Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 40 - Témoignages du 22 mai 2013
OTTAWA, le mercredi 22 mai 2013
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 18 h 47, en séance publique, pour étudier la teneur du projet de loi C-60, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d'autres mesures, déposé à la Chambre de communes le 29 avril 2013.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénatrices et sénateurs, ce soir nous allons poursuivre notre étude de la teneur du projet de loi C-60, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d'autres mesures, déposé à la Chambre de communes le 29 avril 2013.
[Traduction]
Chers collègues, c'est notre quatrième réunion sur le projet de loi C-60, qui porte exécution du budget. Ce soir, nous avons le plaisir d'accueillir l'honorable James Flaherty, ministre des Finances.
Monsieur le ministre, nous vous remercions infiniment de prendre la peine de venir nous rencontrer ce soir, car nous savons que vous êtes fort occupé, tout comme vos collaborateurs d'ailleurs. Nous avons déjà commencé notre examen du projet de loi, et nous avons donc déjà une bonne idée de ce qu'il contient. Nous apprécions beaucoup que vous veniez nous dire ce que vous espérez accomplir avec ce projet de loi. Vous avez la parole, monsieur le ministre.
L'honorable James M. Flaherty, C.P., député, ministre des Finances : Merci, monsieur le président. Je suis ravi de me retrouver ici. D'habitude, vous vous réunissez dans une salle de réunion de l'autre côté de la rue, mais peu importe, nous sommes ici aujourd'hui.
Le président : Il n'y avait pas assez de chaises.
M. Flaherty : Je suis ravi d'être ici. Je sais que votre comité des finances est saisi de l'intégralité de ce projet de loi, alors qu'à la Chambre, ce n'est pas le cas du Comité permanent des finances, car ils ont décidé de répartir le projet de loi entre plusieurs comités. Votre comité s'est donc attelé à une tâche considérable en entreprenant à lui seul l'examen de tout le projet de loi, et je vous en remercie infiniment.
Je remercie également le comité d'avoir mené une étude sur la disparité des prix entre le Canada et les États-Unis et d'avoir produit un rapport, dont nous avons tenu compte dans le budget d'ailleurs, mais j'y reviendrai tout à l'heure.
Je vais essayer d'être bref pour que vous puissiez me poser des questions.
[Français]
J'aimerais présenter un bref aperçu du projet de loi C-60, Loi no 1 sur le Plan d'action économique de 2013.
Nous nous concentrons d'abord sur ce qui compte pour les Canadiens, la croissance économique. Toutefois, au cours des dernières années, le Canada a dû composer avec un message économique mondial difficile qui a entraîné des menaces persistantes de l'extérieur des frontières, notamment des États-Unis et de l'Europe, deux de nos partenaires commerciaux les plus importants.
En plus de cette incertitude, le Canada fait face à une concurrence de plus en plus intense des économies émergentes comme la Chine et l'Inde. Dans un marché mondial en perpétuel changement, nous devons continuer de nous concentrer sur l'économie.
[Traduction]
Permettez-moi de vous brosser un tableau d'ensemble. Quand nous avons été élus pour la première fois en 2006- 2007, ce qui nous préoccupait à l'époque, sur le plan économique et budgétaire, c'était l'ampleur des déficits et de la dette publique des États-Unis. Nous nous sommes employés à protéger la situation budgétaire du Canada, en affectant des sommes importantes au remboursement de notre dette publique, ce que nous permettaient nos excédents budgétaires. Ces montants ont totalisé à peu près 38 milliards de dollars, mais c'est alors qu'a éclaté la crise du crédit en août 2007, suivie d'une vraie crise économique à la fin de 2008.
Nous avons changé de cap parce qu'il le fallait, et c'est pour ça que nous avons lancé le plan d'action économique. En 2009, nous avons déposé notre budget en janvier, ce qui ne s'était jamais fait aussi tôt dans l'année. Nous avons accusé un déficit substantiel d'environ 58 milliards de dollars, mais nous avons en même temps présenté un plan pour retrouver une situation budgétaire équilibrée à moyen terme. Nous progressons comme prévu, et nous devrions renouer avec l'équilibre budgétaire en 2015. Comme je l'ai dit, nous avons déjà réduit le déficit de plus de la moitié.
Nous sommes donc sur la bonne voie, d'autant plus que le plan d'action économique a donné des résultats dès le début. Le taux de chômage Canada n'a jamais atteint les 10 p. 100. Nous n'avons pas connu une récession longue et persistante. Au contraire, elle a été la plus courte de toutes les grandes économies industrialisées. Elle a duré trois trimestres et était terminée en juin 2009. Depuis, le Canada a affiché le meilleur bilan, relativement parlant, des grandes économies industrialisées du monde.
Cela dit, notre taux de croissance reste modeste et il faut en être bien conscient. C'est pour cela que, dans le processus budgétaire, nous avons essayé de trouver le juste milieu entre le retour à un budget équilibré et la mise en place d'incitatifs pour stimuler l'économie.
Voilà pour le tableau d'ensemble. Nous avons réussi à créer, net, plus de 900 000 emplois depuis la fin de la récession. De tous les pays du G7, c'est le Canada qui a créé le plus d'emplois.
Je suis rentré, il y a une dizaine de jours, d'une réunion en Angleterre avec mes collègues du G7, les gouverneurs des banques centrales et les ministres des finances. Croyez-moi, les pays industrialisés de l'hémisphère occidental ont une opinion très positive du Canada. Ils estiment que nous avons relativement bien réussi à trouver ce juste milieu dont je parlais tout à l'heure.
Comme vous le savez, la majeure partie de l'Europe, surtout la zone euro, est en récession, et dans le cas de la zone euro, c'est une récession qui se prolonge. Le Royaume-Uni a ses propres problèmes, et aux États-Unis, à part le secteur de l'immobilier, la reprise est molle.
Nous nous en sortons donc relativement bien, mais nous devons nous assurer que nous restons sur la bonne voie.
Nous avons le plus faible ratio dette-PIB des pays du G7. Nous conservons une cote de crédit triple A, ce qui n'est plus très fréquent dans le monde aujourd'hui. Seuls les pays scandinaves, l'Allemagne, Singapour, le Canada et deux ou trois autres pays bénéficient encore de la cote de crédit maximum, mais ce n'est plus très courant.
La Chambre de commerce de Vancouver a dit récemment :
Étant donné la conjoncture économique mondiale — nombreuses récessions, affaiblissement de la cote de crédit des États et des régions, déficits incontrôlés —, nous avons vraiment de la chance au Canada de pouvoir miser sur le retour à des budgets équilibrés, de continuer à bénéficier d'une cote de crédit triple A et de voir notre PIB progresser.
L'équilibre que nous recherchons dans ce budget — et comme vous le savez, il s'agit du premier projet de loi portant exécution du budget, il y en aura un autre à l'automne, comme nous le faisons chaque année — est de trouver un juste milieu entre la croissance économique et l'octroi d'incitatifs à des secteurs de l'économie qui, à notre avis, ont besoin d'aide, par exemple l'infrastructure. Nous avons eu de nombreuses réunions avec la Fédération canadienne des municipalités, avec les maires des grandes villes et des petites villes, et nous avons abouti à un plan sur 10 ans. De toute l'histoire du Canada, c'est le plan d'infrastructure le plus important, dans le temps et de par son contenu, qu'un gouvernement fédéral a élaboré avec les municipalités.
L'autre problème auquel nous nous sommes attaqués est la formation professionnelle dans certains métiers, car nous avons là des pénuries. Je sais qu'un grand nombre d'entre vous ont des contacts avec des entrepreneurs et des gens qui cherchent un emploi, et que vous voyez bien que l'offre et la demande ne sont pas bien harmonisées. C'est un problème qui revient régulièrement, car il s'agit de mieux faire correspondre les diplômes, la formation professionnelle et les emplois disponibles. Nous avons dans ce but créé la Subvention canadienne pour l'emploi.
Troisièmement, il y a le secteur manufacturier qui, surtout dans le sud-ouest de l'Ontario, a subi de plein fouet ce que les économistes appellent « la grande récession ». Pour venir en aide à ce secteur, nous avons décidé de maintenir la déduction temporaire pour amortissement accéléré, même si ça coûte très cher, près de 1,5 milliard de dollars. C'est donc une mesure budgétaire très importante, mais nous savons qu'elle est utile et qu'à long terme, elle encourage l'investissement dans les machines et les équipements nécessaires à la fabrication.
[Français]
De nombreux éléments de ce plan seront mis en œuvre dans le cadre de cette législation. Par exemple, dans le but d'attirer une économie canadienne plus forte et d'aider à promouvoir la croissance de l'emploi, le projet de loi C-60 permettra ce qui suit : l'allégement fiscal pour les nouveaux investissements dans la machinerie et le matériel de fabrication; l'indexation des versements provenant du Fonds de la taxe sur l'essence; la prolongation de l'application du crédit d'impôt pour l'exploration minière; accorder 18 millions de dollars à la Fondation canadienne des jeunes entrepreneurs; accorder 5 millions de dollars à la Fondation Indspire pour des bourses d'études postsecondaires destinées aux étudiants inuits et des Premières Nations; et entreprendre de nombreuses autres initiatives importantes sur le plan économique.
[Traduction]
Je vous ai donné un bref aperçu de ce que contient le projet de loi C-60. D'autres mesures y sont prévues, qui ne représentent pas des sommes aussi conséquentes mais qui sont importantes pour la préservation de notre qualité de vie.
Par exemple, nous bonifions le crédit d'impôt pour frais d'adoption; nous créons le super crédit pour premier don de bienfaisance, afin d'encourager les gens à faire un premier don à une œuvre de charité; nous rendons plus accessible l'allègement fiscal au titre des services de soins à domicile; nous allouons 30 millions de dollars à la construction de logements au Nunavut, 20 millions de dollars à Conservation de la nature Canada, dont le mandat est de protéger des terres écosensibles, et 3 millions de dollars à la formation en soins palliatifs, à l'intention des fournisseurs de soins de santé de première ligne. Enfin, nous allouons 3 millions de dollars à l'Institut national canadien pour les aveugles, afin de l'aider à améliorer les services de bibliothèque offerts aux personnes aveugles ou atteintes de cécité partielle.
Avant de conclure, je vais dire quelques mots au sujet d'autres mesures importantes que contient ce projet de loi.
Nous avons pris une grande décision à propos du Tarif de préférence général, qui a été créé dans les années 1970, à une époque où on estimait que c'était une bonne idée — et ça l'était sans doute — d'aider les pays les plus pauvres qui commençaient à peine leur développement, en leur accordant des tarifs préférentiels sur les produits qu'ils exportaient au Canada. Ce tarif n'a pas été revu depuis les années 1970, et on voit aujourd'hui sur cette liste des pays comme la Chine, la Corée et d'autres pays qui n'ont plus besoin de l'aide du Canada.
En substance, il s'agit d'un programme d'aide étrangère qui a été créé dans les années 1970 par les pays occidentaux dans le but d'accorder aux pays les plus pauvres des tarifs préférentiels. Nous avons pris la décision de mettre un terme à ces tarifs préférentiels pour les pays qui sont aujourd'hui des pays développés.
Près de 80 p. 100 de ces allègements tarifaires spéciaux profitent actuellement à la Chine, alors que ce pays a une économie quatre fois plus importante que celle du Canada. Si nous n'apportons pas les changements prévus dans le budget, les entreprises chinoises continueront de profiter de ce qui est, en fait, une concession à sens unique, puisqu'elles reçoivent des avantages spéciaux et que les entreprises canadiennes ne reçoivent rien en retour.
Le projet de loi dont vous êtes saisis répond également aux importantes recommandations de votre récent rapport sur les écarts de prix entre le Canada et les États-Unis, en proposant d'éliminer tous les tarifs douaniers sur les vêtements pour bébés et sur certains équipements sportifs et athlétiques, notamment les patins à glace, les équipements de hockey, les skis, les planches à neige, les bâtons de golf et les autres articles qui encouragent la bonne forme physique et des habitudes de vie saines. Cet allègement fiscal représente environ 79 millions de dollars par an.
Nous allons suivre la situation de près. Je sais que le rapport de votre comité — auquel le sénateur Gerstein a très activement participé — couvre bien d'autres questions. De concert avec le Conseil canadien du commerce de détail, nous comptons suivre de près l'évolution des prix de ces articles au cours de la prochaine année, au Canada et aux États-Unis, pour voir si ça fonctionne et si l'élimination des tarifs a un impact. Si ça marche, nous en ferons autant pour d'autres articles. Si ça ne marche pas, je suppose que nous reverrons la question, mais nous avons un an pour observer la situation.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir permis de présenter ce bref aperçu du projet de loi C-60 et de la façon dont il aide à garder l'économie canadienne sur la bonne voie.
