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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 33 - Témoignages du 27 mars 2013


OTTAWA, le mercredi 27 mars 2013

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C- 37, Loi modifiant le Code criminel, se réunit aujourd'hui, à 16 h 16, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à vous, chers collègues, et bienvenue à nos invités et aux membres du public qui regardent les délibérations du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous sommes réunis aujourd'hui pour poursuivre notre étude du projet de loi C-37, Loi modifiant le Code criminel, portant sur les suramendes compensatoires. Je tiens à rappeler aux auditeurs que les séances du comité sont ouvertes au public et qu'elles sont diffusées sur le site web du Parlement, à l'adresse parl.gc.ca. Vous trouverez plus de détails sur les témoins en consultant le site web sous la rubrique « Comités du Sénat ».

Pour commencer la séance d'aujourd'hui, nous avons, dans le premier groupe de témoins, une habituée des travaux de ce comité, Mme Sue O'Sullivan, ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels, à qui nous souhaitons la bienvenue.

[Français]

Sue O'Sullivan, ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels, Bureau de l'ombudsman des victimes d'actes criminels : Bonjour, monsieur le président et chers membres du comité.

[Traduction]

Merci de m'avoir invitée pour discuter du projet de loi C-37, qui vise à modifier les dispositions du Code criminel sur les suramendes compensatoires fédérales. J'accueille avec joie la présentation de ce projet de loi puisqu'elle donne suite à des recommandations que notre bureau a formulées pour faire en sorte que le système réponde mieux aux besoins des victimes d'actes criminels.

Tout d'abord, j'aimerais profiter de l'occasion pour parler de mon rôle d'ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels. Comme vous le savez peut-être déjà, le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels a été créé pour donner une voix aux victimes au niveau fédéral. Nous accomplissons notre mandat en recevant et en examinant les plaintes de victimes, en fournissant des renseignements et des références aux victimes d'actes criminels en vue de promouvoir et de faciliter l'accès aux programmes et aux services fédéraux, en promouvant les principes fondamentaux de la justice pour les victimes d'actes criminels, en sensibilisant le personnel de la justice et les décideurs aux besoins et aux préoccupations des victimes, et en cernant les problèmes systémiques et nouveaux qui ont une incidence défavorable sur ces dernières.

Le Bureau aide les victimes sur une base individuelle et collectivement. Nous les aidons sur une base individuelle en leur parlant au quotidien, en répondant à leurs questions et en traitant leurs plaintes. Nous les aidons collectivement en examinant les enjeux importants qui les concernent et en présentant des recommandations au gouvernement du Canada sur la façon d'améliorer ses lois, ses orientations et ses programmes pour que les victimes d'actes criminels soient mieux soutenues.

J'aimerais commencer en vous informant que notre bureau voit d'un très bon œil les modifications proposées aux dispositions du Code criminel sur les suramendes compensatoires. Les trois modifications proposées dans le projet de loi C-37 sont un pas dans la bonne direction pour répondre aux besoins des victimes d'actes criminels.

La première modification veillera à ce que la suramende soit imposée dans tous les cas sans exception puisqu'elle supprimera le pouvoir du tribunal d'en outrepasser l'imposition.

Aux termes de la deuxième modification, les contrevenants qui seront incapables de payer la suramende pourront s'en acquitter en participant à des programmes provinciaux ou territoriaux offerts comme solutions de rechange au paiement d'une amende.

La troisième modification aura pour effet de doubler le montant de la suramende qu'un contrevenant doit payer. En pratique, le montant de la suramende représentera 30 p. 100 de l'amende infligée ou, si aucune amende n'est imposée, 100 $ pour une infraction punissable par procédure sommaire et 200 $ pour une infraction punissable par mise en accusation.

Dans les faits, ces modifications feront en sorte que les dispositions sur la suramende compensatoire seront appliquées de manière uniforme partout au Canada et que les contrevenants assumeront davantage leurs responsabilités envers les victimes dont la vie a été perturbée. Compte tenu des avantages que les modifications proposées procurent aux victimes d'actes criminels, je suis heureuse d'annoncer que notre bureau appuie sans réserve l'adoption du projet de loi C-37.

La modification des dispositions relatives à la suramende compensatoire a constitué une priorité pour notre bureau, car nous entendons tous les jours des victimes d'actes criminels parler des difficultés qu'elles ont à accéder aux services dont elles ont besoin. Elles nous expriment aussi la frustration qu'elles ressentent à savoir que les contrevenants n'engagent pas leur responsabilité en ce qui concerne le paiement des montants ordonnés par le tribunal, dont les dédommagements ou les suramendes compensatoires fédérales.

De plus, les victimes sont confrontées à de nombreuses difficultés en raison des répercussions psychologiques et socioéconomiques des actes criminels commis à leur encontre. Selon une étude récente du ministère de la Justice, on estime à près de 83 p. 100 les coûts associés aux crimes qui sont assumés par les victimes dont, notamment, la perte de productivité et de salaire, les frais relatifs aux soins médicaux et psychologiques, et les absences du travail pour assister aux instances criminelles. Des victimes nous disent également qu'elles n'ont pas les moyens de payer des séances de thérapie et déplorent l'absence de programme d'indemnisation des victimes d'actes criminels dans leur province ou leur territoire.

L'insuffisance des fonds que devrait générer la suramende pour financer des programmes et des services pour les victimes contribue peut-être à ces obstacles. À l'origine, la suramende devait s'appliquer automatiquement, mais les juges chargés de la détermination de la peine renoncent régulièrement à l'infliger, et ce, même si dans bien des cas aucune preuve n'a été faite que ladite suramende causera un préjudice injustifié au contrevenant.

Des données tirées d'un examen de l'application de la suramende compensatoire fédérale au Nouveau-Brunswick en 2006 révélaient que cette dernière n'avait pas été appliquée dans 66,5 p. 100 des cas étudiés. En outre, dans 99 p. 100 des affaires où la suramende n'avait pas été infligée, aucun document ne venait étayer la décision du tribunal. Comme la suramende n'est habituellement pas infligée, les recettes qui pourraient être consacrées aux services provinciaux et territoriaux d'aide aux victimes sont inférieures à ce qu'elles devraient être. Il est donc évident que la suramende ne remplit pas sa fonction et qu'elle doit être améliorée.

La possibilité que le paiement obligatoire de la suramende cause un préjudice injustifié aux contrevenants suscite des préoccupations. En mettant l'accent sur cet aspect cependant, on perd de vue le préjudice injustifié causé aux victimes. Le projet de loi C-37 favorise une approche plus équilibrée, car il permet d'assurer que la suramende compensatoire sera infligée de manière uniforme dans tous les cas tout en permettant aux contrevenants de participer à des programmes ou mécanismes agissant comme solution de rechange au paiement d'une amende ou d'une suramende.

Les modifications proposées dans le projet de loi C-37 pour doubler le montant de la suramende contribueront à assurer un meilleur financement des services aux victimes et permettront aux contrevenants de réparer les torts qu'ils ont causés en participant au financement de services qui aident les victimes à se relever.

En conclusion, les modifications proposées aux dispositions relatives à la suramende compensatoire fédérale représentent un pas en avant important. Elles proposent un mécanisme plus efficace au moyen duquel les contrevenants peuvent réparer le tort qu'ils ont causé aux victimes et à la collectivité en général, tout en assumant leurs responsabilités pour les actes qu'ils ont commis.

L'application efficace de la suramende compensatoire par l'adoption et la mise en application du projet de loi C-37 fera clairement savoir aux victimes que le système de justice pénale reconnaît les répercussions durables des actes criminels commis à leur égard, ainsi que la nécessité qui en découle de tenir les contrevenants responsables et de faire en sorte que les services provinciaux et territoriaux d'aide aux victimes soient adéquatement financés.

En conséquence, j'encourage le Comité et le Parlement à faire en sorte que le projet de loi C-37 soit adopté, car ce dernier permettra de mieux répondre aux besoins des victimes d'actes criminels au Canada. À titre d'ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels, je remercie le Comité de m'avoir donné l'occasion de mettre en évidence les besoins des victimes d'actes criminels dans le contexte de cet important projet de loi.

[Français]

Je serai heureuse de répondre à vos questions.

[Traduction]

La sénatrice Fraser : Nous sommes très heureux de vous accueillir, madame. Ma première question porte sur les programmes offerts comme solution de rechange aux personnes qui ne peuvent vraiment pas payer leur amende. Je crois que deux ou trois provinces ainsi que trois territoires ne disposent pas de tels programmes.

Mme O'Sullivan : À ce que je sache, sept provinces et trois territoires ont des programmes de solution de rechange à l'amende et trois provinces n'en ont pas.

La sénatrice Fraser : Quelles sont les autres possibilités? Qu'arrive-t-il aux contrevenants de ces provinces?

Mme O'Sullivan : Les trois provinces qui n'ont pas de tels programmes sont la Colombie-Britannique, l'Ontario et Terre-Neuve-et-Labrador. La Colombie-Britannique offre des solutions de rechange, c'est-à-dire différentes façons de régler l'amende ou de convertir cette dernière en travaux communautaires. L'Ontario prévoit la suspension du permis, le recours à des procédures civiles et les demandes de remboursement automatiques. Terre-Neuve-et-Labrador a d'autres outils de perception, dont l'envoi de lettres et d'avis standardisés, et les appels téléphoniques. Pour en savoir plus long à ce sujet, il faudrait poser la question à ces provinces. Cette information a retenu l'attention de notre bureau.

La sénatrice Fraser : Ce qui nous préoccupe c'est qu'on finisse par jeter en prison ceux qui ne peuvent vraiment pas payer ou qui ne disposent d'aucun moyen de régler leur dette en travaillant.

Mme O'Sullivan : Puisqu'il travaille déjà avec les provinces et ces territoires, le ministère de la Justice devrait intervenir auprès de ces trois provinces et les encourager à se doter de programmes de solution de rechange à l'amende.

La décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Wu établit que les tribunaux ne peuvent lancer un mandat de dépôt s'il y a une excuse raisonnable et des circonstances qui s'y appliquent.

Le sénateur Joyal : Ils ne peuvent incarcérer une personne sous le prétexte qu'elle n'est pas capable de payer.

La sénatrice Fraser : Cependant, ce projet de loi ne semble pas permettre cela. Nous sommes donc renvoyés au pouvoir discrétionnaire des juges.

Mme O'Sullivan : Ces trois provinces ont des solutions de rechange. Je pense que ce sont elles qui devraient en parler. J'ose espérer que le ministère de la Justice amorcera un dialogue avec elles à ce sujet.

