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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 18 - Témoignages du 5 juin 2013


OTTAWA, le mercredi 5 juin 2013

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi C-52, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada, (administration, transports aérien et ferroviaire et arbitrage) se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, pour en faire l'examen.

Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Mesdames et messieurs les sénateurs, bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Ce soir nous entamons notre étude du projet de loi C-52, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada (administration, transports aérien et ferroviaire et arbitrage).

[Français]

Nous avons le plaisir de recevoir ce soir l'honorable Denis Lebel, ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités. Il est accompagné de Mme Annette Gibbons, directrice générale, politiques sur le transport terrestre; de Mme Carolyn Crook, directrice, politiques ferroviaires; et de M. Alain Langlois, avocat-conseil, chef d'équipe, droit du transport modal, qui est un habitué de nos comités.

Monsieur le ministre, je crois comprendre que vous souhaitez faire un exposé, après quoi nous poserons des questions. Je dois vous dire que nous apprécions beaucoup votre présence, et je peux vous dire que la collaboration vient entre autres du fait que le sénateur Mercer, à ma demande et à celle du comité directeur, a bien voulu faire son discours aujourd'hui pour que nous puissions vous recevoir. Ce comité est très accueillant pour les ministres des Transports, contrairement au mythe qui peut être propagé par d'autres. Il nous fait plaisir de vous donner la parole.

L'honorable Denis Lebel, C.P., député, ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités : Merci beaucoup, sénateur. Je ne sais pas d'où vient le mythe; pour ma part c'est un plaisir d'être ici. Ceci dit, comme vous l'avez mentionné, je suis accompagné de Mme Annette Gibbons, de Mme Carolyn Crook et de M. Alain Langlois, qui forment une équipe extraordinaire autour de ce dossier.

[Traduction]

Je suis fier d'être ici avec vous ce soir. Merci de m'avoir invité pour parler du projet de loi C-52, Loi sur les services équitables de transport ferroviaire des marchandises. Il s'agit d'un enjeu important pour nous et pour le monde des affaires partout au pays. Le projet de loi C-52 est un jalon important pour notre industrie ferroviaire.

[Français]

Le projet de loi C-52 permettrait d'apporter des modifications à la Loi sur les transports au Canada pour donner aux expéditeurs le droit de conclure une entente de services avec les compagnies de chemin de fer, et pour offrir un nouveau processus afin d'établir une entente de services, lorsqu'ils ne peuvent en négocier une sur le plan commercial.

[Traduction]

Le projet de loi vient réaliser un engagement clé de notre gouvernement en 2011 lorsque nous avons répondu à l'examen des services de transport ferroviaire des marchandises, un examen indépendant et exhaustif de deux ans concernant les services ferroviaires des marchandises au Canada initié par le ministre Cannon en 2008. Je suis le quatrième ministre des Transports depuis cette époque.

Le projet de loi C-52 appuie les services de transport ferroviaire des marchandises en aidant les expéditeurs à obtenir de accords de service qui établissent clairement les services auxquels ils ont droit de la part des compagnies de chemin de fer.

[Français]

Le projet de loi comprend deux parties principales qui concernent le service de transport ferroviaire des marchandises. Il accorderait à un expéditeur le droit de conclure une entente de services. Le projet de loi permet d'exiger à une compagnie de chemin de fer d'offrir une entente de services à un expéditeur qui en fait la demande, et ce dans les 30 jours suivant la demande. À la suite de l'offre faite par la compagnie de chemin de fer, l'expéditeur et la compagnie de chemin de fer auraient la possibilité de conclure une entente au moyen de négociations commerciales.

[Traduction]

Si l'expéditeur et les compagnies de chemin de fer n'arrivent pas à conclure un accord qui donne les meilleurs résultats possibles pour tout le monde, la Loi C-52 donne aux expéditeurs la possibilité de recourir à un processus d'arbitrage fondé sur les intérêts afin d'établir les modalités de service.

L'arbitrage sera réalisé par l'Office des transports du Canada, qui a déjà un mandat pour résoudre les différends qui surviennent entre les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer en vertu de la Loi sur les transports au Canada. L'office est reconnu comme ayant le niveau d'expertise en transport ferroviaire de marchandises nécessaire pour arbitrer ce genre d'entente complexe sur les niveaux de service.

