unis.

[Français]

Le sénateur Maltais : Vous appartenez à un syndicat qui regroupe 53 000 membres dans le monde, dont 2 800 au Canada. L'argent que vous collectez de vos membres est-il dépensé au Canada seulement?

[Traduction]

M. Dawood : Notre syndicat est établi aux États-Unis, de sorte que, pour l'essentiel, nos fonds sont dépensés au Canada et aux États-Unis. Cependant, nous dépensons également de l'argent dans le reste du monde vu que nous représentons les pilotes canadiens et américains au sein de la Fédération internationale des Associations de pilotes de ligne.

Je ne suis pas certain d'avoir bien répondu à votre question.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur Letourneux, dans votre mémoire, vous parlez beaucoup de dévoiler des personnes qui ont des dépenses de moins de 5 000 $.

M. Letourneux : C'est plus.

Le sénateur Maltais : Qui gagne 5 000 $ chez vous?

M. Letourneux : Personne. Je pense que c'est plus que 5 000 $ qui est écrit.

Le sénateur Maltais : Oui, mais qui gagne 5 000 $? Si c'est plus, c'est que cela commence quelque part. Cela devrait partir de zéro. Qui gagne moins de 5 000 $ chez vous?

M. Letourneux : Personne ne gagne moins de 5 000 $.

Le sénateur Maltais : D'accord.

Monsieur Taillefer, dans votre mémoire, vous dites qu'il est très important d'enseigner aux jeunes à avoir de la transparence, ce qui vous permet de les évaluer dans le but de les aider à faire des choix de carrière judicieux, mais pourquoi les enseignants de toute catégorie sont-ils aussi rébarbatifs à se faire évaluer tous les deux ou trois ans?

M. Taillefer : Ils ne sont pas rébarbatifs dans le sens où vous le dites. Les enseignantes et les enseignants sont à l'aise de se faire évaluer dans le sens d'une évaluation qui est professionnelle, qui est basée sur les normes de la profession d'enseignant et qui les aidera à...

Le sénateur Maltais : Je vous arrête. Ils ne sont pas rébarbatifs à se faire évaluer pourvu qu'ils soient évalués par leurs pairs, mais s'ils sont évalués par une commission indépendante, ils sont très rébarbatifs.

M. Taillefer : Ce n'est pas le cas dans toutes les provinces. En Ontario, c'est légiféré, et ce ne sont pas les enseignants qui évaluent les enseignants. C'est la même chose dans plusieurs provinces.

Le sénateur Maltais : Vous représentez 200 000 enseignants. Ils ne sont pas tous de l'Ontario, à ce que je sache.

M. Taillefer : Non, et je peux vous nommer toutes les provinces où il y a un tel système en place.

Le sénateur Maltais : C'est parce que chaque fois qu'un gouvernement au Québec, quelle que soit l'allégeance, prend cette décision, c'est la chicane à tout coup. On voudrait s'autoévaluer.

La sénatrice Hervieux-Payette : J'aurais quelques questions à poser à M. Roumy. Est-ce que votre employeur a un fonds de pension et, si oui, qui le gère?

M. Roumy : C'est mon employeur qui gère le fonds de pension.

La sénatrice Hervieux-Payette : Y a-t-il des représentants du syndicat qui siègent sur le fonds de pension?

M. Roumy : Oui.

La sénatrice Hervieux-Payette : Est-ce que tous les membres qui contribuent au fonds de pension savent où est investi l'argent?

M. Roumy : Nous recevons des informations quant aux montants auxquels nous avons cotisé, mais nous n'avons pas les détails quant à savoir où l'argent est investi.

La sénatrice Hervieux-Payette : Qu'est-ce qui vous porte à croire que les gens qui gèrent le fonds de pension n'ont pas besoin d'avoir de la transparence vis-à-vis des gens qui cotisent à des montants beaucoup plus importants que votre cotisation syndicale?

M. Roumy : Je ne serais pas contre le fait d'avoir plus d'information sur mon fonds de pension.

La sénatrice Hervieux-Payette : Avez-vous déjà demandé des informations sur la gestion de votre fonds de pension?

M. Roumy : Nous avons des présentations sur les fonds de pension. Quand j'ai demandé aux membres de l'union qui font partie de ce comité de savoir où l'argent était investi, ils m'ont répondu.

La sénatrice Hervieux-Payette : À l'heure actuelle, connaissez-vous les frais d'administration du fonds de pension, combien chargent les administrateurs?

M. Roumy : Je n'ai pas la réponse à cela.

La sénatrice Hervieux-Payette : On doit faire un parallèle. On parle de syndiqués qui ont un intérêt dans leur syndicat et qui veulent voir comment il est géré. On parle de votre entreprise, la même chose. Votre entreprise est probablement à profit. Votre fonds de pension ne paie pas d'impôt, exactement comme le syndicat. Étant donné le problème répandu des fonds de pension au Canada, notre comité a étudié la question. Il est important d'avoir de la transparence de la part des membres qui y contribuent.

Je viens de recevoir une autre lettre des employés de Nortel. Ils sont inquiets. Mes collègues ont probablement tous reçu une lettre à ce sujet. Pour la même compagnie, les mêmes employés, d'un côté, le syndicat qui doit représenter ses membres auprès de l'employeur, pourquoi le fonds de pension ne mettrait-il pas à la disposition du public le même genre d'information, parce que vous parlez non seulement de révéler aux syndiqués toute l'information, mais aussi, dans le cas du syndicat, de mettre tout sur la place publique?

On parle toujours de l'intérêt public. Quel est l'intérêt public s'il ne contribue pas, parce que dans les deux cas, le fonds de pension ne paie pas d'impôt et le syndicat non plus. Ils sont dans la même catégorie. Les gens font des contributions. Les contributions syndicales sont beaucoup plus modestes que les contributions à un fonds de pension. Dans le cas d'un fonds de pension, vous demandez la transparence, et dans le cas du syndicat, vous voulez que cela soit sur la place publique. Par quel raisonnement arrivez-vous à cette conclusion?

M. Roumy : J'espère que l'argent de mon fonds de pension n'est pas utilisé pour donner à des candidats du NDP ou à d'autres projets qui n'ont rien à faire avec l'investissement. Dans le cas de mon syndicat, on fait des activités comme Burma Project, Honduras Solidarity, World Water Congress. Alors, ce sont des activités qui n'ont rien à faire avec mon contrat. C'est la distinction à faire.

Comme je l'ai dit, j'espère que les membres, mes chefs de syndicat qui font partie du comité de pension, ont vu l'argent investi et que s'il y avait quelque chose qui n'était sévèrement pas dans la bonne direction pour la pension, ils auraient dit quelque chose.

La sénatrice Hervieux-Payette : Les caisses de retraite aussi ont des politiques internationales, très souvent, elles vont interdire à leur caisse de retraite d'investir dans des entreprises qui ne sont pas écologiques ou qui ne traitent pas leurs employés correctement, dans le secteur minier en particulier. Dites-vous que si on peut faire des parallèles, oui effectivement, les administrateurs d'une caisse de retraite peuvent donner des instructions sauf que vous ne savez pas le coût de l'administration du fonds de pensions ni où les argents sont allés et ce n'est pas disponible à vos membres.

[Traduction]

Le président : Madame Hervieux-Payette, j'inscrirai votre nom sur la liste des intervenants du deuxième tour. Merci beaucoup.

Le sénateur Tkachuk : Une foule de témoins nous ont parlé des difficultés liées à la déclaration, des coûts dont elle s'assortira et des renseignements à fournir. J'aimerais obtenir des précisions à propos du type de renseignements que vous fournissez et de la manière dont vous le faites.

Est-ce que chaque organisation régionale doit transmettre ces renseignements, ou sont-ils transmis par une organisation provinciale? Comment soumettez-vous vos états financiers? Sont-ils transmis par les sections locales, ou, dans tous les cas, par une organisation nationale ou provinciale?

M. Taillefer : Merci de la question, sénateur.

La Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants est une organisation nationale. Elle dispose de son propre budget de fonctionnement et, comme il s'agit d'une fédération, elle est financée par ses organisations membres. Chacune d'entre elles dispose d'un statut provincial et d'un budget qui lui est propre. Ces organisations rendent des comptes à leurs membres, et les choses vont même un peu plus loin : chacune de ces organisations dispose de sections locales qui rendent elles aussi des comptes à leurs membres. Les membres ont plusieurs façons d'obtenir de l'information, qu'elle soit de nature locale, provinciale ou nationale.

Le sénateur Tkachuk : Chacune de ces organisations produit ses propres états financiers?

M. Taillefer : Oui.

[Français]

M. Letourneux : Dans mon cas, la Fédération autonome de l'enseignement est le regroupement de neuf syndicats qui ont chacun leur budget. Un syndicat représente les enseignants et les enseignantes d'une commission scolaire. Chaque syndicat a son budget. Chacun de ces syndicats a une portion qui va à la FAE. Cette organisation nationale aussi a un budget qui est jugé et voté en passant par des représentants de ces neuf syndicats.

[Traduction]

M. Dawood : En ce qui nous concerne, sénateur, nous rendons des comptes aux échelons national et local. Chaque organisation dispose de ses conseils, et chaque conseil — qui représente un transporteur aérien — dispose d'un budget. Le budget est géré à l'échelon national.

Le sénateur Tkachuk : Vous dites que vous transmettez de l'information. Est-ce que vous fournissez un bilan et un relevé des recettes et des dépenses? Quel est le degré de précision de ce relevé? Est-ce que chacun d'entre vous fournissez, sur demande, un bilan à vos membres de manière à ce qu'ils disposent d'une liste de vos éléments d'actifs, de vos avoirs et des autres choses du genre? Est-ce que ces renseignements leur sont fournis de façon régulière, annuelle ou trimestrielle?

M. Dawood : L'Air Line Pilots Association ne transmet pas de bilan à ses membres, non.

Le sénateur Tkachuk : Pourquoi pas? Pourquoi ne pas l'afficher en ligne?

M. Dawood : Là encore, je le répète, nous devons établir un juste équilibre entre les avantages de fournir cette information et le fait que certaines personnes pourraient l'utiliser, à coup sûr, pour nous nuire. Chacun de nos membres a la possibilité d'obtenir cette information.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce que vous fournissez tous des états financiers, un relevé des recettes et des dépenses?

M. Dawood : Nous le faisons.

Le sénateur Tkachuk : Vous le faites. Est-ce que vous transmettez ces renseignements seulement si on vous les demande, ou est-ce que vous les publiez quelque part? Peuvent-ils être consultés en ligne? De quelle façon transmettez- vous cette information? En outre, est-ce que les gens peuvent la comprendre?

