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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 26 - Témoignages du 24 mars 2015


OTTAWA, le mardi 24 mars 2015

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 h 22, pour étudier les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je m'appelle Percy Mockler, et je suis sénateur du Nouveau-Brunswick et le président du comité.

J'aimerais demander aux sénateurs de se présenter.

La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario. Bienvenue.

La sénatrice Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan.

La sénatrice Tardif : Claudette Tardif, de l'Alberta.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l'Ontario.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

La sénatrice Unger : Betty Unger, de l'Alberta.

Le président : Je remercie les sénateurs. Avant de présenter les témoins, je veux dire que ce soir, le comité continue son étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

[Français]

Le secteur agricole et agroalimentaire canadien joue un rôle important dans l'économie canadienne. En 2012, un travailleur sur huit au pays, représentant plus de 2,1 millions de personnes, était employé dans ce secteur, qui a d'ailleurs contribué à près de 6,7 p. 100 du produit intérieur brut canadien.

[Traduction]

À l'échelle internationale, le secteur agricole et agroalimentaire canadien était responsable de 3,6 p. 100 des exportations mondiales de produits agroalimentaires en 2012.

La même année, le Canada s'est classé cinquième parmi les exportateurs de produits agroalimentaires les plus importants au monde. Le Canada participe à plusieurs accords de libre-échange, ou ALE. À ce jour, 12 ALE sont en vigueur. L'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne a été conclu, et des négociations sont en cours relativement à 11 ALE, y compris les négociations en vue de moderniser l'Accord de libre-échange Canada-Costa Rica.

De plus, le gouvernement fédéral entame des discussions préliminaires sur le commerce avec la Turquie, la Thaïlande et les États membres du Mercosur, soit l'Argentine, le Brésil, le Paraguay, l'Uruguay et le Venezuela.

Honorables sénateurs, notre premier groupe comprend trois témoins. Nous accueillons des représentants du Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture : la directrice générale, Mme Portia MacDonald-Dewhirst; le président du CCRHA et de l'Équipe spéciale sur la main-d'œuvre, M. Mark Wales; et le président du Groupe de travail sur les politiques et les programmes, Plan d'action sur la main-d'œuvre, M. Mark Chambers.

Je remercie les témoins d'avoir accepté de venir donner leur point de vue et faire des recommandations au comité au sujet de ce secteur important.

Le greffier m'a dit que les trois témoins feront un exposé. Je cède maintenant la parole à Mme Portia MacDonald-Dewhirst.

Portia MacDonald-Dewhirst, directrice exécutive, Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture : Je vous remercie beaucoup d'avoir invité le Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture à venir discuter avec vous des problèmes de pénurie de main-d'œuvre auxquels fait face l'industrie en général ainsi que de leurs répercussions sur la compétitivité de l'industrie.

Comme l'a dit le président, l'industrie agricole et agroalimentaire, dont le secteur des produits de la mer, est très vaste et joue un rôle important dans l'économie canadienne. Il englobe plusieurs industries : intrants agricoles, services, agriculture primaire, transformation des aliments et boissons, aquaculture, distribution alimentaire, détail, vente en gros, restauration, et cetera. En 2012, 2,1 millions de personnes travaillaient dans le secteur agricole et agroalimentaire canadien, ce qui représente un travailleur sur huit, ou 12 p. 100 des emplois au pays. À l'échelle régionale, l'industrie, dont le secteur des produits de la mer, est une source importante d'activités économiques dans bon nombre de provinces, et sa contribution annuelle au produit intérieur brut du pays s'élève à plus de 100 milliards de dollars, ce qui représente près de 8 p. 100 du PIB.

Les intervenants de l'industrie ont exprimé des préoccupations concernant les problèmes de main-d'œuvre urgents auxquels sont confrontées les entreprises agricoles et agroalimentaires canadiennes et les risques pour leur viabilité et leur croissance. L'industrie agricole et agroalimentaire a besoin de main-d'œuvre pour demeurer concurrentielle sur le marché mondial, profiter des occasions d'exportation qu'offre le programme de libre-échange du gouvernement fédéral et assurer aux Canadiens l'accès à des aliments sécuritaires et la viabilité de la production alimentaire.

Le Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture se concentre sur la recherche et la résolution de problèmes liés aux ressources humaines avec lesquels sont aux prises les entreprises agricoles du Canada. Nous collaborons avec des agriculteurs et l'industrie pour bien comprendre et satisfaire les besoins uniques en matière de RH, de gestion et de formation pour les différents groupes de produits agricoles. Le conseil travaille avec les dirigeants de l'industrie, les responsables gouvernementaux et les intervenants en éducation afin de chercher, d'élaborer et de mettre en place des solutions aux défis de l'industrie au chapitre de l'emploi et du développement des compétences.

Le conseil sert pleinement le milieu agricole en tant que guichet unique, en tant que centre de recherche agricole fiable — l'information sur le marché du travail — et point d'accès aux solutions sur mesure en matière de gestion et de formation agricole.

Parmi nos projets de recherche actuels qui sont décrits dans le document qu'on vous a remis, il y en a un qui vise à appuyer l'avancement des femmes en agriculture. Ce projet consiste à examiner les obstacles les plus importants à l'avancement des femmes en agriculture et à s'y attaquer. L'objectif est de susciter la participation des femmes et des collaborateurs du milieu agricole à l'élaboration et à la mise en place d'un programme stratégique qui contribuera à améliorer l'accès des travailleuses en agriculture aux postes de direction et à favoriser leur réussite dans l'industrie.

Nous menons également un projet concernant l'information sur le marché du travail. Il s'agit de créer un modèle d'information sur l'offre et la demande de main-d'œuvre qui offrira un survol du marché du travail actuel de sorte que nous puissions faire des prévisions de l'offre et la demande de main-d'œuvre en agriculture, et ce, à l'échelle nationale et provinciale et par types de produits. Le projet vise aussi à cerner les pénuries de main-d'œuvre et les écarts de compétences et à étudier les possibilités et les obstacles à la participation de divers groupes au sein de la population du Canada habituellement sous-représentés dans la main-d'œuvre agricole, et c'est essentiel à l'heure actuelle, dans une situation de pénurie, et ces groupes sous-représentés incluent entre autres les peuples autochtones, les Néo-Canadiens et les travailleurs âgés.

Nous avons également le Cadre national des professions agricoles. Ce projet consiste à trouver des réponses à une grande variété de questions cruciales sur les postes essentiels en agriculture puis, à partir de ces réponses, de créer des outils de soutien utiles pour aider le secteur agricole du Canada à satisfaire ses besoins en main-d'œuvre et à assurer sa santé et sa pérennité. Il s'agit d'une étude en profondeur qui donnera un portrait exact des emplois et des compétences de l'agriculture d'aujourd'hui.

De plus, nous jouons un rôle dans les projets qui appuient la mise en œuvre du plan d'action national sur la main-d'œuvre en agriculture. Le Plan d'action sur la main-d'œuvre du secteur agricole et agroalimentaire est un rapport de recommandations visant à régler le problème urgent et omniprésent de la pénurie de main-d'œuvre qui nuit aux activités des entreprises agricoles et agroalimentaires et à leurs possibilités de croissance. Il est mené par une équipe spéciale sur la main-d'œuvre que préside Mark Wales, et c'est un forum axé sur les solutions qui compte des intervenants de l'ensemble du secteur agricole et agroalimentaire du Canada qui collaborent à la recherche et à la préparation de plans pour réduire les risques dans toute la chaîne de valeur. Le plan d'action comprend des recommandations pratiques et essentielles au maintien d'une chaîne de valeur de l'industrie qui assure à tous les Canadiens l'accès à des aliments sécuritaires et à prix abordable et la viabilité de la production alimentaire et qui permet au Canada de rester un chef de file qui contribue pour une bonne part à la production alimentaire dans le monde.

Maintenant, notre président, Mark Wales, vous donnera de plus amples renseignements sur le Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture, l'Équipe spéciale sur la main-d'œuvre et le Plan d'action sur la main-d'œuvre du secteur agricole et agroalimentaire canadien.

Mark Wales, président, CCRHA et Groupe de travail sur la main-d'œuvre, Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture : Je vous remercie de nous avoir invités à participer à votre étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux. Comme vous le savez déjà, je m'appelle Mark Wales. Je suis un producteur de légumes et de céréales du comté d'Elgin, dans le sud de l'Ontario.

Je suis le président du Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture. Nous représentons plus de 200 cultures et denrées que produisent les agriculteurs au pays, et nous représentons plus de 200 000 petits employeurs.

De plus, je préside l'Équipe spéciale sur la main-d'œuvre, un comité de notre organisme qui fournit des conseils et des orientations stratégiques pour la mise en œuvre du Plan d'action sur la main-d'œuvre du secteur agricole et agroalimentaire canadien.

Portia a donné un aperçu du travail qu'effectue le CCRHA. L'information sur le marché du travail qui fait l'objet de recherches est indispensable en ce moment. Je siège au comité consultatif du projet de Cadre national des professions agricoles, qui aide à définir les compétences professionnelles dans nos exploitations agricoles et à fournir les outils dont les agriculteurs ont besoin pour embaucher des travailleurs et les garder en poste. Le Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture offre aux agriculteurs l'occasion d'en apprendre sur le recrutement et le maintien en poste et les outils en ligne qui favorisent les contacts entre les travailleurs et les agriculteurs dont a besoin notre secteur, qui fait face à de graves pénuries de main-d'œuvre.

L'Équipe spéciale sur la main-d'œuvre, à laquelle j'ai été élu président récemment, agit comme un forum axé sur les solutions composé de représentants de 12 tables rondes sur les chaînes de valeur d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. L'équipe spéciale a été formée en 2012 afin d'examiner les enjeux liés à la gestion et aux pénuries de main-d'œuvre dans le secteur agricole et agroalimentaire. Le Plan d'action sur la main-d'œuvre du secteur agricole et agroalimentaire canadien a fait l'objet de recherches et a été créé par l'équipe. Il s'agit d'un plan exhaustif, d'une feuille de route pour l'industrie agricole et agroalimentaire, incluant le secteur des produits de la mer, et il a été publié l'an dernier.

Ce travail est un volet important des démarches prises par notre organisme pour étudier et régler les problèmes importants de main-d'œuvre dans le secteur agricole. La participation de l'industrie et des intervenants constitue une partie importante de la qualité des recherches et un élément essentiel de notre organisme. Grâce à plus de 50 partenaires de la mise en œuvre, le plan d'action sur la main-d'œuvre réunit les agriculteurs et l'industrie, l'ensemble de la chaîne de valeur agricole, qui travaillent à trouver une solution permanente à ce qui constitue un problème permanent.

L'industrie agricole doit relever des défis relatifs à la main-d'œuvre uniques, qui figurent dans la mise à jour que vous avez devant vous. L'un de ces plus grands défis, ce sont les questions de saisonnalité liées à notre industrie.

Le secteur horticole, qui englobe 120 cultures différentes regroupant fruits, légumes, fleurs et plantes ornementales, a besoin de différents types de travailleurs à la fois : à plein temps, saisonniers à long terme, saisonniers à court terme et moissonneurs. Le secteur horticole contribue énormément à l'économie ontarienne et plus généralement à l'économie canadienne. Les ventes à la ferme s'élèvent à plus de 1,4 milliard de dollars par année dans le secteur horticole de la province.