[Français]

Pour lancer le processus d'arbitrage sur le service, l'expéditeur doit donner un préavis de 15 jours à la compagnie de chemin de fer avant de soumettre la demande d'arbitrage à l'Office des transports du Canada.

Cette période de 15 jours vient renforcer les négociations commerciales, car elle permet aux deux parties de parvenir à un compromis avant le début du processus d'arbitrage.

[Traduction]

Le processus d'arbitrage serait disponible pour tout expéditeur qui prouve à l'office qu'il a tenté de régler le différend au moyen de négociations commerciales.

[Français]

Ce processus serait rapide, un délai de 45 jours, qui pourrait être prolongé de 20 jours supplémentaires au besoin. La décision arbitrale serait considérée comme un contrat confidentiel; elle serait valide pour un an ou plus si les deux parties acceptent, et elle serait exécutoire et sans appel.

Le processus d'arbitrage établirait clairement le service que doit recevoir un expéditeur, mais il ne déterminerait pas les tarifs de transport ferroviaire.

La disposition donnerait à l'arbitre des pouvoirs élargis en vue d'imposer des éléments de services.

[Traduction]

Les compagnies de chemin de fer et les expéditeurs doivent respecter des conditions d'exploitation relatives au mouvement du trafic. Cela inclut notamment les protocoles de communication, comme les procédures et paliers d'intervention ainsi que les normes de rendement et de mesure; les plans d'exploitation pour régler les pannes de service éventuelles, notamment les plans de rétablissement qui pourraient aussi aborder le rétablissement suite à une force majeure; et l'offre de services ponctuels par les compagnies de chemin de fer ainsi que la question visant à savoir si la compagnie de chemin de fer peut exiger des frais pour les conditions d'exploitation et autres services que doit fournir la compagnie de chemin de fer.

[Français]

Pour veiller à ce que les contrats de services imposés soient commercialement équitables et raisonnables pour les deux parties, tel qu'il est requis pour la plupart des recours dans la loi, et à ce qu'ils reflètent les particularités de chaque cas, la nouvelle disposition offrirait à l'arbitre une orientation afin de tenir compte des éléments suivants : les marchandises transportées par l'expéditeur et les exigences de transport de ce dernier; les obligations générales de la compagnie de chemin de fer à titre de transporteur public chargé de fournir des services à tous les utilisateurs sur le réseau; les contraintes opérationnelles pour les deux parties; tout autre facteur jugé approprié par l'arbitre.

La disposition établit également un nouveau mécanisme d'application de la loi, c'est-à-dire des sanctions administratives pécuniaires afin de tenir les compagnies de chemin de fer responsables d'offrir le service imposé. L'article actuel de la Loi concernant les sanctions administratives pécuniaires serait modifié pour permettre l'imposition d'une amende pouvant atteindre 100 000 $ par infraction à une compagnie de chemin de fer, si l'office confirme qu'il y a eu manquement à une obligation en vertu du contrat de services imposé.

Même si les sanctions administratives pécuniaires sont versées à la Couronne, étant donné qu'il s'agit d'un outil d'application de la loi semblable à d'autres amendes imposées par le gouvernement, cette modification donnerait aux expéditeurs un mécanisme permettant d'imposer des sanctions financières aux compagnies de chemin de fer en cas de manquement aux services.

[Traduction]

Les expéditeurs conserveront le droit de demander à l'office d'appliquer des ententes de service commercial ou un contrat de service imposé par la disposition de la loi relative au niveau de service. En outre, les expéditeurs continueront à avoir le droit de réclamer des dommages-intérêts devant les tribunaux en cas de manquement au service car ces ententes et ces contrats sont juridiquement contraignants pour les deux parties.

[Français]

Pour terminer, le projet de loi C-52 donnerait aux expéditeurs un outil additionnel à utiliser dans le cadre de leur travail avec les compagnies de chemin de fer. Il vient compléter les dispositions actuelles s'appliquant aux expéditeurs dans la Loi sur les transports au Canada, mais il ne les remplace pas. Les expéditeurs continueront d'avoir la capacité de choisir la disposition ou l'ensemble des dispositions leur permettant d'accomplir leurs activités de la meilleure façon possible.

