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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 9 - Témoignages du 10 avril 2014


OTTAWA, le jeudi 10 avril 2014

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 2, pour étudier l'importance des abeilles et de leur santé dans la production de miel, d'aliment et de graines au Canada.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Avant de vous présenter nos témoins, j'aimerais demander à tous les sénateurs de se présenter. Je m'appelle Percy Mockler, et je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et le président du comité. Je demande maintenant aux sénateurs de se présenter. C'est le vice-président qui commence.

Le sénateur Mercer : Sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Sénateur Fernand Robichaud, Saint-Louis-de-Kent, de la province du Nouveau-Brunswick. Bonjour.

La sénatrice Tardif : Bonjour, Claudette Tardif, de la province de l'Alberta.

Le sénateur Maltais : Bonjour, sénateur Ghislain Maltais, du Québec.

Le sénateur McIntyre : Sénateur Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Dagenais : Bonjour, sénateur Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Sénateur Victor Oh, de l'Ontario.

La sénatrice Buth : JoAnne Buth, du Manitoba.

La sénatrice Eaton : Bonjour. Nicky Eaton, de l'Ontario.

Le président : Bonjour aux témoins. Et bon après-midi à vous.

Le comité continue son étude sur l'importance des abeilles et de leur santé dans la production de miel, d'aliments et de graines au Canada. Plus particulièrement, le comité est autorisé à étudier les éléments suivants : l'importance des abeilles dans la pollinisation pour la production d'aliments au Canada, notamment des fruits et des légumes, des graines pour 1'agriculture et du miel; l'état actuel des pollinisateurs, des mégachiles et des abeilles domestiques indigènes au Canada;

[Français]

les facteurs qui influencent la santé des abeilles domestiques, y compris les maladies, les parasites et les pesticides, au Canada et dans le monde, en général;

[Traduction]

Également, les stratégies que peuvent adopter les gouvernements, les producteurs et l'industrie pour assurer la santé des abeilles.

[Français]

Au nom du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, nous désirons remercier les témoins d'avoir accepté notre invitation afin qu'ils puissent partager avec nous leurs opinions, leurs commentaires et leur vision.

[Traduction]

Honorables sénateurs, nous recevons aujourd'hui deux représentants de l'Autorité européenne de sécurité des aliments : le chef de l'Unité des pesticides, M. José V. Tarazona, qui est en Belgique; et l'agente scientifique, Mme Agnes Rortais, qui est en Italie. J'invite maintenant les témoins à présenter leur exposé. Les sénateurs leur poseront des questions par la suite. On me dit que c'est Mme Rortais qui commence. La parole est à vous.

Agnes Rortais, agente scientifique, Autorité européenne de sécurité des aliments : Je vais vous parler des travaux qu'effectue notre organisme sur l'élaboration d'une évaluation des risques environnementaux pour les abeilles.

Comme vous le savez peut-être déjà, les abeilles sont exposées à divers facteurs de stress : des facteurs physiques, chimiques, biologiques et alimentaires. Plutôt que de les examiner séparément, il nous fallait élaborer une évaluation des risques environnementaux qui tient compte de tous les facteurs de stress. L'Autorité européenne de sécurité des aliments se penche sur plusieurs d'entre eux. Elle comprend des unités qui couvrent différents domaines : santé des animaux et des plantes, OGM, pesticides. Elle compte également une unité d'assistance méthodologique à l'évaluation. C'était donc une excellente occasion pour nous de faire des travaux multidisciplinaires et d'étudier toutes les répercussions sur la santé des abeilles.

Les travaux ont commencé en 2012, et nous avons dû d'abord faire un inventaire de toutes nos activités du secteur de la santé des abeilles. Nous avons également mené plusieurs consultations avec des États membres et les différents intervenants — les scientifiques — pour recueillir des données probantes et réaliser des projets de recherche. À partir de la réalisation de ces projets de recherche, nous avons constaté qu'il y avait des lacunes au chapitre des connaissances, et il s'agissait de faire des recommandations pour la recherche et le développement. C'est ce que je vais vous présenter aujourd'hui : un résumé de toutes ces activités.

L'Autorité européenne de sécurité des aliments a commencé ses travaux sur la santé des abeilles en 2008, et la charge de travail n'a pas cessé d'augmenter, surtout en 2013. C'est lié aux néonicotinoïdes, en ce sens que nous avons dû faire d'autres évaluations des risques. José en parlera tout à l'heure. En date de janvier 2014, nous avons publié 16 rapports, et nous sommes en train de faire une synthèse systématique sur les néonicotinoïdes et l'élaboration de modèles pour l'évaluation des risques que représentent les mélanges de produits chimiques pour les abeilles.

Jusqu'à maintenant, nous avons examiné tous les projets auxquels nous travaillons, et ils portent surtout sur l'évaluation des risques que posent les produits de protection des plantes. C'est un domaine auquel nous travaillons beaucoup. Toutefois, nous ne nous sommes pas autant penchés sur les pathogènes, les organismes nuisibles et les services de pollinisation.

En ce qui concerne les travaux effectués par la Commission européenne, et les États membres, il s'agit de projets de recherche. Nous avons recueilli environ 200 projets, et 20 proviennent de la Commission européenne, mais surtout de la DG Recherche, et les autres proviennent des États membres. Je dois dire que cela se fait depuis deux, trois et même cinq ans et que la plupart des projets sont encore en cours et ne sont donc pas encore terminés.

Nous avons également réuni d'autres projets à titre d'information. Ils proviennent du PNUE, de l'OEPP, de la FAO et de l'OCDE, mais également d'organisations sœurs, comme l'Agence européenne pour l'environnement et l'Agence européenne des médicaments. À partir de ces projets de recherche européens, nous avons constaté que la plupart d'entre eux portent sur les abeilles domestiques et que nous n'avons donc pas suffisamment d'information sur les abeilles sauvages. Nous devons toutefois être prudents en disant cela. Il s'agit surtout des États membres, car si nous examinons les projets financés par la Commission européenne, de très grands projets sur les abeilles sauvages sont en cours.

Il nous manquait des études sur la surveillance et les essais, et également des données de recherche sur les traitements pour application dans les ruches; il s'agit de produits vétérinaires pour les abeilles domestiques. Il a été intéressant de constater que la Commission européenne n'a pas étudié l'exposition des abeilles aux produits de protection des plantes autant que nous, et que du côté des États membres, il manquait les domaines de la diversité et de la pollinisation.

En général, comme je l'ai dit, il est important d'examiner les interactions et d'avoir une vue d'ensemble des différents facteurs de stress. Il manquait généralement cet élément dans les projets de recherche, c'est-à-dire l'examen des divers facteurs de stress.

