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Langues officielles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 9 - Témoignages du 23 avril 2012


OTTAWA, le lundi 23 avril 2012

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 17 h 5 pour étudier la réponse du gouvernement au rapport du comité intitulé L'épanouissement des communautés anglophones du Québec : Du mythe à la réalité (octobre 2011) ainsi que les obligations de CBC/Radio-Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles et de certains aspects particuliers de la Loi sur la radiodiffusion.

Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, je déclare la séance ouverte.

Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des langues officielles.

Je me présente, la sénatrice Maria Chaput du Manitoba, présidente du comité. Avant de présenter les témoins qui comparaissent aujourd'hui, j'invite les membres du comité à se présenter.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Je suis la sénatrice Suzanne Fortin-Duplessis, de Québec.

Le sénateur Comeau : Je suis le sénateur Comeau, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur De Bané : Pierre De Bané, du Québec.

[Traduction]

La présidente : Le comité vient juste de recevoir la réponse du gouvernement à son rapport sur les communautés anglophones du Québec qu'il avait rendu public en octobre 2011. Le comité est heureux d'accueillir les représentants du Quebec Community Groups Network (QCGN) qui vont nous présenter leurs observations à l'égard de cette réponse. Le comité se réjouit également d'entendre le point de vue du QCGN à titre de représentant des communautés minoritaires de langue anglaise concernant son étude sur les obligations de CBC/Radio-Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles et de certains aspects particuliers de la Loi sur la radiodiffusion.

Au nom du comité, je vous remercie d'être des nôtres aujourd'hui. Vous avez maintenant la parole, après quoi les sénateurs vous poseront des questions. Je crois que c'est Mme Johnston qui va commencer.

Mme Nicola Johnston, membre du conseil d'administration, Quebec Community Groups Network (QCGN) : Bonjour à tous. Mon nom est Nicola Johnston et je suis membre bénévole du conseil d'administration du Quebec Community Groups Network. Je suis accompagnée aujourd'hui de Sylvia Martin-Laforge et de Stephen Thompson, deux autres représentants du QCGN. M. Guy Rodgers, directeur général du English Language Arts Network est aussi avec nous. M. Rodgers a gracieusement accepté de nous accompagner aujourd'hui pour faire part aux membres du comité de son point de vue d'expert représentant la communauté anglophone du Québec relativement aux deux études que vous menez actuellement : celle sur les obligations de CBC/Radio-Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles et de certains aspects particuliers de la Loi sur la radiodiffusion; et votre examen de l'utilisation d'Internet, des nouveaux médias, des médias sociaux et du respect des droits linguistiques des Canadiens.

Lors de notre comparution devant votre comité le 14 novembre 2011, nous vous avons remercié pour votre rapport intitulé L'épanouissement des communautés anglophones du Québec : Du mythe à la réalité. Grâce à votre tournée sans précédent dans nos collectivités, à votre engagement individuel et à l'excellent travail du personnel du comité, nos partenaires et nous-mêmes pouvons désormais compter sur une référence qui fait autorité. Nous avons alors expliqué à quel point ce document est capital pour nous, tant de par son contenu qu'en raison du moment où il a été publié. Vos collègues du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes procèdent actuellement à une évaluation de la Feuille de route, une étude qui influencera grandement la stratégie du gouvernement du Canada en matière de langues officielles après le 31 mars 2013.

Les organisations représentant la communauté anglophone du Québec, y compris le QCGN, se sont grandement inspirées du rapport de votre comité dans leur préparation collective en vue de leur participation à l'étude du comité de la Chambre. La recommandation que vous avez formulée traduit bien nos réussites, nos préoccupations et nos aspirations.

Comme vous le savez, le QCGN est une organisation s'appuyant sur le travail de ses 38 membres pour aider directement les Canadiens vivant dans nos communautés minoritaires de langue anglaise. Ils sont près d'un million à former collectivement ce qu'on appelle la communauté anglophone du Québec. Nous sommes très bien soutenus dans nos efforts par le gouvernement du Canada de par son engagement très concret en faveur de la vitalité des deux communautés minoritaires de langue officielle de notre pays, un engagement certes très apprécié par la communauté anglophone.

Cependant, comme l'indique votre rapport, on pourrait faire encore mieux. D'une manière générale, le gouvernement du Canada doit continuer de resserrer ses liens avec les communautés minoritaires de langue anglaise de telle sorte que les Canadiens qui y résident puissent, selon les termes employés par le gouvernement lui-même, bénéficier des droits linguistiques garantis par la Charte et par la Loi sur les langues officielles.

Nous dégageons trois messages principaux de votre rapport. Premièrement, les communautés minoritaires de langue française et anglaise doivent avoir également voix au chapitre dans l'élaboration des politiques et des programmes visant à accroître leur vitalité. Deuxièmement, les Canadiens vivant au sein des communautés minoritaires de langue anglaise doivent bénéficier d'un accès égal aux programmes et aux services offerts ou financés par le gouvernement du Canada. Il est inacceptable, pour reprendre l'expression de l'honorable Dennis Dawson, que nos droits linguistiques deviennent des dommages collatéraux ou des éléments accessoires dans la prestation des services. Cela nous amène directement au troisième message principal. Nous avons droit à une part équitable des ressources fédérales consacrées au soutien gouvernemental aux communautés minoritaires de langue officielle de notre pays.

Mme Sylvia Martin-Laforge, directrice générale, Quebec Community Groups Network (QCGN) : Nous nous réjouissons de la réponse du gouvernement au rapport du comité, et nous sommes généralement d'accord avec son contenu. Les principaux ministères concernés, comme le Conseil du Trésor, Industrie Canada, RHDCC et, surtout, Santé Canada et Patrimoine canadien, ont intensifié les investissements gouvernementaux visant une meilleure prise en compte des besoins de notre communauté.

Depuis 2005, et tout au long de la durée d'application de la Feuille de route pour la dualité linguistique du Canada 2008-2013, de nombreuses institutions fédérales sont parvenues à améliorer concrètement leur capacité de favoriser l'épanouissement de notre communauté. Ces résultats sont obtenus de trois manières.

Le gouvernement du Canada a investi pour aider notre communauté à comprendre ses besoins et ses priorités, et à planifier son avenir. À titre d'exemple, Patrimoine canadien a subventionné une conférence tenue par notre communauté en mars pour établir ses priorités. En préparation à cette conférence, de vastes consultations ont été menées pendant plus de six mois auprès des intervenants publics et privés au sein de la communauté.

Plus de 180 chefs de file de notre communauté représentant des collectivités et des secteurs de tout le Québec, se sont ainsi réunis les 24 et 25 mars derniers afin de dégager des priorités et une vision pour l'avenir. La conférence s'est conclue avec la signature d'une déclaration énonçant les priorités pour assurer un avenir durable à notre communauté. Nous avons fourni des exemplaires de cette déclaration à votre greffier.

Le gouvernement du Canada a aussi consenti des investissements pour accroître la capacité de recherche. Par exemple, le financement fédéral a servi de catalyseur pour la création du Réseau de recherche sur les communautés québécoises d'expression anglaise (RRCQEA), une initiative conjointe de l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques et de l'École de formation continue de l'Université Concordia. Par ailleurs, Santé Canada nous a offert un soutien considérable en matière de recherche par le truchement de ses liens avec le Réseau communautaire de santé et de services sociaux, un regroupement d'organismes, de ressources communautaires et d'institutions publiques qui s'efforcent d'assurer l'accès aux services de santé et aux services sociaux destinés aux collectivités anglophones du Québec.

Troisièmement, grâce au leadership de ministères clés comme le Conseil du Trésor et Patrimoine canadien, et d'institutions comme le Parlement du Canada et le Commissariat aux langues officielles, on note l'émergence d'un intérêt nouveau et fort bienvenu à l'égard des communautés minoritaires de langue anglaise du Canada de la part d'institutions fédérales avec lesquelles nous n'avions jamais entretenu de relations auparavant. Ainsi, des contacts prometteurs ont pu être établis avec le ministère des Affaires étrangères, Agriculture et Agroalimentaire Canada, Ressources naturelles Canada, et même l'Agence des services frontaliers du Canada. Nous avons même soumis une proposition de collaboration à Air Canada à la suite de notre dernière comparution devant votre comité, et nous attendons de pouvoir en discuter davantage.

Nous notons effectivement une activité plus soutenue quant aux instances fédérales qui consultent notre communauté. Nous nous ferons un plaisir de discuter des possibilités et des défis qui en résultent lors de la période réservée aux questions.

Bien que nous nous réjouissions de la tendance à vouloir donner voix à notre communauté à l'échelle nationale, nous continuons à rappeler aux partenaires fédéraux qui nous soutiennent qu'il existe des obstacles systémiques qui nous empêchent de devenir des partenaires égaux sans que des aménagements soient apportés. D'une part, nous ne sommes qu'une des 13 minorités régionales alors que, d'autre part, nous sommes l'une des deux minorités linguistiques. Cela nécessite une approche à la fois équilibrée et souple que plusieurs ministères fédéraux parviennent à appliquer avec succès. Par exemple, Service Canada agit très efficacement en consultant notre communauté à l'échelle nationale pour les enjeux stratégiques, et à l'échelon régional pour les questions touchant la prestation des programmes et des services. Patrimoine canadien a également fait montre d'un grand leadership en la matière; il est le seul ministère à fournir du financement à notre communauté pour ses activités de représentation au niveau national.

Notre structure interne diffère de celle des communautés minoritaires francophones qui, du fait de la portée interprovinciale de leurs activités, se sont donné des organisations spécialisées qui oeuvrent au niveau national. En plus d'offrir des services directs à la communauté, ces organisations permettent d'exprimer clairement au niveau fédéral le point de vue de différents segments des communautés minoritaires de langue française, comme les jeunes et les aînés. En l'absence d'une telle portée nationale et de la capacité correspondante, il est difficile pour nous de faire entendre notre voix aussi clairement.

Mme Johnston : Nous avons aussi des observations au sujet de l'évaluation gouvernementale de la vitalité des communautés anglophones de la région de Montréal. Plus de 3,8 millions de personnes habitent cette région métropolitaine d'une superficie de 4 300 kilomètres carrés. Les 800 000 membres de la communauté anglophone de Montréal n'ont pas tous accès à ce que la réponse du gouvernement qualifie de fondement socioéconomique plutôt solide, de base institutionnelle ou de vigueur renouvelée dans le domaine des arts et de la culture à laquelle ils pourraient contribuer et dont ils pourraient bénéficier.

Les membres de la communauté anglophone montréalaise sont davantage susceptibles d'être sans emploi, de vivre dans la pauvreté, de ne pas posséder les compétences linguistiques et techniques requises sur le marché du travail, d'être confrontés à des obstacles découlant de la reconnaissance des titres de compétences, et de souffrir d'un manque d'équité en matière d'emploi au sein de la fonction publique municipale, provinciale et fédérale.

Qui plus est, l'avenir de la base institutionnelle de notre communauté n'est pas assuré à Montréal. Le soutien public à ces institutions est assujetti à la taille du segment de notre communauté dont l'anglais est la langue maternelle, un segment qui est en déclin. En outre, le soutien public pour nos institutions est inévitablement lié aux politiques linguistiques en place. Il faut se rappeler de l'une des principales différences entre les communautés linguistiques minoritaires francophone et anglophone. Ainsi, les francophones hors Québec ont dû lutter pour se donner des institutions alors que la communauté anglophone du Québec se bat pour conserver les siennes. Et c'est une bataille que nous craignons de perdre.