L'horticulture n'est qu'une des chaînes de valeur qui fait face à des problèmes de main-d'œuvre liés à la saisonnalité. Les producteurs de céréales ont des dates limites d'ensemencement et de récolte qui entraînent des charges élevées au printemps et en automne. En outre, dans le secteur bovin, les éleveurs de bétail ont une charge élevée liée à la saison de mise bas. Les producteurs de moutons doivent eux aussi composer avec une pénurie de bergers qualifiés prêts à accepter des emplois saisonniers. Le secteur des produits de la mer est l'une des tables rondes sur les chaînes de valeur d'Agriculture Canada. Elle comporte elle aussi un volet saisonnier.

Il faut bien comprendre que l'agriculture et la production alimentaire comporteront toujours un volet saisonnier qui ne pourra pas fournir des emplois à temps plein.

L'une des choses les plus inquiétantes pour un employeur, c'est de devoir dépenser des centaines de milliers de dollars pour cultiver un produit et de ne pas avoir assez d'employés pour en faire la récolte. La possibilité de perdre une culture périssable à cause de gels ou de la surmaturation est toujours un lourd problème pour les agriculteurs.

L'autre défi relatif à la main-d'œuvre que doit relever notre industrie, c'est l'exode rural. Cette tendance se manifeste dans les régions rurales partout au Canada, dont en Ontario. Selon une série de travaux de recherche produite pour le Rural Ontario Institute, l'économie non métropolitaine de l'Ontario est en déclin depuis octobre 2012. De plus, le secteur affichant le déclin de l'emploi le plus prononcé, depuis le sommet de 2008, est le secteur manufacturier. La tendance à long terme montre que, de manière générale, l'emploi total dans les régions non métropolitaines de l'Ontario stagne depuis 2004.

De toute évidence, les personnes en âge de travailler qui arrivent dans les régions non métropolitaines de la province sont moins nombreuses que celles qui en partent. Les pénuries de main-d'œuvre sont plus susceptibles de toucher ces régions.

Le défi du milieu rural, c'est que nos possibilités d'emplois se trouvent en région rurale, et les employeurs ont donc plus de mal à attirer des travailleurs, ce qui s'explique par bien des facteurs : logement, transport, garde des enfants, et cetera.

Un rapport statistique produit en 2014 pour la Fédération canadienne des municipalités indiquait que le nouveau défi du monde rural consiste à créer des personnes, et non à créer des emplois, que la création de personnes et non la création d'emplois est la clé de la croissance du Canada rural. On y ajoute que la population canadienne s'approche du point où les décès seront plus nombreux que les naissances et que certaines régions rurales l'ont déjà atteint. Enfin, on indique que pour garantir leur croissance, ces régions doivent attirer des immigrants ou des migrants d'ailleurs au Canada.

La recherche dans le cadre du Plan d'action sur la main-d'œuvre du secteur agricole et agroalimentaire canadien indique que ce qui est bon pour l'industrie agricole et agroalimentaire est bon pour le développement rural du Canada. En repeuplant les communautés rurales du pays de travailleurs qui veulent faire carrière dans l'agriculture, nous stimulerons la croissance économique et créerons des emplois pour tous les Canadiens et nous fournirons un facteur économique et de développement durable dans le milieu rural.

Maintenant, Mark Chambers vous parlera du Plan d'action sur la main-d'œuvre du secteur agricole et agroalimentaire canadien.

Mark Chambers, président, Politiques et programmes, Groupe de travail sur le plan d'action pour la main-d'œuvre, Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture : Je vous remercie beaucoup de nous avoir invités à venir témoigner aujourd'hui. Je m'appelle Mark Chambers, et je suis le président du Groupe de travail sur les politiques et les programmes de l'Équipe spéciale sur la main-d'œuvre. Il s'agit d'un groupe axé sur les solutions comprenant 18 membres actifs, et nous travaillons à une mise à jour du Plan d'action sur la main-d'œuvre du secteur agricole et agroalimentaire canadien. Nous étudions le grand problème de pénurie de main-d'œuvre dans le secteur de l'agriculture et nous présentons des solutions à court, à moyen et à long terme.

Je suis le gestionnaire de production de Sunterra. Il s'agit d'une exploitation familiale située à Acme, en Alberta. Je suis donc loin de la maison présentement. Dans cette exploitation, nous élevons environ 60 000 porcs de marché par année, et la transformation à valeur ajoutée est effectuée dans un établissement de traitement des viandes à Trochu.

Trochu est un village situé dans une région fortement rurale de l'Alberta. L'établissement emploie environ 130 personnes. C'est un énorme moteur économique pour notre économie rurale. Le siège social est situé dans le village d'Acme, qui compte 500 habitants, et notre établissement de traitement des viandes est situé à Trochu, qui compte 700 habitants. C'est un employeur important de la collectivité.

Il s'agit d'une entreprise porcine, mais nous approuvons le contenu de l'étude de l'Association canadienne des éleveurs de bovins, qui indique que pour chaque travailleur du secteur bovin, on compte 4,2 travailleurs dans le marché du travail canadien — retombées directes et indirectes —, et près de 7 travailleurs si on tient compte de toutes les retombées.

La chaîne de valeur agricole a d'énormes répercussions économiques positives sur nos collectivités rurales. Nos exploitations agricoles et à valeur ajoutée soutiennent l'économie rurale. Nous avons besoin de travailleurs agricoles et de bouchers. Ces employés achètent des produits dans des magasins des collectivités rurales locales. Les avantages reliés à l'emploi pour l'économie canadienne incluent les camionneurs, les viandes vendues au détail dans les épiceries locales, et cetera. Des écoles sont construites ou rénovées, et nos collectivités rurales sont revitalisées.

Comme l'indique le Plan d'action sur la main-d'œuvre, plus de 1 000 postes demeurent vacants, seulement dans le secteur de la viande, parce que nous n'arrivons pas à trouver des travailleurs canadiens pour pourvoir à ces postes. Cela a un effet dans l'ensemble de la chaîne de valeur, jusqu'à l'agriculteur, ce qui signifie qu'il faudra transporter plus de grain par train de la ferme au port, si la situation s'améliore dans le réseau ferroviaire. Sinon, l'industrie agroalimentaire devra envisager d'exporter le bétail plutôt que de mener au Canada des activités de transformation à valeur ajoutée, ce qui signifie qu'en réalité, l'industrie se retrouvera à exporter des emplois et des possibilités économiques.

La réalité, c'est que l'industrie agricole et agroalimentaire du Canada devra soit importer plus de travailleurs, soit exporter du bétail, puis importer des produits de viande transformés pour que les consommateurs puissent en acheter à l'épicerie locale.

C'est vrai pour notre entreprise, Sunterra, qui a besoin d'environ 20 travailleurs supplémentaires dans son usine de transformation de viande à valeur ajoutée. La municipalité de Trochu est située à deux heures au nord-est de Calgary et au sud-est de Red Deer. La main-d'œuvre de notre usine est composée de travailleurs canadiens à 70 p 100. Nous faisons appel aux travailleurs étrangers pour compléter notre effectif parce qu'il est extrêmement difficile de trouver plus de travailleurs dans notre région rurale. Tous ceux qui veulent travailler ou qui sont aptes à l'emploi ont déjà un emploi. Nous menons une campagne de recrutement dynamique dans l'ensemble du Canada. Il y a deux ou trois semaines, j'ai participé à un salon de l'emploi en Ontario pour recruter des gens pour notre entreprise, et susciter l'intérêt des gens à l'égard de l'industrie agricole et alimentaire est extrêmement difficile. Nous menons de nombreuses campagnes de recrutement de ce genre au Canada.

En raison des changements qui ont été apportés en juin de l'an dernier, nous avons atteint le plafond de 30 p. 100 de l'effectif à notre usine de transformation à valeur ajoutée, ce qui signifie que nous ne pouvons plus engager de travailleurs par l'intermédiaire de ce qu'on appelle actuellement le Programme des travailleurs étrangers temporaires. Nous subissons les conséquences imprévues des changements qui ont été apportés pour régler les problèmes liés à l'utilisation à mauvais escient du programme, qui n'étaient pas attribuables au milieu agricole et agroalimentaire.

La pénurie de main-d'œuvre à notre usine a des répercussions considérables sur notre ferme. Ces derniers mois, j'ai fréquemment rendu visite à nos employés de l'étable. Il nous est arrivé, alors que nous étions prêts à expédier nos cochons à l'usine de transformation à valeur ajoutée, de recevoir un appel des gens de l'usine qui nous informaient qu'ils ne pourraient accepter le chargement, faute d'espace, parce qu'ils n'avaient pas assez de travailleurs pour les activités de boucherie. Que sommes-nous censés faire de tous ces cochons alors qu'ils sont prêts à être commercialisés? Neuf mois s'écoulent entre la fécondation d'une truie et le moment où les animaux sont prêts à la commercialisation.

Nous ne pouvons interrompre la reproduction, car la saillie des truies est faite plusieurs mois à l'avance. Ce n'est qu'un exemple de la pression qui est exercée sur une chaîne de valeur unique dont chaque étape a son importance. C'est là une autre raison pour laquelle le caractère unique de la chaîne de valeur agricole doit être reconnu, parce que la productivité et la prospérité de notre industrie sont associées à un produit périssable qui est lui-même lié à la manipulation d'animaux vivants — qui peut nuire à leur bien-être si elle n'est pas faite correctement — et à la salubrité, la sécurité et la viabilité de la production alimentaire pour les consommateurs canadiens.

Lorsqu'on ne parvient pas à trouver de la main-d'œuvre sur le marché national, il faut offrir aux secteurs de l'agriculture et de la transformation à valeur ajoutée une option axée sur la chaîne de valeur. Si les campagnes intensives de publicité et de recrutement ne nous permettent pas de trouver des travailleurs canadiens, il faut créer — à titre de mesure transitoire — un programme réservé aux entreprises des secteurs agricoles et de la transformation primaire qui souhaitent engager des travailleurs étrangers, et en faire une solution viable vers l'obtention de la résidence permanente pour les travailleurs sélectionnés.

Dans le secteur agricole, les possibilités de carrière sont nombreuses, ce qui fait de ces travailleurs d'excellents candidats pour l'immigration économique dans les collectivités rurales, et ces emplois sont facilement accessibles dès maintenant.

On trouve un exemple de la façon dont cela fonctionne dans un récent article vedette publié dans GrainsWest, la nouvelle publication conjointe de l'Alberta Barley Commission et de l'Alberta Wheat Commission. Il s'agit de l'exemple d'un travailleur migrant qui est venu au Canada pour s'y installer en permanence, qui est devenu résident permanent et qui est maintenant en voie de devenir citoyen canadien.

Les problèmes de main-d'œuvre dans le secteur agricole ne sont pas temporaires. Les commentaires que notre groupe de travail a reçus des acteurs de l'industrie démontrent que nous avons besoin d'une solution intégrée et permanente à un problème permanent. Nous avons besoin d'un programme national pour la main-d'œuvre du secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire.