À partir de cette étude, nous avons fait un grand nombre de recommandations pour Horizon 2020, le cadre européen pour la recherche, sur le plan de la surveillance et de l'élaboration de méthodes d'essai. Nous avons besoin d'outils calibrés, de méthodes utilisées sur le terrain et de recherche appliquée pour établir les protocoles visant à avoir des données plus précises sur la mortalité. Il nous faut également des données de recherche sur les résidus chimiques, notamment les métabolites, qui sont présents sur les matrices afin d'en savoir davantage sur l'exposition des abeilles à ces résidus. Il nous faut élaborer des techniques d'analyse multirésidus avec une faible limite de détection et de quantification. Nous avons besoin d'obtenir des données sur l'alimentation des abeilles et sur les expositions multiples à des substances toxiques, et également d'élaborer des techniques de modélisation afin d'avoir une meilleure approche sur l'évaluation des risques de divers facteurs de stress. Il semble qu'il reste encore beaucoup de recherches à faire non seulement pour mieux évaluer les risques auxquels sont exposées les abeilles, mais aussi pour peaufiner notre évaluation. M. Tarazona vous en dira peut-être plus à ce sujet.

Pour ce qui est des recommandations sur la coordination, la diffusion des connaissances et la collaboration, à notre avis, il serait utile de concevoir une base de données à libre accès servant à la conservation de données de recherche et de méthodes pour l'évaluation des risques, et pas seulement pour un facteur de stress, mais pour divers facteurs de stress. Bien entendu, cela favorisera une plus grande visibilité et un accès plus rapide aux réalisations scientifiques et permettra d'éviter les répétitions inutiles dans la recherche. Nous devons renforcer la surveillance et la collecte de données sur les divers facteurs de stress plutôt que sur un seul facteur de stress. C'est probablement un volet auquel travailleront l'AESA et le Laboratoire de référence européen, qui est en train de faire une étude sur les colonies d'abeilles domestiques en Europe. Il nous faut également renforcer notre collaboration avec les États membres, la Commission européenne, ainsi qu'à l'échelle internationale.

J'ai terminé mon exposé. Je vous remercie beaucoup de votre attention. Merci de m'avoir invitée à comparaître. Je vais maintenant céder la parole à José, à moins que vous ayez des questions à me poser.

Le président : Merci beaucoup. Nous allons maintenant demander à M. Tarazona de faire son exposé, et nous passerons aux questions par la suite.

José V. Tarazona, chef de l'Unité des pesticides, Autorité européenne de sécurité des aliments : Bonjour. Je vais parler en anglais moi aussi. Je veux tout d'abord vous remercier de prendre le point de vue de l'Autorité européenne de sécurité des aliments en considération dans le cadre de votre étude. Nous sommes vraiment ravis de contribuer aux travaux que nous faisons. Comme on l'a déjà indiqué, je vais parler des activités liées à l'évaluation des risques que posent les pesticides.

Je veux vous parler de deux éléments principaux : premièrement, la mise à jour de la méthode d'évaluation des risques; deuxièmement, les activités portant sur les pesticides et les substances actives, en particulier les néonicotinoïdes, mais également les insecticides, comme le fipronil.

Je vais commencer par vous parler de la mise à jour de la méthode d'évaluation des risques. Il est important de mentionner qu'à cet égard, il y a eu énormément de réalisations scientifiques au cours des dernières années, et par conséquent, l'AESA, en collaboration avec la commission, a tenu compte de la nécessité de mettre à jour le protocole qui est utilisé actuellement pour évaluer les risques pour les abeilles, ce qui demande beaucoup de travail de la part du groupe scientifique qui participe à l'évaluation des pesticides, soit le groupe sur les produits de protection des plantes et leurs résidus de l'AESA. Un très grand nombre de travaux ont été effectués en 2011. En mai 2012, le groupe a publié l'avis des scientifiques sur la méthode à adopter pour évaluer les risques pour les abeilles.

L'un des éléments importants que l'avis incluait, c'est l'idée d'inclure d'autres effets que ne couvrait pas le règlement de l'Union européenne, en particulier les effets sublétaux et les effets chroniques.

Après que le groupe a adopté l'avis scientifique, l'AESA a élaboré un guide qui est utilisé dans le cadre de l'évaluation des risques posés par les substances actives qui composent les pesticides. En Europe, le système d'approbation des pesticides, tant pour les nouvelles substances qui ne sont pas sur le marché que pour le renouvellement des produits autorisés, comprenait une évaluation globale, à l'échelle de l'Union européenne, de la substance active et une évaluation du produit de protection des plantes destiné à la vente. Ce sont les États membres qui effectuent la deuxième évaluation.

Le guide de l'AESA couvrait l'évaluation des risques des substances actives. Il a été publié en 2013, et à la suite de certaines discussions, en raison de la complexité des renseignements scientifiques contenus dans le guide, nous sommes en train d'apporter des modifications pour en améliorer la clarté quant à la façon dont s'appliquent différents volets et différentes propositions. Nous sommes également en train d'élaborer un outil de TI — un outil de calcul spécial — qui permettra à l'industrie et aux États membres d'utiliser plus facilement le guide. Nous prévoyons publier le guide modifié en juin prochain.

En ce qui concerne les activités portant sur les substances, le règlement européen, en particulier l'article 21 du règlement no 1107/2009, inclut la possibilité d'évaluer l'approbation des substances actives sur la base des nouvelles connaissances scientifiques et techniques, ainsi que des données de surveillance.

L'article s'applique aux néonicotinoïdes et au fipronil. L'Union européenne a approuvé l'utilisation des néonicotinoïdes entre 2006 et 2009, et après son approbation, plusieurs études et recherches ont suscité des préoccupations et de la controverse concernant les risques. Par conséquent, la commission a confié plusieurs mandats à l'AESA — des mandats d'évaluation de certaines des études en question —, en particulier, une étude sur les effets sublétaux des néonicotinoïdes sur les abeilles, qui a été publiée en 2012, un projet italien sur les abeilles domestiques et un projet du Royaume-Uni sur les bourdons. Tous les renseignements sur ces évaluations ont été publiés par l'AESA.

Après que des préoccupations ont été soulevées, en 2012, la commission a donné à l'AESA le mandat d'évaluer certaines substances actives. Au départ, l'évaluation devait porter sur cinq néonicotinoïdes, mais en fonction de l'information accessible, elle a été limitée à trois : l'imidaclopride, la clothianidine et le thiaméthoxame. Par la suite, nous avons reçu un deuxième mandat consistant à examiner un insecticide qui ne fait pas partie des néonicotinoïdes : le fipronil. Il s'agissait de se pencher sur l'utilisation de traitement de semences sous forme de granules. On nous a demandé de réviser l'évaluation des risques qui a été utilisée pour l'autorisation des substances en Europe, surtout des risques sérieux et chroniques pour la survie et le développement des colonies, dont le comportement des abeilles et les effets sublétaux; et de nous concentrer sur certaines voies d'exposition, en particulier la poussière, les résidus dans le pollen et le nectar et la guttation.