On s'attend à ce que l'établissement des conditions de service, de façon commerciale ou au moyen d'un arbitrage lié aux services, contribue positivement à la relation entre les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer, en procurant la clarté et la prévisibilité nécessaires en matière de services de transport ferroviaire des marchandises. Par conséquent ce projet de loi aidera à renforcer l'économie du Canada.

[Traduction]

Dès le début, mon rôle en tant que ministre des Transports a été de déposer un projet de loi portant sur les services de transport ferroviaire des marchandises qui établit le bon équilibre pour tous les intervenants de l'économie canadienne. Le projet de loi C-52 produira des résultats très avantageux pour nos expéditeurs. Il leur donnera plus de clarté, de prévisibilité et de fiabilité tout en s'assurant que les compagnies de chemins de fer peuvent gérer un réseau efficace et efficient qui profitera à tout le monde.

Merci d'avoir pris le temps de m'écouter ce soir. Mon équipe et moi sommes prêts à répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur le ministre.

Le sénateur Mercer : Merci de votre présence, monsieur le ministre. Nous en sommes reconnaissants. Vous collaborez toujours lorsque nous devons communiquer avec le ministère et nous vous en remercions.

J'ai quatre questions rapides sur le processus d'arbitrage. On dit qu'il pourrait durer jusqu'à 45 jours. Il me semble que c'est une période plutôt longue lorsqu'il y a arbitrage dans le cas d'un différend, particulièrement lorsqu'il s'agit du mouvement, par exemple, de produits agricoles. Pensez-vous que ce soit trop long? S'est-on penché précisément sur la question des produits agricoles?

M. Lebel : Nous croyons qu'il s'agit en fait d'un court délai selon les situations qui surviennent à l'échelle du pays et dans d'autres ministères, nous croyons que 40 jours est une très courte période et les intervenants avec qui nous en avons discuté étaient tout à fait satisfaits des 45 jours proposés.

Le sénateur Mercer : Parlez-moi du coût lié à l'arbitrage. Le processus de résolution pourrait être long et il y a des sanctions si la compagnie de chemin de fer est dans l'erreur, pas forcément mais c'est une possibilité? Qui défraiera les coûts?

M. Lebel : Je vais demander à Mme Gibbons de vous donner une explication pour ce qui est de l'arbitrage.

Annette Gibbons, directrice générale, Politique des transports terrestres, Politique sur le transport terrestre des marchandises, Transports Canada : Au cours des premières années, l'office fera les arbitrages lui-même, des membres de l'office s'en chargeront. Dans un tel cas, l'office n'exigera aucuns frais. Cependant, l'office s'attend à avoir recours éventuellement à des arbitres externes. Dans un tel scénario, le coût sera assumé à parts égales par l'expéditeur et la compagnie de chemin de fer.

Quant à ce qu'il va en coûter, il y a certainement un coût pour ce qui est de l'emploi du temps de l'arbitre privé pendant ces 45 jours. Il pourrait aussi y avoir des coûts si l'expéditeur embauche des conseillers, des avocats, mais cela est à la discrétion de l'expéditeur. Finalement, pendant la période de 45 jours, le recours à l'arbitre est un coût assez raisonnable à assumer pour l'expéditeur, puis ils pourront déterminer jusqu'à quel point ils voudront recourir à leur propre expertise pour étoffer leur dossier. Ils pourront aussi décider de retenir les services d'autres experts.

Le sénateur Mercer : Les accords seront confidentiels et ne pourront pas faire l'objet d'un appel. Ils auront donc la même valeur qu'un contrat. Comme je l'ai dit aujourd'hui à la Chambre lorsque j'ai pris la parole, je crois qu'on mettrait assez peu de temps pour qu'une personne découvre le contenu de l'accord visant une autre personne. Je peux entrevoir des différends non liés à l'accord entre une compagnie de chemin de fer et un expéditeur mais plutôt entre un expéditeur et un autre expéditeur lorsque le premier prétend avoir de moins bonnes conditions que le deuxième et qu'il exige ces mêmes conditions. Comment résoudre ce genre de problèmes?

