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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 22 - Témoignages du 11 décembre 2014


OTTAWA, le jeudi 11 décembre 2014

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 5, pour entamer son étude du projet de loi C-18, Loi modifiant certaines lois en matière d'agriculture et d'agroalimentaire.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. J'aimerais vous remercier d'être présents ce matin pour l'étude du projet de loi C-18.

[Traduction]

Mon nom est Percy Mockler. Je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et le président de ce comité. Je demanderais à mes collègues sénateurs de se présenter à leur tour.

La sénatrice Beyak : Je suis la sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario.

La sénatrice Merchant : Sénatrice Pana Merchant, de la Saskatchewan.

La sénatrice Tardif : Bonjour, monsieur le ministre. Claudette Tardif, de l'Alberta.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Sénateur Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Mon nom est Donald Plett, du Manitoba.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l'Ontario.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

La sénatrice Unger : Betty Unger, de l'Alberta.

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Je remercie le ministre et ses représentants d'avoir accepté notre invitation à venir partager leurs opinions et leur leadership au sujet du projet de loi C-18.

Ce projet de loi vise à moderniser le cadre législatif canadien en matière d'agriculture, à soutenir l'innovation dans le secteur agricole canadien et à accroître les débouchés sur les marchés mondiaux.

Honorables sénateurs, l'honorable Gerry Ritz, C.P., député ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, fera une présentation ce matin. Il est accompagné de Veronica McGuire, directrice exécutive, Politiques sur les programmes, la réglementation et le commerce, Agence canadienne d'inspection des aliments; et de Rosser Lloyd, directeur général, Direction des programmes de gestion des risques de l'entreprise, Direction générale des programmes, Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Monsieur le ministre, vous pouvez commencer votre présentation. Les sénateurs vous poseront ensuite des questions.

L'honorable Gerry Ritz, C.P., député, ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire : Merci, monsieur le président, sénateurs. Bonjour. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour appuyer le projet de loi C-18, la Loi sur la croissance dans le secteur agricole. Comme le président a déjà fait la présentation de mes collègues, je ne vous les présenterai pas à nouveau. Je dirai simplement que j'apprécie leur présence à mes côtés. Ils possèdent l'expertise qui leur permettra de répondre à certaines questions de nature technique que vous pourriez nous poser.

Avec l'avènement des nouvelles techniques de production agricole et des nouvelles avancées scientifiques, les outils législatifs qui visent les produits agricoles doivent pouvoir suivre le rythme des changements.

La loi viendra moderniser et simplifier neuf lois différentes, dont certaines n'ont pas été mises à jour depuis plus de 60 ans. En actualisant ces lois simultanément, le projet de loi C-18 accorde la priorité aux agriculteurs qui s'efforcent de produire des aliments salubres de grande qualité pour les consommateurs tant au pays qu'à l'étranger.

L'innovation et l'efficacité ont toujours été des caractéristiques distinctives de l'agriculture au Canada. Le besoin d'innover et d'accélérer les progrès est plus fort que jamais dans le secteur agricole, peut-être plus que dans tout autre secteur.

Avec la croissance démographique qui devrait porter la population mondiale à 9,3 milliards d'ici 2050, le Canada aura un rôle accru à jouer pour répondre de façon durable à la demande mondiale en aliments salubres. L'année 2013 a vu les exportations de produits agricoles et d'aliments transformés atteindre un montant record de 50,4 milliards de dollars. Il n'est donc pas surprenant que le projet de loi reçoive l'appui d'un large éventail d'exploitants et d'organisations de l'industrie agricole.

En ce qui concerne le privilège de l'agriculteur, le projet de loi C-18 crée un climat d'innovation plus solide tout en protégeant pleinement les droits des agriculteurs de conserver, de nettoyer et d'utiliser des semences pour leurs propres exploitations. Notre gouvernement a écouté l'opinion des intervenants sur ce sujet, et nous avons adopté un amendement visant à préciser le texte sur la conservation des semences.

Le privilège de l'agriculteur, énoncé de façon explicite dans la loi et connu sous l'appellation UPOV 91, est maintenant clair comme de l'eau de roche : l'agriculteur n'a pas besoin d'obtenir la permission du titulaire du certificat d'obtention pour conserver des semences afin de les replanter les années suivantes.

Notre gouvernement a entendu les inquiétudes quant à la possibilité que le privilège de l'agriculteur soit modifié par un règlement pris par le gouverneur en conseil.

Laissez-moi expliquer pourquoi il est nécessaire d'avoir la capacité de modifier le privilège de l'agriculteur par règlement. Plus de 300 espèces végétales ont des variétés protégées, et leur nombre va bien sûr en augmentant. Ce n'est pas un secteur homogène : il y a des vignes, des arbres fruitiers, des céréales, des plantes ornementales et de multiples autres variétés d'espèces végétales qui sont protégés. Il pourrait y avoir des raisons nécessaires et légitimes, reconnues à la fois par le secteur et par les agriculteurs, de modifier le privilège de l'agriculteur dans certains types de cultures. Le pouvoir de prise de règlement donne au gouvernement la souplesse nécessaire pour répondre aux besoins changeants des producteurs et de l'industrie.

Toutefois, notre gouvernement a clairement souligné qu'aucun règlement ne serait présenté à cet effet sans des consultations exhaustives et des échanges avec le secteur et les agriculteurs afin de trouver la meilleure solution pour eux et au bénéfice de tous. Après tout, il nous a fallu 23 ans pour en arriver là, monsieur le président.

La pratique de mise au point de nouvelles variétés végétales par le truchement de la sélection est aussi vieille que l'agriculture elle-même. Les semences provenant de cultures performantes sont conservées et plantées l'année suivante. Ce cycle de culture sélective a permis l'émergence de versions améliorées. Récemment, des méthodes scientifiques et des techniques novatrices ont permis d'obtenir de nouvelles variétés végétales possédant des traits et des caractéristiques supérieurs.

La sélection des végétaux est un processus long et exhaustif qui nécessite un investissement important de temps et d'argent. Les résultats découlant de la mise au point de nouvelles variétés productives doivent l'emporter sur les risques d'échec. Pour mener leurs travaux à bien, les sélectionneurs de végétaux doivent bénéficier de conditions propices à attirer les investissements.

Tel n'est malheureusement pas le cas à l'heure actuelle au pays. Le Canada est en retard à cet égard par rapport à d'autres pays en raison des lois désuètes qui régissent la protection de la propriété intellectuelle pour les sélectionneurs de végétaux. En fait, monsieur le président, nos lois actuelles sont conformes à une convention internationale désuète qui a été mise en place il y a plus de 35 ans. Bien des innovations ont été réalisées depuis. Le projet de loi sur la croissance dans le secteur agricole nous ramènera à la période actuelle pour ce qui est de l'innovation. Il propose d'élargir la protection des obtentions végétales canadiennes et de favoriser l'harmonisation avec la communauté internationale.

Cela améliorera l'accès pour les agriculteurs canadiens à de nouvelles variétés novatrices, peu importe l'endroit où elles sont mises au point dans le monde. Dans le cas des sélectionneurs canadiens, la possibilité d'obtenir des recettes plus importantes permettrait d'attirer des investissements — c'est d'ailleurs déjà commencé — ce qui en retour encouragerait plus de joueurs à se lancer en affaires.

Notre industrie agricole demande depuis longtemps l'innovation et la modernisation, monsieur le président. Le projet de loi C-18 fait partie du vaste programme du gouvernement visant à moderniser l'industrie céréalière de calibre mondial du Canada, pour répondre aux besoins d'une industrie en constante innovation. L'industrie a fait des progrès au cours des dernières années, et nos outils législatifs ont besoin d'évoluer en conséquence. En plus du projet de loi C-18, notre programme de modernisation comprend ce qui suit : le libre choix du mode de commercialisation pour les producteurs de grains de l'Ouest; un projet de loi pour faciliter le transport des grains; une stratégie commerciale énergique, dont la conclusion d'accords avec l'Europe et la Corée; le projet de loi C-48, Loi sur la modernisation de l'industrie des grains au Canada, que nous venons de présenter; et des investissements dans l'innovation, dont plus de 73 millions de dollars dans des grappes scientifiques dirigées par l'industrie des céréales et des oléagineux.

Le projet de loi C-18 propose une autre mesure de modernisation que j'aimerais clarifier. Je parle du pouvoir prévu dans le projet de loi afin que les règlements pris en vertu de la Loi relative aux aliments du bétail, de la Loi sur les engrais, de la Loi sur les semences, de la Loi sur la santé des animaux et, bien entendu, de la Loi sur la protection des végétaux incorporent des documents par renvoi. L'incorporation par renvoi est un outil de rédaction réglementaire très bien compris, et l'incorporation des documents se fait déjà dans de nombreux règlements du gouvernement. Le projet de loi vise à établir le fondement de l'incorporation par renvoi dans les règlements.

Lorsqu'un document est proposé pour incorporation, il passe par le processus réglementaire normal et rigoureux du gouvernement, qui prévoit la consultation des intervenants, et la question est évaluée afin de déterminer si l'incorporation est la bonne voie à suivre. Une fois que le document est incorporé, le projet de loi énonce des dispositions très précises afin que le gouvernement s'assure que les documents incorporés sont accessibles, et prévoyant que nul ne peut être déclaré coupable de ne pas avoir respecté un document qui n'était pas accessible.

Monsieur le président, nos agriculteurs méritent de disposer des meilleurs outils et produits agricoles. Ainsi, tout ce que nous pouvons faire pour faciliter l'entrée de produits nouveaux et innovateurs sur le marché canadien profitera aux agriculteurs. À cette fin, le projet de loi C-18 propose d'ajouter dans la Loi relative aux aliments du bétail, la Loi sur les engrais, la Loi sur les semences et la Loi sur la santé des animaux des dispositions qui permettent explicitement de soumettre des données et analyses de pays étrangers dans le dossier à l'appui de l'examen et de l'autorisation d'un nouveau produit, comme un engrais ou un produit biologique vétérinaire. Cette disposition confirme la pratique actuelle des scientifiques canadiens, qui examinent tous les renseignements possibles afin de déterminer si la vente d'un produit devrait être autorisée au Canada.

Cela ne remplace pas une évaluation scientifique rigoureuse. Il s'agit simplement d'établir que l'Agence canadienne d'inspection des aliments, ou ACIA, peut tenir compte des données étrangères, et cela ne signifie aucunement que le Canada se contentera d'accepter automatiquement ce que des administrations étrangères ont accepté. En se fondant sur de solides données scientifiques, l'ACIA tirera toujours ses propres conclusions. Cette modification a reçu l'appui de nombreuses organisations agricoles, afin qu'il soit clair que nous pouvons tenir compte des conclusions d'États étrangers sur un produit.

Monsieur le président, en plus d'outils novateurs, les agriculteurs canadiens ont besoin d'outils pour gérer les risques d'entreprise liés à l'agriculture. Le projet de loi C-18 aidera de façon proactive les producteurs d'aliments à gérer leurs risques opérationnels grâce aux améliorations proposées au Programme de paiements anticipés, ou PPA. En offrant des avances de fonds sans intérêts, le PPA aide les producteurs à gérer leurs besoins de trésorerie en période de pointe, pour qu'ils puissent commercialiser leurs produits avec une rentabilité optimale. En répondant directement à la mobilisation et aux commentaires des intervenants, le projet de loi C-18 modifiera la loi régissant les PPA de façon à offrir une meilleure prestation des services; un accès accru au programme; d'autres options de remboursement plus souples; et un allégement du fardeau administratif pour les agriculteurs, les producteurs et les organisations de producteurs. Le projet de loi C-18 propose qu'il soit plus facile pour nos vaillants agriculteurs de financer leurs activités, de tirer parti de nouveaux débouchés et de faire croître leur entreprise.

La mise en place d'un cadre réglementaire efficace et efficient est essentielle à la compétitivité de nos producteurs de calibre mondial. Le projet de loi C-18 vise à accroître la capacité des agriculteurs à demeurer concurrentiels sur la scène internationale pour les années à venir. L'investissement continu dans la science et l'innovation, grâce aux outils offerts par ce projet de loi, permettrait au secteur agricole de connaître un succès sans précédent.

Au bout du compte, les agriculteurs et l'économie canadienne en profiteront. Après 23 ans de discussions, il est temps de passer à l'action. C'est le bon projet de loi, au bon moment. Je vous remercie, et j'ai hâte de répondre à vos questions.

Le président : Je vous remercie, honorable sénateur.

M. Ritz : Pas encore.

Le président : C'était une excellente présentation, fort instructive.

La sénatrice Tardif : Monsieur le ministre, je vous remercie d'être ici aujourd'hui et d'avoir présenté le projet de loi. Il s'agit d'un gros projet de loi plutôt technique qui — comme vous l'avez indiqué — propose la modification de neuf lois. On pourrait presque parler d'un projet de loi omnibus.

M. Ritz : Nous préférons dire qu'il est « global », car il porte entièrement sur l'agriculture.

La sénatrice Tardif : Le projet de loi prévoit de nombreuses bonnes mesures. Il met à jour la loi et augmente les débouchés commerciaux. Toutefois, il suscite des inquiétudes. Comme vous l'avez dit, l'une d'elles concerne la question du privilège de l'agriculteur. Pouvez-vous expliquer pourquoi on accorde des privilèges aux agriculteurs et des droits aux obtenteurs? Vous répétez que le projet de loi avantagera les agriculteurs, mais il est possible de retirer des privilèges, pas des droits. Pourquoi n'accorde-t-on pas des droits aux agriculteurs?