Nous aimerions apporter une précision quant aux liens qui unissent nos différentes collectivités. Près de 195 000 Québécois anglophones, la troisième plus importante communauté minoritaire de langue officielle au Canada selon le mode de compilation utilisé, habitent en région, le terme utilisé pour décrire les communautés anglophones à l'extérieur de la région métropolitaine de recensement de Montréal. Sans la diversité montréalaise, il ne fait aucun doute que ces communautés ressentent les effets du déclin démographique plus rapidement et plus sérieusement que celle de Montréal. Elles ne sont toutefois pas coupées de la communauté montréalaise, loin de là. Comme c'est le cas pour bien d'autres Québécois, leurs enfants fréquentent les universités et les collèges de Montréal, ils se rendent dans les hôpitaux montréalais pour recevoir des soins spécialisés, et la métropole est pour eux un moteur économique source de croissance et de débouchés. Il existe entre les institutions anglophones montréalaises et les communautés régionales un lien vital auquel on ne s'est pas intéressé suffisamment.

On peut toutefois affirmer sans crainte que notre communauté doit être traitée comme un tout. On ne nous rend pas service et on ne traduit pas notre réalité en nous divisant en deux communautés distinctes, celle de Montréal et celle des régions.

Mme Martin-Laforge : Le QCGN et d'autres organisations représentant les communautés minoritaires de langue officielle revendiquent depuis longtemps l'inclusion de dispositions protégeant les droits linguistiques dans les ententes fédérales-provinciales. Nous nous réjouissons donc d'apprendre que de telles dispositions sont intégrées à la politique fédérale en matière de paiements de transfert. Nous n'allons pas manquer d'analyser les effets de cette politique sur la prestation des services en anglais aux membres de nos communautés minoritaires.

Mme Johnston : Nous souhaitons également remercier le gouvernement du Canada pour ses efforts toujours croissants en vue de comprendre le caractère unique de notre communauté et d'appuyer la sauvegarde de notre identité collective. Notre communauté s'engage à continuer à respecter ses obligations réciproques en travaillant en collaboration avec son partenaire fédéral, et en énonçant des priorités de développement claires et fondées sur des données probantes qui vont bénéficier directement à tous ces citoyens, ils sont près d'un million, qui sont fiers de faire partie de la communauté anglophone du Québec.

En terminant, nous voulons vous remercier à nouveau pour le travail accompli par votre comité et le soutien que vous continuerez à offrir à nos communautés lors des années à venir. Nous vous prions de revenir nous visiter dès que possible et nous encourageons vos collègues de la Chambre à faire de même. Merci.

La présidente : Merci.

Je crois qu'une autre personne désire dire quelques mots; est-ce exact? Monsieur Rodgers? Non?

Mme Martin-Laforge : Sur cette question, nous avons terminé, à moins qu'il y ait des questions.

[Français]

La présidente : Nous sommes maintenant prêts à poser des questions. La première question sera posée par le sénateur Fortin-Duplessis.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci, madame la présidente. En tout premier lieu, je tiens à vous dire que nous avons beaucoup apprécié la présentation de vos mémoires quand nous avons tenu les audiences dans la province de Québec. Cela nous a beaucoup impressionnés.

Aujourd'hui, ma question concerne la recommandation 15, de la réponse du gouvernement. Le gouvernement décrit de manière générale le fonctionnement des ententes Canada-Québec et soutient que des mécanismes de consultation existent à l'intérieur tout comme à l'extérieur de ces ententes. La réponse se penche davantage sur l'entente Canada- Québec en matière d'éducation et n'aborde pas directement la mise en œuvre de l'entente Canada-Québec en matière de services.

Je me rappelle très bien les difficultés liées à la prestation de services en anglais et cela a toujours été l'un des principaux points d'achoppement soulevés lors des audiences publiques.

Pour ce qui est des consultations dans le secteur de l'éducation, selon vous, les mesures décrites dans la réponse gouvernementale sont-elles à la satisfaction des communautés anglophones que vous représentez? Parlant de la recommandation 15. J'aurai une deuxième question qui suivra.

[Traduction]

Mme Martin-Laforge : Pour la communauté, les consultations pourraient s'adresser à des membres plus particuliers. L'entente Canada-Québec en matière d'éducation, comme dans d'autres provinces, consulte le ministère de l'Éducation. Comme dans les autres provinces, du moins celles dont la situation m'est connue, on consulte peu la communauté sur le terrain, sur ce qui ferait partie du travail de l'État dans la communauté.

Cela dit, je dois vous avouer qu'il se fait du bon travail. Grâce à l'entente Canada-Québec en matière d'éducation, nous avons des centres scolaires et communautaires, les CSC. On fait beaucoup. Je pense qu'on pourrait faire beaucoup plus si la communauté était consultée, mieux écoutée, si on l'approchait pour l'inviter à donner son opinion sur ce que l'entente permettrait de réaliser chez elle.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Mon autre question concerne l'exode des cerveaux. Vous nous en avez beaucoup parlé, et des statistiques démontrent que de 1996 à 2001, 8 000 anglophones ont quitté la province de Québec pour s'en aller ailleurs au Canada. Dans ces gens, 60 p. 100 avait un diplôme d'études postsecondaires et 69 p. 100 était parfaitement bilingue.

Avec ce que vous avez pu observer dans la dernière année, avez-vous vu une amélioration sur les jeunes anglophones qui quittent le Québec ou bien cela s'est-il détérioré par rapport à ce que vous avez dit lorsque nous sommes passés à Québec?

[Traduction]

Mme Johnston : Je ne dirais pas que, cette année, la situation s'est améliorée. Elle est probablement difficile à évaluer et à suivre. Mais je suis toujours en mesure de dire que, personnellement, je vois encore beaucoup de jeunes Québécois anglophones instruits quitter la province.

Stephen D. Thompson, directeur de la politique stratégique, de la recherche et des affaires publiques, Quebec Community Groups Network (QCGN) : Si vous me permettez une précision... Récemment, le 3 avril, je crois, Youth Employment Services Montreal (YES) a témoigné pour l'étude interne. Cet organisme se consacre particulièrement à l'esprit d'entreprise et à l'emploi, pour amener les jeunes Montréalais à rester, sinon à Montréal, au Québec. Il a expliqué ses difficultés de financement. Cela revient à ce que votre rapport a étudié de façon tout à fait juste, c'est-à- dire le problème découlant de l'entente Canada-Québec en matière d'emploi.

Emploi-Québec s'occupe de l'emploi au Québec. Il n'entretient pas de bons rapports avec la communauté pour la prestation de services en anglais, particulièrement à nos jeunes, et des organisations comme YES, en mal de fonds et de ressources, ne peuvent pas répondre à la demande.

Le problème, du point de vue du Québec, est que toute la province, comme l'ensemble des Québécois, essaie d'attirer et de retenir les gens pour aider, désormais, à notre économie. Emploi-Québec n'investit pas dans le capital humain de notre communauté, des personnes instruites, entourées d'une famille, enracinées, bilingues, désireuses de s'établir ici. Le secteur communautaire se donne beaucoup de mal pour essayer de retenir ces jeunes ici, mais il n'a pas les ressources pour le faire.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Madame la présidente, j'aurai d'autres questions dans un deuxième tour.

La présidente : Une question supplémentaire sénatrice Losier-Cool?

Le sénateur Losier-Cool : Suite à la question de la sénatrice Fortin-Duplessis, il me semble avoir lu que dans la région de Montréal, on a dû fermer plusieurs écoles anglophones. Est-ce dû à l'exode des familles anglophones ou, comme il arrive dans bien des régions du Canada, à une diminution de la population? Êtes-vous en mesure de nous le dire?

[Traduction]

Mme Martin-Laforge : Madame la sénatrice, un facteur de la fermeture des écoles est que la loi 101 autorise de moins en moins de gens à les fréquenter.

Il y a un bon nombre d'années, on a construit le réseau d'écoles dans l'idée, même 30 ans après l'adoption de la loi 101, qu'une population d'immigrants continuerait à les fréquenter. Cette loi, bien sûr, a influé sur le nombre d'immigrants étrangers au Québec autorisés à fréquenter ces écoles. C'est un facteur. Ces 30 dernières années, à cause de la loi 101, on a fermé des écoles à Montréal et ailleurs.

L'autre facteur est que, de plus en plus, les membres de notre communauté veulent que leurs enfants parlent français. Un pourcentage assez important de ceux qui ont le droit d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise optent pour l'école française. Nous perdons ces candidats, en dépit des programmes d'immersion dans nos écoles et des nombreuses possibilités d'y apprendre le français. Les parents estiment que le mieux, pour eux, c'est que leurs enfants deviennent bilingues, qu'ils puissent rester au Québec et qu'ils ne participent pas à l'exode des cerveaux. Cela touche l'exode des cerveaux. Les enfants vont à l'école française.

Je pense qu'un troisième facteur est que l'exode des cerveaux entraîne le départ de jeunes en âge de procréer, qui pourraient rester au Québec. Nos effectifs baissent. C'est un faisceau de facteurs complexes, mais les écoles ferment faute d'écoliers, à Montréal et ailleurs. C'est ainsi.

Le sénateur Losier-Cool : Comme partout ailleurs.

Mme Martin-Laforge : Comme partout ailleurs, mais, plus gravement encore dans la communauté anglophone, en raison de la manipulation des structures sociales du Québec à ses dépens.

M. Thompson : J'ajouterais un facteur, le départ des anglophones et des francophones de l'île de Montréal.

Le sénateur Losier-Cool : Oui, j'ai lu à ce sujet.

M. Thompson : La communauté anglophone tend à se déplacer vers le nord et le nord-ouest, c'est-à-dire Vaudreuil- Soulanges, Laval et Hudson. La classe moyenne choisit ces banlieues et, effectivement, on construit des écoles à Hudson, par exemple, des écoles anglaises. Ceux qui tendent à rester à Montréal sont les 30 p. 100 de notre communauté nés à l'extérieur du Canada. Ces communautés culturelles ont tendance à rester dans l'île de Montréal.

Le sénateur Poirier : En ce qui concerne l'exode des cerveaux, l'exode des jeunes, quelles sont les différences entre les anglophones et les francophones? Y a-t-il une grande différence entre les jeunes francophones et les jeunes anglophones qui quittent le Québec?

M. Thompson : À notre connaissance, il n'y a pas de perte nette de jeunes francophones du Québec. Nous savons cependant que les communautés francophones du Canada en situation minoritaire subissent le même phénomène que nous. Nos jeunes ont tendance à se disperser dans le Québec et nos jeunes du Québec ont tendance à s'installer ailleurs au Canada. C'est une conséquence du bilinguisme, de l'instruction, de la dispersion des emplois et de la quête d'un endroit où on se sent chez soi.

Le sénateur Poirier : Ces dernières semaines, le constat, à Moncton et dans d'autres localités du Nouveau- Brunswick, du départ de beaucoup de jeunes instruits vers d'autres provinces, particulièrement vers l'Ouest, a été très médiatisé. Actuellement, dans l'Est, existe-t-il une tendance semblable à celle qu'on a connue, il y a un bon nombre d'années, quand les gens voulaient s'installer aux États-Unis ou en Ontario? Actuellement, le lieu de destination semble l'Alberta.

M. Thompson : Il est indéniable qu'un changement économique est en train de survenir au pays et que les jeunes ont tendance à vouloir en profiter. Ce phénomène s'observe chez les jeunes francophones et anglophones des communautés de langue minoritaire, mais, à ma connaissance, il a épargné la majorité francophone du Québec.

Le sénateur Comeau : J'aimerais revenir, madame Martin-Laforge, à l'une de vos observations. C'était sur la proposition d'une protection fédérale des droits linguistiques. Je ne suis pas sûr d'avoir bien saisi.