Alain Langlois, avocat-conseil principal, chef d'équipe droit du transport modal, Services juridiques, Transports Canada : Depuis 1987, la loi prévoit un processus. Il s'agit de l'arbitrage de l'offre finale. Le résultat de cet arbitrage est réputé confidentiel en vertu de la loi. Il y a 15 ans que je travaille dans l'environnement ferroviaire et je suis tout à fait au courant que ces arbitrages ont lieu. Cependant, je n'ai jamais vu le résultat d'un processus d'arbitrage entre un expéditeur et une compagnie de chemin de fer. Je crois que le système actuel garantit la confidentialité ou encore qu'en raison des leçons tirées par le système le résultat d'un processus d'arbitrage demeure confidentiel.

Le sénateur Mercer : Espérons que cela continue.

Enfin, que fait la compagnie de chemin de fer lorsqu'un expéditeur ne respecte pas les obligations que l'entente lui impose? J'ai donné aujourd'hui l'exemple d'un expéditeur qui promet de remplir 20 wagons devant partir mardi, par exemple. Que se passerait-il si seulement huit wagons étaient remplis le lundi soir et que le train qui vient chercher supposément 20 wagons arrive mais qu'il n'y en a que huit remplies au lieu des 20 prévues dans le contrat? Quel recours est à la disposition de la compagnie de chemin de fer dans une telle situation?

M. Langlois : La compagnie de chemin de fer continue de fonctionner comme à l'habitude en vertu du système actuel. Des tarifs ferroviaires sont appliqués en fonction de la conduite des expéditeurs et de ce qu'ils sont censés faire. S'ils ne respectent pas les modalités du tarif lors de leur utilisation des ressources de la compagnie de chemin de fer, des frais seront ajoutés aux tarifs ferroviaires. La compagnie de chemin de fer peut également, si elle le souhaite, entamer des poursuites.

Le sénateur Mercer : La compagnie de chemin de fer doit se présenter devant un tribunal et dépenser de l'argent, mais il semble que lorsque la situation est inversée et qu'il s'agit d'ententes, la situation est plus favorable pour l'expéditeur.

M. Langlois : Lorsqu'il s'agit d'une entente de service, comme l'a dit le ministre dans sa déclaration préliminaire, le résultat d'une entente de service est réputé être un contrat. Si on ne respecte pas le contrat, l'expéditeur aussi doit avoir recours aux tribunaux.

Le sénateur Mercer : Pour les compagnies de chemin de fer, il y a une amende potentielle de 100 000 $.

M. Langlois : C'est exact.

Le sénateur Mercer : Il n'y a aucune amende potentielle pour l'expéditeur qui ne respecte pas les obligations que l'entente lui impose.

M. Langlois : C'est exact.

Le sénateur Mercer : Je ne comprends pas.

M. Lebel : Il y a des dispositions à cet effet dans leur propre contrat.

Le sénateur Mercer : Pour conclure, monsieur le ministre, je dis ce qui suit au sujet de presque toutes les lois. J'aurais espéré y voir un examen obligatoire. Je sais qu'il y aura un examen de la Loi sur les transports au Canada en 2015. Cependant, nous avons ici quelque chose de nouveau et il aurait été souhaitable de pouvoir examiner la question dans environ trois ans pour voir si tout fonctionne et, dans le cas contraire, comment apporter des solutions. Il me semble tout à fait logique, lorsque nous abordons un nouveau projet de loi tel que celui-ci, de vérifier à une date ultérieure si nous avons bien fait notre travail.

M. Lebel : Nous voulions avoir un gagnant au bout de ce processus : l'économie canadienne. C'est l'objectif que nous avons visé et je suis plutôt satisfait car tous les intervenants que nous avons consultés sont fiers de notre travail. Ils n'ont pas obtenu absolument tout ce qu'ils souhaitaient dès le départ mais je suis certain que la loi fonctionnera et notre objectif est de continuer d'améliorer l'économie canadienne. Si le projet de loi ne donne pas les résultats escomptés, alors nous nous pencherions certainement sur la question.

