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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule 16 - Témoignages du 1er octobre 2014


OTTAWA, le mercredi 1er octobre 2014

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 17 h 15, pour étudier le potentiel d'accroissement du commerce et de l'investissement entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, y compris dans les secteurs de croissance clés des ressources, de la fabrication et des services; les mesures fédérales nécessaires à la réalisation des possibilités cernées dans ces secteurs clés; les possibilités d'intensifier la collaboration au niveau trilatéral.

La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international est ici pour étudier le potentiel d'accroissement du commerce et de l'investissement entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, y compris dans les secteurs de croissance clés des ressources, de la fabrication et des services; les mesures fédérales nécessaires à la réalisation des possibilités cernées dans ces secteurs clés; les possibilités d'intensifier la collaboration au niveau trilatéral.

Nous recevons aujourd'hui André Plourde, doyen de la Faculté des affaires publiques à l'Université Carleton, qui comparaît à titre personnel, ainsi que M. Erik Lee, directeur exécutif du North American Research Partnership, qui comparaît par vidéoconférence de Phoenix.

Je vais vous appeler à prendre la parole dans l'ordre qui figure à la liste, à moins de préférence contraire de votre part. Je vais donc me tourner d'abord vers M. Plourde, après quoi nous pourrons entendre M. Lee et passer aux questions.

[Français]

André Plourde, doyen, faculté des affaires publiques, Université Carleton, à titre personnel : Je vous remercie, madame la présidente, de cette occasion de vous adresser la parole par ce bel après-midi d'automne. Si vous me le permettez, je vais commencer mes remarques en français et, par la suite, me tourner vers l'anglais. Sentez-vous libres de m'adresser vos questions et vos remarques dans la langue officielle de votre choix.

Je vais tenter de souligner quatre thèmes dans le cadre de mes remarques qui seront brèves. Je suis économiste de formation. Les questions qui m'intéressent particulièrement, tant du côté de la recherche que du côté de l'enseignement sont la politique énergétique, l'économie de l'énergie, les marchés pétroliers et gaziers et, donc, la relation entre l'énergie et l'environnement. Ainsi, vous comprendrez que mes remarques s'adresseront particulièrement à ces industries.

Le premier point que j'aimerais soulever, c'est que, malgré l'existence de l'ALENA, le Mexique n'est pas un partenaire à plein prix dans les marchés énergétiques nord-américains. C'est une décision que le gouvernement mexicain a prise lors des négociations de l'ALENA. Il y a eu certainement un ajustement dans la structure du rôle de l'État mexicain dans les marchés énergétiques, mais on a tout de même choisi, d'une certaine façon, de se retirer de certains éléments importants de l'ALENA. C'est le premier point qu'il faut garder en ligne de compte, parce que cette décision a eu un impact important sur le développement qui a suivi.

[Traduction]

Le deuxième élément que j'aimerais porter à votre attention, c'est que ce n'est pas la première fois que le gouvernement du Mexique, quel que soit le parti politique au pouvoir, parle de permettre une plus grande participation du marché à ses industries énergétiques, particulièrement dans les secteurs du pétrole et du gaz, et qu'il prend des mesures en ce sens. Je peux vous rappeler trois occasions où il l'a fait au cours des 25 dernières années. Au moment des négociations de l'ALENA, il y a clairement eu des modifications à la définition de certaines industries qui permettaient une participation étrangère sous le régime de la Constitution mexicaine et des lois sur le pétrole, qui régissent le rôle de l'État dans l'industrie pétrolière et gazière. En effet, certains changements apportés à la définition ont permis une certaine participation aux industries pétrochimiques, par exemple, et à la production d'électricité, de façon limitée, mais ces mesures n'ont pas connu beaucoup de succès.

Il y a eu une seconde tentative quelques années plus tard, dans le but de négocier des contrats de service au sein de l'industrie du gaz naturel, qui permettraient une plus grande participation des entreprises étrangères au secteur mexicain du pétrole et du gaz. Encore là, les attentes étaient élevées, mais cela n'a pas changé grand-chose. Quelques entreprises canadiennes ont essayé de participer à ces activités, mais leurs projets sont morts avant même de se concrétiser.

Enfin, depuis un an environ, les autorités mexicaines étudient des modifications à la Constitution et aux lois sur le pétrole afin de permettre au secteur privé, qu'il s'agisse d'entreprises mexicaines ou d'entreprises étrangères, de jouer un plus grand rôle dans l'industrie pétrolière et gazière. Ce n'est pas la première fois que l'occasion se présente, mais il importe de la saisir.

Le gouvernement du Canada et ses organismes peuvent intervenir ici grâce à la tradition de collaboration qui existe entre les organismes de réglementation de l'énergie du Canada, des États-Unis et du Mexique. Ceux-ci sont la Comisión au Mexique; la FERC aux États-Unis et l'ONE au Canada. Ils ont déjà eu quelques discussions, mais il serait bon d'encourager une plus grande collaboration encore. Si l'on pense que le régime réglementaire de l'industrie de l'énergie doit changer radicalement au Mexique, les organismes de réglementation du Canada et des États-Unis ont beaucoup d'expertise à ce chapitre, et il serait bon de favoriser leur participation.

Troisièmement, il y a un potentiel énorme mais extrêmement mal défini pour la production pétrolière et gazière au Mexique, une situation en partie attribuable au monopole exercé par Pemex, qui favorise le secteur pétrolier au détriment du secteur du gaz naturel depuis longtemps. Ainsi, le Mexique produit plus de pétrole que de gaz naturel et on ne connaît pas très bien le potentiel de production de gaz naturel au Mexique.