Au terme d'une consultation exhaustive menée auprès des membres de l'industrie au cours des trois dernières années, l'industrie a préparé le Plan d'action sur la main-d'œuvre du secteur canadien de l'agriculture et de l'agroalimentaire, qui comporte des recommandations pour régler le problème urgent et prépondérant qu'est la pénurie de main-d'œuvre.

Pour la mise à jour du Plan d'action sur la main-d'œuvre que nous avons entreprise avant Noël, nous avons adopté une démarche à court, moyen et long terme en vue de recommander une nouvelle solution intégrée et permanente relativement à la main-d'œuvre dans l'industrie agricole et agroalimentaire.

Il y a d'abord les solutions à court terme. De nombreux ajustements pourraient être apportés pour simplifier immédiatement les systèmes et les processus de façon à aider le secteur agricole et agroalimentaire à s'adapter avec succès aux nouvelles modifications des politiques. À moyen terme, la solution serait de créer un programme national sur la main-d'œuvre du secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire, un nouveau programme simplifié mené en collaboration avec Emploi et Développement social Canada qui serait conçu spécifiquement pour l'industrie agricole et agroalimentaire. Le Plan d'action sur la main-d'œuvre du secteur canadien de l'agriculture et de l'agroalimentaire fait partie des solutions à long terme; mené en collaboration avec Citoyenneté et Immigration Canada, il pourrait servir de voie d'accès à la résidence permanente pour les travailleurs du secteur agricole et agroalimentaire.

Parlons de la mise en œuvre du Plan d'action sur la main-d'œuvre du secteur canadien de l'agriculture et de l'agroalimentaire : ce nouveau plan d'action devrait être considéré comme un élément important de la stratégie d'exportation du Canada. Notre industrie a besoin de plus de travailleurs pour tirer parti des nouvelles occasions découlant des nouveaux accords commerciaux. L'industrie du porc est axée sur l'exportation. À titre d'exemple, 70 p. 100 de la production de notre usine de transformation de viande de Trochu est exportée vers les marchés internationaux. Un des accords commerciaux nous offre de nouveaux débouchés économiques avec l'Asie. Nous aimerions en tirer parti, mais c'est extrêmement difficile en raison du manque actuel de travailleurs à notre usine.

La recherche menée par notre groupe de travail démontre que de la mise en œuvre du Plan d'action sur la main-d'œuvre du secteur canadien de l'agriculture et de l'agroalimentaire aiderait à revitaliser l'économie des régions et des collectivités rurales du Canada en créant un environnement stratégique qui permettrait à notre industrie de demeurer viable et concurrentielle et de contribuer de façon substantielle à l'économie canadienne.

La mise en place d'un environnement stratégique qui permettrait de satisfaire aux besoins de notre industrie en matière de main-d'œuvre pourrait entraîner une augmentation de la productivité. Cela permettrait aux régions rurales canadiennes de devenir un moteur du secteur agroalimentaire en ce qui concerne les nouvelles occasions d'exportation offertes par le programme commercial du gouvernement fédéral. Merci.

La sénatrice Tardif : Je vous remercie tous les trois de vos exposés fort intéressants.

Des témoins précédents ont indiqué, comme vous, que vous êtes confrontés à une grave pénurie de main-d'œuvre, en particulier dans la foulée des changements qui ont été apportés au Programme des travailleurs étrangers temporaires. Le gouvernement a procédé au lancement du nouveau système Entrée express en janvier de cette année. Le nouveau programme a-t-il permis de résoudre certains des problèmes auxquels vous êtes confrontés?

M. Chambers : À court terme, non. Le système Entrée express est axé sur les travailleurs spécialisés. Si vous connaissez le système de codes de la CNP, vous savez qu'il commence par O, A, B, C et D; il est donc axé sur les codes A, O et B de la CNP, qui sont des compétences plus spécialisées. Toutefois, les compétences requises dans nos usines de transformation de viande sont considérées comme des compétences moins spécialisées, même si nos travailleurs ne sont pas des travailleurs peu spécialisés. Tout métier nécessite des compétences, comme dans le cas d'un métier de découpeur de viande spécialisé, mais il est considéré comme un métier de la catégorie C, qui n'est pas admissible à l'Entrée express.

La sénatrice Tardif : Quelle est la définition d'un travailleur agricole selon le programme fédéral et la réglementation? Dans le domaine de l'agriculture, comment définit-on un travailleur spécialisé?

Mme MacDonald-Dewhirst : Je vais répondre à cette question. Je vous remercie; c'est une très bonne question. EDSC utilise la Classification nationale des professions. Ce sont les codes de la CNP dont Mark a parlé, et les codes de la CNP classifient les professions au Canada selon la fonction et le niveau de compétence. Ces codes sont utilisés pour déterminer qui peut présenter une demande et être admissible à divers éléments du Programme des travailleurs étrangers temporaires, en conjonction avec la liste nationale des secteurs agricoles, qui est une liste des secteurs admissibles au Programme des travailleurs agricoles saisonniers et au volet agricole du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Donc, la réponse est que c'est complexe et que deux mécanismes sont utilisés pour en faire la détermination. Toutefois, la question n'est pas seulement complexe pour ceux qui n'œuvrent pas dans le secteur de la production agricole. Elle l'est aussi pour les gens de ce milieu qui tentent d'accéder aux programmes et pour ceux qui en assurent la surveillance et la gestion. La complexité découle de la façon dont cela a été formulé et aussi, en partie, parce que cela a pris de l'ampleur au fil du temps.

La sénatrice Tardif : Si je comprends bien, vous estimez que votre secteur est peut-être pénalisé d'une certaine façon par le démantèlement du Programme des travailleurs étrangers temporaires et que les travailleurs de votre secteur ne peuvent présenter une demande dans le cadre du nouveau système Entrée express. Il existe donc une importante lacune qui vous empêche de satisfaire aux besoins de votre secteur. Est-ce exact?

M. Chambers : C'est exact. Par rapport au recours au Programme des travailleurs étrangers temporaires, nous avons toujours mis l'accent sur la permanence. À mon avis, la nouvelle stratégie du Canada est de se concentrer sur la permanence en raison de la stigmatisation associée aux travailleurs étrangers temporaires, d'où la création du programme Entrée express. Comme ce programme est axé sur les travailleurs spécialisés, il a limité notre capacité d'amener un nombre suffisant de travailleurs au Canada.

[Français]

Le sénateur Maltais : Madame MacDonald-Dewhirst, votre association est un organisme national. Avez-vous des contacts avec le Québec, le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve? Le cas échéant, avec qui?

[Traduction]

Mme MacDonald-Dewhirst : Oui. Nous travaillons avec les intervenants de toutes les régions du Canada, dont AGRIcarrières, l'Union des producteurs agricoles, au Québec, et la Fédération d'agriculture du Québec. Nous travaillons également avec l'Alliance agricole du Nouveau-Brunswick et la Newfoundland and Labrador Federation of Agriculture. Donc, en tant qu'organisme national, nous sommes bien représentés à l'échelle nationale, à l'échelle régionale et aussi au sein des différents secteurs agricoles. Aviez-vous quelque chose à ajouter?

[Français]

Le sénateur Maltais : Votre réponse est claire. J'examine votre mandat et j'essaie de trouver une solution au problème que je vais soulever.

Votre mandat est d'être le centre par excellence d'études fiables en agriculture, comme des études sur le marché du travail, et le portail d'accès aux solutions sur mesure en matière de gestion et de formation des ressources humaines, à mettre en œuvre à l'échelle locale.

Que pensez-vous de cela, monsieur Chambers? Combien de travailleurs agricoles avez-vous trouvés grâce à ce mandat?

[Traduction]

M. Chambers : Essayer de trouver des travailleurs agricoles au Canada a été difficile au fil des ans, et cela devient de plus en plus difficile aujourd'hui, parce que de moins en moins de gens grandissent dans les collectivités rurales. Autrefois, si on revient à l'époque où il y avait des fermes familiales, les gens avaient un quart de section de terrain où ils cultivaient du grain et élevaient deux ou trois enfants, et ces enfants se lançaient plus tard en agriculture. Aujourd'hui, lorsqu'une ferme est vendue, l'acheteur n'est pas un membre de la famille, mais le propriétaire d'une exploitation agricole de plus grande taille. Il y a donc de moins en moins de gens dans le secteur, ce qui rend les choses plus difficiles.

[Français]

Le sénateur Maltais : C'est ce que je voulais vous entendre dire.

Je pense qu'il faut bien séparer « travailleurs agricoles » et « travailleurs de l'industrie agricole ». La transformation représente un secteur, mais le vrai travailleur agricole, celui qui a les mains dans la terre au printemps pour planter, et à l'automne, pour récolter, je vous avoue qu'il n'est pas facile à trouver au Canada. Qu'il s'agisse des producteurs maraîchers ou des éleveurs comme vous, c'est un problème, parce qu'on trouve plus de travailleurs à mi-temps et à quart de temps, finalement. Quelqu'un qui travaille dans cette industrie ne peut pas gagner sa pitance s'il ne travaille pas toute l'année. On ne plantera pas des framboises aujourd'hui, au Canada, car il fait un peu froid, et ce n'est pas la saison.

Comment pourrait-on faire en sorte que la personne qui travaille au printemps et à l'automne puisse tirer un revenu, pendant l'hiver, dans le secteur de la transformation ou dans un autre secteur, et puisse en arriver à avoir un travail à plein temps et une profession? Comment peut-on faire cela?

Madame MacDonald-Dewhirst, vous avez une réponse?

[Traduction]

Mme MacDonald-Dewhirst : C'est une bonne question. Je ne sais pas si j'ai la réponse, mais nous cherchons à savoir comment faciliter davantage la mobilité de la main-d'œuvre au sein de l'industrie de façon à avoir accès aux groupes sous-représentés — ceux qui ne travaillent pas actuellement dans l'industrie — pour essayer de les attirer dans le secteur et aussi pour aider les employeurs à comprendre comment faire preuve de souplesse lorsqu'ils offrent des occasions à leurs travailleurs. Il existe de bons exemples d'entreprises agricoles qui tentent d'offrir des emplois à temps plein lorsque c'est possible, mais ce n'est pas toujours le cas. Si cette industrie a un volet saisonnier, c'est en raison de notre climat.

[Français]

Le sénateur Maltais : Merci beaucoup, madame MacDonald-Dewhirst. Monsieur Chambers, j'aimerais vous féliciter. Vous êtes un jeune entrepreneur en agriculture. Ils sont assez rares ceux qui viennent nous voir ici. Bravo!

J'aimerais soulever un autre point qui est important, d'après moi, d'un bout à l'autre du Canada, et c'est la relève agricole. La relève agricole, c'est la table de demain; qui va la faire fonctionner? C'est un problème que l'on rencontre au Québec, en Ontario, dans les Maritimes et dans l'Ouest canadien, en Colombie-Britannique. Que faut-il faire pour intéresser les jeunes à cette nécessité qu'est l'agriculture canadienne?