[Traduction]
Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Puisque vous parliez de notre rapport, qui portait essentiellement sur les écarts de prix entre le Canada et les États-Unis pour les mêmes articles, j'aimerais faire remarquer que nous avions recommandé qu'on réexamine le maximum de numéros tarifaires — je sais qu'il y en a beaucoup — pour voir s'ils sont tous vraiment nécessaires à la protection de l'industrie canadienne.
Est-ce que ce réexamen global va faire partie du suivi que vous allez faire à propos des deux numéros tarifaires qui ont été réduits? Nous vous remercions de l'avoir fait pour ces deux numéros, car nous l'avions en effet proposé pour les équipements sportifs et les équipements de hockey pour les enfants, ainsi que pour les vêtements pour bébés. Cependant, il y a bien d'autres numéros tarifaires qui ont peut-être été mis en place pour protéger une industrie canadienne qui n'existe plus, d'où la question qu'il faut se poser : faut-il les maintenir?
M. Flaherty : Je vais demander à l'un de mes collaborateurs de vous répondre.
Dean Beyea, directeur, Politique commerciale internationale, ministère des Finances Canada : Merci. Nous avons lu attentivement votre rapport. Comme l'a dit le ministre, nous allons faire un essai avec ces deux numéros tarifaires, et de concert avec le Conseil du commerce de détail, nous allons voir quel en sera l'impact sur les prix. Ensuite, nous examinerons la situation pour l'ensemble des numéros tarifaires et l'impact que cela aura sur les écarts de prix entre le Canada et les États-Unis.
Le président : Puisque vous allez travailler avec le Conseil du commerce de détail — nous avons collaboré étroitement avec eux pour la rédaction de notre rapport —, pourrez-vous nous tenir informés des informations que vous recevrez, au fur et à mesure, pour que nous puissions voir si cette réduction se répercute jusqu'au consommateur final?
M. Flaherty : Tout à fait.
Le président : Merci beaucoup.
La sénatrice Buth : Merci beaucoup, monsieur le ministre, de venir nous rencontrer ce soir. C'est toujours un plaisir de vous accueillir parmi nous.
Vous avez dit que vous aviez participé à une réunion du G7. Pourriez-vous nous en dire davantage sur la situation en Europe, notamment sur les pays qui ont récemment décidé de s'écarter de leur programme d'austérité? Qu'est-ce que ça va donner, à votre avis? Cela risque-t-il de toucher le Canada, et que faisons-nous pour nous protéger?
M. Flaherty : Ce sont de très bonnes questions. Il est évident que nous avons eu des discussions animées à ce sujet, et je veux parler de l'équilibre à trouver entre la croissance économique et les incitatifs. Certains sont partisans de la croissance économique à n'importe quel prix, et ils estiment qu'en plus de ce qu'ils font au niveau de la politique budgétaire, ils doivent aussi maintenir la même politique monétaire, c'est-à-dire faire marcher la planche à billets. Excusez-moi, c'est ce qu'on appelle faire de l'assouplissement quantitatif, ou imprimer des billets.
C'est inquiétant. Certains pays, comme le Canada, ne sont pas de cet avis. Si nous ne nous préparons pas pour la prochaine crise — car il y en aura une autre inévitablement —, nos pays en subiront encore davantage les conséquences, et si nous n'avons pas une assise budgétaire solide, nous limiterons nos capacités d'intervention, comme le plan d'action économique que nous avons lancé en janvier 2009.
Cette question ne fait pas l'unanimité. On parle aussi d'amener certains pays à prendre des engagements, comme ceux qui avaient été pris dans le communiqué du Sommet de Toronto en ce qui concerne les ratios dette-PIB jusqu'à 2016, et ensuite dans le cadre d'une entente confirmée par nos dirigeants à la réunion du G20 à Los Cabos, relativement aux objectifs à poursuivre au-delà de 2016. C'est important, et, personnellement, je trouve qu'il est bon d'avoir des objectifs, car ça permet de se concentrer sur ce qu'il faut faire.
La sénatrice Buth : Que pensez-vous de l'économie chinoise? Elle donne des signes d'essoufflement, et j'aimerais savoir jusqu'où ça va aller et dans quelle mesure cela va avoir un impact sur le Canada.
M. Flaherty : J'ai rencontré récemment le ministre des Finances de l'Inde, dans cet édifice d'ailleurs, et il se plaignait que le taux de croissance de l'économie indienne n'ait été que de 5 p. 100 l'an dernier. Très franchement, nous serions très heureux d'avoir un taux de croissance de 5 p. 100 au Canada.
Les économies émergentes, les principales, en ressentent le contrecoup, mais elles continuent de se développer à un rythme soutenu quand même. Nous espérons que ça va continuer.
S'agissant de la zone euro, le problème se situe au niveau de la demande, car l'Europe, y compris la zone euro, représente un marché de 400 millions de consommateurs. C'est une économie gigantesque, mais qui manque de vigueur.
La sénatrice Buth : Merci. J'ai d'autres questions précises à vous poser, mais j'attendrai la prochaine ronde.
Le sénateur Gerstein : Je vous remercie, monsieur le ministre, de comparaître devant notre comité ce soir. J'ai constaté avec plaisir que, dans le budget de 2013, le gouvernement maintient son engagement de s'assurer que la rémunération des fonctionnaires est à la fois raisonnable et équitable, à la fois pour l'employé et pour le contribuable canadien. Je pense que c'est dans la partie 3, à la section 17, que le projet de loi oblige les sociétés d'État à faire approuver leur mandat de négociation par le Conseil du Trésor, avant d'entreprendre des négociations collectives. Le projet de loi C-60 exige également que le Conseil du Trésor approuve les conventions collectives avant que celles-ci n'entrent en vigueur.
Même si ça me paraît plein de bon sens, il y en a qui dénoncent cela en prétendant que cela porte atteinte à l'indépendance des sociétés d'État. Quelle est votre réaction?
M. Flaherty : Je vous remercie de votre question, sénateur. Nous avons beaucoup planché sur la question de la rémunération de ceux qui travaillent directement pour le gouvernement du Canada, les députés et les sénateurs, et leurs cotisations à leur régime de pension, et cetera. L'objectif est de rendre tout cela plus réaliste et plus conforme à ce qui est offert à la plupart des Canadiens qui ne travaillent pas pour le gouvernement fédéral, qu'ils soient élus ou non.
Certaines sociétés d'État ont pris une tangente, en quelque sorte. Elles invoquent leur indépendance, et cetera. Nous vivons dans une démocratie, dans une démocratie parlementaire. Aucune société d'État n'est indépendante lorsqu'il s'agit de questions financières. Elles doivent rendre des comptes au ministre de tutelle et, par l'entremise de ce ministre, au gouvernement et au Parlement du Canada, y compris à la Chambre des communes et au Sénat, et au final, au contribuable.
Nous allons nous assurer que les sociétés d'État suivent des procédures semblables à celles qui sont imposées aux ministères du gouvernement — c'est-à-dire qu'elles doivent faire approuver leur projet de convention collective avant de commencer à le négocier. Cela comprend les régimes de pension, les cotisations et les prestations, en plus de la rémunération directe.
Le sénateur Gerstein : Ce que vous avez dit au sujet des comptes qu'elles doivent rendre aux ministres est d'autant plus intéressant que je crois avoir lu dans le journal que le PDG de Radio-Canada, Hubert Lacroix, a envoyé une lettre dans laquelle il laisse entendre qu'il n'est peut-être pas obligé de suivre ces règles, et que ça risquerait même de donner lieu à des litiges. Ça ne cadre pas très bien avec ce que vous venez de nous dire.
M. Flaherty : J'ai bien reçu cette lettre et elle m'a beaucoup déçu, car elle repose sur l'hypothèse erronée que certaines entités au Canada, qui sont pourtant financées par les contribuables canadiens, n'ont pas de comptes à rendre à ces mêmes contribuables, par l'entremise du Parlement. Je pense sincèrement que c'est une erreur. Il faut préserver l'indépendance de certaines activités des sociétés d'État, comme l'indépendance de la presse à Radio-Canada. Si j'avais voulu, en qualité de ministre des Finances, être méchant à l'égard de la Société Radio-Canada, je l'aurais fait il y a longtemps. Si j'avais voulu, j'aurais eu tout le temps de le faire dans tous les budgets que j'ai présentés, mais je ne l'ai pas fait. Au contraire, nous avons maintenu un niveau de financement élevé pour la Société Radio-Canada. Il en va de même pour le Bureau du surintendant des institutions financières, la Monnaie royale canadienne et la Banque du Canada. Ces entités ont toutes des obligations à l'égard des contribuables, et celles que j'ai mentionnées se sont toutes prêtées à l'exercice dont j'ai parlé parce que je leur ai demandé de le faire. Elles relèvent toutes de moi, et je leur ai demandé à toutes de respecter cette tendance générale, ce qu'elles ont fait. J'espère que la Société Radio-Canada et les autres en feront autant.
Le sénateur Gerstein : Merci, monsieur le ministre.
Le sénateur L. Smith : Merci, monsieur le ministre. La sénatrice Buth vous a posé une question au sujet de l'Europe, et j'aimerais savoir, entre les États-Unis et l'Europe, lequel des deux présente le plus gros risque, ou si c'est à peu près la même chose? Deuxièmement, quels sont les écueils auxquels nous risquons de nous heurter vis-à-vis de ces deux... Quels sont-ils?
M. Flaherty : Je pense qu'à l'heure actuelle, c'est l'Europe qui présente le plus grand danger à cause de cette récession persistante, d'autant plus que les perspectives ne sont pas très positives. En fait, elles sont même plutôt moroses pour les prochains mois, ce qui contribue à contracter la demande. L'Europe n'est pas notre principal partenaire commercial. Les États-Unis le sont, et pour cette raison — je réponds ici à la deuxième partie de votre question —, l'écueil auquel risque de se heurter l'économie canadienne serait une reprise très modeste aux États-Unis suivie d'un nouvel effondrement. C'est un grand danger. Nous avons encore à peu près 75 p. 100 de nos exportations qui vont aux États-Unis. Nous avons déjà observé une certaine reprise du secteur américain de la construction résidentielle, avec une hausse de la demande de bois de construction. Les scieries ont rouvert au Québec, en Colombie- Britannique, en Ontario, et cetera; ce sont des signes concrets d'une reprise de ce secteur. Quant au reste de l'économie, il faudra attendre de voir, mais pour l'instant, c'est ça qui présente le plus grand danger pour l'économie canadienne.
L'autre problème auquel nous nous attaquons dans le budget me préoccupe beaucoup. Nous avons au Canada un nombre assez important de jeunes qui ne s'intègrent pas dans notre système économique. On parle de formation professionnelle, de création d'emplois, et cetera, mais moi je parle de leur intégration dans notre système économique. Ce n'est pas seulement la Subvention canadienne pour l'emploi. Nous avons augmenté le financement pour l'apprentissage et les stages. Il faut que les jeunes qui sortent d'un collège communautaire, d'un programme de formation professionnelle ou d'une université puissent acquérir une première expérience pratique, afin de montrer à un employeur ce qu'ils sont capables de faire. Quand je vois le taux de chômage des jeunes dans certains pays européens, cela me préoccupe davantage. Certes, le nôtre est encore trop élevé; même si, traditionnellement, le taux de chômage des jeunes est toujours plus élevé que celui des adultes, nous devons mieux faire.
La sénatrice Callbeck : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre, et je vous remercie de comparaître devant notre comité.
J'aimerais vous poser plusieurs questions précises. Vous avez parlé du crédit d'impôt pour frais d'adoption. Je suppose qu'il n'est pas remboursable. Comme vous le savez, c'est formidable pour ceux qui y ont droit, mais il y a beaucoup de gens qui ne paient pas d'impôt et qui ne peuvent donc pas profiter des crédits d'impôt. Or, je suis convaincue que ce sont eux qui en ont le plus besoin. Vous avez mis en place des crédits d'impôt pour les enfants, pour la condition physique des enfants, pour les activités artistiques des enfants, et j'en passe. Par exemple, dans ma province, il y a à peu près 107 000 personnes qui remplissent une déclaration de revenus et 30 000 qui ne paient pas d'impôt, donc ces 30 000 ne peuvent pas profiter de ces crédits d'impôt. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement multiplie les crédits d'impôt au lieu d'offrir des programmes qui aideront vraiment les plus pauvres, car ce sont eux qui en ont besoin.
M. Flaherty : Je comprends votre point de vue, sénatrice. Ce n'est pas remboursable. C'est un crédit d'impôt, et par conséquent, il faut payer des impôts pour pouvoir en bénéficier. D'un point de vue personnel, et en ma qualité de ministre, j'estime que c'est une bonne chose. Nous avons réduit les impôts, globalement, ce qui permet à des centaines de milliers de personnes de ne plus en payer. Quant à ceux qui en paient, nous essayons de les encourager à opter pour des comportements à forte valeur sociétale, comme c'est le cas de l'adoption.
