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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 24 - Témoignages du 26 février 2015


OTTAWA, le jeudi 26 février 2015

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 2, pour étudier les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Soyez de nouveau les bienvenus au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Nous accueillerons dans quelques minutes un témoin, M. Kingston. Je suis le sénateur Percy Mockler, du Nouveau- Brunswick. Je suis le président du comité. Je demande aux sénateurs présents de bien vouloir se présenter.

La sénatrice Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan.

Le sénateur Maltais : Sénateur Maltais, du Québec.

Le sénateur McIntyre : Sénateur Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Unger : Betty Unger, de l'Alberta.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Bonjour, je m'appelle Jean-Guy Dagenais, sénateur du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Ogilvie : Sénateur Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Avant de passer à l'ordre du jour, chers collègues, il m'appartient, en ma qualité de président, de vous informer que le poste de vice-président du comité est libre.

Je dois aussi présider à l'élection du vice-président. Je suis prêt à accueillir une ou des motions en ce sens. Je donne la parole au sénateur Maltais.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur le président, j'ai le privilège et l'honneur de proposer la sénatrice Tardif. Elle n'est pas ici ce matin, mais j'ai obtenu son consentement pour proposer sa candidature à la vice-présidence du comité.

[Traduction]

Le président : J'accueille la motion du sénateur Maltais, qui propose la sénatrice Tardif comme vice-présidente. Un de vos collègues appuie-t-il la motion?

La sénatrice Merchant : J'appuie la motion.

Le président : La motion est appuyée. En conséquence, nous accepterons et je vous confirme l'élection de la sénatrice Tardif au poste de vice-présidente.

La motion est adoptée.

Encore une fois, monsieur Kingston, le comité poursuit son étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

[Français]

Le secteur agricole et agroalimentaire canadien joue un rôle très important dans l'économie canadienne. En 2012, un travailleur sur huit au pays, ce qui représentait plus de 2,1 millions de personnes, était employé dans ce secteur qui a d'ailleurs contribué à près de 6,7 p. 100 du PIB.

[Traduction]

Au niveau international, le secteur agricole et agroalimentaire canadien était responsable de 3,6 p. 100 des exportations mondiales de produits agroalimentaires en 2012, ce qui plaçait le Canada au cinquième rang mondial des exportateurs de ces produits.

Des accords de libre-échange ont été signés ou sont en vigueur entre le Canada et divers pays. À ce jour, dix sont en vigueur, et un a été signé avec la République de Corée. Le Canada vient également de conclure des négociations avec l'Union européenne, et les négociations se poursuivent avec 11 autres pays ou groupes de pays. Plusieurs de ces accords et négociations touchent les activités liées au secteur agricole et agroalimentaire canadien.

Aujourd'hui, nous accueillons M. Brian Kingston, associé principal au Conseil canadien des chefs d'entreprise. Monsieur Kingston, merci d'avoir accepté notre invitation et de nous faire connaître les observations, les recommandations et l'opinion du conseil sur le secteur agroalimentaire de l'économie canadienne.

Cela étant dit et sachant que notre greffier vous a informé de la période de questions des sénateurs qui suivra votre exposé, je vous cède la parole en vous remerciant encore d'être ici.

Brian Kingston, associé principal, Conseil canadien des chefs d'entreprise : Mesdames et messieurs, bonjour. Je vous remercie de votre invitation à comparaître devant vous pour discuter des priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux. Le Conseil canadien des chefs d'entreprise représente 150 chefs d'entreprise et entrepreneurs de premier plan de tous les secteurs et de toutes les régions de l'économie. Nos membres dirigent des sociétés qui, collectivement, gèrent des actifs dont la valeur s'élève à 6 000 milliards de dollars et dont les revenus annuels dépassent les 850 milliards de dollars. Ces sociétés sont à l'origine de la majorité des investissements et des exportations du secteur privé canadien ainsi que de la formation qui s'y donne.

Comme vous l'avez fait observer, monsieur le président, le secteur agricole et agroalimentaire canadien joue un rôle important dans l'économie canadienne. L'accès aux marchés internationaux obtenu grâce à la suppression des barrières tarifaires et autres est indispensable à la compétitivité du secteur. Aujourd'hui, je me propose de vous parler de quatre priorités que le Canada doit se donner pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux et de ce qui peut être fait pour assurer un pouvoir concurrentiel permanent à ce secteur.

En premier lieu, le Canada doit saisir les occasions qui s'offrent en Asie. Dans les 20 prochaines années, la classe moyenne asiatique fera notablement augmenter la demande d'énergie, de ressources naturelles, de services financiers, d'instruction et de produits agricoles et agroalimentaires. Cependant, le Canada est mal placé pour profiter de la croissance rapide du nombre de consommateurs de la classe moyenne asiatique. En valeur, 48 p. 100 de ses exportations totales de produits agricoles et agroalimentaires vont aux États-Unis et 11 p. 100 à la Chine, leur deuxième destination. Le Canada doit agir rapidement pour obtenir un accès préférentiel aux marchés de ses principaux partenaires commerciaux asiatiques en faisant aboutir les négociations avec les membres du Partenariat transpacifique (le PTP). Environ 40 p. 100 de la production économique mondiale est imputable à ces pays. La conclusion d'un accord ambitieux de grande qualité avec le PTP est la façon la plus efficace, pour le Canada, d'accentuer son intégration dans les autres économies asiatiques et de profiter des marchés asiatiques en croissance rapide. En même temps, le Canada devrait faire aboutir ses négociations avec le Japon, le premier marché parmi les membres actuels et éventuels du PTP, avec qui il n'a pas conclu d'accord de libre-échange. D'après une étude canado- japonaise, les accords de partenariat stimuleraient le PIB canadien à hauteur de 3,9 à 9,3 milliards de dollars américains, annuellement. Enfin, le Canada devrait entamer des négociations de libre-échange avec la Chine, deuxième destination, en importance, de nos exportations agricoles et agroalimentaires. La suppression des obstacles aux échanges et aux investissements donnera aux exportateurs agricoles et agroalimentaires canadiens un important avantage concurrentiel et elle stimulera les exportations. Par exemple, depuis la conclusion d'un accord commercial avec la Chine, en 2008, la Nouvelle-Zélande a vu ses exportations croître de plus de 450 p. 100.

En deuxième lieu, nous devons assurer la réussite des accords commerciaux que nous venons de conclure. L'accord économique et commercial global (ou AECG), entre le Canada et l'Union européenne est le plus important accord commercial qu'ait conclu le Canada depuis l'ALENA. Le PIB de l'Union européenne se chiffre à 17 000 milliards de dollars américains, c'est un marché de 500 millions de consommateurs et il est de loin le principal importateur mondial de produits agricoles. La ratification et la mise en œuvre de cet accord représentent, pour notre conseil, la priorité des priorités. Même si l'accès aux marchés permis par cet accord est profitable pour le secteur agricole, beaucoup de produits agricoles continuent cependant de se heurter à des obstacles non tarifaires. Le véritable accès aux marchés, grâce à cet accord, dépendra de la capacité du Canada de prévenir l'érection de tels obstacles ou de supprimer ceux qui pourraient entraver les exportations agricoles.

Le récent accord de libre-échange entre le Canada et la Corée constitue un autre jalon important pour le Canada, et le conseil, le CCCE, a recommandé la création d'un comité consultatif auprès du ministre Ed Fast pour en assurer la mise en œuvre et la promotion efficaces.

En troisième lieu, nous devrions rester un membre actif de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC. Malgré la prolifération des accords commerciaux bilatéraux et régionaux, l'OMC reste la première tribune pour la libéralisation mondiale des échanges commerciaux. Le Canada doit continuer à lui imprimer une direction et à renforcer le système multilatéral, grâce à divers accords à venir. L'OMC s'est révélée efficace contre les mesures ouvertement protectionnistes comme celle, américaine, de la mention du pays d'origine sur l'étiquette des produits. Cette mesure a sensiblement perturbé la chaîne logistique nord-américaine. Elle crée de l'imprévisibilité dans le marché et elle a imposé des coûts supplémentaires aux producteurs des deux côtés de la frontière. Sa contestation réussie par le Canada est un exemple du rôle important que continue de jouer l'OMC pour assurer l'accès aux marchés agricoles et agroalimentaires.

Le Canada doit rester vigilant et réagir rapidement contre les mesures protectionnistes. L'accès aux marchés internationaux est entravé par toute une gamme de barrières commerciales comprenant les tarifs et les quotas, le soutien intérieur qui fausse le jeu des échanges, les subventions aux exportations, les taxes à l'exportation, la progressivité tarifaire et les barrières non tarifaires. L'OMC est la seule tribune où on peut s'attaquer à ces problèmes à une grande échelle.

En quatrième lieu, nous devons améliorer la compétitivité du secteur agricole et agroalimentaire canadien. Pour cela, il faut des investissements dans les machines et l'équipement. Pour les favoriser, il faut rendre permanente la déduction temporaire pour amortissement accéléré, prévue pour une période de deux ans, de la machinerie et de l'équipement, pour permettre la planification à long terme de l'activité des entreprises. L'amortissement accéléré des investissements admissibles aide les entreprises à se rééquiper à neuf pour conserver leur pouvoir concurrentiel sur le marché mondial. La compétitivité du secteur dépend aussi de la capacité des producteurs d'alimenter rapidement et efficacement le marché. Comme la demande de produits canadiens augmente, nous devons améliorer nos infrastructures de transport et d'entreposage pour répondre à la croissance des exportations.

Enfin, le temps est venu, pour le Canada, de réformer le système de gestion de l'offre des produits du lait et de la volaille. Les limites imposées aux importations de ces produits font du tort aux consommateurs canadiens et font mentir notre réputation de champion de l'ouverture des marchés. La gestion de l'offre diminue notre crédibilité auprès de nos partenaires commerciaux et elle limite les possibilités d'accès aux marchés des compagnies canadiennes et des travailleurs canadiens, y compris aux 80 p. 100 du secteur agricole canadien qui ne sont pas assujettis à ce régime.