[Traduction]

M. Chambers : C'est une très bonne question, et j'ai tendance à en parler avec grande passion parce qu'il est extrêmement difficile d'inciter les jeunes à se lancer en agriculture. Comme je l'ai dit plus tôt, ils ne grandissent pas dans ce milieu, mais, encore là, personne ne grandit dans l'industrie pétrolière ou dans la menuiserie. Ce problème est commun à toutes les industries. Or, si vous traversez la ville en voiture, vous verrez des usines et des installations; elles sont visibles. En ville, toutefois, il n'y a pas d'activités agricoles; donc, les gens n'y sont pas exposés. Selon mon point de vue — et c'est un sujet dont nous avons longuement parlé —, il faut en quelque sorte intégrer... Je ne parlerai pas seulement d'agriculture; j'appelle cela la production alimentaire. Donc, il faut intégrer aux programmes scolaires des notions sur la façon dont les aliments sont produits et cultivés — qu'il s'agisse de cultures, de bétail ou quoi que ce soit d'autre —, car nous devrons exposer les jeunes le plus tôt possible à la production alimentaire et aux occasions dans le secteur alimentaire. Je suis allé dans des écoles. J'y ai fait des exposés. Je suis allé dans des classes. Je suis originaire de Drumheller, en Alberta, et je m'y suis rendu pour parler d'agriculture et de possibilités d'emploi dans le secteur agricole avec des jeunes de 14 ans. Ils restent assis là et font toutes sortes de choses. À ce moment-là, il est trop tard; vous les avez perdus. C'est lorsque les enfants ont 5, 6, 7, 8 ou 9 ans qu'il faut intervenir dans les écoles et commencer à leur parler d'agriculture et de ce qui se passe dans ce milieu. Mon fils ira à l'école et racontera aux autres ce que je fais à la ferme. Il est venu à la ferme avec moi, il raconte cela à ses amis. Ils lui répondent : « Oh, ce n'est pas possible. » Lorsqu'il leur explique comment cela fonctionne, ils comprennent. Si personne ne leur en parle, ils ne comprendront pas.

[Français]

Le sénateur Maltais : Vous êtes un excellent pédagogue, et je pense qu'on a besoin de gens comme vous.

Ma dernière question est plutôt une demande pour Mme MacDonald-Dewhirst. Pour faire suite à ce que vient de nous dire M. Chambers, ce n'est pas lorsqu'ils ont 15 ou 16 ans qu'on pourra faire découvrir l'agriculture aux jeunes.

Pourriez-vous vous engager, à titre de directrice générale du Conseil canadien des ressources humaines en agriculture, à rejoindre les ressources humaines en bas âge? Je veux dire par là que vous ou vos employés pourriez vous rendre dans des écoles primaires au Canada afin d'expliquer aux jeunes que l'agriculture ne provient pas seulement de Loblaws ou de Provigo, mais que cela provient d'abord de la terre. Il faut les intéresser à partir de ce moment-là pour que, lorsqu'ils atteignent l'âge de 14 ou 15 ans, ce ne soit pas une découverte lunaire pour eux d'apprendre que le porc est du cochon; ils le sauront alors dès l'âge de 5, 6 ou 7 ans. Je pense que ce serait là un bon objectif pour votre mission. Merci.

Le président : Ce n'était pas une question, c'était un commentaire.

Le sénateur Maltais : C'était une demande.

[Traduction]

Mme MacDonald-Dewhirst : C'est un excellent commentaire. En fait, je viens d'offrir aux gens de l'industrie un webinaire sur l'importance d'en faire plus pour intéresser les jeunes à l'agriculture et les inciter à réfléchir à la provenance des aliments. Il y a un mouvement à cet égard au sein de l'industrie. On reconnaît qu'il faut plus d'initiatives de ce genre. Certains organismes, comme le mien, continuent leurs efforts en ce sens. Certains organismes sont axés sur cet enjeu précis, comme Agriculture en classe ou Éducation agroalimentaire de l'Ontario, inc. Le programme des 4-H est un autre programme axé sur la sensibilisation des jeunes; il est tourné vers l'avenir et présente l'industrie comme un milieu où il est formidable de faire carrière.

M. Chambers : C'est très important. En tant qu'agriculteurs, nous excellons dans la production et l'agriculture. Nous sommes très bons pour prendre soin des animaux et faire pousser des cultures. Toutefois, informer les gens n'est pas notre force, sauf s'ils sont devant nous. À ce moment-là, nous réussissons très bien à leur montrer ce que nous faisons. Cependant, aller sur le terrain et agir à titre de porte-parole pour informer les gens sur nos activités et nos façons de faire... Voilà pourquoi il est important d'avoir une collaboration de ce genre dans l'industrie, d'avoir un organisme comme le CCRHA et d'avoir une personne comme Portia pour nous motiver en nous disant : « Allez! Il faut aller sur le terrain et sensibiliser plus de gens. » Nous devons diffuser le message, parce que si nous ne le faisons pas, ce problème ne fera qu'empirer. Nous serons en très fâcheuse posture, parce que le Canada a été bâti grâce à l'agriculture.

Le président : Merci. C'est un très bon commentaire.

La sénatrice Merchant : Merci d'avoir accepté notre invitation, pour votre exposé et de nous informer dans ce dossier. Le fait de ne pas avoir de travailleurs à votre disposition vous complique la tâche. Madame MacDonald-Dewhirst, si je ne m'abuse, c'est vous qui avez dit qu'il faut favoriser la participation des femmes dans le secteur agroalimentaire.

Vous avez parlé des garderies et des écoles aussi, je crois. Quels sont les autres obstacles à la participation des femmes dans le secteur agricole? Y a-t-il beaucoup de femmes qui veulent faire ce travail ou est-ce les conjointes des agriculteurs qui travaillent dans le secteur de l'agriculture?

Mme MacDonald-Dewhirst : C'est généralement le cas, mais la situation évolue. D'ailleurs, ce week-end se tiendra la Advancing Women in Agriculture Conference, à Calgary, à laquelle plus de 500 femmes participeront. Il s'agit d'une nouvelle conférence. Nous en profiterons pour parler de notre projet et souligner qu'il faut faire plus de recherche dans ce domaine. Les femmes sont sous-représentées dans le secteur.

Nous savons que les étudiants en science et les jeunes, y compris les femmes, s'intéressent aux aliments. Il faut en profiter, et c'est ce que nous faisons. Nous étudions et examinons les possibilités de leadership offertes aux femmes et aidons celles-ci à créer des réseaux afin qu'elles puissent s'encourager entre elles et à travailler dans l'industrie.

M. Chambers : Il y a quelques années, nous avons embauché une femme pour administrer une de nos fermes, en Ontario. Elle était toujours dure envers elle-même, parce qu'elle était une femme et que personne ne lui prêtait attention. Mais, croyez-moi — je ne vous raconte pas d'histoire —, sa ferme était la plus productive de notre réseau. Tout était propre et bien rangé. Elle avait la ferme la plus performante, la plus efficiente et la moins coûteuse.

Encore aujourd'hui, elle est dure envers elle-même. Elle continue de dire : « Je suis une femme. » Ça n'a aucune importance. Elle connaît une brillante carrière et fait de l'excellent travail, mieux que n'importe quel homme chargé d'administrer une ferme. Parfois, nous avons beaucoup de femmes, et pas seulement les conjointes des hommes qui travaillent pour nous; je parle de femmes qui choisissent de se joindre à notre industrie. Il faut savoir qu'il y a une composante maternelle importante dans l'industrie porcine. Les femmes ont un meilleur instinct maternel que les hommes. Ce n'est pas une de nos forces.

La sénatrice Merchant : J'allais vous interroger sur la difficulté que vous avez à attirer des travailleurs qualifiés. En 2011, le gouvernement a adopté un règlement limitant la période de temps pendant laquelle un travailleur étranger peut travailler au Canada. Une fois qu'un travailleur étranger a accumulé l'équivalent de quatre années de travail au pays, il doit attendre quatre ans avant de pouvoir travailler de nouveau au Canada.

Qu'ont fait ces travailleurs? Ont-ils quitté le pays? Ceux que vous avez formés sont-ils revenus? Que pensez-vous de ce règlement?

M. Chambers : Ça ne me plaît pas.

La sénatrice Merchant : Non?

M. Chambers : Le 1er avril prochain sera la date limite. Donc, tous ceux qui, au 1er avril, auront accumulé l'équivalent de quatre ans de travail devront quitter le pays. Ils ne pourront pas revenir avant quatre ans. Maintenant, certains travailleurs de l'industrie — pour revenir à la CNP — qui sont dans la catégorie OA ou B ont obtenu leur résidence permanente. Ils peuvent donc rester au pays. C'est plus problématique pour ceux qui sont ici en vertu d'un permis de travail.

Prenons, par exemple, l'industrie du champignon. Cette industrie compte beaucoup de travailleurs à l'année, car la production du champignon se fait maintenant à longueur d'année. Les emplois dans cette industrie sont considérés comme des emplois peu spécialisés. Les travailleurs ne sont donc pas admissibles à la résidence permanente.

C'est un problème pour cette industrie, car ces travailleurs n'ont aucune façon d'obtenir la résidence permanente. Après quatre ans, ils retournent dans leur pays et sont remplacés. C'est un peu ironique, car il faut remplacer un employé qu'on a formé pendant six mois pour faire un bon travail par un nouveau travailleur que l'on doit former. C'est problématique.

Une autre composante entre en ligne de compte. Le Programme des travailleurs agricoles saisonniers, le PTSA, existe depuis des années...

M. Wales : Plus de 40 ans.

M. Chambers : ... 40 ans. Ce programme n'impose aucune limite de temps aux travailleurs, car il est lié à plusieurs accords bilatéraux conclus avec d'autres pays. Il est considéré comme nécessaire pour le travail saisonnier. Il y aura toujours des emplois saisonniers en agriculture. Ces travailleurs ne sont pas assujettis à une limite de temps, mais les producteurs doivent observer certaines conditions pour être admissibles au programme. Par exemple, les producteurs de grain qui ne figurent pas sur la liste des secteurs ne sont pas admissibles au PTSA. Ils doivent donc se tourner vers les méthodes traditionnelles de recrutement. Le travailleur qui accepte de venir conduire une moissonneuse-batteuse six mois par année aidera à faire l'ensemencement, la moisson et le battage, puis rentrera chez lui. Au bout du compte, il sera lui aussi touché par la limite de temps. Dès qu'il aura travaillé l'équivalent de quatre ans, il ne pourra pas revenir avant quatre ans, même s'il occupait un emploi saisonnier.

Encore une fois, ça nous ramène aux conséquences inattendues du programme. Il s'agit d'un programme national auquel tous les groupes de producteurs et toutes les industries sont admissibles. Donc, tout le monde est touché. Pour nous, c'est un problème.

La sénatrice Merchant : Ces travailleurs reviennent-ils? Devez-vous continuellement recruter de nouveaux travailleurs? Les travailleurs quittent le pays après quatre ans de travail et vous devez former de nouveaux travailleurs. Mais lorsque ce deuxième groupe quitte le pays après quatre ans, les travailleurs du premier groupe reviennent-ils?

M. Chambers : Parfois, oui.

La sénatrice Merchant : C'est ce qui se produit ou est-ce qu'une fois qu'ils quittent le pays, ils ne reviennent pas?

M. Chambers : Certains reviennent et se trouvent de nouveau un emploi, mais pas tous. Techniquement, on pourrait former continuellement de nouveaux travailleurs. C'est insensé. Il faudrait trouver des façons pour permettre à ces travailleurs d'obtenir leur résidence permanente.