La sénatrice Callbeck : Comme je le disais, c'est formidable pour ceux qui y ont droit, mais dans ma province, 30 p. 100 des gens qui remplissent une déclaration d'impôt — et je crois qu'au niveau national, c'est 40 p. 100 — ne paient pas d'impôt. Par conséquent, ils sont éliminés, ils ne peuvent pas bénéficier de ces programmes.
M. Flaherty : Vous avez raison. C'est un crédit d'impôt, et c'est ça que nous avons mis en place. Dans chaque province, la situation est différente, et c'est au gouvernement de la province à appliquer des critères d'examen des ressources pour les différents services qu'il offre aux familles.
La sénatrice Callbeck : Je trouve ça très injuste, mais je vais passer à une autre question.
Vous avez annoncé, dans le budget, la création d'un programme de formation professionnelle, mais je n'en vois mention nulle part dans le projet de loi C-60. Je sais qu'il va nécessiter 5 millions de dollars du fédéral, 5 millions de dollars de la province et 5 millions de dollars de l'employeur. Avez-vous eu des discussions à ce sujet avec les provinces, et peut-on s'attendre que le Budget supplémentaire des dépenses qui sera présenté d'ici la fin de l'année contiendra des crédits pour ce programme?
M. Flaherty : L'arrangement que nous avons avec les provinces n'expire pas avant un an, et nous devons bien sûr nous acquitter de nos obligations jusqu'à la fin. La répartition que vous avez indiquée pour le financement s'appliquerait après cette date. Ça nous donne donc presque un an pour en discuter avec les provinces et pour trouver, je l'espère, le moyen d'intégrer ce que nous faisons au niveau fédéral et ce qui se fait au niveau provincial, et bien sûr, ce qui est très important, de faire participer directement les employeurs à ce programme, ce qui sera une première.
Le problème est le suivant : nous transférons beaucoup de deniers publics aux provinces, dans le cadre d'ententes, pour aider les gens à trouver des emplois. Cependant, les provinces ne nous disent pas grand-chose des résultats de ces efforts. En fait, certaines d'entre elles utilisent même cet argent à d'autres fins, si bien que nous n'obtenons pas les résultats que nous voulons. Dans certains cas, elles se contentent de nous dire qu'elles ont formé tant de personnes, et c'est tout. Nous ignorons si ces personnes ont trouvé du travail. Comme nous savons ce qu'il en coûte au contribuable de financer ce genre de programme, nous aimerions avoir des résultats bien plus concrets. Et à mon avis, c'est possible par la collaboration. Oui, il y a eu des discussions. Cela ne relève pas directement de moi, mais je sais qu'il y en a eu. Je sais aussi que l'idée plaît à certaines provinces, surtout parce qu'il s'agit de faire participer les employeurs car, de cette façon, il sera plus facile de jumeler un emploi vacant et une personne à la recherche d'un emploi.
La sénatrice Callbeck : Autrement dit, c'est un programme pour plus tard, mais j'ai pourtant bien vu là-dessus un spot publicitaire de 30 secondes à La soirée du hockey, un spot publicitaire qui coûte, d'après ce qu'on m'a dit, 95 000 $ pièce.
M. Flaherty : Oui, nous faisons la publicité du plan d'action économique. Nous informons les Canadiens des mesures que nous prenons dans le budget.
La sénatrice Callbeck : C'est bien ce que je pensais : vous faites de la publicité pour ce programme de formation professionnelle, mais vous n'avez pas encore l'approbation des provinces. En fait, je crois savoir que le Québec a déjà dit qu'il n'y participerait pas. Il me semble plutôt prématuré de faire de la publicité pour un programme qui n'est pas finalisé.
M. Flaherty : En effet, il n'est pas finalisé, mais c'est le cas de la plupart des postes du budget. Le projet de loi portant exécution du budget n'est pas adopté non plus. Vous en commencez tout juste l'examen. Il y a beaucoup de mesures prévues dans le budget, et il est raisonnable que le gouvernement veuille en faire connaître les principales, afin de montrer aux Canadiens qu'il défend leurs intérêts, notamment en ce qui concerne les emplois, la croissance et la prospérité à long terme du pays. C'est un problème qui inquiète beaucoup de parents. Trop de jeunes n'arrivent pas à trouver un emploi, et cela inquiète beaucoup leur famille. Je sais que, dans ma collectivité, il y a beaucoup de jeunes sans emploi, aussi bien des diplômés universitaires que des jeunes qui ont eu du mal à terminer leur secondaire.
La sénatrice Callbeck : Il est indéniable que beaucoup de jeunes ont du mal à trouver des emplois. Pour un nouveau diplômé, un poste à plein temps tient davantage du rêve que de la réalité. Quand ils réussissent à trouver quelque chose à faire pendant six mois, ils s'estiment chanceux.
Je me demande pourquoi vous n'avez pas alloué davantage d'argent au programme d'emploi d'été des étudiants. Le budget est resté le même depuis trois ans. C'est pourtant un programme qui, en gros, fournit des emplois à 37 000 étudiants.
M. Flaherty : En effet, nous continuons de le financer au même niveau, ce qui est déjà pas mal étant donné que nous avons un déficit que nous voulons résorber. Nous devons équilibrer le budget. Et c'est vrai qu'en tant que ministre des Finances, c'est moi qui décide de ne pas augmenter certains postes de dépenses, voire de les éliminer.
La sénatrice Callbeck : Puis-je continuer?
Le président : Je vais inscrire votre nom pour la prochaine ronde, car votre temps est pratiquement écoulé.
La sénatrice Eaton : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre. J'aimerais revenir sur le tableau d'ensemble que vous avez brossé tout à l'heure. Nous savons que nous aurons un budget équilibré très bientôt, mais j'aimerais savoir quel effet cela aura si les Américains continuent de reporter le projet Keystone indéfiniment et si celui du Northern Gateway n'aboutit pas? Quel en sera l'effet sur notre économie au cours des deux ou trois prochaines années?
M. Flaherty : Madame la sénatrice, ça risque de freiner la croissance, mais les hypothèses de croissance économique sur lesquelles nous nous sommes fondés pour annoncer le retour à un budget équilibré en 2015 sont très modérées. Elles sont avalisées par les spécialistes et les critiques qui suivent de près ces choses-là, car ils estiment qu'elles sont tout à fait réalistes. En fait, certains nous ont même dit qu'il se peut que nous affichions un excédent beaucoup plus important que celui que nous avons prévu pour 2015. J'espère que c'est vrai. Nous sommes tout près du but, et je pense bien que nous allons le dépasser en 2015. Je ne m'attends quand même pas à un excédent important, mais si la conjoncture devient particulièrement favorable, que les États-Unis affichent une croissance substantielle et que nos exportations vers notre voisin du sud et vers l'Asie augmentent nettement, alors nous afficherons un excédent encore plus important en 2015.
La sénatrice Eaton : Je suis ravie de le savoir. Je ne sais plus si c'est vous ou Mark Carney qui a parlé d'argent mort. Quand on songe au secteur manufacturier, surtout dans le sud de l'Ontario et dans certains coins du Québec, est-il vrai qu'il y a de l'argent qui dort dans les banques et qui pourrait être réinvesti ailleurs au Canada?
M. Flaherty : De façon générale, il y a trop d'argent qui se brasse de par le monde, et c'est inquiétant parce que c'est un phénomène qu'on a déjà observé. En 2007, c'était la même chose, et ça produit généralement des bulles spéculatives. C'est justement ce que nous avons voulu éviter avec le marché immobilier canadien. Moi, j'ai fait ma part en ce qui concerne le volet budgétaire, et la Société canadienne d'hypothèques et de logement a fait sa part en ce qui concerne les prêts hypothécaires. Je suis de très près la situation, avec la surintendante des institutions financières.
S'agissant d'argent mort, c'est le gouverneur qui en a parlé l'an dernier, et depuis, je pense que le mort a un peu ressuscité, comme Lazare. Les investissements dans les machines et les équipements ont nettement augmenté, ce qui est bon pour l'économie canadienne, car nous savons que ça va se traduire par une croissance et une productivité plus fortes, mais pas toujours par un grand nombre d'emplois. C'est le problème qu'ont les Américains. Leur productivité est élevée mais, jusqu'à récemment, ils n'avaient pas réussi à créer tous les emplois qu'ils escomptaient des investissements des entreprises. Quoi qu'il en soit, les investissements dans les machines et les équipements sont nettement en hausse. C'est attribuable en partie, j'en suis sûr, à la déduction pour amortissement accéléré, puisqu'elle est passée de 30 à 50 p. 100, ce qui est un incitatif de taille pour les fabricants canadiens qui investissent dans leurs propres opérations.
La sénatrice Chaput : Monsieur le ministre, je suis ravie de vous voir. Ma question porte sur la partie 3, section 4 du projet de loi, qui autorise des paiements sur le Trésor à certaines entités ou à certaines fins. Dans ce projet de loi, entités signifie fondations ou organisations à but non lucratif. Puis, il est question d'entreprises à but non lucratif et d'organismes caritatifs enregistrés. Je ne comprends pas très bien la différence qui existe entre les trois, mais il doit y en avoir une, sinon ils n'auraient pas une désignation différente.
Qui décide, par exemple, qu'une fondation plutôt qu'une autre recevra des subventions du gouvernement fédéral? Qui prend cette décision?
M. Flaherty : Je ne suis pas sûr. Je vais vérifier. Je ne suis pas sûr de bien comprendre de quoi vous voulez parler. Nous allons vérifier et voir comment nous pouvons répondre à votre excellente question sur le choix d'une entité plutôt qu'une autre.
J'aimerais quand même être sûr de bien comprendre votre question. La section 4 de la partie 3 porte sur les paiements à certaines entités, qui sont énumérées. Vous voulez savoir comment elles sont choisies?
La sénatrice Chaput : Oui. Quand on lit les explications, on voit que certaines entités sont des fondations ou des organisations à but non lucratif, et qu'il y a ensuite une entreprise à but non lucratif puis un organisme caritatif enregistré.
M. Flaherty : Je peux vous assurer que la nature de l'entité, qu'il s'agisse d'une fondation ou d'un organisme caritatif, n'est pas un élément qui entre en ligne de compte lorsqu'on décide de lui accorder des financements. Nous faisons des choix parmi toutes sortes de demandes concurrentes.
La sénatrice Chaput : Lorsque ces organisations reçoivent ces crédits du gouvernement fédéral, est-ce que l'argent doit être consacré à une initiative précise ou est-ce qu'il peut être ajouté au fonds de dotation d'une fondation? Je veux savoir en fait si cet argent doit être absolument dépensé?
M. Flaherty : Les crédits alloués sont destinés à des initiatives précises, comme l'indique la section 4 de la partie 3. Par exemple, Génome Canada fait de la recherche en génomique, et l'argent qu'il reçoit doit être consacré à la recherche en génomique. Il ne peut pas servir à enrichir une dotation. La Société d'habitation du Nunavut doit investir cet argent dans la construction de logements au Nunavut. Indspire reçoit de l'argent qui doit servir à l'éducation postsecondaire des peuples autochtones. Tout cet argent doit être dépensé.
La sénatrice Chaput : Si je comprends bien, l'argent doit être dépensé et il ne peut pas servir à enrichir un fonds de dotation.
M. Flaherty : C'est exact. Nous devons examiner des centaines de demandes qui nous sont présentées par des entités tout à fait valables au Canada, mais nous devons faire des choix.
La sénatrice Chaput : À la partie 3, vous énumérez sept entités — vous incluez les entités et les fins. Au cours d'une année, à combien de fondations ou d'entités de ce genre le gouvernement fédéral verse-t-il de l'argent? Y en a-t-il beaucoup d'autres?
M. Flaherty : Elles n'apparaissent pas nécessairement dans un budget donné, car certains de ces financements s'étalent sur plusieurs années.
Je n'ai pas la réponse, mais je vous la ferai parvenir.
La sénatrice Chaput : Je vous remercie de la faire parvenir au comité.
M. Flaherty : Je le ferai, c'est entendu.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Je suis bien heureuse de rencontrer le ministre des Finances.
J'aimerais poser deux questions. Nous savons que la situation économique va effectivement bien quand on la compare à ce qui se passe en Europe, mais elle est tout de même précaire et c'est préoccupant. Vous avez, dans le budget, une vision sur l'équilibre budgétaire à atteindre. Néanmoins, il y a des éléments dans le budget pour soutenir la demande au Canada, au cas où il y aurait des problèmes, notamment dans votre plan d'infrastructure établi sur dix ans avec les autres niveaux de gouvernement.
Ma première question a trait à ce plan d'infrastructure. Pourriez-vous le comparer un peu au plan adopté en 2009, c'est-à-dire le plan de 63 milliards de dollars qui a été, en partie en tout cas, responsable du succès du Canada afin de passer à travers la grosse crise financière que nous avons connue?
Également, le plan d'infrastructure sur 10 ans pourrait-il éventuellement être mis à profit s'il y avait des événements imprévisibles et catastrophiques qui arrivaient au Canada?