Les demandes de la commission étaient fondées sur l'avis du groupe dont j'ai parlé tout à l'heure, et qui a été publié en mai 2012, et, en se basant sur ces renseignements, l'AESA a effectué une évaluation de tous les renseignements disponibles et a publié les conclusions sur les quatre substances en 2013.

Il est important de mentionner que les conclusions sont des conclusions pour l'évaluation des risques pour l'approbation des substances. Ainsi, le mandat ne consiste pas à trouver un lien précis avec la situation actuelle. Cela fait partie de ce que nous appelons une évaluation prédictive des risques, c'est-à-dire, l'obligation pour l'industrie de prouver qu'il est sécuritaire d'utiliser les produits avant d'autoriser leur entrée sur le marché. L'AESA a signalé plusieurs risques, surtout des risques sérieux, pour différentes cultures et également beaucoup de données inadéquates et des questions en suspens parce que l'information qui était accessible ne suffisait pas à prouver que l'utilisation des substances en question était acceptable.

En fonction des conclusions de l'AESA, la commission a décidé d'interdire plusieurs utilisations des quatre substances par l'adoption de règlements qui ont été publiés en 2013. Nous nous penchons actuellement sur d'autres aspects.

Premièrement, en juin 2013, dans le cadre de la diffusion des règlements visant à interdire plusieurs utilisations, nous avons reçu le mandat d'examiner l'évaluation des risques que pose la pulvérisation foliaire. Cela ne faisait pas partie de notre mandat en 2012, et il s'agit donc d'un nouveau mandat auquel nous travaillons maintenant, et nous avons jusqu'en octobre 2014 pour terminer nos travaux. De plus, afin d'avoir un examen des utilisations qui sont toujours approuvées en Europe, on a demandé aux entreprises de fournir des renseignements supplémentaires deux après l'adoption des règlements; la commission évaluera l'information et aura peut-être besoin de l'aide de l'AESA.

En collaboration et en consultation avec la commission, et après la demande de l'industrie, nous avons reçu un autre mandat en février 2014. Il s'agit d'une évaluation par les pairs sur les protocoles d'étude que l'industrie veut utiliser, et c'est cette année. La réalisation de cette activité s'explique par l'absence de lignes directrices, à l'OCDE ou à l'échelle internationale, surtout pour les études sur le terrain et certaines études portant sur les abeilles domestiques, mais surtout sur les bourdons et les abeilles solitaires. Nous offrons à l'industrie la possibilité d'avoir un examen des protocoles d'étude afin de faire en sorte que l'étude conviendra à l'enregistrement européen une fois qu'elle aura été menée.

De plus, d'ici l'an prochain, nous nous attendons à recevoir un autre mandat, qui consistera à examiner les résultats des études en cours.

Enfin, comme on l'a déjà dit, parallèlement, nous faisons une revue de littérature, précisément sur les néonicotinoïdes, qui sera utilisée afin de faire l'examen de l'évaluation des risques des pulvérisations foliaires, mais également pour le prochain mandat que nous nous attendons à recevoir de la commission. Par ailleurs, nous contribuons à l'élaboration des lignes directrices sur les essais, particulièrement à l'OCDE, en essayant de présenter ce que devraient être les éléments principaux, selon les lignes directrices de l'AESA, pour faire en sorte que les protocoles couvrent les éléments que nous avons définis comme essentiels dans le cadre de l'évaluation des risques que posent les pesticides pour les abeilles.

Cela conclut mon exposé. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci aux témoins de leurs exposés.

Le sénateur Mercer : J'ai deux questions brèves. Des témoins précédents ont souligné les différences régionales dans la façon dont les problèmes se manifestent chez les abeilles au Canada. Par exemple, la population d'abeilles domestiques ne décline pas dans certaines régions, et les effets des néonicotinoïdes sur la santé des abeilles varient d'une province à l'autre. Jusqu'à quel point la santé des pollinisateurs diffère-t-elle entre les États membres de l'UE, et comment les organismes de réglementation de l'UE gèrent-ils ces différences entre les États membres?

Mme Rortais : Je peux peut-être répondre. En Europe, la Commission européenne a mis sur pied le laboratoire européen de référence pour la santé des abeilles, qui reçoit environ 3 millions d'euros pour surveiller les pertes dans les colonies d'abeilles domestiques en Europe, en collaboration avec les États membres. Les résultats ont été publiés récemment et ont été communiqués lundi dernier à la Commission européenne, qui a organisé une conférence sur la santé des abeilles. Les données montrent des différences dans la mortalité des colonies d'abeilles entre le Nord et le Sud. Il ne s'agit pas de différences régionales comme vous l'avez dit, mais de différences géographiques. Il reste à évaluer les causes.

Nous devons bien sûr réaliser d'autres analyses statistiques des résultats. Le laboratoire européen de référence a aussi diagnostiqué les agents pathogènes des abeilles et a examiné les pratiques agricoles. Bien des facteurs ne sont pas encore pris en compte. Nous pouvons donc vous répondre à certaines questions, mais nous n'avons pas toutes les réponses, car nous devons examiner tout le milieu ambiant.

Les différences géographiques dans la mortalité des abeilles peuvent s'expliquer par l'exposition, la présence de pesticides, les agents pathogènes ou les deux. Parfois, c'est la structure de l'habitat et les ressources qui sont en cause, et cetera. Un certain nombre de facteurs peuvent entrer en ligne de compte, mais nous devons effectuer des tests pour garantir quelles sont les causes.

Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question, mais c'est là où nous en sommes en Europe. José veut peut-être donner des précisions.

M. Tarazona : Pour les pesticides, les trois zones à examiner en Europe sont le Nord, le centre et le Sud. Les différences régionales sont bien sûr très pertinentes, concernant les questions environnementales et l'évaluation de la santé des abeilles. Il existe de grandes différences entre les zones. Il faut parfois tenir compte des besoins précis liés à diverses cultures dans une même zone. Il y a bien sûr une grande variabilité écologique en Europe.

Le sénateur Mercer : Bien des témoins nous ont parlé de l'importation d'abeilles. Au Canada, la réglementation actuelle interdit l'importation d'abeilles domestiques des États-Unis, sauf Hawaii. Les défenseurs de l'interdiction affirment que l'importation de produits apicoles pourrait favoriser la propagation de certaines maladies et de certains parasites.

Dans quelle mesure les États membres de l'UE importent-ils des abeilles, et d'où proviennent les importations? Quelle est la réglementation de l'UE là-dessus? Les États membres font-ils le commerce des abeilles entre eux? Quels seraient les effets potentiels sur la santé des abeilles?