Avant de venir ici, j'ai lu les délibérations des séances précédentes de votre comité et j'ai su que vous aviez jeté un coup d'œil à l'étude produite par le Nouveau-Brunswick et aux données connexes qui rendent compte du point de vue des victimes. La suramende compensatoire fédérale a été créée en 1988 pour assurer que les provinces et les territoires disposent de fonds pour offrir certains services. Lorsqu'il est question de préjudice injustifié, toutes les victimes à qui je parle me disent : « Je ne veux pas que ce qui m'est arrivé arrive à qui que ce soit d'autre ». Elles reconnaissent que la majorité des contrevenants reviendront dans la collectivité, mais elles ne comprennent pas pourquoi elles n'ont pas accès à plusieurs des services dont elles ont besoin pour composer avec les désagréments d'avoir été victime d'actes criminels.

La sénatrice Fraser : Cela m'amène à ma deuxième question. Des bruits courent selon lesquels le fonctionnement des rouages fédéraux-provinciaux de ce programme est très lourd et très exigeant, et que cela expliquerait pourquoi certaines provinces n'y ont pas adhéré. Elles ont jugé que ça n'en valait pas la peine. Est-ce que cela cadre bien avec la perception que vous avez de la situation? Dans quelle mesure êtes-vous convaincue que tout l'argent amassé — ce qui représentera probablement une somme importante — sera réintroduit dans d'authentiques services aux victimes?

Mme O'Sullivan : L'acheminement de l'argent relève des provinces et des territoires. C'est donc au gouvernement fédéral de voir avec eux ce qu'il en est.

La sénatrice Fraser : Ces aspects concernant les provinces et les territoires ont une composante fédérale.

Mme O'Sullivan : Lorsque je m'entretiens avec les victimes d'un peu partout au pays, on m'indique très clairement qu'il faut des services et des ressources. Les victimes me parlent. Par exemple, une personne qui a vu l'un des siens assassiné m'a dit : « J'ai été l'un des chanceux; on m'a payé neuf séances de counseling, mais je ne me suis pas rendu à la phase précédant l'instruction. »

Nous parlons des besoins en matière de services et des fonds que la suramende permettra de recueillir, et c'est pourquoi c'est si important. Nous ne pouvons tout simplement pas laisser les choses dans leur état actuel parce que les données nous indiquent que l'on ne recueille pas autant de fonds que prévu.

En ce qui a trait aux provinces ou territoires, il y a des éléments uniques. Les gens connaissent leurs collectivités et savent où se trouvent les lacunes. Par exemple, fournir des services dans des collectivités du Nord accessibles uniquement par avion est totalement différent de les fournir dans des centres urbains du Sud. Les provinces et territoires connaissent leurs collectivités et savent où se trouvent les lacunes. Pour le faire, d'après ce que je comprends, ces gens tirent parti le plus possible des ressources limitées dont ils disposent.

Nous devons nous assurer que les provinces et les territoires ont des mécanismes comme la suramende compensatoire fédérale et les fonds nécessaires pour financer des services pour aider les victimes qui, bien involontairement, doivent composer avec les répercussions découlant du fait qu'elles ont été victimes d'un crime.

Le président : L'étude du Nouveau-Brunswick contient des données pour 2000-2001 dans huit provinces. Le Québec qui a obtenu les meilleurs résultats relativement au recouvrement des fonds; c'est l'Ontario qui s'en est le moins bien tiré. Les données d'il y a 12 ans indiquent que les revenus potentiels en Ontario s'élevaient à 6,6 millions de dollars, mais qu'on a recueilli seulement 1,2 million de dollars. L'écart est de 5,5 millions de dollars. Comme je l'ai indiqué, ce sont les chiffres d'il y a 12 ans. Seulement en Ontario, on parle d'un montant annuel de 15 à 20 millions de dollars qui pourrait servir à aider les victimes.

Mme O'Sullivan : Je ne le sais pas. Nous avons essayé de recueillir des renseignements sur les sommes que cela pourrait générer. Manifestement, le rendre obligatoire permettra d'amasser beaucoup de millions de dollars supplémentaires. Quant à savoir exactement combien d'argent pourrait être recueilli, je devrais m'en remettre aux provinces, évidemment.

Ce que nous pouvons dire actuellement, c'est qu'on ne recueille pas les sommes prévues. Le programme ne donne pas les résultats escomptés.

Du point de vue des victimes, c'est un équilibre raisonnable et nous leur devons d'essayer une autre méthode.

Le président : Qu'en est-il de la transparence à cet égard dans les provinces? L'Ontario a un fonds dédié dans lequel sont versés les revenus, mais qu'en est-il des autres provinces? Les fonds sont-ils versés dans les recettes générales?

Mme O'Sullivan : Je devrais laisser à chaque province et chaque territoire le soin de répondre à cela. Je peux vous dire que nous savons que la directive est que cet argent doit être utilisé pour aider les victimes. Pour ce qui est des fonds versés aux provinces et territoires, la directive est très claire : l'argent doit servir au financement des programmes et des services d'aide aux victimes.

Le président : Cela ne devrait-il pas être le rôle de votre organisme? Vous défendez les intérêts des victimes dans l'ensemble du pays, et vous dites que vous ne savez pas ce qui se passe.

Mme O'Sullivan : Je peux vous dire que les compétences de chaque province de chaque territoire font en sorte que ces administrations ont leurs propres lois en ce qui a trait aux services qu'elles offrent.

Le président : Je le sais, mais j'ai posé une question précise pour savoir si l'argent est versé dans les recettes générales ou dans un fonds dédié pour les victimes et vous avez indiqué que vous ne le savez pas. Je pense que vous devriez le savoir. Vous devriez communiquer avec chaque province pour vous assurer que l'argent sert à cette fin.

Mme O'Sullivan : Je m'excuse. Je vais le préciser : oui, l'argent versé aux provinces doit servir au financement des programmes et des services d'aide aux victimes.

Le président : Je le sais. Je vous demande s'il est utilisé à cette fin. C'est quelque chose que vous devriez savoir.

Mme O'Sullivan : Oui, c'est à cela qu'il sert. J'ai rencontré les représentants du groupe de travail fédéral-provincial- territorial et ceux des services aux victimes de chaque province et territoire. Nous avons eu des discussions au sujet de certaines lacunes et des problèmes auxquels ils sont confrontés.

À titre d'exemple, l'Alberta a mené une consultation pour savoir où se trouvent les lacunes et comment utiliser les fonds. Je m'excuse, j'ai mal compris votre question.

Oui, les provinces et territoires offrent des services aux victimes.

Le président : Je vais y revenir plus tard. Je veux donner aux membres du comité l'occasion de poser des questions, mais vous ne me donnez aucune certitude quant à la question que je vous ai posée.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Madame O'Sullivan, c'est un plaisir de vous revoir. Je vous remercie pour votre mémoire.

Vous savez que la plus grande lacune au Canada, en ce qui a trait à l'aide aux victimes, c'est l'absence de réciprocité entre les provinces. Si une Ontarienne en voyage au Québec se fait agresser, elle ne recevra d'aide ni du Québec ni de l'Ontario, car le crime doit avoir lieu dans la province où habite le citoyen, alors que pour d'autres programmes, comme la santé, que vous tombiez malade en Ontario ou en Colombie-Britannique, vous pouvez vous faire soigner dans un hôpital et vous attendre à recevoir la même qualité de service et la même gratuité pour ces services.

On sait qu'en ce qui concerne les suramendes, les provinces ont des fonds dédiés. Je pense au Québec, par exemple, qui récolte de 12 à 15 millions de dollars par année de suramendes fédérale et provinciale avec le Fonds d'aide aux victimes. Il faut comprendre que la suramende est autant au niveau pénal que criminel. Et dans d'autres provinces, les sommes vont à un fonds consolidé. Je pense à Terre-Neuve-et-Labrador, entre autres, qui n'a pas de mesure d'aide aux victimes.

Ne croyez-vous pas que ce serait une occasion en or si le projet de loi prévoyait une obligation pour les provinces de dédier le montant des suramendes à un fonds spécifique d'aide aux victimes qui ferait en sorte que lentement, les provinces pourraient se prévaloir de ressources intéressantes afin d'aider les victimes, et éventuellement avoir la réciprocité entre les provinces?

[Traduction]

Mme O'Sullivan : L'écart entre les diverses provinces et territoires est un enjeu souvent soulevé par les victimes de crime. Selon la province ou le territoire de résidence, les gens ont accès à un régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Par exemple, beaucoup de provinces ont un régime d'indemnisation des victimes des criminels, mais il n'y a aucun régime d'indemnisation dans une des provinces et dans les territoires.

Cela revient exactement au point que vous avez soulevé. Ce serait utile dans ces provinces et territoires pour ce qui est de l'uniformité et des sommes recueillies grâce à la suramende compensatoire fédérale. Nous espérons que cela permettrait une plus grande uniformité en matière de services offerts aux victimes d'actes criminels.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Les gens qui s'opposent à ce projet de loi nous disent qu'une grande partie des gens reconnus coupables n'ont pas un niveau de revenus suffisant pour payer cette suramende.

Que répondriez-vous à ce genre de commentaire?

[Traduction]

Mme O'Sullivan : Dans la première partie de mon exposé, j'ai mentionné qu'il existe un mode facultatif de paiement d'une amende dans sept provinces et dans les trois territoires; donc, cela est possible, en partie. Encore une fois, comme nous l'avons indiqué, les trois provinces qui ont d'autres solutions inciteraient certainement le ministère de la Justice à en discuter.

J'aimerais parler du préjudice injustifié causé aux victimes. Lorsqu'il est question des services offerts aux victimes et des préjudices injustifiés, je reviens à ce que j'ai dit dans mon exposé : au Canada, les victimes assument près de 83 p. 100 des coûts associés à un acte criminel.

Pour ce qui est des paiements, nous pouvons adopter une approche à plus long terme. Si une personne n'a pas la capacité de payer à ce moment-là, pourquoi ne pourrions-nous pas adopter une approche à plus long terme et envisager d'autres solutions? Par exemple, s'il s'agit de personnes incarcérées dans une institution fédérale, elles pourraient avoir deux comptes, c'est-à-dire un compte pour le salaire et un compte pour le revenu. On parle d'environ 30 p. 100 du montant d'une amende, de 100 ou de 200 $. Pourquoi ce délinquant sous responsabilité fédérale ne paierait-il pas une certaine partie de la suramende compensatoire fédérale? L'autre est de chercher des façons de saisir leur salaire lorsque ces gens retournent dans la collectivité et qu'ils recommencent à travailler. En ce qui concerne la voie à suivre, nous devons examiner les choses à plus long terme.

Lorsqu'on parle de mesures concrètes d'aide aux victimes, la suramende compensatoire fédérale en est une. Cependant, nous devons examiner d'autres avenues, comme le dédommagement, et nous avons fait des recommandations en ce sens.