Mme Martin-Laforge : Oui, au Conseil du Trésor. Dans ma dernière observation, j'ai parlé de la réclamation, faite depuis longtemps, de clauses de protection des droits linguistiques dans les accords fédéraux-provinciaux. Je voulais parler de clauses linguistiques. C'est exactement ce que je voulais dire.

Il faut des clauses linguistiques. Les francophones hors Québec et les anglophones du Québec, en raison du transfert de pouvoirs aux provinces, ont besoin d'être rassurés sur l'existence de clauses linguistiques liées à toutes les sortes de déplacements de programmes, de la sphère fédérale vers celle des provinces.

Le sénateur Comeau : Est-ce que votre groupe a pris connaissance d'une proposition faite sur la Colline du Parlement, particulièrement à la Chambre des communes, sur l'imposition du français comme langue de travail dans les industries sous réglementation fédérale? Qu'en pensez-vous?

Mme Martin-Laforge : Nous avons communiqué notre opinion au NPD et au Bloc, qui proposaient ce genre de mesure. Nous le faisons depuis trois ans.

Le sénateur Comeau : Si j'ai bien compris, la timidité de la proposition a déplu au Bloc.

Mme Martin-Laforge : C'est juste. Je crois que le dernier projet de loi en ce sens, déposé par le NPD, a également été défait.

On nous a dit que la proposition n'avait aucune importance pour la communauté anglophone, parce que ce n'était pas une loi sur les minorités linguistiques, c'est-à-dire qu'elle n'était pas sous l'emprise de la Loi sur les langues officielles. Mais, encore une fois, cela prouvait notamment aux anglophones que les lois fédérales pouvaient avoir des effets asymétriques. Ce n'était pas rassurant.

Le sénateur Comeau : Pour monter un canular, j'ai remplacé, dans le texte de la loi, le mot « Québec » par « Nouvelle-Écosse », puis « français » par « anglais ». J'ai montré le résultat à quelques personnes, en faisant croire que c'était un projet de loi à Ottawa et j'ai dit que si on pouvait proposer ce genre de chose au Québec, une loi fédérale pouvait imposer la langue anglaise en Nouvelle-Écosse. J'ai repris l'exercice, avec le nom de quelques autres provinces et j'ai montré le résultat à mes amis. Cela les a consternés, bien sûr, parce que j'ai utilisé la papeterie mise à la disposition des parlementaires fédéraux. Je me suis bien amusé. Cependant, cela a montré qu'Ottawa ne peut pas imposer ses diktats sans causer d'effet asymétrique.

Mme Martin-Laforge : Parfois, nous exigeons que les décideurs et les législateurs d'Ottawa tiennent compte de la politique nationale. Si, dans ce qu'ils considèrent comme des communautés de langue officielle en situation minoritaire, les conséquences et applications sont asymétriques, cela pourrait entraîner beaucoup de problèmes, comme vous l'avez montré. Nous attendons des politiques nationales de notre gouvernement. Si des différences asymétriques se manifestent, il faut examiner en profondeur les conséquences sur ces communautés.

Le sénateur Comeau : Je n'aurais pas pu mieux le dire. Merci beaucoup.

Le sénateur De Bané : Dernièrement, vous avez cerné six priorités. D'après vous, quelle est la plus importante pour cette question, d'ici la prochaine année?

Mme Martin-Laforge : Ces priorités n'obéissaient pas à cette logique, elles concernaient une vision sur les 15 prochaines années. Si nous devions nous représenter la communauté anglophone dans 15 ans, ce serait l'enchevêtrement de priorités nécessaires au renforcement de la communauté anglophone. C'est un ensemble dont tous les éléments doivent être présents. Je pense que j'aurais raison. Tous ceux qui sont ici présents se trouvaient à la conférence ce jour-là et pendant le week-end. C'est le problème que nous devons résoudre, effectivement.

Le sénateur De Bané : L'époque où nous vivons est principalement caractérisée par les médias de communication. À cet égard, pouvez-vous nous parler à la fois de CBC et de la Société Radio-Canada? Êtes-vous satisfait des services de chaque réseau dans votre communauté et croyez-vous que vos activités et votre dynamisme sont bien communiqués à la population de Montréal et à l'ensemble de la province du Québec par chacun de ces deux réseaux? Êtes-vous satisfait? Y a-t-il une chose que les deux réseaux ne font pas, mais qu'ils devraient faire?

On nous a dit qu'un des grands problèmes, c'est que les médias anglophones au Québec s'intéressent davantage à ce qui se passe à Hollywood qu'aux activités de la communauté artistique, qui est très importante à Montréal. Plus de 800 personnes gravitent autour de l'activité culturelle artistique.

Êtes-vous satisfait de ce que font les deux diffuseurs publics, CBC et la SRC, et, sinon, que devraient-ils faire qu'ils ne font pas présentement?

La présidente : Je comprends que vous n'avez pas encore présenté votre exposé et nous n'aurons peut-être pas beaucoup de temps à y consacrer. Nous pourrions avoir une copie.

[Français]

Guy Rodgers, directeur général, English Language Arts Network : J'aimerais faire deux précisions. La première est qu'aujourd'hui, je ne parle pas d'Internet. Je vais revenir dans deux semaines pour ce sujet.

Ma deuxième précision est qu'il y a un « D » dans mon nom, mais quelqu'un l'a volé.

Je vais vous parler en anglais si cela vous convient.

[Traduction]

Au nom des membres et du conseil d'administration de l'English Language Arts Network, je vous félicite d'effectuer une étude sur les obligations du Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles et certains aspects particuliers de la Loi sur la radiodiffusion.

Au cours des sept années d'existence de l'ELAN, je me suis rendu compte de toute l'importance et de l'extrême complexité de ces questions. L'ELAN a récemment terminé sa propre étude sur la radiodiffusion et les médias, et j'en ai des copies ici pour ceux que la chose intéresse.

Un des problèmes qui a été continuellement soulevé, c'est que la communauté anglophone du Québec ne représente pas et ne défend pas ses intérêts dans le domaine de la radiodiffusion, et ce, depuis des décennies. Nous n'avons aucun groupe de réflexion officiel pour élaborer des politiques et nous n'avons aucun groupe de porte-parole pour articuler nos priorités et nos préoccupations.

Le QCGN pourrait jouer ce rôle au sein de la collectivité, mais il faudrait investir dans des ressources professionnelles alors que le QCGN n'en a pas les moyens. L'ELAN a été de plus en plus actif dans ce domaine au cours des cinq dernières années, principalement parce que les membres de notre conseil d'administration et de notre organisme travaillent dans les secteurs du cinéma, de la télévision, de la radio et de la diffusion.

La présidente : Pensez-vous pouvoir limiter votre exposé à cinq minutes? Autrement, nous ne serons pas en mesure de poser les questions que nous devons poser. Nous pourrions lire votre exposé et si nous avons plus de questions, nous pourrions vous les envoyer par écrit.

M. Rodgers : Le premier point que j'aimerais aborder, qui est important pour moi, mais peut-être pas pour vous, c'est la question de la représentation de la communauté. Le travail que nous faisons et que fait le QCGN à cet égard bénéficie habituellement d'une enveloppe budgétaire nationale. Nous avons vraiment besoin de ce type de soutien et nous en avons discuté avec des porte-parole de Patrimoine canadien. Je tiens à mentionner ici que nous comptons énormément sur des bénévoles pour fournir les services dont notre communauté a besoin, et qui sont extrêmement importants.

Cette étude montre qu'il n'y a eu, en une vingtaine d'années, aucune production télévisée de source importante mettant Montréal en vedette. Lorsqu'il y en avait, c'était l'oeuvre de CBC. Bien que le diffuseur d'État n'ait pas fait grand-chose au cours des dernières décennies, il a fait davantage que les diffuseurs privés. Le Fonds pour l'amélioration de la programmation locale pourrait aider à produire plus de contenu. Comme vous le savez peut-être, le CRTC a défini les critères d'admissibilité. Pour être admissible, une ville devait compter une population de moins d'un million d'habitants. Nous savons que l'ensemble de la population anglophone du Québec est de moins de 900 000 habitants, si l'on tient compte de la première langue officielle parlée, et de 600 000 habitants, si l'on tient compte de la langue maternelle. Le CRTC, pour des raisons pratiquement impossibles à comprendre, a choisi une définition basée sur la langue comprise, faisant gonfler la population de langue anglaise de Montréal à 2 ou 3 millions d'habitants, ce qui nous a exclus du Fonds pour l'amélioration de la programmation locale.

Je me suis entretenu avec des représentants du CRTC vendredi dernier. Ils examinent cette situation. Nous faisons valoir encore une fois qu'il s'agit d'une définition complètement aberrante qui ne correspond en rien à la politique sur les langues officielles du Canada, qui exclut Montréal, qui exclut le Québec et qui nous empêche d'obtenir ce financement supplémentaire.

Dans notre étude sur la télévision de CBC, nous faisons remarquer que peu de travail a été fait. Nous soulignons que les producteurs indépendants doivent soumettre des rapports annuels de production, que CBC ne soumet pas, et nous avons de la difficulté à obtenir les rapports. En général, nous constatons que la télévision est contrôlée à partir de Toronto et, à l'exception de quelques émissions spéciales d'une heure produites chaque été, il n'y a pratiquement aucune production locale faite par CBC, bien que Pia Marquard, directrice principale de CBC, ait récemment annoncé un concours de production de vidéos ayant pour titre My Quebec Roots, en collaboration avec la QCGN. C'est une production intéressante, mais elle sera présentée sur des sites Web, et non à la télévision de CBC.

Pour ce qui est de la radio, nous avons dit que, contrairement à la télévision, les réseaux Radio One, Radio 2 et Radio 3 de CBC créent tous un important contenu local, en particulier dans le domaine des arts et de la culture, de la musique et de la programmation de variétés. Montréal et Québec sont assez bien représentées. Toutefois, en dehors de ces deux centres, la production est limitée.

Un des problèmes récurrents de CBC, c'est que toute la région qui touche à la frontière ontarienne est desservie par l'Ontario. Des localités comme Wakefield ne reçoivent pas de signal du Québec et se sentent donc complètement isolées du reste de la communauté. Wakefield a récemment participé à un projet concernant les jeunes chanteurs dont on a parlé à CBC, mais elle ne pouvait pas recevoir le programme parce que sa programmation vient de l'Ontario.

Pour terminer sur une note positive, l'ELAN a passé beaucoup de temps à documenter l'histoire de la culture de langue anglaise au Québec. Nous l'avons fait grâce à un financement de projet de Patrimoine canadien qui a été présenté sur notre site Web. La maison d'édition Guernica a trouvé l'histoire si intéressante qu'elle a produit ce livre, et j'en ai des exemplaires ici pour tous ceux parmi vous qui aimeraient en avoir. Durant le festival littéraire Metropolis bleu, qui a eu lieu la semaine dernière, le livre a fait l'objet d'une discussion en table ronde. Les deux auteurs qui ont rédigé les sections sur la musique ont participé à la table ronde et ont parlé de l'histoire de la musique à Montréal, qui remonte bien avant Arcade Fire; l'histoire de la musique remonte à il y a 100 ans, au début de l'art professionnel au Canada. Ce livre parle des principales influences anglophones au Québec, dans les domaines du cinéma, de la musique, de la danse et de la littérature; même le bilinguisme et le biculturalisme ont toujours été très forts au sein de la communauté artistique. La radio de CBC a enregistré cette table ronde pour une diffusion ultérieure. Voilà comment la communauté, CBC, la Loi sur les langues officielles et la Loi sur la radiodiffusion convergent de façon puissante et positive pour développer et renforcer la communauté.