M. Dawood : Nous fournissons l'information durant les réunions des sections locales.

Le sénateur Tkachuk : Les sections locales fournissent leurs états financiers et leur bilan, en plus des renseignements de nature nationale? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Dawood : C'est exact.

M. Taillefer : La FCE dispose d'un comité des finances composé de dirigeants de diverses organisations fédérales et territoriales. Ces dirigeants ont accès au bilan, à l'état des flux de trésorerie et à toute l'information requise pour s'assurer que l'organisation se porte bien et qu'elle prend des décisions conformes à ses règlements. Ces renseignements sont ensuite transmis au conseil d'administration, c'est-à-dire à tout le monde, vu que toutes les provinces et tous les territoires sont représentés au sein du conseil. Ces administrateurs reçoivent ces documents, et ils peuvent les apporter chez eux.

Bien entendu, ce qui se passe à l'échelon provincial n'est pas de notre ressort, et nous ne nous en mêlons pas.

Le sénateur Tkachuk : Les états financiers comportent toutes sortes de renseignements que les gens peuvent facilement comprendre, de même que de l'information concernant les dépenses de nature générale. Comment les dépenses liées, par exemple, au lobbying, aux activités politiques ou aux salaires des dirigeants sont-elles présentées dans les états financiers? Est-il facile de les trouver? Y a-t-il une rubrique intitulée « lobbying », ou les dépenses en la matière sont-elles inscrites sous une rubrique de type « frais généraux »? Pouvez-vous me donner des précisions là- dessus? Est-il facile pour un membre de votre syndicat d'obtenir ces informations?

M. Dawood : Tout à fait. Les membres de notre syndicat n'auraient aucune difficulté à les obtenir. Comme notre syndicat est établi aux États-Unis, nous devons respecter une foule d'exigences américaines en matière de déclaration, comme vous le savez bien.

Le sénateur Tkachuk : Exact. Oui.

M. Dawood : Chaque année, nous publions un rapport qui se rapporte à cela et un autre qui ne se rapporte pas à cela, et tous nos membres peuvent les consulter.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce que les obligations que vous devez respecter aux États-Unis sont très lourdes?

M. Dawood : Oui, elles sont très lourdes. Cela dit, notre service des finances a examiné brièvement le projet de loi, et il estime que, dans une certaine mesure, il créera des obligations plus lourdes que celles en vigueur aux États-Unis — cela dit, comme vous le savez sûrement, ce sont les détails qui causent les plus grandes difficultés, et nous ne savons pas encore quel effet le projet de loi aura sur nous.

La sénatrice Ringuette : Monsieur Roumy, je comprends les divers événements auxquels vous avez dû faire face. Comme les activités de votre secteur font partie des 10 p. 100 des activités relevant de la compétence fédérale, j'aimerais savoir si vous avez, à un moment donné, communiqué avec la ministre du Travail, Lisa Raitt, ou si vous lui avez envoyé une lettre, suivant le Code canadien du travail, pour vous plaindre du fait que vous n'avez pas réussi à obtenir les renseignements que vous avez mentionnés plus tôt?

M. Roumy : Non, je ne l'ai pas fait.

La sénatrice Ringuette : Vous ne l'avez pas fait. La situation que vous avez décrite est visée par le Code canadien du travail, qui relève de la ministre Raitt. Je voulais simplement savoir si vous aviez formulé une plainte.

J'aimerais attirer l'attention sur un élément. J'aimerais connaître votre avis, surtout, peut-être, celui du représentant des pilotes de ligne.

La commissaire à la protection de la vie privée s'est présentée devant le comité, et je lui ai demandé de but en blanc de me dire si le projet de loi résistait à un examen en matière de protection des renseignements personnels. Elle a répondu que non.

Au cours de notre deuxième séance, des représentants de l'Association canadienne des policiers se sont présentés ici et ont déclaré que le projet de loi soulevait des préoccupations en matière de protection de la vie privée. Par suite du projet de loi, le nom de toute personne qui obtient 5 000 $ ou plus sera affiché sur le site web, et les policiers craignent pour la sécurité de ces gens.

Au cours des 10 dernières années, le Canada a investi des milliards de dollars pour accroître la sécurité dans les aéroports — un secteur que vous connaissez bien — afin de s'assurer que les Canadiens disposent des infrastructures les plus sûres qui soient.

Le président : Madame la sénatrice, je dois vous signaler que vous n'avez presque plus de temps. Il vous reste une minute pour obtenir une réponse. Formulez votre question, s'il vous plaît.

La sénatrice Ringuette : Oui. Merci, monsieur le président.

D'après vous, quel effet aura la publication de ces noms sur un site web sur votre sécurité et celle des Canadiens?

M. Dawood : Bien entendu, cela ne m'enchante pas. Bien honnêtement, je n'ai pas beaucoup réfléchi aux questions relatives à la protection de la vie privée et à la sécurité, et je vous remercie d'avoir attiré l'attention là-dessus.

En ce qui a trait à la protection de la vie privée, je dirai que, à titre de secrétaire-trésorier du Conseil canadien, je suis membre du conseil d'administration de la fiducie de l'ACPL, laquelle verse des prestations de survivant aux proches de nos membres qui, bien sûr, sont décédés. Je ne vois pas en quoi la divulgation du nom d'une veuve qui a reçu des prestations de survivant de plus de 5 000 $ est d'intérêt public.

Le président : Merci, monsieur Dawood. Je vais céder la parole à la sénatrice Nancy Ruth, qui posera la dernière question du tour.

La sénatrice Nancy Ruth : Il s'agit en quelque sorte d'une suite à la question de la sénatrice Ringuette.

Vous avez indiqué que des gens pourraient utiliser l'information que vous fournissez pour vous nuire. Ce n'est pas la première fois qu'un témoin nous dit cela. Sur quoi se fonde une telle crainte? D'après vous, quelle utilisation malveillante pourrait être faite de cette information?

M. Dawood : Quelle utilisation malveillante pourrait être faite, selon nous, de cette information?

La sénatrice Nancy Ruth : Oui, si elle était affichée sur vos sites Web, par exemple. C'est la question que le sénateur Tkachuk vous a posée.

M. Dawood : Madame la sénatrice, de l'avis de l'Air Line Pilots Association, le contribuable moyen ne s'intéresse pas vraiment à la manière dont nous dépensons l'argent versé par nos membres. Ceux que cela intéresse, ce sont précisément nos membres, et le Code canadien du travail, notre constitution et nos règlements leur garantissent une reddition de comptes et une transparence qui correspondent à leurs besoins.

Lorsque je dis que nous craignons que certaines personnes ne fassent une utilisation malveillante de l'information, c'est de ces personnes que je parle; ce sont elles qui utiliseront les renseignements pour nuire aux syndicats, et non pas le contribuable moyen.

La sénatrice Nancy Ruth : De quelle manière nuiraient-elles aux syndicats? Vous voulez dire qu'un membre du syndicat pourrait faire tomber à lui seul l'organisation, ou alors que tous les syndiqués pourraient se regrouper à cette fin? Qu'est-ce que vous imaginez?

M. Dawood : Je suppose que vous devrez laisser libre cours à votre imagination, madame la sénatrice. Je ne peux pas répondre à cette question à ce moment-ci. J'ignore ce que ces gens pourraient faire avec l'information, mais j'ai la quasi-certitude qu'ils l'utiliseront pour nuire à nos activités.

Le président : Je me suis trompé. Il reste une dernière question au premier tour. J'invite le sénateur Segal à poser rapidement sa question.

Le sénateur Segal : C'est le travail des syndicats de mener des négociations pour le compte de leurs membres. Ma question portera sur le degré de transparence dont vous devez faire preuve à l'égard de vos activités suivant le projet de loi. À votre connaissance, est-ce que l'une ou l'autre des entreprises ou l'un ou l'autre des conseils scolaires avec lesquels vous devrez entreprendre des pourparlers doivent faire preuve d'une transparence équivalente à celle qu'exige de vous le projet de loi?

Le président : Pourriez-vous répondre par « oui » ou « non » à cette question, s'il vous plaît?

M. Dawood : Non.

M. Taillefer : Absolument pas.

Le président : Merci de ces réponses.

Cela met fin à la partie de la réunion consacrée au premier groupe de témoins. Cela dit, le nom de trois sénateurs figure sur la liste d'intervenants du deuxième tour. Je vais leur demander de poser rapidement leurs questions, de manière à ce qu'elles figurent dans le compte rendu. Nous saurions gré aux témoins de répondre à ces questions aussi rapidement qu'ils viennent de le faire.

Le sénateur Black : Ma question s'adresse aux trois représentants des syndicats. Dans l'éventualité où vous estimez que le projet de loi doit être modifié, avez-vous des suggestions de modification à formuler?

M. Dawood : L'Air Line Pilots Association ne peut soutenir le projet de loi sous quelque forme que ce soit.

[Français]

M. Letourneux : Je fonctionne avec des mandats. Si je m'étais attendu à cette question, je me serais préparé, mais je n'ai pas le droit d'imaginer des solutions que je n'ai pas demandées à mes membres. Je suis dans un syndicat démocratique. Je ne peux pas m'avancer. On n'a pas de propositions.

[Traduction]

M. Taillefer : Comme je l'ai mentionné durant ma déclaration préliminaire, nous estimons que le projet de loi est fondamentalement mal conçu, de sorte que ma réponse est non.

Le sénateur Black : Puis-je poser une autre question?

Le président : Je crains que nous ne devions passer au prochain intervenant. Sénateur Massicotte, allez-y, s'il vous plaît.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Dawood, vous craignez que, si vous faites preuve d'une transparence totale, les employeurs utiliseront l'information à leur avantage. N'êtes-vous pas d'accord pour dire que cela permettrait aux employeurs de disposer de renseignements semblables à ceux que vous possédez sur eux? Les employeurs rendent publics leurs états financiers. Leurs rapports annuels sont rendus publics. Si vous voulez que les choses soient équitables et équilibrées, pourquoi n'accepteriez-vous pas de fournir ces renseignements?

M. Dawood : Là encore, comme je l'ai dit au sénateur Black, ce n'est pas à ce chapitre que se situent les lacunes du projet de loi.

Le sénateur Massicotte : Seriez-vous d'accord pour fournir vos états financiers?

M. Dawood : Non, nous ne le serions pas.

Le président : Merci, monsieur Dawood. La vice-présidente du comité posera la dernière question.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Considérez-vous que les frais légaux seraient des frais que vous souhaiteriez mettre à la disposition du grand public quand vous êtes en négociation?