Il n'y a aucune raison de croire que la frontière internationale entre les États-Unis et le Mexique correspond aux limites des réserves de gaz naturel dans le golfe du Mexique. Je pense que c'est important de le souligner. Les choses vont changer ou il y a un grand potentiel pour que le profil des activités change au cours des prochaines années. Du coup, les entreprises canadiennes auront beaucoup d'occasions de participer soit directement à des projets, soit à des contrats de service plus généreux ou plus complets de par leur expertise en matière d'exploration, de développement et de fonctionnement. Il y a des groupes de travail au sein des trois gouvernements, des groupes de travail trilatéraux, qui suivent l'industrie énergétique et qui pourraient faciliter les discussions. Ils sont dirigés en partie par Ressources naturelles Canada ici.

La dernière chose que je tiens à souligner, c'est qu'il y a de bons côtés et ce que certaines personnes qualifieraient de mauvais côtés. Nous venons tout juste de discuter des bons côtés, en ce sens qu'il y a là beaucoup de possibilités d'investissements et d'activités pour les entreprises canadiennes sur le territoire mexicain. Le mauvais côté, c'est que le Mexique pourrait éventuellement faire concurrence à la production canadienne de gaz naturel et de pétrole brut dans les marchés d'exportation habituels du Canada. Je serais porté à croire que les producteurs canadiens seront les mieux placés pour évaluer cette menace au fur et à mesure que les choses évolueront. Je pense qu'il est important de nous demander comment nous pouvons tirer avantage de ces occasions.

La grande question qui se pose est la suivante : pourrait-il y avoir une plus grande collaboration entre les trois gouvernements sur les questions environnementales? Ce n'est pas nécessairement la seule contrainte directe des industries énergétiques, mais c'en est une importante. Il existe déjà une commission trilatérale. Je crois qu'il serait bon d'accroître ce rôle devant la nouvelle ère potentielle de la participation mexicaine.

La présidente : Je vais maintenant donner la parole à M. Lee, qui va nous présenter son exposé de Phoenix.

Erik Lee, directeur exécutif, North American Research Partnership : Je vous remercie infiniment de m'avoir invité à entretenir ce comité important de l'accroissement du commerce entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Notre groupe de réflexion, le North American Research Partnership, a des bureaux à Phoenix et à San Diego, en Californie. Nous avons aussi des conseillers et des partenaires dans toute l'Amérique du Nord.

Je crois que cette perspective trilatérale, qui nous vient en réalité de la région frontalière entre les États-Unis et le Mexique, peut présenter un éclairage unique au comité. Ainsi, j'aimerais vous inviter à réfléchir à trois autres éléments, c'est-à-dire l'importance des frontières de l'Amérique du Nord, le changement complexe et rapide de la diplomatie commerciale du Mexique et du Canada sur le territoire américain et plus particulièrement, dans la région frontalière entre les États-Unis et le Mexique.

Premièrement, comme on l'a déjà mentionné, notre façon de voir et de gérer nos frontières nord-américaines communes sont clairement la clé de la compétitivité de l'Amérique du Nord, et nous ajouterions aussi du bien-être économique et social des collectivités frontalières de l'Amérique du Nord. Il importe de souligner que l'amélioration de la gestion de la frontière entre les États-Unis et le Mexique, en particulier, pourrait avoir une grande incidence positive sur la prospérité future de l'Amérique du Nord.

La frontière entre les États-Unis et le Mexique n'est pas gérée du tout de la même façon que celle entre les États-Unis et le Canada. C'est à la fois un lieu complexe de congestion et de dysfonction incroyables et un espace d'innovation pour les secteurs privé et public. Je vais vous donner un exemple. Tout le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique, les gens déplorent vivement les temps d'attente excessifs pour les véhicules commerciaux et ceux transportant des voyageurs. Ils sont souvent de l'ordre de plusieurs heures, tant pour les voyageurs que pour les véhicules commerciaux. J'ai témoigné à ce sujet il y a quelques semaines devant l'assemblée législative du Texas. Si le Texas s'en inquiète, nous devrions tous être inquiets.

Pour vous donner un exemple du coût que représentent les temps d'attente dans cette partie de l'Amérique du Nord, une analyse a été réalisée à San Diego en 2006 et indiquait que le temps d'attente à la frontière près de San Diego seulement causait une perte de productivité de plus de 7 milliards de dollars dans la région. Les temps d'attente excessifs à la frontière sont symptomatiques de problèmes plus profonds d'infrastructure, de personnel et d'intégration de la technologie à nos points d'entrée. Ils sont particulièrement prononcés à la frontière entre les États-Unis et le Mexique.

Sur le plan de l'innovation, comme c'est souvent le cas dans les débats sur la frontière américano-canadienne, le débat sur l'avenir de l'infrastructure à la frontière américano-mexicaine est centré sur les partenariats public-privé et public-public, qui jouent un rôle important dans le contexte des contraintes financières actuelles.

Il y a des exemples de projets novateurs menés à San Diego, dont celui du terminal aérien binational et celui du programme de financement alternatif de la section 559 des services américains de douanes et de protection frontalière, à El Paso. Je pense que le Canada, les États-Unis et le Mexique voudront tous suivre l'évolution de ces projets pour adopter les meilleures méthodes possibles aux deux frontières.

Deuxièmement, j'aimerais exposer comment nous interprétons et analysons l'incidence future de la situation au Mexique et à la frontière entre le Mexique et les États-Unis pour les États-Unis et le Canada.