En Chine, le revenu disponible des citadins a augmenté de plus de 245 p. 100 au cours de la dernière décennie. Pourtant, nos producteurs laitiers et nos producteurs de volaille sont en train de rater l'occasion de répondre à la demande croissante de cette classe moyenne en devenir. Il suffit de regarder l'exemple de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie pour recevoir la preuve des bienfaits d'une concurrence moins entravée. Ces deux pays ont commencé, il y a plus d'une décennie, à supprimer progressivement leurs programmes de gestion de l'offre. La moitié des échanges de produits laitiers dans le monde leur est imputable, et leurs exportations se font dans plus de 150 pays.

C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

Le sénateur Ogilvie : Monsieur Kingston, vous nous avez donné un excellent aperçu des grands problèmes. Pour chacun d'eux, on distingue une constante, que vous rattachez aux subventions directes et indirectes pour ici et pour les questions d'exportation et d'importation et les barrières non tarifaires. Pouvez-vous rapidement résumer les occasions qui s'offrent au Canada dans le cadre des accords de libre-échange et dire à quel point elles sont efficaces, d'après vous, pour la résolution de certains de ces problèmes?

M. Kingston : Un bon exemple est l'accord économique et commercial global, l'AECG, que nous avons négocié avec l'Union européenne. Beaucoup de joueurs du secteur de l'agriculture m'ont vanté cet accord, qui supprime les barrières tarifaires. Mais une grande partie de l'accès dépendra finalement de questions comme les obstacles techniques aux échanges et les mesures sanitaires et phytosanitaires, qui se posent depuis longtemps pour des produits comme le canola. Le porc aussi ne trouve presque aucun débouché en Europe. Des accords parallèles ont été négociés pour supprimer certains de ces obstacles techniques, et l'industrie espère qu'ils tiendront leurs promesses et qu'ils procureront un véritable accès au marché. Deux exemples sont le canola et le porc.

Le sénateur Ogilvie : Un exemple évident est que des pays de l'Union européenne ont exigé l'absence absolue, dans tel produit agricole de tels et tels constituants. Par le passé, cette exigence était raisonnable quand les seuils de détection étaient de l'ordre du millionième. Mais maintenant, il est de l'ordre du millionième de millionième, ce qui est bien au- dessous de la capacité de nuire à un système vivant. Il me semble que ces obstacles sont délibérément érigés ou, du moins, maintenus pour que, même si, en apparence, certains marchés nous sont librement accessibles, les portes nous sont fermées en raison de la capacité des méthodes modernes de détection d'atteindre ce millionième de millionième. Pouvez-vous dire comment nous pourrons résoudre ces problèmes?

M. Kingston : Excellente question. Je sais aussi que l'industrie du bœuf essaie de résoudre ce problème pour la production de bœuf sans hormone, particulièrement destiné au marché européen. Elle doit s'assurer que toute la chaîne logistique est sans hormones et mettre en place un système de certification de l'absence d'hormones dans les produits destinés à ce marché. Comme vous le savez, même la détection d'une concentration minime d'hormones peut interdire l'accès au marché. Cela montre la grande pertinence de l'OMC, qu'on devrait saisir de ces problèmes à une grande échelle. L'OMC a beaucoup insisté pour la prise de décisions scientifiques dans des questions comme celle de la présence d'hormones.

Le sénateur Ogilvie : Pouvez-vous nous donner un exemple de la suppression réussie, par le Canada, d'une telle barrière et de sa démonstration que de tels seuils de détection ne relèvent plus du domaine de la rationalité?

M. Kingston : Je n'en ai pas d'exemple. Mais je pourrais vous offrir celui de la mesure américaine imposant la mention du pays d'origine sur les étiquettes. Le Canada a obtenu une décision favorable sur une question qui, en fait, n'avait aucun fondement. Je sais que la mesure américaine a causé beaucoup de frustrations dans l'industrie, en raison de la longueur du processus à l'OMC, et que cette mesure doit être abrogée. Malgré cette décision favorable, le Canada ne tient vraiment pas à imposer aux États-Unis de droits compensatoires, qui ne profiteraient à personne. Nous avons remporté des succès, mais cela prend du temps.

La sénatrice Merchant : Vous avez dit que c'est en Asie que nous avions le plus de progrès à faire. Vous avez mentionné le Partenariat transpacifique. Quel est, dans l'immédiat, votre plus grand espoir dans ce que le gouvernement peut faire pour accélérer la conclusion d'accords avec ces pays?

M. Kingston : Notre espoir serait que les négociations sur ce partenariat aboutissent le plus tôt possible. Nous avons beaucoup entendu parler de l'élan imprimé récemment en ce sens par Washington. Le travail des négociateurs serait presque terminé. Il serait fantastique que les négociations aboutissent cette année. Sinon, nous conclurions un accord de partenariat économique avec le Japon. Comme je l'ai dit, le Japon est vraiment le marché qui attire le plus le Canada dans le Partenariat transpacifique. C'est le plus grand marché avec lequel nous n'ayons pas d'accord de libre-échange. En cas de blocage des négociations sur le PTP, il serait excellent que nous puissions obtenir cet accord avec le Japon. En même temps, le peu de volonté pour conclure un accord de libre-échange avec la Chine, ici, présente un problème, mais nous l'avons réclamé. Ce pays offre d'énormes possibilités, notamment pour les produits agricoles et agroalimentaires.

La sénatrice Merchant : Qu'en est-il de l'Inde?

M. Kingston : C'est une excellente question. Je n'en ai pas parlé dans ma déclaration, mais c'est la même chose pour l'Inde. Nous participons au Forum des PDG Inde-Canada. Par son entremise, nous exerçons des pressions pour conclure l'accord de partenariat économique global, l'accord pour la promotion des investissements, pour lequel les négociations se poursuivent depuis un certain temps, et pour l'accord commercial aussi. Ce pays représente un autre marché considérable, notamment pour les légumineuses. Je pense que c'est un excellent marché pour les producteurs canadiens de légumineuses.

La sénatrice Merchant : On a diagnostiqué chez un animal de l'Alberta la maladie de la vache folle. Jusqu'ici, est-ce seulement la Corée qui a mis fin à ses importations de notre bœuf? Que pouvons-nous faire? Un seul animal peut causer énormément de tort à l'industrie. Comment collaborez-vous avec le gouvernement, dans une telle situation?

M. Kingston : Nous suivons la situation de très près. Je constate que Taïwan a aussi bloqué ses importations, et d'autres pays s'apprêtent à faire de même. Le Canada a pris les mesures appropriées pour remonter à l'origine de la maladie et en éviter la répétition, mais, de temps à autre, de nouveaux cas se manifestent. J'ignore si nous pouvons faire quelque chose pour trouver un endroit où on n'en trouverait aucun cas.

En me préparant pour cette séance, j'ai constaté que des pays cherchent toujours des façons de bloquer les importations de produits agricoles canadiens, dont la très grande qualité leur donne beaucoup de pouvoir concurrentiel. Dès qu'un tel cas se présente, même s'il s'agit d'une seule vache et que sa viande n'est pas entrée dans la chaîne alimentaire, on trouve un motif pour interdire toutes les importations canadiennes et rendre extrêmement difficile le retour du Canada sur ce marché. Par exemple, il a fallu des années pour revenir sur le marché coréen. Franchement, je ne crois pas qu'il y ait grand-chose à faire, sinon de continuer à collaborer avec l'OMC et de s'assurer que les interdictions qui frappent nos produits se fondent sur des motifs raisonnables.

La sénatrice Unger : J'aimerais parler de la mention obligatoire du pays d'origine sur l'étiquette (le programme COOL). Oui, c'est un processus qui prend du temps à aboutir. Notre comité s'est rendu à Washington, récemment, où nous avons parlé avec quelques membres du Congrès, dont l'un représente une association d'agriculteurs assez importante, si je ne me trompe pas. Il était assez tiède à l'idée. Vous avez dit que c'était long. Quelles démarches faites- vous auprès de l'OMC pour faciliter les pourparlers commerciaux, particulièrement dans le cas de l'ESB qui a été dépistée chez un animal et qui semblait être un incident isolé? Je me demande si ce genre de choses arrive spontanément. Je savais que la Corée avait interdit le bœuf, mais je n'étais pas au courant pour Taïwan. Il y a donc clairement un effet de vague.

M. Kingston : Pour le projet COOL, du point de vue du conseil, ce sont nos homologues d'autres associations agricoles et agroalimentaires qui mènent le dossier. Nous les appuyons en soulignant l'importance de l'OMC, pour que le mécanisme de résolution des différends soit utilisé efficacement et idéalement un peu plus vite qu'à l'heure actuelle.

Cela dit, je pense que le Canada fait preuve de beaucoup d'efficacité dans cette affaire, malgré le long temps d'attente. Nous avons eu des rencontres très fructueuses à Washington, aux États-Unis, avec des membres du Congrès, pour les informer des répercussions de tout cela sur le Canada.

Il y a une chose qui me surprend toujours dans ce projet d'étiquetage. La chaîne d'approvisionnement nord- américaine est tellement intégrée que je ne comprends pas pourquoi on voudrait en exclure l'un des plus grands producteurs. Cela me dépasse. Je ne me rappelle plus des faits exacts, mais en moyenne, un produit bovin nord- américain traverse la frontière plus de 10 fois pendant le processus d'élevage jusqu'à la transformation, si bien que ce genre de mesure va être extrêmement dommageable pour la chaîne d'approvisionnement.

Pour ce qui est de l'ESB, je ne sais pas sur quelles preuves scientifiques ils s'appuient. Je ne sais pas s'il est même possible d'atteindre la probabilité zéro d'ESB. Je sais que le Canada a pris des mesures excessives pour en assurer la traçabilité et la prévention dans la chaîne d'approvisionnement, il est donc malheureux que ce genre d'incident survienne. Je pense que tout ce que nous pouvons faire, c'est de continuer à travailler avec l'OMC pour que ce genre d'interdiction se fonde sur des motifs raisonnables.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur Kingston, on sait qu'au cours du XXIe siècle, le Canada est appelé à jouer un rôle fort important dans le domaine des exportations alimentaires dans le monde. On a cité une panoplie d'ententes de libre- échange conclues avec des pays, soit des pays industrialisés qui font des affaires. Toutefois, au-delà d'un milliard et demi de personnes souffrent de sous-alimentation dans le monde. J'imagine que vous avez des économistes et des gens qui projettent le Canada dans l'avenir. Selon vous, au cours des 20 prochaines années, quel rôle le Canada devra-t-il jouer pour soutenir l'aide alimentaire dans les pays qui en ont cruellement besoin?