Mme Rortais : Ce n'est pas ma spécialité. L'Autorité européenne de sécurité des aliments ne réglemente pas le commerce des abeilles, mais nous avons évalué dernièrement le risque d'entrée en Europe de deux parasites de l'abeille, le petit coléoptère des ruches et le coléoptère Tropilaelaps, à cause du commerce ou d'autres facteurs. Nous avons mis l'accent sur le besoin de renforcer la formation des inspecteurs à la frontière et le contrôle des abeilles importées.

Vous avez demandé un chiffre, mais je n'en ai pas. Je pourrai vous envoyer cette information, mais je dois d'abord faire des vérifications. Je ne peux pas vous donner de chiffre précis.

Le sénateur Mercer : Nous vous serions reconnaissants de nous transmettre cette information, merci.

Le président : Monsieur Tarazona, avez-vous un commentaire?

M. Tarazona : Non, ce n'est pas ma spécialité. Je suis désolé.

La sénatrice Buth : Merci de prendre le temps de témoigner devant le comité aujourd'hui.

Monsieur Tarazona, je connais bien le processus réglementaire pour approuver les cultures GM. Pouvez-vous expliquer si le même processus s'applique aux pesticides et demande à l'EFSA de soumettre un avis scientifique à la Commission européenne, composée des États membres, qui décide si un produit sera commercialisé?

M. Tarazona : L'EFSA joue le même rôle; elle évalue le risque et communique l'information. Nous ne participons d'aucune façon à la prise de décisions ou aux approbations liées à la gestion du risque.

Cela dit, le processus est un peu différent pour les pesticides et il comporte deux étapes. Les dossiers sur la substance active, la molécule liée aux propriétés du pesticide, sont d'abord envoyés à un État membre, qui évalue le risque. Tous les États membres réalisent des évaluations du risque. L'EFSA examine ensuite cette évaluation et présente ses conclusions aux États membres et à la commission, qui prend la décision finale sur l'approbation du pesticide. Les États membres participent beaucoup plus activement à l'évaluation du risque pour les pesticides que pour les OGM.

L'EFSA participe au processus pour les substances actives seulement, pas pour le produit réel qui est mis en marché. Ce sont toujours les États membres qui autorisent la commercialisation du produit.

La sénatrice Buth : Merci de cette explication.

D'après ce que vous avez dit, votre rapport de 2013 signale de grands risques et des lacunes dans les données. Contient-il une recommandation pour la commission?

M. Tarazona : Toutes nos conclusions forment une recommandation en quelque sorte. Nous précisons qu'une question demeure en suspens, en raison des lacunes que comportent les données et des évaluations qui restent à mener. Nous mettons aussi de l'avant les principales préoccupations qui ressortent de l'évaluation, mais c'est clair que nous ne recommandons pas d'approuver ou de refuser le produit. Notre recommandation se traduit par des préoccupations qui s'appuient sur les résultats de l'évaluation du risque, concernant les éléments qui restent à évaluer et la façon d'y arriver.

La sénatrice Buth : L'EFSA a-t-elle recommandé un moratoire sur les néonicotinoïdes?

M. Tarazona : Non. Nous examinons les données sur le risque. La législation de l'UE sur les pesticides a été mal comprise. Dans bien des pays européens, elle se fonde sur ce que nous appelons une liste positive de substances actives que les États membres peuvent approuver pour protéger les cultures. La commission a retiré les néonicotinoïdes de la liste pour plusieurs usages qui étaient permis auparavant. Ce n'est pas une interdiction temporaire. Les deux ans permettront de confirmer les données sur les usages toujours autorisés.

La sénatrice Buth : Quelles substances actives ont été retirées de la liste positive?

M. Tarazona : La liste positive comprend les substances actives, mais aussi les cultures et les usages. Plusieurs cultures et usages ont été retirés, mais plusieurs usages sont toujours approuvés en Europe.

La sénatrice Buth : Quels sont les usages toujours approuvés en Europe?

M. Tarazona : Je ne peux pas dire quels sont les produits autorisés dans les États membres, mais je pourrai vous envoyer la longue liste de substances actives. La commission peut utiliser la base de données sur ces substances, en plus de s'appuyer sur les conditions d'approbation. Je vais chercher ces informations pour vous.

La sénatrice Buth : Ce serait utile, parce que nous recevons beaucoup d'informations contradictoires selon lesquelles l'UE aurait interdit toutes les substances et imposé un moratoire. La situation serait bien plus complexe que ne l'indiquent diverses sources.

La sénatrice Tardif : Bonjour. Le comité a reçu des témoignages contradictoires sur la persistance des néonicotinoïdes dans l'environnement. Certains témoins nous ont dit qu'ils tendent à se désintégrer dans la nature et deviennent inoffensifs après quelques mois. D'autres nous ont dit que des concentrations toxiques persistent dans l'environnement durant nombre d'années et augmentent au fil du temps. Avez-vous examiné la question ou consulté des études qui portent là-dessus?

M. Tarazona : Nos conclusions contiennent ce que nous appelons des points finaux qui résument les résultats de l'évaluation. Ces points comprennent bien sûr les processus et les temps de dégradation des diverses substances actives dans différents milieux, comme l'eau, le sol et les sédiments.

Oui, nous avons examiné ces informations, qui font partie de nos conclusions.

La sénatrice Tardif : J'aimerais connaître vos conclusions. Les substances actives ont-elles un effet sublétal qui se maintient avec le temps?

M. Tarazona : Tous les produits chimiques se dégradent. La liste estime la demi-vie nécessaire aux substances pour se dégrader. Cette durée varie selon les conditions, comme la température du sol et de l'eau. Il n'y a pas une seule réponse qui s'applique dans tous les cas. Chaque substance réagit différemment. Toutes les informations figurent dans les conclusions de l'EFSA, au moins pour les conditions relatives à l'UE. La dégradation diffère selon les diverses régions d'Europe et le temps de l'année. Il n'existe pas de réponse qui convient pour toutes les substances.

La sénatrice Tardif : Je ne sais pas si vous connaissez bien l'approche en matière de changements réglementaires du Canada, mais si j'ai bien compris, elle diffère de l'approche de l'Union européenne. Quelles sont ces différences, à votre avis?

M. Tarazona : Je ne connais pas très bien le système au Canada. Je suis en contact avec des confrères canadiens responsables de l'enregistrement des pesticides et de l'évaluation des risques, mais le système de l'UE comporte deux principaux processus de mise en œuvre : l'approbation de la substance active et l'approbation du produit final qui sera commercialisé.

Je ne suis pas sûr si le processus au Canada est le même ou est différent. Ici en Europe, l'UE doit d'abord approuver la substance active, puis les États membres décident s'ils approuvent le produit que les agriculteurs vont utiliser.

La sénatrice Tardif : Au final, ce sont les États membres qui décident si le produit est approuvé, n'est-ce pas?

