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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 30 - Témoignages du 6 février 2013


OTTAWA, le mercredi 6 février 2013

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi C-316, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi (incarcération), se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, comme il s'agit de notre première réunion officielle après la reprise des travaux de la session, j'aimerais souhaiter à tous, y compris au personnel dévoué qui nous prête main-forte, une bonne année et une bonne rentrée.

[Français]

Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie; je suis un sénateur de la Nouvelle-Écosse et je préside le comité. Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais inviter mes collègues à se présenter, en commençant à ma gauche.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto et vice-président du comité.

La sénatrice Merchant : Je m'appelle Pana Merchant, de la Saskatchewan.

La sénatrice Dyck : Lillian Dyck, également de la Saskatchewan.

Le sénateur Enverga : Je m'appelle Tobias Enverga, sénateur de l'Ontario.

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, Ontario.

La sénatrice Martin : Yonah Martin, de la Colombie-Britannique, et je souhaite la bienvenue à notre témoin qui vient, lui aussi, de ma province.

La sénatrice Seidman : Je m'appelle Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

La sénatrice Cordy : Je m'appelle Jane Cordy, sénatrice de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Faisons d'abord une brève mise en contexte. Bon, nous savons tous la raison pour laquelle nous nous retrouvons ici, mais aux fins du compte rendu, nous sommes ici aujourd'hui pour étudier le projet de loi C-316, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi (incarcération). Notre témoin officiel aujourd'hui est Richard Harris, député de Cariboo-Prince George et parrain du projet de loi. Nous accueillons également, de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, Mireille Laroche, directrice générale, Politiques de l'assurance-emploi. Bienvenue à vous deux.

Nous allons commencer par inviter M. Harris à faire une déclaration préliminaire, après quoi les sénateurs poseront leurs questions.

Richard Harris, député, Cariboo—Prince George, parrain du projet de loi : Merci, monsieur le président, de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Il s'agit de ma première comparution devant un comité sénatorial, et ça fait 20 ans que je suis au Parlement. Je suis heureux d'être ici pour parler en faveur de mon projet de loi d'initiative parlementaire, et je suis convaincu que vous l'adopterez tous rapidement en vue d'en faire une loi.

Pour commencer, j'aimerais vous raconter une petite histoire. Il s'agit d'un fait vécu. Dans ma circonscription, il y a un peu plus d'un an, j'ai reçu un appel d'un jeune homme qui avait besoin de mon aide. Après notre entretien, j'ai appris qu'il m'avait raconté l'histoire de sa famille. C'était un ouvrier spécialisé, qui avait un bon emploi, et son épouse occupait un poste de niveau intermédiaire dans l'industrie des soins de la santé. Ils avaient deux enfants. Puis, un jour, son épouse s'est dit qu'elle pourrait suivre des cours d'appoint afin d'approfondir ses connaissances dans l'industrie des soins de santé, garantissant ainsi encore plus qu'elle aurait un emploi pendant un certain temps.

Et c'est ce qu'elle a fait. Prenant volontairement une année de congé, elle est retournée sur les bancs d'école à ses frais, elle a terminé ses cours et elle est revenue avec en main un diplôme qui était quelque peu supérieur à ce qu'elle détenait à son entrée. Le couple envisageait avec bonheur un avenir très sûr grâce à un revenu familial qui, selon toute vraisemblance, ne serait pas perturbé par les mises à pied ou la pénurie de travail.

Elle a commencé son nouvel emploi. Trois mois plus tard, elle s'est sentie mal. Elle a consulté un médecin qui lui a appris qu'elle avait un cancer. Le médecin lui a conseillé de commencer le plus rapidement possible les traitements, parce que son cancer était agressif. Cependant, il y avait de l'espoir.

Elle a dû quitter son emploi. Étant donné que le couple avait deux enfants, il a été convenu que le mari s'absenterait autant que possible de son travail pour s'occuper des enfants et d'elle pendant qu'elle subissait ses traitements à la maison et se charger des autres responsabilités familiales.

Elle a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi qui lui a été refusée, parce qu'elle n'avait pas travaillé suffisamment pendant la période de référence. On m'a alors fait parvenir le dossier pour leur venir en aide. Le couple s'est présenté devant le comité d'appel de l'assurance-emploi. Les membres du comité ont avoué que la personne devrait absolument pouvoir bénéficier des prestations d'assurance-emploi qui sont disponibles pour la très grande majorité des travailleurs, mais étant donné qu'elle ne remplissait pas les conditions, ils ne pouvaient pas lui accorder de prestations. La demande n'a pas été acceptée.

Le dossier a été porté à mon attention, et j'ai examiné les conditions d'admissibilité et j'ai essayé de comprendre pourquoi sa demande avait été rejetée. J'ai bien entendu vu ce qu'on m'avait déjà dit, à savoir qu'elle n'avait pas travaillé suffisamment pendant la période de référence et qu'elle n'était donc pas admissible aux prestations d'assurance-emploi. Cependant, dans mes recherches sur la période de référence, j'ai été très surpris d'apprendre que si elle avait été en prison durant un an et qu'elle avait été libérée, elle aurait été admissible à une prolongation de la période de référence de 52 semaines; ce serait comme si elle n'avait pas quitté son travail. Je me suis dit que c'était injuste. Pourquoi un détenu serait-il mieux traité qu'une personne qui, comme la dame que j'essayais d'aider, a choisi de quitter son emploi durant un an et qui est revenu au travail pendant quelques mois avant de perdre son emploi? Cette personne ne serait pas admissible aux prestations, mais dans le cas d'un individu qui va en prison, c'est comme s'il n'avait jamais quitté son emploi, ce qui est hautement injuste.

J'ai discuté avec bon nombre de gens qui étaient étonnés que le régime d'assurance-emploi accorde un tel privilège aux criminels condamnés. J'ai donc décidé d'essayer de leur retirer ce privilège par l'entremise de la voie législative. C'est l'objectif du projet de loi C-316.

Je ne souhaite pas modifier l'ensemble du régime; je veux seulement le rendre juste et faire en sorte que les criminels condamnés bénéficient du même traitement que les honnêtes travailleurs canadiens qui perdent leur emploi pour une raison indépendante de leur volonté ou qui prennent volontairement une période de congé. Je veux rendre le tout équitable. Qui peut justifier que des criminels condamnés soient mieux traités dans le régime que d'honnêtes travailleurs canadiens qui veulent pourvoir aux besoins de leur famille, mais qui perdent leur emploi? C'est ce dont il est question dans le projet de loi.

Je suis certainement prêt à défendre le projet de loi. C'est une très petite modification pour nous assurer que notre énorme régime d'assurance-emploi est équitable. Je n'essaye pas de changer le monde; je veux seulement que ce soit équitable, parce que les Canadiens méritent que nous posions des gestes en vue d'assurer l'équité.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Harris.

À titre informatif, je souligne que Mme Laroche est au comité pour répondre aux questions; elle ne fera pas d'exposé. M. Harris s'en est déjà chargé. Il devra quitter la séance à 17 h 30, parce que des votes auront lieu à la Chambre des communes.

J'invite maintenant mes collègues à poser leurs questions.

Le sénateur Eggleton : Je vais garder pour plus tard mes questions de nature technique pour Mme Laroche, si vous me le permettez. Étant donné que M. Harris est ici, je vais en profiter pour lui poser des questions.