[Français]

La présidente : Sénateur De Bané, avant de vous donner la parole, j'aimerais revenir à la sénatrice Tardif. Je crois qu'elle avait une question sur le sujet précédent.

Le sénateur Tardif : J'avais deux questions dont une qui touche CBC/Radio-Canada. Je peux aller dans ce sens plutôt que dans le sens de la question précédente.

La présidente : Je vais donc donner la parole au sénateur De Bané et ensuite, à la sénatrice Tardif.

[Traduction]

Le sénateur De Bané : J'ai été étonné que vous ne fassiez aucune allusion à la Société Radio-Canada, au réseau français. Comme vous le savez, nous déplorons tous l'existence des deux solitudes. Si nous regardons la Loi sur la radiodiffusion, nous voyons que l'une des raisons d'être de ces deux réseaux est de permettre à chaque communauté de connaître les autres.

Dois-je conclure d'après ce que vous avez dit que la Société Radio-Canada vous ignore complètement?

M. Rodgers : Je dirais que CBC, le réseau anglais, se donne bien du mal pour informer son auditoire de ce qui se passe en français. Je ne crois pas que ce soit réciproque. Il y a quelques artistes exceptionnels, comme Arcade Fire, qui attirent l'attention, mais en général, je ne crois pas que nous soyons d'un intérêt particulier.

Le sénateur De Bané : C'est tragique, puisque toute la raison d'être de CBC/Radio-Canada est précisément de faire en sorte que nous puissions tous côtoyer les autres communautés, et la Société Radio-Canada vous ignore totalement.

[Français]

La présidente : Sénatrice Tardif, si vous le désirez, vous pouvez poser vos deux questions.

Le sénateur Tardif : Ma première question touchait la recommandation 9 de notre rapport, concernant les médias. Et je crois qu'une de nos recommandations était que le Comité de concertation tienne compte du rôle des médias, du fait que vous soyez très présents dans les annonces publicitaires, et que votre place soit reconnue dans les médias.

Êtes-vous satisfaits de la réponse du gouvernement à notre recommandation? Vous pourrez nous faire parvenir votre réponse, si vous le désirez.

[Traduction]

Mme Martin-Laforge : Pour être juste, je crois que nous devons consulter les gens qui ont cette responsabilité dans notre réseau et vous revenir plus tard.

[Français]

Nous vous fournirons plus de précisions sur cette question.

Le sénateur Tardif : Je l'apprécierais. Vous pourrez envoyer vos commentaires à la présidente et aux membres du comité.

Mme Martin-Laforge : Tout à fait.

Le sénateur Tardif : Ma prochaine question concerne le budget fédéral et les coupures prévues pour CBC/Radio- Canada. À ce moment-ci, savez-vous quel impact auront ces coupures sur votre communauté? Pour ce qui est du fonds de développement, vous avez souligné l'importance du Fonds pour l’amélioration de la programmation locale. D'ailleurs, vous avez fait une présentation devant le CRTC sur l'importance de le conserver. Savez-vous si ce fonds sera affecté par les coupures budgétaires?

M. Rodgers : Ils sont en train de revoir le fonds et nous saurons d'ici deux mois. Nous avons fait une présentation la semaine dernière. Comme je l'ai dit plus tôt, la communauté anglophone du Québec n'est pas admissible car ils ont créé une définition de population et de connaissance linguistique qui nous exclut. La situation est donc très problématique. D'abord, on aimerait avoir accès, puis que cela se poursuive.

Le sénateur Tardif : Quel critère en termes de population utilise-t-on pour déterminer l'accès.

M. Rodgers : On vise les petites villes avec une population de moins d'un million d'habitants. Plutôt que de parler de langue maternelle ou de première langue officielle connue, on parle de langue connue. À Montréal, deux millions de personnes connaissent l'anglais. Depuis deux ans, nous essayons de faire changer la définition. C'est ridicule!

Le sénateur Tardif : À votre avis, ce critère linguistique vous pénalise?

M. Rodgers : Oui. Nous n'avons pas accès.

Le sénateur Tardif : Croyez-vous que les coupures budgétaires auront un impact sur la programmation?

M. Rodgers : On retient deux choses. CBC a indiqué qu'ils mettront plus d'emphase sur les régions, ce qui est une très bonne nouvelle.

Pour ce qui est des coupures, nous ne savons toujours pas où elles seront appliquées. Si on affecte plus d'argent aux régions, en plus des coupures, le bilan sera peut-être kif-kif. Nous ne savons pas encore ce qui en sera car c'est récent.

Le sénateur Tardif : Certaines de vos régions ne reçoivent pas le mode numérique. Êtes-vous affectés par le changement du mode de transmission de la programmation télévisuelle?

M. Rodgers : Quebec Community Groups Network a fait une étude sur la question.

[Traduction]

Mme Martin-Laforge : Dans les Cantons de l'Est et à Québec, nous savons qu'il y a des gens qui seront touchés. Sont-ils nombreux? Pas vraiment. Cela dépend de l'ampleur que vous voulez donner à votre réseau, c'est-à-dire combien de personnes forment une masse critique pour plaider en faveur du statu quo auprès de CBC.

Au QCGN, et en consultation avec d'autres personnes de la communauté, nous avons déterminé que, compte tenu des compressions et de la situation actuelle, nous préférons qu'il y ait des accommodements là où c'est possible, mais que nous n'allions pas présenter d'autres plaidoiries sur la question des chiffres, parce que nous croyons que la masse critique n'est pas là. Bien sûr, certaines personnes sont désavantagées, mais compte tenu de la conjoncture économique, allons-nous aller plus loin? Nous avons décidé de laisser les forces de la demande agir et voir si la communauté demandera davantage. Nous avons donc décidé de ne pas aller plus loin.

[Français]

Le sénateur Tardif : Quelles seraient alors vos priorités dans le domaine des médias, des communications, des arts et de la culture?

[Traduction]

M. Rodgers : Nous allons essayer de nous attarder davantage à la dualité linguistique. Nous avons beaucoup de contenu qui est produit dans différents domaines. Je parle en particulier du domaine des arts et de la culture, qui est très vivant. Pour répondre à votre question précédente concernant l'exode des cerveaux, le Québec offre un environnement si accueillant pour la culture que les gens restent et reviennent beaucoup plus que dans d'autres domaines. C'est un milieu accueillant.

Pouvons-nous maintenir l'infrastructure et la masse critique? Nous allons prendre les histoires des artistes de la radio, de la télévision, du Web et de l'édition et essayer de les transmettre à la majorité francophone, à nos voisins, pour créer un auditoire, mais aussi pour changer certains stéréotypes négatifs auxquels nous nous butons constamment. Les artistes sont des personnes positives, intégrées et très bilingues.

Nous oublions souvent que 50 p. 100 des anglophones sont mariés à des francophones, ce qui explique la fermeture des écoles. Si nous voulons que nos enfants restent, nous voulons aussi qu'ils soient parfaitement bilingues. S'ils fréquentent une école francophone, ils deviennent peut-être un peu moins anglophones. C'est complexe. Toutefois, cette relation dans les médias avec la majorité francophone, avec Radio-Canada, est certainement une priorité.

Le sénateur Poirier : J'aimerais savoir ceci : parmi les programmes de Radio-Canada et de CBC, lesquels sont les plus importants pour vous? Lesquels aimeriez-vous garder ou voir apparaître?

M. Rodgers : Évidemment, le bulletin de nouvelles est important, l'idée d'avoir plus de nouvelles régionales. Il y a deux niveaux de nouvelles régionales. Il y a la région du Québec. Bien sûr, il y aurait plus de nouvelles sur Montréal, puisque la ville est importante. Il faudrait que toutes les régions soient mieux représentées. Le reste du Canada subit la « montréalisation » des médias, et nous subissons la « torontoisation ». Nous essayons de nous en sortir. Dans le reste du Québec anglais, il y a une sorte de « montréalisation ». Il faut aussi plus de produits qui reflètent notre réalité. À l'heure actuelle, les arts et la culture occupent une certaine place, ce qui est très positif. Toutefois, il y a beaucoup d'autres histoires locales à Montréal et dans les régions dont nous voulons faire la promotion et que nous voulons voir diffuser dans les médias, et CBC semble être le meilleur véhicule à cette fin.

Mme Martin-Laforge : Concernant la visibilité, j'ajouterais que nous voulons que l'on parle de nous aux nouvelles. Pour revenir à Radio-Canada, par exemple, j'écoute son bulletin de nouvelles tous les soirs, mais on n'y parle jamais de nous. Les journalistes de Radio-Canada ne sont jamais présents lors de nos activités.

[Français]

Je regarde la télé en français, mais je ne me retrouve pas.

[Traduction]

Alors, si CBC devient « torontoise » au point qu'on n'y parle pas de nous, ni à Montréal ni dans les régions, nous sommes orphelins. À Montréal, au Québec, Radio-Canada ne parle pas de nous et ne nous montre pas tels que nous sommes, ni CBC. Vers qui se tourne-t-on?

Le sénateur Comeau : Bienvenue dans le club.

[Français]

La présidente : Avant de passer au deuxième tour, j'aimerais poser une question à Mme Martin-Laforge ou à Mme Johnston.

Vous avez reçu une copie de la réponse du gouvernement au rapport du comité sénatorial. De façon générale, êtes- vous satisfait de la réponse fournie par le gouvernement fédéral? Y a-t-il des éléments dans cette réponse qui ne semblent pas satisfaisants et sur lesquels vous auriez aimé que le gouvernement aille plus loin? Avez-vous eu la chance d'analyser la réponse du gouvernement? En général, êtes-vous satisfait?

[Traduction]

Mme Martin-Laforge : Absolument, en ce sens que nous sommes tellement heureux que le Sénat soit venu, qu'un rapport ait été publié, et que le gouvernement ait fourni une réponse. Pour la plupart d'entre nous, cela a suffi à nous ravir. Il faut penser au processus, à ce que nous avons tous appris de nous-mêmes, même en nous présentant devant vous. Bien entendu, la réponse du gouvernement aurait pu être plus étoffée à certains égards, ou aurait pu nous donner une idée plus précise de ce qu'il fera, mais recevoir une réponse du gouvernement est une étape majeure pour la communauté anglophone sur laquelle nous pourrons nous baser. Dans sa réponse, le gouvernement indique qu'il tiendra compte du rapport des sénateurs dans le cadre de l'élaboration de sa feuille de route et d'autres programmes. C'est bien sûr une affirmation générale, mais je pense que c'est pour nous un outil. C'est devenu un outil pour nous et notre collectivité qui nous permettra ensuite de dire au gouvernement que les sénateurs ont dit telle ou telle chose. Monsieur Thompson, voulez-vous dire quelque chose?

M. Thompson : Ce que nous aurions aimé voir, c'est une réponse à la recommandation 3. Notre communauté a communiqué trois messages, que nous vous avons présentés aujourd'hui lors de notre exposé : la nécessité d'avoir un poids égal dans le cadre de l'élaboration des politiques, l'accès à des services dans notre langue officielle et un partage équitable des ressources fédérales consacrées aux communautés de langue minoritaire du Canada. La recommandation 3 portait précisément là-dessus. Le gouvernement n'en a pas parlé du tout dans la réponse qu'il a donnée. Il n'a rien dit au sujet de la recommandation. Nous ne savons toujours pas sur quels critères le gouvernement fédéral se base pour l'attribution des ressources aux communautés de langue minoritaire. Nous ignorons toujours combien d'argent y est consacré. C'est encore très difficile à saisir et nous aimerions avoir une réponse. Nous aimerions connaître les critères qui servent à établir un partage équitable des ressources pour les communautés de langue minoritaire du Canada.