M. Letourneux : Les avocats nous engagent.

La sénatrice Hervieux-Payette : Les avocats qui sont avec vous lors des négociations.

M. Letourneux : Je ne pense pas que les avocats voudraient que l'on publie cela. C'est peut-être à eux qu'il faudrait poser la question.

[Traduction]

M. Dawood : Je suis d'accord avec M. Letourneux là-dessus. Je pense que nous devrions demander à des avocats de nous dire ce qu'ils pensent de la publication de ces renseignements.

Le président : Au nom du comité sénatorial sur les banques, j'aimerais dire aux témoins que nous leur sommes reconnaissants de s'être présentés ici aujourd'hui. Merci.

Nous sommes heureux d'accueillir, pour la deuxième heure de la réunion, Joseph Mancinelli, vice-président international et directeur régional, Est et Centre du Canada, Union internationale des journaliers d'Amérique du Nord; Christopher M. Dassios, avocat général, Power Workers' Union; Philip Hochstein, président, Independent Contractors and Business Association of British Columbia; et Paul Moist, président national, Syndicat canadien de la fonction publique.

Nous allons entendre les déclarations préliminaires de nos invités, en commençant par M. Mancinelli.

Joseph Mancinelli, vice-président international et directeur régional, Est et Centre du Canada, Union internationale des journaliers d'Amérique du Nord (UIJAN) : Je vous remercie de me donner l'occasion d'être ici pour m'adresser à vous. Je suis vice-président canadien de notre syndicat international, et directeur régional pour le Centre et l'Est du Canada. L'Union internationale des journaliers d'Amérique du Nord — l'UIJAN —, syndicat actif aux États-Unis et au Canada, représente quelque 100 000 hommes et femmes qui travaillent dans toutes les régions du Canada, principalement dans l'industrie de la construction. Elle représente également des milliers de travailleurs de divers autres secteurs.

L'UIJAN a des sections locales dans toutes les grandes villes canadiennes. Elle gère un certain nombre de fonds d'avantages sociaux, des fonds de formation et trois régimes de retraite à l'échelle du pays. Par exemple, le régime de retraite du Centre et de l'Est du Canada de l'UIJAN a des actifs dépassant les 3,5 milliards de dollars, ainsi qu'un fonds d'infrastructure actif — unique en son genre au Canada — qui continue d'investir dans ce merveilleux pays.

Les 100 000 familles que nous représentons partout au Canada craignent que le projet de loi C-377 ne soit fondamentalement vicié. En plus d'entraîner pour elles des coûts importants, le projet de loi s'immiscera dans leur vie privée, réduira leur liberté d'association et d'expression et introduira une discrimination contre leur organisation ouvrière uniquement parce qu'elle constitue un syndicat. En outre, le projet de loi entraînera des coûts supplémentaires pour le gouvernement fédéral.

Le projet de loi C-377 vise exclusivement les organisations ouvrières. Les exigences de divulgation prévues par le projet de loi porteront atteinte aux organisations ouvrières et à leurs fonds de fiducie, ce qui donnera lieu à un traitement particulier à l'égard des syndicats et à un avantage indu pour les groupes antisyndicaux et autres organisations semblables, qui sont exemptées des dispositions en matière de divulgation du projet de loi. Les déclarations de renseignements à l'Agence du revenu du Canada sont publiques et seront utilisées pour affaiblir les organisations ouvrières. Si le projet de loi C-377 exigeait les mêmes renseignements de toutes les organisations et entreprises, on pourrait conclure à une apparence d'équité. Cependant, le projet de loi introduit une discrimination contre les organisations ouvrières, et est contraire à de nombreux principes constitutionnels ou liés à la protection de la confidentialité.

Le projet de loi C-377 est un texte législatif déficient qui a été conçu pour que l'on puisse s'ingérer dans les affaires des syndicats et les affaiblir. Il limite la liberté d'association, la liberté d'expression et la protection contre les perquisitions et les saisies abusives des organisations ouvrières et de leurs membres, en plus d'avoir de graves répercussions sur leur vie privée.

Depuis plus d'un siècle, l'UIJAN négocie des conventions collectives qui offrent d'excellents salaires et avantages sociaux à ses membres qui, faisant partie de la classe moyenne, alimentent l'économie canadienne. La Charte canadienne des droits et libertés a été conçue pour protéger les droits et libertés d'associations, sans que les organisations qui s'en prévalent n'aient à être inquiétées par la possibilité que des employeurs ou des groupes antisyndicaux aient accès aux renseignements détaillés du mouvement syndical. Il s'agit là d'une possibilité qui n'a pas été offerte au mouvement syndical, vu que les groupes antisyndicaux ont été exclus aux fins du projet de loi C-377.

Ce traitement distinct est injuste et favorise des intérêts qui s'opposent à ceux des organisations ouvrières.

Selon la Charte, chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. Le projet de loi C-377 constitue une intrusion dans les affaires d'organisations privées et de leurs membres; il exige la communication de renseignements, lesquels feront l'objet d'une diffusion publique qui aura pour effet de compromettre gravement les droits des membres garantis par la Charte canadienne des droits et libertés et de violer l'esprit de la Charte.

La publication de documents détaillés, prévue par le projet de loi C-377, aura un effet négatif sur la vie privée des syndiqués et de leur famille. La divulgation des contributions politiques et des renseignements personnels de nature délicate au sujet, par exemple, des dépenses liées aux fiducies d'avantages sociaux, compromettra gravement la confidentialité. Qui plus est, la divulgation des liens avec des employeurs et des professionnels à contrat portera aussi atteinte à la confidentialité de ces liens et contrats. La confidentialité du secret professionnel et des frais juridiques en matière de négociations collectives et de syndicalisation d'organisations non syndiquées sera gravement compromise par le projet de loi.

Il n'est que trop évident que le projet de loi, en exigeant la publication de ces renseignements, a été conçu pour affaiblir les organisations ouvrières et offrir un avantage indu à des groupes ayant des intérêts opposés. Les organisations ouvrières dont les activités relèvent du gouvernement fédéral, tels que les transports, sont assujetties au droit du travail fédéral.

Le président : Monsieur Mancinelli, il vous reste deux minutes pour conclure votre exposé.

M. Mancinelli : Merci. Toutefois, dans tous les autres secteurs au Canada, le droit du travail relève des gouvernements provinciaux. De fait, des ministres du Travail provinciaux ont soulevé de graves inquiétudes au sujet du projet de loi C-377. À ce jour, les ministres de l'Ontario, du Québec, du Manitoba et de la Nouvelle-Écosse ont soulevé des questions au sujet de l'empiétement du projet de loi dans des champs de compétence provinciaux. Le fait de prétendre que ce projet de loi vise la divulgation de renseignements à l'ARC est, de toute évidence, injuste et moralement contestable. Tous ont compris que l'objectif du projet de loi a peu à voir avec la communication de renseignements à l'ARC.

Aux États-Unis, depuis 1984, les organisations ouvrières sont assujetties au régime déclaratif de la Corporations and Labour Unions Returns Act, la CALURA. De plus, en 2003, on a obligé les organisations ouvrières et les fiducies de syndicat à produire le formulaire T1 auprès du département du Travail, et non pas du département du Revenu. Pendant les 40 années précédentes, la politique avait été d'exclure les entités intermédiaires qui ne représentent aucun employé du secteur privé et qui ne comportent aucune section locale représentant des employés du secteur privé.

Le président : Veuillez conclure votre exposé.

M. Mancinelli : En conclusion, le projet de loi C-377 est fondamentalement déficient. Il contreviendra gravement à la Charte canadienne des droits et libertés.

Au Canada, nous sommes fiers de nos valeurs de justice et de démocratie. J'encourage le Sénat du Canada à rejeter intégralement le projet de loi C-377, et à proclamer ainsi que le Canada est un pays qui n'admet pas que l'on traite sévèrement et injustement un groupe social ciblé, mais qui respecte la Charte, symbole de l'impartialité canadienne. Merci.

Le président : Merci beaucoup, monsieur. Nous allons passer à M. Dassios. Allez-y, s'il vous plaît.

Christopher M. Dassios, avocat général, Power Workers' Union : Je suis avocat général de la Power Workers' Union, qui représente plus de 15 000 employés du secteur de l'énergie de l'Ontario.

Honorables sénateurs, le fait de perdre de vue la fonction que l'on assume représente l'erreur la plus lourde de conséquences que l'on puisse commettre, et pourtant, il s'agit de l'erreur la plus fréquente. Lorsque les personnes qui occupent des postes de pouvoir au sein d'un gouvernement oublient leur fonction, cela peut avoir des répercussions désastreuses à grande échelle.

Je suis ici aujourd'hui pour exhorter les sénateurs à s'acquitter de leur fonction et d'empêcher les députés de la Chambre des communes qui, ayant manifestement perdu de vue la leur, ont voté en faveur du projet de loi, de faire subir à la population canadienne les conséquences de leur transgression.

Quelle est la fonction du Sénat? Tout le monde connaît les propos de sir John A. Macdonald selon lesquels le Sénat est une Chambre de réflexion et un organisme de réglementation. Le Sénat a également été conçu pour protéger les intérêts régionaux, ce qui explique la répartition de ses sièges. Au sein de notre régime politique, un gouvernement peut être élu par une minorité d'électeurs. En règle générale, c'est ce qui se passe, et, à coup sûr, c'est le cas actuellement.

Dans de telles circonstances, quelle est la fonction du Sénat? Premièrement, il doit veiller au respect de la Loi constitutionnelle, et, deuxièmement, s'assurer que les projets de loi qui lui sont soumis aux fins d'approbation servent le bien-être du public, et non pas les intérêts d'une infime minorité de personnes ayant des mobiles de nature idéologique.

Dieu merci, notre régime politique est une démocratie constitutionnelle, de sorte qu'il y a des choses qu'aucun gouvernement ne peut faire. Entre autres, aucun gouvernement du pays ne peut usurper les pouvoirs relevant d'un autre échelon de gouvernement. Une autre chose qu'aucun gouvernement ne peut faire dans notre pays, c'est de bafouer les droits constitutionnels des citoyens. S'il est adopté, ce sont ces deux choses que fera précisément le projet de loi.