La primauté du droit représente un défi profond au Mexique, cela ne fait aucun doute. La modernisation du système judiciaire mexicain et le renforcement de la capacité d'application de la loi au Mexique, particulièrement dans les États et les municipalités, ne seront pas une mince affaire et prendront du temps.

La sécurité publique du côté mexicain de la frontière s'est améliorée remarquablement à l'Ouest, alors que des difficultés importantes subsistent dans les États de l'est, comme Tamaulipas. Les obstacles au commerce sont particuliers au Mexique, mais ils ne sont pas insurmontables. Il faut faire preuve de nuances dans nos évaluations du Mexique, qui a une grande économie de 1 billion de dollars, une classe moyenne en croissance et dont les échanges commerciaux avec les États-Unis et des dizaines d'autres pays s'intensifient.

Je rappelle également la vitesse et l'ampleur des réformes économiques récentes qui se sont opérées au Mexique dans les domaines de l'énergie, de l'éducation, de la fiscalité, des télécommunications et j'en passe. On n'a jamais rien vu de tel aux États-Unis. C'est presque comme si le Mexique avait adopté plusieurs séries de lois comparables à l'Obamacare dans un très court laps de temps. Ce rythme d'activité législative sur des grands enjeux difficiles est absolument inconcevable aux États-Unis. Le Mexique évolue très rapidement.

Au sujet de la frontière entre les États-Unis et le Mexique, je m'inscris en faux avec les témoignages précédents devant ce comité qui portent à croire que des millions de migrants mexicains traversent encore la frontière entre les États-Unis et le Mexique sans que cela ne soit documenté et que la relation des États-Unis avec la frontière se limite à la sécurité et la migration. D'abord, je dois dire que la migration mexicaine vers les États-Unis a chuté radicalement pendant la grande récession et qu'elle n'a pas repris. C'est ce que confirment les statistiques des patrouilleurs frontaliers américains sur la baisse radicale du nombre d'appréhensions dans la plupart des secteurs frontaliers du sud.

Ensuite, la création d'un dialogue économique de haut niveau entre les États-Unis et le Mexique, l'an dernier, représente un changement de cap majeur dans la perception de la frontière entre les États-Unis et le Mexique par le gouvernement fédéral des États-Unis : l'accent est de plus en plus mis sur le commerce plutôt que sur la sécurité en tout temps. La « redécouverte » du Mexique par Washington comme partenaire commercial essentiel est importante, je dirais même très positive. Ce comité et le reste du Canada doivent la prendre en considération.

Cependant, j'ajouterais que l'imagination populaire est bien loin d'évoluer au même rythme que ces développements, même si les taux de criminalité dans les collectivités frontalières américaines sont parmi les plus bas aux États-Unis. Le populisme reste bien vivant aux États-Unis pour ce qui est de la sécurité de la frontière, comme l'illustrent les craintes récentes et erronées exprimées par des législateurs américains selon lesquelles l'EIIL et le virus Ebola seraient aux portes des villes frontalières du Mexique. Toute la complexité de la frontière américano-mexicaine a éventuellement une incidence sur la frontière américano-canadienne et le commerce nord-américain en général.

Le dernier sujet que je souhaite aborder est l'importance de la diplomatie commerciale canadienne dans les États et les villes, particulièrement aux États-Unis. Compte tenu de la lenteur de la reprise après la grande récession aux États- Unis et de notre grand besoin d'intensifier nos exportations, particulièrement vers nos grands partenaires et consommateurs étrangers comme le Canada, les consulats canadiens sont des partenaires locaux vraiment importants. L'exemple de l'Arizona est intéressant. Il y a quelques années, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a fermé ses bureaux à Phoenix et à Tucson, qui relevaient du consulat canadien à Los Angeles. Cette section commerciale n'était déjà pas très grande au départ, si bien que votre personnel très compétent dans le sud-ouest des États-Unis s'est trouvé particulièrement débordé.

L'un des événements heureux pendant cette période, comme M. Robertson l'a mentionné au comité la semaine dernière, c'est que le gouvernement canadien a nommé un visionnaire très énergique en la personne de Glenn Williamson au poste de consul honoraire du Canada pour l'Arizona. M. Williamson dirige le Canada-Arizona Business Council, un organisme qui devrait servir de modèle pour le Canada aux États-Unis. Le Mexique aurait tout intérêt à reproduire ce modèle en Arizona et ailleurs. Le fait est que les régions métropolitaines des États-Unis, particulièrement près de la frontière entre les États-Unis et le Mexique, cherchent continuellement des occasions d'exportation pour les entreprises locales, et le Canada doit être prêt à nous présenter ce genre d'occasions.

En conclusion, je souligne que pour accroître le commerce entre le Canada, les États-Unis et le Mexique et ses avantages pour le plus grand nombre de citoyens de l'Amérique du Nord, les trois gouvernements fédéraux doivent unir leurs efforts à ceux des gouvernements d'États et provinciaux, des administrations locales et du secteur privé. Le Canada comme le Mexique doivent améliorer considérablement leur diplomatie commerciale et leur visibilité aux États-Unis. Les États-Unis doivent pour leur part adapter leurs politiques et leurs méthodes à leurs points d'entrée terrestres au Canada, mais plus particulièrement au Mexique.

Enfin, je pense que nous serions tous gagnants si les groupes interparlementaires du Canada, des États-Unis et du Mexique avaient une plus grande visibilité pour favoriser l'échange d'idées et la réflexion. Notre longue frontière terrestre nord-américaine est représentée par un grand nombre d'élus dans les trois pays, et je sais qu'ils ont tous des idées importantes pour améliorer la situation de l'Amérique du Nord. Je vais conclure sur ces mots, et j'espère qu'ils seront utiles au comité. Je vous remercie de votre temps. Je suis tout disposé à répondre à vos questions.