Monsieur Harris, la disposition que vous souhaitez abroger de la Loi sur l'assurance-emploi a été adoptée par le gouvernement conservateur de Diefenbaker. La disposition avait été proposée par l'honorable Michael Starr, qui avait dit à l'époque :

D'ordinaire, une personne qui a passé jusqu'à deux ans dans un pénitencier perdrait le bénéfice de ses contributions d'assurance-chômage, ce qui imposerait une peine supplémentaire à celles qui lui sont imposées par le tribunal. Cette cause d'inadmissibilité est maintenant éliminée; cela aidera beaucoup à la réadaptation de ceux qui ont eu le malheur d'encourir une punition des tribunaux.

Croyez-vous que M. Starr avait tort de le faire?

M. Harris : Peu importe que ce soit un gouvernement progressiste-conservateur ou un gouvernement libéral qui a mis en oeuvre la mesure, c'est injuste d'accorder dans la Loi sur l'Assurance-emploi un privilège à un criminel condamné, comme c'est actuellement le cas. Je veux que la disposition soit abrogée. Sur les scènes provinciale, municipale et régionale, de nombreux organismes non gouvernementaux aident les gens qui sortent du système carcéral. Les services correctionnels ont également des programmes pour les aider à devenir de meilleures personnes et à tourner le dos à la criminalité.

Je ne suis pas convaincu que la possibilité de bénéficier de prestations d'assurance-emploi revêt autant d'importance pour eux. On pourrait penser que cela les inciterait à ne pas se chercher un travail à leur sortie de prison, parce qu'ils recevront des prestations pendant 52 semaines. Il y a des arguments d'un côté comme de l'autre.

Le sénateur Eggleton : C'est évidemment le maximum. Cela pourrait être moins. Il est question de gens qui ont purgé des peines maximales de deux ans. Il ne s'agit donc pas de criminels endurcis qui ont commis des crimes graves. Bon nombre de ces gens sont en prison, parce qu'ils ont commis des crimes associés à la pauvreté. La majorité d'entre eux ne purgent que trois mois, par exemple, pour avoir commis un vol ou ne pas avoir payé une amende. Il y a de nombreuses femmes et de nombreux Autochtones.

Sans ce revenu, de nombreuses personnes se retrouveraient dans la rue. Les gens ont déjà suffisamment de difficulté à se trouver un travail à leur sortie de prison. Selon vous, si nous leur retirons leurs prestations, les risques qu'ils récidivent et sombrent de nouveau dans la criminalité augmenteront-ils? Cela risque de coûter plus cher aux contribuables, ce qui ne serait donc pas juste envers eux.

M. Harris : Sénateur Eggleton, je crois que les gens sont responsables des gestes qu'ils posent, et c'est d'une certaine manière une façon de récompenser une personne qui a commis un crime. Si les gens commettent un crime et purgent une peine d'emprisonnement, c'est une conséquence du crime qu'ils ont commis. Ils prennent le chemin de la prison ou purgent une autre peine.

Lorsqu'ils recouvrent leur liberté, s'ils ont purgé une peine d'un an ou moins, le régime d'assurance-emploi leur dit : « Eh bien, c'est comme si vous n'aviez jamais été en prison. Nous allons vous accorder un passe-droit, et vous pourrez commencer à recevoir des prestations d'assurance-emploi. » Dans le cas d'un criminel condamné qui recouvre sa liberté, c'est clairement perçu comme un privilège au détriment de ceux qui n'ont jamais été en prison et qui sont d'honnêtes citoyens. C'est un traitement préférentiel. Je ne peux tout simplement pas l'accepter, parce que ce n'est pas équitable.

Le sénateur Eggleton : Premièrement, il ne s'agit pas d'un programme gouvernemental financé à même les impôts des contribuables. L'assurance-emploi est un programme auquel les travailleurs et les employeurs contribuent. Lorsque M. Starr a présenté la disposition, il a indiqué que les détenus sont déjà punis. Cependant, les punir de nouveau et rendre encore plus difficile leur réinsertion sociale ne fera qu'accentuer les risques de récidive et le nombre de gens qui commettent des crimes et qui retournent en prison, mais cela punit également les membres de leur famille qui n'ont rien fait.

M. Harris : La réponse courte est qu'ils n'auraient peut-être pas dû commettre de crime. Ils ne purgeraient pas de peine d'emprisonnement. Cela concerne un tout autre sujet, à savoir d'essayer de rendre meilleure notre société, mais ce n'est pas l'objectif du projet de loi. Nous voulons corriger une injustice dans le régime et retirer un privilège en vertu de la loi qui fait en sorte que les criminels condamnés sont mieux traités que les honnêtes travailleurs canadiens.

Lorsque les détenus recouvrent leur liberté, je crois qu'il y a pour environ 400 millions de dollars en programmes tous ordres de gouvernement confondus. Nous avons la société Elizabeth Fry, la Société John Howard, et bien entendu divers programmes, et nous les soutenons, parce que nous savons que c'est nécessaire. Par contre, il y a des programmes qui viennent en aide aux gens lorsqu'ils recouvrent leur liberté. Selon moi, ces programmes sont adéquats, et les gens qui sortent de prison n'ont pas besoin de bénéficier d'un traitement préférentiel dans le régime d'assurance- emploi.

Le sénateur Eggleton : Vous parlez d'équité. Qu'en est-il de l'équité envers les futures victimes? Si ces gens retournent en prison — et les données nous indiquent que bon nombre de gens qui sortent du système carcéral finissent par y retourner, particulièrement s'ils n'arrivent pas à rejoindre les deux bouts ou qu'ils ont de la difficulté à se trouver un emploi —, cela signifie qu'il y a eu d'autres victimes. Ne sommes-nous donc pas injustes envers ces futures victimes?

M. Harris : Je crois que vous aurez de la difficulté à faire valoir que c'est ce qui explique pourquoi les gens commettent d'autres crimes, monsieur le sénateur. Vous sous-entendez que l'absence de prestations d'assurance-emploi ferait en sorte que les gens qui sortent de prison retomberaient automatiquement dans la criminalité, mais je ne crois pas que les prestations d'assurance-emploi aient vraiment une grande incidence sur les risques de récidive.

Le sénateur Eggleton : Qu'est-ce qui caractérise ces personnes? J'ai mentionné qu'il s'agit de gens qui ont commis de petits crimes, comme le vol d'une miche de pain ou le non-paiement d'une amende. Les statistiques que j'ai démontrent que la majorité d'entre eux ne purgent qu'une très courte peine, mais ils se trouvent dans des établissements provinciaux et non le système carcéral fédéral. Vous semblez les décrire comme des individus irrécupérables.

M. Harris : Premièrement, je suis certain que vous savez que les gens qui volent une miche de pain ou qui oublient de payer une amende ne vont pas en prison dans notre société. Il est rare de nos jours que des gens qui sont reconnus coupables d'agression et d'infractions non mineures aillent en prison. La détention à domicile et les condamnations avec sursis semblent être la norme. Je ne pense pas que votre argument tienne vraiment la route.

Le sénateur Eggleton : Vous pourriez être surpris.

Le sénateur Munson : Bienvenue, monsieur Harris. Nous avons déjà collaboré; vous m'aviez invité à prendre la parole à l'occasion des Jeux olympiques spéciaux il y a des années. C'était il y a bien longtemps.

M. Harris : C'est vrai. Merci d'être venu.

Le sénateur Munson : C'était formidable.