M. Ritz : À vrai dire, un gouvernement peut aussi retirer des droits en tout temps. Lorsqu'il est majoritaire, il peut faire adopter des lois qui modifieront des droits. C'est déjà arrivé. Au bout du compte, il s'agit surtout de jargon juridique — de la façon de procéder ailleurs dans le monde — qui nous permettra de nous mettre au diapason de ce qui se fait dans d'autres pays. Voilà ce dont il s'agit, madame la sénatrice. Le Syndicat national des cultivateurs est le seul groupe qui s'inquiète de la question du privilège de l'agriculteur. Tous les autres groupes d'agriculteurs importants sont en faveur de cette mesure. C'est donc ce qui nous a servi de base pour les discussions.

Comme je l'ai dit, les discussions durent depuis 23 ans, et personne n'a changé d'avis, pas même un peu, quant à ce qu'il faut faire ou ne pas faire. Rien n'a changé, il est donc temps d'agir. Je crois qu'il n'y a que deux pays qui n'ont pas adopté la convention de l'UPOV de 1991, et nous sommes l'un d'eux. En tant que producteur agricole important, il est temps de le faire.

La sénatrice Tardif : Il me semblait que c'était 17 pays. Ce ne sont peut-être pas des pays développés, mais je crois qu'il y en a 17 qui n'ont pas adopté les normes de la convention de l'UPOV de 1991.

M. Ritz : Ce ne sont pas des pays exportateurs comme nous.

La sénatrice Tardif : Les pays comme le Brésil et l'Argentine exportent beaucoup de bœuf, monsieur le ministre. Ils sont d'assez gros producteurs agricoles. Permettez-moi de revenir à la question du privilège de l'agriculteur, comme vous le dites.

M. Ritz : Oui.

La sénatrice Tardif : Si j'ai bien compris, le gouvernement, par l'entremise du gouverneur en conseil, pourrait prendre des règlements qui modifieraient les privilèges que pourraient avoir les agriculteurs. Est-ce exact?

M. Ritz : Comme l'indique le projet de loi, ce serait seulement après en avoir discuté avec les parties intéressées. Le processus réglementaire suivrait son cours, avec la publication dans la Gazette du Canada et toutes les contestations judiciaires qui pourraient en découler. Je peux vous assurer que le gouvernement conservateur n'a aucunement l'intention de modifier le privilège de l'agriculteur, son droit de conserver des semences. Je suis convaincu qu'un gouvernement libéral ne ferait jamais pareille chose non plus. Nous voulons tous deux renforcer la position des producteurs agricoles canadiens, et non l'affaiblir.

La sénatrice Tardif : Je sais que vous êtes animés de très bonnes intentions, monsieur le ministre; je n'en doute pas une seconde. Toutefois, les choses changent. Des règlements pris plus tard à cet égard pourraient compromettre certaines de ces choses.

Ce qui m'inquiète dans le cas de l'incorporation par renvoi, c'est que les propositions de modifications ultérieures ne seraient pas publiées dans la Gazette du Canada. Pouvez-vous expliquer cela, monsieur le ministre?

M. Ritz : C'est une procédure fort technique. Elle n'est assurément pas sans précédent au gouvernement, dans d'autres ministères et d'autres organismes, où c'est la façon de faire. Elle offre une meilleure marge de manœuvre et permet de discuter plus amplement avec l'industrie. En tant que gouvernement, nous ne prenons pas arbitrairement des mesures auxquelles s'opposent des agriculteurs sans avoir fait cela.

Notre histoire montre que nous menons de vastes consultations et que nous agissons dans l'intérêt des producteurs. L'histoire montre que les décisions que nous avons prises ont reçu un fort appui; c'est bien établi. Nous allons donc de l'avant. Personne ne m'a jamais dit, lors de discussions, craindre que le gouvernement n'en fasse pas suffisamment pour l'intérêt public.

La sénatrice Tardif : Le problème avec l'incorporation par renvoi et le fait qu'il n'y a pas de publication dans la Gazette du Canada c'est l'absence de débat au Parlement, car les gens ne savent pas qu'il y a du changement, rien ne l'indique. Comment peuvent-ils réagir s'ils ne savent pas que tout a changé?

M. Ritz : Le processus s'amorcerait lorsqu'une personne signalerait un problème. Avant d'aller plus loin, il y aurait discussions avec toutes les parties intéressées par le problème en question. La discussion ne serait pas du domaine public comme tel, mais il y aurait de bonnes discussions franches, honnêtes et ouvertes entre les parties touchées.

La sénatrice Tardif : Pouvez-vous me dire si les documents ayant des normes étrangères pourraient être incorporés par renvoi?

M. Ritz : Il faudrait d'abord que le Canada les examine. Nous n'allons pas leur donner carte blanche. C'est un point de départ, au lieu de tout reprendre à zéro. Nous reconnaissons tous mutuellement nos données scientifiques grâce aux accords de libre-échange, notamment celles d'organisations internationales comme celle du Codex et l'Organisation mondiale de la santé animale; il y a des normes en place. Si nous avons des échanges avec un pays étranger — surtout les États-Unis —, que nous sommes d'accord avec leurs normes sur le plan scientifique et que celles-ci sont conformes à celles du Codex et des organismes de réglementation du monde entier, nous les prenons comme point de départ. Nous les adaptons ensuite au contexte canadien.

La sénatrice Tardif : J'en resterai là pour l'instant.

Le sénateur Plett : Je vous remercie, monsieur le ministre. Je tiens à vous féliciter ainsi que votre gouvernement d'avoir clairement démontré, par les mesures que vous avez adoptées au cours des dernières années, que nous nous préoccupons d'abord et avant tout des agriculteurs canadiens. Si je ne m'abuse, c'est le cinquième projet de loi important que vous présentez à la Chambre des communes, et maintenant au Sénat. Il est heureux qu'il porte le numéro C-18, le même que le premier projet de loi que vous aviez présenté, la Loi sur le libre choix des producteurs de grains en matière de commercialisation. Nous sommes tous témoins de ses bons résultats. Nous savons que cette mesure-ci connaîtra le même succès. Par conséquent, merci monsieur le ministre.

Je suis un petit entrepreneur, du moins je l'étais avant de devenir sénateur. Par conséquent, le Programme des paiements anticipés m'intéresse. Je sais que vous en avez glissé un mot pendant votre exposé, mais j'aimerais que vous nous en disiez un peu plus à ce sujet, sur l'ancienne formule et sur la formule actuelle, ainsi que sur les améliorations apportées.

M. Ritz : Certainement. Je vais demander à M. Lloyd d'intervenir si j'oublie quelque chose.

Le Programme de paiements anticipés permet à une exploitation agricole d'emprunter jusqu'à concurrence de 400 000 $, dont une première tranche de 100 000 sans intérêt. Avant, le programme était étroitement lié au produit agricole et excluait les animaux, mais la nouvelle formule prévoit l'inclusion de ceux-ci. Il fallait offrir un produit en garantie du prêt, et le prêt ne pouvait être remboursé qu'en vendant ce produit. Parfois, à l'échéance, il fallait vendre son canola ou un autre produit à un prix décevant. Les changements apportés permettent maintenant de rembourser le prêt avec de l'argent. Vous pouvez vendre votre blé pour rembourser l'avance reçue pour le canola. Il est possible de faire cela pour donner à l'agriculteur la capacité de s'ajuster au marché et de prendre des décisions qui sont dans son intérêt, plutôt que d'être contraint à revendre.

Les agriculteurs peuvent demander un paiement anticipé à l'automne et au printemps. Ils peuvent ainsi payer leurs dépenses de l'automne et emprunter en prévision de celles du printemps — car il y a les deux —, ce qui est très commode lorsque, comme nous l'avons vu l'an dernier, les compagnies ferroviaires ne transportaient pas le produit. Les agriculteurs ont d'ailleurs présenté un plus grand nombre de demandes de paiements anticipés afin de tenir le coup et choisir le moment où ils feraient la mise en marché de leur produit.

L'an dernier, moins de 2 p. 100 du grain a été vendu pendant cette période. Au bout du compte, c'est une bonne nouvelle, ne serait-ce que parce que les agriculteurs ont pu le faire. Nous avons permis le versement de paiements anticipés à la fois pour le printemps et pour l'automne.

Les agriculteurs sont des gens fantastiques. Ils s'engagent en donnant une poignée de main et leur parole. Il est très rare d'avoir un retard de remboursement sur ces prêts.

Les modifications prévues permettront aussi d'apporter des changements d'ordre administratif. Il sera possible de demander des paiements anticipés pour plusieurs années d'affilée. Vous ne pouvez pas partir avec l'argent, mais votre demande indiquera que vous participez au programme, et que la première année, vous comptez demander le maximum auquel vous avez droit, que vous ferez de même l'année suivante, et ainsi de suite. Vous faites vos demandes en une fois. Cela permet d'épargner sur les frais d'administration.

Le sénateur Plett : Pendant cinq ans?

M. Ritz : Jusqu'à concurrence de cinq ans, en effet. Le projet de loi compte donc de nombreuses bonnes mesures qui simplifient le produit et le rendent plus avantageux que jamais pour les agriculteurs.

Le sénateur Plett : Je vous remercie. Monsieur le ministre, la responsabilité des agents d'exécution passera de 1 p. 100 à 3 p. 100. Pourriez-vous m'expliquer en quoi consiste cette mesure, s'il vous plaît?

M. Ritz : Je vais laisser M. Lloyd expliquer cet aspect, car c'est plutôt technique.

Rosser Lloyd, directeur général, Direction des programmes de gestion des risques de l'entreprise, Direction générale des programmes, Agriculture et Agroalimentaire Canada : Nous avons entièrement modifié notre approche à l'égard de la responsabilité des agents d'exécution. Sous l'ancienne loi, ceux-ci ne disposaient pas d'une garantie de 100 p. 100. Ils demeuraient responsables d'une partie de tout paiement en souffrance aux termes du programme. Je devrais peut-être revenir en arrière. Les organisations de producteurs...

Le sénateur Plett : Dites-moi d'abord qui est l'agent d'exécution.

M. Lloyd : Les organisations de producteurs, les agents d'exécution...

M. Ritz : C'est différent partout au pays, cela varie d'une province à l'autre.

M. Lloyd : Exact. Il y a environ 60 agents d'exécution à l'échelle du pays et ils versent des paiements anticipés aux producteurs. Si les producteurs ne remboursent pas les paiements, nous offrons une garantie sur ces montants. Les agents d'exécution demeurent quand même responsables d'une partie des paiements, cela permet de nous assurer qu'ils font preuve de la diligence nécessaire lors du versement des paiements.

Nous sommes conscients que, sous la loi présentement en vigueur, cela ne donnait pas les résultats escomptés. Les agents d'exécution retenaient simplement une partie des paiements anticipés destinés aux producteurs et la conservaient dans un compte bancaire. En cas de défaut de paiement de la part d'un producteur, l'agent d'exécution utilisait l'argent contenu dans ce compte bancaire pour rembourser la partie dont il était responsable.

M. Ritz : Ils utilisaient l'argent des agriculteurs pour se protéger au lieu de donner aux agriculteurs le montant total auquel ils avaient droit.

M. Lloyd : Dans le projet de loi, nous avons éliminé ce problème et avons fait en sorte que la responsabilité soit liée au taux appliqué aux paiements anticipés. Ainsi, les agents d'exécution ne verseront pas nécessairement des sommes élevées dès le départ, puisqu'elles varieront en fonction de leur expérience du programme. Les agents d'exécution expérimentés offriront d'excellents taux de paiements anticipés, tandis que les agents d'exécution moins bien nantis offriront des taux moins élevés. Par conséquent, cela les encouragera à faire preuve de diligence et fera en sorte que les paiements anticipés soient versés correctement. Ils pourront ainsi s'assurer de récupérer l'argent versé.

La sénatrice Merchant : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre, et je souhaite également la bienvenue à tout le monde. Monsieur le ministre, j'aimerais vous poser quelques questions au sujet des modifications à la Loi sur la protection des obtentions végétales. Les titulaires de certificats d'obtention ont le droit exclusif de vendre le matériel de reproduction — c'est-à-dire la nouvelle variété d'espèces végétales — pendant la période de validité du certificat d'obtention. Comment les redevances sont-elles versées au titulaire du certificat d'obtention? À combien pourrait s'élever la valeur de ces redevances?

M. Ritz : Je ne sais pas comment on pourrait quantifier la valeur des redevances, puisqu'elle dépend de la variété cultivée et du nombre d'agriculteurs qui décident de la cultiver : les montants peuvent varier énormément. Pour ce qui est du rendement des investissements, on estime qu'il faut de 10 à 15 ans pour effectuer la commercialisation d'une semence, c'est-à-dire pour que celle-ci puisse être achetée en grande quantité par les agriculteurs et ajoutée à leur rotation de cultures.