La présidente : Merci, monsieur Lee.

La sénatrice Johnson : Bonjour et bienvenue, monsieur Lee. En 2009, vous avez cosigné avec votre collègue, Rick Van Schoik, un rapport intitulé North America next; a report to President Obama. Dans ce rapport, vous présentiez huit grandes recommandations à l'Administration Obama pour favoriser une plus grande collaboration trilatérale entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Cinq ans plus tard, pouvez-vous nous dire ce qui s'est amélioré et quelles mesures l'Administration Obama a prises pour accroître cette coopération trilatérale?

M. Lee : C'est une excellente question. Nous, comme d'autres groupes de réflexion sur l'Amérique du Nord à l'époque, étions d'avis qu'après huit années d'Administration Bush, le temps était venu de rétablir les relations entre les trois pays. Notre rapport et d'autres rapports, je crois, ont aidé à aiguiller l'administration afin de l'aider à repenser la relation entre les États-Unis et le Mexique, en particulier, et son incidence à notre frontière. Elle méritait un examen approfondi.

Par-delà la frontière et d'autres initiatives bilatérales américano-canadiennes ont découlé en partie de notre travail et du travail d'autres groupes de réflexion. Les choses se sont améliorées en ce sens que nous avons de nouvelles institutions pour suivre les enjeux qui se présentent entre les trois pays, particulièrement à nos frontières. Il y a donc l'initiative Par-delà la frontière, mais d'autres aussi entre le Canada et les États-Unis, de même que la 21st Century Border Initiative, entre les États-Unis et le Mexique.

La sénatrice Johnson : Dans votre dernière recommandation, vous proposez l'établissement d'une méthode conjointe d'évaluation pratique de l'efficacité stratégique nord-américaine, comme une fiche d'évaluation de la collaboration transfrontalière, qui ferait partie d'un rapport annuel sur la situation de l'Amérique du Nord préparé par des chercheurs et des organismes de politique publique nord-américains. Ces bonnes idées se sont-elles matérialisées?

M. Lee : Pas complètement. L'an dernier, nous sommes allés jusqu'à publier le State of the Border Report, une analyse détaillée sur la région frontalière entre les États-Unis et le Mexique. Nous n'avons pas encore préparé de rapport comparable sur la frontière nordique. À ma connaissance, le Council of Foreign Relations vient de publier un nouveau rapport sur l'Amérique du Nord. Je ne pense pas qu'on puisse parler de « fiche d'évaluation », parce que nous n'avons pas encore d'outils de mesure simples pour évaluer cette relation.

La sénatrice Johnson : À quoi vous attendez-vous au cours des deux prochaines années avant le changement d'administration? Y a-t-il urgence d'agir pour tous ces aspects?

M. Lee : Il y a urgence pour l'Administration Obama et elle devrait y voir une urgence. La reprise aux États-Unis depuis la grande récession traîne depuis très longtemps, comme vous le savez bien. Nous avons absolument besoin des partenaires économiques que sont pour nous le Canada et le Mexique. Ils sont notre premier et notre deuxième marchés d'exportation principaux dans le monde, et l'administration en est bien consciente. Il devrait indéniablement y avoir urgence ici. On peut toujours accomplir des choses dans un second mandat présidentiel aux États-Unis.

La sénatrice Johnson : J'ai une question pour M. Plourde. Bienvenue parmi nous, monsieur le doyen. Je suis contente de vous voir cet après-midi.

Vos observations sur la situation du Mexique ont suscité mon intérêt. Quel est le potentiel d'une collaboration nord- américaine en matière d'énergie et d'efforts trilatéraux pour réduire les émissions de gaz à effet de serre? À quel point est-il important pour le gouvernement mexicain et les Mexicains en général de réduire leurs émissions de GES?

M. Plourde : À court terme, les collaborations entre le Canada et les États-Unis ont beaucoup plus de potentiel. Le Mexique travaille toujours à se doter d'une structure réglementaire. J'ai l'impression qu'il doit se doter d'un régime réglementaire robuste et ouvert à la participation de marché avant de pouvoir devenir un partenaire efficace. Il est important de l'inclure dans les discussions dès maintenant, mais je ne crois pas que le Canada et les États-Unis devraient attendre que ce régime soit en place. Le gouvernement canadien et le gouvernement américain devraient inviter le Mexique à se joindre aux conversations et aux efforts afin que tous soient prêts à s'unir dans un éventuel partenariat continental.

La sénatrice Johnson : Vous avez mentionné que le Mexique avait effectué des réformes radicales de libéralisation. Avez-vous autre chose à dire sur les plus grandes possibilités que cela présente pour l'industrie de l'énergie au Canada?

M. Plourde : Si ces réformes se poursuivent, les plus grandes possibilités seront dans le secteur du gaz naturel. Comme je l'ai dit, il existe un potentiel essentiellement méconnu de production et d'extraction de gaz naturel au Mexique. Il y a beaucoup d'expertise au Canada, et ce serait tout naturel que l'expertise canadienne s'exerce là-bas.

La sénatrice Johnson : Excellent. Merci.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Ma question s'adresse à M. Plourde. Dans le cadre du 70e anniversaire des relations bilatérales entre le Canada et le Mexique, l'Université Carleton, en partenariat avec l'ambassade du Mexique, a tenu, en janvier dernier, un séminaire qui portait sur l'histoire, les défis et les occasions d'affaires entre nos deux pays. Pouvez-vous nous dire quelles ont été les principales conclusions qui sont ressorties à l'issue de cette rencontre et quels sont les éléments les plus pertinents pour la présente étude de notre comité?