[Traduction]

M. Kingston : Merci, sénateur. Je vais vous dire deux ou trois choses sur l'aide alimentaire.

Premièrement, le Canada a un énorme rôle à jouer puisqu'il s'agit d'un fournisseur important d'aliments dans le monde. Nous sommes désormais le cinquième plus grand pays exportateur au monde, et je pense que c'est très impressionnant. Je pense même sincèrement que cette croissance va se poursuivre.

Je sais que l'agriculture génétiquement modifiée soulève les passions, mais si l'on regarde les niveaux de production enregistrés grâce à ces semences avancées, c'est vraiment incroyable. Je crois donc que le Canada a un rôle à jouer et qu'il doit veiller à faire partie de la chaîne d'approvisionnement nécessaire pour nourrir le monde.

Pour ce qui est de l'ampleur de l'aide alimentaire que nous assurons, je dois m'excuser, je ne sais pas vraiment quelle est notre contribution actuelle à l'aide alimentaire. Cependant, de manière générale, le conseil estime depuis longtemps que le Canada doit assumer un rôle important sur la scène internationale en matière de développement et d'aide internationale.

Je sais que M. Bill Gates est en ville, aujourd'hui même, je crois, pour rencontrer le premier ministre, et qu'ils vont discuter de santé maternelle, mais il va également exercer des pressions pour que le Canada renforce son engagement international à essayer d'améliorer le niveau de vie partout dans le monde. Je crois que le Canada devrait s'engager en ce sens. C'est un défi auquel nous devons nous attaquer. Je ne peux pas vraiment me positionner sur l'ampleur de l'aide que nous offrons, mais je pense qu'elle est extrêmement importante.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je vous remercie de faire preuve de sagesse et de prudence. Les terres agricoles au Canada sont exploitées à l'aide de nouvelles technologies qui protègent les sols, l'environnement et les produits. Croyez-vous qu'il est encore possible d'élargir cette production d'un océan à l'autre, entre autres, de Terre-Neuve à Victoria? Il y a certainement des territoires agricoles qui pourraient être exploités, ce qui permettrait d'augmenter la production. Lorsque la production est plus élevée, on peut vendre les produits à un prix inférieur au marché connu. Cela permettrait de combler les besoins des pays qui cherchent de l'aide alimentaire.

[Traduction]

M. Kingston : Oui, absolument. Pour ce qui est d'augmenter la production, plus j'étudie les enjeux agricoles, plus j'en apprends sur les technologies qui existent. C'est incroyable. Les agriculteurs utilisent des choses comme des drones de nos jours pour surveiller leurs champs. Il y a aussi les OGM, comme je l'ai mentionné.

Il ne fait aucun doute que nous pouvons augmenter notre production agricole. Je suis très optimiste quant à la façon d'y arriver, et je pense que le Canada peut être à l'avant-garde, bien honnêtement, qu'il l'est déjà. Il y a là un énorme potentiel. Si nous avons une production élevée, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas l'utiliser pour offrir de l'aide alimentaire aux pays qui en ont besoin.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je vous remercie, monsieur Kingston, pour votre présentation. Vous avez dit que Taïwan a des réticences à acheter notre bœuf. Quand j'y suis allé, il y a deux ans, on les incitait fortement à acheter le bœuf canadien, et il est vrai qu'on percevait une réticence de leur part. Cela ne date pas d'aujourd'hui. Je ne connais pas leurs raisons.

J'aimerais revenir aux obstacles auxquels font face les entreprises canadiennes sur les marchés internationaux. Vous avez mentionné que le Canada est très compétitif et que cela fait peur aux autres pays. Ces derniers ont parfois tendance à nous mettre les bâtons dans les roues. Quelles mesures pourraient être mises en place pour soutenir davantage la concurrence des entreprises canadiennes? Où pourrait-on gagner de plus grandes parts de marché?

[Traduction]

M. Kingston : Merci, sénateur. Je suis moi-même allé à Taïwan récemment, et j'ai remarqué que le Canada y jouit d'une réputation fantastique. Il est perçu comme un pays sûr, propre, et amical, et je me demande parfois pourquoi nous n'en tirons pas plus profit, particulièrement pour les produits alimentaires. Je remarque qu'il y a des pays qui font la promotion de leurs produits dans d'autres pays. On voit la mention « bœuf américain », qui est bien mise en évidence, et je pense que cette stratégie porte fruit, mais le Canada ne me semble pas en faire autant.

Je crois que nous pourrions d'abord tirer davantage profit de notre réputation solide. Je sais qu'en Chine — et c'est pourquoi mes observations sur la gestion de l'offre sont si importantes — le Canada est réputé pour ses produits laitiers de grande qualité, et les Chinois sont pratiquement insatiables en ce moment dans leur demande de lait et de protéines. Je crois donc que nous pourrions connaître énormément de succès si nous arrivions à exporter nos produits là-bas et à nous y présenter comme ce pays sûr et stable.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J'aimerais exprimer un dernier commentaire. Je sais que le Canada a une mission économique à Taïwan. J'imagine que vous travaillez en étroite collaboration pour mener à bien cette mission?

[Traduction]

M. Kingston : Oui, absolument.

Le président : Madame la sénatrice Unger, aviez-vous une autre question à poser?

La sénatrice Unger : Oui, brièvement, sur le marketing ou le manque de marketing du Canada.

Recommanderiez-vous la mise en place d'une image de marque canadienne, d'une étampe qui paraîtrait sur presque tout et que les gens pourraient reconnaître? Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites sur la façon dont les États-Unis commercialisent leurs produits. On voit souvent la mention « Proudly made in the USA ». Je suis d'accord avec vous, je pense que nous ne nous mettons pas assez de l'avant. Serait-ce une bonne idée de créer une image de marque nationale ou quelque chose du genre?

M. Kingston : Probablement. Oui, je pense que c'est une bonne idée. Il y a beaucoup de pays qui en ont une, comme les États-Unis. Je remarque que la Suisse le fait aussi avec succès. Si elle a été fabriquée en Suisse, soudainement, les gens sont prêts à payer 50 cents de plus pour la laveuse suisse, peu importe le produit. Je ne vois pas pourquoi le Canada ne devrait pas en faire autant. Nous avons une image de très grande qualité, pour laquelle les gens sont prêts à payer plus cher.

La sénatrice Unger : Votre organisation serait-elle prête à participer à un projet du genre et à en faire la promotion activement?

M. Kingston : Je suis certain que nous serions très en faveur de cela. Je ne vois pas pourquoi nous ne le serions pas. Nous essayons toujours de promouvoir le Canada et les entreprises canadiennes, donc je ne vois pas pourquoi nous n'appuierions pas l'idée de promouvoir nos produits et de les présenter comme des produits de grande qualité.

Le sénateur McIntyre : Je vous remercie de votre exposé, monsieur Kingston. Il y a environ trois ans, le conseil a publié un rapport sur les débouchés pour l'agriculture canadienne en Asie. Je suis certain que vous le connaissez. Pouvez-vous nous parler des incidences que ce rapport a eues sur les affaires au Canada?

M. Kingston : Merci, sénateur. Je suis heureux que vous mentionniez ce rapport. Il faisait partie d'une initiative que nous avons lancée il y a quelques années et qui s'intitulait « Le Canada à l'ère du Pacifique ». Elle avait pour but de faire connaître la montée de l'Asie et les débouchés qu'elle présente pour les entreprises canadiennes. Nous avons publié une série de rapports, dont celui sur l'agriculture, qui soulignait nettement la hausse de la demande de protéines en Asie et ce que cela signifie pour les agriculteurs canadiens. Nous avons également publié divers autres rapports sur une panoplie d'enjeux liés à l'Asie. Le tout a culminé par une conférence des chefs d'entreprise à Ottawa. Nous avons 150 membres chefs d'entreprise qui sont venus ici discuter de ce que cela représente.

Nous n'avons pas pu mesurer l'incidence de ces rapports et de cette conférence sur leurs entreprises, mais nous étions très heureux de leur avoir fait prendre conscience de ce qui se passe en Asie. Je pense que nous sommes assez à l'avant-garde dans cette discussion. Nous avons énormément d'entreprises qui sont présentes là-bas. Il y en avait déjà avant, mais il y en a encore plus maintenant. Ces événements ont vraiment permis de leur en faire prendre conscience, et je pense que c'était un succès.

Le sénateur McIntyre : Je crois que le conseil est fréquemment consulté sur différents enjeux d'importance nationale, économique et sociale pour le Canada et qu'il travaille à les faire valoir. Participez-vous aussi à la recherche et pouvez- vous nous en parler, s'il vous plaît?

M. Kingston : Oui. Nous participons à beaucoup de recherches chaque année. Nous touchons un vaste éventail d'enjeux. Je vais vous donner quelques exemples de rapports que nous avons publiés récemment, qui ne concernent pas l'agriculture, simplement pour vous donner une idée de ce que nous faisons en ce moment.

Notre dernière initiative pluriannuelle s'intitule Agir pour le Canada et elle vise à préparer les travailleurs du XXIe siècle. Nous avons produit des publications et nous menons des recherches sur les compétences que les Canadiens doivent acquérir dans le système d'éducation et sur les possibilités de formation que leur offrent les entreprises pour assurer l'excellence du système d'éducation canadien.

J'ai moi-même beaucoup étudié les paiements fiscaux, pour déterminer ce que les grandes entreprises paient en taxes et en impôts. Cela s'inscrit dans la tendance mondiale à la transparence fiscale. Nous menons toutes sortes de recherches, mais ce sont là quelques exemples de nos initiatives récentes qui ont la plus grande visibilité.

Le président : Monsieur Kingston, nous avons vu récemment les États-Unis contester, devant l'Organisation mondiale du commerce, les subventions à l'exportation que verse la Chine à ses entreprises. Je suis persuadé que votre organisation suit la situation de près. À quel point ces subventions à l'exportation sont-elles nuisibles? Quelles incidences auront-elles sur l'accès au marché pour les entrepreneurs canadiens?