M. Tarazona : C'est exact. La seule restriction pour les États membres, c'est que l'UE doit approuver les substances actives.

La sénatrice Buth : Je veux simplement apporter une précision. Au Canada, l'ARLA approuve tout d'abord la substance active, avant d'examiner la composition, l'usage, et cetera. Le processus est semblable, mais c'est bien sûr l'ARLA qui prend la décision globale étant donné que le Canada forme un seul pays. Je voulais simplement le préciser.

La sénatrice Eaton : Bonjour. Monsieur Tarazona, vous avez parlé d'examen par les pairs concernant les divers États membres. Les normes sont-elles identiques pour effectuer les tests sur une même culture, ou diverses normes sont- elles appliquées à l'aide de différentes cultures? Le Royaume-Uni n'a pas banni l'usage des néonicotinoïdes.

M. Tarazona : En gros, les normes sont les mêmes, mais l'examen par les pairs comprend les usages précis. Puisque l'évaluation du risque s'applique à tous les usages, les conclusions peuvent être différentes selon les diverses cultures.

La sénatrice Eaton : Dans les provinces de l'Ouest canadien qui cultivent beaucoup de canola, les néonicotinoïdes n'ont pas une grande influence, mais le taux de mortalité des abeilles domestiques est plus élevé dans le centre du pays, au Québec et en Ontario, où on cultive surtout du maïs et du soya. Les gens pensent que c'est en raison des néonicotinoïdes et des méthodes d'ensemencement des diverses cultures, mais ce n'est pas le cas dans l'UE. Les résultats sont-ils les mêmes, peu importe les cultures en question?

M. Tarazona : Nous devons respecter des exigences précises selon la culture. L'évaluation est différente selon les usages et les conditions liées à la culture. Le risque diffère si les cultures sont aspergées ou si les semences sont traitées avec des insecticides. Les évaluations en Europe tiennent compte de ces facteurs.

Un certain nombre d'usages ont été interdits, mais ils ne le sont pas tous. Je vous enverrai ces informations.

La sénatrice Eaton : Merci beaucoup.

Madame Rortais, vous avez parlé au début des facteurs de stress matériels, biologiques, nutritionnels et environnementaux pour les abeilles domestiques. Quel est leur ordre d'importance? Quel est le principal facteur de stress, selon vous? L'hiver a-t-il la même incidence dans les États du Sud que dans ceux du Nord?

Mme Rortais : Concernant la première question, certaines personnes hiérarchisent les facteurs de stress, mais je ne peux pas le faire en raison de la variation liée aux milieux ambiants. Comme votre collègue a dit, il existe des différences géographiques qu'il faut prendre en compte, concernant la structure de l'habitat, les cultures et les systèmes de culture hétérogènes ou homogènes. Le microclimat peut aussi avoir une influence, ainsi que les concentrations d'agents pathogènes ou l'exposition aux produits chimiques. C'est une question de contexte.

C'est impossible de hiérarchiser les facteurs de stress, parce qu'un agent pathogène peut être la cause principale dans certaines régions, tandis que c'est peut-être un ensemble d'agents pathogènes et chimiques ou l'exposition à l'agriculture intensive dans d'autres régions. Je pense qu'il faut y aller au cas par cas. C'est très difficile d'établir une hiérarchie si on ne connaît pas les conditions du milieu.

La sénatrice Eaton : Est-ce cas par cas, pays par pays ou culture par pays, ou cela dépend-il vraiment de la géographie?

Mme Rortais : Je crois que c'est une combinaison de tous ces facteurs, car il faut tenir compte de tous les intervenants. Il y a les agriculteurs, les apiculteurs et l'environnement naturel. Ce sont les différentes parties en jeu.

La sénatrice Eaton : Les varroas représentent-ils un problème dans l'UE?

Mme Rortais : Comme je l'ai mentionné plus tôt, d'après les échantillons recueillis dans le cadre du nouveau programme exécuté dans 17 États membres, la présence du varroa varie grandement, c'est-à-dire de quelques pour cent à 87 p. 100. Il est possible que le signalement des varroas ait été biaisé par la façon dont les apiculteurs ont interprété le questionnaire. Lorsqu'on interprète la présence des varroas, il faut s'assurer que la différence est attribuable à la géographie, et non à la présentation des données.

Je suis désolée de ne pas pouvoir être plus précise, mais je suis une scientifique, et les scientifiques doivent toujours être très prudents lorsqu'ils analysent les renseignements recueillis, afin de brosser un tableau complet de la situation.

La sénatrice Eaton : C'est la même chose pour les sondages politiques. Merci beaucoup.

Le sénateur Robichaud : Dans votre exposé, avez-vous bien dit que vous étiez toujours en train d'établir un protocole pour l'évaluation des risques liés aux insecticides? Si oui, à quelle étape en êtes-vous dans ce processus? Ai-je mal compris vos paroles?

M. Tarazona : Je suis désolé si je ne me suis pas exprimé clairement. Il y a deux niveaux. Le premier concerne les orientations. Les orientations de l'Autorité européenne de sécurité des aliments ont déjà été publiées; elles nous expliquent comment utiliser les résultats de l'étude. Même si elles ont déjà été publiées, nous menons une restructuration de ces orientations.

Il faut effectuer certaines études pour recueillir les informations nécessaires à l'évaluation des risques. Un grand nombre d'études proposées dans les orientations ne présentent pas de lignes directrices sur lesquelles on s'est mis d'accord à l'échelle internationale, habituellement au sein de l'OCDE.

Les orientations de l'Autorité européenne de sécurité des aliments offrent quelques suggestions sur la façon de mener ces études, et nous proposons de réexaminer les protocoles utilisés. Le protocole vise une étude en particulier. Les résultats de l'étude seront utilisés selon les orientations fournies.

Autrement dit, si vous avez le protocole d'étude, et s'il a déjà été approuvé à l'échelle internationale, il n'y a manifestement aucun problème. Dans le cas contraire, nous offrons notre soutien quant à la façon de mener l'étude.

Le sénateur Robichaud : Madame, aimeriez-vous faire un commentaire?

Mme Rortais : Je dirais que les protocoles doivent être mis en œuvre. Comme je l'ai également mentionné dans mon exposé, il s'agit de l'une de nos recommandations. Par exemple, il nous faut des protocoles validés pour les effets sublétaux, et l'OCDE y travaille. C'est urgent. Nous avons grand besoin de protocoles validés pour les effets sublétaux. C'est une réalité. Nous l'avons souligné dans notre rapport.

Le sénateur Robichaud : À quel point êtes-vous près d'atteindre votre objectif lié à la mise en œuvre de ce protocole?