Pendant de nombreuses années, nous avons très peu investi dans les variétés de blé. Nous avons maintenant choisi de nous concentrer là-dessus. Je sais que nous avons contribué à des investissements visant à développer de nouvelles variétés de blé à Saskatoon. En effet, Industrie Canada a versé 100 millions de dollars à l'Université de la Saskatchewan — cet argent ne provenait pas nécessairement d'Agriculture Canada, mais nous avons certainement contribué à rendre ces travaux possibles. Nous avons revu une grande partie de nos méthodes scientifiques et de nos méthodes de recherche de façon à tenir compte de possibles nouvelles variétés. Agriculture Canada n'est plus le seul à faire ce genre d'étude dans nos fermes expérimentales. En effet, le ministère travaille en collaboration avec l'industrie. Celle-ci exprime ses besoins. Par exemple, elle peut suggérer que l'on développe une variété résistante au fusarium et qui utilise les protéines et l'azote restés dans le sol — puisque la culture se fait maintenant en rotation.

Il est primordial que nous puissions cultiver des variétés adéquates. D'autres pays, comme les États-Unis, ont apporté des changements afin de tirer profit de tels intrants agricoles dans le cadre de la rotation de leurs cultures. Nous accusons du retard dans ce domaine.

Il y a de nouvelles variétés aux États-Unis et nous y avons maintenant accès, ce qui n'était pas le cas auparavant. Aux termes de l'ancienne Loi sur la Commission canadienne du blé, tout ce qui entrait sur le territoire canadien ou américain était considéré comme une variété fourragère. Aujourd'hui, nous pouvons évaluer avec précision de quoi il s'agit et faire appliquer la loi qui convient dans chaque cas. Dans le cadre de la mesure législative que nous avons proposée récemment à la Chambre — et qui vous sera présentée sous peu —, des changements seront appliqués afin que les nouvelles variétés qui entrent au pays puissent être utilisées par les agriculteurs canadiens, et pas seulement à titre de variété fourragère. Un certain nombre de processus sont en cours.

En ce qui concerne le fonctionnement, ce sera au titulaire du certificat d'obtention et à l'agriculteur de signer un contrat. C'est à cette étape qu'ils pourront établir les détails de leur entente. Une partie des redevances sera versée par le gouvernement, grâce aux mesures établies par Agriculture Canada et les autres centres de recherche du gouvernement. La proportion des redevances provenant du gouvernement pourra varier en fonction de l'organisation qui a fait la découverte et des ententes préalables. Je suis certain que si les ententes ne sont pas respectées, il y aura un bon avocat qui me poursuivra et qui trouvera une façon de récupérer l'argent.

Le sénateur Ogilvie : Monsieur le ministre, j'aimerais aussi vous féliciter pour les améliorations apportées aux différentes lois abordées dans ce projet de loi. J'aimerais que l'on parle un peu plus d'une de ces lois que j'ai étudiée par le passé, soit la Loi sur la protection des obtentions végétales, ainsi que des avancements qui ont été faits dans ce secteur. Dans les années 1980, je faisais partie du comité consultatif national sur la biotechnologie qui a recommandé que le Canada établisse des mesures de protection des obtentions végétales. À l'époque, il n'y en avait aucune.

Je crois qu'il est important de comprendre que les mesures de protection des obtentions végétales comportent deux volets : elles protègent les droits des obtenteurs qui mettent au point une nouvelle variété de végétaux ici même, au Canada, et elles donnent aussi aux producteurs la possibilité de se procurer des espèces végétales mises au point ailleurs dans le monde.

M. Ritz : L'un ne va pas sans l'autre.

Le sénateur Ogilvie : Exactement. Un obtenteur qui met au point une nouvelle espèce végétale dans un autre pays refusera de la vendre dans un pays qui n'a pas adopté de mesures de protection des obtentions végétales. En réalité, grâce à la biotechnologie, on peut, par exemple, arracher une feuille d'une plante, la subdiviser en milliers de petits morceaux et créer une nouvelle plante identique à partir de ces morceaux. Cette technique, appelée culture de tissus, a été développée au début des années 1980 et a été utilisée à grande échelle.

Il fallait créer des mesures de protection des droits pour que les producteurs et les pépinières et autres aient accès aux espèces végétales disponibles sur le marché international. Ces mesures protègent également les producteurs canadiens : sans celles-ci, n'importe qui pourrait arracher une feuille d'une nouvelle espèce et s'attribuer le mérite et les droits d'une invention.

M. Ritz : Tout à fait.

Le sénateur Ogilvie : L'adoption de ces mesures de protection a marqué un tournant important pour le Canada. À l'époque, nous n'avions même pas encore signé l'accord international à cet égard, qui faisait alors bien piètre figure.

M. Ritz : Vous avez raison.

Le sénateur Ogilvie : Il a fallu près de 10 ans pour que la loi soit appliquée, il a fallu attendre l'arrivée de 1990. Nous avons ensuite dû identifier les cultivars, les exemplaires, et ainsi de suite. Ce fut un long processus.

Les modifications que vous proposez dans le projet de loi permettront de moderniser la loi. Plus particulièrement, elles permettent de la mettre au goût du jour et d'établir un compromis entre le respect des droits des utilisateurs et la protection de la propriété intellectuelle. C'est tout un défi dans ce domaine, comme tout le monde le sait. Je veux vous féliciter pour les progrès que ce projet de loi représente. Dans les années 1980, je faisais partie des quelques personnes qui défendaient ardemment l'adoption d'une loi sur la protection des obtentions végétales, et me voilà ici, aujourd'hui, en train d'examiner la magnifique amélioration que vous proposez d'apporter à cette même loi. C'est plutôt ironique comme situation. Merci beaucoup, monsieur le ministre.

M. Ritz : À vrai dire, sénateur, j'ai sensiblement la même impression que vous. Mon père était producteur de semences : il n'était pas agriculteur, il jardinait. Il était incroyablement doué pour ce travail. Il a maintenant oublié beaucoup de choses, mais l'étendue de ce qu'il a oublié est plus vaste que tout ce que je pourrai apprendre sur l'agriculture.

Le Canada a été à l'origine de certains changements importants, comme la cartographie du génome, entre autres, mais nous n'avons jamais été en mesure d'en tirer profit. Cette nouvelle mesure législative nous donnera la capacité d'exporter et de mettre en marché partout dans le monde des découvertes scientifiques majeures comme celles-ci. Le Canada s'y connaît fort bien en agriculture, mais on ne tire pas profit de ces connaissances à l'heure actuelle parce que les mesures de protection ne sont pas suffisantes. Nous devons certainement poursuivre dans cette voie.

Je le répète, il n'y a jamais rien d'acquis dans le domaine de l'agriculture. Il suffit d'examiner l'envergure et la portée de ce que le Canada devra accomplir dans les années à venir pour le constater. Pour arriver à offrir ne serait-ce qu'une partie de ce qu'on attend de nous, nous devrons absolument utiliser la biotechnologie et gagner en efficience en favorisant les innovations.

Le sénateur Ogilvie : Vous avez tout à fait raison.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci pour votre présentation, monsieur le ministre. Rebonjour, madame McGuire et monsieur Lloyd.

Le projet de loi C-18 va apporter des modifications, je pense, à neuf lois fédérales, qui devraient améliorer la compétitivité et l'innovation dans le secteur agricole. L'adoption du projet de loi va également améliorer le commerce et l'économie canadienne. Je n'en doute pas du tout.

J'aimerais que vous nous en disiez davantage sur l'amélioration de la concurrence et de l'innovation. Je voudrais également que vous nous disiez comment l'adoption du projet de loi va favoriser le commerce et l'économie canadienne en ce qui a trait à l'accès au marché international.

[Traduction]

M. Ritz : Je vous remercie, sénateur, pour ces questions fort pertinentes. Je vais commencer par répondre au dernier point que vous avez soulevé, puisqu'il sous-tend tout ce que nous faisons. Le marché international évolue constamment. Les demandes changent au fur et à mesure que les pays se mettent à jour. La Chine constitue le meilleur exemple : la classe moyenne représente plus de 450 millions de personnes et, chaque année, elle augmente au même rythme que la population canadienne. Les demandes dans ce pays sont en perpétuelle évolution.

L'an dernier, pour la première fois, les Japonais ont consommé plus de farine de blé que de riz. Nous recevons de nouvelles demandes de production de blé et on nous demande de fournir des produits qui correspondent aux besoins du marché. Les Japonais veulent qu'on leur fournisse des produits qu'ils peuvent servir autant à la maison que dans les restaurants. De plus, ces produits doivent satisfaire aux goûts et aux envies de la population.

Le marché international est important, et j'en parle souvent aux groupes avec qui je voyage. Tous les ans, nous faisons un grand voyage en Chine. Cette année, j'y suis allé à trois reprises. Au cours du voyage de juin, plus de 100 représentants de l'industrie m'ont accompagné. Ils représentaient l'ensemble des secteurs de l'alimentation : du sirop d'érable en passant par les grains et la viande, ils y étaient tous. Les représentants de ces secteurs savent — et je le répète depuis des années — qu'il faut mettre en marché ce que les gens veulent, et pas nécessairement ce que nous avons déjà. C'est pourquoi il faut revoir les aliments que nous offrons et la manière dont nous les cultivons.

Au Canada, nous sommes depuis toujours des bûcherons et des porteurs d'eau. Or, si nous tentons de vendre un bifteck d'aloyau de 16 onces au Japon, personne ne l'achètera, car, aux yeux des Japonais, c'est assez de viande pour nourrir un village. Peut-être que le sénateur Plett prend plaisir à en manger un le samedi soir, mais les Japonais veulent des portions de deux onces. Nous avons fini par comprendre comment commercialiser le bœuf sans compromettre l'intégrité de notre manière de le produire. À cet effet, nous avons ouvert un centre d'excellence à Calgary qui fera venir des bouchers et des distributeurs du monde entier pour qu'ils nous expliquent ce qu'ils attendent des produits. C'est une valeur ajoutée pour le Canada.

C'est la même chose avec les grains et les oléagineux. Nous commençons à analyser la rotation des cultures et l'adoption de nouvelles variétés. Peu avant que le guichet unique soit aboli, nous faisions affaire avec certaines des grandes minoteries, notamment la plus grande, qui se trouve à Djakarta. Warburtons, en Grande-Bretagne, figurait aussi parmi les principaux clients de la Commission canadienne du blé. Ses représentants au Canada ont réussi à me contacter pour me dire : « Nous n'en pouvons plus de la Commission canadienne du blé. Elle refuse de nous fournir ce que nous désirons. Elle nous envoie seulement du blé de force roux no 1 alors que nous n'en voulons plus. Nous désirons de nouvelles variétés qui conviennent aux pâtisseries que nous tentons de produire et ainsi de suite. Nous ne nous contentons plus de faire du pain. Nous nous sommes diversifiés et nous ne pouvons plus utiliser uniquement du blé de force roux. » Warburtons achète 50 p. 100 plus de blé qu'à l'époque du guichet unique.

Un de mes amis, en Saskatchewan, a conclu un contrat avec Warburtons pour 4 000 acres d'une nouvelle variété. C'est le genre de croissance que l'on voit actuellement. Le producteur négocie directement avec le consommateur. Auparavant, c'était impossible. Je répète qu'il n'y a rien de statique. Warburtons envisage déjà la prochaine génération, la manière dont elle procédera et ce qu'elle devra faire. Elle est en pourparlers avec des groupes comme l'Institut international du Canada pour le grain et la Commission canadienne des grains pour déterminer comment inciter les producteurs canadiens à l'approvisionner et de quelle manière commercialiser les nouvelles variétés de façon à préserver l'important marché qu'elle incarne.

Le sénateur Enverga : Monsieur le ministre, c'est un plaisir de vous accueillir. Je me suis informé à propos des obtentions végétales. Nous profitons de l'occasion pour passer de la convention de l'UPOV de 1978 à celle de 1991. Or, nous sommes déjà à l'aube de 2015. Prépare-t-on une convention de l'UPOV de 2015?

M. Ritz : Il y a bien la convention de l'UPOV de 1998, mais elle n'est pas très différente de celle de 1991. Comme je le répète, il n'y a rien de statique. Le monde entier est en évolution constante. C'est le moteur du programme d'innovation. Nous ne devons pas perdre de terrain. Nous avons déjà du mal à rattraper notre retard actuel. Pour ce qui est de la convention de l'UPOV de 1998, je devrais être de retour vers 2023 pour la faire adopter au Canada. Je blague.

La sénatrice Unger : Quelle présentation fort intéressante, monsieur le ministre. Les vôtres aussi, monsieur Lloyd et madame McGuire.

Au début de votre présentation, monsieur le ministre, vous avez évoqué les normes Codex. L'adoption de la convention de l'UPOV de 1991 sera-t-elle compatible avec les normes Codex? Existe-t-il un lien entre les deux? Cela permettra-t-il aux agriculteurs de vendre leurs produits tout en améliorant les normes Codex?

M. Ritz : Codex, c'est l'organisme international qui s'occupe de ce qui concerne les obtentions végétales et ainsi de suite. Il nous permet ainsi de profiter de ce qui a été mis au point ailleurs dans le monde. Le marché canadien a toujours fonctionné en vase clos. Des fermes expérimentales d'Agriculture Canada et des universités, entre autres, mettent au point des variétés. Maintenant, nous le faisons en partenariat. Les chercheurs d'Agriculture Canada font partie de la solution, mais ils représentent un maillon parmi d'autres. Nous avons donné pour directive d'adapter tous nos travaux de recherche aux besoins de l'industrie et de les axer sur les résultats : voici ce que l'industrie veut, comment y parviendrons-nous? Il faut que les chercheurs d'Agriculture Canada, le secteur privé et les universités formulent une proposition avec le financement d'Agriculture Canada et, un peu, d'Industrie Canada, comme je l'ai mentionné. Comment atteindre ce résultat? Nous entretenons de bien meilleures relations de travail que par le passé. Tous les points forts sont rassemblés, ce qui permet de se concentrer sur les résultats.