Le président : Je vous assure que nous aurons l'occasion d'en entendre parler car nous avons quelques témoins qui se présenteront mardi et mercredi. Nous aurons donc l'occasion de discuter avec les intervenants.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Bonsoir, monsieur le ministre. Je salue également vos collaborateurs. J'ai deux questions, dont un commentaire; et vous me direz si mon commentaire est juste. Ce projet de loi est un peu comme ce qu'on a vécu il y a presque maintenant 20 ans, alors qu'on a permis aux compagnies de télécommunications d'utiliser des infrastructures de Bell, entre autres. Ils étaient presque à cette époque seuls dans le marché et on a ouvert le marché à d'autres compagnies et cela a eu un impact économique important. Est-ce qu'on peut comparer les deux ou ma comparaison est-elle un peu boiteuse?

M. Lebel : Vos commentaires sont toujours judicieux, mais l'exemple est peut-être un petit peu différent.

Le sénateur Boisvenu : C'est seulement pour le commun des mortels qui nous écoutent ce soir.

M. Lebel : Oui, absolument. C'est un secteur d'activités dans lequel la compétition est tout de même limitée. Il y a deux grandes compagnies ferroviaires au pays que nous connaissons bien : CN et Canadian Pacific. Les expéditeurs nous parlaient d'une voie qui leur permettrait d'en venir à une entente commerciale avec les compagnies ferroviaires, car il y a souvent une situation de monopole et qu'il faut trouver de l'espace pour en arriver à des ententes commerciales gagnantes pour tous. C'est pourquoi nous avons introduit ce projet de loi sur lequel nous travaillons depuis 2008; un panel d'experts a fait le tour du pays pour entendre les expéditeurs et les compagnies ferroviaires. Nous avons nommé un facilitateur, M. Jim Dinning, que je remercie pour son travail extraordinaire.

Il est vrai que concernant Bell, on ne pouvait pas beaucoup à l'époque se servir des équipements; mais au niveau ferroviaire, il y a toujours un peu un monopole des grandes compagnies. Toutefois, avec une obligation de répondre à une demande d'un expéditeur qui aura un contrat de services, cela permettra à ces gens d'obtenir un meilleur service.

Le sénateur Boisvenu : Vous introduisez, à l'aide de ce projet de loi, un arbitre sur la glace pour faciliter les échanges.

M. Lebel : On vient d'abord obliger, dans le cadre d'un processus, les compagnies ferroviaires à répondre à la demande d'un expéditeur.

Par exemple, si vous êtes un producteur de blé et que vous vouliez avoir une entente avec une compagnie de chemin de fer, rien n'obligeait la compagnie de chemin de fer à avoir une entente avec vous; vous étiez à la remorque de la compagnie. Comme le sénateur Mercer le disait, si on vous promettait 10 wagons pour le mercredi à 16 heures, rien ne régissait cela. Là, on aura l'obligation, avec l'adoption de ce projet de loi, que la compagnie ferroviaire ait une entente avec vous et qu'ensuite elle respecte cette entente signée. Si on s'entend alors sur un nombre de 10 wagons le mercredi après-midi et que la compagnie ferroviaire ne les livre pas, vous aurez un recours.

Le principe d'arbitrage fait en sorte que si vous ne vous entendez pas commercialement avec la compagnie, vous irez devant l'arbitre et il prendra une décision sans appel et applicable à ce moment. Si la compagnie ferroviaire ne respecte pas l'entente conclue avec vous, vous aurez un recours et vous pourrez avoir une indemnité allant jusqu'à 100 000 $ pour une pénalité, bien que ce montant ne vous sera pas nécessairement destiné. Il est certain qu'on ne veut pas encourager un amoncellement de poursuites; on veut que ça fonctionne.

Le sénateur Boisvenu : J'ai une dernière question. La députée Olivia Chow du NPD a déposé le projet de loi C-441. À sa lecture, je me suis demandé pourquoi ce projet de loi avait-il été déposé. Quelle est votre réaction par rapport à ce projet de loi? Va-t-il nuire au projet de loi C-52 ou va-t-il alourdir les choses?