M. Tarazona : Nous tentons de coopérer avec l'OCDE. De nombreuses activités sont en cours à l'OCDE. Certains des protocoles sont sur le point d'être terminés. En ce qui concerne les effets sublétaux, on est encore loin d'avoir terminé dans certains cas. Même les points d'extrémité, c'est-à-dire les paramètres dont on a besoin pour prendre des mesures dans les protocoles d'étude, ne sont toujours pas tout à fait définis.

Le problème, c'est que nous ne pouvons pas attendre. Si quelque chose est vraiment pertinent, nous ne pouvons pas attendre qu'on se mette d'accord sur le protocole à l'échelle internationale, et nous utilisons donc les recommandations scientifiques issues des orientations fournies pour les protocoles d'études sur les abeilles. Il s'agit seulement d'une approche provisoire, afin de ne pas retarder le processus décisionnel jusqu'à ce que les protocoles soient enfin adoptés.

C'est la pratique habituelle, du moins en Europe, mais je présume que c'est aussi le cas au Canada. Lorsque vous avez une préoccupation scientifique avant la publication du protocole final, il faut faire quelque chose. C'est une entente entre l'industrie et l'autorité. Le soutien aux demandeurs en Europe vise les États membres, et l'Autorité européenne de sécurité des aliments appuie cela.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je vais poser une question à multiples volets. Premièrement, quel est le taux de mortalité moyen dans les ruches de la communauté européenne? Deuxièmement, y a-t-il une différence dans les taux de mortalité entre les pays de l'Ouest et les pays de l'Est, si on tient compte de la chaîne des Alpes? Troisièmement, exportez-vous des abeilles emballées outre-mer, ce qu'on appelle des paquets?

[Traduction]

Mme Rortais : Le rapport de l'Autorité européenne de sécurité des aliments, publié en 2009, aborde la mortalité dans les colonies en Europe. Selon ce rapport, le taux de mortalité de base était de 10 p. 100. Comme je l'ai mentionné plus tôt à vos collègues, nous avons maintenant le nouveau projet appelé EPILOBEE. Les résultats de ce projet ont été présentés lundi dernier, et ils sont donc très récents. Les taux de mortalité s'échelonnent, si je me souviens bien, de 5 p. 100 à plus de 30 p. 100. Il faudrait que je retourne consulter les données exactes, car elles sont très nouvelles; elles datent seulement de quelques jours.

Je n'ai pas les données en main, je vous parle seulement de mémoire, mais on considère que c'est de 10 à 15 p. 100, si je me souviens bien. On se fonde sur des échantillons recueillis dans des milliers de colonies en Europe. Selon le rapport de l'Autorité européenne de sécurité des aliments, qui a été réalisé de manière harmonisée, le taux de mortalité de base était de 10 p. 100.

J'espère avoir répondu à votre première sous-question. M'avez-vous comprise?

Le sénateur Maltais : Oui.

Mme Rortais : D'accord. Votre deuxième question portait sur les variations d'est en ouest. Encore une fois, l'étude récente démontre qu'il y a une variation, mais qu'elle ne s'étend pas de l'est à l'ouest, mais du nord au sud. Les plus hauts taux de mortalité se trouvent dans les pays du nord de l'Europe : au Danemark, au Royaume-Uni, en Suède, en Finlande et je pense que j'ai oublié un pays. La moyenne est au centre de l'Europe et le taux de mortalité le moins élevé se trouve dans les régions du sud. C'est la réponse à votre deuxième sous-question.

C'est l'analyse préliminaire qui a été communiquée lundi dernier, et je pense que les gens qui recueillent des milliers de données doivent encore les évaluer et effectuer une analyse statistique pour pouvoir produire un tableau complet, mais ce sont les résultats préliminaires que nous avons obtenus, c'est-à-dire du nord au sud.

La troisième sous-question concernait les paquets d'abeilles. Quelle était votre question déjà? Portait-elle sur la quantité exportée?

[Français]

Le sénateur Maltais : Est-ce que la Communauté européenne exporte des abeilles emballées?

[Traduction]

Mme Rortais : Ce n'est pas mon domaine d'expertise, et je ne peux donc pas vous répondre, mais je peux trouver les renseignements et vous les faire parvenir si cela vous convient.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Vous avez clairement expliqué qu'entre les différents pays de l'Union européenne, il y avait des variations du taux de mortalité des abeilles comme au Canada, il y a une variation entre les provinces de l'Est et les provinces de l'Ouest.

Maintenant, savez-vous s'il existe un protocole avec les pays pour centraliser les bases de données quant aux taux de mortalité?

Savez-vous s'il y a des variations similaires dans le monde? Comment faites-vous, dans votre domaine, pour essayer d'enrayer ou du moins d'utiliser ces variations des taux de mortalité?

[Traduction]

Mme Rortais : Je dirais qu'aux États-Unis, il y a le Bee Informed Partnership. Ce partenariat est un système automatisé, et les apiculteurs peuvent donc recenser les mortalités. Il s'agit d'une énorme base de données qui est disponible où, pendant de nombreuses années, on a signalé des pertes de colonies.

Comme je l'ai dit plus tôt, en Europe, nous avons le projet EPILOBEE. En 2009, à la suite des recommandations de l'Autorité européenne de sécurité des aliments, la Commission européenne a décidé de créer un laboratoire de référence européen, et ce laboratoire de référence a été lancé il y a deux ans — il s'agit d'un projet de surveillance européen dans 17 États membres. On a entré toutes les données dans une base de données sur le Web. C'est en progrès.

Ce qui est bien au sujet de cet effort de cueillette de données en Europe, c'est qu'il s'agit du premier effort de ce genre et qu'il est très complet et harmonisé, et c'est le premier protocole rigoureux que nous établissons. Sa mise en œuvre est complète. Nous aimerions l'étendre à tous les États européens membres — non seulement aux 17 États membres qui l'ont déjà, mais aux 27 États membres —, mais c'est très dispendieux. Il fonctionne surtout avec les informations fournies par les apiculteurs sur une base volontaire, afin que nous puissions les analyser plus en détail.

Oui, il y a des bases de données où les pertes de colonies sont signalées, mais si nous recueillons seulement les données sur la mortalité, cela n'explique rien. Nous devons donc également recenser, comme je l'ai dit, tous les facteurs qui pourraient influencer les abeilles dans l'environnement, c'est-à-dire les pathogènes, mais également l'exposition à des produits chimiques et à des produits vétérinaires utilisés par les apiculteurs. Nous devons également connaître la structure du paysage, car elle a aussi un effet non seulement sur les abeilles à miel, mais également sur les abeilles sauvages. Ces renseignements doivent être recueillis dans une base de données commune, afin d'être analysés avec le taux de mortalité des abeilles.

Nous le recommandons fortement.

L'étape suivante consiste à recueillir des renseignements dans l'environnement et à établir un lien entre ces renseignements et la mortalité des abeilles. J'espère que cela répond à votre question.

Le président : Monsieur Tarazona, aimeriez-vous commenter ces questions?