L'agriculture est très diversifiée au Canada. C'est aussi le cas dans d'autres pays, mais ce l'est encore plus ici compte tenu du climat, du sol, de l'air frais et de l'eau, autant d'éléments dont le pays regorge. L'une des choses que je mentionne systématiquement lorsque je vais en Chine pour nous aider à vendre des produits canadiens, c'est que le Canada est en mesure de cultiver des produits dans le respect de l'environnement, avec une terre propre, de l'eau propre et un air propre. Les Chinois n'ont rien de tout cela. Ils en redemandent carrément. La difficulté, c'est de réussir à produire en quantité suffisante et de maintenir le rythme. C'est facile d'entrer dans un marché, mais il peut être difficile d'y rester lorsqu'on n'a plus de canola ou d'autres produits. Il faut investir.

Mon grand-père était propriétaire d'une ferme. Mon père aussi et, maintenant, mon neveu leur emboîte le pas. La ferme se transmet donc d'une génération à l'autre. Le principal changement que je constate par rapport à l'époque de mon grand-père, c'est que même si les agriculteurs actuels travaillent encore très fort, ils doivent maintenant le faire de manière plus réfléchie. La commercialisation se fait par iPhone et ainsi de suite. Lorsque mon neveu est à bord de sa moissonneuse-batteuse, il se sert de son iPhone pour commercialiser ce qu'il est en train de récolter.

Le commerce évolue à la vitesse grand V. L'agriculture ne se limite donc plus à récolter un produit, à le mettre dans la vieille caisse de bois et à le pelleter d'un contenant à une autre pour enfin l'emmagasiner dans un silo. Maintenant, les agriculteurs ont le choix. Maintenant, ils planifient la commercialisation de leurs produits. Ils effectuent des opérations de couverture en prévision de l'année suivante. Ils font toutes sortes de choses en utilisant des techniques de pointe, à la fine pointe de la technologie.

La sénatrice Unger : Y a-t-il un lien entre ce que vous dites et les normes Codex? D'autres témoins nous ont affirmé que les normes Codex...

M. Ritz : Voulez-vous que je les nomme?

La sénatrice Unger : Non. Il fallait améliorer les normes Codex pour pouvoir continuer à les utiliser.

M. Ritz : Les normes Codex ne sont pas non plus figées dans le temps. Nous soumettons des demandes. Le Canada est le principal pays à soumettre des demandes à l'organisme de réglementation de Codex relativement à la présence de faibles concentrations et aux niveaux maximaux de résidus dans les produits et de toutes les autres choses du genre qui doivent changer. C'est vraiment un partenariat. Tout se fait en parallèle. Quelle serait l'utilité de produire toutes sortes de nouvelles variétés si, au moment de les commercialiser à l'étranger, l'autre pays leur opposait une barrière non tarifaire en disant qu'il y a une faible concentration de tel ou tel produit ou qu'on dépasse le niveau maximal de résidus de tel ou tel produit chimique? On ne parle plus de parties par milliard, mais plutôt de parties par billion. Les tests sont aussi précis que cela. Nous nous sommes heurtés à ce problème en Europe, récemment, par rapport au lin Triffid; initialement, le marqueur génétique détecté se rapprochait d'une variété de sucre de canne. Tout le monde se sert des mêmes contenants, des mêmes camions, des mêmes trains, des mêmes bateaux et ainsi de suite. C'est très difficile de tirer les choses au clair. Le Canada fait partie de la solution, et nous travaillons là-dessus, mais nous appliquons aussi une politique de tolérance zéro en la matière. Il faut commencer à prendre conscience de l'évolution des choses. Tout se fait de manière à veiller à la sécurité publique et à la salubrité des aliments. Nous n'avons jamais eu de problème à ce chapitre.

La sénatrice Beyak : Merci beaucoup, monsieur le ministre, madame McGuire et monsieur Lloyd. Je viens d'obtenir la réponse à ma question. Moi qui ai grandi et qui ai passé une bonne partie de ma vie à la campagne, je tiens à tous vous féliciter, en toute impartialité. De toute évidence, vous avez le bagage nécessaire et vous saisissez bien la problématique. C'est l'un des projets de loi les plus achevés que j'ai lu, et j'ai lu toutes les lois qu'il concerne. Félicitations.

M. Ritz : Eh bien, nous avons eu 23 ans pour bien faire les choses.

La sénatrice Beyak : C'est réussi. Merci.

Le sénateur Oh : Monsieur le ministre, bienvenue au comité permanent. Je sais que vous vous rendez régulièrement en Chine et dans la région Asie-Pacifique pour y promouvoir notre industrie agroalimentaire. Que le Canada produise d'excellents aliments, c'est une chose, mais il faut aussi les commercialiser.

M. Ritz : Exactement. Nous avons montré au monde ce que nous sommes capables de produire. Maintenant, il faut vendre.

Le sénateur Oh : Vous avez dit un peu plus tôt que les Japonais ont modifié leurs habitudes et qu'ils achètent aujourd'hui une autre sorte d'avoine. Qu'en est-il des Chinois? C'est un marché énorme. Comment se présente votre collaboration avec eux pour les cinq prochaines années? Comment évoluera leur régime alimentaire? C'est crucial. Le marché est tellement grand.

M. Ritz : Le plus grand changement constaté en Chine concerne surtout la viande rouge, qui atteint des sommets inégalés de popularité. Cela dit, nous consacrons aussi énormément d'efforts, de concert avec l'industrie chinoise, en vue d'intégrer de la farine de pois à la composition des nouilles, de manière à ce qu'elles deviennent une source de protéines au lieu de n'être que des féculents riches en glucides. Elles deviendraient un aliment plus complet. Les débouchés seraient énormes. Nous sommes le principal producteur mondial de blé dur et de certaines légumineuses, comme les pois. Si nous parvenions à concevoir un produit combinant ces deux éléments, tout le monde en sortirait gagnant. Beaucoup d'excellentes recherches sont réalisées en partenariat avec des spécialistes chinois afin de déterminer précisément ce qu'il leur faut et comment nous pouvons répondre à cette demande. Ça semble facile; il suffit de mélanger la farine et c'est tout. Sauf que les pâtes peuvent avoir toutes sortes de consistances. Elles doivent bien se manipuler. Elles ne doivent pas se décomposer. Elles doivent cuire correctement. Il ne suffit pas de mélanger de la farine pour obtenir un gâteau. C'est une démarche très complexe. L'Institut international du Canada pour le grain a beaucoup travaillé à ce dossier. Il a acheté de l'équipement hautement spécialisé et en a conçu d'autres — de l'équipement propriétaire — en collaboration avec quelques groupes.

La sénatrice Tardif : Monsieur le ministre, certains s'inquiètent du fait que le projet de loi C-18 puisse transformer les modes de perception des revenus, y compris les redevances de fin de chaîne. Les entreprises de semences, notamment les obtenteurs, pourraient utiliser ces redevances pour percevoir des revenus sur le grain récolté et pas seulement sur les semences vendues.

M. Ritz : Cela est vrai seulement si cette différence est incluse dans votre contrat dès le départ. Tout cela devrait être négocié dans le cadre d'un accord commercial. Je connais un groupe d'agriculteurs qui affirme ceci : « Je vais recevoir trois, quatre ou cinq factures. Chaque fois que j'ouvrirai la porte du bac et que je regarderai dedans, on m'enverra une facture. » C'est une exagération ridicule. En fait, vous signerez un contrat que tout le monde connaît maintenant très bien pour le canola, dans lequel les redevances et le coût de la PI sont inclus au départ avec la nouvelle variété de semence. Chaque année, ce sont ces nouvelles variétés qui sont écoulées en premier. Les agriculteurs acceptent ces conditions parce qu'ils ont besoin du nouveau caractère. La même chose se produirait pour d'autres variétés relevant de l'UPOV de 1991. En vertu des obligations contractuelles prévues, soit vous paierez d'avance les frais de PI — comme cela se fait actuellement —, soit vous paierez des redevances de fin de chaîne sur les économies réalisées si vous décidez de conserver quelques boisseaux de semences pour les utiliser sur vos terres l'année prochaine ou l'année suivante. Vous devriez donc payer les frais de PI à l'avance ou en fonction des économies que vous réaliserez. Vous ne payerez pas dans les deux cas.

La sénatrice Tardif : Monsieur le ministre, d'après ce qu'on m'a dit, je pense que certains groupes craignent que les futures modifications à la réglementation permettent aux grandes entreprises qui vendent des semences de...

M. Ritz : Elles ne peuvent pas faire cela de façon arbitraire. Elles devraient d'abord nous soumettre une demande à cet égard.

La sénatrice Tardif : Le règlement permettrait-il aux entreprises de facturer des frais à diverses étapes du cycle de production?

M. Ritz : Je pense qu'elles pourraient le tenter. Tous ces aspects devraient être prévus dans un contrat, et l'agriculteur qui accepterait de telles conditions, à savoir de recevoir trois ou quatre factures, ne devrait pas gérer une exploitation agricole.

La sénatrice Tardif : Il incomberait donc à l'agriculteur de s'assurer de négocier un contrat acceptable avec l'entreprise en question.

M. Ritz : C'est toujours ainsi que cela fonctionne. Les agriculteurs qui gèrent actuellement leur entreprise sur la base d'obligations contractuelles pour acheter du canola, du soja, du maïs et ainsi de suite continueront à procéder exactement de la même façon. Un agriculteur qui décide de conserver des semences pourra le faire. Combien d'agriculteurs se prévaudront de cette option? Un très petit nombre. Comme je l'ai déjà dit, c'est la nouvelle variété améliorée de semences qui s'écoule le plus rapidement chaque année. Il n'y en a jamais assez. Par conséquent, je ne pense pas qu'il y aura de grand changement. Tous les groupes d'agriculteurs dignes d'intérêt avec lesquels nous avons discuté ont dit qu'il est très improbable que quiconque veuille conserver des semences pour l'année suivante. Tous les ans, je regardais mon père — qui était producteur de semences — faire des essais sur la germination des semences. Le taux de germination des semences cultivées diminue chaque année : il diminue de 25 à 30 p. 100 la première année, puis il tombe de 50 ou 60 p. 100. Il diminue tout simplement. Les semences ne sont pas assez résistantes. Ce sont les semences de l'année qui le sont. Nous avons créé plusieurs variétés de canola résistantes à la sécheresse. Lors des inondations qui ont eu lieu en Saskatchewan et en Alberta, et dans une moindre mesure au Manitoba, nous avons constaté que ces semences résistantes à la sécheresse réagissaient bien à un excès d'eau parce qu'elles sont plus fortes. Tout est concentré sur la croissance pour l'année en cours, mais pas vraiment sur la génération suivante de semences. Voilà la situation.

La sénatrice Tardif : Monsieur le ministre, de quelle façon comptez-vous tenir les vastes consultations que vous prévoyez mener avant de passer à l'étape de la réglementation?

M. Ritz : Une grande partie des consultations ont déjà eu lieu. Si des changements sont apportés au règlement plus tard, une toute nouvelle étape de consultation sera entreprise. Nous n'allons pas initier de changements à la réglementation. Ce serait aux groupes d'agriculteurs eux-mêmes et peut-être à certains producteurs de semences — en ce qui concerne droit de propriété — de le faire, mais il faudrait qu'ils tiennent cet échange, que le ministère pourrait certainement favoriser au besoin.

Veronica McGuire, directrice exécutive, Politiques sur les programmes, la réglementation et le commerce, Agence canadienne d'inspection des aliments : J'aimerais ajouter que le ministère et l'ACIA tiennent actuellement des consultations auprès des intervenants. Généralement, avant de recommander d'entreprendre quelque processus réglementaire que ce soit, nous tenons des consultations préalables auprès des divers groupes, à savoir les producteurs, le secteur privé et d'autres intervenants dans le cas présent. Si cette consultation préalable révèle que des parties sont intéressées à proposer certaines modifications réglementaires, des consultations très poussées seraient menées auprès des intervenants avant que le gouvernement ne soumette des propositions en matière de réglementation au gouverneur en conseil pour qu'il les étudie en profondeur.

Le sénateur Plett : Monsieur le ministre, nous savons que le Canada ne tolère aucunement la cruauté envers les animaux. Dans ce projet de loi, nous apportons certaines modifications aux sanctions prévues.

J'ai une question à poser, mais je vais la diviser en plusieurs volets. Les sanctions imposées sont considérablement alourdies. Il y a maintenant des termes comme « violation mineure », « violation grave » et « violation très grave ». Sur quels critères ces catégories sont-elles fondées? Quelle est la différence entre une violation mineure et une violation très grave? Qui décide de quelle catégorie relève une infraction? Les inspecteurs de l'ACIA sont-ils uniquement autorisés à imposer des amendes à des producteurs? Je sais que nous travaillons avec les provinces, mais jusqu'où va cette collaboration sur ce genre de question?