M. Plourde : L'ambassadeur mexicain au Canada était présent lors du séminaire, et il a adressé la parole à l'audience présente. Le grand thème qui en est ressorti est le potentiel énorme qui existe du point de vue des relations entre le Canada et le Mexique à un certain niveau, qui est certainement perçu, et on a donné l'impression, lors de cette conférence, que ce potentiel n'avait pas été réalisé entre le Canada et le Mexique à plusieurs niveaux, tant sur le plan des relations intergouvernementales, entre les gouvernements des deux fédérations, que sur le plan des relations d'affaires entre les secteurs industriels des deux pays.

Une certaine frustration a été exprimée du côté mexicain, selon laquelle les gouvernements canadiens, au chapitre fédéral et provincial, n'accordent pas une grande priorité aux relations intergouvernementales avec le Mexique. C'est d'ailleurs un point qui a été soulevé à maintes reprises.

Nous aurions souhaité encourager davantage les échanges commerciaux entre le Mexique et le Canada afin de développer un partenariat trilatéral entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Il semblait y avoir une certaine frustration selon laquelle les industries mexicaines comme les industries canadiennes ne seraient pas particulièrement intéressées par cette question.

Comme l'a mentionné M. Lee, les gouvernements ont un rôle à jouer pour ce qui est de développer de meilleures relations. Ce n'est pas que les relations sont mauvaises, mais il faudrait qu'elles soient plus fructueuses. Le secteur privé a aussi la responsabilité de créer et de mettre à profit des occasions d'affaires.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Durant ce séminaire, la présidente du Conseil international du Canada, Mme Jennifer Jeffs, a souligné la puissance du Mexique, sa classe moyenne émergente et comment le Canada, comme le reste du monde, doit y être attentif. Elle a dit, et je cite : « Le Mexique est une puissance émergente à regarder et il y a des histoires à raconter au Canada que nous n'entendons pas. » Et elle ajoute : « Tout revient à apprendre à se connaître les uns les autres. » Selon elle, « l'éducation est fondamentale. »

À votre avis, est-ce qu'il y a des avenues qui n'ont pas été explorées jusqu'à présent et qui favoriseraient une meilleure compréhension mutuelle et qui contribueraient à briser les barrières culturelles?

M. Plourde : En tant que doyen d'université, je vais tenter, d'une certaine façon, de vous vendre ma salade. Il y a certainement des occasions de coopération au chapitre des échanges, tant au niveau universitaire et collégial que secondaire. On a encore beaucoup de travail à accomplir. Il y a sans doute des organismes mexicains qui préconisent ce type d'échanges, mais nous n'avons pas su nous intégrer à ces programmes qui existent au Mexique. C'est le rôle des collèges et des universités de s'intéresser à cette réalité.

Il y a eu aussi beaucoup plus d'échanges, notamment des projets de recherche qui ont été conçus en commun. Les organismes gouvernementaux doivent s'intéresser à cette réalité et investir dans les échanges. À titre d'exemple, dans mon université, nous avons mis en place un projet de chaire afin d'accueillir un académicien du Mexique à Carleton pour qu'il enseigne et partage ses connaissances avec nos étudiants ainsi qu'avec nos professeurs. Nous aimerions que ce projet se concrétise et qu'il soit appuyé tant par le gouvernement du Canada que par celui du Mexique.

Le sénateur Dawson : J'ai deux questions à poser. La première porte sur la nature des relations trilatérales dont vous avez parlé. Un témoin, qui enseigne la trigonométrie, nous a dit que les trois côtés d'un triangle n'ont pas nécessairement les mêmes valeurs. Et que les relations entre le Canada, le Mexique et les États-Unis ne se maintiennent pas selon un équilibre normal. Nous avons des relations avec les États-Unis, les États-Unis ont des relations avec le Mexique, et, depuis 60 ans, nous avons des relations avec le Mexique. Mais, le triangle n'a plus la même importance qu'il y a 20 ans. Nous avions créé un comité sur l'Amérique du Nord au sein duquel les trois parties disposaient d'un secrétariat qui était actif avant l'entrée en vigueur de l'entente de Kyoto. En raison de l'environnement nord-sud entre les États-Unis et le Mexique, tous les trois ont subi les effets néfastes de nos voisins sur le plan environnemental.

Je reviens à la question du triangle, à savoir qu'il n'est pas égal. Aurions-nous dû continuer d'entretenir nos relations bilatérales avec le Mexique au même niveau qu'auparavant plutôt que de nous concentrer sur l'aspect trilatéral?

M. Plourde : Si vous posiez cette question à un expert aux États-Unis, il dirait que la relation trilatérale est relativement faible entre les trois pays. Ce qu'on constate, c'est qu'il y a deux ensembles de relations bilatérales : une entre le Canada et les États-Unis, une entre le Mexique et les États-Unis, et des relations encore moins intégrées entre le Canada et le Mexique. Fondamentalement, nous nous sommes dotés de certains organismes qui facilitent les relations trilatérales, et nous n'avons pas imaginé ce qui ressortirait de ces relations. Encore une fois, les trois gouvernements devraient travailler ensemble. Comment pouvons-nous élargir ces relations et collaborer plus étroitement?

C'est un grand projet nord-américain sur lequel les trois gouvernements pourraient travailler ensemble. Cela pourrait certainement faire revivre les relations sur le plan environnemental.