M. Tarazona : Non, merci. Ce n'est pas mon domaine.

Le sénateur McIntyre : Nous comprenons tous l'importance des abeilles, non seulement pour la production du miel, mais également pour le rôle essentiel qu'elles jouent dans le système agricole et la préservation d'un écosystème sain. Dans cette perspective, je comprends pourquoi les agriculteurs, le gouvernement, les apiculteurs, les vendeurs de semences, les fabricants de pesticides, les fabricants d'équipement, les universitaires et les scientifiques travaillent tous de différentes façons pour trouver des solutions aux problèmes complexes liés à la santé des abeilles.

Quelle est la relation entre ces différents groupes et l'Autorité européenne de sécurité des aliments? Ces entités coopèrent-elles?

M. Tarazona : En ce qui concerne l'évaluation des pesticides, l'Autorité européenne de sécurité des aliments est fondée sur des groupes d'experts scientifiques, et ces groupes sont formés de scientifiques indépendants du milieu universitaire, et ce sont des chercheurs et des scientifiques indépendants supplémentaires venant de différents laboratoires de recherche, d'universités et d'instituts de l'Europe. On a donc créé un lien entre l'autorité et le monde de la recherche scientifique par l'entremise des activités menées par les groupes d'experts et les groupes de travail.

Nous sommes également en communication directe avec les spécialistes dans les États membres. Par exemple, l'évaluation par les pairs est menée en étroite collaboration avec les experts dans les États membres. Nous avons également des contacts avec l'industrie et les ONG par l'entremise d'une plateforme réunissant les intervenants. Nous tentons de recueillir tous les renseignements nécessaires.

Dans de nombreux cas, aussi souvent qu'il est nécessaire, nous organisons des audiences de spécialistes, mais également des consultations publiques dans le cadre desquelles tout le monde peut nous envoyer des renseignements. Nous organisons des colloques ciblés, des activités scientifiques et des séances d'information, afin de créer un réseau qui offre toute l'expertise nécessaire pour l'évaluation des pesticides.

C'est la même chose dans les autres domaines. Agnes pourrait peut-être compléter ma réponse en parlant de l'évaluation des abeilles.

Le sénateur McIntyre : Madame Rortais, aimeriez-vous présenter votre point de vue?

Mme Rortais : En ce qui concerne les abeilles, l'Autorité européenne de sécurité des aliments a récemment organisé un colloque scientifique. Cet évènement permet de rassembler des gens qui abordent la question selon différentes perspectives : des ONG, des agriculteurs, des représentants d'industries, des apiculteurs, des scientifiques, des organismes de réglementation, des membres de la Commission européenne, des gestionnaires du risque. Ils étaient tous représentés à la réunion que nous avons organisée en mai dernier. Nous tentons de rassembler tous ces gens, ce qui nous donne un meilleur aperçu du problème et des intervenants concernés.

La Commission européenne mène actuellement un projet de recherche intitulé SUPER-B et coordonné par M. Biesmeijer. Ce projet examinera les services de pollinisation et cela comprend les abeilles à miel et les abeilles sauvages, car les différents intervenants doivent participer. Il y a aussi, au niveau scientifique, les spécialistes des abeilles à miel et les spécialistes des abeilles sauvages, et nous devons les rassembler, car lorsque nous parlons de pollinisation, il ne s'agit pas seulement des abeilles à miel, mais également des abeilles sauvages. Ce récent projet démontre qu'il est également très important d'avoir des renseignements sur les pollinisateurs sauvages qui jouent un rôle important dans la pollinisation.

Ce sont les récentes activités qui rassemblent tous les intervenants. Dans le cadre de SUPER-B, il y a les scientifiques, l'industrie, les ONG et la Commission européenne. Cela devrait commencer dans les prochains mois.

Le sénateur Oh : Bonjour. Y a-t-il une coopération directe entre le Canada et les pays de l'UE? Il y a seulement deux pays en Amérique du Nord, c'est-à-dire les États-Unis et le Canada, et vous avez 27 États membres, et il doit donc être difficile de parler des problèmes liés à la pollinisation.

M. Tarazona : En ce qui concerne les pesticides, la semaine dernière, à la réunion de l'OCDE à laquelle nous avons assisté, nous avons eu le plaisir de rencontrer des collègues responsables de l'évaluation des risques liés aux pesticides et de l'autorisation liée à l'évaluation des risques au Canada. Nous avions déjà tenté d'engager un effort de coopération pour veiller à ce que les informations concernant l'évaluation des risques soient similaires.

Certains liens ont été créés, et nous avons également planifié un effort de coopération lié à l'évaluation des risques posés par les néonicotinoïdes en ce qui concerne les abeilles, car c'est très pertinent pour le Canada et l'UE. D'après ce que je comprends, nos collègues canadiens mènent également cette évaluation, et cela augmentera probablement la coopération entre l'Europe et le Canada. C'est ce qui couvre les pesticides.

Le sénateur Oh : Ma deuxième question est...

Le président : Madame Rortais, aimeriez-vous faire un commentaire, et nous entendrons ensuite la deuxième question du sénateur Oh?

Mme Rortais : Oui, j'aimerais seulement ajouter que l'année dernière et cette année, nous avons collaboré avec le Canada par l'entremise d'un regroupement de pollinisateurs sur les problèmes des pollinisateurs. Cela touchait les abeilles, et c'était précisément avec Santé Canada. Au sein de ce regroupement, il y avait également des représentants de l'USDA et de l'EPA, et certaines de ces personnes participent également au groupe de travail de l'OCDE auquel s'est jointe l'Autorité européenne de sécurité des aliments.

Le sénateur Oh : Pour ma deuxième question, j'aimerais savoir si nous sommes le premier organisme gouvernemental ou le premier comité à vous inviter à participer à ce type de dialogue.

M. Tarazona : Eh bien, je suis nouveau dans mon poste. Je travaille avec l'Autorité européenne de sécurité des aliments depuis six mois, et je ne sais donc pas si d'autres gouvernements avaient déjà lancé une invitation à l'ancien chef de l'unité des pesticides. En ce qui me concerne, je faisais partie du Parlement européen, mais à l'extérieur de l'Europe, vous êtes les premiers. Toutefois, en ce qui concerne l'évaluation des risques, nous avons également des contacts avec les États-Unis et avec le Japon.

Mme Rortais : Je ne sais pas, mais comme M. Tarazona l'a dit, il faudrait que je vérifie, car c'est la première fois que je participe à une telle conversation. Je ne peux donc pas le confirmer, mais dans mon cas, c'est la première fois.

Le sénateur Oh : Merci.

Le président : Nous allons maintenant passer à la deuxième série de questions.