M. Kingston : Oui, en effet, nous suivons de très près la contestation des subventions chinoises à l'exportation à l'OMC. Elles sont susceptibles de nuire énormément à l'industrie de l'acier, en particulier, où il y a du dumping dans le marché canadien. Cette situation a déjà été extrêmement problématique par le passé. Notre industrie réussit en partie à s'y opposer, soit par le Tribunal canadien du commerce extérieur, qui se penche sur ce genre de choses, soit par l'OMC. En effet, ce mécanisme peut être très dommageable, mais je pense que nous avons en place les bons outils au Canada pour veiller à ce que le commerce soit juste, bien honnêtement.

Le président : Lorsque vous vous retrouvez en tête-à-tête avec des entrepreneurs chinois, leur faites-vous part de ce genre d'information?

M. Kingston : Le plus souvent, lorsque nous interagissons avec d'autres pays, nous le faisons dans le contexte d'un forum de chefs d'entreprise. Nous n'avons pas de forum des chefs d'entreprise avec la Chine, mais notre président et chef de la direction, John Manley, se rend fréquemment en Chine pour discuter de divers enjeux, sur le plan commercial ou politique, cela ratisse très large.

Le président : Nous nous préoccupons aussi de la traçabilité des produits, et certains témoins nous en ont parlé avec fougue. Pouvez-vous nous parler un peu plus de la traçabilité de nos produits, pour ce qui est de l'importation et de l'exportation?

M. Kingston : La traçabilité est un énorme enjeu. Le Canada a déployé beaucoup d'efforts pour assurer la traçabilité. C'est attribuable en grande partie à l'ESB, puisque nous devons être en mesure de savoir exactement sur quelle vache et dans quelle ferme elle a été dépistée au départ. Je sais que c'est aussi un enjeu entre le Canada et les États-Unis et dans le contexte du programme Par-delà la frontière, puisque les consommateurs exigent de plus en plus de savoir exactement d'où vient un produit. Je pense que cela mène l'industrie à prendre des moyens pour pouvoir retracer un produit depuis la ferme d'où il vient. La laine de la Nouvelle-Zélande en est un bon exemple. Il y a une entreprise en Nouvelle-Zélande qui permet aux consommateurs de savoir, à la lecture du code à barres de chaussettes, de quel mouton vient la laine, et l'on peut même voir le mouton par webcam. Je dirais que cela va probablement un peu trop loin, mais c'est ce que veulent les consommateurs. Ils veulent savoir exactement d'où vient leur produit. Le Canada travaille beaucoup en ce sens. C'est une tendance de plus en plus répandue, et les producteurs vont devoir s'y adapter.

Le président : Quel serait le plus grand facteur à prendre en considération actuellement pour accroître la traçabilité? Je ne répéterai pas les affirmations erronées qu'on entend à l'égard de certains produits, mais en agriculture, en quoi cela peut-il améliorer nos exportations?

M. Kingston : D'abord, la principale chose à faire pour améliorer la traçabilité serait simplement d'accroître la communication du début à la fin de la chaîne d'approvisionnement. Je sais qu'elle est très bien dans certaines chaînes d'approvisionnement, où le producteur communique directement avec la personne qui vend le produit à l'étranger, mais ce n'est pas nécessairement vrai pour tous les produits. Ce serait une piste de solution. Ensuite, plus nous pourrons montrer que nous pouvons assurer la traçabilité complète dans la chaîne d'approvisionnement, plus ce sera gage de la qualité de l'image de marque, et bien honnêtement, cela va nous aider dans nos exportations et sur les marchés étrangers.

Le président : Est-ce que cela peut aider l'image de marque du Canada?

M. Kingston : Exactement.

La sénatrice Beyak : Votre question sur l'image de marque m'a rappelé une chose que le président a dite, madame la sénatrice Unger.

Nous avons reçu un groupe de producteurs laitiers avant Noël, et ils s'inquiétaient de notre compétitivité pour la vente de fromages sur le marché mondial. Votre groupe en a-t-il discuté? Certains témoins ont laissé entendre que le Canada devait faire des concessions à l'égard de son système de gestion de l'offre pour gagner l'accès à de nouveaux marchés par le PTP, ce qu'ont réfuté les témoins du secteur de la gestion de l'offre. J'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet, si vous le voulez bien.

M. Kingston : Nous avons passablement étudié la question de la gestion de l'offre. Elle a capté notre attention très tôt parce que nous avions l'impression qu'elle nuisait au Canada dans la négociation de certaines ententes. À l'époque, c'était clairement un sujet chaud pour l'AECG.

Nous sommes d'avis que le Canada a un produit de très grande qualité et que les fromages canadiens sont exceptionnels. Je dirais même qu'ils sont parmi les meilleurs au monde. Nous réclamons une réforme parce que nous voyons là une énorme possibilité que nous n'arrivons pas à saisir. Je sais que les gens de l'industrie laitière sont inquiets, bien sûr, et je comprends aussi qu'il faudra faire très attention dans notre façon d'envisager toute transition, pour qu'elle soit la plus efficace possible. Je suis persuadé que les produits canadiens pourront rivaliser avec les meilleurs.

Au sujet du PTP, nous avons entendu dire au cours des quelques derniers mois que le Canada se fait accuser d'être lent dans les négociations et de ne pas vouloir dévoiler son jeu. C'est toujours délicat pour les négociateurs canadiens parce qu'il est évident que nous devons protéger ce secteur. Nous protégeons toujours ces lignes tarifaires dans nos négociations. Les autres pays le savent et obtiennent des concessions en échange. Je n'envie pas nos négociateurs. Ils sont les meilleurs au monde, mais c'est difficile lorsqu'il est si clair qu'un secteur bénéficie de protection.

Le président : Y a-t-il d'autres questions?

Monsieur Kingston, vous nous avez fourni beaucoup d'informations. Vous êtes direct et concis. Je vous remercie d'avoir répondu à nos questions. Si M. Manley souhaite comparaître d'ici à ce que nous terminions notre rapport final, veuillez lui dire qu'il est le bienvenu. Si vous souhaitez nous faire parvenir d'autres renseignements d'ici là, n'hésitez pas à le faire. Nous connaissons votre importance dans l'industrie, et nous savons que les gouvernements et divers acteurs de l'industrie vous consultent. Nous souhaitons vous remercier du leadership que vous exercez à ce chapitre.

Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts poursuit son étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux. Le secteur agricole et agroalimentaire constitue un pan important de l'économie canadienne. En 2012, il générait un emploi sur huit au Canada, ce qui représente plus de 2,1 millions d'emplois, pour presque 6,7 p. 100 du produit intérieur brut du Canada.

[Français]

Au niveau international, le secteur agricole et agroalimentaire canadien était responsable de 3,6 p. 100 des exportations mondiales des produits agroalimentaires en 2012.

[Traduction]

En 2012, le Canada était le cinquième plus grand exportateur de produits agroalimentaires au monde. Il a signé des accords de libre-échange avec divers pays, et nous nous réjouissons de poursuivre notre travail avec les acteurs du milieu pour faire du Canada le meilleur exportateur en agriculture de la chaîne alimentaire et pour favoriser les meilleures innovations possible afin de pouvoir continuer d'approvisionner les marchés mondiaux.

Honorables sénateurs, je souhaite la bienvenue à notre prochain groupe de témoins. Nous recevons Mme Sandra Marsden, présidente de l'Institut canadien du sucre, ainsi que M. Mike Walton, membre de Saint John, au Nouveau- Brunswick, qui parcourt le monde. Nous accueillons également M. Dave Chapeskie, directeur exécutif de l'Institut international du sirop d'érable. Bienvenue à vous.

La parole est à vous.

Sandra Marsden, présidente, Institut canadien du sucre : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs. L'Institut canadien du sucre représente les producteurs de sucre raffiné à base de sucre de canne brut importé à Vancouver, à Toronto et à Montréal, ou à base de sucre de betterave de l'Alberta. Il s'agit d'une industrie capitalistique à valeur ajoutée, dont l'essentiel des activités depuis sa création vise le raffinage de sucre de canne brut. Environ 90 p. 100 de notre production vise le sucre de canne et 10 p. 100, le sucre de betterave. Cela favorise la production de sucre de betterave en Alberta.

L'industrie a de plus investi dans deux usines de transformation secondaire en Ontario, qui fabriquent des produits comme le chocolat chaud, le thé glacé et d'autres mélanges sucrés du genre. Une grande partie de la production est exportée vers les États-Unis, selon des quotas stricts. L'industrie du sucre canadien fait partie intégrante de la chaîne de transformation alimentaire du Canada. Nous dépendons des transformateurs d'aliments pour 80 p. 100 des ventes au Canada, et les transformateurs dépendent à leur tour de l'approvisionnement local en sucre de grande qualité à prix concurrentiel. En fait, le sucre canadien entre dans la composition d'environ 30 p. 100 des aliments transformés au Canada. Les principaux utilisateurs de sucre génèrent environ 18 milliards de dollars en revenus, 5 milliards de dollars en exportations et 63 000 emplois au Canada.

Comme l'a signalé récemment l'Institut canadien des politiques agroalimentaires, la croissance est limitée dans le secteur de la transformation d'aliments à valeur ajoutée au Canada, ce qui a une incidence directe sur les agrofournisseurs de notre industrie. Comme je l'explique dans mon mémoire, la situation est attribuable à un grand nombre de facteurs.

Son incidence est telle que depuis 2004, la production de sucre au Canada a essentiellement diminué d'environ 160 000 tonnes. Cette diminution est attribuable en partie au fait que certains produits contenant du sucre ne sont plus exportés vers les États-Unis et en partie à la concurrence des produits de seconde transformation importés. Vous avez peut-être entendu parler de la fermeture récente de l'usine de Heinz à Leamington et de l'usine de Kellogg à London, qui représente d'autres pertes pour notre industrie.

Notre grande priorité pour surmonter ces difficultés est d'appuyer le gouvernement dans ses efforts pour nous assurer un accès accru aux marchés d'exportation. Nous devons diversifier nos marchés, parce que le Canada est relativement petit dans le monde et que son marché ne croît pas beaucoup au-delà de la croissance de la population.

Nous appuyions sans réserve l'AECG, que nous considérons comme une des premières occasions depuis l'ALENA; mais à long terme, les retombées se limitent à quelque 50 000 tonnes pour l'ensemble de l'industrie. Actuellement, nous accordons surtout la priorité aux négociations relatives au Partenariat transpacifique, ou PTP, parce qu'elles font intervenir principalement les États-Unis et que le sucre n'est pas libéralisé pour le Canada aux termes de l'ALENA. Notre accès aux États-Unis est très restreint en ce qui concerne le sucre et les produits contenant du sucre.