Ma deuxième question a trait à la Subvention canadienne à l'emploi. Au Québec, on sait que cette subvention sera financée à même les ententes qui viendront à échéance dans un an.
Il y a différents types de craintes au Québec. Certaines entreprises, par exemple, suite aux conversations que j'ai pu avoir elles, craignent de ne pas pouvoir profiter de ces sommes parce qu'elles ont peur que les petites et les moyennes entreprises ne soient pas en mesure d'injecter la contrepartie des 5 000 $. En moyenne, dans les entreprises de petite taille, ce n'est pas autant d'argent qu'on investit par employé. On dit qu'on y perdra peut-être au change, alors que d'autres soutiennent que finalement, peut-être cette subvention pourrait-elle être utilisée par des entreprises qui font déjà de la formation.
Cela signifie qu'il y aura un effet de substitution, à savoir que les entreprises qui font déjà appel à de la subvention et qui financent des jeunes ou d'autres, afin qu'ils viennent étudier, pourraient bénéficier de cette subvention, ce qui n'ajouterait rien au total.
Je voudrais connaître vos réactions à ce sujet et voir avec vous si les enveloppes budgétaires régionales, si jamais une province a de la difficulté à répondre à la demande, s'il y avait possibilité d'aménager une entente particulière ou des façons de faire pour les encourager à faire de la formation en entreprise?
M. Flaherty : Je remercie la sénatrice de sa question.
[Traduction]
Je vais commencer par la deuxième partie de la question — celle qui concerne la subvention à l'emploi. Cela sera négocié avec les provinces, et certaines ententes pourront varier d'une province à l'autre. Même sans être expert en la matière, je ne pense pas qu'il existe une province qui n'investisse pas dans la formation professionnelle. Elles le font toutes, car c'est très important. Chaque année, nous consacrons des milliards de dollars à la formation professionnelle. Ce que nous voulons, c'est nous assurer que l'argent que nous donnons est utilisé à bon escient. Nous voulons qu'on nous rende des comptes, et nous voulons faire participer les employeurs.
Vous m'avez posé une question au sujet des entreprises qui font déjà de la formation professionnelle, et je peux vous dire qu'elles auront droit à cette subvention si leur objectif est d'améliorer les compétences des employés. Nous n'avons pas du tout l'intention de les exclure.
S'agissant des petites et moyennes entreprises, les chiffres, ça se négocie. Ça peut être 5 000 $ comme ça peut être un autre montant. L'objectif est de jumeler le chercheur d'emploi et l'emploi disponible, de lui donner la formation nécessaire et de s'assurer qu'il est rémunéré, et ce, dans l'intérêt de tous.
S'agissant des infrastructures, il y a plusieurs choses à prendre en considération. Premièrement, les municipalités ont beaucoup insisté pour avoir une entente à long terme. J'avais des réserves au départ, car, ayant moi-même fait partie de plusieurs gouvernements, je n'aime pas conclure des accords qui vont au-delà du mandat du gouvernement. Ça me paraît un peu présomptueux, même si nous avons des ententes sur 20 ans. Qui va les mener à terme : c'est la question qu'il faut se poser?
S'agissant des infrastructures, c'est plus difficile, et elles m'ont convaincu qu'il fallait avoir des projets à long terme. Prenez l'exemple du pont Champlain à Montréal, ça va prendre des années. Et c'est la même chose pour les autres grands projets d'infrastructure au Canada. Il leur faut donc un financement à long terme, et pour organiser ce financement de façon avantageuse, les municipalités doivent pouvoir dire à leurs bailleurs de fonds : « On nous garantit tel financement sur 10 ans. »
C'est l'une des raisons pour lesquelles c'est un peu différent de ce que nous avons actuellement dans le plan d'infrastructure. Nous offrons plus d'argent sur une période de 10 ans, mais seulement aux municipalités. Pas aux autres, pas aux collèges ni aux universités. Ce n'est pas comme le programme d'infrastructure du PAE. Ça ne vaut que pour les infrastructures municipales, et régionales aussi car, comme vous le savez, nous avons des municipalités régionales au Canada.
Nous avons également indexé le Fonds de la taxe sur l'essence à 2 p. 100, ce à quoi tenaient beaucoup les municipalités du pays. De cette façon, le fonds va prendre de l'expansion, ce qui est une très bonne chose pour les municipalités.
Chaque fois que je rencontre un maire ou un conseiller municipal, je lui demande si le fonds sert de levier pour autre chose. Notre gouvernement bénéficie de la cote de crédit maximum qui puisse exister au monde. Nous leur garantissons 2 p. 100, et maintenant c'est permanent puisque nous l'avons légiféré l'an dernier, ou peut-être l'année d'avant. C'est donc indexé, par conséquent, ils peuvent le déposer à la banque et s'en servir pour obtenir des fonds ailleurs.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Concernant les infrastructures, les municipalités vont-elles y participer? C'est moitié-moitié actuellement; c'est un financement partagé des infrastructures. Le fonds fédéral est utilisé comme un levier.
[Traduction]
Les municipalités devront elles aussi participer à l'investissement.
M. Flaherty : Je vais vous donner une courte réponse, et ensuite, je vais demander à un collaborateur de vous donner une réponse plus précise.
[Français]
Sébastien Badour, conseiller principal, Politiques et communications, Politiques et planification, Infrastructure Canada : Cela dépend des initiatives. Concernant le Fonds de la taxe sur l'essence, cela peut aller jusqu'à 100 p. 100 provenant du gouvernement fédéral, mais cela dépend vraiment des programmes.
La sénatrice Bellemare : D'accord. Et le total sur 10 ans représente environ combien? Le sait-on?
M. Badour : Pour le Fonds de la taxe sur l'essence, il s'agit d'une somme de 21,8 milliards de dollars. Pour le remboursement de la TPS pour les municipalités et de l'augmentation, c'est de l'ordre d'environ 10 milliards de dollars.
Pour le nouveau Fonds Chantiers Canada, c'est 14 milliards de dollars et le Fonds pour les partenariats publics/ privés, c'est 1,25 milliard de dollars. Il y a 6 milliards d'argent existant pour un total de 53 milliards de dollars.
[Traduction]
Le sénateur De Bané : Je vous remercie infiniment d'être ici aujourd'hui. Je pense que le gouvernement a tout à fait raison de s'employer à négocier des accords de libre-échange, afin de multiplier nos débouchés à l'étranger. Pensez- vous que nous allons réussir à négocier une entente de libre-échange avec l'Union européenne avant que celle-ci n'entreprenne des négociations avec les Américains? Pensez-vous que nous allons y parvenir? Quelle est votre opinion?
M. Flaherty : Je ne suis pas le ministre du Commerce international. Il est évident que je participe à certaines discussions, mais je ne peux pas vous dire vraiment. Si je pouvais vous donner un avis bien informé, je le ferais, mais franchement, je ne le peux pas. Je peux vous dire par contre qu'il y a beaucoup de bonne volonté du côté de la zone euro, de la part de tous les ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales. Ils sont tous bien disposés à l'égard du Canada. Certes, il faut régler les problèmes qui se posent habituellement au cours de la négociation d'un accord de libre-échange, et, comme ça arrive souvent, c'est à la toute fin du processus que les discussions deviennent plus difficiles.
Le sénateur De Bané : Est-ce que, d'après vous, la question de la gestion des approvisionnements en produits agricoles va être un obstacle à l'aboutissement de ces négociations?
M. Flaherty : Je participe à ces discussions sur un plan général depuis de nombreuses années, et au niveau international, depuis l'époque de la ronde de Doha. Beaucoup de gens espéraient quele cycle de Doha aboutirait, mais ça n'a pas été le cas. Les questions agricoles finissent toujours par revenir à l'avant-scène, et je ne parle pas seulement des négociations canadiennes, je parle sur un plan général. Cela vaut pour les pays asiatiques, pour les pays européens, pour les pays d'Amérique du Nord et pour les pays d'Amérique du Sud. L'agriculture est toujours un dossier crucial.
Le sénateur De Bané : J'aimerais vous poser une autre question, monsieur le ministre. Vous nous avez dit, à juste titre je pense, qu'il fallait bien reconnaître que la performance de l'économie canadienne est meilleure que celle d'autres pays. Cela dit, si l'on veut véritablement prendre la mesure de la performance de l'économie canadienne, il faut en connaître les faiblesses, les lacunes et les difficultés qui l'empêchent de réaliser tout son potentiel. Est-il vrai, par exemple, que les barrières au commerce interprovincial sont plus importantes que celles qui existent entre les 27 pays européens? Je sais que l'économie canadienne s'en sort mieux que d'autres depuis quelques années, mais à votre avis, si l'on essaie de bien cerner toute la question, quels sont les obstacles, les entraves qui empêchent l'économie canadienne de réaliser tout son potentiel?
M. Flaherty : Je pense qu'il est extrêmement regrettable que nous ayons encore des barrières au commerce interprovincial au Canada. J'ai été ministre dans un gouvernement provincial. Je peux vous dire que les ministres responsables se rencontrent régulièrement pour conclure des ententes. Je me souviens que nous nous étions rencontrés une fois, et qu'une province n'avait pas respecté les règles, je ne vous dirai pas laquelle, mais la sanction qui lui a été infligée était minime. Autrement dit, le fait de ne pas respecter les règles n'a aucune conséquence. Cela ne concerne pas uniquement le commerce interprovincial des marchandises, ça concerne aussi les services. Et pourtant, il faut que ceux qui possèdent certaines compétences ou certaines qualifications aient la possibilité d'aller exercer leur métier ou leur profession dans une autre région du pays que celle où ils habitent. C'est extrêmement regrettable, et, que je sache, nous avons fait très peu de progrès à ce niveau-là.
Ce qu'il nous faut avant tout, c'est trouver des marchés pour nos ressources. La sénatrice Eaton a parlé du pipeline Keystone. D'une façon ou d'une autre, il faut que nous trouvions des marchés pour nos ressources — et ça inclut aussi nos ressources agricoles. Il faut que nous puissions commercialiser nos ressources, sinon, il nous sera très difficile d'assurer la croissance économique.
L'autre objectif dont nous avons parlé ce soir est l'emploi des jeunes, à qui il faut trouver des emplois qui conviennent à leurs qualifications. C'est d'une importance vitale car, sinon, ces jeunes risquent de se sentir exclus de notre société.
Le sénateur Moore : Je vous remercie d'être ici ce soir. Quand vous avez brossé votre tableau d'ensemble, vous avez parlé de menaces économiques en provenance d'autres pays. Moi, j'aimerais parler des menaces économiques qui sont internes à notre pays. Permettez-moi de vous rappeler plusieurs statistiques de la Banque du Canada, qui remontent à la fin du mois de mars de cette année.
À l'heure actuelle, le ratio de l'endettement des ménages et du revenu disponible personnel est de 167 p. 100, alors que chez nos voisins américains, il est de 40 points en dessous. Ils s'emploient à faire diminuer le leur depuis 2008, alors que le nôtre augmente progressivement. Nous avons atteint un maximum historique. Les emprunts de consommation sur cartes de crédit s'élèvent à 76 milliards de dollars, et le total des marges de crédit est de 257 milliards de dollars. Curieusement, les gens ne transfèrent pas leurs emprunts sur cartes de crédit vers des marges de crédit dont les taux d'intérêt sont inférieurs, ce qui leur permettrait pourtant d'économiser de l'argent. Depuis 2009, les hypothèques résidentielles sont passées de 453,3 à près de 865 milliards de dollars, soit une augmentation de 91 p. 100.
Je sais que, récemment, vous êtes intervenu pour réduire la période d'amortissement et pour augmenter la mise de fonds minimale, mais les taux d'intérêt n'ont jamais été aussi bas. Une personne sensée devrait pourtant se dire qu'un de ces jours ils vont monter, étant donné qu'ils ne peuvent pas descendre plus bas. Ils ne peuvent plus descendre. Quand vous regardez dans votre boule de cristal, ces chiffres doivent vous inquiéter. J'aimerais bien savoir ce que vous en pensez. Y a-t-il une bulle immobilière au Canada qui risque de nous poser des problèmes économiques, et que faudrait-il faire pour réduire toute cette dette des ménages? Comment peut-on convaincre les gens qu'il faut réduire ses dettes plutôt que de les augmenter?
Le président : Le temps qui vous est attribué et écoulé. Si vous voulez y répondre, monsieur le ministre, vous le pouvez. Il y a d'autres sénateurs qui auront des questions à poser à vos collaborateurs, à la deuxième ronde.