Je crois que nos relations avec le Mexique sont correctes. Toutefois, les frustrations qui ont été exprimées par les représentants du gouvernement du Mexique, lors de la conférence que la sénatrice Fortin-Duplessis a mentionnée, laissaient entendre que les relations bilatérales et les relations trilatérales avec le Canada devraient devenir beaucoup plus proches.

[Traduction]

Le sénateur Dawson : Vous comparaissez tous deux au tout début de notre étude. Nous essayons souvent de faire en sorte que les premières recommandations de nos témoins donnent le ton à nos études. Quelles devraient être d'après vous les priorités du Comité des affaires étrangères au cours des semaines et des mois à venir pour actualiser les relations trilatérales et évidemment bilatérales du Canada? En tant que professeur, quel sujet d'étude cibleriez-vous?

Monsieur Lee, il semble bien qu'on vous renvoie la balle.

M. Lee : Je vous remercie de cette question, sénateur. Absolument, je pense que la relation entre le Canada et le Mexique a beaucoup de potentiel. C'est sans aucun doute la composante la moins développée de notre relation trilatérale. De toute évidence, la question des visas, que d'autres témoins ont mentionnée avant moi, est importante. Ce n'est pas bien vu au Mexique, mais c'est un enjeu concret auquel vous pourriez travailler avec le Mexique. Je suis persuadé que vous allez trouver une solution.

Les échanges étudiants entre les trois pays sont minimes. Il y a là une énorme occasion à saisir. Par exemple, les États-Unis n'envoient que quelque 4 000 étudiants au Mexique chaque année. Il n'y a qu'environ 14 000 étudiants mexicains dans les universités américaines chaque année. Il y a 3 500 collèges et universités aux États-Unis : ce sont des chiffres médiocres.

Les chiffres sont tout aussi faibles pour les échanges étudiants entre le Canada et les États-Unis. La question des visas, les échanges étudiants et je dirais la coopération en matière énergétique vont vraiment contribuer à lier ces trois économies. Je pense qu'il est grand temps de parler de la CCE et du rôle accru qu'elle pourrait jouer au moment même où l'industrie pétrolière et gazière du Mexique est en transformation profonde, particulièrement dans le nord-est du pays, dans l'État de Tamaulipas et dans le golfe du Mexique. Ce sont les trois possibilités que je vois : les visas, les échanges étudiants et la coopération en matière d'énergie et de développement durable.

M. Plourde : Je ne serais certainement pas contre et j'irais même probablement plus loin. Ne sous-estimez pas l'importance de l'élaboration d'un cadre réglementaire au Mexique, particulièrement dans les domaines de l'énergie et de l'environnement. C'est un autre domaine où l'on tirerait beaucoup d'avantages à long terme d'une collaboration accrue ou même du simple fait que les grands organismes de réglementation fédéraux se parlent. Les entreprises canadiennes, les Canadiens en général et le gouvernement canadien comprendraient bien mieux le système qui émerge au Mexique et donneraient aux autorités mexicaines l'occasion de tirer parti du savoir qui existe déjà au Canada dans le domaine.

Le sénateur D. Smith : Ma question s'adresse aux deux témoins. Le sujet que je veux aborder n'est pas le plus populaire, mais la question me semble nécessaire : y a-t-il du progrès dans la lutte contre le crime organisé, les gangs et les bandits qui semblent dominants dans certaines régions? J'ai lu d'innombrables histoires de patrons et d'assassinats qui me rappellent presque l'époque d'Al Capone. Je pense qu'il y a des Canadiens qui ont l'impression qu'il y a peut- être une différence entre notre société et la société mexicaine pour ce qui est du respect de la primauté du droit. Ce genre de problème ne se résout jamais du jour au lendemain. Ma question est la suivante : y a-t-il des progrès significatifs à cet égard? Elle s'adresse aux deux témoins.

M. Plourde : Je vous remercie de cette question. Je vous prie de comprendre que je respecte votre question, mais que je n'ai pas de réponse à vous donner. Ma connaissance en la matière se limite à ce que je lis dans les journaux. Je m'excuse. Je n'ai vraiment rien à apporter ici.

Le sénateur D. Smith : Vous avez vous aussi lu ce genre d'histoire.

Le président : Monsieur Lee?

M. Lee : Sénateur, je vous remercie beaucoup de cette question. Je pense qu'elle est absolument excellente. Cela a toujours été un énorme défi dans l'histoire du Mexique et c'en est toujours un.

Le développement de la primauté du droit au Mexique est un travail de longue haleine. Je ne voudrais pas donner l'impression que tout est réglé.

Il y a beaucoup de coopération entre les États-Unis et le Mexique en la matière. Le Mexique est en train de changer son régime judiciaire afin de se convertir au système de plaidoiries, qui permet de contre-interroger les témoins et d'examiner la preuve. C'est une immense avancée, mais il faudra du temps avant qu'elle ne se concrétise. Le Mexique n'arrivera probablement pas à être prêt comme prévu d'ici quelques années. Je pense qu'il lui faudra jusqu'en 2020 pour convertir son régime judiciaire au système de plaidoiries. Le Congrès du Mexique a déjà adopté la réforme il y a plusieurs années.

Pour ce qui est du renforcement de sa capacité d'application de la loi, je crois que la police fédérale et les organismes fédéraux d'application de la loi au Mexique sont de loin les mieux placés pour réagir aux diverses menaces qui s'observent au Mexique. La situation semble plus chaotique dans les États ou les services locaux du Mexique. Le gouvernement mexicain est très centralisé. L'argent vient du gouvernement central, qui le distribue aux États et aux municipalités. L'échelon local est sans équivoque le talon d'Achille de tout le système.