En bénéficiant d'un meilleur accès aux États-Unis, au Japon et à d'autres pays dans le cadre du PTP, nous aurions une occasion en or d'assurer l'accès au marché de nos produits et de ceux de nos clients afin de rétablir l'utilisation de la capacité que nous avons perdue depuis une dizaine d'années. Nous pensons que tous les pays membres du PTP, y compris le Canada, doivent conserver une ambition et une vision fortes à l'égard de cette initiative. Nous sommes quelque peu préoccupés par le fait que les médias ont indiqué récemment que le Canada ne s'investit pas suffisamment dans les pourparlers avec les États-Unis au sujet de l'accès au marché.

Notre cible secondaire est le Japon, qui aura des retombées substantielles, particulièrement dans l'Ouest. Mike Walton peut traiter de la question et vous parler brièvement des répercussions sur Lantic.

Mike Walton, membre, Institut canadien du sucre : Bonjour. Lantic est une entreprise appartenant à des intérêts canadiens qui compte 650 employés dévoués au pays et enregistre des ventes annuelles de plus de 600 millions de dollars. Elle est la plus importante raffinerie de sucre du Canada grâce à ses deux marques, Lantic dans l'Est et Rogers dans l'Ouest. Nous exploitons trois raffineries de sucre à haute intensité de capital, soit deux raffineries de canne, une à Montréal et une à Vancouver, ainsi qu'une usine de transformation de la betterave à sucre à Taber, en Alberta. Nous possédons également un centre de distribution à Toronto et une installation de mélange à Scarborough, en Ontario, où nous fabriquons des produits comme du thé glacé, du lait en poudre et des mélanges à pâtisserie destinés aux marchés canadiens et américains.

Aujourd'hui, j'aimerais appuyer brièvement les propos de Sandra et souligner l'importance des négociations commerciales avec les marchés à valeur élevée, notamment l'occasion commerciale historique que le PTP offre à notre entreprise.

Lantic s'est réjouie de la conclusion de l'AECG, car une fois mis en œuvre, il lui permettra de percer sur le marché européen. Ce n'est pas un accord de libre-échange, mais il pourrait permettre à l'industrie canadienne d'exporter approximativement 50 000 tonnes de produits contenant du sucre. C'est un bon départ, mais ce n'est pas suffisant pour rétablir la compétitivité de notre industrie. De même, il sera possible d'exporter des confiseries composées de sucre et de chocolat et d'autres produits transformés sur le marché européen. Mais la balance commerciale penchera en faveur de l'Union européenne.

Les États-Unis sont le seul marché d'exportation intéressant qui s'offre actuellement pour le sucre canadien. Nos exportations de sucre sont toutefois limitées à un quota minimal de 10 300 tonnes, ce qui équivaut à un dixième de 1 p. 100 de ce marché. Nous pouvons exporter aux États-Unis certains produits contenant du sucre venant de notre raffinerie de l'Est, mais le quota fait que la valeur est moindre en raison de la concurrence du Mexique et d'autres pays, qui bénéficient d'un accès en franchise en vertu de leurs accords préférentiels avec les États-Unis. Autrement dit, notre situation commerciale continuera de se détériorer par rapport à celle de nos partenaires commerciaux si le Canada ne négocie pas un accès satisfaisant sur le plan commercial avec les États-Unis, le Japon et d'autres pays membres du PTP.

Nous saluons les efforts constants que le gouvernement déploie pour élargir les relations commerciales du Canada à l'échelle mondiale. L'AECG constitue un progrès très positif dans un marché mondial très restreint, mais ce n'est pas suffisant pour maintenir la compétitivité de notre industrie et notre clientèle dans les décennies à venir. Nous considérons que le PTP offre une occasion exceptionnelle que nous ne pouvons pas nous permettre de manquer. Nous appuyons et encourageons fortement les négociations relatives à la libéralisation du commerce, qui nous aideront à diversifier notre clientèle et qui permettront à Lantic de continuer de faire une contribution importante à l'économie canadienne, comme elle le fait depuis plus de 125 ans.

Le président : Monsieur Chapeskie, vous avez la parole.

Dave Chapeskie, directeur exécutif, Institut international du sirop d'érable : Merci, monsieur le président, et bonjour à tous. Je pense que nous avons le format approprié ici, car nous avons pavé la voie pour l'industrie du sucre dans son ensemble. Je traiterai principalement de l'industrie du sirop d'érable pur. L'Institut international du sirop d'érable représente depuis 1975 les intervenants, les producteurs, les emballeurs, les fabricants de matériel et d'autres membres de la chaîne d'approvisionnement de l'industrie de l'érable du Canada et des États-Unis. Je veux commencer en prononçant quelques mots au sujet du sirop d'érable pur et des produits de l'érable purs afin d'expliquer ce qui les rend uniques.

D'abord, il s'agit d'un produit exclusivement nord-américain, reconnu dans notre pays pour sa valeur patrimoniale nationale. Cette culture durable et naturelle est le premier produit agricole qui apparaît au printemps. Il s'agit d'un produit pur dont la production exige peu d'intrants énergétiques en ce qui concerne la terre.

L'un des principaux mandats de notre institut consiste à assurer l'intégrité et la pureté des produits de l'érable purs, sur les marchés tant intérieur qu'extérieur. Le sirop d'érable est l'un des édulcorants ayant le contenu le plus nutritif sur le marché. J'ai avec moi de l'information à ce sujet, que je laisserai au comité. Des recherches récentes indiquent que ce produit est très prometteur au chapitre des avantages pour la santé, mais le verdict final, c'est que les essais cliniques ne sont pas terminés. Ce sirop se prête à diverses applications dans le domaine de l'alimentation. Je pense que nous ne faisons que commencer à en explorer le potentiel, particulièrement sur les marchés internationaux.

En 2013, la valeur de l'industrie du sirop d'érable dans l'économie canadienne était évaluée à un peu plus de 400 millions de dollars, et environ les trois quarts de sa production étaient exportés. Le marché extérieur et le maintien de l'accès à ce marché pour le sirop d'érable pur et ses produits dérivés sont extrêmement importants pour notre industrie. À l'heure actuelle, environ les deux tiers de nos exportations sont destinés aux États-Unis, 9 p. 100 vont au Japon, 15 p. 100 prennent le chemin de l'Europe et le reste est essentiellement réparti dans le monde.

Voilà où nous en sommes actuellement. L'Institut international du sirop d'érable travaille actuellement à une stratégie de mise en marché. Nous entendons doubler la valeur que génère notre industrie au cours des sept prochaines années. Nous pensons que c'est tout à fait possible, particulièrement au regard du caractère unique de notre édulcorant et de la possibilité de mettre au point divers produits pour les mettre en marché à l'étranger.

Notre industrie voudrait que le gouvernement continue d'appuyer la production, ainsi qu'une étude de produit et de marché, comme le recommande le comité aviseur de l'industrie canadienne de l'érable. Notre industrie collabore étroitement avec ce comité, qui compte aussi des représentants des États-Unis, ce que nous jugeons très important, particulièrement quand on considère qu'actuellement, les produits de l'érable purs ne constituent environ que 1 p. 100 du marché total des édulcorants. Quand nous disons que notre objectif est de doubler notre part de marché au cours des sept prochaines années, nous comptons la porter à 2 p. 100 et peut-être accroître la valeur totale de notre industrie dans l'économie canadienne pour la faire passer à près de 1 milliard de dollars annuellement.

Nous voudrions que l'accent soit davantage mis sur le développement de marché pour les produits à valeur ajoutée et la conception d'autres applications, en ce qui concerne particulièrement les catégories de sirop d'érable. Les gouvernements du Canada et des États-Unis ont récemment approuvé la mise en œuvre d'une nouvelle norme de classification du sirop d'érable qui s'appliquera à l'échelle mondiale. Cette initiative est le fruit d'une coopération et d'une collaboration étroites. C'est notre institut qui a recommandé cette norme, et c'est parce que le Canada et les États-Unis ont collaboré et formé un consensus que ces recommandations ont vu le jour.

Nous considérons qu'avec cette norme reposant sur une définition et une description claire des catégories particulières de sirop d'érable, le consommateur pourra identifier nos produits plus aisément. Il sera plus facile de les distinguer des autres édulcorants sur le marché et de reconnaître leur caractère unique dans le monde. Cette initiative s'inscrit dans les efforts déployés pour positionner l'industrie sur le chemin de la croissance à très long terme.

Nous pensons qu'il faut en faire beaucoup plus pour sensibiliser et informer le consommateur. Notre industrie a un rôle à jouer à cet égard en travaillant en partenariat avec les gouvernements pour sensibiliser la population, encore en Amérique du Nord, mais aussi aux quatre coins du monde, particulièrement dans les marchés où nous proposons nos produits de manière stratégique. Au chapitre de la mise en marché stratégique à l'échelle mondiale, le comité aviseur de l'industrie de l'érable est le meilleur agent de liaison du gouvernement. Je pense que c'est très important.

Nous commençons à examiner la possibilité de peut-être obtenir une reconnaissance pour l'assurance de la qualité aux termes du Codex à l'échelle internationale. Nous pensons que cela pourrait avoir un avantage substantiel pour notre industrie. De plus, comme notre produit est exclusivement nord-américain, nous commençons à envisager la possibilité d'instaurer une certification ou une norme d'authenticité, comme on l'a fait dans d'autres pays pour des produits comme le vin, afin de permettre aux produits de l'érable purs de se distinguer davantage.

Merci beaucoup.

Le président : Merci.

La sénatrice Merchant : Merci beaucoup. Je vais poser la première question aux témoins de l'industrie du sucre. L'Union européenne est, de par le monde, le plus important producteur de sucre de betterave et le principal importateur de sucre de canne brut aux fins de raffinage. Le marché du sucre y est réglementé au moyen de quotas de production, d'un prix minimal de la betterave et de mécanismes commerciaux. Les importations de sucre aux États- Unis font l'objet de tarifs et de quotas commerciaux qui permettent l'entrée d'une certaine quantité de sucre assujettie à des tarifs moins élevés. Je vais vous poser quelques questions à ce sujet.