M. Flaherty : Le sénateur a posé une question très importante, qui me préoccupe depuis plus de quatre ans. C'est justement il y a à peu près quatre ans que j'ai pris des premières mesures pour essayer de resserrer les hypothèques résidentielles offertes par la SCHL et les deux autres sociétés privées qui travaillent dans ce secteur, car c'est le fédéral qui réglemente cela. Depuis, je l'ai fait trois fois, y compris l'été dernier. Ce n'est pas le seul facteur, bien sûr, mais il faut reconnaître que cela a eu un effet bénéfique sur le marché immobilier résidentiel, surtout celui des copropriétés, où la demande s'est un peu essoufflée dans les grandes villes du Canada. C'est une bonne chose. Je m'en réjouis. Je sais que cela inquiète certaines personnes, mais, grâce à ces mesures, nous avons évité la bulle immobilière. C'était donc justifié. La Banque du Canada maintient son taux à 1 p. 100 depuis 2010, je crois, ce qui permet aux établissements financiers d'offrir des taux hypothécaires résidentiels très bas. Ce n'est donc pas surprenant que beaucoup de gens pensent pouvoir se permettre d'acheter davantage de biens, immobiliers ou autres.
Je me souviens qu'en 2012, des entrepreneurs en construction — et d'autres personnes, bien sûr — m'avaient confié qu'ils s'inquiétaient de voir des gens acheter trop d'immobilier, comme ils disent, et payer trop cher certains appartements en copropriété, trop cher par rapport au coût de construction, même si la demande est forte et que les taux d'intérêt sont faibles. Nous avons donc essayé de resserrer un peu les modalités de crédit.
Le gouverneur de la Banque du Canada a indiqué que le taux directeur de la banque allait fort probablement rester le même pendant quelque temps, c'est donc un problème qui va perdurer. Comme je l'ai dit, le marché immobilier a ralenti quelque peu, et je m'en réjouis.
S'agissant des emprunts de consommation sur cartes de crédit, on me dit que de plus en plus de gens remboursent leurs dettes à temps, et c'est une bonne chose. Je vérifie cela auprès des banques et d'autres établissements financiers de façon régulière, et je me réjouis de cette évolution. Je suis d'accord avec vous pour dire que les gens devraient réfléchir un peu plus et utiliser une marge de crédit plutôt qu'une carte de crédit. Ce serait plus sensé.
Pour ce qui est de la SCHL, la situation me préoccupe depuis quelque temps. Comme vous le savez sans doute, la SCHL a été créée après la Seconde Guerre mondiale, et son mandat était d'aider les soldats à se trouver un logement abordable au Canada. Aujourd'hui, c'est devenu un établissement financier important. Très franchement, j'estime qu'en ce qui concerne la gouvernance — et je ne critique personne en particulier —, cet établissement devrait être géré comme un grand établissement financier. La SCHL a aussi une responsabilité distincte en matière de logement social.
Dans le budget de l'an dernier, nous avons apporté des changements, qui sont maintenant en vigueur, à la loi organique de la SCHL afin que ses programmes de titrisation relèvent dorénavant du ministère des Finances plutôt que du ministère des Ressources humaines. La surintendante des institutions financières et ses collaborateurs sont allés à la SCHL pour faire des tests de solidité financière, et nous continuons de surveiller la situation de très près. Figurez-vous que la SCHL assurait des MCBI, c'est-à-dire des marges de crédit garanties par un bien immobilier. Le sénateur semble surpris, comme je l'ai été quand je l'ai appris. Elle ne le fait plus parce que nous lui avons interdit.
Elle continue d'assurer ce qu'on appelle les hypothèques résidentielles de portefeuille, c'est-à-dire les hypothèques résidentielles consenties par les banques mais non assurées car elles ne présentent pas un risque élevé. Il en est question dans le budget de cette année, et nous examinons cet aspect-là aussi. Nous avons nommé un nouveau président du conseil de la SCHL il y a quelques semaines.
Le sénateur Moore : Je connais Bob Kelly, c'est un type bien.
M. Flaherty : C'est un bon choix?
Le sénateur Moore : Oui.
Le président : Monsieur le ministre, nous allons poursuivre notre examen du projet de loi portant exécution du budget, le projet de loi C-60, avec l'aide des collaborateurs que vous laissez derrière vous. Merci beaucoup d'être venu nous rencontrer et de nous avoir brossé ce tableau d'ensemble. Il y a trois sénateurs qui avaient d'autres questions à poser au ministre, et je regrette qu'il n'y ait pas eu une deuxième ronde, mais de cette façon, tous les sénateurs ont eu l'occasion de participer, plus ou moins. J'espère que les résultats de notre examen vous seront de quelque utilité.
M. Flaherty : Je vous remercie de tout le travail que vous faites et des conseils que vous nous donnez. Merci, monsieur le président, et merci à vous, sénateurs.
Le président : Nous accueillons, de Citoyenneté et Immigration Canada, Mme Hiles, Mme Paré et Mme Melis. Qui veut prendre la parole au sujet de la section 10, les amendements proposés à la Loi sur la citoyenneté?
Alexandra Hiles, responsable de projet, Modernisation de la citoyenneté, Citoyenneté et Immigration Canada : Je vais commencer. Bonsoir. Nous sommes ravies d'être ici ce soir pour vous expliquer les amendements proposés à la Loi sur la citoyenneté, à la section 10 du projet de loi C-60.
Je m'appelle Alexandra Hiles. Je suis directrice par intérim de la division de la prestation des programmes de la citoyenneté et de la promotion. Je suis accompagnée de Karine Paré, directrice de la gestion des coûts, et de Caroline Melis, directrice générale de la gestion opérationnelle et de la coordination.
Je vais vous décrire rapidement le contenu de chaque article de la section 10, après quoi nous pourrons répondre aux questions des membres du comité.
[Français]
Depuis 2006, le Canada affiche les niveaux d'immigration les plus élevés de son histoire. Par conséquent, le nombre de demandes de citoyenneté a augmenté, ce qui a eu pour effet d'allonger les délais de traitement et de faire augmenter les coûts du programme.
Le problème le plus important lié au programme de citoyenneté actuel concerne les délais de traitement grandissant et les frais de traitement des demandes de citoyenneté, lesquels sont inchangés depuis près de 20 ans.
[Traduction]
Les droits que doivent payer les candidats sont actuellement de 100 $ mais ça ne couvre que 20 p. 100 du coût réel de traitement d'une demande de citoyenneté. Autrement dit, les contribuables canadiens paient 80 p. 100 du coût réel.
En plus des droits à payer pour le traitement de leur demande, les candidats adultes doivent payer un droit de 100 $ pour la citoyenneté, soit un total de 200 $. Le gouvernement propose de régler ces problèmes en augmentant les droits à payer au moment du dépôt de la demande de citoyenneté, et en augmentant les budgets nécessaires au traitement des demandes.
L'article 170 remplace l'alinéa 27b) de la Loi sur la citoyenneté et confère au gouverneur en conseil un pouvoir réglementaire élargi concernant les droits à payer pour les services offerts dans le cadre de l'application de cette loi, ainsi que les cas où ils peuvent faire l'objet d'une exemption. Les droits prévus dans la loi actuelle continueront de s'appliquer après l'entrée en vigueur de ce nouveau pouvoir réglementaire. Les amendements proposés permettront à CIC de recouvrer les coûts des services améliorés et modernisés qui seront offerts aux clients, au-delà des seuils de recouvrement actuellement prévus dans la Loi sur la citoyenneté.
L'article 171 vise à exempter, de l'application de la Loi sur les frais d'utilisation, les droits à acquitter pour les services offerts dans le cadre de l'application de la Loi sur la citoyenneté. Ces droits continueront d'être assujettis aux critères de la Loi sur la gestion des finances publiques, dont l'un prévoit qu'un droit à acquitter pour un service ne doit jamais dépasser le coût de la prestation de ce service. La LFU prescrit une procédure de consultation qui peut durer des années.
[Français]
Mes collègues et moi serons heureux de répondre à toutes les questions des membres du comité.
[Traduction]
Le président : Excusez-moi, quand vous dites des années, vous parlez de la Loi sur la gestion des finances publiques?
Mme Hiles : Non, de la Loi sur les frais d'utilisation.
Le président : Avez-vous autre chose à dire? Dans ce cas, parlons un peu de la Loi sur les frais d'utilisation, car j'espérais pouvoir en parler l'autre jour. Vous dites qu'avec cette loi, pour obtenir l'autorisation d'augmenter les droits, ça prend des années, et que c'est un problème. C'est bien ça?
Karine Paré, directrice, Gestion des coûts, Citoyenneté et Immigration Canada : Je vais vous expliquer pourquoi nous demandons une exemption dans le cadre de ces amendements.
Le président : Oui, merci.
Mme Paré : Nous demandons une exemption parce que nous voulons plus de marge de manœuvre pour transférer les coûts des contribuables aux utilisateurs du service. Comme l'a dit tout à l'heure ma collègue, nous sommes déjà assujettis aux critères énoncés dans la Loi sur la gestion des finances publiques. Le gouvernement n'a pas le droit d'imposer un droit supérieur au coût de traitement de la demande, en l'occurrence la demande de citoyenneté, et c'est un critère que nous devons respecter. Régulièrement, nous regardons ce qui se fait dans d'autres pays qui offrent des services similaires, pour nous assurer que les droits que nous imposons sont compétitifs. Nous faisons également les consultations prévues dans le dispositif réglementaire.
Le président : Est-ce que la procédure qui est prévue dans la Loi sur la gestion des finances publiques pour augmenter ou diminuer des frais aux usagers était déjà en vigueur lorsque le Parlement a jugé bon d'adopter la Loi sur les frais d'utilisation?
Mme Paré : Oui, la LFU était déjà en vigueur puisqu'elle a été adoptée en 2004.
Le président : Et pourtant, vous dites que le système n'est pas très pratique et que vous préfériez ce qui existait avant. Je dis cela parce que je constate qu'il y a toutes sortes de demandes d'exemption à la Loi sur les frais d'utilisation.
Tout ce que vous pouvez nous dire, c'est que vous devez respecter les règlements qui sont déjà prévus en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, et que ce n'est pas très pratique de fonctionner avec cette nouvelle loi, c'est bien ça?
Mme Paré : En plus des dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques, la Loi sur les frais d'utilisation prévoit que nous devons comparer notre service à celui d'autres pays, donc nous allons aussi le faire. Notre intention est de respecter l'esprit de la Loi sur les frais d'utilisation. Toutefois, les consultations se feront dans le cadre du processus réglementaire.
Le président : D'autres sénateurs souhaitent-ils poursuivre sur ce sujet avant que je ne passe à un autre nom sur la liste?
La sénatrice Buth : Pouvez-vous nous donner une idée du temps qu'il faut pour appliquer la procédure prévue dans la Loi sur les frais d'utilisation?
Mme Paré : Tout dépend du service et du nombre d'usagers à consulter, mais d'après les statistiques que nous avons, et ça dépend aussi du ministère, ça peut prendre de deux à quatre ans, et à ça, il faut ajouter le processus réglementaire déjà prévu.
La sénatrice Buth : Est-ce que le processus de consultation est beaucoup plus étendu?
Mme Paré : Il faut consulter les usagers du service, et pour CIC, ça représente beaucoup de gens. Il faut également traiter les plaintes. En effet, si vous proposez un nouveau barème et qu'il y a des plaintes, il faut y répondre, et ça prend encore plus de temps. C'est pour ça que je dis que tout dépend du nombre d'usagers que vous devez consulter et des résultats des consultations. Il ne faut pas oublier que le processus réglementaire prévoit lui aussi un processus de consultation des usagers.
La sénatrice Buth : Comment faites-vous pour consulter les usagers?
Mme Paré : Nous publions un avis dans la Gazette du Canada.
La sénatrice Buth : Par contre, pour la consultation prévue dans la Loi sur les frais d'utilisation, qui est un processus plus long, comment faites-vous?
Mme Paré : Nous utilisons Internet ou différents médias.
La sénatrice Buth : Merci.
Le président : Cette dernière réponse me laisse perplexe. J'ai déjà dit que je n'aimais pas beaucoup toutes ces demandes d'exemption qu'on voit ici. Vous nous avez dit au début qu'en ce qui concerne l'application de la Loi sur la citoyenneté, les droits n'avaient pas augmenté depuis longtemps. Pour ce qui est de la Loi sur les frais d'utilisation, elle est assez récente, alors comment pouvez-vous savoir que c'est une procédure assez longue puisque vous ne l'avez jamais appliquée?
Mme Paré : C'est ce que j'ai conclu de l'expérience d'autres ministères.
Le président : Donc, vous faites une estimation à partir de ce que vous avez entendu dire.
Caroline Melis, directrice générale, Gestion opérationnelle et coordination, Citoyenneté et Immigration Canada : Avec votre permission, j'aimerais simplement dire que les droits à payer pour un passeport ont été modifiés récemment, et qu'il a fallu suivre toute la procédure prévue dans la Loi sur les frais d'utilisation. C'est un exemple qu'on peut comparer à notre situation et à partir duquel on peut calculer à peu près le temps que ça nous prendrait. Or, la procédure a duré au total quatre ans, du début jusqu'à la fin. Ça nous donne une bonne idée.