M. Lebel : Il va alourdir les choses et, pour moi, il devient caduc. Ce n'est pas la première fois que je vois madame et les gens du NPD déposer des projets de loi qui ne tiennent pas la route pour moi. Je le dis depuis tout à l'heure, ce qu'on voulait comme gagnant, c'était l'économie canadienne. Les expéditeurs avaient peur qu'on aille 100 p. 100 du côté des chemins de fer; les chemins de fer disaient qu'on allait tout donner aux expéditeurs, mais on a trouvé le moyen d'avoir une approche balancée et qui répondait aux besoins des deux grands partenaires que sont ces gens : les expéditeurs et les compagnies ferroviaires. D'aller trop d'un côté ou de l'autre n'aurait pas servi l'économie canadienne. Ce projet de loi tient la route et il ne faut pas donner trop de gains d'un côté ou de l'autre.

Le sénateur Boisvenu : Merci et félicitations.

[Traduction]

La sénatrice Merchant : Merci à vous, monsieur le ministre ainsi qu'aux témoins. Je n'ai qu'une question et elle porte sur l'exemption de contrôle parlementaire. C'est quelque chose que nous voyons de plus en plus souvent. Le ministre a toujours de plus en plus de pouvoirs. Dans ce cas-ci, il s'agit d'une exemption pour un transporteur étranger qui souhaite pouvoir transporter des marchandises ici au Canada. Pourquoi a-t-on éliminé le contrôle parlementaire?

M. Langlois : La loi actuelle prévoit que le ministre a l'autorité de signer des accords aériens bilatéraux avec des États étrangers. L'amendement proposé visait à éviter que l'Office des transports du Canada s'en charge puisqu'il émet des permis à ces transporteurs et s'assure qu'ils sont assurés. L'office possède actuellement un pouvoir d'exemption très large pour ce qui est de permettre aux transporteurs d'être exemptés de la plus grande partie du régime de réglementation s'il s'agit d'une solution pratique. L'amendement en question fera en sorte que l'office ne pourra plus exempter une entreprise d'une exigence qui est incluse dans un accord bilatéral signé par le gouvernement du Canada. Il n'élimine pas forcément le contrôle parlementaire. Il vise simplement à assurer que les accords bilatéraux signés par le gouvernement soient respectés.

La sénatrice Unger : Merci, monsieur le ministre. J'ai deux questions. Je crois déjà connaître la réponse, mais l'office possède des pouvoirs très larges et plus tôt, on vous a posé une question sur le processus de 45 jours en disant qu'il était peut-être trop long. Cependant, l'office a l'autorité de prendre une décision immédiate pour dédommager un expéditeur, par exemple il peut exiger qu'on commande plus de wagons si c'est nécessaire. Est-ce exact?

M. Lebel : C'est exact. Cependant, je dois préciser que nous ne nous attendons pas à recourir à cet outil. Nous espérons que toute entente sera signée entre l'expéditeur et la compagnie de chemin de fer. C'est donc ce que nous espérons et je demanderais à Mme Gibbons de vous donner un complément de réponse.

Mme Gibbons : À l'heure actuelle, si un expéditeur dépose une plainte en vertu d'une disposition de la loi, l'office peut en effet imposer des solutions immédiates pendant l'enquête si la situation l'exige. Dans ce cas-ci, avec l'entente de service, l'arbitrage prendra jusqu'à 45 jours et il n'y a pas de disposition semblable. Ils auraient l'obligation de se prévaloir du recours prévu par la loi, pas ce projet de loi, pour composer avec une situation urgente. Cependant, le recours est là pour les aider et vient compléter celui qui existe déjà dans la loi.

La sénatrice Unger : Merci. La semaine dernière nous nous sommes rendus dans l'Est du Canada avec le Comité de l'énergie. Je me suis rendue compte que j'avais l'impression que les compagnies de chemin de fer étaient propriétaires de tous les wagons ou presque. Cependant, un expéditeur nous parlait du fait qu'il en loue certains parce que c'était simplement trop difficile. Ils ne disposent pas d'un service fiable et prévisible. Depuis lors, j'ai entendu d'autres anecdotes à ce sujet.