La sénatrice Merchant : Je suis d'accord avec vous. Merci.

Le sénateur Enverga : Merci pour votre exposé. En tant que sénateurs, nous étudions des enjeux concurrents. Au Comité des peuples autochtones, beaucoup de témoins se plaignent du taux de chômage dans les Premières Nations. Dans certains cas, ce taux atteint les 30 p. 100. Avez-vous communiqué avec les Premières Nations pour leur signaler que vous avez des emplois à offrir et qu'ils sont bien rémunérés? Avez-vous entrepris de telles démarches?

Mme MacDonald-Dewhirst : Oui. Divers groupes de l'industrie ont fait beaucoup de travail à cet égard. Le Conseil des viandes du Canada et certaines usines de transformation de la viande se sont rendus dans différentes régions du pays et ont discuté avec les collectivités autochtones. Le conseil a fait beaucoup de recherche sur le sujet. Il s'agit d'une composante importante. L'industrie est aux prises avec une pénurie de travailleurs. Nous devons faire notre possible pour trouver des travailleurs, peu importe où ils se trouvent.

L'industrie vit une crise si sévère, que l'on cherche des travailleurs partout en utilisant des méthodes intéressantes et novatrices. Donc, oui, nous avons étudié et examiné cette option et continuons nos efforts à ce chapitre.

Le problème est critique et très répandu. Nous avons adopté des stratégies à long terme pour accroître l'offre de main-d'œuvre, y compris susciter l'intérêt des jeunes pour une carrière en agriculture et accroître nos communications sur l'industrie. Nous avons des recommandations à court terme sur la nécessité d'accroître l'accès aux travailleurs temporaires.

Il y a plusieurs possibilités, mais il faut absolument joindre les groupes sous-représentés dans l'industrie.

Le sénateur Enverga : Réussissez-vous à recruter des travailleurs au sein des Premières Nations ou des groupes autochtones?

M. Chambers : C'est difficile. Au début, lorsque nos sociétés agricoles cherchaient de la main-d'œuvre, nous avons placé des publicités dans les journaux et participé à des salons de l'emploi. La pénurie est si grave que certains de nos membres ont rencontré des chefs de bande pour leur dire : « Nous avons besoin de travailleurs. Avez-vous des gens à nous envoyer? » Ils se sont fait dire : « Nous allons vous fournir des travailleurs », mais personne ne se présente.

Certaines sociétés ont embauché des membres des Premières Nations, mais peu se présentent et peu restent longtemps. C'est un problème. Le taux de chômage est élevé. Il faudrait que quelqu'un travaille avec les Premières Nations pour susciter l'intérêt des Autochtones envers l'agriculture, car les possibilités existent. Il suffit de trouver une façon de les attirer.

Le gouvernement est conscient qu'il y a un problème, l'industrie sait qu'il y a un problème, mais il est difficile de trouver une solution qui fonctionne. Oui, il y a des histoires à succès, mais elles sont peu nombreuses, comparativement aux échecs.

Le sénateur Enverga : Vous avez parlé de l'enseignement auprès des jeunes. En Ontario, on propose d'augmenter le nombre de cours d'éducation sexuelle. Ne serait-il pas préférable d'enseigner la pollinisation et la germination aux jeunes? Cela ne devrait-il pas être une priorité en Ontario? Y a-t-il un mouvement pour susciter l'intérêt des jeunes envers l'agriculture?

Votre organisation y a-t-elle réfléchi?

Mme MacDonald-Dewhirst : Il se fait beaucoup de travail à cet égard, mais ce genre de cours n'est pas encore obligatoire. Mais, il y a eu du progrès. Beaucoup d'entre nous souhaitent ce virage. Il est très important que les gens sachent d'où viennent leurs aliments et qu'ils connaissent le rôle que joue la pollinisation dans la production alimentaire. Nous encourageons continuellement les membres de la collectivité agricole à tendre la main aux enseignants. Les enseignants ont beaucoup de travail à faire, et ils ont besoin d'un coup de main. Les agriculteurs peuvent se rendre dans les salles de classe pour parler d'agriculture, offrir des stages coop ou des visites guidées — il y a toutes sortes d'options possibles. L'industrie est active à ce chapitre.

M. Chambers : Les curriculums sont une compétence provinciale. On ne peut pas approcher le gouvernement fédéral; il faut discuter avec chaque province individuellement. Comme l'a souligné Portia, nous devons trouver une façon d'ajouter l'agriculture au curriculum afin que les étudiants puissent faire pousser des plantes ou cultiver un jardin.

Quand j'allais à l'école, on cultivait un jardin. On y faisait pousser des légumes, et c'était amusant. Nous savions comment faire un jardin et nous savions d'où venaient nos aliments. Si nous voulons connaître du succès pour les années à venir, le gouvernement doit prendre position et dire aux provinces d'ajouter l'agriculture à leurs curriculums.

Le sénateur Enverga : Votre organisation a-t-elle fait du lobbying auprès des gouvernements provinciaux ou a-t-elle travaillé avec eux sur le sujet?

M. Wales : Un autre problème, c'est qu'en plus de savoir d'où viennent les aliments, les gens doivent savoir comment les apprêter. C'est un des défis. La plupart des écoles n'offrent plus de cours d'éducation familiale. Donc, les jeunes n'apprennent pas à faire la cuisine. C'est un des cours que nous demandons au gouvernement de l'Ontario de rajouter au curriculum. L'expression que nous utilisons, c'est « 6 à 16 », c'est-à-dire, si un adolescent de 16 ans peut préparer 6 repas à partir d'ingrédients frais, ce sera une belle réussite. Ce serait un pas important dans la bonne direction.

Les choses progressent à ce chapitre. Les gens veulent savoir d'où viennent leurs aliments et comment ils sont produits. Dans mon exploitation, je cultive plusieurs légumes différents. Nous avons une grande section réservée à l'autocueillette. Les gens font deux heures de route pour venir cueillir des poivrons, des oignons et de l'ail, entre autres.

C'est nouveau. Non seulement les gens doivent-ils savoir comment les aliments sont produits, il faut leur enseigner comment les apprêter. Cela permettra de réduire le gaspillage et ce sera profitable pour tout le monde. C'est une des choses que nous encourageons également.

Le président : Tout cela était enseigné dans le cadre du cours d'éducation familiale?

M. Wales : C'est exact.

Le président : Merci.

La sénatrice Unger : J'aimerais revenir sur un commentaire formulé par un de mes collègues. Dans votre exposé, monsieur Wales, vous avez dit que notre travail consiste à augmenter la population et non les emplois. Je comprends ce que vous voulez dire, mais je me demande si vous pourriez nous donner plus de détails.

M. Wales : Je peux essayer. Un de nos premiers projets après la création du CCRHA était de mener une étude d'information sur le marché du travail. Nous avons découvert essentiellement qu'il y a un manque à gagner annuel de 35 000 emplois à l'échelle du pays. Ces emplois pourraient être pourvus, mais ne le sont pas. Certaines cultures ne sont pas mises en terre, car les agriculteurs savent qu'ils n'auront pas les travailleurs nécessaires pour s'en occuper et en faire la récolte. Donc, ils choisissent tout simplement de ne rien semer.

C'est ce que je veux dire. Nous avons besoin de gens. Lorsqu'on analyse les profils d'immigration, je dirais jusqu'aux années 1970, on remarque que les gens immigraient au Canada d'un peu partout. Ils étaient nombreux à s'installer dans les régions rurales pour exercer l'agriculture. Bon nombre devenaient des agriculteurs, d'autres travaillaient dans le secteur. Nous n'avons pas connu cette situation depuis un bon moment. C'est ce qui explique pourquoi aujourd'hui nous dépendons autant du Programme des travailleurs agricoles saisonniers et du Programme de travailleurs étrangers temporaires.

Nous devons réduire notre dépendance à ces programmes. Nous avons besoin d'immigrants prêts à s'installer dans les régions rurales de l'Ontario et à y travailler, non seulement dans l'agriculture primaire, mais aussi dans le traitement des aliments. Il y a tout un éventail de bons emplois disponibles.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur Chambers, vous avez mentionné que vous étiez allé visiter des jeunes dans une école et qu'ils se tournaient les pouces. Ne vous en faites pas. Je suis allé dans une polyvalente il y a environ un mois, et les étudiants étaient surpris. Je crois qu'ils n'avaient jamais vu un sénateur de leur vie, parce qu'ils me regardaient un peu comme si j'étais un extra-terrestre. Je leur ai dit : « Vous pouvez me toucher! » Les rencontres avec les adolescents sont toujours intéressantes.

On a parlé abondamment des travailleurs saisonniers. Je me suis rendu dans une ferme d'élevage laitier d'environ 4 000 bêtes l'été dernier. Le producteur m'expliquait que son problème était lié au fait qu'il devait former les travailleurs tous les deux ans. Les travailleurs saisonniers qu'il embauche ne peuvent travailler pour lui que pendant huit mois la première année et huit mois l'année suivante. Après ces deux séquences de huit mois, ces mêmes travailleurs ne reviennent pas travailler pour lui.

Vous avez proposé quelques solutions, mais qu'aimeriez-vous que le gouvernement fasse pour vous aider? Est-ce le renouvellement des contrats qui pose problème?

[Traduction]

M. Chambers : Au cours des derniers mois, nous avons discuté avec le gouvernement, EDSC et CIC et leur avons proposé une idée. Nous tentons de trouver, ensemble, une solution permanente à un problème permanent et de créer un plan d'action canadien sur la main-d'œuvre dans le secteur agricole et agroalimentaire spécialement conçu pour la chaîne de valeur agricole, soit de l'agriculture primaire jusqu'à la transformation primaire.

C'est une solution pratique à long terme qui nous offre la possibilité d'avoir accès à des travailleurs immigrants qui, une fois au Canada, peuvent cheminer vers la résidence permanente. Il y a toujours une composante saisonnière où le travail sera forcément de nature temporaire. Il y a cependant une grande partie des emplois qui sont à l'année et qui nécessitent donc une main-d'œuvre permanente. Pour cette composante du secteur, ce sont des travailleurs permanents qu'il nous faut pour ces postes, et non des travailleurs temporaires.

Le gouvernement doit reconnaître le caractère particulier de l'agriculture. Cela n'a rien à voir avec le service au volant d'un Tim Hortons dans une grande ville. Nous sommes en milieu rural et l'accès à la main-d'œuvre est difficile. Nous sommes un secteur bien particulier qui a besoin d'un programme bien particulier offrant une voie d'accès vers la résidence permanente.