Compte tenu des obstacles au commerce, dans quelle mesure le Canada est-il capable d'affronter la concurrence sur les marchés internationaux? L'AECG conclu avec l'Union européenne a-t-il permis d'éliminer certains de ces obstacles en Europe? Le Canada impose-t-il des restrictions aux importations de sucre et de produits du sucre?

Mme Marsden : Vous vouliez d'abord savoir si le Canada est compétitif sur les marchés internationaux? Si je comprends bien, c'était la question.

La sénatrice Merchant : Oui.

Mme Marsden : Vous avez tout à fait raison. Les États-Unis seraient notre premier marché d'exportation logique, suivi de l'Union européenne en raison de la distance. Le sucre est néanmoins un des produits faisant l'objet du plus de restrictions dans le monde, et nos exportations sont très restreintes. Nous bénéficions d'un certain accès aux États- Unis, comme M. Walton l'a souligné, pouvant y exporter de petits quotas de sucre de betterave et de certains produits contenant du sucre que nos membres produisent, mais ce sont surtout des aliments transformés que nous y exportons. L'Union européenne impose encore plus de restrictions. Nous ne pouvons pas y exporter de sucre, et d'autres restrictions s'y ajoutent concernant les produits alimentaires selon leur teneur en sucre, en cacao, en blé et en divers produits.

Nos exportations sur les marchés extérieurs sont limitées, mais nous sommes tout de même concurrentiels, car notre marché est ouvert. Notre pays est l'un des rares à agir en fonction des obstacles au marché international. Le tarif sur le sucre raffiné y est d'à peine 8 p. 100. Nous avons dû devenir concurrentiels, fermer des usines, fusionner des activités et investir dans les usines existantes, voire des installations établies dans les années 1800. Nous sommes concurrentiels et nous voulons maintenir cette compétitivité tout en surveillant les nouvelles négociations commerciales pour que le déséquilibre ne s'accentue pas.

Quant à l'AECG, il n'a pas permis d'éliminer les distorsions fondamentales du programme européen qui concerne le sucre. Nous avons obtenu un certain accès, mais nous sommes confrontés à la menace potentielle de l'Union européenne. Depuis 1995, nous imposons des droits compensatoires sur le sucre européen subventionné. Nous sommes en train d'effectuer un réexamen quinquennal de cette mesure, et rien ne garantit que nous pourrons la maintenir. L'Union européenne a d'énormes surplus parce que la valeur marchande y est soutenue, ce qui soutient la production. Nous ne sommes vraiment pas sur un pied d'égalité. Malheureusement, ou heureusement, cette situation a rendu l'industrie concurrentielle, et je dirais que nous nous trouvons à un point critique où nous risquons de fermer d'autres usines si nous n'y rétablissons pas l'utilisation de la capacité grâce aux exportations.

La sénatrice Merchant : Monsieur Walton, pouvez-vous m'indiquer si la consommation de sucre augmente ou diminue au Canada? Quelle quantité de sucre les Canadiens consomment-ils par année?

M. Walton : On assiste à une légère baisse de la consommation au Canada, mais Sandra connaît la situation à l'échelle nationale et peut vous donner les pourcentages exacts.

La sénatrice Merchant : Je ne m'intéresse qu'à la consommation de sucre des Canadiens.

Mme Marsden : D'accord. On évalue la consommation à environ 11 p. 100 des calories ou 53 grammes par jour. C'est pour le sucre ajouté, donc le sucre raffiné comme tel. La quantité quotidienne en grammes par jour totalise environ 35 kilogrammes par personne par année. C'est la quantité consommable. Du point de vue commercial, c'est la vente qui compte plutôt que la consommation réelle. On évalue que cette consommation réelle est 40 p. 100 inférieure à ce chiffre, en raison de toutes les pertes qui se font entre la production et la consommation.

M. Walton a raison d'affirmer que la consommation par habitant a légèrement décru, mais c'est le déséquilibre de la balance commerciale et la perte au cours de la production d'aliments transformés au Canada qui ont eu le plus de répercussions sur notre industrie.

La sénatrice Merchant : Pourrais-je poser une question sur le sirop d'érable?

Le président : Oui.

La sénatrice Merchant : Bonjour, monsieur Chapeskie. Cherchez-vous à établir un créneau pour le sirop d'érable? Pouvez-vous affronter la concurrence de tous les autres sirops, du point de vue du prix, j'entends? Je sais que vous proposez un produit de qualité, mais la concurrence est importante et les consommateurs ont les prix à l'œil quand ils achètent.

M. Chapeskie : Certainement, mais je pense que nous pouvons utiliser un exemple ici. À l'heure actuelle, je dirais que notre industrie a le vent dans les voiles, peu importe la différence de prix, qui est attribuable à l'investissement en capital et au coût de production des produits de l'érable purs, comme les intrants énergétiques et tout le reste.

Mais je considère que nous sommes très concurrentiels. L'industrie cherche principalement à mettre en lumière le caractère unique de son édulcorant par rapport aux autres sirops proposés sur les marchés du détail, ce qu'elle fait fort bien, d'ailleurs.

Parmi les problèmes qui préoccupent actuellement notre industrie figurent les représentations trompeuses de l'érable qu'on trouve sur le marché du détail actuellement. Par exemple, certains produits arborent le symbolisme de l'industrie de l'érable, comme des érables, les seaux et tout le reste, ainsi que des contenants utilisés de longue date dans l'industrie de l'érable. Cela donne aux consommateurs l'impression qu'il s'agit d'un produit authentique, alors qu'un examen plus attentif de la liste des ingrédients permet de constater que bien souvent, le produit ne contient pas de sirop d'érable pur, même pas 1 ou 2 p. 100, et c'est vraiment préoccupant. Cette situation fait qu'il est plus difficile d'affronter la concurrence pour nos transformateurs et ceux qui font partie de la chaîne d'approvisionnement, mais nous travaillons actuellement à une stratégie pour résoudre le problème.

La différence de prix n'est pas insurmontable. Je pense que nous pouvons fort bien soutenir la concurrence des autres édulcorants sur le marché.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur Chapeskie, dans un premier temps, j'aimerais vous dire une chose : il n'y a pas un endroit au Canada où l'on parle davantage du sirop d'érable qu'au sein de ce comité. Je ne sais pas si vous suivez les débats du Comité de l'agriculture et des forêts du Sénat, mais il n'y a pas un endroit au Canada où on en parle davantage, et c'est une bonne chose.

À quel endroit est situé votre Institut international du sirop d'érable?

[Traduction]

M. Chapeskie : Vous voulez savoir où se trouve l'Institut international du sirop d'érable. Je suis directeur exécutif de l'institut, et notre bureau se trouve en fait chez moi, à environ une heure du sud d'Ottawa. Je suppose donc que c'est là que l'institut se trouve. Mais quand mon prédécesseur était en poste, il y a une dizaine d'années, l'institut était situé au Vermont. Nous sommes dynamiques, vous savez : nous ne restons pas en place.

[Français]

Le sénateur Maltais : Qui sont vos membres?

[Traduction]

M. Chapeskie : Tout d'abord, presque toutes les associations de producteurs des États et des provinces sont des regroupements de bénévoles qui représentent les intérêts de l'industrie de l'érable et des autorités de ces États et de ces provinces. Par exemple, la Fédération des producteurs acéricoles du Québec... non?

[Français]

Le sénateur Maltais : Je ne suis pas d'accord avec vous.

Vous parlez de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec qui regroupe 80 p. 100 des producteurs au Québec. Il y a l'Association acéricole du Nouveau-Brunswick qui regroupe une très forte concentration de producteurs, et il y a celles de l'Ontario, du Maine et du Vermont. Je ne sais pas si vous êtes au courant du fonctionnement — vous devez l'être, j'en suis convaincu —, mais êtes-vous en contact, par exemple, avec le Maine et le Vermont?

[Traduction]

M. Chapeskie : Je pense qu'il y a peut-être eu un malentendu parce que, quand je dis que les associations de producteurs, notamment les fédérations, sont des membres de l'institut, cela veut dire que la fédération et l'association des producteurs de l'Ontario sont représentées au sein de notre institut. Elles ont une voix...

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur Chapeskie, je vous arrête; je m'excuse. Pour bien comprendre la situation, il faut savoir que l'Association des producteurs de sirop d'érable de l'Ontario est l'une des plus petites au Canada.

Parlez-moi du Québec et du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

M. Chapeskie : D'accord. Toutes les associations de producteurs de sirop d'érable du Canada sont représentées en tant que membres de l'Institut international du sirop d'érable; cela comprend la Nouvelle-Écosse, le Nouveau- Brunswick, le Québec et l'Ontario, soit les quatre provinces productrices.

Par ailleurs, bon nombre des principales entreprises de conditionnement comme, par exemple, au Québec — la coopérative Citadelle, l'Érablière Turkey Hill, LB Maple Treat Inc. — et d'autres entreprises du Nouveau-Brunswick et du Québec sont des membres de notre institut. Encore une fois, cela veut que l'institut est en quelque sorte une association-cadre qui regroupe des intervenants du Canada et des États-Unis, y compris les diverses associations et les différents intervenants qui ont un intérêt dans l'industrie. Voilà comment cela fonctionne.

Nous nous réunissons pour former un conseil d'administration qui prend des décisions qui nous semblent être dans l'intérêt de l'industrie acéricole de l'Amérique du Nord.

[Français]

Le sénateur Maltais : Faites-vous partie, avec les associations et fédérations qui se trouvent au Québec, au Nouveau- Brunswick, en Ontario, au Maine et au Vermont, des délégations qui se rendent à l'étranger pour faire la promotion du sirop d'érable canadien?

[Traduction]

M. Chapeskie : Je n'ai pas très bien compris. Pourriez-vous répéter la question?

[Français]

Le sénateur Maltais : Votre organisme fait-il partie des différentes associations qui se trouvent au Québec, en Ontario, au Nouveau-Brunswick, au Maine et au Vermont, pour effectuer les voyages que ces associations font à l'étranger afin de faire la promotion du sirop d'érable canadien? Je parle de voyages au Japon ou en Corée, par exemple; faites-vous partie de ces groupes?