Je crois que nous ne partageons pas exactement le même point de vue sur la question. Vous avez utilisé les mots « pour être équitable », et vous nous avez raconté la tragique histoire d'une jeune femme atteinte d'un cancer. En toute honnêteté, pourquoi n'est-ce pas le contraire? Pourquoi ne pas modifier la loi de manière à ce qu'elle et les gens dans une telle situation au pays puissent obtenir des prestations d'assurance-emploi? De ce point de vue, je crois que ce serait équitable.

M. Harris : Premièrement, ce n'est pas possible de le faire avec un projet de loi d'initiative parlementaire. Une telle modification exigerait que le gouvernement dépense l'argent des contribuables; je ne peux donc pas prendre une telle initiative. C'est le gouvernement qui doit la prendre.

Deuxièmement, l'objectif du projet de loi n'est pas de corriger la partie du régime qui est plutôt équitable dans l'ensemble. Il s'agit de rectifier un petit élément du régime qui est totalement injuste. Voilà la différence.

Le sénateur Munson : Cependant, selon vous, si nous pouvions modifier le régime d'une autre manière par l'entremise d'un autre projet de loi qui pourrait atténuer le stress et la douleur et permettre à sa famille de vivre adéquatement, est-ce que ce serait équitable envers la dame en question?

M. Harris : Nous avons un régime d'assurance-emploi au pays qui ne sera jamais parfait, mais je crois que la majorité des pays aimeraient avoir un régime comme le nôtre. C'est vrai qu'il y a des imperfections dans l'appareil gouvernemental que nous aimerions corriger, et nous le ferons peut-être, mais le projet de loi a un tout autre objectif, à savoir de remédier à une injustice bien distincte dans notre régime. Cette injustice est que notre régime accorde un privilège aux criminels condamnés qui sortent d'un pénitencier ou d'un établissement qui n'est pas accordé aux travailleurs canadiens.

Le sénateur Munson : Certains réagissent à votre projet de loi et citent des statistiques; par exemple, Centraide Canada prétend que les modifications proposées dans votre projet de loi auraient des effets négatifs sur les populations les plus vulnérables, les gens qui sont déjà pauvres. Centraide, du moins à Calgary, affirme que les mesures de soutien du revenu comme les prestations d'assurance-emploi sont essentielles en vue d'assurer une réinsertion sociale réussie des anciens détenus dans leurs collectivités et de réduire les taux de récidive.

Avez-vous discuté avec des organismes qui s'occupent des gens qui ont purgé une peine de deux ans ou moins et qui aboutissent dans la rue? Il semble que ce soit ce qui arrivera. Les gens se retrouveront dans la rue; ils n'auront que très peu de soutien et devront peut-être commettre un crime pour essayer, à leur façon, de survivre.

M. Harris : Comme je l'ai mentionné plus tôt, des organismes sont là pour aider les anciens détenus qui ont recouvré leur liberté. Ils offrent un toit, de la nourriture, des vêtements et de l'aide pour trouver un emploi et reprendre le droit chemin. Il y en a à tous les ordres de gouvernement dans notre société. Je crois qu'ils accomplissent un excellent travail, et j'appuie certainement en grande partie leurs activités. La société Elizabeth Fry et les autres organismes semblables sont très actifs dans ma circonscription de Cariboo-Prince George, et je les appuie. Je crois que si une personne qui recouvre sa liberté décide de reprendre le droit chemin et de ne pas retomber dans la criminalité, c'est à ce moment que la décision est prise. Ce n'est pas, parce qu'ils se rendent compte en recouvrant leur liberté qu'ils ne sont pas admissibles à des prestations d'assurance-emploi pendant 52 semaines qu'ils retombent dans la criminalité. Si les gens y réfléchissent à deux fois, il est plus probable que cela les pousse à chercher de l'aide et des conseils auprès d'un organisme en vue de reprendre leur vie en main, s'ils veulent sincèrement le faire.

Le sénateur Munson : Lorsque vous avez décidé de proposer ce projet de loi, sur quels rapports et études vous êtes- vous fondé, à part la tragique histoire que vous nous avez racontée, pour militer en faveur du retrait des prestations d'assurance-emploi à quiconque est incarcéré pendant moins de deux ans?

M. Harris : Je me suis tourné vers le public. J'ai posé énormément de questions, beaucoup parlé de mon projet de loi et reçu un appui extraordinaire de la part du public. Premièrement, les gens ont été surpris et choqués de savoir que pareille disposition existait, et ils se sont ensuite dits très favorables à ce que la loi soit modifiée pour corriger cette injustice.

Je sais qu'il y a des organismes et des gens qui s'opposeront à ce projet de loi. Il est rare que les projets de loi fassent l'unanimité, et je m'y attendais. Par contre, cela ne m'a pas empêché de travailler à le faire adopter à la Chambre et maintenant au Sénat, et je vais poursuivre sur ma lancée.

La sénatrice Dyck : Il a posé ma première question. Dans mon esprit, vous comparez des pommes avec des oranges, et si je pouvais, j'aimerais que la loi contienne des dispositions pour faire en sorte que la période de référence de la cancéreuse puisse être prolongée pour qu'elle soit en mesure de bénéficier de prestations d'assurance-emploi une fois qu'elle sera rétablie et pourra retourner au travail. Ce serait la façon de faire pour que le processus soit entièrement juste. Cependant, vous dites que cela ne peut pas être fait, car cela requerra de l'argent des contribuables et que, puisqu'il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire, vous ne pouvez pas le faire.

M. Harris : Je ne peux pas le faire avec un projet de loi d'initiative parlementaire, mais cela ne m'empêche pas de continuer à chercher des façons d'améliorer les systèmes gouvernementaux. C'est autre chose. Je ne m'intéresse qu'à cette disposition. Je suis certain que nos ministres donnent toujours de bonnes consignes à leurs ministères et qu'ils cherchent constamment des façons d'améliorer les choses avec l'aide de leur personnel ministériel. Peut-être que ma prochaine démarche devrait être de demander au ministre d'essayer d'améliorer la disposition, mais comme je l'ai dit, cela ne se rapporte pas à ce projet de loi.

Mireille Laroche, directrice générale, Politiques de l'assurance-emploi, Ressources humaines et Développement des compétences Canada : La Loi sur l'assurance-emploi contient déjà une disposition pour prolonger la période de référence d'une personne malade ou enceinte, alors ce point est déjà couvert.

La sénatrice Dyck : C'est déjà couvert, alors la dame qui avait le cancer...

Mme Laroche : Elle n'était pas malade lorsqu'elle ne travaillait pas. Elle était aux études.

M. Harris : Elle a arrêté de travailler de son plein gré pour retourner aux études.

La sénatrice Dyck : C'est compliqué en raison de la période de formation. Encore une fois, je ne crois pas que votre comparaison entre le détenu et la cancéreuse qui a pris une sabbatique pour retourner aux études soit juste.

M. Harris : Ce qui est injuste, c'est qu'une personne qui commet sciemment un crime et se retrouve en prison ait droit à un traitement de faveur à sa remise en liberté, alors qu'une autre qui n'a commis aucun crime et n'a pas été incarcérée ne soit pas admissible à des prestations d'assurance-emploi parce qu'elle a décidé de prendre congé. C'est ce qu'il y a d'injuste dans l'histoire.

La sénatrice Dyck : Dans l'une de vos réponses au sénateur Munson, vous avez dit que ces gens savent ce qu'ils font et qu'ils ont commis un crime. Vous avez parlé d'« agression », qui est un mot chargé, et dit que vous aviez parlé à vos électeurs et qu'ils avaient été surpris et choqués. Vous affirmez que c'est ce qui justifie le plus d'appuyer ce projet de loi.