M. Ritz : Pour répondre brièvement, sénateur, cela varierait en fonction des dossiers. Les représentants de l'ACIA établiraient le premier contact, puis le dossier remonterait la hiérarchie pour que les sanctions soient évaluées. Le gouvernement fédéral n'est pas du tout concerné par ce qui se passe dans les exploitations agricoles. Notre surveillance débute lorsque le produit est chargé à bord d'un camion et qu'il quitte l'exploitation agricole en direction de l'usine de transformation ou de n'importe quel autre endroit. Il y a des exceptions en ce qui concerne le déplacement de bétail vers des pâturages, mais elles sont de compétence provinciale. Une série de critères bien définis détermine le moment où l'ACIA intervient.

Le sénateur Plett : Lorsque le produit se trouve dans l'exploitation agricole, il est de compétence provinciale, mais une fois dans le camion, il devient de compétence fédérale.

M. Ritz : Cela dépend où le produit est transporté. Comme je l'ai mentionné, si on déplace du bétail vers un pâturage ou des porcs vers une autre exploitation agricole, ce n'est pas nécessairement de notre ressort. Dernièrement, il y a eu un cas en Alberta où un encan était contigu à une usine de transformation. Les produits n'étaient pas tous destinés à l'usine de transformation, et c'est là que se trouve la différence. Tous les produits arrivaient dans le camion, mais certains relevaient de notre compétence et d'autres, qui étaient destinés à l'encan, relevaient de la compétence provinciale. Les relations de travail entre les deux ordres de gouvernement sont excellentes, et les discussions se poursuivent pour déterminer quels sont les meilleurs moyens de servir l'industrie pour veiller à ce que les animaux soient en sécurité et traités sans cruauté. Comme je le disais, cela varie au cas par cas et en fonction des domaines de compétence.

Le sénateur Plett : L'inspecteur de l'ACIA se contenterait donc de produire un rapport relatant ses observations.

M. Ritz : Il a le pouvoir d'aller plus loin. Il peut interrompre une activité, puis se prononcer sur sa gravité et ainsi de suite.

Mme McGuire : La mise en application des amendes et des sanctions imposées par le ministère est régie par diverses lois et définie dans la réglementation. Par exemple, la réglementation pourrait établir les dispositions assujetties à des sanctions pécuniaires et déterminer la gravité de l'infraction, à savoir s'il s'agit d'une infraction mineure ou de quelque chose de plus grave.

M. Ritz : On tiendrait aussi compte du fait qu'il s'agit d'une première infraction ou d'une récidive.

Mme McGuire : On tient aussi compte de cela. Des consultations approfondies auprès des intervenants ont lieu tout au long du processus de réglementation. Le principe général qui sous-tend le processus est le risque ou les conséquences qui découlent de la non-conformité. Évidemment, lorsque les conséquences ou les risques d'une activité sont importants, celle-ci se verrait imposer la sanction associée à une infraction grave.

M. Ritz : Au bout du compte, sénateur, personne ne veut voir sa réputation ternie. L'industrie entière, jusqu'à ses partenaires sur le terrain, participe activement à ces discussions et à la coordination.

Le sénateur Plett : Je tiens à faire écho aux propos de la sénatrice Beyak. Le projet de loi qui est proposé est excellent. Je vous remercie et je suis fier d'en être le parrain.

La sénatrice Merchant : J'ai une question à propos des modifications proposées à la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole. Pouvez-vous nous dire quels problèmes elles visent à régler? Comment cela fonctionne-t-il maintenant, et cetera?

M. Ritz : Ces modifications visent plutôt à simplifier l'administration, mais Rosser Lloyd est la meilleure personne pour parler de ce dossier.

M. Lloyd : La médiation en matière d'endettement agricole est un service offert aux agriculteurs qui font face à difficultés financières. On leur offre un service de consultation pour établir un plan d'affaires, puis un service de médiation qui intervient auprès des créanciers pour en arriver à une solution qui, nous l'espérons, permettra à l'exploitation agricole de poursuivre ses activités. À l'heure actuelle, le ministre — en fait, le ministère — ne participe pas à la médiation à titre de garant d'un paiement anticipé. Puisque le Programme de paiements anticipés peut être une dette exigible considérable pour un producteur, nous nous retrouvons dans une situation où l'agriculteur participe à une médiation à laquelle les créanciers ne prennent pas tous part. Les modifications à cette loi permettront au ministre de participer à ces médiations à titre de garant du paiement anticipé.

M. Ritz : Au nom des contribuables.

M. Lloyd : Le producteur peut voir l'ensemble de ses dettes, et il obtient une solution complète à sa situation financière.

Le président : En terminant, j'ai demandé aux sénateurs de se présenter au début de la réunion. Je dirais au ministre qu'il pourrait un jour devenir membre de ce comité extraordinaire.

M. Ritz : Il est vrai qu'il s'agit d'un comité extraordinaire, sénateur. Je vieillis rapidement, alors je crois que je m'arrêterai là.

Le président : Monsieur le ministre, au nom du comité, je vous remercie sincèrement d'avoir comparu devant nous et d'avoir été la première personne à témoigner sur le projet de loi C-18, Loi sur la croissance dans le secteur agricole. Je tiens à souhaiter un joyeux Noël et une bonne année 2015, à vous et à votre famille, ainsi qu'aux membres de votre équipe.

M. Ritz : Je vous souhaite certainement la même chose, à vous, à votre famille et à tous les sénateurs ici présents. Profitez de ce congé. Je sais à quel point vous travaillez fort. Tout le monde mérite ce temps libre. Profitez-en pour renouer avec votre famille, comme j'ai l'intention de faire. Mon épouse m'a dit l'autre jour que je passais plus de temps en Chine que chez moi. Elle remarque ces choses.

Le président : Merci.

Honorables sénateurs, alors que nous passons à la deuxième heure du débat sur le projet de loi C-18, je tiens à saluer les témoins et à les remercier d'être ici avec nous pour faire part de leurs remarques et de leurs opinions et répondre aux questions des sénateurs.

Nous accueillons des représentants d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, à savoir M. Rosser Lloyd, qui est directeur général à la Direction des programmes de gestion des risques de l'entreprise de la Direction générale des programmes; et M. Martin Crevier, qui est directeur adjoint à la Division des programmes de garantie financière de la Direction générale des programmes. Du côté de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, nous avons Mme Veronica McGuire, qui est directrice exécutive des Politiques sur les programmes, la réglementation et le commerce; et M. Nicolas McCandie Glustien, qui est gestionnaire des Affaires législatives. Enfin, pour Justice Canada, nous avons Mme Louise Sénéchal, qui est avocate générale et directrice exécutive adjointe des services juridiques pour Agriculture et inspection des aliments; et Mme Sara Guild, qui est gestionnaire intérimaire et avocate principale des services juridiques pour Agriculture et inspection des aliments.

Le greffier m'a informé qu'il n'y a pas d'exposé. Nous passerons donc aux questions.

La sénatrice Tardif : Je veux revenir à la question sur l'achat de semences par les agriculteurs. J'ai cru comprendre que s'ils achètent leurs semences d'une personne morale, par exemple, le prix qu'ils doivent payer est juste, et ce qu'ils retirent de cet achat dépend du rendement de ces semences. En vertu du projet de loi C-18, est-ce que les agriculteurs peuvent échanger des semences entre eux?

Nicolas McCandie Glustien, gestionnaire, Affaires législatives, Agence canadienne d'inspection des aliments : Ce n'est pas une pratique qui est actuellement admise, s'il s'agit d'une variété protégée. Ce type d'échange est déjà interdit aux termes de la convention de l'UPOV de 1978, ainsi que dans la Loi sur la protection des obtentions végétales qui est en vigueur actuellement. Les agriculteurs ne peuvent pas faire des échanges de semences avec d'autres agriculteurs parce que cela équivaudrait essentiellement à une vente. Ils donneraient une variété protégée à d'autres agriculteurs en échange d'une rétribution.

Cette pratique est également interdite aux termes de la convention de l'UPOV de 1991, ainsi que dans le cadre des modifications à la Loi sur la protection des obtentions végétales que nous proposons ici. Par conséquent, l'échange des semences d'une variété protégée, si un contrat a été conclu, continue à être interdit.

La sénatrice Tardif : Si, par exemple, une personne morale apprenait qu'un de ses produits se trouvait dans le champ d'un agriculteur qui ne l'avait pas acheté — peut-être parce que le vent l'avait emporté jusque-là ou pour une autre raison — est-ce que l'agriculteur pourrait être poursuivi par l'entreprise?

M. McCandie Glustien : Cela ne serait pas considéré comme une infraction à la loi. Les agriculteurs ne feraient pas l'objet de poursuites. Toutefois, une action civile pourrait être intentée par le titulaire des droits relatifs à la variété protégée.

Pour ce qui est de la possibilité qu'un produit soit emporté par une bourrasque de vent, imaginons le scénario suivant : dans un champ, un agriculteur a une variété A, tandis que l'agriculteur de l'autre côté de la rue a une variété B. Quelques semences s'envolent et se posent dans le champ de l'agriculteur B, ce qui entraîne la pollinisation croisée des deux variétés. Il n'existe plus de variété A ou B, mais plutôt une troisième variété, la variété C, qui n'est pas protégée et ne rapportera probablement rien à l'agriculteur B. Ce n'est pas le produit qu'il espérait cultiver et, si une telle contamination accidentelle se produisait, le produit obtenu par ce croisement ne serait pas une variété protégée comme le produit initial.

La sénatrice Tardif : Il n'y a rien qui indique que, pour avoir commis une infraction, l'agriculteur devait avoir agi de façon intentionnelle, n'est-ce pas?

M. McCandie Glustien : C'est vrai, mais c'est le cas dans la plupart des lois portant sur la propriété intellectuelle, comme la Loi sur les brevets. Il n'est pas nécessaire que le geste soit intentionnel pour qu'il soit considéré comme une infraction. C'est plus ou moins la norme dans les lois sur la propriété intellectuelle, et mes collègues de Justice Canada aimeraient peut-être parler de ce sujet.

Louise Sénéchal, avocate générale et directrice exécutive adjointe, Agriculture et inspection des aliments, Services juridiques, Justice Canada : Je peux seulement confirmer que c'est le cas. Dans le domaine de la propriété intellectuelle, on ne tient habituellement pas compte de l'intention. Je ne peux donc que confirmer les propos de M. McCandie Glustien.

M. McCandie Glustien : Si une action civile était intentée, les deux parties seraient en mesure d'expliquer la situation et ce qui s'est passé. Par conséquent, la décision relative à cette action tiendrait probablement compte du fait qu'il n'y avait pas d'intention délibérée en cas de contamination croisée.

La sénatrice Tardif : Vous comprenez où je veux en venir. Je tente de protéger les intérêts des petits exploitants agricoles, plutôt que ceux des sociétés, et de déterminer s'il existe un juste équilibre entre les deux. Je ne veux pas que les intérêts des grandes sociétés soient privilégiés.

M. McCandie Glustien : Au risque de me répéter, ce sont les règles prévues dans la convention de l'UPOV de 1978 et dans la loi actuelle.

[Français]

Le sénateur Maltais : Madame Sénéchal, vous avez parlé de recours civil. Est-ce que le principe surnommé act of God ne s'applique pas dans ce cas précis?

Mme Sénéchal : Chaque cas est un cas d'espèce. Vous connaissez la réponse des avocats : cela dépend. Il faudrait voir les faits dans un cas précis. Il est possible qu'un cas de force majeure du type act of God puisse s'appliquer, mais encore là, tout dépend des lois provinciales, car les poursuites civiles, normalement, sont effectuées en vertu du droit provincial. Il faudrait voir dans chaque cas.

Le sénateur Maltais : Est-ce qu'il y a eu des précédents?

Mme Sénéchal : Oui, il y a eu un précédent. J'aimerais mentionner que, justement, il y a eu un seul précédent et que c'est extrêmement rare. Donc, la réalité est que les grosses compagnies ne voient pas d'avantages réels à aller à l'encontre d'un petit fermier qui a peu de moyens. Ce n'est pas à leur avantage. Ce n'est pas vraiment une réponse juridique.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Je veux parler de la délivrance de permis aux établissements fabriquant des aliments pour animaux ou des engrais. Nous avons entendu que certaines sociétés se plaignent du fait qu'il est plus difficile de faire des affaires au Canada qu'à l'étranger. Je comprends que les modifications proposées dans le projet de loi en ce qui concerne la délivrance de permis et d'agrément aux entreprises qui vendent leurs aliments pour animaux ou leurs engrais dans d'autres provinces et pays faciliteront le commerce interprovincial et élimineront les formalités administratives imposées aux producteurs. Je sais que le gouvernement a un programme commercial ambitieux.

Quels sont les avantages des dispositions proposées relativement à l'octroi de permis et d'agrément aux entreprises qui font le commerce international et interprovincial de leurs aliments pour animaux et de leurs engrais?

Mme McGuire : Ce sont des dispositions adoptées par le secteur alimentaire canadien, ainsi que par un grand nombre de nos principaux partenaires commerciaux. Un régime d'octroi de permis améliorera habituellement la capacité de vendre des produits salubres, tant au Canada qu'à l'étranger. De nombreux intervenants de divers secteurs nous ont dit qu'ils étaient fermement en faveur de l'octroi de permis aux établissements.