Il devient très coûteux de devoir ainsi former des gens que l'on doit ensuite renvoyer dans leur pays pour recommencer tout le processus avec d'autres.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Vous dites que le gouvernement devrait mettre en place un programme de travailleurs permanents. Cependant, j'ai cru remarquer que ces gens, après leur période de huit mois, sont heureux de retourner dans leur pays avec des dollars canadiens en poche, et je pense qu'ils font beaucoup de choses avec cet argent, parce que le coût de la vie y est moins dispendieux. Je parle ici des pays d'origine latine. Cela les arrangeait de revenir au Canada pendant une autre période de huit mois, de gagner beaucoup d'argent et de retourner dans leur pays. Ils ne s'accommodent pas tous de nos hivers canadiens, qui sont assez rigoureux, comme celui de cette année. Qu'est-ce que vous aimeriez que le gouvernement fasse dans cette situation? Même si vous voulez leur donner un permis de travailleur permanent, est-ce que cela signifie que l'offre les intéresse? Ou bien préfèrent-ils travailler huit mois et retourner dans leur pays? Souvent, la famille ne les accompagne pas. La femme attend avec les enfants, et monsieur arrive avec l'argent. Ce sont des latinos qui m'ont expliqué cela. Ils disent qu'ils veulent retourner dans leur pays, qu'ils peuvent se payer beaucoup de choses avec leur argent du Canada. Ils veulent bien revenir, mais après deux ans, ils ne peuvent plus revenir. Est-ce qu'on peut faire quelque chose, y a-t-il des solutions qui permettraient à ces gens de revenir dans le cadre de trois contrats, de quatre contrats?

[Traduction]

M. Chambers : Nous avons discuté des deux composantes du secteur. Il y a un volet saisonnier dans le cadre duquel les travailleurs viennent au Canada pendant une période maximale de huit mois et doivent rentrer dans leur pays à Noël. C'est le côté temporaire du programme.

Dans le cadre du Programme des travailleurs agricoles saisonniers, ces gens-là peuvent revenir au Canada année après année. Il n'y a pas de maximum applicable. Ils peuvent ainsi envoyer de l'argent à la maison, ce qui crée des retombées économiques dans leurs collectivités, quel que soit leur pays d'origine, tout en améliorant le sort de leurs familles et de leurs enfants qui ont notamment accès à une meilleure éducation. Le Canada fait ainsi sa part pour favoriser une certaine croissance économique un peu partout sur la planète et aider d'autres pays.

Les travailleurs admissibles au volet saisonnier peuvent donc faire des allers-retours entre leur pays et le Canada autant de fois qu'ils le désirent, car aucune limite n'est fixée.

Hors des cadres du Programme des travailleurs agricoles saisonniers, il peut y avoir certains problèmes pour ceux qui atteignent le maximum fixé. Au bout de quatre ans, ils ne peuvent plus revenir au Canada et ces retombées économiques sont perdues.

Nous estimons qu'il faut tenir compte du caractère particulier de l'agriculture en n'imposant pas de limite lorsque le travail est saisonnier. Si l'emploi n'est pas saisonnier, mais plutôt à longueur d'année, il faut offrir une voie d'accès vers la résidence permanente. Il y a donc deux aspects à la problématique.

Et ne vous inquiétez surtout pas si certains vous voient comme un extraterrestre; c'est exactement l'opinion que mes enfants ont de moi.

Le sénateur Oh : Vous nous avez fourni tous les trois beaucoup d'informations très utiles. De quelles régions du monde proviennent principalement vos travailleurs temporaires?

M. Chambers : Pour notre entreprise, les travailleurs viennent des Philippines, du Mexique, de l'Allemagne, de l'Ukraine et du Salvador. Il y en a de différents pays. Le Brésil en est un autre.

Mme MacDonald-Dewhirst : La Jamaïque.

M. Wales : Le Guatemala.

Le sénateur Oh : Dans le cadre du programme actuel, un travailleur doit rentrer dans son pays au bout de quatre années. Il doit sans doute alors se trouver un autre emploi. Il y en a probablement moins de la moitié qui reviennent au Canada. Avec un peu de chance, le taux de retour est peut-être de 35 p. 100.

M. Chambers : Oui.

Le sénateur Oh : Oui. Alors, qu'est-ce que vous recommandez exactement? Est-ce qu'ils devraient pouvoir rester ici pendant 10 ans pour ensuite demander leur résidence permanente?

M. Chambers : Non, non. Si un travailleur occupant un poste à l'année désire rester au Canada, je pense que nous devrions lui offrir une voie d'accès vers le statut de résident permanent.

J'estime que la limite de quatre ans laisse aux travailleurs suffisamment de temps pour devenir résidents permanents. Les employeurs offrent des cours de langue permettant à ceux qui ne maîtrisent pas bien l'anglais d'atteindre un niveau suffisant pour être admissibles.

La durée maximale de quatre ans n'est pas problématique si on l'assortit d'une voie d'accès vers la résidence permanente. Nous avons par exemple des ouvriers spécialisés dans l'élevage, au niveau C de la Classification nationale des professions. Nous avons plusieurs de ces ouvriers qui peuvent présenter une demande de résidence permanente dans le cadre du programme des candidats des provinces. Dans le secteur des viandes, il y a des travailleurs moins spécialisés au niveau C de la Classification nationale des professions, mais des arrangements ont été pris avec les provinces pour les considérer comme des ouvriers semi-spécialisés, ce qui leur permet d'être également admissibles au programme des candidats des provinces.

Le tout fonctionne très bien, mais il y a certains critères à remplir, notamment au niveau linguistique. Ces travailleurs parviennent donc à faire la transition, mais c'est plus difficile pour ceux qui occupent des emplois moins spécialisés n'offrant pas de voie d'accès à la résidence permanente, et on ne veut pas qu'ils passent 10 ans au Canada sans vraiment savoir à quoi s'en tenir. Vivent-ils au Mexique? Vivent-ils au Canada? Où habitent-ils? Si nous pouvons permettre à ces gens de devenir résidents permanents, c'est vraiment la meilleure solution.

Le sénateur Oh : Je crois qu'à long terme la meilleure solution pour le Canada réside tout de même dans l'éducation.

M. Chambers : Oui.

Le sénateur Oh : C'est la seule façon de régler le problème une fois pour toutes.

M. Chambers : Vous avez raison, car nous devons actuellement composer avec un problème à court et à moyen terme. Si nous pouvions former nos propres agriculteurs, ce serait toutefois une option préférable.

La sénatrice Beyak : Je suis d'accord avec notre président; vous formez une très bonne équipe. Merci pour vos exposés.

Vos commentaires témoignent d'une excellente perception des problèmes associés au Programme des travailleurs étrangers temporaires et des motifs pour lesquels des changements y ont été apportés, sans toutefois que vous ayez votre mot à dire. Je me réjouis donc de voir que vous présentez un plan d'action et que vous conjuguez vos efforts pour apporter les correctifs nécessaires à ce chapitre. Mais j'aimerais savoir comment on en est arrivé là.

Est-ce que le problème s'est manifesté graduellement? S'est-il aggravé au cours des dernières années? Est-ce à cause des fermes familiales qui sont devenues plus petites, des enfants qui sont moins nombreux à suivre les traces de leurs parents, des cultures de plus en plus étendues ou des immigrants qui sont plus nombreux à choisir de s'installer en ville? Pouvez-vous mettre le doigt sur un facteur particulier et que pouvons-nous recommander pour améliorer les choses?

Mme MacDonald-Dewhirst : Vous nous avez brossé un tableau assez fidèle de la situation. Vous avez bien cerné la problématique. Notre population se concentre en milieu urbain. Notre pays a toute une histoire en matière agricole, mais cela n'empêche pas les gens de quitter les fermes familiales. Les exploitations agricoles deviennent de plus en plus grandes et de moins en moins familiales. Les enfants sont moins nombreux à demeurer sur la ferme; ils choisissent de partir. Il y a aussi l'aspect saisonnier du travail qui a son importance. Il y a donc une foule de facteurs en cause. Il y a aussi le fait que c'est un travail physiquement exigeant et que, il faut bien l'avouer, les Canadiens ont tendance à inciter leurs enfants à plutôt se diriger vers le secteur du savoir. Il y a donc moins de jeunes Canadiens qui sont encouragés à travailler en agriculture.

À tous ces facteurs, il faut ajouter les politiques d'immigration qui permettent à plusieurs catégories de travailleurs de venir au Canada. Comme Mark l'indiquait, ces politiques étaient bien différentes dans les années 1970, et c'est une évolution qui a aussi ses répercussions.

C'est pour toutes ces raisons que nous avons proposé un plan d'action en matière de main-d'œuvre avec des solutions à court, moyen et long terme qui ciblent les mesures à prendre pour assurer le maintien d'une industrie agricole et agroalimentaire dynamique et en santé. Nous voulons que le secteur croisse et prospère, et il faut pour ce faire investir dans nos jeunes en suscitant leur intérêt pour ces carrières, ce qui demeure toutefois problématique du fait que le travail est saisonnier, qu'il peut être exigeant physiquement et que les emplois de premier échelon ne semblent pas intéresser beaucoup de monde.

La sénatrice Beyak : Merci pour cette réponse. Je pense que le sénateur Oh a raison de vouloir miser sur l'éducation, car c'est un secteur qui peut être très stimulant pour les jeunes. J'ai moi-même eu la chance de travailler sur une ferme à l'adolescence, et j'ai adoré l'expérience. Je vous félicite pour votre travail et je vous souhaite la meilleure des chances, car nous vous sommes tous reconnaissants de votre contribution.

Le président : La dernière question à ce premier groupe de témoins sera posée par la sénatrice Unger.

La sénatrice Unger : Je me demandais simplement si ces travailleurs sont bien rémunérés. Je me pose la question en pensant à ces arboriculteurs qui embauchent des étudiants de l'université et du secondaire pour aller planter des arbres dans des secteurs montagneux qui peuvent être dangereux. Ils ne semblent jamais manquer de main-d'œuvre pour ce travail saisonnier où les étudiants sont rémunérés en fonction du nombre de semis plantés.

En Alberta, je connais très bien Sunterra. Je crois que vous devriez déménager plus près d'Edmonton, car le sud de l'Alberta est assurément un intense foyer d'activité.

Je suis consciente des enjeux en cause. L'Alberta est une province où l'on enseigne l'économie domestique. Mes deux petits-fils ont d'ailleurs beaucoup apprécié ce cours.

Je serais simplement curieuse de connaître votre échelle de rémunération. Est-ce un facteur à considérer? Je n'ai pas besoin des chiffres exacts, mais est-ce un élément à considérer?

M. Chambers : J'aurais quelques observations à ce sujet. Pour ce qui est de la possibilité de se rapprocher d'Edmonton, nous ne pouvons tout de même pas déplacer nos fermes ou nos usines. Elles sont là où elles sont, et elles doivent rester en milieu rural. À titre d'exemple, il y a une usine de traitement des viandes près de Balzac, une petite ville tout juste au nord-est de Calgary, qui a fermé ses portes il y a plusieurs années. On essaie actuellement de lui donner un nouveau départ. Harmony Beef en a fait l'acquisition et a injecté 20 millions de dollars pour la remettre à niveau. L'entreprise a toutefois des problèmes avec la ville de Calgary qui ne veut pas de cette usine dans sa cour. En se rapprochant d'un centre urbain, on peut avoir accès à de la main-d'œuvre, mais on risque aussi de se heurter à des problèmes semblables lorsque la ville, comme c'est le cas de Calgary, ne veut pas de votre usine. Les villes nous disent de nous installer au milieu de nulle part, ce qui nous oblige à nous débrouiller avec un manque de main-d'œuvre. Le fait est que l'agriculture sera toujours une activité rurale et rien d'autre; il ne peut pas en être autrement.