Cependant, pour enchaîner, nous avons un tableau qui montre que 75 p. 100 des personnes qui se retrouvent en prison y restent au maximum trois mois, alors quels sont les crimes qui, selon vous, donnent lieu à une peine de trois mois ou moins?

M. Harris : Je ne suis ni procureur ni avocat, alors je ne peux répondre qu'en fonction de ce que j'ai observé en lisant les registres de la cour et en regardant les actualités. Les peines semblent beaucoup plus clémentes qu'elles l'ont déjà été. Lorsque le sénateur Eggleton a parlé d'une personne qui se retrouvait en prison pour avoir volé une miche de pain ou ne pas avoir payé une amende, je lui ai répondu qu'il faudrait franchement retourner très loin en arrière pour trouver quelqu'un qui a été emprisonné pour un si petit larcin. Je parle de crimes suffisamment importants pour mériter des peines encore plus longues, mais les tribunaux ont tendance à imposer les peines minimales.

La sénatrice Dyck : Malheureusement, comme vous n'avez pas fait d'étude, vous n'avez pas les preuves nécessaires et nous ne connaissons pas la réponse.

M. Harris : Je connais la question. C'est la suivante : est-ce qu'un criminel reconnu devrait avoir droit à un traitement de faveur à sa sortie de prison sous le régime de l'AE alors qu'une personne respectueuse des lois qui ne travaille pas depuis un an pour des raisons hors de son contrôle ou parce qu'elle a fait du bénévolat n'y a pas droit? C'est l'essence même de ce projet de loi.

La sénatrice Dyck : Je ne dis pas le contraire.

La sénatrice Cordy : Je pense que l'un des points que nous devons clarifier est que le programme d'assurance-emploi n'est pas une aumône du gouvernement. C'est un programme d'assurance dans le cadre duquel les gens paient des cotisations pour recevoir des prestations lorsqu'ils en ont besoin. Nous devons aussi préciser, à la lumière des questions de la sénatrice Dyck, que toute personne incarcérée dans un pénitencier fédéral le sera pour plus de deux ans, alors, c'est automatique : elle ne recevra pas de prestation, car elle y sera pendant plus de 104 semaines. Nous parlons de crimes mineurs, mais tout de même de crimes.

Pourriez-vous me dire, lorsque vous avez fait la recherche pour rédiger votre projet de loi, combien de personnes ont demandé à prolonger la période de référence de 52 à 104 semaines au cours de la dernière année? Au cours des 12 derniers mois, combien de personnes ont fait cela?

M. Harris : Le coût n'est pas aussi élevé que l'on pourrait penser. Je pense qu'il se situe entre 3 et 5 millions de dollars par année qui pourraient être payés à même le système actuel. Qu'il s'agisse de 10, de 20 ou de 50 millions de dollars, cela ne rend pas le système plus juste pour autant.

À mon sens, le montant payé au titre de ces dispositions n'est pas la question; je reviens toujours à la question de l'équité. Est-ce juste d'accorder un traitement de faveur à un criminel reconnu plutôt qu'à un citoyen respectueux des lois?

La sénatrice Cordy : Ma question était : combien de personnes ont demandé que leur période de référence soit prolongée de 52 à 104 semaines au cours de la dernière année?

M. Harris : Nous avons ce chiffre.

Mme Laroche : Une enquête a été réalisée entre septembre 2006 et 2007. Nous avons estimé que, pendant cette période, 1 500 demandeurs avaient bénéficié d'une prolongation de la période de référence, d'une prolongation de prestations ou des deux. La période de référence est celle pendant laquelle vous accumulez vos heures tandis que la période de prestations est celle pendant laquelle vous touchez vos prestations.

La sénatrice Cordy : Il s'agissait de 1 500 personnes incarcérées?

Mme Laroche : Oui, mais on a par ailleurs estimé que le fait qu'elles aient bénéficié d'une prolongation ne signifie pas que cela influe sur les prestations auxquelles elles ont droit. Cela ne signifie pas que cela influerait sur leur capacité de toucher des prestations d'AE. Si l'on devait abroger complètement la disposition, que la personne ait été trouvée coupable ou non, on a estimé que de ces 1 500 personnes, 700 auraient été touchées. Cela dit, seulement 10 p. 100 d'entre elles, ou 70, auraient été durement touchées puisqu'elles n'auraient plus été capables de présenter de demande. Cela signifie que 70 personnes pourraient ne plus avoir droit à une prolongation de leur période de référence. Elles n'auraient pas accumulé suffisamment d'heures pour y être admissibles, alors elles ne le seraient pas.

Les 630 autres pourraient toujours être admissibles à des prestations, mais cela pourrait jouer sur le nombre de semaines pendant lesquelles elles auraient droit d'en toucher.

La sénatrice Cordy : Il se peut aussi que certaines personnes aient commencé à recevoir des prestations avant d'être incarcérées et qu'il ne leur reste plus 52 semaines.

Mme Laroche : Oui. Si elles recevaient des prestations avant d'être incarcérées, cela voudrait dire que leur période de référence aurait déjà été fixée, si bien que leurs heures auraient compté au préalable.

Lorsqu'une personne est incarcérée, elle ne peut toucher aucune prestation. À sa sortie de prison, dans votre exemple en particulier, si elle cherche du travail, elle pourrait recevoir les prestations pendant les semaines qui restent à sa période de référence.

Avant ce projet de loi, elle aurait eu droit à une prolongation potentielle pour chaque semaine qu'elle passait en prison. Dans le cas du présent projet de loi, si elle était trouvée coupable du crime qu'elle a commis, elle ne serait donc plus en mesure de bénéficier de cette prolongation, mais cela ne signifie pas qu'elle ne pourrait pas toucher de prestations pendant un certain nombre de semaines. Tout dépend de la place qu'il y a dans leur période de référence et du nombre de semaines qu'il lui reste.

La sénatrice Cordy : J'aimerais revenir à la question du sénateur Munson. J'étais, moi aussi, curieuse de savoir pourquoi vous n'aviez pas fait pression sur le gouvernement pour demander que les personnes malades aient plus facilement accès à l'AE, car nombre de gens se voient refuser l'AE pour de bien des raisons. Je pense que d'aucuns diraient que c'est en quelque sorte punitif.

J'aimerais revenir à la question de la sénatrice Dyck. Il y a un certain nombre de personnes qui reçoivent des peines de prison de trois ou six mois pour ce qui seraient des crimes mineurs. Quels types de crimes devriez-vous commettre pour vous retrouver trois mois en prison? Vous avez dû vous pencher sur les types de crimes que les gens auraient commis pour être incarcérés dans une prison provinciale.

M. Harris : Il pourrait s'agir de vols jusqu'à un certain montant. Il pourrait s'agir de conduite avec facultés affaiblies causant des blessures corporelles, de voies de fait simples ou de dommages à la propriété privée ou publique.

J'ai vu des rapports de tribunaux dans lesquels des personnes qui avaient commis ce que je qualifierais de crimes plus graves n'ont quand même écopé que de trois ou quatre mois de prison.

La sénatrice Cordy : J'ai vu des personnes en Nouvelle-Écosse qui n'ont pas pu payer leur amende parce qu'elles sont pauvres et qui ont été mises en prison. On les priverait donc de leurs prestations d'AE à leur sortie.