Le sénateur Robichaud : Madame Rortais, dans votre exposé, vous avez dit que vous aviez rassemblé 201 projets et dans une note plus bas, vous précisez qu'il manque des projets sur les abeilles, autres que les abeilles à miel, dans les ÉM. Vous avez parlé, en réponse à une question posée par le sénateur McIntyre, des abeilles sauvages.

Quelle quantité de renseignements possédez-vous sur les effets des pesticides ou des insecticides sur les populations d'abeilles sauvages?

Mme Rortais : Oui, c'est un très bon point. Au sein de l'Autorité européenne de sécurité des aliments, lorsque nous parlons d'abeilles, cela comprend les abeilles à miel et les abeilles sauvages. Dans le cadre de la récente évaluation des risques que nous avons menée sur les abeilles, les renseignements que nous avons recueillis concernaient surtout les abeilles à miel. Il est vrai que nous devons recueillir plus de données sur les abeilles sauvages, mais c'est aussi lié au fait que les abeilles sauvages sont diversifiées. Il y a des milliers d'espèces et chacune d'entre elles a un habitat particulier et un cycle de vie différent. Il faut énormément de travail pour recueillir tous ces renseignements, et il s'ensuit que nous avons plus de données sur les abeilles à miel, c'est-à-dire les abeilles domestiques, que sur les abeilles sauvages. Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris votre question sur les États membres. Quelle était la question sur les États membres?

Le sénateur Robichaud : C'était qu'il y avait des projets sur les abeilles, autres que les abeilles à miel, qui manquaient chez les États membres. C'était ma question.

Mme Rortais : Les données tournent autour de 90 p. 100 ou sont même plus élevées; je crois que 95 p. 100 des projets qui ont été menés à l'échelle nationale dans les États membres portaient sur les abeilles à miel. Mais si vous examinez les projets financés par l'Europe, la tendance s'inverse : ces projets portent sur les abeilles sauvages. Vous ne devriez pas comparer les projets des États membres et les projets financés par la Commission européenne, car ces derniers font habituellement intervenir un grand nombre de gens qui disposent davantage de ressources et qui ont déjà écrit de nombreux articles. Il s'agit de projets très récents qui sont toujours en cours, et nous attendons les résultats. Certains résultats viennent tout juste d'être publiés et ils ont été présentés lundi dernier, par exemple le projet STEP. Il s'agit d'un projet de l'UE sur les abeilles sauvages et les résultats publiés sont très intéressants. Il y a aussi le projet URBANBEES et d'autres projets.

Le sénateur Robichaud : D'accord. Merci.

Le président : Monsieur Tarazona, avez-vous des commentaires à formuler à l'égard de cette question sur les abeilles sauvages?

M. Tarazona : Oui, j'ai un commentaire sur l'évaluation des risques en ce qui concerne les pesticides. Il est important de ne pas oublier que les objectifs et les conséquences en matière de protection seront différents. Dans le cas des abeilles à miel, nous protégeons une espèce particulière qui a été domestiquée, et qu'on utilise pour la production de nourriture, c'est-à-dire le miel, ainsi que d'autres produits. Il s'agit donc d'une évaluation très particulière dans la colonie. C'est la colonie, et non les abeilles, qui est importante.

Dans le cas des abeilles sauvages, la situation est différente. La protection est liée à la biodiversité, et nous devons donc protéger toutes les différentes espèces. Mais nous devons également protéger la population et les services écosystémiques si, par exemple, la pollinisation peut être effectuée par différentes espèces. Nous devons utiliser un type d'évaluation très différent de celui que nous utilisons pour les abeilles à miel. De plus, le type de renseignements requis est différent dans le cas des abeilles à miel et des abeilles sauvages.

La sénatrice Buth : Monsieur Tarazona, j'ai une question technique. Vous avez mentionné trois des pesticides de la catégorie des néonicotinoïdes et ensuite, vous avez mentionné un autre produit. Pouvez-vous me préciser de quel produit il s'agissait? Je n'ai pas entendu.

M. Tarazona : Le produit est un autre insecticide. Son nom est le fipronil. Il ne fait pas partie de la famille des néonicotinoïdes, mais il a également été réglementé en Europe.

La sénatrice Buth : S'agit-il surtout d'un produit foliaire?

M. Tarazona : Il faut que je vérifie. Je peux consulter les conclusions de l'Autorité européenne de sécurité des aliments sur l'enrobage des semences.

La sénatrice Buth : D'accord. Je ne sais pas si vous avez ces renseignements en ce moment, mais les néonicotinoïdes sont-ils utilisés dans les applications foliaires en Europe en plus du traitement des semences?

M. Tarazona : Les applications foliaires ont également été interdites. L'évaluation menée par l'Autorité européenne de sécurité des aliments ne visait pas les applications foliaires, mais la Commission européenne a pris la décision de les interdire aussi. Nous travaillons maintenant sur l'évaluation des risques liés aux applications foliaires, et nous ciblons également les mesures de prévention qui ont entraîné l'interdiction de ces applications. En ce qui concerne les renseignements que vous avez demandés, avant d'examiner quelles applications sont toujours autorisées, on peut essentiellement permettre certaines applications pour les cultures qui n'attirent pas les abeilles, mais c'est une longue liste de cultures, et même quelques conditions. Je vous ferai parvenir tous ces renseignements, car il me serait impossible de tous les lire maintenant. Essentiellement, on permet l'application dans le traitement des semences pour les cultures qui n'attirent pas les abeilles.

La sénatrice Buth : Le traitement des semences est toujours permis en Europe pour certaines cultures.

M. Tarazona : On permet certains traitements des semences, selon la saison, et on interdit d'autres traitements. La liste des traitements des semences qui ont été interdits est assez longue.

Le président : Monsieur Tarazona, Madame Rortais, j'aimerais vous remercier au nom du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts et au nom du Sénat du Canada. Vos commentaires nous ont beaucoup appris et nous ont éclairés dans le cadre de notre ordre de renvoi et de notre mandat.

Si vous décidez un jour de faire un fabuleux voyage, pensez au Canada. Étant donné que nous avons presque terminé, avez-vous un dernier commentaire à formuler?

Mme Rortais : Je suis mariée à un Canadien, et je sais donc que c'est un endroit superbe.

M. Tarazona : Je ne suis pas marié à une Canadienne, mais je suis déjà venu au Canada pour le travail et les vacances. C'est un très beau pays.

Au nom de l'Autorité européenne de sécurité des aliments, nous vous remercions de considérer que l'avis de notre organisme est utile pour le comité. Nous sommes heureux d'avoir été en mesure de vous appuyer. Si vous avez besoin d'autre chose ou si vous souhaitez explorer l'idée d'une coopération entre l'Autorité européenne de sécurité des aliments et le Canada, nous serons très heureux d'envisager cette possibilité.

Le président : Honorables sénateurs, et mesdames et messieurs les témoins, je lève la séance.

(La séance est levée.)


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