Savez-vous quel est le pourcentage de wagons qui appartiennent aux compagnies de chemin de fer et celui des wagons appartenant aux expéditeurs? Ils n'en sont pas propriétaires, ils les louent. Cela entraîne donc une tierce partie dans l'équation. Qui est responsable en fin de compte? Je suppose que si un expéditeur loue un wagon, il en est responsable.

Pourriez-vous nous en parler?

M. Lebel : Je vous remercie d'avoir présenté ce projet de loi. Il s'agit d'un projet de loi très important pour l'économie canadienne. Nous en sommes fiers. Merci d'en être la marraine.

La sénatrice Unger : Merci beaucoup.

Mme Gibbons : Dans divers secteurs, soit les expéditeurs ferroviaires sont propriétaires soit ils louent des wagons, donc la compagnie de chemin de fer fournit simplement la capacité de déplacer les wagons d'un endroit à un autre. Il s'agit tout simplement du modèle d'affaires utilisé dans certaines industries. Cela aurait donc un effet sur le taux de rémunération versé à la compagnie de chemin de fer pour le déplacement des marchandises. C'est certainement le cas pour le déplacement de brut par voie ferroviaire. Les expéditeurs sont soit propriétaires soit ils louent des wagons et c'est également le cas d'autres secteurs. Je crois savoir que dans le secteur de la potasse, l'expéditeur est souvent propriétaire des wagons.

La situation a évolué de façon différente dans les divers secteurs et maintenant leur mode de fonctionnement est devenu la norme.

La sénatrice Unger : Il ne s'agit vraiment pas d'une entente commerciale typique. Elle penche surtout d'un côté mais il y a plusieurs intervenants différents de l'autre côté, je trouve cela intéressant.

M. Lebel : Nous avons une approche équilibrée. Elle varie selon l'expéditeur afin de trouver le juste équilibre. Vous avez raison, la situation est très différente.

[Français]

Le président : Je pourrais certainement demander à un de mes collègues de me corriger sur la citation qui dit que les choses claires s'énoncent bien. Vous avez dû faire un bon énoncé au début parce que nous n'avons plus de questions.

[Traduction]

Les choses ne sont pas aussi claires que je le croyais.

Le sénateur MacDonald : Monsieur le ministre, merci de votre présence. Avant le dépôt du projet de loi C-52, les expéditeurs ont indiqué qu'ils souhaitaient y voir trois éléments fondamentaux. Il s'agit du droit à une entente de service, du traitement de cette entente de service s'il est impossible de la négocier sur une base commerciale, et de conséquences financières imposées aux compagnies de chemin de fer pour un piètre rendement. Est-ce que le projet de loi C-52 leur donne ces éléments fondamentaux?

M. Lebel : Tout à fait. Les deux parties sont fières, mais les expéditeurs sont fiers de ces éléments.

Le sénateur MacDonald : J'ai une question qui s'adresse peut-être aux compagnies de chemin de fer. Plusieurs personnes ont dit que les sanctions administratives pécuniaires, ou SAP, jusqu'à concurrence de 100 000 $ ne sont pas assez élevées par rapport à la taille et au niveau de recettes des compagnies de chemin de fer. Croyez-vous que ces sanctions auront un effet sur les compagnies de chemin de fer?

M. Lebel : Nous croyons que la loi aura des effets. Depuis le début du processus en 2008, les compagnies de chemin de fer ont déjà amélioré leur service considérablement. Les expéditeurs nous disent que c'est grâce au processus actuel qu'ils peuvent voir qu'ils obtiennent de meilleurs services maintenant qu'auparavant. Je suis assez certain que les compagnies de chemin de fer ne voudront pas payer ces 100 000 $. Ils veulent donner un bon service. Les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer devront travailler efficacement ensemble et se faire davantage confiance mutuellement. Nous allons suivre la situation de près. L'ajout de règles déplaît aux compagnies de chemins de fer. Un gouvernement comme le nôtre préfère ne pas ajouter de règles mais dans ce cas-ci il a fallu nous assurer que les expéditeurs disposaient d'un outil pour atteindre leur objectif.

Le sénateur MacDonald : CN fait beaucoup d'expéditions vers les États-Unis. Est-ce que les Américains ont une loi semblable?