En adoptant le projet de loi, le gouvernement fédéral usurpera la compétence des provinces de régir les affaires des entités privées, qui lui appartient exclusivement aux termes du paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle, dans ce cas-ci, la compétence de régir les affaires des syndicats, et cela va à l'encontre de la liberté d'association des quelque 30 p. 100 de la population qui sont membres d'un syndicat et des travailleurs en général, puisque tous bénéficient du travail des syndicats. La liberté d'association et la liberté d'expression en seraient bafouées.

La réglementation d'organisations du secteur privé comme les syndicats est l'apanage exclusif des provinces depuis au moins 90 ans, depuis l'arrêt Toronto Electric Commissioners c. Snider de la Cour suprême du Canada. Les parrains du projet de loi devaient savoir que cette situation posait un problème, puisqu'ils ont dû trouver une façon de déguiser le projet de loi afin qu'il ait l'air de relever de la compétence législative du gouvernement fédéral, et ils ont choisi de le déguiser en projet de loi concernant l'impôt sur le revenu. Ce déguisement ne trompera pas grand monde. Le projet de loi n'a rien à voir avec l'impôt sur le revenu.

Le président : Veuillez conclure en deux minutes, s'il vous plaît.

M. Dassios : Il n'y a rien qui concerne l'impôt dans le projet de loi, mesdames et messieurs les sénateurs. En fait, le mot « impôt » ne figure nulle part dans le texte, sauf dans le titre, mais le nom qu'on lui donne ne change pas la nature de la chose.

Pour que ce soit un projet de loi concernant l'impôt sur le revenu, il faudrait qu'on y explique aux gens comment calculer l'impôt qu'il faut payer ou les déductions qu'ils doivent faire. Ce n'est pas le cas ici. Ce que le projet de loi dit, c'est que les groupes de gens qui se sont formés pour défendre leurs intérêts vont devoir divulguer certains renseignements d'après la loi et d'autres d'après le règlement, et qu'ils vont être passibles d'une amende s'ils ne le font pas. Cela n'a rien à voir avec leurs impôts.

Il ne s'agit pas d'un projet de loi concernant l'impôt sur le revenu. Si vous ne me croyez pas, croyez-en la vice- présidente de l'Association des comptables généraux accrédités du Canada, car elle dit la même chose que moi. Voilà. C'est une comptable, et je suis avocat, et pourtant, nous arrivons à nous mettre d'accord sur quelque chose. En soi, cela devrait suffire à vous convaincre du bien-fondé de mes propos. Je pourrais vous parler avec force détails des raisons pour lesquelles c'est une mauvaise initiative de politiques publiques, mais vous les avez déjà entendues.

Je vais conclure. Selon nous, le Sénat a la responsabilité et le devoir de rejeter le projet de loi C-377, car il est inconstitutionnel et parce qu'il s'agit d'une tentative d'usurpation hypocrite d'une compétence législative provinciale, parce qu'il enfreint les libertés d'expression et d'association des citoyens et parce qu'il ne contribuera en rien au bien public. Il entraînera l'utilisation de ressources de l'ARC qui pourraient être utilisées pour lutter contre la fraude fiscale pour obliger d'innocents particuliers à fournir des renseignements contre leur gré. Faites votre devoir : rejetez le projet de loi.

Le président : Merci, monsieur Dassios. Monsieur Hochstein.

Philip Hochstein, président, Independent Contractors and Business Association of British Columbia : Merci de m'avoir invité à venir témoigner. Je suis heureux de pouvoir vous parler du projet de loi C-377. L'Independent Contractors and Business Association of British Columbia est le porte-parole du secteur de la construction de la Colombie-Britannique. Nos 1 200 entreprises membres sont actives dans tous les secteurs de l'industrie : commercial, industriel, institutionnel et résidentiel familial et plurifamilial. Pour la plupart, nos membres sont de petites entreprises familiales. Nous représentons les entreprises à ateliers ouverts dont les employés ont choisi de faire partie d'un syndicat ainsi que les entreprises dont les employés ont choisi de ne pas le faire. Au cours des 15 dernières années, nos membres et leurs employés ont pris part à tous les grands projets réalisés en Colombie-Britannique, par exemple la Sea-to-Sky Highway, le Canada Line Rapid Transit Project et le centre des congrès de Vancouver, pour n'en nommer que quelques-uns. La construction de ces infrastructures a été rendue possible en grande partie par les contributions du gouvernement fédéral.

Les ateliers ouverts connaissent du succès grâce à la concurrence, à l'innovation et aux règles souples en milieu de travail qui profitent aux consommateurs et favorisent l'activité économique. D'après les chiffres les plus récents concernant les effectifs fournis par WorkSafeBC, commission des accidents du travail de la Colombie-Britannique, les ateliers ouverts emploient environ 90 p. 100 des travailleurs de la construction de la Colombie-Britannique.

Je suis ici pour appuyer le projet de loi C-377. On a beaucoup parlé du fait que le comité ait même à discuter du projet de loi. Certaines personnes ont affirmé qu'il est inconstitutionnel et que le Sénat ne devrait même pas se donner la peine de parler de ce texte législatif proposé. C'est pourquoi la déclaration récente du juge Michel Bastarache de la Cour suprême du Canada est si cruciale par rapport à vos délibérations. Son opinion en ce qui concerne la constitutionnalité du projet de loi est limpide. Pour ceux qui ne l'ont pas entendu, j'aimerais vous en lire quelques points saillants. Le juge Bastarache a dit ce qui suit :

[...] si le projet de loi C-377 est adopté, il sera probablement considéré par les tribunaux comme étant le fruit de l'exercice légitime du pouvoir du Parlement en matière d'impôt sur le revenu [...].

Il a également dit ce qui suit :

Tant que les nouvelles dispositions ne touchent que la transparence ou l'intégrité budgétaire, on pourra affirmer à juste titre qu'elles relèvent du pouvoir du Parlement.

Le fait que les relations de travail ne sont pas une compétence exclusive des provinces d'après la Constitution soutient le point de vue selon lequel le projet de loi C-377 ne constitue pas une intrusion dans les champs de compétence provinciaux.

Parce que le projet de loi vise les objectifs importants que sont la transparence et la responsabilité à l'égard des avantages fiscaux, toute infraction serait probablement justifiée en vertu de l'article premier de la Charte.

Cette précision est très pertinente par rapport à ce que votre comité envisage et devrait envisager dans le cadre de ses importants travaux. Nous sommes ici aujourd'hui parce que les lois canadiennes accordent des privilèges très particuliers aux syndicats. Premièrement, les cotisations syndicales sont obligatoires dans les milieux de travail accrédités. Tous les employés doivent les payer, qu'ils appuient ou non les activités du syndicat. La deuxième chose, c'est le fait que ces cotisations obligatoires sont déductibles d'impôt; elles sont subventionnées par les contribuables. Cette subvention constitue une double charge pour les contribuables, lorsqu'on pense au fait que le secteur le plus syndiqué du Canada est de loin le secteur public. En Colombie-Britannique, les quatre plus grands syndicats sont dans le secteur public, et 75 p. 100 des travailleurs du secteur public sont syndiqués.

En échange de ce soutien financier extraordinaire, le projet de loi vise à obtenir un peu de transparence par rapport aux 4 milliards de dollars qui sont recueillis chaque année par les syndicats du Canada. Cela semble raisonnable compte tenu du traitement spécial et généreux dont bénéficient les riches syndicats.

Il est important de noter ce que le projet de loi C-377 ne fait pas. Il ne change rien aux cotisations que les travailleurs sont tenus de verser à leur syndicat. Il ne change rien à la capacité des grands syndicats de dépenser de l'argent pour appuyer la myriade de groupes de pression, de campagnes de publicité et d'activités politiques qu'il finance. Il ne change rien à l'exemption d'impôt dont bénéficient les syndicats et autres organisations ouvrières. Vous allez entendre des gens s'offusquer et dire qu'il est injuste, pour une raison ou pour une autre, de rendre transparent le budget subventionné des syndicats. Il s'agit de rattraper des pays comme l'Allemagne, la France, l'Autriche, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, les États-Unis et le Royaume-Uni. Le projet de loi va permettre de faire correspondre les pratiques en vigueur au Canada non seulement avec celles du monde, mais également avec les attentes des Canadiens.

Selon un sondage Nanos réalisé en 2011, 83 p. 100 des Canadiens veulent que cela se fasse; 86 p. 100 des membres d'un syndicat le souhaitent également; et les Canadiens le méritent. Les syndicats bénéficient d'un traitement très particulier de la part des gouvernements et des contribuables. S'il doit continuer d'en être ainsi, il faut simplement que nous sachions à quoi ils consacrent l'argent qu'ils reçoivent. La seule façon pour les membres de syndicats et les contribuables de s'assurer que les millions de dollars qu'ils ont investis cette année sont bien utilisés, c'est d'adopter le projet de loi C-377. Le juge à la retraite Bastarache a présenté un argument clair : le projet de loi est constitutionnel.

Le président : Merci.

Paul Moist, président national, Syndicat canadien de la fonction publique : Je m'appelle Paul Moist. Je suis président national du SCFP, et j'ai le privilège d'être membre du syndicat depuis 1975. Notre syndicat a le privilège de représenter environ 625 000 Canadiens membres d'un peu plus de 2 000 sections locales de l'ensemble du Canada, ainsi que d'avoir une relation sur le plan juridique avec 3 800 employeurs au pays.

Nos sections locales comptent de un à 18 000 membres, et 70 p. 100 des sections locales du SCFP comptent 100 membres ou moins. Elles sont autonomes en vertu de nos statuts, qui sont accessibles en ligne dans les deux langues officielles. Nos états financiers nationaux sont publiés par Deloitte en ligne et sont accessibles à tous, quoiqu'ils soient affichés pour les membres du SCFP. Vous les trouverez au www.scfp.ca et pourrez les lire à votre guise.

À la fin du mois de mai, conformément à nos statuts, nous écrivons à nos 2 500 organismes à charte, par voie électronique dans certains cas, afin de les informer du salaire de nos 1 000 employés, dont les dirigeants nationaux qui sont membres de six syndicats différents au sein du SCFP.

Nos statuts nous obligent à écrire chaque année — et nous le faisons depuis la formation du syndicat en 1963 — à chacune des sections locales du SCFP pour les informer du salaire des dirigeants, de sorte qu'ils puissent transmettre l'information aux membres et que l'ouverture soit complète à cet égard. Il y a deux dirigeants nationaux au SCFP, et des milliers de Canadiens travaillent pour le SCFP dans l'une ou l'autre des 10 provinces.