M. Harris : Je pense honnêtement, madame la sénatrice, que nous aurions à chercher bien longtemps dans la société d'aujourd'hui pour trouver des personnes qui ont été envoyées en prison pour ne pas avoir pu payer une amende. Cela ne se produit presque jamais.

La sénatrice Cordy : Cela se produit, malheureusement.

Pour en revenir au commentaire que j'ai formulé tout à l'heure selon lequel il ne s'agit pas d'une aumône gouvernementale, mais bien d'un programme d'assurance, comment pouvons-nous dire qu'une personne qui a payé des cotisations ouvrant droit à des prestations bénéficie d'un traitement de faveur alors qu'elle a payé ses cotisations de sa poche, tout comme son employeur? Comment pouvez parler de traitement de faveur lorsque la personne a payé des cotisations?

M. Harris : Le programme d'AE a des exigences d'admissibilité très distinctes. Si vous y répondez, vous êtes bien sûr admissible à recevoir des prestations d'AE si vous deviez perdre votre travail pour quelque raison que ce soit, et c'est bien.

Une des parties des exigences d'admissibilité à l'AE prévoit des exceptions : lorsque votre période de référence est interrompue en raison d'une maladie, d'une blessure, d'une quarantaine ou d'une grossesse; lorsque vous recevez des prestations au titre d'une disposition provinciale; lorsque vous recevez une aide financière pour perfectionnement professionnel; et, étonnamment, lorsque vous êtes en prison. Je suis d'accord avec trois de ces quatre exceptions, mais certainement pas avec celle qui prévoit que vous pouvez toucher des prestations malgré le fait que vous alliez en prison.

La sénatrice Cordy : Si une personne est en prison en attente de son procès et qu'elle est jugée non coupable, je sais que cela ne s'applique pas, mais recevrait-elle ses prestations rétroactivement pour la période qu'elle était incarcérée alors qu'elle n'aurait pas dû l'être?

M. Harris : Je crois que c'est le cas.

Mme Laroche : Si une personne est accusée, mais déclarée non coupable, elle devrait en aviser Service Canada, qui veillerait à ce qu'elle obtienne la prolongation. Si un paiement devait être fait rétroactivement, il le serait.

M. Harris : Cela ne s'applique qu'aux personnes qui sont déclarées coupables et incarcérées.

La sénatrice Seidman : Ma question, monsieur Harris, va dans le même sens que celle de la sénatrice Cordy. J'aimerais connaître l'historique du projet de loi parce que, si je comprends bien, celui que nous avons reçu au Sénat a été modifié. Il y a eu deux amendements à la Chambre des communes. Pourriez-vous nous en parler? Je vous en saurais gré.

M. Harris : Un des amendements a servi à déterminer un point dont nous venons tout juste de parler : vous deviez absolument avoir été déclaré coupable avant que cette disposition ne soit retranchée du projet de loi.

L'autre était un petit amendement portant sur la date d'entrée en vigueur de la loi, qui serait un dimanche. Je suis certain que Mme Laroche avait une raison vraiment béton de vouloir qu'elle entre en vigueur un dimanche, et je n'y voyais aucun d'inconvénient.

La sénatrice Seidman : Cependant, l'argument que vous soulevez est important. Par souci d'équité, en fait, l'amendement voulait que toute personne trouvée non coupable du crime dont elle était accusée ne perde rien du tout. Cette version a été amendée à la Chambre des communes et c'est celle-là que nous avons reçue au Sénat.

M. Harris : C'est juste.

La sénatrice Seidman : Merci.

Le sénateur Enverga : Je suis l'équité même. Je conviens que nous devrions être justes et ne pas verser d'AE à des criminels reconnus.

Si nous devions améliorer ce projet de loi ou le rendre plus juste, étant donné que les cotisations d'AE sont payées par l'assurance, j'ai songé que quelqu'un pourrait peut-être en bénéficier. Une ONG ou le gouvernement ne pourrait-il pas les récupérer et les remettre plutôt aux victimes? Avez-vous songé à une option comme celle-là?

M. Harris : Ce serait une tout autre histoire de trouver un moyen de faire en sorte que cela se produise. Je sais que la plupart des organismes de soutien qui sont là pour aider les gens qui sortent de prison sont de compétence provinciale. Je sais que les provinces leur versent du financement. Nous versons du financement à certains d'entre eux à l'échelon fédéral. C'est une idée.

Le sénateur Enverga : Peut-être que l'idée de verser les cotisations déjà payées aux victimes fera l'objet de votre prochain projet de loi.

M. Harris : Je suis certain qu'il y a de très bons spécialistes des politiques à RHDDC qui cherchent constamment des façons de rationaliser le système et de le rendre plus équitable.

Le sénateur Enverga : C'est bien.

La sénatrice Merchant : Monsieur Harris, je crois comprendre que c'est la notion d'équité qui vous guide. Comme il a été dit, je ne pense pas que vous n'auriez eu qu'une seule façon de rendre ce processus plus équitable, parce que même si l'histoire que vous nous avez racontée au sujet de la dame qui avait le cancer est émouvante — et je pense qu'elle devrait pouvoir trouver une solution à son problème —, je ne crois pas que nous pouvions rendre les choses plus justes pour d'aucuns en punissant d'autres personnes qui ont déjà été punies et qui ont purgé leur peine. Quand ces personnes sortent de prison, je pense malheureusement qu'elles auraient beaucoup de mal à trouver du travail. Vous pouvez dire qu'elles se retrouvent dans cette situation par leur faute, mais elles ont payé. Nous avons décidé que la façon de punir ces personnes était de les envoyer en prison pendant un certain temps. Avant de commettre un crime et d'aller en prison, elles ont payé des cotisations dans un programme d'assurance dont elles croyaient qu'il fonctionnait d'une certaine façon, et vous leur dites soudainement : « Nous avons changé les règles, et vous ne recevrez pas l'assurance que vous avez payée; vous l'avez achetée, mais vous n'en tirerez aucun avantage. »

Donnerez-vous un peu de latitude à ces personnes? Sinon, comment vous y prendrez-vous? Je sais que cette mesure entrera en vigueur un dimanche, mais est-ce le dimanche après leur sortie de prison? De quoi s'agissait-il, au juste?

M. Harris : Revenons à la première partie de votre question. Chaque système que nous avons au gouvernement a été, au fond, créé pour les personnes qui respectent les lois et qui veulent faire de leurs collectivités, de leurs provinces et de leur pays de meilleurs endroits où vivre, et qui veulent prendre les meilleures décisions pour eux-mêmes. Certaines personnes réussissent mieux que d'autres.

Je ne crois pas que les lois visant à offrir des programmes à nos citoyens ont été pensées, conçues ou créées de façon à tenir compte des personnes qui violent les lois. Cela vous place dans un tout autre groupe social, en marge de ceux qui respectent les lois et qui tentent de subvenir à leurs propres besoins comme ils doivent le faire, avec l'aide du gouvernement.

Je ne suis pas certain que les gens qui finissent par être accusés d'un crime et qui sont condamnés se préoccupent beaucoup du fait qu'ils pourront bénéficier de prestations d'AE lorsqu'ils sortiront de prison. Je ne crois pas qu'ils y songent lorsqu'ils sont sur le point de commettre un acte criminel.

La sénatrice Merchant : C'est probablement juste, j'en conviens, mais nous avons des règles dans notre société. Je demande simplement si lorsque vous payez des cotisations d'AE, il est stipulé quelque part que si vous deviez commettre un crime maintenant, ces cotisations seraient annulées. Est-ce écrit quelque part à l'heure actuelle?