Le président : Merci.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Ma question concerne Radio-Canada. À la fin mars, CBC/Radio-Canada a vu son budget réduire de 115 millions de dollars pour les trois prochaines années. Le radiodiffuseur public s'est engagé à compromettre le moins possible sa stratégie énoncée dans son plan quinquennal 2015, qui a pour titre Partout, pour tous. Il a rendu public les détails de son plan d'action le 4 avril dernier.

D'après ce que je comprends, vous avez bien l'impression qu'ils ne sont pas en train d'essayer d'atteindre leurs objectifs.

M. Rodgers : Ce n'est pas tout à fait vrai. Je trouve qu'ils font des efforts. On le voit depuis 12 mois et un peu plus.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Tant mieux, si vous trouvez qu'ils font des efforts.

M. Rodgers : J'ai l'impression qu'ils essaient de faire plus, qu'ils mettent plus d'emphase sur ce qui se passe dans les régions, incluant le Québec, pour les anglophones.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Lorsque nous étions à Montréal, je me souviens que vous vous plaigniez de ne jamais être couverts, de ne pas avoir des nouvelles de partout dans la province en anglais. Pensez-vous que Patrimoine canadien a le pouvoir de faire changer les choses, c'est-à-dire d'être capable de donner du service même s'il n'y a pas un million d'anglophones dans la province? D'après ce que vous avez dit tout à l'heure, vous avez l'impression qu'il y en a beaucoup plus que cela, sauf que ce n'est pas nécessairement bien comptabilisé.

Pensez-vous que Patrimoine canadien peut exercer des pressions pour faire en sorte que vous ayez des nouvelles anglaises de partout dans la province de Québec? Le sénateur De Bané a déjà mentionné qu'il trouvait épouvantable qu'on n'ait pas de nouvelles francophones des autres régions francophones du pays. Le problème existe vraiment et je ne sais pas comment on pourrait le régler.

M. Rodgers : Franchement, on ne le sait pas non plus. Cela ne peut pas nous faire de mal que Patrimoine canadien fasse un peu de pression.

Le sénateur Fortin-Duplessis : C'est peut-être juste eux qui peuvent le faire.

[Traduction]

Mme Martin-Laforge : J'aimerais seulement ajouter que je crois comprendre que la Loi sur les langues officielles, du moins la Partie VII, ne s'applique pas à la programmation. La programmation est le nerf de la guerre à certains égards, et CBC peut prendre des initiatives avec des projets comme le concours My Quebec Roots, mais lorsqu'il est question de programmation, ce n'est plus la même chose. Ce qui est difficile, c'est de trouver une façon d'augmenter le contenu sur la communauté anglophone.

[Français]

Au Québec par exemple, il y a plein de romans-savons. Il y a une richesse de contenu au Québec par rapport aux Québécois. Je ne sais pas comment cela se passe, madame Kenny va vous en parler tout à l'heure, par rapport à la communauté hors Québec.

[Traduction]

Pour nous, il s'agit de la programmation, et à ce que je sache, la Partie VII ne s'applique pas à cet élément.

M. Rodgers : Le commissaire aux langues officielles conteste cela.

Mme Martin-Laforge : Je sais, mais il faut que Radio-Canada et CBC partagent leur point de vue.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool : S'il y a eu du progrès, je pense qu'ils font un effort du côté de Radio-Canada d'essayer de rendre Radio-Canada moins montréalaise. Une étude assez approfondie effectuée par l'Université de Moncton en 2007 ou 2008 nous donne des statistiques. Pareille étude a-t-elle été effectuée du côté de CBC? J'écoute Peter Mansbridge; de temps en temps il parle de Montréal. C'est vrai que de ces temps-ci, Montréal fait la une.

M. Rodgers : Oui, de ce temps-ci, on fait les manchettes partout.

Le sénateur Losier-Cool : Une étude a-t-elle été effectuée pour savoir jusqu'à quel point les anglophones du Québec sont représentés, par exemple, dans les nouvelles?

M. Rodgers : Pas que je sache. Cela me surprendrait énormément. Non.

Le sénateur Losier-Cool : Ce serait un projet pour votre groupe?

M. Rodgers : Ce serait un bon projet.

[Traduction]

Mme Martin-Laforge : Il y a quelques années, nous avons demandé au bureau du commissaire si, dans le cadre des priorités de recherche stratégique, il envisageait de faire un examen sur la façon dont les anglophones sont représentés dans les médias et les nouvelles au Québec. Nous ne nous sommes pas engagés dans cette voie et pour bien des raisons, le bureau n'a pas pu le faire, mais je pense qu'il nous faut en savoir plus à ce sujet, sur le contenu, le public et la façon dont les anglophones sont représentés dans les journaux. Je pense que c'est une excellente idée.

[Français]

La présidente : Comme vous le savez, il y aura sous peu des audiences publiques sur le renouvellement des licences de Radio-Canada par le CRTC. Je crois que la date n'est pas encore fixée. Avez-vous l'intention de présenter un mémoire?

M. Rodgers : Oui. Cela fait déjà 12 mois que c'est en préparation parce que cela a été reporté.

La présidente : Alors, vous allez présenter un mémoire?

M. Rodgers : Oui, bien sûr.

La présidente : Sur ce, s'il n'y a pas d'autres questions, j'aimerais sincèrement vous remercier. Je vous ai obligé à écourter votre présentation. Nous avions plusieurs sujets à discuter avec vous, tous de grand intérêt.

J'aimerais vous remercier, au nom des membres du comité, de vos présentations ainsi que de votre flexibilité. Vous allez nous faire parvenir des informations et s'il y a d'autres questions de la part des membres du comité, nous vous les ferons parvenir. Je vous remercie beaucoup.

Le comité a entamé une étude des obligations de CBC/Radio-Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles et de certains aspects particuliers de la Loi sur la radiodiffusion.

Le comité accueille maintenant des représentants des communautés de langue officielle en situation minoritaire dans le cadre de cette étude. Au nom du comité, je remercie les représentants de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui. Je souhaite la bienvenue à Mme Marie-France Kenny et à M. Serge Quinty.

Les membres du comité ont hâte d'entendre vos commentaires sur la question et, suite à votre présentation, il y aura une période de questions. La parole est à vous.

Marie-France Kenny, présidente, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada : Honorables sénateurs, c'est toujours un plaisir de venir vous rencontrer et d'échanger avec vous. Je suis accompagnée aujourd'hui de M. Serge Quinty, directeur des communications. Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître dans le cadre de votre étude sur les obligations de CBC/Radio-Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles et de la Loi sur la radiodiffusion.

Considérant le contexte difficile que vit la société d'État à l'heure actuelle, cette discussion arrive à point nommé. Je tiens d'ailleurs à mentionner que jeudi dernier nous avons comparu devant le CRTC dans le cadre de son examen du Fonds d'amélioration de la programmation locale, le FAPL.

Ce fonds a permis aux stations régionales de Radio-Canada de produire davantage de contenu local à l'intention de nos communautés et nous avons demandé au CRTC de maintenir à la fois le FAPL et l'accès de la société d'État à celui-ci. Dans la foulée des compressions récentes, Radio-Canada a maintenu son empreinte régionale partout au pays. Nous sommes persuadés que c'est en bonne partie grâce au FAPL.

Cette question d'empreinte régionale m'amène à la première des grandes questions que vous posez dans le cadre de votre étude, à savoir si la CBC et la SRC assurent une couverture de qualité équivalente dans les deux langues officielles à l'échelle du Canada et par le biais de toutes leurs plateformes.

Au niveau télévision, les communautés francophones et acadiennes ont accès à sept stations régionales de Radio- Canada : une pour chaque province de l'Ouest, deux en Ontario et une pour les quatre provinces de l'Atlantique. Au niveau radiophonique, on compte quatre stations dans l'Ouest canadien, trois en Ontario et une en Atlantique. Je ne compte pas ici les émissions du matin qui sont produites localement en Nouvelle-Écosse, à l'Île-du-Prince-Édouard et à Windsor, ni les réémettrices dans diverses communautés plus éloignées. Ce qu'il importe de savoir, c'est que généralement, la desserte de nos communautés est assez satisfaisante, mises à part deux exceptions qu'il est important de partager avec vous.

Tout d'abord, le signal de Radio-Canada Edmonton ne se rend pas dans la région du Parc national de Jasper. Cela constitue un irritant pour la communauté, qui a effectué plusieurs représentations à cet égard auprès de Radio-Canada au fil des ans. Il est important de noter que, bien qu'il n'y ait pas de signal de la SRC à Jasper, la CBC émet un signal à cet endroit.

L'absence de Radio-Canada dans le Nord est une lacune également importante. Vous savez comme moi que l'Arctique est une région en pleine croissance, et la population francophone augmente d'un recensement à l'autre. Il s'agit d'une population professionnelle, hautement éduquée, qui souhaite être informée et divertie dans sa langue. La seule des trois collectivités qui soit actuellement intégrée — de manière minimale — aux services français de la société est la communauté franco-yukonnaise, qui jouit des services d'une vidéojournaliste associée à la télévision de Radio- Canada en Colombie-Britannique.

La communauté produit également, depuis des années, à partir des studios de CBC North, une émission radio intitulée Rencontres. Quant aux communautés franco-ténoises et franco-nunavoises, elles s'informent au moyen du signal de Radio-Canada en provenance de Montréal et de CBC North. Vous admettrez qu'en termes de couverture égale, il devrait exister un Radio-Canada Nord au même titre que CBC North.

Quelques considérations sur les autres plateformes. La dernière décennie a vu une extension de l'offre d'Espace Musique à plusieurs endroits. Au cours des trois dernières années, on a procédé à une certaine régionalisation de l'animation. Cependant, avec les compressions annoncées le 4 avril, l'animation régionale sera coupée de moitié. La régionalisation d'Espace Musique était déjà incomplète. D'ailleurs, chez moi, en Saskatchewan, on ne l'avait pas encore. Elle sera donc freinée en plein élan.

Parler du Web et des plateformes branchées, c'est aussi parler des éléments de la stratégie « Partout et pour tous » de Radio-Canada. Je vous en parle parce que, dans sa volonté de mieux servir les régions, la société d'État a inclus dans cette stratégie le lancement de microsites Web hyperlocaux afin de mieux couvrir les régions mal desservies. L'intention est louable. Notons que les deux premiers sites hyperlocaux, qui furent lancés l'an dernier, couvrent respectivement la Rive-Sud de Montréal et la Rive-Nord de Montréal. Or, il n'existe toujours qu'un site pour l'ensemble de l'Acadie, région qui compte quatre provinces.

On doit se questionner sur la définition que donne la société d'État à « hyperlocal » et « couverture régionale ». Ne nous méprenons pas, les stations régionales de Radio-Canada font généralement un excellent travail, et nos communautés le reconnaissent. Les réalisateurs, animateurs, journalistes et administrateurs entretiennent de nombreux liens avec les communautés et sont à l'écoute. Toutefois, ces stations disposent de trop peu de ressources compte tenu du mandat et du territoire à couvrir.

Chez moi, en Saskatchewan, la station de Régina et le bureau de Saskatoon couvrent l'ensemble de la province — et c'est une grande province. Quand on demande à nos communautés d'identifier les faiblesses dans la couverture régionale, très souvent on nous parle de la capacité de Radio-Canada de se déplacer pour couvrir un événement à Prince-Albert, à Lethbridge, à Prince-George ou à Saint-Pierre-Jolys au Manitoba.