Le projet de loi C-377 a peu à avoir avec la transparence et la responsabilisation. Contrairement à ce que laissent entendre les parrains de ce projet de loi, toutes les déductions et tous les avantages fiscaux liés aux cotisations syndicales profitent aux contribuables — à nos membres, et non à leur syndicat. Les syndicats ne bénéficient d'aucun traitement fiscal préférentiel de la part du gouvernement fédéral.

Le projet de loi C-377 est une nouvelle version du projet de loi C-317. L'auteur de ce projet de loi, M. Hiebert, a dit qu'il n'a aucune raison de croire qu'il y ait de quelconques problèmes de gestion au sein des syndicats. Il a dit qu'il n'a pas reçu de plaintes de la part de qui que ce soit dans le milieu syndical, et il a félicité les syndicats du Canada.

À la page 3 de notre mémoire, nous citons de nombreux motifs, juridiques ou autres, d'opposition au projet de loi, lequel ne peut selon nous être corrigé par voie d'amendement. Nous citons la compétence constitutionnelle des provinces, dont quatre ont demandé à faire comparaître leurs représentants devant vous. Nous citons les articles 7 et 8 de la Charte des droits et libertés. Nous parlons aussi de l'article 2 de la Charte. Nous affirmons que le projet de loi contrevient aux lois fédérales et provinciales sur la protection de la vie privée en général et sur la confidentialité des dossiers médicaux en particulier, lois qui protègent les renseignements les plus personnels et confidentiels des gens. Le projet de loi viole le droit civil et légal fondamental au secret professionnel de l'avocat. Il impose des règles de reddition de comptes et de divulgation grandement injustes aux organisations syndicales, des règles qui vont beaucoup plus loin que ce qu'on demande aux autres organisations et personnes au Canada. Par la voie détournée de la Loi de l'impôt sur le revenu, il crée un dangereux précédent en matière d'intrusion du gouvernement fédéral dans les affaires des organisations indépendantes et des personnes et organisations alliées et associées à celles-ci et de divulgation de ces affaires. Il impose des règles et des contraintes administratives inutiles et déséquilibre le rapport de force sur le marché du travail et avec nos adversaires et les employeurs.

Je conclurais en citant M. Rathgeber, député d'Edmonton—St. Albert, qui a dit le 12 décembre, soit le jour où le projet de loi a été adopté à la Chambre et renvoyé au Sénat :

En ma qualité de législateur, j'ai de la difficulté à établir exactement en quoi l'intérêt public est servi par ce type de projet de loi [...]

Il a ensuite déclaré que les syndicats étaient essentiellement des groupes privés au même titre que les barreaux et les associations industrielles, qui ont droit à des déductions fiscales, et il a renchéri en disant ce qui suit : « Je ne peux donc pas accepter la prémisse selon laquelle les cotisations syndicales payées après impôt sont en quelque sorte similaires à des deniers publics et créent donc un intérêt public ».

Le SCFP, qui est le plus important syndicat du Canada, demande aux législateurs de rejeter le projet de loi, de le renvoyer à la Chambre et de ne pas l'adopter. Le projet de loi va à l'encontre de tout ce qui est dans l'intérêt de la population au sein de l'un des mouvements syndicaux les plus démocratiques du monde.

Le président : Merci, monsieur Moist. Je vais passer immédiatement à ma liste de sénateurs qui souhaitent poser des questions.

Le sénateur Oliver : J'aimerais poser une question aux deux premiers intervenants de l'après-midi, et ma question concerne l'opinion de M. Bastarache. Vous avez dit dans votre déclaration préliminaire que le projet de loi constitue une entrave à la liberté d'expression et à la vie privée, qu'il n'est pas conforme à la Charte et qu'il entraînerait des coûts supplémentaires, des perquisitions et saisies déraisonnables, la divulgation de renseignements personnels de nature délicate et toutes sortes d'autres choses.

Dans sa décision, M. Bastarache dit, au sujet de la conformité avec la Charte, qu'il est peu probable que la Cour conclue que le projet de loi limite la liberté d'association aux termes de l'alinéa 2d). Même si c'était le cas, parce que tout cela vise au fond à accroître la transparence et la responsabilisation en ce qui concerne les avantages fiscaux, toute infraction serait probablement justifiée aux termes de l'article premier de la Charte.

Comme c'est ce que M. Bastarache conclut, j'aimerais savoir ce qui vous fait dire que certains droits fondamentaux prévus par la Charte sont enfreints par le projet de loi.

M. Mancinelli : Je n'ai pas lu la décision, et, Dieu merci, il y a plus d'un juge à la Cour suprême.

M. Dassios : Je l'ai lue. Ce n'est pas une décision; c'est une opinion. Cela n'a pas pris de temps. C'est un texte de trois pages. M. Bastarache était connu pour avoir des opinions dissidentes lorsqu'il était juge à la Cour suprême du Canada, et il semble continuer de faire carrière dans le domaine maintenant qu'il est avocat au sein de l'un des plus importants cabinets spécialisés en droit du travail et affiliés au patronat. Le moment qu'il a choisi pour faire sa déclaration était intéressant, puisque le bureau de la sénatrice Ringuette a diffusé un communiqué le 24 mai dans lequel il est écrit ce qui suit : « On ne peut trouver aucun constitutionnaliste pour défendre la constitutionnalité du projet de loi antisyndical C- 377. » C'est à ce moment-là que l'opinion de M. Bastarache a été publiée, comme par miracle.

Je ne suis pas du tout d'accord avec M. Hochstein lorsqu'il dit qu'il s'agit d'une opinion claire. Ce n'est pas le cas. M. Bastarache dit que le projet de loi est susceptible d'être maintenu par les tribunaux, qu'il semble, d'après les témoignages devant le Sénat, qu'il a trait à l'imposition et donc que, tant qu'il porte sur des questions de transparence sur le plan financier, il est constitutionnel. Les gens qui dénigrent ma profession appellent cela des propos ambigus. Je pense que c'est plutôt ce qu'on devrait appeler se couvrir. Il ne s'agit pas d'une opinion claire et retentissante concernant la constitutionnalité du projet de loi.

Elle comporte d'autres lacunes encore plus grandes. M. Bastarache affirme que, selon la répartition des pouvoirs, le gouvernement fédéral est fondé à s'occuper de ce qui est visé par le projet de loi. Il ne cite pas l'arrêt Imperial Oil, dont la référence figure à la note 9 de notre mémoire, et qui a été rendu par la Cour suprême du Canada en 1963. Je vous en lis un extrait : « La réglementation des affaires financières des syndicats ne relève pas de la compétence législative du gouvernement fédéral; elle relève de la compétence législative des provinces. » Comment peut-on en arriver à la conclusion que la chose relève de la compétence fédérale sans citer cet arrêt?

Dans son avis, M. Bastarache n'aborde pas l'inexistence d'un lien quelconque entre les dispositions du projet de loi et toute question liée à l'imposition. Le projet de loi ne prévoit pas la perte du statut fiscal. Il ne précise pas la façon de calculer l'impôt qu'on doit verser. Encore une fois, il s'agit là à mon avis d'une chose qui prouve l'inconstitutionnalité du projet de loi en fonction de la répartition des pouvoirs.

Enfin, je suis en profond désaccord avec M. Hochstein lorsqu'il dit que le fait que les syndicats soient visés, et pas les organisations traitées de façon similaire aux fins fiscales liées à la loi, ne change rien à la constitutionnalité de la loi. J'affirme que c'est le cas. Je l'affirme parce que la discrimination entre des groupes semblables constitue une très forte preuve de déguisement de la législation. L'adoption d'une loi déguisée est un motif suffisant pour la faire annuler. Vous pouvez jeter un coup d'œil sur l'affaire concernant les droits d'usage des eaux du fleuve Churchill.

La sénatrice Hervieux-Payette : J'ai quelques questions à poser à M. Hochstein. Tout d'abord, est-ce que votre organisation mène des activités de lobbying, que ce soit auprès du gouvernement de la Colombie-Britannique, du gouvernement fédéral ou auprès d'autres gouvernements que votre association représente?

M. Hochstein : Oui.

La sénatrice Hervieux-Payette : Est-ce que c'est déductible d'impôt?

M. Hochstein : Déductible d'impôt?

La sénatrice Ringuette : Vous êtes un organisme sans but lucratif; vous ne payez pas d'impôts.

M. Hochstein : Nous sommes un organisme sans but lucratif; c'est exact.

La sénatrice Hervieux-Payette : Très bien. Est-ce que vous publieriez les renseignements concernant le salaire de tous vos gestionnaires et de tous vos employés?

M. Hochstein : Eh bien, nous fournissons un rapport annuel, des états financiers vérifiés. Nous les présentons à l'occasion de notre assemblée générale annuelle, qui est l'un des plus courus des événements que nous organisons. L'autre chose, c'est qu'il y a vraiment une différence fondamentale entre les organisations ouvrières et la mienne.

Personne n'est obligé de devenir membre de l'organisation que je représente. Personne n'est forcé de verser des cotisations. Il y a des gens — environ 300 000 personnes — qui paient des cotisations syndicales et qui ne sont pas membres d'un syndicat.

Nos organisations sont fondamentalement différentes. Comme les syndicats ont des pouvoirs particuliers, je pense que ceux-ci s'assortissent de responsabilités particulières. Il s'agit notamment d'une transparence accrue.

La sénatrice Hervieux-Payette : Lorsque j'ai lu le nom de votre organisation, l'Independent Contractors and Businesses Association of British Columbia, j'ai présumé que vos activités se limitaient à la Colombie-Britannique. Est- ce le cas?

M. Hochstein : Oui.

La sénatrice Hervieux-Payette : Pour ce qui est des grands projets d'infrastructure que vous avez mentionnés déjà — et dont vous avez remercié le gouvernement de les avoir mis en place —, qui a contribué au financement de ces projets selon vous si ce n'est les contribuables canadiens et probablement ceux de la province de la Colombie-Britannique aussi?

M. Hochstein : Je pense que la province de la Colombie-Britannique contribue assurément, et je pense que l'ensemble des contribuables canadiens contribue aux frais et aux activités du gouvernement.

La sénatrice Hervieux-Payette : Vous voyez : la transparence va de pair avec la provenance de l'argent. Dans ce cas- ci, ce sont des deniers publics qui sont dépensés.

Est-ce que les frais sont liés aux négociations que vous menez? Est-ce que les montants que vous versez à vos avocats, à vos comptables et à toute l'équipe que vous constituez pour négocier les marchés sont publiés?