La sénatrice Jaffer : La suramende compensatoire fédérale est-elle versée directement dans un compte bancaire réservé aux victimes? L'argent est recueilli. Est-il versé directement dans le compte d'une victime ou est-ce la province qui décide du montant que recevra la victime?

Mme O'Sullivan : D'après ce que je comprends, les sommes recueillies par l'intermédiaire de la suramende compensatoire fédérale sont versées aux provinces et territoires en vertu d'un accord qui prévoit qu'elles serviront à financer directement les programmes et services pour les victimes d'actes criminels.

La sénatrice Jaffer : S'agit-il d'un fonds dédié? Est-ce que tout l'argent y est versé?

Mme O'Sullivan : Il est prévu que cela est réservé aux services et programmes d'aide aux victimes. Les provinces et territoires pourront ensuite déterminer quels services d'aide seront offerts aux victimes d'actes criminels et les modalités de leur mise en œuvre.

La sénatrice Jaffer : Je vous le demande encore une fois : y a-t-il un engagement selon lequel tous les fonds sont réservés aux victimes?

Mme O'Sullivan : C'est ce que je comprends. C'est réservé aux services d'aide aux victimes d'actes criminels.

La sénatrice Jaffer : En totalité?

Mme O'Sullivan : Selon ce que je comprends, oui.

La sénatrice Jaffer : Depuis que nous étudions le projet de loi, une des choses qui me posent véritablement problème, c'est que le juge n'a aucun pouvoir de discrétion. Le contrevenant doit payer la suramende. Dans trois provinces, dont la Colombie-Britannique — ma province d'origine —, il n'y a pas d'autre choix. Or, il existe une solution de rechange. Selon la décision rendue dans l'affaire Wu, on ne peut envoyer quelqu'un en prison, et je vous entends évoquer la possibilité d'une suspension du permis, comme en Ontario. Cela ne donne pas d'argent aux victimes.

Je vois là un cercle vicieux : la suramende, pas d'argent, l'affaire Wu et les solutions de rechange. À l'exception de la suspension du permis, je ne vous entends pas vraiment parler de solutions de rechange. Cela ne donne pas d'argent aux victimes. Comment peut-on régler cette question?

Mme O'Sullivan : Manifestement, il faut le rendre obligatoire. Il faut penser à inciter le ministère de la Justice à travailler avec ces trois autres provinces, et nous espérons qu'elles créeront des modes facultatifs de paiement d'une amende.

Une partie du problème, c'est que ce n'est pas seulement lié à la victime ni à la réparation du tort causé. Oui, il y a de l'argent pour financer les programmes. C'est aussi lié à la responsabilité du contrevenant et à son obligation de rendre des comptes, c'est-à-dire qu'il doit rendre des comptes pour le tort qu'il a causé tout en contribuant financièrement aux services d'aide aux victimes. Cet élément est aussi conforme au principe de détermination de la peine.

La sénatrice Jaffer : Les principes de détermination de la peine ne prennent-ils pas en compte la responsabilité du contrevenant?

Mme O'Sullivan : Nous sommes d'accord sur ce point. Cela serait conforme à ses principes. C'est aussi lié à la responsabilité du contrevenant et à son obligation de rendre des comptes.

Le sénateur McIntyre : Comme vous l'avez indiqué, la suramende est versée dans un fonds provincial ou territorial que l'on appelle habituellement un fonds d'aide aux victimes. Nous comprenons tous que la suramende sert à financer des programmes et des services d'aide aux victimes d'actes criminels dans la province ou le territoire où l'acte criminel a été commis. Savez-vous s'il existe, dans quelque province ou territoire que ce soit, des fonds d'aide aux victimes qui versent directement une compensation financière aux victimes?

Mme O'Sullivan : À titre d'exemple, je vais vous parler de l'Alberta et vous indiquez comment l'argent est utilisé. On cherche à savoir où se situent certaines des lacunes. Le financement direct pourrait être lié aux services offerts. Je vais vous donner des exemples concrets. Il pourrait s'agir d'une personne qui a offert d'aider une victime à préparer sa déclaration de la victime. Il pourrait s'agir de sommes fournies aux victimes dans le cadre de programmes d'indemnisation des victimes d'actes criminels pour obtenir un service de counseling; leurs séances de counseling pourraient être payées et elles pourraient recevoir certains services, comme l'accompagnement au tribunal ou des mesures concrètes à cet égard.

Dans le cadre de programmes d'indemnisation des victimes d'actes criminels, l'argent peut exercer directement la victime. Prenons l'exemple de l'Ontario, où le montant peut s'élever jusqu'à 25 000 $ et où l'on fournit aussi du financement pour les services de counseling. Il faut chercher à savoir comment les provinces utiliseront une partie de cet argent.

Comme tout le monde le sait, une suramende compensatoire fédérale-provinciale aide aussi à financer certaines de ces choses.

Le sénateur McIntyre : Dans quelle proportion utilise-t-on l'argent des fonds d'aide aux victimes pour aider les victimes qui souffrent de problèmes de santé mentale, pour financer les traitements psychologiques et psychiatriques, par exemple?

Mme O'Sullivan : Je vous remercie d'avoir soulevé cette question. Lorsqu'on parle de préjudice injustifié, on revient encore au contrevenant. Comme vous pouvez l'imaginer, beaucoup de victimes vous parleront des difficultés qu'ils éprouvent à composer avec la situation, et ce, pas seulement au moment où l'acte criminel a eu lieu. Pour beaucoup de gens, c'est un processus qui dure toute une vie. Ils auront besoin d'aide tout au long de leur vie, pas seulement au moment où l'acte criminel a eu lieu, mais à toutes les étapes du processus de justice pénale et même après. Des victimes qui sont venues témoigner au comité vous ont parlé de la difficulté à composer avec la situation et des services de counseling qu'elles ont reçus pour les aider à traverser cette épreuve.

[Français]

Le sénateur Rivest : Je comprends que le projet de loi va faire en sorte que la suramende compensatoire sera appliquée dans tous les cas sans exception et qu'il n'y aura plus de discrétion laissée au le juge de l'accorder ou non. J'ai une question à titre d'information, simplement. À ce jour, ce projet de loi n'étant pas encore adopté, pourquoi les juges refusent-ils d'accorder une compensation? Est-ce tout simplement parce qu'on ne la demande pas?

[Traduction]

Mme O'Sullivan : J'ai examiné les mêmes études que vous. Au Nouveau-Brunswick, dans 99 p. 100 des cas, aucune raison n'a été fournie; je ne peux donc répondre à cette question. Il faudrait poser la question aux juges. Dans l'étude qui a été faite au Nouveau-Brunswick, parmi les cas où on y a renoncé — 66,5 p. 100 des cas —, aucun document écrit expliquant la raison de la renonciation n'a été fourni dans 99 p. 100 des cas.

[Français]

Le sénateur Rivest : Est-ce qu'il y avait une directive de la part des autorités gouvernementales donnée aux procureurs de la Couronne de demander dans leurs représentations une compensation pour les victimes? Est-ce que cela existe?

[Traduction]

Mme O'Sullivan : La mesure législative qui a créé la suramende compensatoire fédérale a été adoptée en 2000 et elle prévoyait que la suramende compensatoire fédérale s'appliquerait automatiquement. C'était dans la mesure législative.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Madame O'Sullivan, dans votre document, vous mentionnez — je crois que c'est à la page 2 — qu'il est important de sensibiliser le personnel de la justice. Pourriez-vous nous donner un exemple de la façon dont vous pouvez sensibiliser le personnel de la justice?

[Traduction]

Mme O'Sullivan : Je peux vous dire ce que fait notre bureau. Par exemple, nous avons des rencontres dans l'ensemble du pays. Nous assistons à diverses conférences ou à des réunions d'organismes de services victimes. J'ai eu l'occasion de parler des juges, des procureurs de la Couronne et à pratiquement tous les organismes qui ont participé à divers événements tout au long de l'année. De plus, nous avons recours à des publications, comme notre rapport spécial intitulé Réorienter la conversation, par exemple. Nous l'avons publié en février dernier. Il comporte 20 recommandations — dont la suramende compensatoire fédérale — qui se trouvent sous la rubrique « Soutien concret aux victimes ». Nous avons aussi recours aux médias pour véhiculer ce message. Les séances du comité constituent une autre méthode.

Différentes avenues s'offrent à nous par l'intermédiaire de notre cadre de participation et de dialogue. Nous avons régulièrement des discussions avec les organismes qui s'occupent de la suramende compensatoire et avec d'autres intervenants.

[Français]

Le sénateur Joyal : Bienvenue, madame O'Sullivan. Est-ce que vous êtes certaine que l'argent qui est actuellement recueilli suite à l'imposition de cette surcharge est vraiment versé dans les fonds d'aide aux victimes, ou est-ce que ce n'est pas envoyé au receveur général de la province qui, lui, le verse dans le fonds consolidé de la province, et que c'est une autre décision qui est prise par les provinces d'enrichir ou non le Fonds d'aide aux victimes? Il est certain que, dans le cas de Terre-Neuve, s'il n'y a pas de programme d'aide aux victimes, cela va dans le fonds consolidé du revenu de la province. Est-ce que vous êtes certaine que, dans toutes les provinces, l'argent va où il devrait aller directement plutôt que de passer par le fonds consolidé du revenu?

[Traduction]

Mme O'Sullivan : La directive est claire : cela doit servir à la création de services d'aide aux victimes d'actes criminels. J'ai parlé à des victimes qui se sont dites préoccupées du fait que cela pourrait ne pas être utilisé à bon escient. Il y a des problèmes. Au pays, dans les provinces et territoires, diverses personnes m'ont parlé des compressions et de la façon dont les fonds sont utilisés. La directive est claire sur l'utilisation qu'il faut en faire. Toutefois, comme pour tout programme, des mesures de surveillance devraient être mises en place pour s'assurer que les ressources sont utilisées aux fins appropriées et qu'on évalue la situation.

[Français]

Le sénateur Joyal : Qui devrait faire la gérance des fonds pour assurer qu'ils soient redirigés vers les fonds d'aide aux victimes?

[Traduction]

Mme O'Sullivan : Par exemple, j'ai vu que des provinces avaient publié des documents dans lesquels elles énonçaient à quoi ce financement était consacré. Encore une fois, j'encourage le ministère de la Justice à tenir une discussion avec les provinces et les territoires au sujet de la transparence et de la façon dont ce financement est recueilli et utilisé.