À l'échelle fédérale, l'érection d'un meilleur système judiciaire progresse; il y a également des progrès au chapitre de l'application de la loi. Le Mexique continue par ailleurs d'essayer de transformer les régimes des États et des municipalités. Les États-Unis se réservent des fonds pour financer ce genre de projets dans le cadre de l'Initiative Merida. Je ne crois pas que cet argent suffise, mais les États-Unis y travaillent depuis plusieurs années avec le Mexique. Comme je l'ai déjà dit, sénateur, la marche est haute.

Le sénateur D. Smith : C'est un sujet difficile, mais qu'il faut soulever.

La présidente : J'aimerais avoir une précision ou une explication de M. Plourde. Vous avez dit que nous devons accroître notre présence dans le secteur de l'énergie au Mexique et qu'il y a là de belles occasions à dont il faut profiter, mais qu'en même temps, il faut faire attention parce qu'il pourrait nous faire concurrence dans les marchés où nous sommes présents.

On parle de plus en plus de liens. Il faut faire partie de la chaîne. Quelqu'un produit quelque chose; il se joint à une autre personne qui la vend ailleurs. Ce n'est pas différent pour l'énergie. Nous avons des exemples de coopération entre les États-Unis et le Canada, mais de plus en plus, lorsque je regarde le marché albertain, nous approvisionnons certaines des plus grandes sociétés des États-Unis, entre autres.

C'est une question plutôt philosophique. On semble toujours dire que si nous partageons notre technologie de l'information, nous allons nous retrouver avec des concurrents. Cependant, je pense qu'il y a une école de pensée selon laquelle si nous partageons nos connaissances et unissons nos forces, nous serons tous deux gagnants dans les nouveaux marchés, les marchés émergents, entre autres. Cela m'a donc rendue un peu perplexe de vous entendre nous mettre en garde contre la concurrence. Comment pouvons-nous devenir des collaborateurs plutôt que des concurrents pour avoir accès à une plus grande part du gâteau?

M. Plourde : Il y a des gens qui vont craindre que nous devenions des concurrents, c'est sûr. De mon point de vue, c'est inhérent à l'économie de marché. Le secteur privé, l'industrie pétrolière et gazière des trois pays vont trouver une façon de coopérer, de se partager l'espace, de trouver de nouveaux marchés si c'est un problème. Je ne crois pas que le gouvernement ait à intervenir ici pour établir des limites artificielles. Les gouvernements vont subir toutes sortes de pression s'ils le font. Il ne fait aucun doute à mon esprit que cela va arriver.

Ce n'est pas son rôle, à mon avis. Je pense que les Canadiens et les gouvernements au Canada doivent y voir une occasion d'accroissement du commerce et de progrès dans la cogestion environnementale à l'échelle du continent. Je pense que c'est sous cet angle qu'il faut voir la chose et que c'est l'éclairage qu'il faut apporter aux discussions.

La présidente : Monsieur Lee, avez-vous quelque chose à ajouter sur l'expansion des marchés et la concurrence ou la coopération qui peut en découler?

M. Lee : Je pense que la situation a été très bien résumée, je vous remercie.

La sénatrice Johnson : Monsieur Lee, j'ai écouté avec intérêt les chiffres que vous avez donnés sur les étudiants au Mexique et aux États-Unis. Votre partenariat de recherche a-t-il étudié plus en profondeur les raisons qui expliquent ces chiffres en ce moment?

M. Lee : C'est une excellente question : pourquoi en est-ce ainsi? Pour les universités américaines, je crois que le Mexique, l'Amérique latine ou même les Amériques en général n'ont jamais été une priorité. Une grande partie des travaux des universitaires américains se concentre depuis toujours sur l'Europe ou même l'Asie, et les Amériques sont un peu négligées dans les universités américaines. C'est très malheureux.

Madame, je ne sais pas si vous connaissez bien les universités américaines, mais ce sont d'énormes institutions. Le réseau de l'Université de la Californie a un budget supérieur à celui de bien des États américains, il s'agit donc de bureaucraties gigantesques qui, malheureusement, ne sont pas très bien internationalisées, un terme qu'on entend parfois dans le milieu universitaire américain. Il y a donc beaucoup à faire.

De plus, je vis dans la région frontalière entre les États-Unis et le Mexique, et le département d'État américain publie périodiquement des avertissements sur les voyages au Mexique. Ces messages sont très ciblés : « N'empruntez pas telle autoroute la nuit » ou « Cet État n'est vraiment pas recommandé, mais celui-là est très sécuritaire ». Cela refroidit les échanges de part et d'autre entre les États-Unis et le Mexique et probablement aussi dans une certaine mesure entre le Canada et le Mexique.

La sénatrice Johnson : Je comprends ce que vous voulez dire : mon fils a étudié à Stanford, donc je vous assure que je connais un peu les institutions américaines. C'est probablement négatif pour le Mexique, même dans le processus de demande. À la lumière de nos propres travaux et de toutes les études réalisées aux Affaires étrangères, nous savons tous que dès qu'il est question des jeunes et de l'éducation, du savoir et de la compréhension culturelle mutuelle, c'est l'un des facteurs qu'on aime analyser, parce qu'il reflète ce qui se passe dans la société et chez nos jeunes. Merci.

Le sénateur Oh : Ma question s'adresse aux deux témoins. Que le gouvernement canadien devrait-il faire pour aider les entreprises canadiennes à avoir davantage accès aux marchés américains et mexicains?