Par exemple, dans le cadre de leurs observations sur la Loi relative aux aliments de bétail, les représentants de l'Association de nutrition animale du Canada nous demandent depuis plusieurs années maintenant de mettre en place un régime d'octroi de permis pour les provenderies commerciales et d'accroître leur capacité de vendre des aliments partout au pays, de même qu'à l'étranger.

M. McCandie Glustien : J'aimerais ajouter quelques points. Nous croyons qu'il s'agirait d'une pratique avantageuse pour les producteurs puisque, à l'heure actuelle, les aliments pour animaux et les engrais sont enregistrés produit par produit. Il y a donc trois types d'aliments qui sont fabriqués. Il faut enregistrer ces produits et les faire inspecter individuellement, puis les faire sortir de l'établissement un par un, alors que si on instaure un régime d'octroi de permis, on peut enregistrer l'établissement ou le fabricant, ce qui pourrait permettre à un enregistrement ou une licence de s'appliquer à de multiples produits. L'enregistrement de l'établissement pourrait permettre de réduire les formalités administratives.

Le sénateur Plett : Il ne sera pas nécessaire d'homologuer tous les produits.

M. McCandie Glustien : Exactement. De plus, une telle approche pourrait avoir beaucoup d'avantages sur le plan de la sécurité. Si nous voulons des renseignements sur la traçabilité d'aliments contaminés, notre tâche sera beaucoup plus difficile si les produits ont été enregistrés un à la fois au lieu que l'entreprise elle-même soit enregistrée et que nous puissions directement faire appel à elle pour savoir ce qu'elle a produit.

De plus, comme Veronica l'a mentionné, nos partenaires commerciaux internationaux, tant dans le secteur des aliments du bétail que dans celui des engrais, cherchent à mettre en place des plans de contrôle préventif et des plans de sécurité dans les établissements. Ce type de régime leur permettrait de libéraliser grandement leurs échanges commerciaux, surtout ceux avec les États-Unis.

Le sénateur Plett : Merci. J'ai une autre question à poser. Je sais que nous avons parlé de long en large de la protection des obtentions végétales et du privilège accordé aux agriculteurs, mais j'ai une autre question sur ces sujets. Je pense que je comprends clairement ce que nous faisons maintenant, mais je ne comprends pas parfaitement ce dont nous disposons maintenant.

Nous accordons des droits aux obtenteurs, de même qu'un privilège aux agriculteurs, et je pense que c'est formidable. Pourtant, comme le ministre l'a dit, il y a des groupes, tels que le Syndicat national des cultivateurs, qui sont mécontents du privilège accordé aux agriculteurs. Je crois comprendre que, à l'heure actuelle, les agriculteurs ne bénéficient pas de ce privilège.

Expliquez-nous cela parce que je sais que des représentants du Syndicat national des cultivateurs comparaîtront un jour devant nous et, s'ils nous regardent actuellement, ils pourraient changer leur témoignage si vous expliquez à l'avance ce dont nous disposons maintenant et les avantages d'une telle mesure.

Mme McGuire : Je vais faire quelques remarques générales, puis je demanderai à Nic de vous fournir des détails supplémentaires. Comme vous le savez, il y a une loi en vigueur actuellement : la Loi sur la protection des obtentions végétales. Comme il a été mentionné auparavant, cette loi date de 1990. Elle reprend les dispositions de la convention de l'Union internationale pour la protection des obtentions végétales de 1978. Les amendements proposés reflètent généralement les approches et les dispositions de la convention de l'UPOV de 1991, dont le Canada est signataire. La plupart de nos partenaires commerciaux ont adopté des mesures législatives qui tiennent compte des éléments de cette convention.

Pour ce qui est du privilège des agriculteurs, je vais demander à Nic de répondre à votre question, sénateur.

M. McCandie Glustien : Certainement. À l'heure actuelle, ni la convention de l'UPOV de 1978, ni la Loi sur la protection des obtentions végétales ne prévoient explicitement de privilège pour les agriculteurs. Il est convenu implicitement qu'un agriculteur peut conserver et réutiliser des semences, mais rien n'est écrit à cet effet. Nous estimons qu'en insérant cette disposition de la convention de l'UPOV de 1991 dans la Loi sur la protection des obtentions végétales, on clarifiera sans équivoque le droit existant de l'exploitant agricole, pardon, l'exemption au certificat d'obtention, comme il est dit techniquement dans le projet de loi. L'exemption serait confirmée dans la loi. À l'heure actuelle, cela se fait plutôt au cas par cas, et non en fonction d'une règle claire.

La transition entre la convention de l'UPOV de 1978 à celle de 1991 modifie d'autres éléments. Le privilège des agriculteurs est certainement le principal, selon moi, mais d'autres exemptions au certificat d'obtention sont prévues pour la recherche et les petites exploitations agricoles non commerciales. Si je fais pousser quelque chose dans mon jardin, cela est maintenant aussi exempté clairement. Il y a aussi d'autres aspects modifiés au chapitre de la durée de la protection.

Le sénateur Plett : Le projet de loi inscrirait donc dans la loi le privilège de l'agriculteur, qui existait déjà en pratique mais n'était pas...

M. McCandie Glustien : Absolument. C'est exact.

La sénatrice Merchant : Ma question porte sur les modifications apportées aux lois concernant les intrants agricoles et l'importance d'harmoniser la réglementation canadienne avec celle de nos principaux partenaires de commerce. La préoccupation, c'est la possibilité d'un délai pour qu'une chose approuvée au Canada soit approuvée aux États-Unis, par exemple. En moyenne, combien de temps prend le processus d'approbation d'un nouveau produit agricole?

Également, pourriez-vous expliquer comment fonctionne l'intervention du ministre pour déterminer si l'information fournie par une étude effectuée à l'étranger ou à l'échelle internationale respecte les normes scientifiques canadiennes et en quoi cela changera?

Mme McGuire : Certainement. L'approbation préalable des produits du secteur des aliments du bétail, par exemple, de même que du secteur des engrais, passe par un examen très rigoureux effectué par les spécialistes et les scientifiques de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA). En général, nous avons des normes de service pour l'évaluation de la salubrité d'un produit et son approbation. Cela dépend du programme. Mais en raison de l'analyse approfondie qui s'impose et du principe fondamental selon lequel nous devons être certains que le produit peut être utilisé sans risque au Canada, je dirais que cela prend généralement au moins un an, voire plus dans certains cas.

Ce n'est pas un processus qui s'effectue rapidement en général, parce que les experts de l'agence procèdent à un examen scientifique du point de vue d'un organisme de réglementation. Nous effectuons un examen par les pairs. À l'occasion, nous prenons aussi en considération les études effectuées par d'autres experts et d'autres pays aux vues similaires. Toutefois, comme il a été dit tout à l'heure je crois, même dans les situations où nous pouvons tenir compte des analyses scientifiques réalisées par des pairs aux États-Unis, dans un pays de l'Union européenne ou ailleurs, cela ne fait que compléter l'analyse effectuée à l'interne par les experts de l'ACIA. Les données d'un pays étranger et l'approbation par un pays étranger ne remplacent pas la prise de décision de l'ACIA mais sont un facteur pris en considération dans notre prise de décision.

Pour ce qui est de l'intervention du ministre, il faut savoir que ce genre de décisions est généralement très technique. Ces décisions sont prises par nos toxicologues et nos spécialistes des différents programmes. À ce que je sache, il n'y a aucune intervention du ministre, à moins que des modifications à la réglementation soient nécessaires; et le cas échéant, bien entendu, nous suivrions le processus de réglementation habituel. L'examen comme tel, la détermination de la salubrité, relèvent des spécialistes de l'ACIA.

La sénatrice Merchant : Mais je croyais que les modifications proposées dans le projet de loi autoriseraient le ministre à tenir compte des résultats d'études scientifiques internationales dans le processus d'approbation et d'enregistrement de nouveaux produits agricoles.

Mme McGuire : C'est la façon dont c'est dit dans le projet de loi. Ce pouvoir ministériel peut être délégué aux responsables de l'agence, comme ce serait le cas à cet égard.

M. McCandie Glustien : À l'heure actuelle, l'autorisation d'un nouveau produit se fait au niveau ministériel, mais elle est déléguée aux responsables de l'ACIA chargés d'examiner la substance en question. Le projet de loi ne vient que compléter cela, en précisant que les données et les analyses de source étrangère peuvent faire partie de l'ensemble des éléments pris en considération.

Comme l'a mentionné Mme McGuire, si une nouvelle substance était autorisée dans certaines situations — je pense entre autres aux engrais —, elle devrait peut-être être ajoutée à une liste prévue à cette fin dans la réglementation. Ensuite, il faudrait suivre le processus de réglementation, ce qui contribue souvent au délai entre l'amorce d'un examen, l'approbation du produit et le moment où le produit est offert aux agriculteurs au Canada.

Le sénateur Ogilvie : Madame McGuire, j'aimerais vous poser une question sur un sujet qui a déjà été effleuré ce matin dans le témoignage du ministre. C'est en lien avec la question générale des droits de douane réglementaires et des obstacles au commerce, c'est-à-dire le fait que certains pays, dont le Canada, exigent souvent qu'un produit ne présente aucune trace d'un certain pesticide ou organisme génétiquement modifié, par exemple.

Or, la capacité de détection scientifique de nos jours atteint l'échelle des particules par mille milliards. On dépasse largement tout risque d'incidence d'ordre viable sur quelque organisme vivant que ce soit.

Le simple fait d'adopter un règlement indiquant que tout produit d'une certaine catégorie importé au Canada ne doit présenter aucune trace de ceci ou cela crée dans les faits un obstacle au commerce sans égard aux pourparlers internationaux sur les droits de douane et les échanges commerciaux. Cela pourrait constituer un obstacle absolu au commerce.

Cela fonctionne dans les deux sens : les importations comme les exportations. D'ailleurs, la plupart des préoccupations que nous avons entendues portent sur les exportateurs canadiens de l'industrie agricole qui tentent de faire des exportations dans des marchés où il n'y a aucune exigence pour certaines catégories de produits.

Pourriez-vous résumer l'importance ou l'ampleur de la question et à quel point cela constitue un problème? Une exigence de trace nulle peut sembler valable d'un point de vue moral afin de protéger la population, alors que, en réalité, les limites de détection allant au-delà de ce que quiconque aurait pu imaginer ne serait-ce que deux ou trois ans plus tôt, l'effet est tout autre. Pourriez-vous, donc, nous faire un compte rendu élémentaire de la question?

Mme McGuire : Volontiers. Certes, il est vrai que les méthodes scientifiques et les façons de procéder en laboratoire continuent d'évoluer et, comme vous le dites, sont de plus en plus sophistiquées et permettent de détecter la présence d'une substance ou d'un élément donné à un degré qui était encore impossible il y a à peine quelques années.

La science évolue sans cesse et, en tant qu'organisme de réglementation fondé sur les connaissances scientifiques, nous travaillons fort pour demeurer au diapason des progrès scientifiques. Notre priorité est la salubrité, mais nous sommes également conscients des facteurs commerciaux et économiques.

Je tiens par contre à mentionner que nous collaborons avec des organismes internationaux de normalisation. Certains organismes normalisent à la fois dans l'optique de la protection des végétaux et de la santé des animaux, et Codex est l'organisme international de normalisation pour la salubrité des aliments. Le Canada joue un rôle très actif dans les trois organismes internationaux de normalisation et travaille fort, de concert avec d'autres ministères tels que Santé Canada, pour négocier, à l'échelle internationale, des normes qui sont orientées sur la salubrité, dans l'espoir que les pays membres d'un organisme comme Codex adopteront une réglementation intérieure conforme aux normes internationales fondées sur les connaissances scientifiques.

En ce qui a trait aux facteurs commerciaux — et le ministre a mentionné ce matin la question de la présence en faible quantité —, nous consultons les parties intéressées dans d'autres pays pour trouver des solutions aux questions associées à la présence en faible quantité, c'est-à-dire la présence de substances génétiquement modifiées ayant été autorisées dans un pays, et le fait que les méthodes de détection nous permettent maintenant, comme vous l'avez indiqué, de déceler la présence de quantités infimes.

Nous travaillons donc activement à ce dossier, de concert avec nos collègues du ministère de l'Agriculture. Nous examinons, particulièrement dans le secteur du commerce céréalier, les approches stratégiques adaptées à la réalité d'aujourd'hui qui, évidemment, ne compromettent pas la salubrité — car, comme je l'ai dit, c'est le premier facteur que nous considérons — mais qui réduisent autant que possible les inconvénients pour le commerce et favorisent un flux d'échanges aussi rapide que possible entre les divers pays.

Le sénateur Ogilvie : Je comprends ce que vous dites, et je suis tout à fait d'accord. Je comprends quel est le processus global. Mais j'ai parlé de présence nulle. C'est une valeur absolue.

Mme McGuire : Oui.

Le sénateur Ogilvie : Ma véritable question est : à quel point l'imposition d'une présence nulle est-elle devenue problématique pour le commerce international?