[Français]

Le sénateur Joyal : Mon autre préoccupation est à l'égard de l'Ontario. Je ne veux pas préempter la position de notre président, mais cette province, qui représente 13 millions et plus de Canadiens, soit avec celle de la Colombie- Britannique plus de la moitié de la population canadienne, n'a pas de programme compensatoire. Ce que je ne voudrais pas, c'est créer l'impression, avec ce projet de loi, que, une fois qu'il sera voté, l'argent va arriver partout et que les fonds des victimes vont être enrichis dans la majorité des provinces, puisqu'on se rend compte qu'il n'y a pas de programme compensatoire en Ontario, en Colombie-Britannique — et à Terre-Neuve il n'y a de toute façon ni fonds d'aide aux victimes ni programme compensatoire. Donc, dans l'immédiat, ce projet de loi ne sera d'aucune utilité pour cette province. On peut souhaiter qu'éventuellement il le soit, mais la situation va rester boiteuse pendant un certain temps.

L'Ontario et la Colombie-Britannique représentent la moitié de la population canadienne. En termes de détenus ou de personnes qui devraient normalement payer la taxe, et par rapport à l'objectif de 13 millions maximum que l'étude du Nouveau-Brunswick laissait entendre en 2001-2002, concrètement avez-vous fait des calculs pour savoir combien cela génère de fonds? Car ceux qui vont au programme compensatoire ne paient pas directement au fonds des victimes, puisqu'ils paient, en définitive, une compensation pour une taxe qu'ils ne peuvent pas payer.

Donc on ne peut penser que la totalité de toutes les personnes assujetties à la taxe vont directement la payer. Avez- vous évalué quel est le montant réel auquel on pourrait s'attendre que les fonds des victimes reçoivent dans le contexte où tout le monde l'applique? Cela devient une norme générale. Avec le fait que tous ceux qui vont en programme compensatoire ne paient pas aux victimes comme tel. Ils servent l'objectif que vous avez décrit, à savoir assumer leur responsabilité à l'égard des victimes mais les victimes ne touchent pas un bénéfice immédiat. Vous comprenez la nuance que je fais dans ma question?

[Traduction]

Mme O'Sullivan : J'espère, oui.

Le sénateur Joyal : Je peux répéter ma question en anglais.

Mme O'Sullivan : Non, c'est bien.

Premièrement, comme nous n'avons pas de registre, nous ignorons pourquoi on y a renoncé, si l'on parle de l'étude du Nouveau-Brunswick. On l'ignore dans 99 p. 100 des cas quand aucune raison n'a été donnée. Nous ne connaissons pas le préjudice injustifié ou si ces personnes entreraient dans cette catégorie. Nous nous sommes renseignés auprès du centre de décision pour recueillir des données des provinces en fonction des affaires. Nous avons certaines données, mais je ne les ai pas apportées.

Nous ne pouvons pas présumer que toutes les personnes auront souffert d'un préjudice injustifié, car les données ont révélé qu'on perçoit la suramende, et je pense que le président a jeté l'éclairage sur certaines des données en fonction de celles qui sont recueillies. Nous le devons aux victimes, car cette démarche visait à recueillir du financement pour offrir un soutien dans les provinces et les territoires. Je ne peux vous dire pourquoi la taxe a été annulée pour un certain nombre de personnes, car les raisons n'ont pas été documentées. Je peux dire que l'intention de la loi est claire quant à la façon dont le financement doit être utilisé.

Les provinces l'utilisent-elles toutes dans sa pleine mesure? Encore une fois, on a soulevé un argument valide concernant la transparence et la façon de faire en sorte qu'il est utilisé à bon escient. Il est directement affecté aux services d'aide aux victimes dans les provinces et les territoires. Existe-t-il des lacunes et des écarts à l'échelle nationale? Oui.

Pour ce qui est de votre commentaire concernant l'indemnisation de victimes d'actes criminels et les différences entre les provinces, les victimes nous en parlent régulièrement.

J'ai aussi eu l'occasion de parler aux services aux victimes dans l'ensemble des provinces et des territoires concernant les défis auxquels ils sont confrontés s'agissant des ressources et de la capacité d'offrir ces services. Ils sont conscients des besoins énormes qui existent, et ils n'ont ni les ressources ni le financement nécessaires pour y répondre.

La sénatrice Fraser : En application de l'article 3 du projet de loi, les personnes qui ont reçu une absolution inconditionnelle devraient quand même verser une suramende compensatoire.

Mme O'Sullivan : C'est ce que je crois comprendre.

La sénatrice Fraser : Une absolution inconditionnelle peut signifier que l'accusation n'aurait jamais dû être portée.

Mme O'Sullivan : Je crois comprendre qu'il n'y a aucune déclaration de culpabilité dans le cas d'une absolution inconditionnelle.

La sénatrice Fraser : L'article parle de quelqu'un qui est « condamné — ou absous aux termes de l'article 730 ».

Mme O'Sullivan : Selon mes renseignements, cela s'applique à toutes les condamnations, y compris les absolutions. C'est ce que j'ai cru comprendre.

La sénatrice Fraser : Je ne crois pas que c'est ce que l'article dit, mais on vous a dit que c'était son intention?

Mme O'Sullivan : C'est ce que je crois comprendre, oui.

La sénatrice Fraser : C'est intéressant. Si c'était le cas plus général, penseriez-vous que cela est approprié?

Mme O'Sullivan : Oui. Je crois comprendre qu'on vous accorde une absolution inconditionnelle lorsque vous êtes passé en cour. C'est le tribunal qui vous dit, au fond, « nous vous absolvons pour que vous n'ayez pas de casier judiciaire ». Parallèlement, il y a eu une procédure dans le cadre de laquelle une accusation a été portée et une victime. Cela n'enlève rien aux torts causés à la victime. Je pense que cela reconnaît que dans le cas d'une absolution inconditionnelle, la personne visée pourrait ne jamais avoir eu de démêlés avec la justice. Au bout du compte, on leur donne l'absolution inconditionnelle. Je crois comprendre qu'aucune condamnation n'est inscrite.

La sénatrice Fraser : Ils auraient quand même à payer.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Le problème, je pense, n'est pas l'amende additionnelle, le problème c'est l'application de celle-ci et son usage par rapport aux victimes d'actes criminels. Je pense que le Nouveau-Brunswick a fait la preuve que cela peut fonctionner dans le tiers des cas des gens qui doivent payer une telle amende au Nouveau-Brunswick. Je pense que si demain matin, l'ensemble des criminels ont une amende, le Nouveau-Brunswick va se retrouver avec beaucoup d'argent.

On sait que Terre-Neuve récolte chaque année environ à peu près 400 000 $ et avec le projet de loi, elle va aller à près d'un million, ce qui représente beaucoup de sous. À titre de défenseur des victimes, est-ce que vous allez avoir une stratégie pour faire en sorte que les provinces se servent exclusivement de ces fonds pour venir aider les victimes?

[Traduction]

Mme O'Sullivan : À titre d'ombudsman fédéral, je ne fais pas de recommandations directement aux provinces et aux territoires, mais je continue de leur faire part de ce que les victimes nous disent concernant les défis et les lacunes de ce système. Dans le cadre de mon mandat, je peux bien sûr parler aux responsables du ministère de la Justice et les encourager. J'ose espérer qu'ils feraient un suivi auprès des provinces et des territoires s'agissant de leur transparence à l'égard du financement et de la façon dont il est utilisé. Je crois qu'il est clair qu'il doit servir à appuyer les victimes ainsi que les programmes et services qui leur sont offerts.

Le sénateur Boisvenu : Si nous pouvons vous aider, nous le ferons.

Le sénateur White : Je dois vous présenter la chose sous forme de question à laquelle je vous demanderais de répondre par oui ou par non.

Une absolution est habituellement accordée lorsqu'un juge ou un juge et un jury rendent un verdict de culpabilité, mais qu'ils décident ensuite de vous absoudre au lieu de vous condamner. Cela se rapporte plus à la peine qu'à la culpabilité de l'accusé, est-ce bien cela?

Mme O'Sullivan : Oui, c'est ce que je crois comprendre.

Le sénateur Joyal : Je suis disposé à aller encore plus loin avec la question d'offrir un dédommagement au fonds d'aide aux victimes pour le contrevenant qui serait, par exemple, bénéficiaire de l'aide sociale ou qui souffrirait de troubles mentaux. Nous savons qu'il y en a dans le système carcéral, et qu'ils sont nombreux à certains endroits.

Pour les personnes qui ne paient pas parce qu'elles sont visées par le programme de solutions de rechange à l'incarcération ou pour quelque raison que ce soit, je serais prêt à recommander que le gouvernement verse le montant d'argent au fonds d'aide aux victimes. La suramende a pour but d'aider la victime, et une victime a besoin d'aide, quel que soit l'auteur du crime. Comprenez-vous le lien que j'établis entre les victimes et les contrevenants?

Mme O'Sullivan : Oui.

Le sénateur Joyal : Pour la victime, que le contrevenant puisse payer ou non est sans importance. Lorsque le tribunal conclut que la personne est incapable de payer et doit avoir recours au programme de solutions de rechange à l'incarcération, ou si la personne ne paie pas ou n'adhère pas à un programme, il est impossible de soustraire du fonds le montant d'argent qui y serait versé si cette personne était en mesure de payer.

Je recommande que le gouvernement dédommage le fonds de tout montant d'argent qui aurait dû y être versé, si l'on accepte le principe que tout le monde doit payer.

Mme O'Sullivan : À titre d'ombudsman des victimes, j'appuierai toute démarche qui permettra d'augmenter le financement pour venir en aide aux victimes et offrir des services. Cependant, pour ce qui est du fait que nous entendons dire qu'il est régulièrement annulé — et nous n'avons pas vu de documentation — il ne nous faut pas oublier que les contrevenants sont responsables des torts qu'ils causent aux victimes et que celles-ci ont des besoins qui doivent être comblés. Il faut mettre les deux en balance. Il faut reconnaître qu'il y a une question de responsabilité. Je pense qu'il est parfois facile d'annuler certaines choses. Ce qui nous préoccupe, c'est que nous avons constaté que ces choses étaient régulièrement annulées. S'il existe une vulnérabilité légitime comme vous dites, je sais que la décision Wu la protège à titre d'« excuse raisonnable » dans le cas de tout type de peine d'emprisonnement et de mandat de dépôt. Toutefois, je pense que nous avons besoin de trouver un équilibre. Je pense qu'il est souvent facile de dire qu'il faut suivre une voie en particulier. Je dirais que nous pourrions en suivre plusieurs, mais que, ce faisant, nous devons aussi tenir compte de la responsabilité du contrevenant.

La sénatrice Jaffer : Vous parlez du besoin de trouver un équilibre. Il arrive souvent qu'un contrevenant ait lui- même été une victime. J'aimerais savoir quelles sont, selon vous, certaines de vos responsabilités, car un certain nombre de personnes qui ont témoigné devant nous ont parlé d'une incidence injuste sur les personnes défavorisées, marginalisées et vulnérables, surtout les Autochtones qui sont nombreux dans les prisons et qui ont peut-être été des victimes à un moment donné. Quelle est votre responsabilité à leur endroit?