Le président : C'était pour les passeports?
Mme Melis : Oui.
La sénatrice Chaput : Vous avez parlé de consultations via la Gazette du Canada. Qu'entendez-vous par là? Est-ce que vous demandez aux usagers ce qu'ils pensent des changements que vous proposez, ou bien est-ce que vous les avisez des changements qui entreront en vigueur?
Mme Paré : Nous proposons les nouveaux tarifs, et les gens ont la possibilité de nous faire connaître leurs réactions, dont nous devons tenir compte dans le cadre du processus réglementaire.
La sénatrice Chaput : Ils ont la possibilité de vous faire connaître leurs réactions?
Mme Paré : Absolument.
La sénatrice Chaput : Et vous en tenez compte avant de prendre votre décision définitive?
Mme Paré : Exactement.
La sénatrice Eaton : Vous avez parlé des autres pays. Nous demandons des droits de 100 $ pour traiter une demande de citoyenneté, mais combien demandent des pays comme les États-Unis ou l'Australie, qui sont d'importants pays d'immigration?
Mme Paré : Généralement, nous faisons des comparaisons avec des pays similaires, ceux de la Conférence des cinq nations, c'est-à-dire, à part nous, le Royaume-Uni, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et l'Australie. En Australie, les droits à payer pour une demande de citoyenneté s'élèvent à 270 $; en Nouvelle-Zélande, à 385 $; au Royaume-Uni, ils atteignent presque 1 500 $; et aux États-Unis, 673 $.
La sénatrice Eaton : Merci beaucoup.
Le président : Sénatrice Buth, cela répond-il à votre question?
La sénatrice Buth : Oui, merci.
Le président : Merci beaucoup. Vous n'êtes pas sans savoir que certains de mes collègues et moi n'aimons pas beaucoup toutes ces exemptions que tout le monde réclame. La solution serait peut-être que vous suggériez à quelqu'un d'abroger la Loi sur les frais d'utilisation, si vous pensez que le public et le contribuable sont suffisamment protégés par la Loi sur la gestion des finances publiques.
Merci beaucoup d'avoir témoigné devant notre comité.
Nous allons maintenant passer à la section 11, qui modifie la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires. M. Cameron et M. Albert sont les deux représentants de la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Pouvez-vous nous donner des explications sur la section 11?
Jason K. Cameron, directeur général, Direction de la planification stratégique, Commission canadienne de sûreté nucléaire : Merci beaucoup, monsieur le président. J'ai quelques remarques liminaires à faire, même si l'article qui nous concerne est l'un des plus courts du projet de loi. Je vous remercie cependant de vous intéresser pendant quelques minutes à la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Je suis accompagné de Michael Albert, notre directeur de la Division de la planification interne.
Comme nous ne vous voyons pas très souvent, je vais prendre quelques instants pour vous rappeler qui nous sommes. Nous sommes l'autorité canadienne de réglementation nucléaire, et nous réglementons toutes les activités nucléaires au Canada, dans le but de protéger la santé, la sûreté, la sécurité et l'environnement, tout en nous acquittant de certaines obligations internationales.
Pour poursuivre leurs activités au Canada, les entreprises doivent nous demander une licence ou un permis pour lesquels, généralement, elles doivent payer des droits. L'amendement législatif et technique qui est proposé dans le projet de loi dont vous êtes saisis étaye notre structure tarifaire actuelle. La CCSN reçoit des paiements annuels des titulaires de permis ou de licences pour financer ses activités de réglementation, mais ces paiements ne sont pas toujours versés avant la fin de l'exercice financier du gouvernement, c'est-à-dire le 31 mars. Dans ces cas-là, lorsqu'un titulaire nous verse de l'argent que nous n'utilisons pas avant la date butoir, cet argent-là est retourné au Trésor, et il nous faut alors naviguer dans le labyrinthe budgétaire pour essayer de récupérer cet argent. Cet amendement législatif nous permettra essentiellement de reporter à l'exercice financier suivant les droits qui nous sont versés et que nous n'avons pas dépensés.
Pour vous situer un peu le contexte, je vous dirai qu'il y a entre 1 200 et 1 500 titulaires de permis ou de licences au Canada. Ce sont, notamment, des petites et moyennes entreprises, que vous ne connaissez pas pour la plupart, mais qui sont assujetties aux autorités de réglementation nucléaire. Ce sont des entreprises comme les usines de pâtes et papiers, les sociétés d'embouteillage, les entreprises de construction qui utilisent des équipements de densitométrie pour le pavage, et cetera. Beaucoup d'entreprises utilisent quotidiennement des équipements émettant des radiations, et ce sont elles qui sont les titulaires de permis ou de licences dont je parlais tout à l'heure.
Nous sommes prêts maintenant à répondre à vos questions.
Le président : Pour ce qui est de ces droits, est-ce que vous êtes assujettis à la Loi sur les frais d'utilisation?
M. Cameron : Étant donné la nature des questions que vous posez depuis quelques jours à ce sujet, je suis content de ne pas y être assujetti. Les frais qu'on impose aux titulaires de permis ou de licences ne sont pas un droit mais un privilège, et ce sont des frais qu'ils nous payent pour nous permettre de poursuivre nos activités de réglementation. Donc, heureusement que nous ne sommes pas assujettis à cette loi, mais même si nous l'étions, il ne s'agit pas ici d'ajouter de nouveaux frais. Ce sont les frais que nous imposons actuellement aux titulaires de licences ou de permis. Nous essayons en fait de nous assurer que cela ne constitue pas un fardeau indu pour les petites et moyennes entreprises.
Le président : Est-ce que, de cette façon, vous réussissez à recouvrer intégralement les coûts? Je n'ai pas votre budget devant les yeux, mais notre comité connaît bien le Budget principal des dépenses.
M. Cameron : Oui, nous réussissons à recouvrer intégralement les coûts. Ces paiements ne représentent qu'une petite partie du régime global de recouvrement des coûts de la CCSN. Juste pour vous donner une idée, nous sommes à peu près 850 personnes à réglementer toutes les activités nucléaires au Canada. Nous avons un budget annuel d'environ 140 millions de dollars, dont 100 à 110 millions sont générés par le recouvrement des coûts. La majeure partie de cette somme, soit 90 p. 100, provient de très grandes entités que vous connaissez sans doute, comme les centrales nucléaires et les mines d'uranium. Les centrales nucléaires continuent de fournir 60 p. 100 de l'électricité de la province de l'Ontario. Ces grandes entreprises sont capables de faire coïncider leurs paiements avec l'exercice financier du gouvernement, c'est-à-dire entre le 1er avril et le 31 mars, donc pour celles-là, il n'y a pas de problème.
Celles qui posent problème sont celles qui représentent à peu près 4 à 6 millions de dollars de nos activités, et ce sont elles qui sont prises avec un calendrier de paiements qui ne correspond pas à l'exercice financier du gouvernement.
La sénatrice Buth : J'ai eu la réponse à ma question.
Le président : Comme il n'y a pas d'autres sénateurs qui souhaitent poser des questions, je vais vous libérer. Merci de votre témoignage. Bonne chance. Nous vous inviterons peut-être un peu plus souvent, dorénavant.
M. Cameron : Nous offrons en fait un service à l'échelle nationale qui est tout à fait gratuit. C'est une séance d'information sur la CCSN. Nous l'avons déjà donnée aux parlementaires dans le passé, et nous serons ravis de la redonner.
Le président : Nous en prenons bonne note.
Nous passons maintenant à la section 12. Du ministère des Affaires étrangères — et nous pouvons encore l'appeler le MAECI pendant quelque temps —, nous accueillons M. Graham Shantz, et de l'Agence canadienne de développement international, M. Tobias Nussbaum. Lequel de vous deux est prêt à nous aider au sujet de la section 12 de ce projet de loi?
Graham Shantz, directeur général, Asie du Nord, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Nous sommes tous les deux prêts à vous aider, mais je vais commencer, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
Je m'appelle Graham Shantz. Je vous remercie de m'avoir présenté. Je suis le directeur général pour l'Asie du Nord, et je suis heureux d'avoir l'occasion de vous parler de la nouvelle loi qui est proposée en vue de la création du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, comme le prévoit la section 12 du projet de loi C-60.
[Français]
Dans le Plan d'action économique de 2013, le gouvernement a annoncé la fusion de l'Agence canadienne de développement international et du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, lesquels constitueront un nouveau ministère qui sera en mesure de mieux harmoniser nos politiques et programmes en matière d'affaires étrangères, du développement et du commerce. Selon le projet de loi, l'ACDI et le MAECI seront réunis au sein du nouveau ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement. La fusion prendra effet une fois que le projet de loi C-60 sera adopté par le Parlement et recevra la sanction royale.
[Traduction]
Comme l'indique le budget de 2013, le développement international, la lutte contre la pauvreté et l'aide humanitaire resteront des axes importants de la politique étrangère du Canada. Ils constitueront même une fonction essentielle du nouveau ministère.
Le gouvernement a réitéré sa volonté de dispenser une aide internationale qui soit efficace et efficiente. Le nouveau ministère permettra au gouvernement d'avoir une politique plus cohérente et d'optimiser l'impact de ses initiatives.
La lutte contre la pauvreté au moyen de l'aide au développement et de l'aide humanitaire, en temps de crise, est l'expression concrète des valeurs canadiennes, que le gouvernement continuera de promouvoir sur la scène internationale. Même s'il nous faudra plusieurs mois pour réorganiser les fonctions essentielles du nouveau ministère et optimiser la cohérence des politiques et les synergies, je peux vous assurer que nous sommes résolument déterminés à faire en sorte que la transition se fasse de la façon la plus harmonieuse possible, à la fois pour les employés et pour nos opérations au Canada et à l'étranger.
Nous nous inspirerons bien sûr des leçons tirées des fusions antérieures de ministères canadiens, aussi bien que de l'expérience d'autres pays, et les parties prenantes externes seront consultées, tout comme le personnel. Tout au long de la transition, le gouvernement saisira toutes les occasions d'accroître l'efficacité et l'efficience de ses programmes et de ses opérations.
Je vais maintenant inviter M. Nussbaum à vous présenter certains articles de la loi proposant la création du MAECD.
Tobias Nussbaum, directeur général, Direction des politiques stratégiques, Agence canadienne de développement international : Merci, monsieur Shantz. Bonsoir, sénateurs. Avant de commencer, j'observe que la nouvelle loi reprend un grand nombre d'articles de la loi organique du MAECI. Par conséquent, je vais me contenter de vous donner un bref aperçu des articles du projet de loi qui comportent des éléments nouveaux.
[Français]
L'article 2 dispose que le ministre des Affaires étrangères assure la gestion et la direction du nouveau ministre. Les pouvoirs et responsabilités attribués au ministre des Affaires étrangères, y compris la responsabilité du développement international, figurait déjà dans la loi actuellement en vigueur.
L'article 4 dispose que le ministre du Développement international est nommé alors que la loi en vigueur dispose qu'un ministre peut être nommé.
[Traduction]
L'article 5 dispose que le ministre du Développement international, tout comme le ministre du Commerce international, doit exercer ses attributions avec l'accord du ministre des Affaires étrangères. La relation entre les ministres est inchangée. L'article 8 porte sur la nomination de sous-ministres délégués; là encore, c'est essentiellement le même libellé. L'article 10 ne change rien des attributions du ministre, telles qu'elles sont définies dans la loi. Les attributions du ministre des Affaires étrangères englobent déjà le développement international. L'article 10 dispose que le ministre des Affaires étrangères doit favoriser le développement international durable et la réduction de la pauvreté dans les pays en voie de développement, et fournir de l'aide humanitaire en temps de crise.
J'arrive à la fin. L'article 14 définit pour la première fois les attributions du ministre du Développement international en ce qui concerne le développement et l'aide humanitaire. Ainsi, le ministre devra favoriser le développement international durable et la réduction de la pauvreté, en poursuivant quatre priorités précises, qui sont indiquées dans la loi.
Ces priorités sont les suivantes : premièrement, mener des activités relatives au développement international et à l'aide humanitaire; deuxièmement, veiller à l'efficacité des activités du Canada en matière de développement international et d'aide humanitaire; troisièmement, favoriser les relations avec les autres pays et les organismes menant des activités relatives au développement international ou à l'aide humanitaire; et quatrièmement, veiller à ce que la contribution du Canada à l'égard du développement international et de l'aide humanitaire soit conforme aux valeurs et aux priorités canadiennes.
Enfin, l'article 19 dispose que tous les contrats, baux, permis ou autres documents de l'ACDI sont transférés au nouveau ministère. Les attributions de l'actuel ministre de la Coopération internationale, du président et des employés de l'ACDI seront transférées en même temps au nouveau ministère. Cela contribuera à préserver la continuité et à assurer une transition sans heurts vers la création du nouveau ministère.
Je vais m'arrêter là, monsieur le président. M. Shantz et moi sommes prêts à répondre à vos questions.