M. Lee : Je vais me lancer. Dans mon exposé, j'ai souligné que le plan de réduction du déficit s'était fait ressentir, particulièrement ici, en Arizona. Les bureaux de Tucson et de Phoenix du consulat de L.A. ont été fermés, de sorte que le personnel du consulat de L.A., qui en avait déjà plein les bras avec ses propres dossiers, a dû en absorber beaucoup plus. Le Canada doit donc envisager d'augmenter le nombre de délégués commerciaux et d'experts du commerce canadiens sur le terrain aux États-Unis et au Mexique.

J'aimerais vanter un peu la région frontalière entre les États-Unis et le Mexique, particulièrement du côté nord. Les États de la Californie, du Nouveau-Mexique, de l'Arizona et du Texas surveillent activement le marché mexicain et seraient un excellent point d'entrée pour les entreprises canadiennes qui veulent faire de la production au Mexique ou peut-être même avoir des activités sur le terrain dans ces États, pour la R-D, les ventes, ce genre de choses.

Je vous conseille d'examiner le modèle du Canada Arizona Business Council. Il me semble très efficace à l'échelle locale. Glenn Williamson serait ravi de vous parler de tout ce qu'il fait. Le nombre de vols du Canada à destination de Phoenix dépasse largement la centaine chaque semaine, un changement remarquable qui s'est opéré depuis quelques années. Nous nous battons toujours pour qu'il y ait un nombre comparable de vols en provenance du Mexique, croyez- le ou non. Il est presque plus facile de se rendre au Canada à partir de Phoenix que de s'y rendre à partir du Mexique.

Vous pourriez donc envisager d'envoyer un plus grand nombre de délégués canadiens sur le terrain et examiner le modèle du Canada Arizona Business Council.

M. Plourde : J'aimerais ajouter quelque chose. Dans les relations de gouvernement à gouvernement entre le Canada et les États-Unis, il est important de favoriser les échanges entre les gouvernements provinciaux et les gouvernements d'États américains. On met beaucoup l'accent sur les relations entre les gouvernements fédéraux, mais il faut vraiment que les provinces et les États se parlent. Ils le font de plus en plus, mais le gouvernement fédéral pourrait favoriser la chose.

De même, on met beaucoup l'accent sur les relations de très haut niveau : entre le cabinet du premier ministre et la Maison-Blanche aux États-Unis. On oublie parfois de porter attention à la Chambre des représentants et au Sénat des États-Unis. Il serait très avantageux pour la politique canadienne et pour les entreprises canadiennes que le gouvernement canadien prête plus attention aux besoins et aux priorités de la chambre et des États américains.

Pour le Mexique, l'approche est différente. Pendant que vous parliez, j'ai écrit un premier mot : continuité. Si nous jugeons que c'est important aujourd'hui, nous devrions juger que c'est important dans un an et dans cinq ans. Nous semblons enchaîner les faux départs : l'idée nous plaît, nous nous arrêtons. Nous avançons un peu, nous nous arrêtons. Nous ne faisons plus rien. Bref, la continuité de l'engagement entre les gouvernements serait importante : il faut que les efforts déployés pour améliorer la relation soient soutenus pour générer un résultat à long terme.

L'autre chose — je pense que M. Lee l'a mentionnée — c'est que les entreprises canadiennes ont besoin d'un plus grand appui au Mexique, d'un plus grand appui culturel et d'une meilleure compréhension du climat d'affaires qui règne au Mexique. Les activités consulaires des représentants canadiens au Mexique devraient donc être la meilleure source d'information de ce type. Notre pays devrait investir en ce sens en toute priorité.

La présidente : Une dernière question pour M. Lee. Vous avez mentionné qu'il serait important d'avoir un plus grand nombre de sections commerciales. Certaines sections commerciales des États-Unis ont été fermées, pour de multiples raisons, dont la nécessité de réduire nos coûts, mais aussi d'accroître l'efficacité des bureaux.

Lorsqu'on ouvre une section commerciale canadienne, il faut y représenter les intérêts de tout le Canada. La difficulté, c'est que certaines des relations les plus uniques qui s'établissaient venaient des provinces, et les provinces tissaient leurs propres liens avec les États-Unis.

Que nous conseilleriez-vous, si nous devions recommander la réouverture de bureaux? De quel genre de stratégie aurions-nous besoin, d'après vous, avant de recommander la réouverture d'une section commerciale?

L'ancien style a ses limites dans ce contexte trilatéral, si nous en ouvrons aux États-Unis, disons à Phoenix.

M. Lee : Le rôle des États-Unis, la caractéristique des États-Unis dans la répartition des pouvoirs et la séparation des pouvoirs, dans la force des gouvernements d'État et municipaux est clairement une caractéristique définitoire.

M. Plourde a soulevé un excellent point : les relations entre les provinces et les États sont très importantes. Je crois que vous faites valoir le même point de vue, madame la sénatrice. Il y a un bon modèle dont nous pourrions nous inspirer, celui du Council of State Governments—West, à Sacramento. Il est en train de développer un ensemble de programmes très intéressants avec la Colombie-Britannique et l'Alberta.

Le rôle que jouent les maires aux États-Unis est plus important que jamais dans l'histoire. Les entreprises doivent nécessairement s'établir quelque part, et les maires sont vraiment en première ligne pour tenter de les attirer, il faut donc nous concentrer sur les relations entre les États et les provinces et le rôle que jouent les maires dans les administrations municipales.

La présidente : Comme nous l'avons souligné, c'est le début de notre étude, et vous nous avez présenté des perspectives et des arguments que nous n'avions pas encore entendus. Vos témoignages sont appréciés, et nous espérons qu'une partie de vos propos se retrouveront dans notre rapport.

Je vous remercie infiniment du dialogue que nous avons eu aujourd'hui.

(La séance est levée.)


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