La situation s'est beaucoup améliorée grâce au FAPL, mais il reste énormément de travail à faire. Par exemple, le Yukon et Terre-Neuve-et-Labrador ne disposent que d'un journaliste, qui se rapporte à une station dans une autre province. D'autre part, alors qu'il existait jadis un bulletin de nouvelle radio pour le Nouveau-Brunswick et l'Île-du- Prince-Édouard, et un autre pour la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador, depuis quelques années le tout a été fondu dans un bulletin produit à partir de Moncton. Il va de soi que les particularités locales y perdent au change.

Parlons maintenant du réseau. À cet égard, les communautés francophones et acadiennes ne sont certes pas en mesure de reconnaître le radiodiffuseur public comme étant leur radiodiffuseur. Du point de vue des communautés, Radio-Canada semble souvent faire l'adéquation que le réseau c'est pour le Québec; ce qui intéresse les francophones ailleurs au pays c'est les stations régionales.

Certes, certains efforts ont été faits. L'artiste acadienne Lisa LeBlanc était à l'émission Tout le monde en parle il y a quelques semaines, de même que Radio Radio, et Damien Robitaille a déjà été invité à l'émission.

D'autre part, nous ne sommes pas sans savoir que La petite séduction s'est rendue à Chéticamp, à Maillardville et même chez moi, à Gravelbourg. Considérant le fait que nos communautés représentant 14 p. 100 de la population francophone du Canada, cette présence au réseau est encore beaucoup trop faible. Les nouvelles du Québec et de Montréal occupent toujours une place démesurée au Téléjournal, alors qu'il est encore rare qu'on y voit des nouvelles qui montreraient aux Québécois et Québécoises qu'il existe des francophones ailleurs au pays. On demeure quasi- invisibles.

Il y a toutefois des raisons d'être optimiste puisque l'enjeu du reflet des communautés de langue officielle en situation minoritaire au réseau national est de plus en plus sur le radar du CRTC, et nous sommes certains que cette considération fera partie du prochain renouvellement de la licence de Radio-Canada. Néanmoins, il existe toujours au réseau de Radio-Canada cette perception que ce qui intéresse le Québec est pertinent pour l'ensemble de la francophonie canadienne, à moins que ce ne soit une perception que l'auditoire auquel s'adresse les animateurs et journalistes dans les émissions réseau est nécessairement québécois.

Le mois dernier, lorsque l'Acadien Michel Cormier a été nommé à la tête du Service de l'information de Radio- Canada, le chroniqueur Jean-François Lisée a sûrement dit tout haut ce que plusieurs pensent tout bas lorsqu'il a mis l'accent sur le fait que pour la première fois ce service est dirigé par un nom québécois. Nous espérons d'ailleurs que cette nomination marque une volonté de changement de culture.

D'autre part, il y a des signes que Radio-Canada a la volonté de transformer les compressions budgétaires du mois dernier en une occasion de moderniser le diffuseur public et de faire les choses autrement. Nous verrions d'un très bon œil que Radio-Canada, dans un souci d'efficience, s'appuie davantage sur les régions pour nourrir le réseau.

J'aimerais consacrer la dernière partie de ma présentation au respect, par CBC/Radio-Canada, des exigences de la Loi sur les langues officielles. Je ne consacrerai pas énormément de temps à la Partie IV sauf pour dire que l'accueil dans les deux langues officielles n'est pas disponible dans tous les bureaux de la société d'État. Je me rends, à l'occasion, à Régina pour y faire des entrevues, et je ne me souviens pas de la dernière fois où j'ai eu droit à un service d'accueil dans les langues officielles. On déploie peu d'efforts pour me trouver quelqu'un qui parle français, autre que les journalistes qui vont m'interviewer.

Quant à la Partie VII, il reste beaucoup plus de travail à faire. Suite aux coupures à la station CBEF Windsor, au printemps 2009, le commissaire aux langues officielles a initié un recours judiciaire contre la société d'État. Au cœur de ce litige, on trouve la délimitation des responsabilités de CBC/Radio-Canada sous la Partie VII. Pour la FCFA, il est clair que, en tant qu'institution fédérale, la société a un devoir de consultation à l'endroit des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Nous demandons depuis plusieurs années un mécanisme formel au niveau national, doublé d'instances de consultations formelles au niveau régional. Au cours des dernières années, la société a mis en place un panel des régions formé d'individus de langue française provenant de divers endroits au pays. Or, le problème avec ce panel des régions est justement que les francophones qui y siègent sont à titre individuel et n'ont pas pour mandat de représenter les communautés.

D'autre part, il ne s'agit guère d'un mécanisme qui favorise une reddition de compte où la société démontre de quelle manière elle a pris en considération les besoins et les priorités exprimés par les francophones. À notre avis, le besoin de mécanismes de consultation demeure donc entier, même s'il existe de beaux partenariats dans plusieurs communautés.

Mais la Partie VII, comme vous le savez, va plus loin que l'appui au développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire. On y parle aussi de promotion de la pleine reconnaissance de l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne. Cet engagement en matière de dualité linguistique vise autant CBC que Radio- Canada. Pourtant, force est de constater que dans plusieurs régions on fait face à deux solitudes. Pour la CBC, la plupart du temps, c'est comme si nos communautés n'existaient pas. Or, s'il existe dans notre société un intervenant qui est bien placé pour bâtir des ponts et favoriser une meilleure compréhension entre les Canadiens de langue française et les Canadiens de langue anglaise, c'est bien CBC/Radio-Canada.

Nous verrions d'un très bon œil qu'il y ait au niveau local des émissions qui fassent le pont entre Radio-Canada et CBC. En terminant, on dit « qui aime bien châtie bien » : nous pouvons sembler sévères à l'égard de Radio-Canada, mais c'est parce que nous avons tellement besoin des services qu'elle offre et besoin de trouver notre reflet sur ses ondes, tant au niveau local que national.

Après l'annonce du plan de CBC/Radio-Canada pour absorber les compressions de 115 millions de dollars sur trois années annoncées dans le budget du 29 mars, les communautés francophones et acadiennes ont eu, de façon générale, l'impression de l'avoir échappé belle. Même si on parle d'un certain nombre de pertes d'emplois, même si on assiste à une réduction de l'animation locale à Espace Musique, l'impact aurait pu être bien plus dramatique.

Nos communautés ont encore en mémoire les compressions de la fin des années 1990 et la tentative de fusionner les quatre stations de l'Ouest canadien. Les ressources dont disposent les stations régionales de Radio-Canada demeurent très limitées et, par conséquent, nous ne sommes pas prêts à baisser la garde. Lorsqu'on discute du montant de l'allocation parlementaire que reçoit la société d'État ou de la pertinence même de cette allocation, il est rarement question du rôle crucial que joue Radio-Canada pour les 2,5 millions de citoyens et citoyennes de langue française qui vivent en situation minoritaire.

Nous comptons sur vous, honorables sénateurs, pour remettre cet enjeu sur le radar. Je vous remercie et nous sommes prêts à répondre à vos questions.

La présidente : La première question sera posée par la sénatrice Fortin-Duplessis.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Suite au développement du budget fédéral, CBC/Radio-Canada a rendu public les détails de son plan d'action concernant les mesures de restrictions budgétaires, qui seront prises au cours des trois prochaines années. Comment réagissez-vous au plan d'action rendu public par CBC/Radio-Canada? Et est-ce que Radio-Canada vous a consultés lors de la préparation de ce plan d'action?

Mme Kenny : Pour ce qui est de la première question, comme je l'ai dit tantôt, on a l'impression qu'on l'a échappé belle. On apprécie énormément l'effort que fait Radio-Canada pour maintenir son empreinte locale et exercer davantage de compressions sur ce qu'on appelle le réseau. Au niveau de la consultation, on n'a pas été consultés au niveau de la façon dont cela allait se décliner. Évidemment, il y a eu des conversations entre Radio-Canada et la communauté; mais il n'y a pas eu de consultations formelles.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Vous avez mentionné que les effets de ces mesures ont été annoncés. Pour vous, quel serait le pire de ces effets?

Mme Kenny : Évidemment, ce serait la fermeture d'une station. On l'a vécu avec la station de Windsor, de laquelle on émet certaines émissions locales du matin. Comme toute la construction identitaire se bâtit, il faut se voir, il faut s'entendre, il faut se voir reflétés à travers cette programmation. Ce serait dévastateur s'il n'y avait plus de nouvelles provinciales et régionales qui parlent de ce qui se passe chez nous. Ce serait une des pires choses, mais du côté de Radio-Canada, on nous a assurés que ce ne serait pas le cas.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Est-ce que cela pourrait aller jusqu'à compromettre le développement de vos communautés si jamais il y avait trop de compressions?

Mme Kenny : Oui. Le meilleur exemple, c'est celui de Régina : à Regina, Radio-Canada travaille avec la communauté et fait partie de plusieurs coalitions et comités. Il y a vraiment un travail important qui se fait avec la communauté. Et j'irais même jusqu'à dire que c'est le cas dans presque tout. Je ne vois pas d'exceptions, c'est le cas de nos régions.

Radio-Canada est un partenaire qui diffuse, qui enregistre et qui fait beaucoup de choses pour la communauté. La disparition, c'est la disparition d'un partenaire, pas seulement la disparition des nouvelles ou du reflet de la société. C'est aussi la disparition d'un partenaire important dans les communautés.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci beaucoup.

Le sénateur Tardif : C'est toujours un plaisir de vous accueillir au comité sénatorial permanent des langues officielles. Madame Kenny, vous avez parlé du travail important que fait Radio-Canada auprès des communautés. Dans ma région à Edmonton, Radio-Canada représente un partenaire très important de la communauté franco- albertaine. Je reconnais que Radio-Canada est très présente lors des activités de plusieurs organismes.

Nous sommes souvent très sévères envers Radio-Canada. C'est peut-être parce que nous avons tellement d'attentes par rapport au travail que cette société d'État peut faire, et c'est souvent difficile compte tenu des ressources dont elle dispose. Malheureusement, il y a même des personnes qui voudraient voir l'élimination des fonds publics destinés à CBC/Radio-Canada.

Vous en avez un peu parlé en réponse à une question de la sénatrice Fortin-Duplessis, mais qu'est-ce que cela voudrait dire essentiellement pour nos communautés francophones en situation minoritaire si jamais on voyait l'élimination de CBC/Radio-Canada?

Mme Kenny : Évidemment, on a entendu parler de l'élimination possible de CBC/Radio-Canada. Pour un anglophone, qu'on dise qu'on va éliminer CBC, je trouve cela très dommage. Par contre, certaines stations telles que Global ou CTV diffusent partout au pays, en région.

Pour moi, une francophone de la Saskatchewan, la seule station qui diffuse mes nouvelles locales, c'est Radio- Canada. C'est la seule chaîne qui m'informe sur ce qui se passe dans ma province, pas juste dans ma communauté. Elle m'informe aussi sur mon gouvernement provincial, sur ce qui se passe au fédéral, en français, chez moi, dans un bulletin d'une heure.

Je perdrais cela tandis que les anglophones auraient peut-être d'autres moyens, d'autres médias. Imaginez-vous un instant que vous n'ayez plus de nouvelles de chez vous, dans votre langue. Pour moi, c'est un effet dévastateur au niveau de la construction identitaire. Comme je l'ai mentionné, c'est aussi la perte d'un partenaire important au sein de nos communautés.

Je ne peux pas m'imaginer, moi la francophone qui habite en Saskatchewan, me réveiller un matin et que Radio- Canada n'existe plus. C'est pour moi un non-sens et une impossibilité.