Mme O'Sullivan : Dans les faits, nous savons qu'ils sont surreprésentés dans le système de justice pénale, mais qu'il y a aussi beaucoup plus de victimisation dans la communauté autochtone que dans le reste de la population. Par exemple, nous savons grâce à l'Enquête sociale générale de 2009 qu'une femme autochtone court trois fois plus de risques d'être victime d'un crime violent qu'une non-Autochtone. Le fonds aidera les personnes victimisées, surtout les Autochtones, à composer avec ce problème.

Bien qu'ils soient surreprésentés dans les prisons, ils sont aussi plus victimisés que les autres. Ce financement les aidera à obtenir non seulement des services, mais des services adaptés à leur culture, au sein de leurs collectivités.

La sénatrice Jaffer : Savez-vous s'il existe des programmes de solutions de rechange au paiement d'une amende dans les réserves?

Mme O'Sullivan : Je ne peux pas parler précisément de ce que chaque province et territoire offre, mais je suis allée dans les collectivités du Nord, j'ai parlé aux gens et j'ai vu tous les types de services offerts là-bas, allant des refuges aux différents services d'aide aux victimes.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Madame O'Sullivan, dites-moi si vous êtes d'accord ou non. Le but de la suramende, c'est de responsabiliser le criminel et non de faire payer le citoyen ordinaire. Il faut faire payer celui qui a commis le crime aussi.

[Traduction]

Mme O'Sullivan : Je pense qu'il y a de multiples facettes. Il faut notamment faire en sorte que ce soit obligatoire, que le financement versé aux provinces et aux territoires ait été recueilli par cette collectivité, qu'il serve à appuyer les services et programmes d'aide aux victimes. Nous devons aussi les mettre en balance. Je pense que cela offre un juste équilibre. Nous devons aux victimes de suivre cette voie.

Pour revenir sur la question soulevée par le président, est-ce que la suramende compensatoire fédérale suffira à répondre aux besoins des provinces et des territoires? Probablement que non, et cela explique pourquoi nous avons aussi besoin d'explorer d'autres options. En faisant en sorte qu'elle soit obligatoire, nous espérons harmoniser les services offerts aux victimes de crimes à la grandeur du pays et affecter plus de financement à leur appui direct.

Le président : Pour enchaîner sur ce que j'ai dit plus tôt, je pense que l'organisme Victims of Violence vous a envoyé une lettre ouverte en 2011 pour suggérer qu'on examine les pratiques provinciales. Vous n'avez pas ces renseignements. J'en déduis que cet examen n'a jamais eu lieu et que l'organisme dont nous entendrons le témoignage a recommandé ou suggéré que votre bureau pourrait peut-être le faire. De toute évidence, vous n'aviez pas les ressources ou estimiez que cela ne faisait pas partie de votre mandat. Je me demande pourquoi vous n'avez pas accepté de relever ce défi.

Mme O'Sullivan : Notre mandat prévoit que nous pouvons entendre des plaintes, et qu'une fois qu'une personne est visée par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, nous pouvons faire des recommandations au gouvernement du Canada pour faire en sorte qu'elle bénéficie de meilleurs programmes et services d'un point de vue fédéral.

Cela dit, je veux que vous sachiez que nous ne faisons pas part de ces renseignements, de ces conversations, aux provinces et aux territoires à l'occasion de nos rencontres.

Je pense que le comité a déjà dit que les provinces devraient pouvoir montrer comment elles utilisent l'argent qu'elles reçoivent pour appuyer les victimes de crimes. Toute transparence à cet égard est une bonne chose.

Le président : Merci d'avoir témoigné et contribué aux délibérations du comité.

Nos prochains témoins sont Sharon Rosenfeldt, présidente du Victims of Violence Canadian Centre for Missing Children, et Michel Surprenant, président de l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues.

Madame Rosenfeldt, la parole est à vous.

Sharon Rosenfeldt, présidente, Victims of Violence Canadian Centre for Missing Children : Monsieur le président, honorables sénateurs, bonjour. Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner au nom de notre organisme, Victims of Violence, concernant le projet de loi C-37, Loi modifiant le Code criminel s'agissant de la suramende compensatoire fédérale.

Victims of Violence a été constituée en société en 1984 pour venir en aide aux victimes de crimes violents, promouvoir les droits des victimes et accroître la sécurité des Canadiens en traitant diverses questions relatives au système de justice pénale du Canada. Je suis ici aujourd'hui pour appuyer le projet de loi C-37.

Je tiens à mentionner que nous sommes ravis d'avoir un Bureau de l'ombudsman des victimes d'actes criminels. Dans le contexte du présent projet de loi ainsi que d'autres mesures législatives, nous sommes bien placés, à titre de victimes de crimes et d'organisme d'aide aux victimes de crimes, pour soulever nos inquiétudes, exprimer nos opinions et formuler nos recommandations. Nous avons fait part à l'ombudsman de nos préoccupations de longue date concernant l'amende compensatoire. Les recherches qu'elle a menées et les consultations qu'elle a tenues partout au Canada lui ont permis de formuler une recommandation au gouvernement, qui a donné lieu à la rédaction du projet de loi C-37.

Nous convenons que le fait de doubler la suramende compensatoire et de la rendre obligatoire est crucial pour offrir des services d'aide aux victimes partout au Canada. Même s'il est clair que le besoin de pareils services est à la hausse dans tout le pays, les allocations de la suramende compensatoire fédérale ont diminué régulièrement au cours des dernières années. Aujourd'hui, le gouvernement reconnaît ce dilemme et prend des mesures par le truchement des amendements qu'il propose d'apporter au projet de loi C-37 pour rétablir les allocations à leurs anciens niveaux.

Les services d'aide aux victimes sont de plus en plus demandés, car au cours des 25 dernières années, on a pris conscience de l'importance de respecter les droits des victimes et de leur offrir des services, et le réseau des défenseurs des droits des victimes, les fournisseurs de services et les professionnels qui aident les victimes à retrouver une vie normale ont pris de l'ampleur. Aujourd'hui, les victimes de crimes connaissent mieux ces services et cherchent donc à y avoir recours. À l'heure actuelle, toutes les provinces disposent d'un fonds pour la suramende compensatoire distinct du Trésor. Elles l'utilisent pour financer les services d'aide aux victimes et disposent aussi de financement offert par le Trésor.

Je vais vous donner une idée de certains des services aux victimes que la suramende compensatoire aide à financer en Ontario. Je tiens à préciser que si certains peuvent s'adresser à tous ceux qui souffrent d'un type de victimisation criminelle, divers groupes de victimes ont des besoins spéciaux et particuliers pour lesquels ils ont besoin de services personnalisés. Il y a, entre autres, des programmes de tribunaux pour l'instruction des causes de violence conjugale et familiale; des programmes destinés aux jeunes victimes et témoins; des programmes d'aide aux enfants exploités sur Internet; des services juridiques; des services de soutien aux victimes de sexe masculin; des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle ou de viol; Support Link, un programme qui aide les personnes à risque de violence conjugale, d'agression sexuelle et de harcèlement à élaborer un plan de sécurité personnel; des services d'orientation et d'aide immédiate aux victimes, ouverts 24 heures sur 24, qui travaillent étroitement avec la police en tant que premiers intervenants auprès des victimes; des programmes d'aide aux victimes et aux témoins, qui travaillent étroitement avec la Couronne et se trouvent dans les tribunaux pour offrir des renseignements, de l'aide et du soutien aux victimes et aux témoins de crimes pendant le processus pénal; des programmes d'intervention rapide auprès des victimes, qui offrent une aide financière d'urgence pour sécuriser le périmètre et offrir un hébergement d'urgence sécuritaire aux victimes; des programmes qui assument les coûts de transport et des soins aux personnes à charge d'un membre de la famille qui doit identifier une victime d'homicide; des programmes pour défrayer les coûts funéraires immédiats; des services spécialisés de nettoyage des scènes de crime, et cetera.

Je sais un peu comment la suramende compensatoire en Ontario est censée fonctionner ou ne pas fonctionner. De 1996 à 1998, j'ai présidé la Commission d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Nous avions un budget de 15 millions de dollars. En 2011, la Commission d'indemnisation des victimes d'actes criminels de l'Ontario a versé 30,9 millions de dollars. C'est bien, parce que cela signifie que plus de victimes prennent conscience de l'existence de la Commission d'indemnisation des victimes d'actes criminels de l'Ontario.

De 1998 à 2004, j'ai présidé l'Office des affaires des victimes d'actes criminels; il s'agit d'un nouvel organisme gouvernemental en Ontario. Mon mandat consistait notamment à conseiller le gouvernement au sujet de l'affectation des fonds provenant de la suramende compensatoire dans des programmes pour les victimes d'actes criminels. Lorsque j'ai été nommée à la présidence en 1998, le fonds associé à la suramende compensatoire en Ontario contenait 32,1 millions de dollars. De ce montant, 11,2 millions étaient consacrés au programme d'aide aux témoins, programme qui avait 26 emplacements situés dans des tribunaux en Ontario. Une autre partie des fonds servait à financer les 20 emplacements relatifs au Programme de services d'orientation et d'aide immédiate aux victimes; ce programme collabore étroitement avec les services de police. Les fonds restants étaient versés sous la forme de subventions communautaires accordées pour une période limitée. Je sais que ces programmes ont aujourd'hui davantage d'emplacements. Le financement pour les refuges pour victimes de violence, les centres d'aide aux victimes de viol, la Commission d'indemnisation des victimes d'actes criminels et bien d'autres programmes provenait et provient encore aujourd'hui du Trésor.

La dernière donnée que j'ai au sujet de la suramende compensatoire en Ontario concerne l'année 2010, et le montant s'élevait à 52 millions de dollars. Avec la croissance des enjeux, des besoins et des services relatifs aux victimes dans le monde au cours des 25 ou 30 dernières années, le concept de la suramende compensatoire s'est élargi.

J'ai un document du gouvernement de l'Irlande du Nord qui dit, et je cite :

[...] le concept d'un système de perception, dans lequel des fonds sont perçus auprès des contrevenants en vue de soutenir et de dédommager les victimes, n'a rien d'unique. Des mesures ont été adoptées par de nombreux pays dans le monde; même si l'approche peut varier, le principe fondamental demeure que les contrevenants devraient être davantage tenus responsables de leurs actes.

L'Angleterre, le Pays de Galles, l'Australie, la Belgique, la Suède et les États-Unis ont actuellement un programme de suramende compensatoire. L'Écosse, la République d'Irlande et l'Irlande du Nord sont en voie d'adopter un tel programme. Le gouvernement écossais a présenté son projet de loi au Parlement le 6 février 2013.