M. Hochstein : Lorsqu'on soumissionne pour des travaux publics, puisque c'est de cela que vous parlez, au fond, il y a différentes règles. Les soumissions doivent être publiques. Lorsqu'on fait des travaux dans le privé, on négocie avec le propriétaire. Dans ce cas, il est possible de ne pas inviter à soumissionner tous les gens qui seraient qualifiés. Dans le secteur public, pour ce qui est des travaux publics, donc, le processus de soumission est ouvert à tous. Les règles sont différentes dans le secteur public et dans le secteur privé.

La sénatrice Hervieux-Payette : Je veux voir chacun des postes budgétaires. Ce que les syndicats font, c'est qu'ils regroupent les sommes versées en salaires, les sommes versées à titre de contributions, et cetera. C'est ce que vous faites. J'ai travaillé auprès d'une entreprise de génie qui présente des soumissions, et je sais que, lorsqu'on ouvre la réponse, le pouls s'accélère, parce qu'on n'est pas sûr d'avoir décroché le contrat.

M. Hochstein : Précisément.

La sénatrice Hervieux-Payette : Vous recevez les documents de l'appel de soumissions, et vous devez les remplir. Ce que j'essaie de dire, c'est que l'infrastructure publique est payée à même les deniers publics. Ce que j'essaie de vous dire, c'est que, vu la quantité de renseignements qu'on demande aux gens qui exécutent les projets en question, est-ce que vous voulez savoir ce que la veuve va recevoir et que tout cela soit publié dans un site web? J'essaie de comprendre pourquoi vous trouvez tout cela si extraordinaire, alors que la majeure partie des renseignements en question ne présentent absolument aucun intérêt pour la population.

M. Hochstein : Je pense que la question de la protection des renseignements personnels et tout le reste a été réglée. Certains des changements qui avaient été proposés ont été apportés par voie d'amendement à la Chambre des communes. Le gouvernement doit trouver un équilibre entre le respect de la vie privée et la transparence, et j'estime qu'il a trouvé cet équilibre.

La sénatrice Hervieux-Payette : Est-ce que les membres de votre association seraient disposés à divulguer ces mêmes renseignements concernant toutes leurs activités? Si vous voulez que les règles soient équitables et qu'il y ait un équilibre, alors pourquoi le syndicat d'employés devrait-il fournir tous les renseignements concernant chacun des postes budgétaires? Dans bien des cas, il peut s'agir de sociétés cotées en bourse, et donc leurs états financiers sont publics. Pourquoi les états financiers des syndicats ne vous suffisent-ils pas?

M. Hochstein : Lorsqu'on soumissionne pour l'exécution de travaux publics, si le propriétaire public souhaite obtenir davantage de renseignements sur les salaires — et ce qu'on converse aux travailleurs ainsi que les avantages font partie de cela —, les employeurs qui veulent soumissionner doivent se plier à la demande.

Le problème qui se pose, c'est que les mouvements syndicaux ont des pouvoirs extraordinaires. Les gens qui ne veulent pas faire partie de l'organisation doivent quand même lui verser des cotisations. Il s'agit de situations complètement différentes.

La sénatrice Hervieux-Payette : Aimeriez-vous négocier avec les gens qui ne font pas partie des syndicats et avec les syndicats, auquel cas les gens qui ne font pas partie de syndicats seraient probablement très avantagés? Comment faire pour négocier avec de nombreux employeurs ayant un chiffre d'affaires de plusieurs millions de dollars et avec chacune des personnes concernées, tour à tour? Comment ces personnes seraient-elles traitées? Quel genre de contrats obtiendraient-elles au bout du compte?

Prenons simplement les deux catégories de travailleurs qui existent au pays : ceux qui sont syndiqués et ceux qui ne le sont pas. Quelle est la différence de salaire entre les deux, en pourcentage?

M. Hochstein : Elle est vraiment très petite dans le secteur de la construction. Dans notre marché, si le syndicat a du travail, les gens travaillent pour les syndicats. Si les syndicats n'ont pas de travail, les gens viennent travailler pour nous. Si on ne les paie pas suffisamment, si on ne leur offre pas le taux en vigueur sur le marché, les travailleurs n'acceptent pas les emplois offerts. À l'heure actuelle, il y a une pénurie de travailleurs qualifiés. On ne peut pas risquer d'en perdre parce qu'on veut les payer 1, 2 ou 3 $ l'heure de moins. Dans le secteur des ateliers ouverts, dans mon secteur, le taux horaire est déterminé par le marché, et non par le mouvement syndical.

Le président : Merci.

Le sénateur Segal : J'ai deux questions brèves à poser. La première s'adresse à M. Mancinelli. Votre syndicat a la réputation de travailler très fort pour éviter les grèves. Il a la réputation d'essayer de trouver un terrain d'entente avec les employeurs. Il a aussi la réputation de mettre au point des programmes d'avantages sociaux assez importants pour ses membres. Pour ce qui est de ces relations de travail, pouvez-vous me donner une idée de ce que serait la contribution du projet de loi, quelle qu'elle soit, et qu'elle soit positive ou négative?

M. Mancinelli : Merci d'avoir posé la question. En fait, le projet de loi mine nos relations. En 35 ans de carrière à l'UIJAN, je n'ai pas été témoin d'une seule grève de grande envergure.

Je me souviens de quelques escarmouches çà et là, mais rien vraiment d'important. Nous sommes fiers des bonnes relations que nous entretenons avec nos entrepreneurs. Nous ne disons pas que ce sont nos « adversaires », nous disons que ce sont « nos partenaires ». Nous travaillons en étroite collaboration avec eux et essayons de nous faire une bonne idée de ce que peuvent supporter les marchés, de façon à ce qu'ils puissent continuer de réaliser des profits et d'embaucher nos membres. Nous nous entendons très bien.

Si le projet de loi est adopté, les groupes exemptés de son application — par exemple, les entrepreneurs indépendants de la Colombie-Britannique dont nous venons d'entendre le témoignage ou les entrepreneurs de l'atelier Merit — vont avoir accès à des renseignements sur nos relations avec nos entrepreneurs, et, pour être très franc avec vous, nous, nous n'aurons accès à aucune information. Nous allons être vraiment désavantagés.

Disons que nous entamons des négociations. Ils vont pouvoir consulter nos états financiers, voir tout ce qui est plus de 5 000 $. Cela pourrait nuire grandement à notre organisation.

Ce sont des intérêts concurrents. Les entrepreneurs de l'atelier Merit ne sont pas nos amis; ce sont des gens qui ont des intérêts concurrents. Ce n'est pas une coïncidence s'ils adorent le projet de loi qui est proposé, puisqu'ils vont avoir accès à nos renseignements et, vont pouvoir les utiliser contre nous. C'est fondamentalement mauvais. C'est ce qui est injuste. Nous sommes les seuls à avoir à soumettre de l'information, et eux n'ont pas à le faire. Cela pose problème, et c'est injuste.

Le sénateur Segal : Monsieur Hochstein, si je vous disais que le projet de loi pouvait selon moi être adopté rapidement dans sa version actuelle et que, si nous adoptions un amendement faisant en sorte que tous vos membres aient à divulguer les mêmes renseignements au sujet de leurs activités que les syndicats, est-ce que ce serait un amendement que vous seriez disposé à recommander auprès de vos membres?

M. Hochstein : Seulement si vous acceptez un autre amendement. Cet autre amendement, ce serait que tout le monde dans le secteur de la construction soit forcé de devenir membre de mon organisation et à lui verser des cotisations syndicales.

Le sénateur Segal : Un instant. Je ne vous pose pas une question au sujet de la formule Rand. Ce n'est ni le lieu ni le moment d'en discuter.

M. Hochstein : Si vous comparez des pommes avec des pommes, sénateur...

Le sénateur Segal : Votre réponse à ma question est non?

M. Hochstein : Ma réponse à votre question est oui, si nous pouvons faire adopter un autre amendement en même temps.

Le sénateur Segal : Si je vous dis que je ne suis pas prêt à transformer complètement la formule Rand pour faire adopter le projet de loi, vous allez donc devoir me dire que non, vous n'êtes pas prêt à adopter l'amendement obligeant vos membres à divulguer certains renseignements?

M. Hochstein : Je vous dirais que, tant que les règles du jeu ne seront pas les mêmes pour tous, ce sera une mesure injuste.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Mancinelli, vous êtes le vice-président international de votre syndicat. Vous nous expliquez à quel point la divulgation des renseignements en question serait désastreuse pour votre syndicat.

Je présume que vous savez comment les choses se sont passées aux États-Unis. Parlez-moi de la situation désastreuse qui s'est produite là-bas et des raisons pour lesquelles les mesures en question se trouvent encore dans les livres et figurent toujours dans la loi 20 ans plus tard?

M. Mancinelli : Les dispositions concernant la divulgation en vigueur aux États-Unis sont loin d'avoir la portée du projet de loi C-377. Si on vous a dit autre chose — et j'ai lu la transcription du témoignage de personnes qui sont venues ici et qui ont dit que la législation est très semblable dans beaucoup de pays du monde, dont les États-Unis — c'est faux. On vous a menti.

En réalité, les dispositions en vigueur aux États-Unis ont une portée beaucoup moins grande que le projet de loi C- 377. Il y a des exigences de déclaration à l'aide des formulaires LM-1 et LM-2 en vigueur aux États-Unis. Les gens n'ont pas à divulguer le genre de renseignements personnels dont il est question dans le projet de loi C-377. En fait, pendant l'administration Bush, à un moment donné, on a essayé d'accroître la portée de la divulgation — sans en arriver à quelque chose d'aussi draconien que ce qui est proposé dans le projet de loi C-377 —, et les dispositions ont été abrogées parce que le département du Travail — et non pas l'IRS, soit dit en passant —, a dit qu'elles étaient trop difficiles à appliquer, et on a laissé tomber. On a abrogé certaines des dispositions législatives exigeant une divulgation accrue, et on est revenu au régime en vigueur 40 ans plus tôt.

Le sénateur Massicotte : J'ai essayé de lire autant que j'ai pu au sujet de ce qui s'est passé aux États-Unis. Je pensais que c'était aux États-Unis que la divulgation était la plus importante — il y a beaucoup de choses, tous les débours de plus de 5 000 $. Est-ce que ce que nous avons devant nous n'est pas semblable à ce qui est en vigueur aux États-Unis?

M. Mancinelli : Non.

Le sénateur Massicotte : Il n'est pas obligatoire de divulguer, de détailler les débours de 5 000 $, même pour les grands syndicats?

M. Mancinelli : Je ne sais pas quelles sont les obligations des autres syndicats.

Le sénateur Massicotte : C'est le cas pour les grands syndicats, je crois. Aux États-Unis, les syndicats sont répartis en trois catégories. Les petits syndicats ont des obligations limitées. Les grands syndicats n'ont pas à fournir cette ventilation de leurs débours.