Le président : Merci. Plusieurs sénateurs souhaitent vous poser des questions sur ce que vous venez de nous dire.
Auparavant, monsieur Shantz, vous avez parlé du nouveau sigle. Voulez-vous savoir ce que les sénateurs en pensent?
M. Shantz : Après la sanction royale, à condition qu'il y ait sanction royale, le ministère sera celui des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, ce qui donne MAECD, et on propose M-AEC-D.
Le président : Avez-vous eu des réactions?
M. Shantz : Je crois que ce sera MAECD.
Le président : Merci.
La sénatrice Buth : Oui, je pense que c'est mieux. Merci beaucoup de témoigner ce soir.
J'ai plusieurs questions à poser, mais j'aimerais commencer par dire qu'après l'annonce de la fusion, une lettre de Lloyd Axworthy a été publiée dans nos journaux locaux du Manitoba — c'est un ancien ministre libéral, des Affaires étrangères ou du Commerce international, je ne me souviens plus très bien — où il disait que c'était une très bonne décision. Il faisait remarquer que d'autres pays ont eux aussi intégré leur ministère de la coopération internationale à celui des affaires étrangères et du commerce. Savez-vous à quels pays il faisait allusion?
M. Shantz : Je vous remercie de votre question. Nous suivons de près ce que font ces pays, il y en a qui ont un excellent bilan en matière d'aide au développement. Il s'agit du Danemark, par exemple, de la Norvège, des Pays-Bas, de la Belgique, des États-Unis et aussi de l'Australie. Nous avons étudié les modèles qu'ils ont adoptés, et, bien sûr, ce n'est pas vraiment la réplique exacte de ce que nous faisons et comment nous nous structurons.
En Europe, par exemple, la politique commerciale relève généralement de Bruxelles, à la Commission européenne, si bien que les pays membres n'ont pas leur propre politique commerciale. Le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement aura une politique commerciale, donc ce n'est pas vraiment pareil, mais il y a des modèles dont nous avons pu nous inspirer. Il est bien évident que nous voulons tirer parti des expériences les plus réussies, et nous avons beaucoup consulté les ministères concernés. Ils ont reconnu qu'ils avaient fait des erreurs, mais qu'ils avaient aussi plusieurs succès dont ils étaient fiers, et nous sommes résolus à profiter du mieux que nous pouvons de leur expérience.
La sénatrice Buth : De quels succès s'agit-il?
M. Shantz : Tout ce qui concerne l'intégration, ce qui est la raison d'être de cette loi, toute la question de la cohérence des divers volets de la politique étrangère d'un pays, en l'occurrence le Canada.
Il y a aussi les priorités de la politique étrangère d'un gouvernement : les intérêts commerciaux tels qu'ils s'expriment dans une politique commerciale, par l'entremise du Service des délégués commerciaux et des programmes d'aide au développement que nous administrons depuis des années et dont nous voulons maintenir l'efficacité.
La leçon qu'il faut en tirer est que, au moment de structurer le nouveau ministère, il faut tenir compte de tous ces secteurs d'intérêts. La politique de développement ou l'engagement international d'un pays sont des questions très complexes.
La sénatrice Buth : Pourriez-vous nous donner un exemple de la façon dont l'intégration va se faire, car nous avons une politique étrangère, ce qu'on appelle la diplomatie, et nous avons aussi des objectifs en matière d'aide étrangère?
M. Shantz : Si vous parlez d'aide, je vous dirai sans hésiter que c'est un volet de l'engagement international du Canada. Par exemple, à l'heure actuelle, le gouvernement a plus de 170 missions dans divers pays, dont un certain nombre de pays de concentration, comme on les appelle. Mon collègue pourrait vous parler davantage de ces pays, qui sont une vingtaine, et il y a peut-être une autre dizaine de pays où nous avons une présence modeste. Cela fait donc une sous-catégorie d'à peu près 32 pays.
Si vous en voulez un exemple concret, je vais vous donner celui de l'annonce qui a été faite par le gouvernement aujourd'hui au Pérou, où nos programmes d'aide visent à renforcer les structures d'éducation, mais aussi à renforcer le dispositif réglementaire de la gestion des ressources dans ce pays, dans le cadre de la relation bilatérale qui existe entre le Canada et le Pérou. Tout en renforçant certains intérêts canadiens au Pérou, nous aidons en même temps le gouvernement de ce pays à se doter des dispositifs qui lui permettront de réunir les conditions nécessaires à la prospérité et à la croissance économiques. C'est positif pour le Pérou et c'est positif, dans ce cas, pour l'éducation au Pérou.
C'est un exemple qui vous montre comment on peut mieux intégrer, au sein de la même entité, c'est-à-dire un ministère, tous ces différents aspects, afin de construire une relation cohérente et coordonnée avec un pays donné.
La sénatrice Buth : Quand l'annonce de la fusion été faite, certaines ONG se sont dites inquiètes que l'aide humanitaire du Canada perde de son importance, dans le cadre plus général des affaires étrangères. Quand le projet de loi a été présenté, j'ai entendu dire qu'elles étaient rassurées parce qu'il prévoit qu'un ministre du développement international doit être nommé. J'aimerais que vous me le confirmiez, et ensuite que vous me disiez si c'est la première fois, comme on le voit à l'article 14, que les priorités du ministre sont clairement définies dans une loi.
M. Nussbaum : Je vous remercie de votre question. Pour ce qui est de la première partie, en effet, les premières réactions au projet de loi concernaient principalement l'article 14.
Vous avez également raison de dire que le projet de loi prévoit qu'un ministre du développement international doit être nommé; ce sont vos termes et vous avez raison. Ce n'est pas le cas de la loi actuelle du MAECI.
Quant à la question de savoir si c'est la première fois que l'objectif de réduction de la pauvreté est inscrit dans la loi, j'aimerais vous rappeler que la Loi sur la responsabilité en matière d'aide au développement officielle traite également du rôle de l'ADO. Cette loi définit un critère en trois parties, qui oblige l'ADO à contribuer à la réduction de la pauvreté. Ce n'est donc pas un nouveau concept, mais c'est la première fois qu'il est inscrit dans la loi organique du ministère, en tant que tel.
La sénatrice Buth : Est-ce que cela va avoir une incidence sur ce que vous appelez la loi sur l'aide au développement officielle?
M. Nussbaum : Vous voulez dire la Loi sur la responsabilité en matière d'aide au développement officielle?
La sénatrice Buth : Est-ce que ce projet de loi entraîne une modification de cette loi aussi?
M. Nussbaum : Non. Je crois qu'il y a une petite modification quelque part, mais c'est très périphérique, la substance de la loi ne change pas.
La sénatrice Callbeck : Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de témoigner ce soir. Est-ce que cette fusion va permettre de faire des économies?
M. Shantz : L'objectif du gouvernement n'est pas de faire des économies. Cela dit, si on peut faire des gains d'efficience, alors tant mieux. Je dirai donc, en réponse à votre question, que nous n'avons pas prévu de faire des économies, que ce n'est pas là l'objectif.
La sénatrice Callbeck : J'ai lu que le budget de l'ACDI sera réduit de 39 p. 100 d'ici 2014-2015. Dans quels secteurs, en gros, vont se faire les coupures?
M. Nussbaum : J'ignore de quels chiffres vous parlez. C'est vrai que, depuis quelques années, le budget de l'ACDI a été réduit, suite à l'examen stratégique et fonctionnel, et que cela s'est reflété dans le budget de 2012, notamment dans le budget de l'ACDI. À part ça, je ne peux pas vous dire si d'autres réductions sont prévues, car je ne suis pas au courant; tout ce que je sais, ce sont les coupures qui ont résulté de l'Examen stratégique et fonctionnel, et elles se sont reflétées dans le budget de l'an dernier.
La sénatrice Callbeck : On dit ici qu'en 2010, il y a eu une réduction de 1,8 milliard de dollars. En 2012, il y a une autre réduction de 378 millions de dollars.
M. Nussbaum : Les compressions de 2012 dont vous parlez sont le résultat de l'Examen stratégique et fonctionnel. Il faudrait que je vérifie pour vous dire exactement quels services ont subi les coupures que vous mentionnez dans le budget de 2010.
La sénatrice Callbeck : Je vous en remercie d'avance. Pourrez-vous nous en donner un aperçu pour ces deux années?
M. Nussbaum : Volontiers.
La sénatrice Callbeck : Merci beaucoup.
Le sénateur De Bané : Étant donné que le ministre de l'ACDI était déjà placé sous l'autorité du ministre des Affaires étrangères, quelle nouvelle synergie comptez-vous obtenir avec la fusion des deux? L'ACDI devait déjà s'assurer que ses politiques cadraient avec celles des Affaires étrangères, et l'agence était déjà placée sous l'autorité du ministre des Affaires étrangères. L'ACDI ne pouvait pas démarrer un projet dans un pays avec lequel le Canada n'avait plus de relations diplomatiques. Autrement dit, si nous avions un ministère distinct, c'est parce que ses objectifs étaient complètement différents de celui du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Nous voulions être sûrs, en confiant les programmes de lutte contre la pauvreté à un organisme ou un ministère distinct, qu'il allait privilégier les programmes d'aide inconditionnelle. Autrement dit, nous n'allons pas vous aider à condition que vous achetiez des produits canadiens. Nous allons vous aider si vous achetez les meilleurs produits dont vous avez besoin pour faire ce qu'il y a à faire, et pas pour aider les entreprises canadiennes à exporter dans votre pays.
J'aimerais bien que vous répondiez à ces questions.
M. Shantz : Nous allons essayer de le faire ensemble, si vous le voulez bien, sénateur. Quand on parle de cohérence, je pense que, si tout le monde est rassemblé sous le même toit, il y a plus d'interaction et d'échange. Sur le plan juridique, je comprends votre point de vue. Vous avez vous-même rappelé que tout le monde était sous le même toit jadis, et je pense vraiment qu'en revenant à cette structure unique, on favorisera une plus grande interaction et une meilleure intégration des politiques.
Vous avez fait deux autres remarques très importantes. Premièrement, nous n'avons pas l'intention de renoncer à ces principes et de ne plus accorder l'aide qu'ils justifient. La lutte contre la pauvreté et la réduction de la pauvreté reflètent la tradition et les valeurs canadiennes, et la nouvelle loi réaffirme notre rôle en matière d'aide humanitaire internationale. Cela ne change pas. Vous dites qu'il y a longtemps, nous avons délié nos programmes d'aide — en fait, c'était des prêts — et que nous avons délié l'aide alimentaire. Mais plus récemment, nous sommes devenus un champion dans ce domaine, et je parle de l'aide alimentaire. Nous sommes donc convaincus qu'avec une structure unique, nous pourrons garantir une plus grande cohérence à nos politiques. Mon collègue a peut-être quelque chose à ajouter.
M. Nussbaum : Je serai très bref. Comme l'a dit M. Shantz, nous avons délié toute notre aide alimentaire, et 99 p. 100 de notre aide non alimentaire. Ça ne va pas changer avec la nouvelle structure. À propos de la cohérence des politiques, j'aimerais simplement vous faire part d'une statistique qui m'a toujours frappé parce qu'elle montre bien combien le paysage politique a changé depuis les années 1960. À cette époque, plus de 70 p. 100 des capitaux investis dans les pays en développement provenaient de l'aide au développement officielle. En 2010, ce chiffre n'était plus que de 13 p. 100. Ce fut une période de croissance phénoménale de l'ADO.
Cela signifie que, de plus en plus, les pays en développement comptent sur d'autres sources de financement pour sortir leurs citoyens de la pauvreté et pour réunir les conditions favorables à une croissance économique durable. Pour les pays donateurs comme le Canada, cela signifie qu'ils doivent intégrer davantage les divers outils qu'ils utilisent pour lutter contre la pauvreté. Il est clair que l'évolution de la situation justifie une approche plus intégrée.
Le sénateur Moore : Je remercie les témoins de comparaître devant notre comité. Monsieur Shantz, vous avez dit que la fusion des deux ministères n'était pas motivée par le souci d'optimiser les coûts. Que recherche-t-on alors? Des synergies qui rendront la nouvelle structure plus efficiente? La formation de ce nouveau ministère va-t-elle se traduire par des pertes ou par des créations d'emplois? Que va-t-il se passer?
M. Shantz : J'ai dit et je le répète, cet exercice n'a pas pour objectif de réduire les coûts. Il est évident que le gouvernement cherche toujours à accroître son efficience. J'ignore si cela aura un impact sur les effectifs, peut-être, mais ce n'est pas le principal objectif. Ce sera simplement une conséquence du processus d'intégration.
De plus, l'expérience nous enseigne que c'est un processus qui prend du temps. C'est ce que nous avons observé ailleurs. Nous formerons une entité unique dès la sanction royale, mais ensuite ça va prendre 12 à 18 mois, en tout cas c'est le temps qu'il a fallu lorsque le MAECI a été créé il y a plus de 30 ans. Ça pourra se traduire par une évolution de la structure et de la culture, car il faut du temps pour réunifier des entités distinctes.