Par ailleurs, nous offrons des salaires concurrentiels. Dans le secteur des viandes, la rémunération varie en fonction des niveaux de spécialisation. Nous menons actuellement une campagne pour recruter des travailleurs agricoles. Nous annonçons un salaire de départ de 16,25 $ l'heure. Les gens disent tout le temps que l'industrie empêche l'augmentation des salaires, mais cela n'a rien à voir. Ce n'est pas un problème de salaire, car si c'était le cas, comment expliqueriez-vous la pénurie de main-d'œuvre dans le secteur pétrolier où la rémunération peut atteindre 30 $, 40 $ ou 50 $ l'heure? Si c'était seulement une question d'argent, il n'y aurait plus personne sur les femmes, et le secteur pétrolier aurait tous les travailleurs qu'il lui faut. Ce n'est toutefois pas une affaire de salaire. Tout dépend de ce que les gens veulent faire dans la vie. Certains sont prêts à vivre dans un camp alors que d'autres veulent rentrer à la maison chaque soir. Certains veulent travailler à l'extérieur. D'autres tiennent à travailler en équipe. C'est une question de qualité de vie et de ce qu'on veut faire de son existence. Ce n'est pas uniquement une question de rémunération, et il ne suffit pas de payer les gens toujours davantage. C'est une vision des choses qui manque vraiment de perspective à long terme.

Notre entreprise consacre beaucoup de temps à la gestion des ressources humaines. Nous essayons notamment de connaître les attentes de nos travailleurs. La rémunération vient toujours au second plan, car le salaire que je vous verse aujourd'hui vous conviendra certes sur le coup, mais ne vous dira plus rien au bout de trois semaines. Alors, les gens en veulent toujours davantage, car ils n'en tirent pas de satisfaction particulière. Il faut surtout se demander dans quelle mesure notre travail nous satisfait au quotidien.

Le président : Merci. Si je puis me permettre d'extraire un message collectif de vos témoignages, il s'agirait certes de miser sur l'éducation et les mesures que nous pouvons prendre dans nos écoles auprès des jeunes de 5 à 16 ans.

Au nom des membres du comité, je vous remercie grandement pour votre contribution à notre étude et vos exposés.

Honorables sénateurs, nous passons maintenant à la seconde portion de notre séance.

[Français]

Honorables sénateurs, nous avons comme témoin M. Bruno Larue, professeur titulaire à la faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval. M. Larue détient un doctorat en agroéconomie de l'Université d'État de l'Iowa. Il est professeur au Département d'économie agroalimentaire et des sciences de la consommation de l'Université Laval. M. Larue est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en commerce international agroalimentaire depuis 2003.

Je vous remercie, monsieur Larue, d'avoir accepté de comparaître devant notre comité. La parole est à vous. Les sénateurs poseront ensuite leurs questions.

[Traduction]

Bruno Larue, professeur titulaire, faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation, Université Laval : Je suis heureux d'être des vôtres aujourd'hui.

Je vais essayer de faire très rapidement, car on m'a dit que je disposais de sept minutes pour traiter de quatre sujets différents. Parlons d'abord d'accès aux marchés et des attentes des exportateurs du secteur agricole et agroalimentaire canadien. Comme ceux des autres secteurs, les exportateurs de produits agroalimentaires aimeraient bénéficier d'un accès le moins entravé possible aux marchés étrangers. Malheureusement, les obstacles au commerce international sont nombreux. Les tarifs sur les produits agroalimentaires sont généralement plus élevés que dans les autres secteurs. Le tableau 1 montre bien que le tarif moyen est plus élevé dans le secteur agricole. Il y a aussi généralement moins de marchandises agricoles qui entrent en franchise de taxe que dans les autres secteurs, et la plupart des pays appliquent leurs tarifs les plus élevés aux produits agricoles. Ces crêtes tarifaires, comme on les appelle, se traduisent souvent par des tarifs atteignant les 300 ou 400 p. 100. Les accords commerciaux régionaux conclus par le Canada, comme l'ALENA, permettent à notre pays de contourner certains de ces tarifs élevés. Si vous consultez la liste de nos ententes commerciales au tableau 2, vous constaterez que bon nombre d'entre elles ont été conclues avec des pays qui ont également un accord commercial avec les États-Unis. Ce n'est pas une coïncidence. Toutes les fois que les États-Unis négocient une entente commerciale avec un autre pays, les exportateurs américains bénéficient d'un accès préférentiel à ce marché. Il importe donc pour le Canada d'en arriver lui aussi à un accord avec les pays en question de telle sorte que nos exportateurs jouissent eux aussi d'un accès privilégié.

Dans certains cas, nous avons été les plus rapides. Ainsi, nous avons pu négocier notre accord commercial avec les Européens plus vite que les États-Unis qui poursuivent encore les négociations. Il y a par contre d'autres situations, comme celle de la Corée du Sud, où nous accusons du retard. En conséquence, nos exportateurs de produits carnés doivent payer des tarifs plus élevés sur ce marché que leurs concurrents américains.

Bon nombre des secteurs agricoles qualifiés de sensibles sont protégés par des contingents tarifaires. Il s'agit essentiellement de permettre l'importation d'une certaine quantité de produits à un tarif très faible. Une fois ce contingent atteint, on applique un tarif très élevé pouvant aller jusqu'à 300 ou 400 p. 100. Ce sont les crêtes tarifaires dont je parlais tout à l'heure. Il devient pour ainsi dire impossible d'exporter des produits avec de tels tarifs.

Dans le contexte de l'accord avec l'Union européenne, nous avons pu négocier des contingents tarifaires pour le blé, le bœuf, le maïs et le porc. En retour, le Canada a augmenté son contingent de fromages importés. On fera ainsi entrer au Canada 18 000 tonnes de plus de fromages européens. Dans l'ensemble, je crois que nous nous sommes plutôt bien tirés d'affaire dans ces négociations.

Les barrières non tarifaires ont aussi un impact très important en agriculture. Il y a notamment des restrictions sur les additifs alimentaires et des limites maximales de résidus pour les pesticides. Il y a également des conditions à respecter dans la configuration de nos abattoirs. Il y a ainsi toutes sortes de restrictions qui sont plutôt complexes et qui peuvent entraver le commerce. Heureusement, nous nous efforçons d'harmoniser les normes en la matière dans le contexte de l'OMC et de nos accords commerciaux régionaux. Ainsi, la reconnaissance des certificats d'inspection nationaux a été l'une des retombées les plus positives de l'entente commerciale Canada-États-Unis que nous avons mise en œuvre en 1989 — après sa signature en 1986, si je ne m'abuse. Les exportateurs de viande de bœuf et de porc ont depuis l'assurance que les produits qui quittent le Canada n'auront pas à être inspectés de nouveau une fois la frontière traversée. C'est une mesure qui facilite grandement les échanges commerciaux.

Il y a tout de même encore certains irritants à ce niveau. C'est le cas de la loi américaine qui exige l'étiquetage en fonction du pays d'origine, une mesure essentiellement discriminatoire pour les exportateurs de produits comme les porcs et les vaches de boucherie devant être abattus aux États-Unis. Un grand nombre d'abattoirs américains préfèrent ne pas importer d'animaux canadiens, même s'ils sont moins chers, parce qu'il y a trop de formalités administratives à remplir. Nous avons eu gain de cause en deux occasions devant l'OMC sur cette question. Il devrait y avoir une troisième plainte, car les États-Unis ont beau répéter sans cesse qu'ils vont donner suite à la décision rendue, le fait demeure qu'ils se traînent les pieds. Nous espérons obtenir une autre décision favorable, sans quoi nous allons probablement devoir prendre des mesures de représailles.

Il y a aussi des embargos qui nous sont préjudiciables. Vous savez sans doute que l'on a découvert en février une vache souffrant de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB). C'est le premier cas depuis 2011. Ce n'est pas comme si nous avions un gros problème sur les bras. Ce ne sont pas des choses qui arrivent très souvent. On a immédiatement pris les moyens pour que la viande de cette vache ne se retrouve pas dans la chaîne alimentaire. Six pays ont décidé de fermer leur marché à cause de ce cas unique où la viande n'a même pas été transformée.

C'est le genre de situation qui peut être nuisible pour notre industrie. Ce sont surtout des pays asiatiques qui ont fermé leur frontière au bœuf canadien. Au total, cela ne représente pas des quantités énormes, mais ce sont des marchés intéressants où nous souhaitions prendre de l'expansion. C'est donc un recul pour nous. Il y a aussi bien évidemment des enjeux politiques, comme l'embargo russe qui a surtout fait mal aux exportateurs de porc du Québec, car la Russie est le troisième marché en importance pour le porc canadien, après les États-Unis et le Japon. Il a fallu nous débrouiller pour trouver rapidement d'autres débouchés, car il n'y a pas de temps à perdre quand on exporte de la viande.

Il est bien évident qu'un dénouement du côté de l'OMC pourrait nous donner accès d'un seul coup à un grand nombre de marchés, plutôt que quelques-uns à la fois comme c'est le cas pour nos ententes commerciales. Si le Canada pouvait faire pression pour que les négociations puissent se conclure rapidement, ce serait certes une bonne chose. Par ailleurs, le Partenariat transpacifique en cours de négociation devrait aussi nous ouvrir de nouveaux marchés, mais il aura également pour effet de créer une plus grande congestion sur le marché des États-Unis. Il y a donc du pour et du contre pour nos exportateurs.

Pour ce qui est du développement durable et des préoccupations relatives à l'environnement, à la santé et au bien-être des animaux, les agriculteurs adoptent de plus en plus des pratiques agroenvironnementales qui visent une gestion optimale témoignant de leur conscience écologique. Grâce aux études que nous avons menées, nous savons qu'ils sont conscients des avantages que leur procure l'adoption de pratiques semblables, et du fait que celles-ci sont également bénéfiques pour leurs voisins et leurs proches. Il en va de même des transformateurs d'aliments. Ils s'intéressent de très près aux enjeux liés à la santé et au bien-être des animaux.

Vous avez probablement entendu, il n'y a pas si longtemps, que McDonald, aux États-Unis, a décidé de ne plus acheter de poulet de fournisseurs qui utilisaient certains antibiotiques. Une décision majeure, audacieuse. Les antibiotiques posent la grande question de la résistance croisée. Sur ce point, nous avons beaucoup de pain sur la planche. Je dirais que c'est le maillon faible de notre démarche sur la soutenabilité.

Sur le bien-être animal, je cite une cause en Californie, qui a adopté une loi, en 2008, pour donner plus de place à chaque volaille mise en cage. Malheureusement, elle n'a pas obtenu l'effet recherché, parce que beaucoup d'éleveurs, plutôt que d'investir dans de nouvelles cages, ont décidé d'y placer moins de volailles. Cela a entraîné une chute de la production et une augmentation des prix.

D'autres États poursuivent aussi la Californie, qui, sur son territoire, n'autorise pas d'œufs provenant d'autres États. Promulguer un règlement est une chose; en supporter les conséquences en est une autre.