M. Mancinelli : Notre syndicat est assez gros. Je dirais que nous comptons probablement un demi-million de membres. D'après ce que je comprends, si j'en crois ce que m'a dit notre directeur général des finances de l'administration centrale, les dispositions concernant la divulgation qui sont en vigueur aux États-Unis sont de portée beaucoup moins grande que celles qui sont proposées dans le projet de loi.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Hochstein, j'ai de la difficulté avec le projet de loi. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici. Je ne sais pas encore quoi en penser. On se fait l'avocat du diable en fonction de la personne qu'on a devant soi. J'ai de la difficulté à trouver un point de départ. L'argument qu'on avance, c'est que, comme les employés syndiqués obtiennent une déduction d'impôt pour leur cotisation, automatiquement, les exigences en matière de déclaration doivent être plus grandes que celles qui sont imposées aux sociétés privées. J'ai de la difficulté à comprendre cela.

Essentiellement, vous dites que, parce qu'il y a une déduction, c'est quelque chose qui, pour vous, n'est pas accordé normalement et qu'il ne serait pas juste d'accorder aux employés. J'ai de la difficulté à comprendre cela. J'ai examiné ce qui s'est passé au Royaume-Uni, dans plusieurs pays de l'OCDE et aux États-Unis. Tout le monde a le droit de déduire ses cotisations syndicales, mais pas partout. On parlait de l'expérience américaine, mais les exigences en matière de déclaration ne sont pas les mêmes partout. Les employeurs peuvent déduire des frais juridiques relativement à la collecte de leurs salaires, et, dans certaines situations, des frais de déplacement.

Pourquoi en faites-vous tout un plat et dites-vous que, comme les cotisations syndicales sont déductibles, vous avez besoin de tous les renseignements en question? J'arrive mal à voir le lien.

M. Hochstein : J'espère pouvoir vous aider. Ce que je pense, c'est qu'il s'agit assurément d'une dépense fiscale pour les syndicats. Essentiellement, ils ont un pouvoir d'imposition. Ils peuvent imposer les gens qui ne veulent pas faire partie de leur organisation, et les gens doivent leur verser des cotisations. Eh bien, il s'agit là d'un pouvoir unique dont seuls les syndicats disposent.

Les entreprises que je représente n'ont pas ce pouvoir.

Le sénateur Massicotte : Si c'était cela l'argument, alors je dirais qu'il est évident que c'est un problème lié au code du travail des provinces, et non un problème relevant du gouvernement fédéral. Je vous dirais ensuite que nous n'avons pas entendu beaucoup de plaintes de la part des membres de syndicats à ce chapitre. Je peux imaginer qu'il y en ait, mais nous n'avons pas eu un appui massif en ce sens ou une conséquence majeure de cette situation.

M. Hochstein : Je pense qu'il faut que vous jetiez un coup d'œil sur les sondages, sénateur. Quatre-vingt-six pour cent des membres des syndicats estiment qu'il est important d'accroître la transparence, et 83 p. 100 des Canadiens sont du même avis.

Le sénateur Massicotte : Pouvons-nous obtenir un exemplaire de ce sondage? Je sais que vous l'avez cité.

[Français]

Le sénateur Bellemare : Je voulais vous entendre sur la façon dont le Québec a procédé dernièrement pour l'industrie de la construction. Il y a eu une loi qui a été adoptée en 2011. Cette loi amende le Code du travail et elle dit que toute association visée par un des paragraphes ...

Ce projet de loi, c'est la loi 33, c'est une loi qui concerne l'industrie de la construction relative au placement syndical. Il y a eu un amendement au Code du travail qui a été incorporé et qui oblige les associations syndicales et patronales dans le domaine de la construction de tenir et de diviser sa comptabilité de manière à ce que chaque genre de services et avantages accordés aux membres puissent être administrés séparément et faire l'objet de caisse ou fonds distinct. Une telle association doit faire vérifier ses états financiers chaque année selon les principes comptables généralement reconnus et en transmettre gratuitement copie à tous ses membres. Elle doit aussi transmettre copie au ministre accompagnée de la déclaration dont le contenu est fixé par arrêté du ministre. La déclaration est publiée sur le site Internet du ministère du Travail et le ministre peut exiger de l'association tout renseignement qu'il juge utile à la suite de son examen de la déclaration et des états financiers ainsi que soumettre ces derniers à une nouvelle vérification.

Qu'est-ce que vous pensez de ce genre de transparence, d'obligation de transparence?

[Traduction]

M. Hochstein : Plus la transparence sera grande, mieux ce sera; et plus les membres des syndicats et le public auront accès à l'information, mieux ce sera également. Je pense que c'est une bonne chose que ces mesures existent.

M. Moist : On s'attaque à un groupe en particulier. Les syndicats n'ont pas de statut spécial au Canada. Avant de venir à Ottawa, j'ai été conseiller non juriste au sein de la Société du Barreau du Manitoba. Les avocats qui ont les qualifications nécessaires pour exercer au Manitoba doivent payer des droits à l'Association du Barreau du Manitoba. Ces droits sont déductibles d'impôt. On n'exige pourtant pas des organisations de ce genre qu'elles divulguent certains renseignements.

J'ai un parent qui est membre de la Manitoba Medical Association ainsi que de l'Association médicale canadienne. Les médecins possédant les qualifications requises pour exercer au Manitoba doivent devenir membres de la Manitoba Medical Association, et leurs droits d'inscription sont déductibles d'impôt. Le projet de loi isole complètement un groupe de la société, et son auteur n'a jamais reçu de plaintes de la part d'un seul membre de syndicat du Canada — pas un seul. C'est donc assurément un projet de loi qui isole un groupe. Je ne suis pas du tout d'accord avec ce qui a été dit tout à l'heure. Le projet de loi isole un segment de la société qui est considéré comme étant vulnérable, dans l'intention très malveillante de saper ses forces.

Le président : Merci, monsieur Moist.

La sénatrice Ringuette : Je suis tout à fait d'accord pour dire que nous sommes témoins d'un assaut continuel livré à la classe moyenne.

Monsieur Hochstein, j'aimerais que vous visitiez le site web du comité et que vous consultiez la transcription de la réunion au cours de laquelle Mme Stoddart, la commissaire à la protection de la vie privée, est venue témoigner. Le problème est clair. Le projet de loi ne passe pas l'épreuve de la Loi sur la protection des renseignements personnels, alors s'il vous plaît, lisez le témoignage de Mme Stoddart.

J'ai deux questions pour M. Mancinelli. En ce qui concerne les exigences en vigueur aux États-Unis selon ce que vous avez dit, est-ce que les organisations d'employeurs doivent divulguer les mêmes renseignements?

M. Mancinelli : Oui.

La sénatrice Ringuette : Ah oui?

M. Mancinelli : Oui.

La sénatrice Ringuette : C'est drôle que le parrain du projet de loi n'ait pas pris l'initiative d'en parler dans son exposé. M. Hiebert a toutefois dit qu'il est possible de voir les contributions faites aux partis politiques du Canada dans le site web américain. C'est ce qu'il a dit lorsqu'il est venu témoigner. Il a dit devant notre comité et devant le comité de la Chambre des communes que certains syndicats internationaux produisant leurs déclarations aux États-Unis versent des contributions à des partis politiques du Canada. Le saviez-vous?

M. Mancinelli : Je ne le savais pas. Simplement pour que ce soit clair, j'aimerais vous dire que nous ne versons aucune contribution à l'échelon fédéral, d'abord et avant tout parce que la loi l'interdit. Pour ce qui est de la divulgation aux États-Unis, on n'y divulgue pas les dons faits aux partis politiques du Canada. Il y a aux États-Unis des pactes en vigueur qui font en sorte qu'il est légal pour les syndicats de contribuer à la caisse des partis politiques, alors que ce n'est pas le cas ici; c'est donc un système très différent.

Je crains que nous ne comparions des pommes avec des oranges et que nous fassions ainsi des comparaisons qui, très franchement, ne tiennent pas debout.

La sénatrice Ringuette : Ma dernière question s'adresse à MM. Dassios et Moist. Monsieur Hochstein, vous avez déjà répondu à cette question qui vous a été posée par le sénateur Segal.

Y aurait-il une façon d'amender le projet de loi pour qu'il puisse être acceptable?

M. Dassios : Non. On peut redisposer les chaises sur le pont pendant que le navire se dirige vers l'écueil constitutionnel, mais on n'empêchera pas l'accident de se produire de cette façon. Le projet de loi est fondamentalement inconstitutionnel. Le gouvernement ne peut rien faire dans le domaine où il se propose d'intervenir. Soit on monte sur le pont et on ramène le bateau à bon port, soit on frappe l'écueil et on se retrouve conspués en même temps que les auteurs criminels du projet de loi.

La sénatrice Ringuette : Essentiellement, vous êtes en train de dire — et je renvoie à votre insistance sur la responsabilité du Sénat — que, avant de faire passer le projet de loi à la prochaine étape, nous devrions demander au gouvernement fédéral de le renvoyer à la Cour suprême du Canada pour qu'elle en examine la constitutionnalité.

M. Dassios : Cela permettrait d'épargner beaucoup d'argent.

La sénatrice Ringuette : Cela permettrait de faire épargner à tous des centaines de millions de dollars.

M. Dassios : Assurément.

Le sénateur Tkachuk : Monsieur Mancinelli, j'ai noté votre réponse à la question que la sénatrice Ringuette vient de vous poser concernant les contributions. Vous avez parlé de « contributions à l'échelon fédéral ». Qu'en est-il des contributions à l'échelon provincial? Est-ce qu'on peut les trouver sur les sites Web des États-Unis?

M. Mancinelli : Non. Pas que je sache.

Le sénateur Tkachuk : Il faut bien que vous le sachiez ou que vous ne le sachiez pas.

M. Moist : Je ne le sais pas.

Le sénateur Tkachuk : Seriez-vous content si les mêmes règles de divulgation qu'aux États-Unis étaient adoptées? Si le projet de loi reprenait ces règles de divulgation, seriez-vous content?

M. Mancinelli : Non. Je pense que mes collègues américains vous diraient très clairement qu'il « s'agit d'exigences de divulgation difficiles à respecter. Notre organisation débourse des centaines de milliers de dollars pour divulguer des renseignements qui, très franchement, devraient demeurer confidentiels et n'être divulgués qu'aux membres du syndicat. C'est là le problème fondamental que pose le projet de loi C-377.