M. Harris : Non, le projet de loi ne stipule rien à cet effet pour le moment. Il renferme une disposition qui prévoit une exception pour ceux qui commettent un crime et qui sont incarcérés.

La sénatrice Merchant : L'exception prévoit-elle qu'ils ne toucheront jamais leurs prestations d'assurance-emploi?

M. Harris : Non, elle prévoit prolonger la période de référence pour avoir droit aux prestations. Elle ne s'applique pas aux honnêtes citoyens canadiens qui travaillent tous les jours. Je propose de retirer le traitement préférentiel du régime d'assurance-emploi pour que ceux qui commettent des crimes et qui sont incarcérés ne reçoivent pas le traitement de faveur auquel d'autres n'ont pas droit.

Mme Laroche : Je voulais apporter une précision concernant le projet de loi. L'article 4, intitulé « Disposition transitoire », prévoit que les nouvelles dispositions ne s'appliqueront qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi. Si une personne reçoit des prestations d'assurance-emploi et qu'elle était incarcérée avant l'entrée en vigueur de la loi, les dispositions ne commenceront à s'appliquer qu'après l'entrée en vigueur.

La sénatrice Merchant : Je viens d'une province où bon nombre des détenus sont des membres des Premières nations. De plus, un grand nombre de ces détenus sont des femmes. Nous savons que de nombreux détenus souffrent de maladie mentale. Si notre régime était juste, il devrait peut-être tenir compte du fait que les membres de notre société ne sont pas tous traités sur un pied d'égalité. Je sais que vous voulez faire en sorte que tous les citoyens soient traités équitablement, mais ce n'est pas le cas. Cette inégalité m'inquiète beaucoup.

Il m'est impossible d'appuyer votre projet de loi car je ne pense pas que vous disposiez de données statistiques probantes ou que vous ayez même pris la peine de discuter avec des gens dans la rue. Que répondez-vous aux personnes qui souffrent de maladie mentale ou aux femmes des Premières nations qui ont été terriblement maltraitées? De quelle façon le système a-t-il été juste envers ces femmes? Avez-vous pensé que certains détenus ont peut-être dû traverser des épreuves plus difficiles encore que la femme — pour qui j'ai beaucoup de chagrin — dans l'exemple que vous avez cité? Elle menait une vie stable et avait un foyer avec un époux et des enfants.

Il y a de nombreuses injustices dans la vie, et je ne crois pas que votre projet de loi rende les règles du jeu plus équitables pour tout le monde.

M. Harris : Je vous remercie de ces remarques. Je pense que l'on devrait entamer les travaux sur ces questions bien avant qu'une personne se mette dans une situation où elle risque d'être inculpée d'un crime. J'avoue que le Canada, à l'instar de tous les autres pays qui doivent s'occuper des personnes défavorisées pour diverses raisons, a encore beaucoup de travail à faire pour empêcher ces gens de se retrouver dans une situation où ils risquent de commettre des crimes et de finir en prison. Je pense que nous devrions concentrer nos efforts et notre financement là-dessus, avant que les gens se retrouvent en prison.

La sénatrice Martin : Merci de votre présence parmi nous aujourd'hui, de votre exposé très personnel, clair et réfléchi sur la source de cet enjeu, ainsi que des efforts que vous déployés en vue de donner suite à ce que vous avez découvert dans les démarches que vous faites pour aider vos électeurs.

Vous avez soulevé un point très important, que d'autres ont également mentionné, à savoir l'équité. Je m'aperçois que les communications seront un facteur très important pour assurer une transition réussie et mettre en œuvre les changements qui s'ensuivront. Vous avez également parlé de la société Elizabeth Fry et d'autres groupes qui jouent un rôle dans notre société. Le gouvernement a un rôle à jouer, au même titre que la société civile et les organismes sans but lucratif. Je connais très bien la société Elizabeth Fry, puisque mon époux a travaillé avec l'organisation dans le passé.

Je m'inquiète au sujet des renseignements communiqués aux personnes touchées qui ne seraient plus admissibles si le projet de loi entrait en vigueur. Je m'interroge au sujet des communications et des conversations que vous avez pu avoir avec ces organismes et comment le tout devra se matérialiser. Nous avons tous un rôle à jouer.

M. Harris : Si jamais le projet de loi entre en vigueur, il faudra certainement annoncer le retrait du traitement préférentiel. Nous en avons parlé plus tôt durant la période des questions, et je suis d'avis que la préoccupation première de ceux qui se retrouvent devant les tribunaux et qui sont reconnus coupables d'un crime n'est certainement pas de savoir s'ils toucheront des prestations d'assurance-emploi à leur sortie de prison. Nous allons essayer de faire savoir à la population que la disposition relative aux prolongations supplémentaires n'existe plus et que nous ferons de notre mieux. Je suis loin d'être convaincu que les gens qui sont susceptibles d'aboutir en prison pour s'être livrés à des activités criminelles se soucieront beaucoup de ces considérations. S'ils étaient aussi lucides lorsqu'ils font des choix de vie, ils ne se retrouveraient probablement pas en prison.

La sénatrice Martin : Madame Laroche, pour ce qui est de faire connaître les changements proposés aux dispositions législatives, j'imagine que vous avez établi un système de communications clair. Suivrait-on le même processus?

Mme Laroche : On annonce les changements de diverses façons. Ce peut être publiquement par l'entremise du gouvernement, mais le ministère a également des sites web et fournit des renseignements aux prestataires par téléphone ou dans les centres de Service Canada.

En ce qui concerne ce changement particulier, du point de vue de la justice, on communiquerait ou collaborerait avec le ministère de la Justice pour s'assurer que cette information est transmise aux prestataires.

La sénatrice Martin : Je fais juste penser que les gens devront réfléchir à leurs prochaines démarches à la suite des changements auxquels ils peuvent être confrontés, mais encore là, ils ne sont peut-être pas dans cet état d'esprit. Je ne présumerai rien de tout cela, mais je veux répéter que la communication aux personnes touchées et, dans le système, à tous ceux qui graviteront autour d'elles, constitue un élément clé.

Le sénateur Eggleton : Je vais vous référer à quelques études qui ont été réalisées sur cette question. L'organisme Centraide de Calgary, par exemple, a fait une étude intitulée Crimes of Desperation. L'étude révèle que les femmes autochtones et les femmes atteintes de maladie mentale constituent le segment de la population carcérale qui croît le plus rapidement au Canada. Elle ajoute que la majorité des femmes qui sont incarcérées ou gardées en détention préventive le sont pour des crimes non violents et, souvent, pour des crimes liés à la pauvreté tels que le vol à l'étalage, l'utilisation des transports en commun sans payer ou la possession de drogue liée à la toxicomanie.

Le Conseil national du bien-être social, un organisme nommé par le gouvernement qui n'existe plus, a réalisé une étude en 2011 sur les sommes qui seraient nécessaires pour éradiquer la pauvreté. Il a conclu que 80 p. 100 des détenues canadiennes sont incarcérées pour avoir commis des crimes liés à la pauvreté et 39 p. 100, pour avoir omis de payer une amende.