Je m'en remets aux avocats du comité sénatorial étant donné que je suis une personne qui défend les droits des victimes et non une avocate. Par contre, j'aimerais porter à votre attention une étude réalisée en 1994 par Justice Canada, en particulier en Ontario. L'étude dit :

Si les dispositions sur la suramende compensatoire font l'objet d'une mise en cause constitutionnelle (comme c'était le cas dans la décision R. vs. Crowell, Nouvelle-Écosse, 1992), il importe de comprendre la nature des dispositions sur la suramende; nous devons donc déterminer l'objet de la législation et — comme on l'a déclaré dans l'arrêt de la Cour suprême intitulé R. c. Oakes [1987] — évaluer la rationalité et la proportionnalité des moyens prévus dans cette loi.

Essentiellement, les dispositions sur la suramende auraient deux objets :

créer une nouvelle source de revenu pour assurer le financement des services d'assistance aux victimes d'actes criminels

par les administrations provinciales et territoriales; et

créer une structure grâce à laquelle le contrevenant peut, dans une certaine mesure,

dédommager sa victime.

Selon la décision Crowell, la suramende n'est ni un impôt ni une amende véritables, mais une sanction unique assimilable à un genre de dédommagement. De par son caractère véritable, la suramende est pénale et donc constitutionnelle...

Je vais m'arrêter sur cette note. Merci de m'avoir écoutée.

[Français]

Michel Surprenant, président, Association des familles de personnes assassinées ou disparues : Bonjour. Mon nom est Michel Surprenant. Je suis le père de Julie Surprenant, disparue le 16 novembre 1999.

À la suite de la disparition de ma fille, j'ai fondé, avec l'aide de M. Pierre-Hugues Boisvenu, maintenant sénateur, l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues, en 2004. Je suis ici aujourd'hui pour vous parler en tant que président de l'AFPAD.

Je veux tout d'abord féliciter le gouvernement conservateur pour son projet de loi C-37, projet de loi appuyé par l'AFPAD.

Je veux vous expliquer pourquoi ce projet de loi est si important pour les victimes. Il permettra aux provinces, dont le Québec, de recueillir de l'argent provenant des poches des criminels. Cet argent servira à offrir davantage de services, à augmenter le nombre de services existants, et, au mieux, à obtenir la parité des services offerts aux détenus versus ceux qui sont offerts aux victimes.

Pour une victime ou l'un de ses proches, les services aux victimes sont essentiels. Suite à un crime ou à une disparition, les besoins des victimes sont nombreux et le statut de victime s'accompagne de toutes sortes de coûts imprévus. Par exemple, plusieurs familles doivent défrayer des coûts reliés aux services psychologiques et funéraires qui s'élèvent actuellement à 3 500 $.

Actuellement, le Québec rembourse les frais d'un maximum de 20 consultations psychologiques pour les proches d'une victime de meurtre. C'est trop peu pour les victimes qui vivent ce genre de situation. Pensez-y, un crime a des effets sur toute la vie. C'est inacceptable d'abandonner une victime à elle-même après 20 consultations psychologiques. Les victimes purgent une peine de souffrance à perpétuité et les conséquences d'un meurtre ou d'une agression sexuelle d'un de leurs proches les suivent pour le reste de leur vie.

Il y a un besoin urgent de permettre aux provinces d'augmenter les fonds accordés aux victimes. Cette loi que je vous demande d'adopter au nom des victimes est importante. Elle ne va pas imposer un lourd fardeau aux criminels et en même temps, elle fera en sorte que les criminels seront tenus financièrement responsables de leurs actes.

À titre d'exemple, lorsqu'un détenu cause un dommage aux biens de l'État, il est tenu de réparer financièrement le dommage qu'il a causé. Aussi, pour inciter le criminel à payer cette suramende, on pourrait amender son permis de conduire jusqu'à ce que qu'il ait terminé de payer cette suramende. Prétendre que cette suramende de quelques centaines de dollars pour un meurtre représente un trop lourd fardeau pour les criminels est un argument très faible.

Rappelez-vous que la famille d'une personne assassinée doit payer jusqu'à 12 000 $ rien que pour enterrer son proche. Cette suramende compensatoire qui sera augmentée permettra, notamment au Québec, d'augmenter la portion des frais funéraires pouvant être remboursés aux proches des victimes assassinées au Québec. Actuellement, le gouvernement du Québec ne paye que 3 500 $ pour les frais funéraires qui s'élèvent à 12 000 $ en moyenne.

Une grande demande existe également pour aider les victimes à payer les frais pour le nettoyage de scènes de crime. Voilà pourquoi il est important pour les provinces de suivre l'exemple du gouvernement fédéral. Les provinces doivent elles aussi augmenter leur suramende compensatoire comme le fait présentement le gouvernement fédéral. Il est également important que les provinces se servent de ces fonds de manière intelligente. Il ne faudrait pas que l'argent se perde dans la bureaucratie. Il faut que l'argent recueilli aide concrètement et directement les victimes. Voilà pourquoi il est urgent d'adopter ce projet de loi sans amendements.

La sénatrice Fraser : Monsieur Surprenant, je m'excuse, je vous ai accueilli tout à l'heure en anglais; je suis désolée. Bienvenue au Sénat dans la langue de votre choix.

M. Surprenant : Ça va.

[Traduction]

La sénatrice Fraser : Madame Rosenfeldt, vous avez de l'expérience en ce qui a trait aux services aux victimes du point de vue du gouvernement provincial. Pourquoi l'Ontario n'a-t-il pas un programme d'option-amende?

Mme Rosenfeldt : Je ne le sais pas. Dans la décision R. c. Wu, il est expliqué que l'appareil administratif nécessaire au fonctionnement du programme a été démantelé en 1994. L'Ontario n'a jamais eu de programme d'option-amende. L'appareil et le processus étaient pratiquement prêts, mais des réductions budgétaires ont éliminé l'appareil administratif en 1994. C'est ce que j'en comprends. Je ne peux évidemment pas parler au nom des provinces.

La sénatrice Fraser : Avez-vous l'impression que la suramende compensatoire et les fonds à ce sujet servent directement à la prestation des services ou est-ce qu'une partie des fonds — et le cas échéant, combien? — vont dans les coffres des provinces?

Mme Rosenfeldt : Non. Ce n'est pas le cas dans les provinces canadiennes. L'Ontario et la Colombie-Britannique ont été les dernières provinces à adopter une loi sur les victimes d'actes criminels. La loi consacre le Fonds de la justice pour les victimes. Lorsque la loi a été adoptée en 1989, les provinces ont emboîté le pas et ont élaboré des lois sur les victimes d'actes criminels, qui ont constitué ces fonds. Nous étions la dernière province.

La sénatrice Fraser : C'est correct, mais j'ai une autre question, et je sais que j'arrive à la fin de mon temps de parole.

Je présume que l'Ontario n'a pas dépensé beaucoup d'argent aux fins d'administration du programme d'option- suramende, du moins si on se fie à l'étude du Nouveau-Brunswick. On dirait que l'Ontario, pour une raison que j'ignore, n'a pas perçu une grande partie des fonds provenant de la suramende compensatoire fédérale que la province aurait pu réclamer. Vous attendez-vous à ce que l'administration de la suramende fédérale soit plus dispendieuse, étant donné que ce sera maintenant obligatoire? Je n'en sais rien, mais il faut travailler pour trouver l'argent.

Mme Rosenfeldt : La suramende compensatoire existe depuis maintenant 24 ans dans les provinces. Je ne vois pas pourquoi ce serait plus dispendieux, même si cela devient obligatoire. Je ne vois pas ce qui pourrait coûter plus cher.

Je sais qu'en Ontario le fonds est en fait administré par le Secrétariat des services aux victimes, qui fait partie du bureau du procureur général, et c'est la même chose dans la majorité des provinces. Je ne vois pas comment son administration pourrait être plus dispendieuse que sa mise œuvre au départ.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Monsieur Surprenant, avez-vous des commentaires?

M. Surprenant : J'aimerais poursuivre au sujet de ce que disait Mme Rosenfeldt. Vous avez parlé de l'administration des fonds, mais je crois qu'il faut plutôt regarder au niveau de l'esprit de l'initiative, c'est-à-dire la responsabilisation du criminel face au geste qu'il a commis. Et s'il est réticent à payer cette suramende, c'est un indice que sur le plan de la réhabilitation, ce n'est pas complet.

La sénatrice Fraser : Je ne conteste pas du tout votre opinion. Je voulais juste comprendre ce que cela implique sur le terrain et pour les gouvernements qui se retrouveront avec un système qui a changé.

M. Surprenant : Je comprends votre point de vue, mais pour moi l'important c'est la responsabilisation du criminel. Et à ce moment-là, si on regarde les effets à long terme sur le plan de la récidive, on a un effet qui est immédiat et qui ira plus loin que les coûts immédiats de la gestion de ces montants.

La sénatrice Fraser : Je comprends, merci beaucoup.

[Traduction]

Le sénateur Boisvenu : Madame Rosenfeldt, c'est toujours un plaisir de vous accueillir au comité.

[Français]

Il y a des pays qui sont avancés dans le domaine de la reconnaissance des droits des victimes, dont la France, qui a adopté une double procédure judiciaire simultanée : au criminel et au civil. Lorsqu'une famille a un enfant qui a été assassinée ou qui a été victime d'un crime, en même temps que se déroule le procès au criminel, des procédures se déroulent aussi au civil. On offre à la famille ou à la victime un support légal alors qu'au Canada, l'avocat de la Couronne ne représente pas la famille, il représente le gouvernement parce que les victimes sont peu impliquées dans le processus judiciaires.

Donc la France a cette double procédure, et, à la fin du procès, lorsque le criminel est reconnu coupable, une sentence est établie et en même temps une ordonnance en termes d'indemnisation est faite, parce qu'un avocat est fourni à la famille pour défendre ses intérêts durant le processus judiciaire.

Est-ce que le projet de suramende que nous avons devant nous est selon vous un premier pas en avant, au Canada, pour faire en sorte que, lors des procédures au criminel, une indemnisation sera demandée au criminel pour, au fond, se responsabiliser par rapport au crime commis?

[Traduction]

Mme Rosenfeldt : Oui, tout à fait. Je considère que c'est un premier pas. Il y a bien des choses qu'il faut faire. Dans l'Union européenne, qui compte 27 ou 29 États membres, des normes ont été adoptées. Si les Européens sont capables d'y arriver avec 27 pays différents, nous pouvons très certainement faire de même avec nos 10 provinces et nos 2 territoires. Selon moi, c'est la deuxième étape. Je crois que la première étape consiste à nous assurer que la suramende compensatoire lève suffisamment de fonds pour être en mesure de passer à la deuxième étape, à savoir la prestation de services aux victimes.