Le sénateur Moore : Certes, mais il faut bien que quelqu'un ait planifié tout ça puisqu'un certain nombre de programmes vont être maintenus. Peut-être allons-nous en supprimer, d'ailleurs, nous ne le savons pas, mais il faut bien que quelqu'un réfléchisse à tout ça eu égard au mandat du nouveau ministère; il faudra bien qu'il y ait des gens pour administrer les programmes qui vont être maintenus. Quelqu'un doit bien en avoir une idée.
M. Shantz : Nous connaissons la taille du MAECI aujourd'hui. Nous connaissons la taille de l'ACDI aujourd'hui. Et nous savons ce qui va se passer quand nous allons réunir ces deux entités. Il faut faire la distinction entre...
Le sénateur Moore : Justement, dites-nous ce qui va se passer, c'est ce que nous voulons savoir.
M. Shantz : La loi définit ce qui va se passer aux niveaux les plus élevés, c'est-à-dire les ministres et la haute direction, les sous-ministres. Le reste est un exercice d'organisation des structures pour garantir le maximum de cohérence entre les politiques. J'ai dit et je le répète que l'objectif du gouvernement n'est pas de réduire les coûts. C'est un exercice destiné à assurer une plus grande cohérence entre les politiques. Je ne peux pas vous donner de chiffres précis au sujet des employés.
Le sénateur Moore : Avez-vous prévu une diminution ou une augmentation des coûts et du nombre d'employés?
M. Shantz : Si le projet de loi obtient la sanction royale, le nouveau ministère sera plus ou moins la somme de l'ACDI et du MAECI, mais là encore, ce n'est qu'un premier constat. S'agissant de l'aide au développement officielle, il y a 20 pays de concentration, comme on les appelle, et 16 où nous avons une présence modeste. Nous avons en tout 170 missions à l'étranger. Cela peut changer, mais ce ne sera pas à cause de la fusion, ce sera à la suite d'autres décisions que le gouvernement prendra ultérieurement. Cela n'aura rien à voir avec la fusion.
Le sénateur Moore : Voulez-vous dire que cela n'aura aucun impact sur le personnel?
M. Shantz : Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Il se peut qu'il y en ait. Je ne peux pas anticiper sur ce que sera la structure finale du nouveau ministère. J'ai dit et je le répète que l'objectif de cet exercice n'est pas de réduire les coûts.
Le sénateur Moore : Oui, vous l'avez déjà dit trois fois. Cependant, vous ne discutez pas avec votre équipe pour déterminer ce que vous allez faire, voir comment les programmes vont être réaménagés, calculer s'il vous faudra plus ou moins de personnel? Vous ne faites pas ça? Comment planifiez-vous tout ça alors?
M. Shantz : Nous planifions en soumettant des options au gouvernement, et c'est l'exercice auquel nous nous prêtons en ce moment. Nous en sommes au tout début de la planification.
[Français]
La sénatrice Chaput : En quoi la fusion du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et de l'Agence canadienne de développement international rendra plus cohérente la politique internationale?
Puisqu'il y aura de nouveaux sous-ministres du Développement international et du Commerce international qui seront sous la direction du sous-ministre des Affaires étrangères, qui répondra aux questions du Parlement? Qui sera le patron, si je peux m'exprimer ainsi?
M. Shantz : Je dirais que c'est le ministre des Affaires étrangères et du Commerce international. Pour ce qui est de la présentation au Budget principal des dépenses, ce sera le ministre.
La sénatrice Chaput : Et pour la politique internationale du Canada?
M. Shantz : La politique internationale du Canada est une responsabilité du ministre des Affaires étrangères.
La sénatrice Chaput : Et vous croyez que ce sera plus facile avec la fusion?
M. Shantz : Le gouvernement croit que ce sera plus cohérent, effectivement, avec le nouveau ministère. Il y aura une meilleure coordination après la fusion de l'ACDI et du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
La sénatrice Chaput : Vous dites qu'il y a des exemples de d'autres pays qui démontrent que cela peut bien fonctionner?
M. Shantz : Nous croyons que oui. Il se passe des choses dans d'autres pays comme aux États-Unis, en Australie et en Europe. Il y a plusieurs exemples.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup. Si je comprends bien, nous avons un nouveau projet de loi — une loi dans une loi, en quelque sorte —, qui a pour objet de créer un nouveau ministère qui regroupera les activités de l'ancienne ACDI. Par contre, c'est le ministre des Affaires étrangères qui sera le patron. C'est comme ça que je le comprends, tout simplement. De plus, le sous-ministre du ministre des Affaires étrangères sera le patron de tous les sous-ministres. Les autres seront des sous-ministres délégués qui auront le statut d'administrateurs généraux des autres composantes du ministère. C'est bien ça?
M. Shantz : Oui. Sauf que, comme l'a dit mon collègue, la loi prévoit qu'un ministre du Développement international doit être nommé. Il est bien précisé dans la loi qu'un ministre du Développement international doit être nommé.
Le président : Et ce ministre exercera ses attributions avec l'accord du ministre des Affaires étrangères?
M. Shantz : C'est exact.
Le président : C'est à l'article 5?
M. Shantz : C'est exact.
Le président : L'article 4 dont a parlé ma collègue s'applique sous réserve de l'article 5. Quelles que soient les attributions du ministre auxiliaire du Développement international, il devra les exercer avec l'accord — c'est l'expression employée dans la loi — du ministre des Affaires étrangères?
M. Shantz : Oui.
Le président : C'est bien ça?
M. Shantz : Oui.
La sénatrice Buth : À l'heure actuelle, les affaires étrangères et le commerce international sont du ressort du ministre des Affaires étrangères, et le ministre du Commerce international exerce ses attributions avec l'accord du ministre des Affaires étrangères, c'est bien ça?
M. Shantz : Oui, c'est exact.
La sénatrice Buth : Donc, c'est la même chose. Dans la structure actuelle, on a déjà le ministre du Commerce international qui doit avoir l'accord du ministre des Affaires étrangères, et dans la nouvelle structure, il y aura aussi le ministre du Développement international qui devra avoir l'accord du ministre des Affaires étrangères.
M. Shantz : C'est exact.
Le président : Je vais terminer mon raisonnement. Tout se tient. Nous essayons tout simplement de comprendre la structure. Le projet de loi maintient le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, mais le MAECI aura un nouveau nom. Comment l'ACDI va-t-elle s'intégrer à cette structure, étant donné que le projet de loi ne dit pas si la loi organique de l'ACDI sera maintenue dans la nouvelle structure?
M. Shantz : Le projet de loi prévoit que les employés de l'ACDI et les employés du MAECI — les deux groupes — seront conservés dans la nouvelle structure, soit le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement.
Dans ce sens-là, le MAECI cesse d'exister lui aussi, et les deux groupes d'employés deviennent des employés du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, pendant la période de transition.
Le président : Pour le moment, l'ACDI existe en tant qu'entité distincte, je crois. A-t-elle une loi organique qui la distingue du MAECI? Comment cela va-t-il se passer? Faudrait-il mentionner ici que la loi organique du MAECI est abrogée?
M. Nussbaum : Non. L'ACDI a toujours fonctionné à l'intérieur de paramètres juridiques assez curieux, car elle n'a jamais eu de loi organique.
Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, la Loi sur le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international dispose qu'un ministre de la coopération internationale « peut être nommé ». Toutefois, toujours selon cette loi, cela se fait sous l'autorité ultime du ministre des Affaires étrangères.
Rien n'est changé à cet égard. Pour répondre à votre question, je dirai qu'il n'est pas nécessaire de modifier le statut de l'ACDI étant donné qu'elle n'avait pas sa propre loi organique.
Le président : Avant, c'était presque comme maintenant, si ce n'est qu'aujourd'hui on officialise la structure en lui donnant un nouveau nom et en nommant des sous-ministres délégués et deux ministres auxiliaires, tout ça dans un même projet de loi.
La sénatrice Callbeck : J'aimerais revenir sur la question que le sénateur Moore vous a posée. Quand le projet de loi C-60 sera adopté, la fusion devient réalité, c'est bien ça?
M. Shantz : C'est exact, dès la sanction royale.
La sénatrice Callbeck : Par contre, si j'ai bien compris, personne ne sait exactement comment ces deux entités seront fusionnées? Autrement dit, à quoi ressemblera la nouvelle structure?
M. Shantz : Le projet de loi définit la nouvelle structure en ce qui concerne les ministres et les sous-ministres. À partir de là, il y aura trois secteurs d'activités — le développement, les affaires étrangères et le commerce — qui seront définis par décision du gouvernement. Cependant, ces structures essentielles, qui sont au cœur des intérêts de la politique étrangère du Canada, soit l'aide au développement, la politique étrangère et le commerce — c'est-à-dire la politique commerciale et les services commerciaux — restent des fonctions essentielles du ministère, avec chacune un sous-ministre.
La sénatrice Callbeck : Autrement dit, à l'entrée en vigueur de la loi, vous savez qui occupe les postes supérieurs et les postes intermédiaires, mais en dessous, rien n'est prévu? Il y a certainement quelqu'un qui doit le savoir.
M. Shantz : Les règlements financiers du ministère dans son ensemble, aussi bien le MAECI que l'ACDI, exigent que les pouvoirs de signature et les systèmes de gestion du personnel soient clairement définis, et ils seront en place dès le premier jour. Le ministère sera opérationnel dès le premier jour, et ça comprend les services des finances et les obligations financières que les ministres ont à l'égard du Parlement. C'est la même chose pour la coordination et la cohérence des politiques.
M. Nussbaum : Je tiens à vous assurer que les préparatifs vont bon train et que les idées et options prennent forme quant à la structure de la nouvelle entité. Reste que ces options sont encore en cours d'analyse approfondie, et qu'elles devront être soumises à l'approbation des ministres.
Nous ne voudrions pas vous donner l'impression que nous n'avons pas encore réfléchi à la nouvelle structure; c'est simplement qu'aucune décision finale n'a été prise.
La sénatrice Callbeck : Je trouve ça étrange.
Le président : Le sénateur Moore a une question supplémentaire.
Le sénateur Moore : Suite à vos questions et à celles des sénatrices Buth et Callbeck, je n'ai pas très bien compris quelles vont être les structures ministérielles. Le ministère va-t-il s'appeler le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement?
M. Shantz : Oui.
Le sénateur Moore : C'est ainsi qu'il s'appellera quand ce projet de loi aura reçu la sanction royale. Il y aura donc un ministre des Affaires étrangères, n'est-ce pas?
M. Shantz : Oui.
Le sénateur Moore : Il y aura aussi un ministre du Commerce international et du Développement?
M. Shantz : Oui, il y aura un ministre du Développement international et un ministre du Commerce international.
Le sénateur Moore : Et le ministre des Affaires étrangères par-dessus tout ça?
M. Shantz : C'est exact.
Le sénateur Moore : Il y aura trois ministres? Le ministre des Affaires étrangères, le ministre du Commerce international et le ministre du Développement international? De qui relève l'ACDI, du développement international?
M. Shantz : Du ministre du Développement international.
Le sénateur Moore : Je suis quand même surpris que vous n'ayez pas d'organigramme plus précis à nous présenter. Si j'étais responsable de la transition, j'aurais une idée des budgets, des ressources humaines, et cetera. Je suppose que vous fonctionnez différemment. Je ne comprends pas pourquoi vous n'avez rien de précis à nous présenter.
Le sénateur L. Smith : On peut quand même dire que vous avez déjà en tête un modèle qu'il vous reste à peaufiner, et que vous allez regarder ce qui s'est fait à l'étranger pour vous en inspirer, n'est-ce pas? Que c'est un travail qui n'est pas terminé et que, d'ici 12 à 18 mois, vous serez en mesure de répondre aux questions du sénateur Moore? C'est ça?
M. Shantz : Oui, c'est ça. Comme l'a dit mon collègue, les préparatifs vont bon train et les options prennent forme, compte tenu des pratiques exemplaires glanées dans d'autres pays; ensuite, ces options seront soumises aux ministres, qui prendront leur décision afin que la structure soit opérationnelle dès le premier jour. Nous avons un bon plan de mise en œuvre.
Le président : Je pense que vous nous avez donné une bonne idée de ce qu'il en est, du contenu du projet de loi et de la structure qui y est envisagée. Nous vous en remercions infiniment. Nous espérons avoir l'occasion d'en rediscuter avec vous, pour voir comment la situation évolue.
M. Shantz : Merci.
Le président : Nous avons terminé l'examen de la section 12. Notre prochaine réunion est prévue pour mardi matin, et il nous reste six sections; espérons que nous aurons le temps de toutes les passer en revue. Pour cela, je vous invite à bien vous préparer. La séance est levée.
(La séance est levée.)