M. Quinty : Je voudrais simplement ajouter que lors des audiences publiques sur le Fonds d'amélioration de la programmation locale, qui se tenaient la semaine dernière, différents intervenants tels Shaw Cable ont indiqué qu'il fallait laisser la loi du marché déterminer les meilleures solutions en termes de programmation locale.

Les diffuseurs privés n'ont aucun intérêt à servir les francophones en milieu minoritaire parce que les revenus ne sont pas là. Les cotes d'écoute, les grandes parts du marché ne sont pas chez nous. Les forces du marché à elles seules ne peuvent pas suffire pour donner un reflet ou pour diffuser des nouvelles ou de la programmation locale aux francophones.

Le sénateur Tardif : Est-ce que d'après vous il serait essentiel que le rapport de notre comité mentionne ce que vous venez de dire?

Mme Kenny : Absolument. On l'a dit devant le CRTC, on l'a dit devant le comité des langues officielles de la Chambre des communes, et on le répète encore ici. Un Canada, sans une télévision nationale qui diffuse des nouvelles provinciales dans les deux langues officielles, pour moi ce n'est pas un Canada.

Le sénateur Comeau : Vous avez fait référence au site de Radio-Canada qui couvre tout l'Atlantique et qui se trouve au Nouveau-Brunswick.

Savez-vous si Radio-Canada ou d'autres ont évalué les cotes d'écoute de la part des gens de l'extérieur du Nouveau- Brunswick, on pourrait presque dire les Acadiens hors Nouveau-Brunswick? Est-ce qu'on a tenté de connaître le taux d'écoute?

Mme Kenny : Je ne pourrais pas vous dire si Radio-Canada a fait une telle étude. Par contre, je peux vous parler du lot de gens mécontents lorsqu'on a décidé de fusionner la radio pour passer de deux bulletins à un bulletin. Les gens évidemment étaient mécontents et se sont plaints.

Le sénateur Comeau : On parle de la radio n'est-ce pas?

Mme Kenny : De la radio. Déjà les gens trouvaient qu'ils ne se voyaient pas si souvent que cela et là, encore moins. On perd cette saveur locale de ne plus avoir un bulletin sur la province de la Nouvelle-Écosse, des nouvelles provinciales, ce qui se passe avec votre gouvernement en français, ce qui se passe avec la communauté en français. On perd tout cela puisqu'on doit faire un amalgame et dans le même condensé, on doit couvrir un territoire de quatre provinces.

Le sénateur Comeau : Vous soulevez un point très intéressant. Il y a deux sources de communication : la radio ou la télévision de Radio-Canada. Je parlais surtout de la télévision. Mon expérience est que la radio a fait des efforts tout à fait spéciaux pour couvrir toutes les régions de l'Atlantique. J'ai moins l'impression que la télévision de Radio-Canada a fait l'effort de rejoindre les autres régions entre autres celle du Nouveau-Brunswick. Avez-vous essayé d'examiner ce phénomène?

Mme Kenny : Non, on n'a pas essayé.

M. Quinty : J'ai peut-être un élément de réponse. L'année passée, le CRTC a lancé un appel d'observation pour le renouvellement des licences de Radio-Canada et ensuite, ils ont bien sûr reporté cela. Mais nous avions commencé le processus de préparation de notre intervention et nous avions consulté nos membres dont les quatre membres de l'Atlantique. Je peux vous dire que pour ce qui est de Terre-Neuve-et-Labrador le contraste est assez frappant. Ces gens disent qu'ils se sentent autant minoritaires par rapport à Moncton que par rapport à Montréal. C'est sûr et certain qu'avec un vidéo-journaliste à Terre-Neuve-et-Labrador, cela ne fait pas une couverture très extensive.

Le sénateur Comeau : Ce serait un excellent projet à entreprendre pour voir si on pourrait faire quelque chose pour ces régions. Je sais qu'a un moment donné, quelque chose se passera à Radio-Canada et on se téléphone entre nous pour se le dire. On entend souvent dire qu'il n'existe pas d'Acadiens à l'extérieur du Nouveau-Brunswick. Lors du Congrès mondial acadien, il y a quelques années, j'étais à Caraquet et on me présente à quelqu'un qui me souhaite la bienvenue en Acadie. Je l'ai remercié. Mais je fais partie de l'Acadie, en Nouvelle-Écosse, pour me faire accueillir à l'Acadie, qui est au Nouveau-Brunswick bien sûr. Ce serait un projet intéressant à examiner. Les gens de l'Île-du- Prince-Édouard, de Terre-Neuve-et-Labrador et de Nouvelle-Écosse se voient-ils dans les reportages de Radio- Canada? Pour la radio, l'histoire est différente. On peut peut-être examiner les succès de la radio de pouvoir rejoindre nos communautés, mais Radio-Canada surtout.

Mme Kenny : Tout à fait.

Le sénateur De Bané : Merci, madame la présidente. Je vous remercie de nous avoir rappelé le rôle essentiel que joue la Société Radio-Canada dans les différentes provinces qui sont majoritairement anglophones.

Madame la présidente, vous avez dit qu'il n'y a qu'un journaliste à Terre-Neuve-et-Labrador et qu'il y en a très peu ailleurs. Cela va sans doute vous intéresser de savoir que la Société Radio-Canada a, dans la province de Québec, plus de journalistes que la CBC en a en Ontario; qui est une province évidemment autrement plus populeuse; près de 13 millions d'habitants. Quand ils vous diront qu'ils n'ont pas d'argent, cela vaudra la peine que vous leur rappeliez cela.

La présidente : Aviez-vous une question?

Le sénateur De Bané : Oui, madame, j'ai des questions, mais je voulais lui donner un argument lorsqu'on va lui répéter qu'ils n'ont pas les moyens. D'abord par rapport à la répartition du personnel journaliste de la Société Radio- Canada pour tout le Canada qui est plus important que celui de la CBC. Cela vaut la peine d'avoir cela à l'esprit.

Madame, au sujet du rôle que joue la Société Radio-Canada dans les différentes provinces, évidemment c'est un rôle essentiel. Là où le bât blesse, c'est que comme vous l'avez dit, autant vous êtes là dans toutes les émissions régionales, autant vous êtes invisibles sur le réseau. Cela évidemment, personnellement, me peine énormément. Parce qu'évidemment, il n'y a pas grand mérite à parler français à Chicoutimi, mais maintenir sa langue à Régina ou à Gravelbourg, je dis mon respect et mon admiration. Donc, le fait que vous soyez invisibles, que des millions de francophones à l'extérieur, parce qu'en sus de gens de langue maternelle française, il y a plusieurs millions de locuteurs francophones à l'extérieur du Québec, que vos activités soient évidemment bien couvertes dans chacune des provinces, mais qu'il est quasiment interdit de les montrer sur le réseau national, a amené certains leaders francophones à commencer à mettre en œuvre le projet de la Fondation canadienne pour le dialogue des cultures. Voulez-vous nous en parler? Qu'est-ce qui a amené des leaders francophones à vouloir fonder la Fondation canadienne pour le dialogue des cultures afin que ces communautés francophones, qui vivent dans les provinces anglophones, puissent se connaître et dialoguer? Parlez-moi de la fondation?

Mme Kenny : Tout d'abord, je suis membre du conseil d'administration de la Fondation sur le dialogue et également du conseil d'administration de la chaîne Accent, qui est la chaîne dont vous parlez. J'y siège à titre de présidente de la FCFA et non pas à titre individuel. C'est un siège réservé pour la présidence. Une distinction à faire, c'est que la chaîne Accent ne se veut pas un substitut de Radio-Canada, mais un complément. On ne veut en rien que cela minimise les obligations de Radio-Canada en vertu de ce reflet sur le réseau. Même si la chaîne Accent voyait le jour, c'est vraiment un complément comme TFO ou d'autres médias. Plus on a de médias francophones, plus on se voit et plus on est reflété dans nos médias, c'est meilleur pour nos communautés. C'est un ajout et c'est une chaîne faite qui est pour et par les communautés.

Par ailleurs, bien entendu, la chaîne Accent travaillera avec des partenaires comme Radio-Canada. La chaîne ne compte pas avoir de bureaux en région mais plutôt des partenariats avec des producteurs locaux, y compris Radio- Canada, pour présenter une programmation.

Ne pensons pas qu'avec la chaîne Accent, Radio-Canada n'a plus ses obligations; ce n'est pas le cas. Radio-Canada a ses obligations et devra les maintenir. Nous avons l'assurance de Radio-Canada, qui est prêt à former un partenariat avec la chaîne Accent, que cela ne diminuera pas ses obligations. Au contraire, nous pensons que cela aidera à les renforcer.

Au niveau de cette invisibilité que l'on a sur le réseau, un exemple me vient à l'esprit. Le soir des élections, je me trouvais à Montréal. J'ai dû me tourner vers un média anglophone pour savoir qui avait été élu chez moi, en Saskatchewan, puisque Radio-Canada couvrait la région de l'Est et de l'Atlantique, et s'est rendu à peine à la frontière de l'Ontario pour ensuite revenir au Québec.

Par contre, certains animateurs, comme Pierre Craig qui anime La facture, à la fin de chaque émission prennent la peine de dire, « et sur ce, bonne semaine, où que vous soyez au pays », ou, « sur ce, bonne semaine, où que vous soyez au pays, de Vancouver à Terre-Neuve-et-Labrador ». Il existe donc de ces artisans qui ont travaillé en région et qui maintenant comprennent la vie des francophones en situation minoritaire.

Nous avons suggéré à Radio-Canada, il y a un certain temps, toute cette question d'orientation des animateurs, des journalistes et des recherchistes, pour leur parler et leur présenter qui sont les communautés. On a même dit qu'on était prêt à collaborer et animer, s'il le faut, cette partie de l'orientation à ces artisans de la télévision et de la radio. Toutefois, cette idée ne fut pas retenue.

On se rend compte, à travers les médias sociaux, que les animateurs sont presque tous sur Twitter ou Facebook. Le fait de communiquer directement avec ces personnes a un impact.

Dans la campagne électorale, lorsqu'un politicien se présentait à Tout le monde en parle, on voyait sur Facebook ou Twitter des messages leur demandant ce qu'ils vont faire pour les communautés francophones et acadiennes. Nous avons posé cette question chaque fois qu'un politicien se présentait, en disant que l'on reçoit cette question à maintes reprises sur Facebook et Twitter.

Le fait de rejoindre directement les artistes et les artisans a un impact. Les personnes comme Dany Turcotte, qui anime La petite séduction, comprennent davantage. On doit donc sensibiliser nos artistes et nos recherchistes. Plusieurs sont sensibilisés. Toutefois, lorsqu'on revient dans la bulle de Montréal, on oublie vite que des francophones vivent à Régina, à Edmonton, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick.

Le sénateur De Bané : Vous avez dit tantôt que vous avez dû syntoniser Newsworld pour savoir ce qui se passait dans votre coin de pays. J'ai entendu cette affirmation à maintes reprises de francophones qui habitent au Québec ou dans d'autres provinces. Lorsqu'ils veulent savoir ce qui se passe au Canada, ils doivent syntoniser Newsworld. L'étude de l'Université de Moncton a indiqué que The National visait le Canada et Le téléjournal le Québec. Le fait que les francophones du Québec et d'ailleurs, s'ils veulent savoir ce qui se passe au pays, doivent aller au réseau anglais en dit beaucoup sur ce qu'il faudrait faire pour que la raison d'être de la Société d'État se poursuive.

En Colombie-Britannique, je me suis laissé dire que les auditeurs anglophones ont leur bulletin de nouvelles à 21 heures, alors que pour la communauté qui syntonise le réseau français de la Société Radio-Canada c'est beaucoup plus tard. Avez-vous entendu parler de ce problème?