Puis-je ajouter rapidement quelque chose? En ce qui a trait à notre ombudsman, cela ferait également partie de la deuxième étape. C'est ce que notre organisme demandera. Notre ombudsman fédéral devrait avoir les mêmes pouvoirs d'enquête que l'enquêteur correctionnel, qui est en gros un autre ombudsman fédéral. Au sujet de certaines questions qui étaient soulevées auprès de l'ombudsman, elle a les mains liées, parce que c'est un processus différent. Elle a besoin de plus de pouvoirs en vue d'accomplir ce qu'elle veut faire au nom des victimes d'actes criminels. Cela fera partie de la deuxième phase.

[Français]

Le sénateur Joyal : Bienvenue, monsieur Surprenant et madame Rosenfeldt. Monsieur Surprenant, vous avez certainement une expérience plus large des services offerts par le Fonds d'indemnisation des victimes du Québec. Votre priorité est-elle essentiellement sur les montants offerts dans les différents programmes ou est-ce le fait que la gamme des services n'est pas suffisamment large pour tenir compte des besoins des victimes?

M. Surprenant : Je pense que, dans un premier temps, il faut comprendre que les services actuels ne sont pas assez approfondis pour être capables de compenser justement les besoins des victimes.

Le sénateur Joyal : Pouvez-vous donner un exemple?

M. Surprenant : Si on parle des soins psychologiques liés à un drame, il y a toujours un... Veuillez m'excusez, je suis un peu stressé. Pouvez-vous répéter votre question?

Le sénateur Joyal : Je vais reprendre ma question. Je demandais si, compte tenu de votre expérience avec le Fonds d'indemnisation des victimes au Québec, vos préoccupations portaient principalement sur les montants de compensation offerts ou sur la gamme de services disponibles. Dans sa présentation, Mme Rosenfeldt nous a énuméré, en Ontario, les différents points de chute de services. Vous avez parlé des montants et aussi du nombre de consultations psychologiques, une vingtaine — et on sait que dans certains cas ce n'est certainement pas suffisant. Est- ce principalement sur cet aspect que portent vos recommandations?

M. Surprenant : Quand on parle de services aux victimes, c'est toujours aléatoire, d'une certaine façon. Si on regarde les services psychologiques, parfois, après deux ou trois séances, la personne sera remise sur les rails et prête à fonctionner. Pour d'autres, après 30 séances, ce ne sera pas le cas. C'est sur le cas de ces personnes qu'il faut s'attarder pour être capable de comprendre où est le problème et comment on peut faire pour les amener à retrouver une vie productive. Le traumatisme est une chose, mais le but premier, pour notre association comme pour la société, est de rendre les gens de nouveau fonctionnels. On apprend un peu sur le tas, d'une certaine façon. Mais il s'agit surtout d'élargir les services.

Le sénateur Joyal : Élargir les services et les individualiser aussi, puisque, comme vous le dites, à ce jour c'est, comme on dit en anglais, one size fits all; c'est-à-dire qu'il y a juste une taille pour tout le monde alors qu'il faudrait ajuster les services en fonction des besoins particuliers des personnes.

M. Surprenant : Absolument.

Le sénateur Joyal : Monsieur Surprenant, vous avez parlé des services, mais avez-vous parlé formellement de compensation? Car, évidemment, comme on le mentionnait tantôt, il y a une forme de dommage que la personne qui est victime d'un crime important assume. Est-ce que dans vos représentations l'aspect de compensation fait partie aussi de vos recommandations, ou est-ce que vous vous concentrez exclusivement sur la question des services à la victime?

M. Surprenant : Si on parle de compensation, je vais faire un parallèle. Pour une victime tuée dans un accident d'automobile, la famille va recevoir 50 000 $. Pour un enfant décapité par un criminel, la famille va recevoir 2 000 $. Il manque un équilibre. Si on parle des dommages collatéraux causés par un incident criminel, ils sont énormes. Il ne s'agit pas seulement de compensation financière, il s'agit de permettre une réhabilitation de la personne pour qu'elle puisse continuer à fonctionner de façon normale. Ces montants servent souvent à payer des psychologues et des services de toutes sortes qui vont être nécessaires.

Le sénateur Joyal : Est-ce que votre association a quantifié ce que pourraient être les montants ajustés en fonction de ce qu'il y a, par exemple à la CSST, la commission des accidents du travail, un organisme qu'on connaît bien au Québec et qui existe aussi, bien sûr, en Ontario et dans plusieurs autres provinces canadiennes? Est-ce que vous avez fait une estimation de ce que cela représenterait en termes de montants?

M. Surprenant : On n'a pas fait une estimation au coup par coup, mais je vous faisais la comparaison entre les services déjà offerts et ceux reçus par les victimes d'actes criminels. Il faut aussi se rappeler que, au moment où ces règlementations ont été établies, les victimes n'étaient pas prises en considération. Aujourd'hui, après plusieurs années de représentation des intérêts des victimes, on commence à prendre en considération le dossier des victimes, on commence à comprendre les dommages qui sont causés.

On ne peut pas maintenant quantifier cela et dire cela va coûter tant pour une personne et lui permettre de reprendre une vie normale, on ne peut pas quantifier exactement. On est à l'aube de ces initiatives. Il faut garder le dossier ouvert et on va y arriver.

Le sénateur Joyal : J'essaierai de revenir.

[Traduction]

Le sénateur Joyal : Je vous vois acquiescer de la tête, madame Rosenfeldt. Vouliez-vous ajouter quelque chose?

Mme Rosenfeldt : Aimeriez-vous vous joindre à notre groupe? Vous avez mis le doigt sur le problème. La prestation de services aux victimes est très complexe. Par exemple, ce ne sont pas toutes les victimes d'agression sexuelle qui réagissent de la même manière. En fait, aucune victime ne réagit de la même manière, mais prenons l'exemple d'une agression sexuelle. Tout dépend de la gravité de l'acte criminel, de l'agression en soi. Cela dépend de l'agresseur, à savoir s'il s'agit d'un membre de la famille, d'un voisin ou d'un étranger. C'est très complexe.

Nous ne nous attendons certainement pas à ce que vous saisissiez toute l'ampleur de la question. Nous vous demandons d'entendre nos plaidoyers et de comprendre que le financement de beaucoup de services aux victimes dans les provinces provient du Trésor, en plus des fonds qui sont déjà mis de côté pour les victimes. Voilà pourquoi nous sommes ici; il faut aborder la question. Si le projet de loi est adopté, il faudra s'en occuper sur les scènes fédérale et provinciale. Il faut régler la question.

[Français]

Merci, monsieur Surprenant, de votre présentation. Nous nous sommes rencontrés tantôt dans l'ascenseur. Encore une fois, je veux que vous sachiez que nous partageons avec vous la douleur, la peine et la tristesse que vous avez vécues et que vous continuez à vivre dans le cadre des circonstances entourant la disparition de votre fille Julie.

Lorsqu'un événement aussi tragique survient, il est primordial que les personnes affectées reçoivent de l'aide, non seulement monétaire, mais aussi psychologique. Dans votre cas, avez-vous reçu de l'aide psychologique afin de vous aider à surmonter votre dure épreuve?

M. Surprenant : Mon cas est particulier d'une certaine façon. On m'a offert des services psychologiques à ce moment-là, mais en toute bonne foi, j'avais tellement peur de me faire endormir que j'ai refusé. J'étais engagé dans une croisade pour découvrir ce qui se passait. Les gens qui essayaient de m'orienter vers des services psychologiques me poussaient plus vers une acceptation ou une résignation alors que moi j'étais plus vers le combat. Pour moi, ce n'était pas adéquat.

Je voulais revenir, si vous permettez, quant à l'aspect financier, quand arrive un drame, pour plusieurs familles, ils sont plongés dans l'endettement car ils n'ont pas les moyens de subvenir aux coûts encourus. À ce moment-là, cela veut dire que le dommage ou le traumatisme va durer aussi longtemps qu'ils n'ont pas réussi à éponger la dette.

Le sénateur McIntyre : J'aborde brièvement avec vous la suramende compensatoire. Comme vous le savez, la somme perçue au moyen de la suramende compensatoire n'est pas remise directement à la victime, mais placée dans un fonds spécial.

Aimeriez-vous mieux un système accordant les fonds directement aux victimes individuelles ou aux organisations offrant des services aux victimes ou les deux?

M. Surprenant : Je pense que ce serait plus profitable de donner l'argent à des organismes qui viennent en aide aux victimes. Cela aurait besoin d'être structuré. Les gens sont pris dans un dilemme, ils sont pris dans une tempête, ils ont besoin de quelqu'un pour les guider pour les sortir de la tempête. Cela prend des professionnels pour les aider à cheminer.

Le sénateur Dagenais : Je vais avoir deux questions, la première pour M. Surprenant. Comment pouvez-vous vous assurer que l'argent qui va être envoyé à la province — on sait que la suramende sera envoyé à la province — entre autres, on va parler du Québec, ne permettrait pas à celle-ci de diminuer ses engagements financiers?

M. Surprenant : Je pense que dans un premier temps, le plus important c'est d'être capable d'établir des bonnes relations avec le gouvernement qui, lui, fait la gestion de ces montants pour justement avoir une certaine transparence dans la gestion de ces montants.

Le sénateur Dagenais : Et ma deuxième question, j'ai entendu quelqu'un dire que la suramende devait responsabiliser celui qui a commis l'acte criminel. J'aimerais entendre Mme Rosenfeldt là-dessus.

[Traduction]

Le sénateur McIntyre : Merci de votre exposé, madame Rosenfeldt.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : L'application de la suramende n'est peut-être pas exceptionnelle, mais elle touche une minorité de criminels. La perception, dans certaines provinces, est très défaillante. Certaines provinces, comme le Nouveau-Brunswick, performent mieux.

Il faudrait que les gouvernements provinciaux se donnent la peine de trouver des moyens efficaces de collecter ces sommes qui sont importantes, on parle de plusieurs millions et même de plusieurs dizaines de millions

Ne serait-ce pas là une occasion unique, pour le Canada, d'amorcer des discussions avec les provinces sur la mise sur pied de standards minimums dans le domaine de l'aide aux victimes?

Il n'est pas normal qu'une femme violée à Terre-Neuve ne reçoive aucun support alors qu'au Québec ou en Ontario, les auteurs de ces crimes sont très bien traités dans le système.

L'adoption de ce projet de loi ne serait-elle pas une bonne occasion d'amorcer des discussions avec les provinces pour établir des standards minimaux dans le domaine de l'aide aux victimes?

[Traduction]

Mme Rosenfeldt : Je citais un document de l'Irlande du Nord.