Mme McGuire : Cela commence à poser problème, et je crois que la plupart des gens seraient d'accord pour dire que cela sera de plus en plus problématique à mesure que les méthodes de détection évolueront. Dans le cas de la présence en faible quantité, par exemple, une partie du dialogue porte certainement sur l'abandon de la tolérance nulle, et un grand nombre de parties intéressées soutiennent qu'il est nécessaire d'abandonner la tolérance nulle, qu'elle est simplement irréaliste compte tenu des pratiques commerciales et des méthodes de dépistage, et que les pays doivent envisager de rajuster les niveaux tolérés de sorte qu'ils soient non pas nuls mais plutôt à un niveau qui tient compte des pratiques actuelles des entreprises et du commerce sans toutefois compromettre la salubrité, encore une fois.

J'espère avoir répondu à votre question.

Le sénateur Ogilvie : Je crois que je serai en mesure d'approfondir le sujet avec d'autres témoins. Vous avez néanmoins présenté un excellent résumé de la question. Les effets absolus sur les exportateurs indépendants sont une autre paire de manches, et je vais donc en rester là pour l'instant.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur le président, merci à nos témoins. Je voudrais revenir à la question de la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole, car c'est un dossier qui m'intéresse particulièrement. On sait qu'il y a, à l'heure actuelle, un processus de médiation en matière d'endettement agricole qui fonctionne.

Comment va-t-il fonctionner avec le projet de loi C-18? Est-ce que cela va être différent? Est-ce qu'on va l'améliorer? Quels éléments le projet de loi C-18 va-t-il nous aider à surmonter, s'il y avait des éléments qui pouvaient être plus négatifs à l'endroit de ce processus?

[Traduction]

M. Lloyd : La Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole constitue le fondement législatif du Service de médiation en matière d'endettement agricole. Les producteurs en difficultés financières peuvent s'adresser au service afin de recevoir l'aide d'un consultant pour l'élaboration d'un plan d'affaires qui fera avancer l'entreprise agricole. Dans bien des cas, il s'agit de producteurs au bord de la faillite; si on menace de les saisir, un plan d'affaires leur est nécessaire pour se sortir de l'impasse. Une fois le plan créé, on passe ensuite à l'étape de la médiation.

Nous offrons un service de médiation pour la négociation entre le producteur et ses créanciers. L'objectif consiste à rassembler tous les créanciers pour leur présenter le plan d'affaires et arriver à une solution qui leur convient tous, afin que le plan fonctionne réellement par la suite.

À l'heure actuelle, le ministère — représenté par le ministre ou toute personne qu'il désigne — est garant des paiements anticipés, mais les personnes désignées ne peuvent pas participer à la médiation. Nous avons donc un processus auquel l'administrateur peut participer, mais il ignore ce que le ministère est prêt à accepter relativement aux modalités de l'accord mis de l'avant par le producteur.

Les amendements que nous proposons au projet de loi permettraient au ministre, ou à toute personne qu'il désigne, de participer à la médiation. Le ministre serait mis au courant du plan d'affaires et participerait à la médiation, de sorte qu'à l'issue du processus, le producteur connaîtrait tout à fait le point de vue de ses créditeurs concernant le plan d'affaires.

Le sénateur Enverga : J'aimerais savoir si la protection des obtentions végétales couvre les OGM produits par une autre compagnie.

M. McCandie Glustien : En ce qui concerne la protection des obtentions végétales, il faut faire la distinction entre les variétés protégées d'une part et, d'autre part, les organismes génétiquement modifiés, qui sont brevetables au point de vue du caractère et du gène. Ce sont deux choses très différentes. La protection des obtentions végétales porte sur l'ensemble de la plante. Il peut s'agir d'une variété de plantes génétiquement modifiées, ou d'une variété hybride, issue d'un croisement conçu pour la rendre meilleure et plus résistante. Il n'est alors pas question du gène même. Ici, toute la plante jouit d'une protection en vertu de la loi; un caractère génétique brevetable pourrait quant à lui être protégé en vertu de la Loi sur les brevets.

Le sénateur Enverga : Parfois, un trait génétique brevetable devient un trait naturel. Est-ce possible? Vous êtes-vous penché sur ce genre de choses?

M. McCandie Glustien : Cette question va au-delà de mon champ d'expertise. Je crois qu'après un certain temps, une fois le brevet expiré, le caractère breveté n'est plus protégé et est désormais accepté comme faisant partie de la variété protégée. De même, lorsque se termine la période de protection de la propriété intellectuelle d'une variété, celle-ci peut être utilisée par n'importe qui, sans que des redevances soient perçues pour ces plantes. Je pense qu'il existe un certain chevauchement et des points communs entre les plantes protégées, mais il demeure que la Loi sur la protection des obtentions végétales ne traite pas directement des caractères génétiquement modifiés.

Le sénateur Enverga : Il a été question jusqu'ici de la Loi sur la protection des obtentions végétales. Qu'en est-il des obtentions animales? Existe-t-il une protection à leur endroit? Ferait-elle partie d'un autre projet de loi ou est-elle incluse dans celui à l'étude?

Mme McGuire : Le projet de loi C-18 propose des modifications à la Loi sur la santé des animaux.

M. McCandie Glustien : À l'heure actuelle, il n'existe pas de droits comparables en matière d'obtentions animales dans les lois fédérales canadiennes et rien n'est prévu à cet égard dans le projet de loi C-18. Je crois que certains traits génétiques sont protégés en vertu de la Loi sur les brevets, mais il faudrait poser la question à mes collègues du ministère de la Justice. Le brevetage de traits génétiques chez les animaux est hérissé de difficultés et plus litigieux que le brevetage de traits génétiques chez les plantes. Rien dans le projet de loi à l'étude ou dans les lois fédérales canadiennes n'établit quels sont les droits des zoogénéticiens.

Mme Sénéchal : Je veux simplement signaler au compte rendu qu'à ma connaissance, il n'existe en effet rien de tel.

La sénatrice Unger : Ma question porte sur la protection des obtentions végétales dans les principaux pays partenaires du Canada qui adhèrent déjà à la convention de l'UPOV de 1991. Selon vous, ces partenaires font-ils preuve d'une plus grande capacité d'innovation en matière de variétés de plantes?

M. McCandie Glustien : Absolument. Le fait que les protections prévues dans la convention de l'UPOV de 1991 ne soient pas appliquées au Canada a certainement empêché l'arrivée de certaines nouvelles variétés au pays, ainsi que des investissements dans la recherche et les nouvelles variétés. Après que le Canada ait annoncé qu'il s'apprêtait à mettre en place l'Acte de 1991 de la convention de l'UPOV en modifiant la Loi sur la protection des obtentions végétales, nous avons vu des projets de recherche se mettre en branle au Canada et constaté que des firmes internationales considèrent maintenant le pays comme un environnement propice à leurs affaires.

Plus nous nous distinguerons de nos principaux partenaires commerciaux, comme l'Europe et les États-Unis, plus nous verrons l'impact de l'arrivée de nouvelles variétés sur le marché et les avantages que nous en tirerons. Il a suffi que nous annoncions notre adhésion prochaine à la convention de l'UPOV de 1991 pour que de nouveaux investisseurs se manifestent.

La sénatrice Unger : Selon vos observations, les agriculteurs sont-ils de moins en moins en mesure de garder une partie de leur récolte et de leurs semences?

M. McCandie Glustien : Vous parlez de la capacité décroissante des semences sûres à se propager, année après année?

La sénatrice Unger : Par rapport à la protection des obtentions végétales.

M. McCandie Glustien : Non. Dans les pays étrangers qui ont mis en œuvre des lois en matière de protection des obtentions végétales avant la convention de l'UPOV de 1991, différentes façons de gérer le privilège de l'agriculteur ont été employées. Certains pays accordent un privilège aux agriculteurs, d'autres non. Certains pays, à l'instar du Canada, ont adopté une version modifiée. Il revient à chaque pays de choisir la meilleure façon de le mettre en œuvre. Après de nombreuses années de consultation — le ministre a mentionné que des discussions sont en cours depuis 23 ans avec le secteur agricole et je veux revenir sur ce qu'il a dit. Il ne s'agit pas d'un secteur homogène. Il existe de nombreuses variétés de plantes. Les besoins des producteurs céréaliers sont sans doute très différents de ceux des producteurs de fruits ou des horticulteurs.

Le Canada considère que la solution du privilège modifié est ce qui convient le mieux aux secteurs d'ici. D'autres pays, comme l'Australie, la France et les États-Unis gèrent autrement le privilège de l'agriculteur. Selon nous, celui que nous proposons constitue la meilleure solution pour le contexte canadien.

La sénatrice Unger : Pourriez-vous expliquer ce que vous entendez par « modifié »?

M. McCandie Glustien : Il ne s'agit pas d'un privilège absolu ni d'une absence complète de privilège. La convention de l'UPOV de 1991 n'exige pas qu'un privilège d'agriculteur soit offert. Le Canada, estimant que ce n'était pas la bonne façon de procéder, a choisi d'établir une exemption à la protection des obtentions végétales. Il est possible de mettre en œuvre une exemption au privilège absolu de l'agriculteur qui ne pourra être modifiée plus tard par des réglementations, d'après nos discussions avec de nombreux secteurs. Je pense en particulier aux arboriculteurs, qui peuvent n'acheter qu'un arbre fruitier pour ensuite le cloner et bâtir ainsi un verger complet à partir d'un seul achat.

Ainsi, en payant des redevances pour un seul arbre fruitier, il est possible, grâce au clonage, d'avoir un verger complet au bout de 5 ou 10 ans. L'investissement que représentent toutes les récoltes et les replantations au cours de ces nombreuses années ne se matérialisent jamais pour l'obtenteur. L'industrie reconnaît déjà que, dans son secteur, le privilège de l'agriculteur n'est pas une option viable du point de vue de l'augmentation et du rendement des investissements.

Il existe déjà entre les producteurs fruitiers des engagements à ne pas multiplier les variétés, faute desquels les producteurs ne récupéreraient pas ce qu'ils ont investi dans l'obtention végétale. Je m'égare un peu et je m'en excuse. C'est ce que j'entends par « le privilège de l'agriculteur modifié ». Par des changements réglementaires et en consultation étroite avec les secteurs qui le souhaitent, nous pouvons modifier le privilège de l'agriculteur.

[Français]

Le sénateur Maltais : Madame Sénéchal, tout le monde sait que l'application de la loi contre la cruauté envers les animaux relève en très grande partie des provinces.

Comme le ministre l'a expliqué tout à l'heure, c'est surtout en ce qui a trait au transport et aux abattoirs que s'appliquera votre champ de législation. Y a-t-il d'autres endroits où la loi s'appliquera en ce qui concerne la protection des animaux, en dehors de ces deux champs, soit le transport et les abattoirs?

Mme Sénéchal : Je suis désolée, je ne peux pas répondre à cette question.

[Traduction]

Mme McGuire : L'Agence canadienne d'inspection des aliments prend très au sérieux son mandat de veiller au bien-être des animaux. Les feuilles de rapport comprennent des dispositions pour prendre des mesures contre les transporteurs qui ne respectent pas les normes, par exemple.

Une disposition du projet de loi C-18 traite des sanctions administratives pécuniaires, dont nous avons parlé ce matin. On y propose de hausser les amendes.

[Français]

Le sénateur Maltais : Plus précisément, quels en sont les champs d'application? La balance, l'administration, les amendes, c'est connu. Cependant, quels sont les champs d'application qui ne viennent pas contrefaire les lois provinciales?

[Traduction]

M. McCandie Glustien : Les compétences fédérales relatives à la Loi sur la santé des animaux couvrent le transport, de même que les activités touchant les animaux dans les abattoirs d'inspection fédérale. Ainsi, le traitement sans cruauté des animaux est prévu dans la Loi sur la santé des animaux dans les abattoirs sous inspection fédérale jusqu'au moment de l'abattage, après quoi l'animal devient un produit alimentaire. La Loi sur la salubrité des aliments au Canada traite également de traitement sans cruauté lors de l'abattage des animaux, de même que la Loi sur l'inspection des viandes. En fait, il y a un certain chevauchement entre les lois fédérales.

[Français]

Le sénateur Maltais : Vous me confirmez que l'application de la loi concernera le transport et les abattoirs?

M. McCandie Glustien : Oui.

[Traduction]

La sénatrice Beyak : Je viens de me rendre compte que nous tous, à la table, comprenons ce que sont les conventions de l'UPOV de 1978 et 1991, mais que ceux qui suivent la discussion à la maison aimeraient probablement avoir une explication. L'un d'entre vous pourrait peut-être expliquer la différence.

M. McCandie Glustien : Absolument. J'essaie seulement de trouver le titre au long des conventions de 1991 et de 1978. L'acronyme signifie « Union internationale pour la protection des obtentions végétales », et une convention a été adoptée en 1978, et une autre 1991. Cette union est un organisme international qui s'est constitué dans les années 1960 en se donnant pour mission d'établir une norme internationale concernant la protection des obtentions végétales. Le Canada a été parmi les premiers pays à s'y joindre. Nous avons participé aux discussions sur la convention de l'UPOV de 1978, qui se sont conclues dans les années 1980, comme l'a dit l'autre sénateur.

Notre loi donnant suite au régime de la convention de 1978 est entrée en vigueur en 1990. Peu de temps après, nous signions la convention de l'UPOV de 1991. Je pense que c'était deux ans après l'entrée en vigueur de notre loi. Nous avons donc dû faire du rattrapage. Il s'agissait d'un régime mis à l'essai dans les années 1960, et la plupart des pays l'ont adopté dans les délais prévus dans la convention de l'UPOV de 1978. Nous devons maintenant de nouveau faire du rattrapage pour mettre les normes à jour en fonction de la convention de l'UPOV de 1991.