Nous avons des membres, et ceux-ci paient des cotisations. Ils ont un droit absolu à une divulgation complète; et je suis entièrement d'accord avec cette idée. Ils disposent d'un NIP pour accéder par voie électronique à leurs renseignements de nature financière, dont leur régime de retraite, afin qu'ils puissent voir combien d'argent est dépensé dans leur régime de retraite et combien d'argent ils vont recevoir. Je ne suis pas sûr de l'utilité que va avoir la publication de ces renseignements dans un site web public. La divulgation qui nous préoccupe dans ce cas-ci, c'est celle que nous faisons auprès de nos membres, mais nous l'assurons déjà.

Nous avons des comptables qui préparent les états financiers vérifiés chaque année. Les états financiers que nous remettons à nos membres sont vérifiés par des comptables agréés du Canada. Très franchement, je ne suis pas sûr qu'il soit utile de remettre ces états financiers à mes concurrents. Cela n'a tout simplement pas de sens.

Le sénateur Tkachuk : C'est ce que font les Américains.

M. Mancinelli : C'est la raison pour laquelle ils ne seraient pas d'accord, sénateur.

Le sénateur Tkachuk : Dans le site web des États-Unis, je peux faire une recherche concernant le formulaire de divulgation LM-2 du département du Travail, et j'arrive ainsi à trouver les salaires, les débours, le temps consacré aux activités politiques, à l'administration. En quoi cela pose-t-il problème? En quoi est-ce si difficile? Si on peut simplement visiter un site web américain pour trouver ces renseignements, pourquoi est-ce si difficile à faire au Canada?

M. Mancinelli : C'est très difficile pour nos membres et pour nos organisations des États-Unis, et ils estiment que les dispositions législatives adoptées dans ce pays sont draconiennes et difficiles à appliquer. J'ai toujours pensé que le Canada était un pays très différent des États-Unis, beaucoup plus juste et plus démocratique, très franchement.

Le sénateur Moore : Merci aux témoins d'être ici.

Je dois dire que je suis d'accord avec M. Moist. J'ai pendant longtemps été membre de la Nova Scotia Barristers' Society, et lorsque j'ai pu devenir avocat, il a fallu que je paie des cotisations. J'en paie encore. Celles-ci sont déductibles d'impôt, tout comme celles que paient les membres d'un syndicat. J'ai aussi été membre d'un syndicat. J'ai payé mes cotisations, et celles-ci étaient déductibles d'impôt. Je ne comprends pas pourquoi M. Hochstein dit que les membres de son association ne peuvent pas déduire leurs cotisations. Vos membres peuvent déduire toutes sortes de dépenses. Vous profitez des mêmes avantages. Vous profitez d'avantages dans le cadre de la Loi de l'impôt sur le revenu.

M. Hochstein : Ah oui?

Le sénateur Moore : Oui, c'est sûr que vous avez des avantages.

Ce que je ne comprends pas, dans le contexte de l'activité commerciale au Canada, c'est que vous pensiez qu'il est bénéfique pour l'une des parties aux négociations de connaître tous les renseignements de nature financière concernant l'autre partie. En quoi est-ce bénéfique pour le Canada selon vous?

M. Hochstein : Si vous jetez un coup d'œil sur les autres pays où les renseignements en question sont rendus accessibles, vous constaterez que les syndicats existent toujours. Ils sont toujours puissants. Ils continuent de négocier avec les employeurs et d'obtenir des règlements qu'ils mettent aux voix et qu'ils acceptent, alors cette façon de procéder doit fonctionner.

Le sénateur Moore : Elle doit fonctionner. Croyez-vous que ce qui est proposé est juste?

M. Hochstein : Je pense que ce qui est proposé permettra d'harmoniser la situation du Canada avec celle d'autres pays, et c'est ce que les Canadiens et les membres du syndicat souhaitent.

Le sénateur Moore : Dans le cadre de négociations, si l'une de vos entreprises négociait avec le syndicat de M. Mancinelli, fournirait-elle à son agent négociateur tous les renseignements que vous vous attendez à ce qu'il présente?

M. Hochstein : Je ne sais pas très bien en quoi les renseignements concernant le salaire que touchent les gens, l'argent qui est consacré en général aux négociations syndicales et l'argent qui est versé à des comités d'action politique seront utiles dans le cadre des négociations, franchement, puisque ces négociations concernent les salaires et les avantages sociaux.

Le sénateur Moore : Vous voulez connaître l'ensemble des actifs et des passifs, et donc des forces et des faiblesses du syndicat, dans ce cas-ci, mais vous refusez de communiquer les mêmes renseignements à l'autre partie.

M. Hochstein : Eh bien, sénateur, ça arrive parfois. S'il s'agit d'une société ouverte, tous ces renseignements sont accessibles.

La sénatrice Hervieux-Payette : Non.

La sénatrice Ringuette : Ce n'est pas vrai.

Le sénateur Moore : Non, ce n'est pas vrai. Je veux ajouter une autre chose, monsieur le président. Si vous lisez le projet de loi attentivement, vous constaterez qu'il ne s'agit pas seulement des dépenses de 5 000 $; ça peut être n'importe quoi. Il faut le lire attentivement — examiner les virgules et les points sur les i, les plus et les et. Il s'agit de toutes les dépenses. Qu'en pensez-vous, messieurs?

M. Dassios : C'est scandaleux, sénateur. Il n'y a aucune raison d'adopter le projet de loi. Vous avez parlé de ce qui s'est passé aux États-Unis. Il y a un rapport rédigé par John Lund...

Le président : Monsieur Dassios, je vais vous demander de conclure rapidement. Il reste deux questions, et le temps de séance du comité est déjà écoulé.

M. Dassios : Lisez la note 25 de notre mémoire. Vous apprendrez certaines choses au sujet des États-Unis.

Le sénateur Greene : J'ai une question à poser rapidement. Ai-je raison de présumer que les travailleurs qui paient des cotisations syndicales, mais qui ne sont pas membres du syndicat n'ont pas le même accès que les membres aux documents de nature financière?

M. Moist : Ce n'est absolument pas le cas dans la plupart des provinces. Quatre-vingt-quinze pour cent des membres du SCFP sont régis par les provinces. Je connais surtout la situation au Manitoba. Tous les membres de syndicats ont des droits en vertu de la loi manitobaine. Il semblerait que les représentants du gouvernement manitobain vont venir témoigner.

Le sénateur Greene : Prenons l'exemple d'une personne qui n'est pas membre du syndicat. Je parle d'une personne qui a choisi de ne pas devenir membre du syndicat, mais qui doit quand même payer ses cotisations.

M. Moist : Les gens qui paient des cotisations au Manitoba ont des droits en vertu de la loi. Les représentants du gouvernement manitobain vont vous le confirmer lorsqu'ils viendront témoigner.

Le sénateur Greene : Est-ce la même chose en Ontario?

M. Dassios : Oui, en Ontario, la Loi sur les relations de travail exige que tous les membres de l'unité de négociation aient accès aux états financiers vérifiés.

Le sénateur Greene : Les non-membres sont tout à fait en mesure de téléphoner aux gens à qui ils doivent parler? Quels sont les avantages supplémentaires dont profitent les membres par rapport aux non-membres?

M. Moist : Pour pouvoir prendre part aux affaires du syndicat et occuper un poste au sein de celui-ci, il faut être membre. Dans le cadre des lois s'appliquant à plus de 90 p. 100 des syndicalistes du Canada, les membres d'une unité de négociation — pas les détenteurs d'une carte du SCFP, mais bien tous les membres de l'unité de négociation du zoo de Toronto, par exemple — ont le droit de voter les conventions collectives et ont accès aux états financiers. Les lois sont très claires. Le projet de loi est une solution en quête d'un problème.

La sénatrice Nancy Ruth : Je voulais savoir si vous et vos dirigeants, dans les deux camps, avez déjà discuté de la possibilité de contester le projet de loi, s'il est adopté, sur le fondement de sa constitutionnalité, et réservé les fonds à cette fin.

M. Moist : Cela ne fait aucun doute. Je pense que le mouvement syndical canadien va contester le projet de loi.

La sénatrice Nancy Ruth : Avez-vous d'autres commentaires?

M. Dassios : Si vous voulez savoir si des fonds ont été réservés, vous aurez accès à l'information seulement si le projet de loi est adopté.

M. Mancinelli : Nous sommes prêts à fournir tout l'argent qui sera nécessaire pour contester le projet de loi, parce qu'il enfreint les droits de nos membres ainsi que les droits démocratiques des syndicats du pays.

La sénatrice Nancy Ruth : Vous êtes tout à fait en désaccord avec le juge Bastarache lorsqu'il dit qu'il s'agit d'une limitation raisonnable de vos droits?

M. Mancinelli : Très juste.

La sénatrice Nancy Ruth : Ce qui va se passer va être intéressant à regarder.

Le président : Je voudrais dire à nos témoins que ça a été une séance des plus intéressantes, comme en témoignent la vigueur du débat et le nombre de questions qui ont été posées. Merci beaucoup au nom de tous les membres du comité.

La sénatrice Hervieux-Payette souhaite dire quelque chose avant la levée de la séance.

La sénatrice Hervieux-Payette : Les gens qui ne font pas habituellement partie du comité n'ont peut-être pas reçu le document en question, mais celui-ci sera joint aux délibérations d'aujourd'hui. Stéphane Dion a écrit une lettre. On a dit à quelques reprises ici que le projet de loi était constitutionnel selon lui. Il explique dans sa lettre que ses propos n'avaient rien à voir avec son avis concernant la constitutionnalité du projet de loi. La Chambre des communes décide toujours qu'un projet de loi peut faire l'objet d'un débat ou non. Je pense que le mot clé, c'est « débat », c'est-à-dire que, si le projet de loi est tout à fait farfelu, bien entendu, le comité et la Chambre ne permettront pas qu'il continue d'être examiné. Je parle des projets de loi d'initiative parlementaire. Dans ce cas-ci, M. Dion a dit que, selon lui, il fallait laisser la Chambre et le Sénat en débattre avant de prendre une décision. Le projet de loi n'a pas été bloqué au départ parce qu'il était constitutionnel ou inconstitutionnel. Ce n'est que l'un des nombreux aspects qu'on examine lorsqu'il s'agit de décider qu'un projet de loi est totalement ridicule.

Le président : Vous déposez la lettre aujourd'hui?

La sénatrice Hervieux-Payette : Elle est accessible à tous et au public.

Le président : Merci beaucoup. La séance est levée.

(La séance est levée.)


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