Mme Kenny : Si vous parlez des nouvelles régionales, elles sont probablement à 21 heures ou 22 heures, comme c'est le cas dans la plupart des provinces. Pour ce qui est des nouvelles nationales, je ne pourrais pas vous dire et je ne veux pas vous induire en erreur. Radio-Canada, en Colombie-Britannique, a une antenne très certainement à Vancouver. Donc, les nouvelles locales sont diffusées probablement à la même heure qu'un peu partout au pays. Chez moi, je les ai à 18 heures et ensuite à 21 heures ou 22 heures.

Le sénateur De Bané : Cette plainte concernait les nouvelles du réseau. On me disait, comment se fait-il que sur Newsworld, The National est diffusé à 21 heures alors qu'on doive attendre une heure plus tardive pour Le téléjournal?

Mme Kenny : Je crois comprendre que Radio-Canada joue en différé partout. Le bulletin diffusé à 22 heures ici le sera à 22 heures chez moi également, même s'il est deux heures plus tôt chez moi. Je crois que c'est le cas également pour la Colombie-Britannique. Toutefois, ce n'est pas une question à laquelle je pourrais vous répondre en toute certitude. Je ne voudrais pas vous induire en erreur, mais je sais que Radio-Canada joue en différé la plupart de ses émissions.

Le sénateur De Bané : La façon dont le problème m'a été expliqué est que sur le réseau anglais l'émission était diffusée à l'heure, alors que pour les francophones c'est plus tard. Vos services pourraient-ils vérifier ce point et nous communiquer la réponse à travers la greffière du comité?

Mme Kenny : Oui, on peut très certainement vérifier.

Le sénateur Poirier : Je vous remercie de votre présentation très intéressante. Si je me souviens bien, vous nous avez indiqué que Radio-Canada est essentielle pour la population francophone, et je comprends tout à fait. Vous avez également fait référence aux personnes à Radio-Canada qui doivent couvrir un très large territoire. Par conséquent, la couverture des événements régionaux dans les petites communautés est quasi-impossible.

Au Nouveau-Brunswick, nous avons Radio-Canada, comme vous. En plus de Radio-Canada, nous avons plusieurs radios communautaires, comme par exemple CJSE pour la région de Moncton, qui va assez loin dans la province et même à l'Île-du-Prince-Édouard. À Miramichi, qui est plus anglophone, mais avec une minorité francophone, ils ont quand même Miracadie.

Ces postes offrent non seulement des nouvelles régionales mais également des nouvelles provinciales et même parfois nationales. Avez-vous, dans vos communautés, des radios communautaires qui vous aideront sur ce plan?

Mme Kenny : L'Alliance de radios communautaires est pancanadienne. Je ne dirais pas que le service est égal. Le Nouveau-Brunswick a probablement le nombre le plus élevé de radios communautaires avec neuf stations. Je suis une grande fervente de Radio Beauséjour lorsque je me trouve à Moncton. Toutefois, la situation n'est pas partout pareille.

Chez moi, la radio communautaire opère à Gravelbourg, mais elle n'a pas une portée aussi grande. La situation varie d'une province à l'autre. Après le Nouveau-Brunswick, l'Ontario vient en second lieu. D'ailleurs, M. Quinty, qui a travaillé avec l'Alliance, pourrait vous en parler.

M. Quinty : Vous touchez un sujet qui découle de ma vie antérieure. J'ai jadis travaillé pour l'Alliance des radios communautaires du Canada. C'est donc un domaine que je connais bien.

Au Nouveau-Brunswick, effectivement, vous avez beaucoup de ressources. Au niveau de la télévision, on retrouve Télé Inter-Rives, qui regroupe des télévisions comme CHAU-TV et TVA dans la péninsule acadienne. Ils sont également en mesure de desservir la population locale. Il existe donc des options.

Au fur et à mesure qu'on se dirige vers l'Ouest du pays, on retrouve moins de radios communautaires. Il en existe une au Manitoba, on en trouve cinq ou six en Ontario. En Saskatchewan on en trouve une, et deux en Alberta. Certains projets sont bien sûr toujours en implantation, mais on ne parle pas de projets de l'envergure de Radio Beauséjour, qui a tout de même un chiffre d'affaires considérable compte tenu du bassin de la population. Les options dans ces régions du pays sont donc beaucoup moins importantes.

Le sénateur Poirier : Je vais vous poser la même question que j'ai posée aux témoins précédents. Pour vous, quel programme est le plus important avec Radio-Canada ou la CBC?

Mme Kenny : Vous parlez d'émissions de télévision?

Le sénateur Poirier : Quel projet ou quel programme offert est le plus important pour vous?

Mme Kenny : Chaque consommateur, chaque auditeur a ses préférences. Je suis une grande consommatrice d'actualités. Pour moi, c'est tout ce qui est Radio-Canada, RDI.

En fait, je suis probablement la Canadienne qui écoute le poste CPAC le plus souvent. Je ne peux prétendre répondre au nom de toutes nos communautés, mais pour moi, ce sont les actualités. Mais je ne suis pas une personne à une seule dimension. Je veux aussi des émissions culturelles. On en a, dans nos régions, des émissions d'affaires publiques.

Le Fonds d'amélioration de la programmation locale contribue énormément au fait qu'on a une émission comme Oniva qui est produite chez moi, en Saskatchewan. On a d'autres émissions qui sont produites un peu partout au pays.

Vous avez parlé des distances tout à l'heure. Vous savez, à Sherbrooke, on peut nous dire qu'ils réussissent à faire six heures de programmation locale. Pour la même somme, si on veut, on peut peut-être en faire juste 20 minutes chez nous. Mais pour un journaliste, partir de Saskatoon, qui est le bureau le plus proche, pour aller à Prince-Albert, c'est deux heures et demie de route. Pour le même topo de deux minutes, une équipe va devoir se taper cinq heures de route, revenir pour faire son montage, et on va avoir deux minutes. À Sherbrooke, vous avez un peu moins loin à vous déplacer.

Il y a tout ce côté dont il faut tenir compte, les coûts que doit absorber Radio-Canada dans la production des nouvelles et des émissions qui sont locales.

Le sénateur Poirier : Est-ce qu'il y a des progrès qui ont été faits au cours des dernières années?

Mme Kenny : Oui. Au niveau local, certainement. Je vous mentirais si je vous disais qu'il n'y en a pas eu au niveau fédéral. Mais c'est à force de gueuler qu'on progresse. Quand on est arrivé à la campagne électorale et que toutes les questions provenaient du Québec, et en plus on nous a posé une question sur le pont Champlain, on a crié haut et fort. C'est à force de crier qu'on se rend compte que peut-être une des meilleures avenues est de passer par les artistes et les artisans. Et on a vu un peu cette sensibilité qui se développe chez ces artistes. On est convaincu que si on pouvait donner une séance d'orientation aux artistes et aux artisans de la télé, et qu'on pouvait les rencontrer et les sensibiliser à cela, cela changerait encore énormément.

Le sénateur Comeau : Vous n'étiez pas contente des questions de Mme Tremblay?

Mme Kenny : Je ne me souviens pas si c'était Mme Tremblay.

Mais vous conviendrez comme moi que ce dont on entend majoritairement parler ces jours-ci, à la télévision de Radio-Canada, ce sont des manifestations étudiantes. Entre vous et moi, la famille Marchildon chez moi, à Zénon Parc, oui, ils veulent en savoir plus sur la manifestation étudiante, mais ils ne veulent pas que leur bulletin de nouvelles soit uniquement consacré aux manifestations étudiantes, ni au pont Champlain ou au pont Jacques-Cartier.

Le sénateur Tardif : J'aimerais revenir sur l'importance du Fonds d'amélioration de la programmation locale. De combien d'argent s'agit-il? Et comment est-ce réparti à travers le pays?

Mme Kenny : Pour Radio-Canada, on parle d'un investissement de 40 millions de dollars. Ce que le CRTC étudie actuellement, c'est un fond qui avait été créé au moment où il y a eu une crise, où l'ensemble des diffuseurs, pas seulement Radio-Canada, commençaient à fermer des stations régionales à cause des coupures. On avait créé ce fonds, qui accorde un montant aux câblodistributeurs, pour continuer à conserver cette empreinte régionale.

Le sénateur De Bané : C'est une initiative du CRTC.

Mme Kenny : C'était le CRTC. Au départ, le programme devait être pour quelques années, on avait parlé de trois ans. On est aujourd'hui en train de revoir, premièrement, si on devrait renouveler ce programme, est-il encore nécessaire et pertinent aujourd'hui?

La deuxième question qui se pose et à laquelle plusieurs câblodistributeurs s'opposent, c'est la capacité de Radio- Canada de percevoir des fonds. Puisque Radio-Canada est une société d'État publique, percevoir des fonds dans ce fonds signifierait de faire payer les contribuables deux fois. Sauf que moi, Radio-Canada, contrairement aux autres diffuseurs publics, me donne des nouvelles locales.

Le sénateur De Bané : Effectivement, ce programme a aidé la Société Radio-Canada pour leur poste à Trois- Rivières, leur poste à Sherbrooke. C'est ce programme qui a aidé.

Mme Kenny : Et le poste à Regina également, et à Edmonton et un peu partout. Cela nous a aidés énormément et on parle d'une somme importante. Donc je ne suis pas certaine que sans cette somme de 40 millions, Radio-Canada pourra continuer à maintenir la même présence régionale.

Le sénateur Tardif : C'est ce que je voulais faire ressortir.

M. Quinty : J'aimerais ajouter quelque chose de très factuel. Le Fonds d'amélioration de la programmation locale, en ce moment, perçoit 1,5 p. 100 des revenus d'opération des entreprises de câblodistribution et de satellites. Et pour cette raison, la plupart des entreprises sont opposées à leur renouvellement parce que naturellement, elles ne veulent pas payer pour ce service.

Le sénateur Tardif : Est-ce que cela couvre la production et la diffusion? Est-ce que l'argent est disponible pour la production aussi ou c'est uniquement pour la diffusion? Quels sont les critères?

Mme Kenny : C'est pour la programmation locale, je pense que cela couvre les deux. C'est sûr qu'il y a un investissement. Demain matin, si on éliminait le FAPL, Radio-Canada maintiendrait ses obligations en région, on s'entend. Mais moi, j'ai un bulletin de nouvelles d'une heure par soir et j'ai des bulletins de la fin de semaine, ce que je n'avais pas avant. Je ne suis pas certaine que je pourrais conserver cela. Ce sera très difficile pour nous. Alors qu'on avait cette petite avancée, il serait très difficile de reculer.

Le sénateur Tardif : Je remarque aussi qu'à cause des compressions budgétaires, Radio-Canada aura à réduire le nombre d'émissions portant sur des événements et des initiatives culturelles et des grands événements. J'imagine que cela pourrait avoir un impact aussi?

Mme Kenny : Très certainement parce que même si c'est réseau, du ballet, c'est du ballet, un opéra est un opéra. Mais en même temps, nous, ce qu'on comprend, c'est que cela n'aura pas un impact sur ce qui est régional mais que l'impact va se faire davantage sentir sur le réseau.

Le sénateur Tardif : Merci.

La présidente : Madame Kenny, monsieur Quinty, au nom des membres du comité, je vous remercie sincèrement. C'est toujours un plaisir de vous recevoir comme témoins. Je vous remercie pour la présentation et vos réponses à nos nombreuses questions. Merci beaucoup et bonne chance.

Mme Kenny : Merci à vous.

(La séance est levée.)


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