Le ministre en a parlé plus tôt, mais je peux le rappeler, pour le moment on ne s'attend à aucun changement à la convention de l'UPOV dans la prochaine décennie. On ne sait pas comment ce genre de situation va évoluer, mais nous ne serons probablement pas de retour ici dans les prochaines années pour étudier une convention de l'UPOV de 2020.

La sénatrice Beyak : Je pense que, pour dire les choses simplement, avec la convention de l'UPOV de 1978, les agriculteurs croyaient qu'ils pouvaient conserver leurs semences et, avec la convention de 1991, ils le peuvent vraiment.

M. McCandie Glustien : Absolument. En vertu de la convention de 1978, c'était considéré comme une pratique traditionnelle. Depuis des millénaires, les agriculteurs conservent leurs semences pour les replanter. Ils choisissent les meilleures et s'en servent pour récolter ce produit l'année suivante. Mais la protection n'est pas réellement garantie. Ça ressemblait à une entente tacite. En vertu de la convention de l'UPOV de 1991, on s'est dit, à l'échelle internationale, qu'on allait l'inscrire dans la loi afin que tout le monde puisse vérifier que cette protection existe.

La sénatrice Tardif : Si je comprends bien, seules les variétés enregistrées peuvent être conservées. Un agriculteur ne peut pas conserver une semence qui n'est pas enregistrée. Moins il y aura de variétés de semences qui seront enregistrées, moins l'agriculteur pourra obtenir un prix concurrentiel pour les semences qu'il devra acheter.

Une entreprise pourrait-elle demander à l'Agence canadienne d'inspection des aliments de ne pas enregistrer une semence pour se tailler une place plus avantageuse sur le marché?

M. McCandie Glustien : Merci, sénatrice, pour cette question. Je vais revenir un peu en arrière et parler des deux processus distincts. Les obtentions végétales sont protégées en vertu de la Loi sur la protection des obtentions végétales. Les semences sont réglementées en vertu de la Loi sur les semences et du Règlement sur les semences, qui est un énorme registre et une liste des semences qui respectent les normes de sécurité du marché canadien, par exemple pour des raisons de contamination croisée. Ce sont en fait deux régimes tout à fait distincts. La liste des semences enregistrées est une liste distincte de celle des variétés protégées. Quand une variété protégée cesse d'être protégée, il faut encore qu'elle soit enregistrée pour qu'on puisse l'utiliser.

Je crois que vous vouliez savoir si des entreprises supprimeraient du registre une semence qui n'est plus protégée.

La sénatrice Tardif : C'est exact.

M. McCandie Glustien : On nous a posé la même question à l'autre comité. Nous ne voyons pas cette situation se produire.

La sénatrice Tardif : Mais ça pourrait arriver.

M. McCandie Glustien : Nous n'avons pas vu de telle situation parce que cela ne semble pas être dans l'intérêt de l'industrie étant donné la façon dont cela fonctionne. L'industrie veut avoir une bonne relation avec les agriculteurs. Cela devient un contrat entre eux. L'industrie et l'agriculteur bénéficient tous les deux du fait d'avoir de bonnes semences et de bonnes récoltes. Cela fait des années que nous étudions la question, et nous n'avons jamais vu de semences enregistrées qui soient supprimées du registre.

Ce serait aussi un processus complexe que de faire supprimer une semence du registre. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. Nous ferions une étude à l'Agence canadienne d'inspection des aliments à savoir si la suppression d'une semence est aussi dans l'intérêt du marché. S'il était préférable que la semence soit conservée dans le contexte canadien, ce processus pourrait durer une éternité.

La sénatrice Tardif : Mais il y a un risque, et vous allez l'examiner?

M. McCandie Glustien : Nous allons l'examiner, mais je dirais que, pour le moment, c'est juste une éventualité théorique, qui ne s'est jamais produite en un bon nombre d'années.

La sénatrice Tardif : Pourriez-vous me dire combien de postes de chercheur ont été éliminés à Agriculture et Agroalimentaire Canada depuis 2013?

M. Lloyd : Je ne connais pas la réponse à cette question. Il faudrait l'adresser à notre service de recherche.

La sénatrice Tardif : Seriez-vous en mesure de faire parvenir la réponse à notre comité?

M. Lloyd : Bien sûr.

Le président : Nous apprécierions. Merci.

Le sénateur Plett : J'ai dit que j'avais terminé mais, en feuilletant mes notes, j'ai trouvé quelque chose d'intéressant.

Ce projet de loi permet-il aux pays qui ne sont pas membres de l'UPOV d'obtenir la protection des obtentions végétales? Par exemple, Taïwan a une orchidée qui a beaucoup de succès et, apparemment, cet État ne peut pas la protéger parce qu'il n'est pas membre de l'UPOV. Pourrait-il maintenant le faire en vertu de ce projet de loi?

M. McCandie Glustien : La réponse courte est oui. Jusqu'à maintenant, elle ne le pouvait pas. En vertu de la convention de l'UPOV de 1978, la protection des obtentions végétales prévue par l'UPOV était réciproque entre les membres de l'UPOV. C'est ainsi qu'un pays de l'union était décrit dans la mesure législative. Maintenant, la loi sera changée de telle manière que tout pays membre de l'Organisation mondiale du commerce sera aussi membre de l'union. Tout membre de l'OMC peut demander la protection de ses variétés au Canada. Il n'a plus à être membre de l'UPOV. Cela règle donc un problème comme celui de Taïwan, qui n'adhère pas à la convention de l'UPOV de 1991, mais qui est membre de l'OMC.

Le sénateur Plett : Ces pays auraient-ils à demander la protection de toute semence ou plante qu'ils veulent voir protéger, ou demanderaient-ils simplement une protection globale?

M. McCandie Glustien : Non, cela se fait au cas par cas, pour chaque variété.

Le sénateur Merchant : J'ai une question au sujet des modifications apportées aux sanctions dans ce projet de loi. Je crois que la sanction maximale est augmentée. Pourquoi? Deuxièmement, ces modifications seraient-elles mises en œuvre plus facilement si elles étaient apportées dans le règlement plutôt que dans la loi?

Mme McGuire : Cette augmentation des sanctions est fondée sur l'expérience des sanctions pécuniaires au sein de notre ministère et dans d'autres ministères. Fondamentalement, les sanctions pécuniaires sont conçues pour encourager le respect de la loi. Elles sont l'un des outils utilisés par l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Cela dit, si la sanction maximale n'est pas assez élevée, elle risque de ne pas nous permettre d'atteindre notre objectif, soit le respect de la loi.

Nous avons examiné la question et fixé la somme maximale en fonction de notre expérience, pour être sûrs qu'elles assurent le respect des règles par les entreprises ou les autres parties assujetties à la réglementation, et éviter que celles-ci les considèrent comme une simple formalité administrative. Encore une fois, l'objectif est de favoriser le respect de la loi.

La façon d'appliquer ces sanctions pécuniaires se fera par la voie du règlement. Cela nous permettra d'imposer la somme maximale fixée dans le projet de loi. C'est le règlement qui précisera comment cela s'applique aux différents secteurs. Il précisera les types d'infractions et leur gravité ainsi que la sanction prévue pour chacune des infractions.

M. McCandie Glustien : J'ajouterais une chose à ce résumé, parce que le fonctionnement du système peut être difficile à comprendre. C'est la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire qui fixe les sanctions maximales, et c'est elle qui est modifiée ici. Les sanctions passent de 2 000 $, 10 000 $ et 15 000 $ à 5 000 $, 15 000 $ et 25 000 $, respectivement pour les infractions mineures, graves et très graves. Ce sont les maximums.

Pour changer les sanctions, il faut changer le règlement. Par exemple, à l'heure actuelle, une infraction très grave entraîne une sanction de 10 000 $. Le maximum est de 15 000 $, mais la sanction réelle est de 10 000 $. Nous augmentons le maximum à 25 000 $. Le règlement établit, dans de très longues annexes, quelles sont les dispositions pour chaque niveau. Le règlement précisera que, si l'on contrevient à l'article 3 de la Loi sur la santé des animaux, il s'agit d'une infraction grave qui entraîne telle sanction.

C'est une procédure appliquée en quelques étapes, et j'ai cru qu'il serait bon de le préciser.

Le sénateur Ogilvie : Je reviens à la question de la sénatrice Tardif. Si j'ai bien compris, elle voulait savoir combien de postes de scientifiques avaient été supprimés. Je me demande si vous pourriez exprimer la réponse dans le contexte plus large en tenant compte du nombre de postes créés, du complément scientifique dans chaque organisme qui l'intéresse, afin que nous puissions interpréter les chiffres correctement. Vous pourriez soumettre la réponse au greffier du comité.

M. Lloyd : Cette recherche est sans lien avec le projet de loi dont il est question ici. Nous vous présenterons une réponse détaillée à cette question.

Le sénateur Ogilvie : Vous avez accepté de répondre à sa question. J'espérais qu'on tiendrait compte du contexte élargi dans la réponse.

M. Lloyd : Nous pouvons le faire.

La sénatrice Tardif : Si j'ai posé la question, c'est que je crois comprendre qu'on espère que cette mesure législative stimulera les pratiques en matière de recherche et d'innovation, mais nous devons compter sur l'industrie. Je me demande si nous nous dirigeons vers une plus grande privatisation de la recherche et de l'innovation et une réduction de la recherche gouvernementale qu'on avait coutume de faire, par exemple, à Agriculture et Agroalimentaire Canada. C'est ce qui m'intéresse dans le nombre de postes de chercheurs ayant été éliminés.

Le président : Je m'adresse aux fonctionnaires : pouvez-vous vous reporter au hansard et, si c'est possible, répondre à ces questions?

M. Lloyd : Puis-je réagir au dernier point qui a été soulevé?

Le président : Je vous demanderais de vous adresser au greffier après.

M. Lloyd : D'accord. Merci.

Le président : Je veux faire valoir aux fonctionnaires que, dans le rapport de notre comité intitulé L'innovation agricole, la recommandation no 8 précise ceci :

Le comité recommande qu'Agriculture et Agroalimentaire Canada ainsi que l'Agence canadienne d'inspection des aliments ramènent la Loi sur la protection des obtentions végétales (1990) aux normes de la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales — Acte de 1991.

Le gouvernement a répondu ceci à cette recommandation.

Le gouvernement appuie la recommandation de rendre la Loi sur la protection des obtentions végétales (1990) conforme aux normes de l'Acte de 1991 de la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales (Convention de 1991 de l'UPOV).

Merci beaucoup. Nous sommes sur la même longueur d'onde. Cela fait partie du projet de loi C-18.

Qu'en est-il des multiples négociations entreprises par le gouvernement canadien pour libéraliser les échanges commerciaux avec d'autres pays? Nous savons que le projet de loi C-18, Loi sur la croissance dans le secteur agricole, sera bénéfique pour les agriculteurs — c'est ce qu'a dit le ministre. Or, le projet de loi modifie le processus de délivrance des permis d'exportation. Pourriez-vous parler des changements proposés et, si possible, nous décrire brièvement pareil exercice?

M. McCandie Glustien : Certainement. Je vous remercie d'avoir posé la question, monsieur le président. Deux éléments du projet de loi se rapportent à l'exportation. L'un d'entre eux consiste en un régime d'octroi de permis pour les exportateurs d'aliments pour animaux et d'engrais. Je crois avoir déjà expliqué le rôle du gouvernement fédéral à l'égard des établissements de fabrication de ces produits.

Le projet de loi prévoit également un pouvoir distinct, quoique connexe, en matière de certification des exportations. Il modifie la Loi relative aux aliments du bétail, la Loi sur les semences et la Loi sur les engrais afin d'autoriser le ministre à délivrer aux exportateurs des documents indiquant que l'ACIA a examiné le produit et est convaincue qu'il satisfait aux exigences canadiennes ou internationales.

C'est un aspect essentiel pour bon nombre de nos entreprises internationales qui exportent à l'extérieur du Canada. Je ne devrais pas dire « entreprises internationales », mais plutôt « entreprises qui exportent à l'étranger ». Celles-ci souhaitent avoir l'attestation que l'ACIA a examiné le produit à exporter et qu'il est conforme à la législation canadienne ou à celle du pays importateur.

À l'heure actuelle, il existe différentes sortes d'attestation. Ce nouveau pouvoir habilite l'ACIA à certifier qu'un produit d'exportation satisfait aux exigences d'un autre pays. C'est très important pour beaucoup d'exportateurs canadiens — pour ceux qui exportent des aliments pour animaux, certainement. Compte tenu des inquiétudes que peuvent susciter la contamination des aliments pour animaux et des événements comme la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine, il y a quelques années, les exportateurs ont besoin de savoir que leurs aliments respectent certaines normes internationales. La modification proposée va dans ce sens.

J'espère que cela répond à votre question sur la certification.

Le président : Oui.

Le Canada est reconnu pour le professionnalisme de ses fonctionnaires. Ce matin, vous avez fait preuve de ce même professionnalisme. Je tiens à vous remercier au nom des membres du comité et je vous souhaite de joyeuses Fêtes.

Honorables sénateurs, je déclare la séance levée.

(La séance est levée.)


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