Mme Gibbons : Il y a certains points en commun au niveau des recours mis à la disposition des expéditeurs pour qu'ils puissent obtenir un service adéquat. De plus, ils ont un système qui leur permet de déposer une plainte s'ils trouvent que ce service n'est pas adéquat. Il y a certaines différences entre les deux régimes. Cette disposition n'existe pas dans le système américain.

Le sénateur MacDonald : Je ne sais pas exactement ce qui revient au Canada au moyen de la CN. Je sais que beaucoup de pétrole est envoyé vers le centre et le sud des États-Unis. Les expéditeurs américains peuvent-ils avoir recours aux lois canadiennes lorsqu'il s'agit de la CN?

Mme Gibbons : S'il y a de la circulation au Canada, on peut avoir recours à la loi pour la partie du trajet effectuée au Canada.

Le sénateur MacDonald : La société ne doit pas nécessairement être constituée au Canada?

Mme Gibbons : Non.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Monsieur le ministre, vous avez beaucoup d'idées et je suis convaincu que vous n'arrêterez pas là les projets.

En 2011, le gouvernement s'était engagé à améliorer la productivité de toute la chaîne d'approvisionnement des marchandises ferroviaires. Vous avez pris l'engagement de créer une table ronde et de créer des paramètres pour suivre cette amélioration de compétitivité du rendement. Où en sommes-nous rendus?

Mme Gibbons : On n'est pas loin. Cela s'en vient bientôt. Nous avons développé des idées pour établir le comité, les membres du comité et justement, nous allons consulter le ministre. Nous espérons mettre la table ronde en place tôt cet automne.

M. Lebel : Beaucoup de gens étaient sceptiques qu'on en vienne à un projet de loi équilibré. Les gens du secteur ferroviaire ont travaillé très fort. Cela a commencé en 2008 et on avait engagé M. Dinning. C'était très intensif jusqu'à ce qu'on en arrive au dépôt de ce projet de loi. Je ne veux rien excuser. Nous sommes des gens de résultat et nous sommes là pour livrer. Nous allons livrer, mais il a fallu beaucoup d'efforts de l'équipe du secteur ferroviaire dans les derniers temps pour ce projet de loi et nous avons hâte qu'il soit en vigueur.

[Traduction]

Le sénateur Greene : J'ai une question rapide. Si un envoi traverse la frontière pour aboutir aux États-Unis, et l'entente de service commence au Canada, cette entente sera-t-elle valide jusqu'à la destination aux États-Unis, ou cessera-t-elle de l'être à la frontière canadienne où une autre entente prendrait la relève?

M. Lebel : Je demanderai à Mme Gibbons de vous répondre, mais nous amenderons le règlement canadien.

Mme Gibbons : Le but de la loi consiste à viser uniquement la circulation au Canada, tout simplement parce que nous n'avons pas droit de regard sur ce qui se passe aux États-Unis.

Le sénateur Greene : Les expéditeurs canadiens seront donc obligés d'établir une autre entente de service aux États- Unis. Est-ce bien ce que j'entends?

Mme Gibbons : Aux États-Unis, ils pourraient se prévaloir de recours réglementaires qui y sont offerts, le cas échéant. Le modèle d'entente de service prévu par ce projet de loi n'existe pas aux États-Unis, car il n'existe aucune instance réglementaire qui puisse imposer une entente comme celle-ci, mais il existe d'autres possibilités auxquelles ils pourraient avoir recours.

[Français]

Le président : J'ai trouvé ma citation et, tant qu'à l'avoir cherchée :

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément.

Le sénateur Boivenu : Nicolas Boileau.

Le président : Merci de me l'avoir envoyée. Monsieur le ministre, monsieur Langlois, madame Gibbons et madame Crook, je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

Nous tiendrons une réunion mardi matin, où deux groupes de témoins comparaîtront devant le comité. D'autres groupes comparaîtront mercredi soir. À la suite de notre demande, les whips des deux partis ont accordé leur permission de prolonger les séances mercredi soir au besoin, afin de pouvoir travailler avec le ministère des Transports. Nous verrons d'ici mercredi où nous en sommes, ce qui orientera les travaux suivants.

(La séance est levée.)


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