En gros, je considère qu'il faut qu'il y ait une sorte de dédommagement de la part du contrevenant. Les crimes sans victime ont suscité une certaine controverse. Selon tous les travaux que j'ai réalisés, environ la moitié des juges, y compris des juges de l'Ontario, que j'ai rencontrés dans le cadre de mon étude en 1994 considéraient qu'un crime sans victime était un crime qui était en fait commis contre la société. Les opposants au projet de loi pourraient certainement brandir cet argument, et je l'ai entendu au cours des témoignages.

Toutefois, il s'agit d'un vieil argument qui n'a rien à voir avec la suramende compensatoire. Cet argument est évoqué depuis des années en ce qui a trait aux excès de vitesse, à la conduite avec les facultés affaiblies et à la consommation de stupéfiants. Les gens prétendent que celui ou celle qui consomme de la marijuana ou de la cocaïne ne nuit qu'à sa propre personne. C'est premièrement un véritable enjeu.

Je suis d'accord avec la moitié des juges qui ont dit qu'un crime est un crime, et si l'acte criminel est commis contre la société, une amende est imposée.

Le président : Madame Rosenfeldt, en Ontario, est-ce que des fonds provenant de la suramende compensatoire sont actuellement versés à la Commission d'indemnisation des victimes d'actes criminels?

Mme Rosenfeldt : Non. Le financement de la Commission d'indemnisation des victimes d'actes criminels provient du Trésor.

Le président : D'accord. Cela n'a donc pas changé.

Mme Rosenfeldt : Non. Vous avez raison. Cependant, si l'organisme manque de fonds, de l'argent provenant du Fonds de la justice pour les victimes sera transféré. Lorsque je présidais l'organisme, j'avais un budget de 15 millions de dollars, et je devais faire tout mon possible pour essayer de respecter mon budget. Nous ne savons jamais quand nous devrons indemniser une victime. Nous ne pouvons tout simplement pas le savoir. Cela fluctue.

Le président : Je vous prie de donner de courtes réponses, parce que nous arrivons à la fin de la séance et que d'autres sénateurs aimeraient prendre la parole.

Ce sera un fonds important si nous tenons compte des données au sujet des sommes que le gouvernement n'a pas perçues en 2001. Cela vous dérange-t-il qu'une partie de ces fonds servent à l'indemnisation des victimes d'actes criminels? Je pense principalement à des indemnisations plus appropriées, pour le dire ainsi, en particulier dans le cas de victimes qui ont subi des blessures invalidantes. Nous n'avons actuellement pas la capacité d'aborder cette question.

Mme Rosenfeldt : C'est exact.

Le président : De votre côté, cela poserait-il un problème?

Mme Rosenfeldt : Cela ne me poserait aucun problème. S'il y a des fonds, j'y serai certainement favorable.

Le président : Je crois que vous avez fait allusion au peu de fonds disponibles au Québec. Je ne sais pas si vous connaissez une situation semblable. Le sénateur White en a parlé lors de la dernière séance. Je ne suis pas certain de l'ampleur de la situation, et il pourrait nous en parler. Cela concerne les policiers et les agents correctionnels qui demandent des indemnisations à la suite de blessures au travail, alors qu'ils sont déjà couverts par les commissions des accidents de travail. Ils cumulent les prestations en présentant des demandes auprès de la Commission d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Je ne sais pas si cela se produit également de votre côté. Je ne sais pas si votre organisme a déjà commenté la situation ou si vous en êtes au courant, madame Rosenfeldt.

Mme Rosenfeldt : J'en suis tout à fait au courant. Les pompiers le font également, ainsi que les prisonniers. Il y a deux semaines, le Royaume-Uni a annoncé son programme d'indemnisation des victimes d'actes criminels et a retiré le droit aux prisonniers de présenter une demande à cet effet. Le gouvernement avait versé 76 millions de dollars à ce sujet. C'était incroyable.

Le président : Vous n'avez pas demandé au gouvernement provincial d'examiner cette politique, n'est-ce pas?

Mme Rosenfeldt : Non. Je me concentre principalement sur le gouvernement fédéral pour l'instant, mais la deuxième phase inclut certainement les provinces.

Le président : Monsieur Surprenant, avez-vous un commentaire?

M. Surprenant : Non.

Le président : Sénateur Boisvenu, avez-vous des questions pour un deuxième tour?

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Monsieur Surprenant, ça va?

M. Surprenant : Oui.

Le sénateur Joyal : Monsieur Surprenant, je crois comprendre qu'à l'Assemblée nationale, à Québec, il y a un comité parlementaire qui entend actuellement des témoignages au niveau de l'échelle des compensations. Avez-vous comparu devant ce comité?

M. Surprenant : J'y étais, hier.

Le sénateur Joyal : Est-ce que vous pouvez résumer l'essentiel de la présentation que vous avez faite dans ce contexte?

M. Surprenant : C'est essentiellement presque les mêmes arguments que j'ai présentés aujourd'hui au niveau des dommages collatéraux par rapport à un drame, ce que les familles vivent, l'endettement. Ils n'ont souvent pas les moyens d'offrir un enterrement décent, soit par manque de travail ou pour toute autre raison qui peut faire qu'ils sont endettés. On a donc des arguments qui se ressemblent.

Quand arrive un drame, les familles, qu'on le veuille ou non, sont plongées dans une tempête, où les émotions se bousculent et tout est remis en question. Souvent, ils vont s'adresser au gouvernement afin d'obtenir certains services et sont confrontés à quelqu'un qui est dans une tempête lui aussi parce qu'il ne sait pas quoi répondre.

J'ai donc demandé qu'un genre de protocole soit mis sur pied afin que les personnes qui répondent aux victimes puissent pouvoir donner les mêmes informations et orienter les gens vers les bons services. Autrement dit, pour ne pas que les victimes qui sont dans une tempête soient confrontées à une autre tempête. C'est l'essentiel des propos que j'ai tenus.

Le sénateur Joyal : Donc vous recommandez qu'il y ait un point unique d'information où les victimes pourraient obtenir des conseils afin de voir clair dans les différents programmes d'aide offerts?

M. Surprenant : À l'association, on a mis sur pied un livret que l'on remet aux victimes où tous les services sont répertoriés avec les numéros de téléphone et ce genre de renseignements. Si le gouvernement ou les personnes ressources peuvent réorienter ces gens vers les bons services, on évite de prolonger le traumatisme des victimes par rapport au fait qu'ils sont dans une tempête et on peut les réorienter le plus vite possible vers ces services.

Comme je l'ai déjà dit, on veut développer les services, les élargir et cela explique la nécessité de la suramende.

Le sénateur Joyal : Quand vous parliez tantôt de compensations, est-ce que vous pensiez à une forme de compensation qui se définirait selon les normes de la SAAQ ou selon celles appliquées par les compagnies d'assurance lors d'un sinistre? Avez-vous des points de comparaison que vous pourriez nous suggérer?

M. Surprenant : Isabelle Gaston a déjà dit que lorsque vous contractez une assurance-vie, si un décès survient suite à un acte criminel commis par un conjoint, l'assurance ne s'appliquera pas. C'est pour cette raison qu'on aimerait qu'il y ait une parité avec les compensations offertes par l'assurance-automobile pour les raisons que je vous ai expliquées tantôt. Un crime c'est un crime, que ce soit suite à un accident avec un véhicule automobile ou une arme à feu.

Le sénateur Joyal : Les principes de compensation que vous proposez sont basés sur la comparaison de ce qui existe déjà dans d'autres programmes publics?

M. Surprenant : Un drame génère beaucoup de frais. Il y a évidemment les frais funéraires, mais aussi tous les autres frais inhérents à ce drame. Beaucoup de familles vont perdre leur maison à cause de ces frais. Souvent, les gens doivent laisser leur emploi parce qu'ils ne sont pas efficaces au travail et ils sont alors remerciés. C'est donc un deuxième traumatisme qui s'ajoute à tout cela.

Permettre aux familles de se réhabiliter d'une certaine façon afin de pouvoir de continuer à vivre de façon décente, c'est important. Ces sommes vont permettre de prendre le temps nécessaire pour y arriver. C'est certain que chaque cas est différent. Certaines personnes ont les deux pieds sur terre après six mois et sont prêtes à foncer alors que d'autres ne le sont toujours pas après cinq ans.

Ce qui est important, par exemple au niveau des services, c'est justement d'aider ces gens à se remettre sur pied. C'est toujours les cas d'exception qui demandent le plus d'énergie et c'est ceux qui coûtent le plus cher. Je pense que c'est là où il est important d'avoir ces sommes pour aider ces familles à obtenir les services dont elles ont besoin.

Le sénateur Joyal : Le programme ne peut pas être défini de façon abstraite par rapport aux cas particuliers, puisque chaque cas est une histoire différente et peut demander une approche plus précise sur les besoins des personnes en cause.

Comment cette gestion devrait-elle se faire? Aujourd'hui on dit : un décès vaut 2000 $, 20 consultations valent tant, et cetera. Cela me semble appliqué de façon très froide ou objective. Devrait-on mettre sur pied des services pour évaluer ces frais?

Si je comprends bien ce que vous nous dites, il faudrait nécessairement qu'il y ait un service additionnel qui puisse assurer une certaine forme de suivi de la victime et de sa réintégration dans le cours normal de la situation.

M. Surprenant : En ce qui concerne le nombre de victimes au Québec — au Canada, je crois que c'est 1 000 cas par année. À ce nombre, on peut presque personnaliser le service. Est-ce que vous comprenez ce que je veux dire?

Le sénateur Joyal : Tout à fait.

[Traduction]

Mme Rosenfeldt : Absolument; c'est le moment. En ce qui a trait à certains juges qui n'imposent pas de suramende compensatoire et à ce qui explique pourquoi c'est mieux dans certaines provinces, soit celles qui prennent le temps de rédiger un rapport annuel, les juges y sont beaucoup plus enclins s'ils savent que l'argent va vraiment à ladite suramende compensatoire prévue dans la loi. Je sais que c'était l'une des principales raisons en Ontario. Bref, c'est évidemment le bon moment. Encore une fois, la phase deux.

[Français]

M. Surprenant : À 1 000 cas par année, on peut presque personnaliser le service. Comme je vous disais tantôt, en ce qui concerne les services offerts aux victimes, on peut presque dire que depuis les dernières années on est embryonnaires. On apprend au fur et à mesure et on élargit au fur et à mesure. Je crois qu'il faut aussi garder la bonne volonté dans tout ça.

Le sénateur Joyal : Merci.

[Traduction]

Le président : Ce sera la dernière question.

[Français]

Le président : Merci à vous deux de votre présence et de votre aide dans le cadre de nos délibérations.

Nous poursuivrons nos délibérations concernant le projet de loi C-37 le mercredi 17 avril.

(La séance est levée.)


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