Les études indiquent donc que les gens qui vivent dans la pauvreté finiront par aller en prison parce qu'ils ne peuvent pas payer une amende. Ce ne sont pas des criminels endurcis. Nous parlons comme si nous faisions une croix sur ces personnes parce qu'elles ont commis une erreur. Nous parlons comme si nous les abandonnions parce qu'elles ont fait une erreur. Elles ont commis un crime et ont reçu une peine de courte durée, et nous allons maintenant les laisser tomber. Nous n'allons pas leur donner suffisamment d'argent pour leur permettre de retomber sur leurs pieds, trouver un emploi et les aider à payer la nourriture pour leur famille et elles-mêmes. Nous allons plutôt leur rendre la vie plus difficile. Je ne vois pas comment la société est bien servie dans ces circonstances. Ce faisant, on contribue à ce qu'un plus grand nombre de personnes renouent avec la criminalité, ce qui constitue une menace pour la sécurité publique. Cela fera davantage de victimes. Je ne vois pas comment le fait d'écarter ces gens est le moindrement bénéfique pour la société.

M. Harris : Tout d'abord, sénateur, je suis certain qu'une personne ne purge pas une peine d'emprisonnement d'un an pour ne pas avoir remboursé une amende. La peine peut être d'une semaine ou deux, ce qui a une légère incidence sur sa...

Le sénateur Eggleton : Vous ne le savez pas; vous ne faites que des suppositions. Vous n'avez pas réalisé d'étude.

M. Harris : Sénateur, j'aimerais connaître les sources de cette étude.

Le sénateur Eggleton : Je les ai citées.

M. Harris : J'aimerais connaître en détail la façon dont ces données ont été recueillies. J'ai œuvré dans ce milieu pendant plusieurs années, et j'ai lu de nombreux articles et registres de la cour. Si une personne ne paie pas une amende de 100, 200, 300, voire 500 $, elle ne va pas en prison pour très longtemps, pas de nos jours en tout cas. Vous le savez vous-même.

La sénatrice Eaton : Pour revenir à ce dont les sénateurs Merchant et Eggleton parlaient — l'incarcération de nos citoyens démunis, toxicomanes et issus des quartiers défavorisés —, l'assurance-emploi est-elle la meilleure solution, ou devrions-nous accorder plus d'attention à nos établissements psychiatriques, à nos refuges, à nos centres de réadaptation et à la formation professionnelle? Je ne pense pas que nous puissions simplement tout mettre sur le compte de l'assurance- emploi. Qu'en pensez-vous, monsieur Harris?

M. Harris : Nous en avons parlé tout à l'heure, et je suis tout à fait convaincu, comme la majorité des gens sans doute, que nous devrions cibler nos efforts pour aider ceux dans le besoin avant qu'ils s'attirent des ennuis — en les aidant à obtenir une meilleure instruction, à comprendre comment ils peuvent mener une vie plus saine, à recevoir une formation spécialisée pour pouvoir trouver un emploi et à faire le nécessaire pour ne pas tomber dans la criminalité. Si nous voulons dépenser de l'argent en tant que gouvernement, c'est là où nous devrions le dépenser, car nous n'avons pas ainsi à assumer le fardeau de devoir soutenir les gens qui ont commis des crimes.

La sénatrice Eaton : L'argent ne suffit pas de toute manière.

M. Harris : Je ne suis pas d'accord pour dire que l'argent est le point tournant qui fera changer quelqu'un d'idée. Si une personne cherche de l'aide pour améliorer la vie de sa famille et la sienne, cette aide existe, et elle doit faire le choix de s'en prévaloir. Si une personne décide de commettre un crime et est incarcérée, recevoir des prestations d'assurance- emploi chaque semaine ou chaque mois à sa sortie de prison ne constitue pas un moyen très efficace pour la dissuader de récidiver, si l'on compare à lui offrir de l'aide avant qu'elle fasse le choix de commettre un crime. Voilà où nous devrions axer nos efforts.

La sénatrice Cordy : Nous convenons tous que nous devrions porter une plus grande attention aux personnes démunies et à celles atteintes de maladie mentale. Notre comité a préparé un rapport intitulé Les trois fronts de la lutte contre l'exclusion, étant donné que beaucoup de gens au Canada sont pauvres et marginalisés. Il y a plusieurs années, nous avons également rédigé un rapport intitulé De l'ombre à la lumière, qui portait sur la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie. Notre comité est déterminé à faire sortir de l'ombre les gens marginalisés. Cependant, comme le sénateur Eggleton l'a dit, un pourcentage élevé de femmes dans les prisons sont détenues parce qu'elles sont pauvres. Un très grand nombre de détenus souffrent de maladie mentale et reçoivent très peu d'aide en prison, sinon pas du tout. Ils purgent leur peine et, à leur sortie de prison, ils sont toujours atteints de maladie mentale. À mes yeux, ce projet de loi est très punitif.

Vous avez parlé tout à l'heure du traitement préférentiel. Il ne s'agit pas d'une aumône du gouvernement. Comme je l'ai dit plus tôt, c'est un régime d'assurance-emploi auquel les gens ont cotisé.

J'aurais aimé que vous ayez l'information sur les types de crimes pour lesquels les gens sont incarcérés pour une période de 30 jours, car il ne s'agirait pas de crimes graves. Ce serait pour des infractions de vol à l'étalage. Je crois que dans bien des cas, les crimes seraient liés à la toxicomanie, ce qui tomberait dans la catégorie des crimes associés à la maladie mentale. Je n'aime pas que nous punissions les gens pour ce genre de crimes. Nous avions autrefois un dicton : « Un crime entraîne un châtiment. » Ce que nous disons maintenant, c'est : « Un crime entraîne un châtiment mais, soit dit en passant, si vous avez cotisé à un régime d'assurance-emploi, vous ne pourrez pas recevoir vos prestations. » Nous punissons les gens deux fois plutôt qu'une.

Vous pourriez peut-être envoyer au comité de l'information sur les crimes assortis d'une peine de 30 jours et moins et sur les personnes qui seront punies et qui ne recevront pas leurs prestations dans le régime auquel ils ont cotisé.

M. Harris : Je dois revenir sur l'argument que la sénatrice Eaton essayait de faire valoir. En tant que gouvernement, il nous incombe de prendre des mesures qui garderont les gens en dehors du milieu carcéral et de faire en sorte d'améliorer leur situation afin qu'ils ne tombent pas dans la criminalité et ne soient pas tentés de commettre des actes criminels. Si nous voulons essayer de détourner les gens de la voie de la criminalité, nous devrions le faire avant qu'ils commettent leur premier crime.

Vous avez également parlé de l'assurance-emploi. Nous avons un programme d'assurance-emploi auquel les gens cotisent au même titre qu'ils le font pour une assurance-incendie, une assurance-automobile et d'autres assurances de ce genre. Lorsque vous souscrivez à une assurance, vous faites tout en votre pouvoir pour éviter qu'un incident survienne et que vous ayez à percevoir des prestations. Il faut considérer l'assurance-emploi de cette manière. Vous cotisez au régime au cas où vous perdriez votre emploi, et vous faites tout ce que vous pouvez pour ne pas le perdre, surtout en évitant de commettre un crime, après lequel vous ne pourriez plus travailler.

Dans le milieu de l'assurance, il y a de nombreuses similitudes entre l'assurance-emploi et d'autres assurances auxquelles vous cotisez. Il vous incombe non seulement de verser les cotisations, mais aussi de faire en sorte que vous n'ayez jamais à percevoir des prestations de cette assurance. Vous faites ce que vous pouvez en ce sens. Vous devriez notamment respecter l'emploi que vous avez et, si pour une raison ou pour une autre vous le perdiez, vous devriez travailler fort pour tenter d'en trouver un autre et perfectionner vos compétences. Ce n'est certainement pas en commettant un crime que vous assumez vos responsabilités.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Monsieur le président, j'invite les sénateurs d'en face à consulter les statistiques. Tout d'abord, monsieur Harris, bravo pour votre projet de loi. Je crois qu'il s'agit davantage d'un projet de loi de principes que d'un projet de loi basé sur de grandes études.