[Traduction]

M. Chapeskie : Non. En ce moment, pour ce qui est de la promotion, ce sont les différentes associations du Canada, menées par la fédération — étant donné que la province du Québec est la plus importante productrice —, qui s'occupent des stratégies de commercialisation à l'échelle internationale : elles forment le comité consultatif de l'industrie acéricole du Canada. L'Institut international du sirop d'érable communique avec le comité. Dans certains cas, les membres des deux organisations sont exactement les mêmes. C'est ce groupe canadien qui participe à l'élaboration de la position de l'industrie canadienne à l'égard de la stratégie de commercialisation, et nous sommes en relation avec les membres de ce groupe. Je suppose que vous pourriez dire que nous travaillons en partenariat avec eux.

Le président : Si vous me le permettez, j'aimerais simplement ajouter que c'est pour cette raison que, en 2014, vous comptiez comme membres la fédération du Québec, tout comme le Nouveau-Brunswick, le Vermont, le Maine, l'Ontario et la Nouvelle-Écosse. Tous ces membres prennent des mesures à l'échelle internationale et nationale pour faire connaître vos produits. Cependant, comme vous l'avez dit au comité tout à l'heure, vous êtes en relation avec eux pour pouvoir les représenter sur le plan de la qualité du produit?

M. Chapeskie : C'est exact. Toutefois, il est important de mettre l'accent sur le fait que, pour la première fois depuis longtemps, l'Institut international du sirop d'érable et ce même groupe — ces mêmes représentants du Canada et des États-Unis — collaborent à l'élaboration d'une stratégie de commercialisation pour l'ensemble de l'Amérique du Nord. Il reste à voir comment cette stratégie sera mise en œuvre étant donné que, bien sûr, il faudra faire des investissements. Il faudra voir, parce que, dans le passé, il s'agissait surtout d'investissements canadiens car c'est ici que se trouve la majeure partie de l'industrie. Or, des représentants des États-Unis pourraient faire une proposition de partage des coûts. Il n'est pas inconcevable qu'un partenariat soit formé pour faire avancer l'ensemble de l'industrie.

Le président : Avant de donner la parole à la prochaine sénatrice, si vous me le permettez, j'aimerais préciser que c'est pour cette raison que, en décembre 2014, le gouvernement fédéral a annoncé la modification du Règlement sur les produits de l'érable, qui était une initiative conjointe des États-Unis et du Canada. La modification visait à nous permettre d'établir un système commun de catégorisation et de classement, tout en fournissant aux consommateurs des informations plus cohérentes et pertinentes concernant les diverses variétés de sirop d'érable.

M. Chapeskie : Absolument. Il s'agit du meilleur exemple de cette collaboration nord-américaine, qui est dans l'intérêt des industries canadienne et américaine.

Le président : Absolument. Est-ce que les deux pays ont adopté ce format parce que c'est vous qui l'aviez proposé aux gouvernements?

M. Chapeskie : Oui, et même là, nous avons consulté le comité consultatif de l'industrie acéricole du Canada pour obtenir l'approbation des membres séparément, même après qu'ils aient approuvé la proposition à l'institut.

La sénatrice Unger : Merci, madame et messieurs les invités. Ce que vous dites est très intéressant. J'aimerais revenir au sucre. J'ai sous les yeux un document de l'Institut canadien du sucre, qui parle du fait qu'une part importante du commerce mondial suit les préférences historiques de chaque pays ou des accords bilatéraux. Par conséquent, tandis que les États-Unis et l'Europe permettent des importations préférentielles venant de certains pays en développement ou moins développés, des pays industrialisés comme le Canada ne peuvent pas exporter facilement sur leurs marchés. Ce sont ces genres de politiques qui ont un effet négatif sur le commerce du sucre.

J'aimerais commencer par poser deux questions : est-ce parce que le commerce du sucre fait l'objet de restrictions qu'il a été exclu de l'ALENA et aussi de l'AECG? Vous vous engagez dans un combat que vous ne gagnerez probablement jamais.

Mme Marsden : Nous continuons de nous battre. À notre avis, si nous ne le faisons pas, les choses ne feront qu'empirer. De plus en plus d'accords commerciaux bilatéraux sont négociés et, si le Canada n'y est pas partie, il accusera de plus en plus de retard. Il est donc essentiel d'y être partie.

En ce qui concerne l'ALENA, le sucre du Canada et des États-Unis a été exclu; or, le Mexique et les États-Unis n'ont pas négocié d'accès bilatéral. Cela a des répercussions sur nous aussi, dans la mesure où le Mexique a un libre accès au marché américain, tandis que nous n'y avons pas accès. La décision concernant le sucre était liée à certains autres marchés problématiques pour le Canada. Il faut toujours faire des compromis dans des négociations de ce genre, et c'est pour cette raison que, à notre avis, tous les pays devraient mettre toutes les cartes sur table parce qu'il existe toujours des liens dont il faut tenir compte. D'ailleurs, cela risque de poser problème pour le PTP avec des pays comme les États-Unis et le Japon. Presque tous les produits d'exportation du Canada sont considérés comme étant problématiques sur le marché japonais.

Les négociations bilatérales dans le cadre de l'AECG n'auront aucune répercussion sur les programmes nationaux. L'accord nous a donné un accès limité — et c'est mieux que rien. Nous devons appuyer les démarches dans ce sens, mais c'est seulement à long terme que les choses vont réellement changer. En définitive, compte tenu des nombreuses négociations bilatérales et régionales, espérons que ce dossier finira par être renvoyé aux négociations de l'Organisation mondiale du commerce. C'est le mécanisme par lequel il faut passer pour libéraliser les marchés de façon plus globale afin de couvrir, entre autres, les subventions à l'exportation et les soutiens nationaux.

La sénatrice Unger : Pensez-vous que les États-Unis permettront des échanges avec les marchés mondiaux émergents, mais excluront le Canada? Est-ce que cela pourrait être un facteur? Est-ce que les États-Unis essaient d'être un bon grand frère dans ces cas en aidant les pays en développement à exporter leur sucre? Est-ce que la charité entre en ligne en compte?

Mme Marsden : Dans le cas du sucre, en particulier, les marchés faussés existent depuis longtemps et, essentiellement, l'accès préférentiel en vue de limiter l'accès à un nombre limité de pays a comme objectif de protéger l'industrie nationale. Voilà pourquoi l'Europe et les États-Unis en particulier protègent leurs marchés.

Beaucoup de pays accordent un accès préférentiel aux pays en développement ou au moins aux pays moins développés, et c'est une bonne chose. Les économies et les chaînes de valeurs se porteraient mieux s'il y avait une libéralisation plus étendue.

La sénatrice Unger : Par conséquent, l'image de marque du Canada, qui est une stratégie de commercialisation, ne fonctionnerait pas vraiment dans cette industrie? Votre collègue secoue la tête.

D'accord. Je comprends. Ma dernière question est la suivante. Vous avez déjà parlé du Japon, mais pensez-vous que, aux termes du PTP, le Canada obtiendra de meilleurs résultats?

Mme Marsden : J'hésite à avancer des hypothèses. Toutefois, il est absolument essentiel que le Canada assume un rôle de leadership dans ces négociations, parce que la grande majorité des 12 pays concernés échangent des produits agroalimentaires. Si le Canada ne fait pas partie de ce groupe, ce n'est pas seulement le marché du sucre qui subira des répercussions négatives, mais tous nos marchés agroalimentaires. Nous nous trouvons dans une situation spéciale avec les États-Unis et le Japon, mais tous les autres produits agroalimentaires, comme le bœuf, le porc et les grains seront aussi compromis. Nous sommes membres de l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire, et nous travaillons ensemble pour défendre notre position.

M. Walton : J'aime bien votre question. J'aimerais ajouter qu'il nous faut obtenir de meilleurs résultats lors des négociations en vue du PTP. Notre industrie n'a pas fait l'objet d'un accord commercial depuis très longtemps — probablement une génération; nous devrons donc faire mieux. Nous avons une usine de betteraves à Taber, en Alberta, qui est alimentée par plus de 250 agriculteurs qui récoltent des betteraves à sucre. Nous avons un important effectif saisonnier pour faire la récolte. L'usine est directement en face des États-Unis, et sa survie va dépendre des résultats obtenus lors des négociations en vue du PTP. Cinquante pour cent du sucre produit aux États-Unis est du sucre de betterave. Les Américains connaissent donc bien ce produit. Il s'agit d'un excellent débouché pour cette usine.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma question s'adresse à monsieur Chapeskie. Comme vous le savez, il y a eu la signature d'accords de libre-échange avec la Corée et avec l'Union européenne. À combien évaluez-vous vos parts de marché? Quelles sont les barrières tarifaires qui pourraient freiner l'augmentation de votre part de marché?

[Traduction]

M. Chapeskie : Merci de cette question. En ce qui concerne le marché coréen, il faudrait que je consulte mes membres, tout particulièrement la Fédération des producteurs acéricoles du Québec, qui dirige en quelque sorte le comité consultatif de l'industrie acéricole du Canada, et aussi des représentants d'entreprises comme la coopérative Citadelle. Je ne peux pas répondre directement à cette question parce que je n'ai pas ces renseignements.

Le président : Monsieur Chapeskie, pourrais-je vous demander de vous renseigner auprès des membres de votre association et de nous fournir les réponses par l'entremise du greffier?

M. Chapeskie : Absolument.

Le président : Merci.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je crois que ces accords vont éliminer les 8 p. 100 qui sont imposés en matière de barrières tarifaires. Cela pourrait peut-être permettre d'ouvrir d'autres débouchés. Cependant, comme l'a dit le président, il est important de connaître l'impact de cette mesure sur les ventes de sirop d'érable. À mon avis, cela pourrait avoir des répercussions importantes.

[Traduction]

Le président : Vous pourrez nous fournir les renseignements.

M. Chapeskie : Absolument. Au sujet des droits de douane, surtout ceux auxquels les produits sont assujettis au Royaume-Uni, d'après ce que nos membres nous disent, ces droits sont considérés comme étant des barrières. Si c'est bien le cas — je n'ai pas directement accès à des renseignements de ce genre —, je suis convaincu que cela serait avantageux pour nous, du moins, d'après ce qu'on m'a dit. Comme le président me l'a demandé, il faudra que je vous revienne là-dessus.

Le président : Pendant que vous vous renseignez à ce sujet, pourriez-vous aussi vous renseigner au sujet des liens entre les marchés émergents et la Chine, s'il vous plaît?

M. Chapeskie : D'accord. Merci.

Le sénateur McIntyre : Merci de vos exposés. D'après ce que je comprends, l'Institut canadien du sucre représente les producteurs de sucre pour les questions relatives à la nutrition et au commerce international. En ce qui concerne la nutrition, j'ai aussi entendu que l'institut offre un service d'information scientifique sur la nutrition. Pourriez-vous nous en parler?

Mme Marsden : Nous avons mis sur pied ce service en 1988, pour contrer la multiplication des informations erronées sur le sucre, qui sont essentiellement transmises dans les médias, comme des régimes faibles en glucides et des solutions de rechange au sucre. Aujourd'hui, on dit que le sucre est toxique. On transmet énormément d'informations erronées qui ne sont pas basées sur la science. Nous avons des diététistes et un docteur en nutrition qui se tiennent au fait des recherches scientifiques et qui font part de ces renseignements aux professionnels de la santé pour qu'ils puissent, à leur tour veiller à ce que les consommateurs soient mieux renseignés.

Le sénateur McIntyre : Plusieurs témoins qui ont comparu au comité ont exprimé des préoccupations concernant la pénurie de main-d'œuvre qualifiée dans divers secteurs des secteurs agricole et agroalimentaire. Parmi ces préoccupations, soulignons le fardeau administratif et les frais. Le gouvernement fédéral a récemment lancé un nouveau système électronique qu'on appelle le système Entrée express. D'après ce que je comprends, ce système offre une certaine souplesse quant à la sélection des employés et les délais de traitement des demandes. Que suggérez-vous pour améliorer l'accès des employeurs à des travailleurs qualifiés?

M. Walton : Dans toutes les provinces où nous sommes présents, nous avons de nombreux programmes et nous tirons parti de mesures d'accès à des travailleurs qualifiés. Comme vous pouvez l'imaginer, nous avons eu une pénurie à notre usine de Taber, en Alberta, au cours des 10 dernières années, en raison de l'exploitation des sables bitumineux; il était extrêmement difficile de trouver de la main-d'œuvre qualifiée. Je dirais, sans toutefois en connaître les détails, que notre groupe des ressources humaines a collaboré avec les responsables de ce point d'accès. Nous avons tenu des salons de l'emploi à Saint John, au Nouveau-Brunswick. Nous avions autrefois une usine dans cette ville et on y trouve beaucoup de travailleurs qualifiés. Afin de satisfaire à la demande, nous avons essayé de les recruter et les inciter à déménager en Alberta.

La sénatrice Unger : Quelle serait votre description d'un travailleur qualifié? Quelles sont les compétences requises?

M. Walton : Dans notre secteur, nous avons surtout besoin de gens de métier spécialisés. Il est particulièrement difficile de recruter des mécaniciens de chantier et des électriciens, par exemple.

La sénatrice Beyak : Merci beaucoup de ces renseignements. Comme le dit un vieil adage, c'est le morceau de sucre qui aide le médicament à passer. Avez-vous songé à combattre avec vigueur la diffusion d'informations erronées sur le sucre et à promouvoir les propriétés curatives du sucre, qui ont été bien documentées au fil des décennies? La gangrène a sévi pendant la Deuxième Guerre mondiale. Même si la population consommait des sucres naturels — du sucre de canne, du sucre de betterave, du sucre d'érable —, les gens étaient en santé. Le diabète était rare, et l'insuline a aidé à réduire le taux de diabète. Maintenant que nos produits contiennent beaucoup d'additifs, de produits chimiques et de sucres artificiels, le diabète est endémique. J'ai fait beaucoup de recherches à ce sujet. Je fais partie d'une longue lignée de gens qui vivent longtemps, qui s'alimentent avec modération, consomment un peu de tout et pratiquent la marche. Par rapport à la promotion des propriétés curatives du sucre et de la consommation modérée en toute chose, je pense qu'il existe un marché énorme. Je me demande si les gens de votre volet recherche ont étudié cette question.

Mme Marsden : Je vous remercie de la question. En fait, l'industrie menait auparavant des campagnes de publicité auprès des consommateurs, et nous avions l'habitude de recevoir le prix « Pomme gâtée », remis par l'Ordre professionnel des diététistes du Québec. Tout est une question de contexte. Pour diverses raisons, le contexte actuel ne se prête pas à la promotion vigoureuse du sucre. Nous ne voulons pas en promouvoir la consommation. Vous avez tout à fait raison. C'est un produit naturel qui n'a pas changé depuis des siècles et qui est sans danger. Les statistiques démontrent que nous le consommons en quantités raisonnables. Or, dans un contexte d'une société aux prises avec des problèmes de surplus de poids et d'obésité, le sucre est une cible facile.

Nous avons choisi d'orienter notre stratégie en matière de communication et recherche scientifique sur la collaboration avec les leaders d'opinion et les professionnels de la santé pour les aider à transmettre le message. Nous misons aussi sur la collaboration avec le gouvernement — et nous voulons un jour essayer d'informer les consommateurs — pour obtenir des politiques et des programmes plus ciblés. Le problème, c'est qu'il y a tant de gens qui veulent vendre des livres sur les régimes ou réaliser un nouveau documentaire. Nous avons donc tendance à être sur la défensive. Nous ne sommes pas dans un contexte qui favorise la promotion active du sucre.

La sénatrice Beyak : Je vous remercie de votre franchise.

La sénatrice Merchant : Ma question est liée à la question précédente. Quels sont les effets des édulcorants artificiels? Il en existe une telle variété, et la liste s'allonge constamment. Avez-vous observé une incidence sur la consommation de sucre par habitant au Canada ou dans le monde?

Mme Marsden : C'est presque impossible à quantifier, parce qu'il n'existe aucun indicateur sur la production d'édulcorants. Il en existe une grande variété, et ils entrent dans la fabrication de nombreux produits, en particulier dans le secteur des boissons. Notre industrie réalise peu de ventes dans ce secteur. Aujourd'hui, l'édulcorant le plus utilisé dans la plupart des produits est le sirop de maïs à haute teneur en fructose. Ce produit aurait donc l'effet le plus important dans ce secteur.

Le sucre a beaucoup de propriétés fonctionnelles que ces édulcorants n'ont pas. Le sucre demeure l'édulcorant dominant. À titre d'exemple, sans sucre, les pâtes à pain ne lèvent pas et il n'est pas possible de faire brunir des biscuits ou des gâteaux. Heureusement, en raison de ses propriétés qui ne peuvent être remplacées, le sucre est un ingrédient essentiel pour beaucoup de produits. Il n'existe aucune donnée concernant l'effet à la baisse de la consommation de sucre. Cela concerne surtout le secteur des produits liquides.

M. Walton : Dans le secteur du détail, la détermination de l'espace d'étalage nous donne une indication de la situation. De nos jours, on retrouve de plus en plus d'édulcorants non nutritifs sur les étalages. Ce segment de marché est plutôt stable. Il s'agit d'une situation où tous les fabricants sont en concurrence pour obtenir la même quantité d'espace à l'étalage et où tous tentent de donner l'impression que leur produit est plus naturel ou tentent de mettre en marché un produit plus naturel. Au cours des derniers mois, les médias ont présenté de nombreux reportages sur des gens qui souhaitent éliminer les édulcorants artificiels de leur alimentation et les remplacer par des édulcorants non nutritifs naturels. Les tendances semblent toujours fluctuer, mais dans l'ensemble, cela n'a pas une grande incidence sur le marché du sucre.

La sénatrice Merchant : Ces produits pourraient-ils avoir un effet sur l'industrie du sirop d'érable?

M. Chapeskie : Je ne crois pas.

[Français]

Le sénateur Maltais : Madame Marsden, vous avez dit au début de votre présentation que 80 p. 100 de votre production provenait de la canne à sucre. Pourriez-vous me dire de quel pays vous les importez afin de les transformer au Canada?

[Traduction]

Mme Marsden : Nos membres s'approvisionnent dans divers pays, principalement dans l'hémisphère Ouest. Je dirais que le Brésil est le fournisseur le plus important, suivi des pays d'Amérique centrale, et cela varie en fonction de leurs relations avec ces fournisseurs.

[Français]

Le sénateur Maltais : Importez-vous de la canne à sucre de Cuba?

[Traduction]

Mme Marsden : Il n'y a pas eu d'importation de sucre en provenance de Cuba depuis de nombreuses années, l'industrie cubaine du sucre s'est effondrée. Les dernières importations de sucre cubain au Canada remontent aux années 1980.

[Français]

Le sénateur Maltais : Y a-t-il une raison pour laquelle vous n'importez pas de sucre de Cuba à l'heure actuelle?

[Traduction]

M. Walton : Je peux vous dire ce qu'il en est sous l'angle de la commercialisation. Comme j'ai travaillé chez Sucre Lantic pendant 34 ans, j'ai vu les deux côtés du dilemme cubain. Sur le plan logistique, étant donné sa proximité, ce serait le fournisseur idéal pour le Canada. Beaucoup de clients de l'industrie canadienne ont des usines des deux côtés de la frontière, aux États-Unis et au Canada, et il y a un mouvement de produits constant entre les différentes usines. Comme vous le savez, pendant l'embargo contre Cuba, l'utilisation d'ingrédients cubains dans la fabrication de produits destinés au marché américain était interdite. Dans n'importe laquelle de nos usines, il était impossible de séparer les matériaux bruts provenant de deux sources distinctes. C'est à cette époque que nous avons cessé d'utiliser le sucre cubain.

[Français]

Le sénateur Maltais : Serait-ce l'une des raisons pour lesquelles vous avez de la difficulté à pénétrer le marché américain?

[Traduction]

M. Walton : Il y a des restrictions commerciales. Les tarifs nous empêchent de pénétrer le marché américain. Comme je l'ai indiqué, nous avons une part très petite de 10 300 tonnes par année, ce qui représente moins de 0,1 p.100 du marché américain; c'est la part directe qui nous a été accordée.

Le président : Je remercie les témoins de leurs commentaires. Si vous souhaitez fournir des informations supplémentaires au comité, n'hésitez pas à communiquer avec nous par l'intermédiaire du greffier.

Honorables sénateurs, la séance est levée.

(La séance est levée.)


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