Selon les statistiques, au Québec il n'y a que 1,7 p. 100 de gens incarcérés qui ont commis des crimes contre l'État. Ce sont des gens qui n'ont pas payé leur impôt ou qui ont falsifié des factures de restaurant et qui n'ont pas payé leur infraction.

Il y a 51 p. 100 des gens incarcérés qui bénéficient de la sécurité du revenu tandis que 5 p. 100 sont sur l'assurance- emploi. Mais ce qui est le plus surprenant avec l'assurance-emploi, c'est que si demain vous quittez volontairement votre emploi, vous n'êtes pas admissible à l'assurance-emploi. N'est-ce pas, madame Laroche?

Mme Laroche : En général, oui.

Le sénateur Boisvenu : Vous commettez un crime, vous vous retirez de l'emploi volontairement et on vous récompense. Quel est votre point de vue à ce sujet, monsieur Harris?

[Traduction]

M. Harris : C'est là où l'injustice entre en jeu. Si on vous récompense pour avoir commis un crime en prolongeant votre période de référence ou votre période d'admissibilité, j'estime que c'est une lacune fondamentale du système — vous récompensez quelqu'un pour avoir commis un crime ici au Canada. Lorsque vous commettez un crime dans un pays comme le nôtre, il y a toujours des conséquences. Le prix à payer devrait notamment être de ne pas avoir droit à un traitement préférentiel par rapport à une personne qui n'a pas commis de crime. Ce n'est pas un projet de loi compliqué. À mon sens, il vise simplement à apporter un changement mineur pour redresser une grossière injustice.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je crois que vous avez raison. Lorsqu'on quitte volontairement son emploi, on n'est pas admissible à l'assurance-emploi. Et si on commet un crime, quelque part on se retire volontairement de son emploi et de la même façon, on ne devrait pas être considéré comme étant admissible à l'assurance-emploi.

À votre avis, monsieur Harris, lorsqu'on retire un privilège à un criminel, s'agit-il d'une punition ou d'un geste équitable envers les autres travailleurs?

[Traduction]

M. Harris : Le projet de loi est conçu pour faire en sorte que ceux qui commettent des crimes et qui sont incarcérés soient traités exactement de la même manière que ceux qui ne commettent pas de crime et travaillent fort, mais qui perdent leur emploi pour des raisons indépendantes de leur volonté. Nous voulons simplement que tout le monde soit traité de la même façon.

La sénatrice Dyck : Je veux poser une question au sujet des femmes autochtones. J'ai remarqué que vous représentez la circonscription de Cariboo—Prince George. Avez-vous fait des démarches pour connaître l'opinion des femmes autochtones dans votre région? L'Association des femmes autochtones du Canada a publié un rapport sur les moyens de mettre fin aux séquelles qui mènent des pensionnats indiens aux prisons. Autrement dit, les pensionnats indiens ont créé un cycle de violence et ces femmes, non pas parce qu'elles veulent être des criminels, se retrouvent derrière les barreaux. Avez-vous fait des démarches pour connaître leurs opinions?

M. Harris : Je ne pense pas qu'on puisse dire quoi que ce soit de positif à propos du système des pensionnats indiens. C'est indéniable. C'est un épisode de notre histoire dont nous aurions pu nous passer, mais c'est malheureusement arrivé. Nous en observons les conséquences de bien des façons différentes. Les pensionnats indiens ont affecté durement la vie de bien des gens. On cherche sans relâche des moyens de remédier aux répercussions qu'ont eues les pensionnats indiens sur ceux qui les ont fréquentés. On devrait concentrer nos efforts en vue d'éviter que les gens aillent en prison.

La sénatrice Dyck : Je voulais savoir si vous avez fait des démarches pour communiquer avec ces femmes puisque le projet de loi aura certainement des effets négatifs sur les femmes détenues autochtones. Leur avez-vous demandé leur avis?

M. Harris : Non, je ne l'ai pas fait.

La sénatrice Dyck : D'accord.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Harris, d'être venu. Nous savons que vous devez nous quitter pour aller voter à la Chambre des communes. Mme Laroche a accepté de rester pour répondre aux questions techniques. Elle ne commentera pas le projet de loi, mais elle répondra aux questions techniques que nous lui poserons concernant le projet de loi. Au nom du comité, je vous remercie infiniment d'être des nôtres aujourd'hui.

M. Harris : Merci.

Le sénateur Eggleton : Madame Laroche, les détenus doivent-ils remplir une demande écrite pendant qu'ils sont en prison? Comment savent-ils ce à quoi ils ont droit? Doivent-ils présenter eux-mêmes la demande? Pouvez-vous m'expliquer comment on fonctionne?

Mme Laroche : Un prestataire, n'importe quelle personne qui veut toucher des prestations d'assurance-emploi, doit en faire la demande. Les documents sont ordinairement envoyés par voie électronique. Environ 99,8 p. 100 des gens soumettent leur demande en ligne; ce serait donc la même chose pour les détenus. Ils pourraient faire une demande pendant leur période de détention. J'ignore si c'est fréquent, mais lorsqu'ils sortent de prison, ils peuvent faire leur demande en ligne ou sur papier.

Le sénateur Eggleton : Les autorités pénitentiaires expliquent-elles aux détenus comment ils doivent s'y prendre? Les informent-elles de la disposition de la loi telle qu'elle existe actuellement?

Mme Laroche : Je ne le sais pas.

Le sénateur Eggleton : Quel type de crimes ceux qui font une demande ont-ils commis? Vous devez avoir des statistiques à ce sujet à partir des demandes.

Mme Laroche : Aux fins de l'assurance-emploi, nous ne consignons pas les types de crimes pour lesquels les gens sont incarcérés. L'information qu'il nous faut, c'est s'ils sont en prison.

Le sénateur Eggleton : Je crois que vous avez dit tout à l'heure qu'il y en a environ 1 500 par année.

Mme Laroche : Nous avons effectué un sondage.

Le sénateur Eggleton : Il a été mené en 2006-2007, mais nous ne disposons pas de statistique pour d'autres années.

Mme Laroche : C'est exact.

Le sénateur Eggleton : Vous n'avez pas de statistiques pour d'autres années.

Mme Laroche : Non. Nous ne retraçons pas ces données régulièrement. Nous avons donc dû effectuer des recherches spéciales pour évaluer ces renseignements.

Le sénateur Eggleton : Les 1 500 personnes visées par cette disposition font-elles une demande pendant qu'elles sont en prison ou à leur sortie?

Mme Laroche : Je n'ai pas cette information.

La sénatrice Dyck : Je me demande si notre comité ou le comité de direction pourraient examiner la possibilité de demander à l'Association des femmes autochtones du Canada de comparaître. Selon une étude, les femmes autochtones sont surreprésentées dans le système carcéral. De plus, un nombre croissant d'entre elles sont plus démunies que le reste de la population. J'aimerais donc faire cette demande.

Le président : Nous prendrons la question en délibéré au comité de direction.

Les membres ont-ils d'autres questions techniques à poser à Mme Laroche? Si non, au nom du comité, je vous remercie de votre présence. Merci à vous aussi, chers collègues.

(La séance est levée.)


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