En ce qui concerne la sécurité alimentaire, la diversité et la traçabilité, le secteur alimentaire, pour la diversité, ne diffère pas des autres. Les consommateurs l'exigent. Ils ne veulent pas toujours manger la même chose. Il est normal que nous importions et exportions beaucoup de produits, particulièrement de produits transformés. Beaucoup d'entreprises comme Maple Leaf passent, à une grande échelle, à la transformation ultérieure, et ce n'est pas le fruit du hasard. C'est là que se trouvent les marges bénéficiaires. Les épiceries d'aujourd'hui comportent des rangées vides, mais aussi des rangées de produits déjà assaisonnés, possédant différentes saveurs et vendus sous différentes marques. C'est exactement ce que prévoit la théorie des échanges internationaux : les conditions favorisant l'accès aux marchés font naître de nouveaux produits pour créer la diversité.

Ce n'est pas le fruit du hasard si nous exportons beaucoup de produits alimentaires, de produits transformés, mais si, aussi, nous importons beaucoup de produits transformés.

Le mieux, pour assurer la sécurité alimentaire, est d'ouvrir les frontières, et nos grands distributeurs sont assez bien doués pour trouver des denrées partout dans le monde, y compris sur le marché national, tout en étant, bien sûr, productifs. Pour être concurrentiel, nul besoin d'être un exportateur net à tous les niveaux de la chaîne de commercialisation. Au Québec, le deuxième rang des exportations va aux produits du chocolat, qui suivent de près la viande de porc et qui devancent les produits de l'érable et du soja. Bien sûr, nous ne cultivons pas de cacao.

De même, l'Ouest du Canada exporte beaucoup de produits bruts qui seront transformés ailleurs, comme le blé, le canola. Le canola n'est pas nécessairement trituré dans cette région. Nous observons de plus en plus ce genre de chaîne logistique. Par exemple, l'industrie de l'auto se procure les pièces de partout, et différents pays exportent et importent des automobiles. Nous observons le même phénomène dans l'industrie alimentaire.

La traçabilité est un outil. Elle est utile, parce que plus nous pouvons déterminer rapidement l'origine d'un problème, plus nous pouvons le résoudre rapidement et limiter les dégâts. Malheureusement, la recherche montre que les consommateurs rechignent à payer pour cela. Cela doit donc être payé par l'industrie. Comment ensuite répartir le risque et le coût? C'est difficile. Dans une certaine mesure, cela explique la plus grande intégration verticale pour répondre à ces sortes de problèmes. Mais la traçabilité fait certainement partie d'une stratégie plus générale de gestion des risques.

En ce qui concerne la compétitivité et la productivité, la figure 1 montre les balances commerciales des produits agricoles, du bétail, des produits transformés et des boissons. Le surplus le plus important vient des produits agricoles, puis des produits alimentaires et des produits du bétail. Pour les boissons, la balance est déficitaire. Je pense que nous buvons trop de vins importés. En ce qui concerne les exportations totales, bien sûr les produits alimentaires arrivent au premier rang.

La figure 2 montre la productivité de plusieurs pays. Le pays dont la productivité a le plus augmenté entre 1962 et 2011 est le Brésil. Ce n'est pas étonnant. Le pays est vaste, bien pourvu en eau, son climat est extrêmement favorable, ses entrepreneurs sont compétents et ils possèdent du savoir-faire. Le premier producteur mondial de viande est une entreprise brésilienne. C'est elle qui a acquis XL Foods, en Alberta, après les problèmes éprouvés par cette compagnie. Le Canada se tient dans le milieu du peloton, derrière la Chine. Je ne crois pas que la Chine puisse maintenir le rythme de croissance de sa productivité. L'eau est un facteur limitant. Le pays éprouve d'énormes problèmes de pollution. Il devra s'y attaquer. Le rythme des 20 dernières années me semble insoutenable. Les États-Unis et la France nous devancent. Mais, globalement, nous faisons beaucoup mieux que le Royaume-Uni, l'Inde et l'Argentine, laquelle est aussi un concurrent. Elle exporte du bœuf. Elle exporte aussi du blé, comme nous.

Nos transformateurs sont les chefs de file de leur industrie : Saputo, Agropur et les produits laitiers vont très bien. Maple Leaf est une entreprise énorme, très concurrentielle. Je dirais que nous allons très bien, sauf dans le secteur laitier où les coûts de production se situent au troisième rang mondial. Nos transformateurs investissent maintenant partout ailleurs qu'au Canada, par exemple en Australie, aux États-Unis et en Amérique du Sud.

C'est ici que se termine mon exposé.

[Français]

Le président : Il nous reste 15 minutes avant le départ de M. Larue; la sénatrice Tardif commencera d'abord et le sénateur Maltais suivra.

La sénatrice Tardif : Merci, professeur Larue, pour votre présentation des plus intéressantes, et merci de partager votre expertise avec le comité.

M. Larue : Je le fais avec plaisir.

La sénatrice Tardif : Vous avez mentionné dans le document qui nous a été soumis que le Canada doit s'engager dans la négociation des accords avec des pays tiers avant les États-Unis. Vous avez donné l'exemple des exportations de viande en Corée du Sud, où les Américains ont un avantage sur les exportateurs canadiens. Quel est l'impact de cet avantage sur l'exportation canadienne, et comment pouvons-nous nous distinguer des Américains pour réduire cet avantage?

M. Larue : La meilleure stratégie est de négocier avant eux. Dans le cas de la Corée du Sud, si je me souviens bien, nous avions commencé à négocier avant les Américains, mais ensuite, les négociations ont traîné, et quand les Américains ont approché les Sud-Coréens, ils ont finalement pris toute la place.

La raison pour laquelle les choses ont traîné au Canada, c'est parce qu'il y avait un lobbying de l'industrie automobile qui allait à l'encontre du lobbying des viandes. Les exportateurs de bœuf et de porc voulaient conclure une entente rapidement, mais l'industrie automobile était beaucoup moins chaude à l'idée de libéraliser le marché canadien.

L'idéal, c'est de faire comme on a fait avec l'Union européenne. Il faut se dépêcher de conclure des ententes avant que les Américains abordent avec sérieux leurs négociations avec ces pays. Sinon, nous sommes désavantagés. Dans certains cas, il s'agit d'un différentiel de taxe de 10 p. 100 ou de 15 p. 100. Donc, cela peut être assez important.

La sénatrice Tardif : De 2006 à 2014, 143 usines agroalimentaires ont fermé leurs portes. Est-ce que la fermeture de ces usines agroalimentaires reflète un manque de productivité et de compétitivité de la part des entreprises?

M. Larue : Cela peut varier d'un cas à l'autre. Celles qui ont fermé en Ontario ont fait plus de bruit. Dans le cas de l'usine de Kellogg's, il y avait potentiellement une question de productivité, mais il est aussi question que les habitudes des consommateurs changent. Les gens vont souvent manger un yogourt au petit déjeuner plutôt que des céréales. Les jeunes ont des habitudes alimentaires différentes des personnes âgées. Ils ne mangent plus nécessairement trois repas par jour contrairement aux autres générations. Ils grignotent beaucoup. Ils peuvent manger cinq à six fois par jour et ne mangent pas nécessairement des repas complets. Souvent, ils mangent devant leur ordinateur ou en consultant leur téléphone intelligent. Donc, les habitudes alimentaires ont changé.

Le sénateur Maltais : Je tiens à remercier M. Larue de sa participation à notre comité. Je suis toujours heureux de recevoir des gens de ma ville, et surtout, des personnes de votre calibre. Je vous félicite pour votre travail dans le cadre des traités de libre-échange.

Bon nombre de traités de libre-échange sont en voie d'être signés ou seront conclus dans un proche avenir, et cela ne prendra pas fin demain matin. Le Canada est appelé à produire davantage sur le plan alimentaire. Bon nombre de personnes partout dans le monde ne mangent pas trois repas par jour. Cela signifie qu'améliorer notre production, ce sera l'industrialiser à l'extrême. Est-ce que vous n'auriez pas une petite clause qui nous autoriserait à importer de la main-d'œuvre de façon permanente?

M. Larue : La main-d'œuvre est problématique, pas seulement ici, mais aussi dans plusieurs autres pays. Par exemple, les États-Unis utilisent beaucoup de travailleurs étrangers. De plus, dans certaines régions comme en Californie, il y a des problèmes d'eau que nous n'avons pas. Ils font face à une concurrence plus proche qui vient du Mexique. Nous ne sommes pas les seuls à avoir des problèmes de main-d'œuvre. En ce qui concerne les producteurs maraîchers, ils ont besoin des travailleurs étrangers.

Les travailleurs dans les usines ne gagnent plus les mêmes salaires qu'auparavant. À titre d'exemple, les emplois dans les usines d'abattage étaient autrefois très bien rémunérés, mais il a fallu s'ajuster aux salaires américains. Je crois que c'est en 2007 qu'il y a eu un ajustement important au Québec dans les usines d'Olymel, et tous les autres abattoirs ont négocié conjointement de nouveaux contrats de travail. Les travailleurs ont dû accepter des baisses de salaire d'environ 30 p. 100. Incidemment, il y a une usine d'Olymel qui est actuellement en grève, ce qui nuit aux exportations. Les travailleurs essaient de récupérer les pertes du passé.

De toute évidence, ils tiennent compte aussi du taux de change. L'une des choses qui nous aident beaucoup en ce moment, c'est le taux de change avec les États-Unis, parce que la grande majorité de nos exportations est destinée aux États-Unis. Quand je parlais de l'exportation de chaque chocolat du Québec, de 98 à 99 p. 100 des exportations sont destinées aux États-Unis. Lorsque le dollar canadien baisse, cela nous aide énormément.

Le sénateur Maltais : Je vous remercie.

Le sénateur Dagenais : Je vous remercie, monsieur Larue. Je pense à deux grandes entreprises de Saint-Hyacinthe qui exportent du chocolat. J'oublie leur nom, mais ce sont de grands exportateurs. Il y a...

M. Larue : Barry Callebaut.

Le sénateur Dagenais : Voilà, c'est le nom que je cherchais. J'aimerais revenir au dollar canadien, qui est actuellement à 79,99 cents. Il a remonté un peu. Je me rends souvent aux États-Unis pour des raisons personnelles; je le vis tous les jours. Certains producteurs disent que la baisse du dollar peut améliorer les exportations à l'étranger. D'autres prétendent qu'il ne faut pas développer nos stratégies de compétitivité en fonction de la faiblesse du dollar. On entend deux discours différents. Qu'en pensez-vous?

M. Larue : Si on examine l'évolution des salaires dans les usines, les ajustements aux États-Unis se sont faits au début des années 1980, contrairement au Canada où cela s'est fait beaucoup plus tard, étant donné que le dollar était très faible. J'ai pris une année sabbatique que j'ai passée aux États-Unis lorsque le dollar valait environ 65 ¢. J'étais payé en dollars canadiens et je vivais en dollars américains.

Le sénateur Dagenais : Ce n'est pas évident.

M. Larue : À cette époque, le dollar compensait les salaires plus élevés versés dans nos usines et les problèmes de productivité. Depuis qu'il y a eu le lock-out dans certains abattoirs — je pense que c'était en 2007 —, les transformateurs en ont profité pour moderniser leur usine, ce qui a permis d'augmenter la productivité. On ne peut pas espérer que le dollar reste toujours bas ou qu'il continue d'être dévalué. Si les prix du pétrole augmentent, il est certain que le dollar se remettra à monter. On ne peut pas se fier uniquement à cette situation. À un moment donné, le dollar a beaucoup augmenté, ce qui a amené nos exportateurs à diversifier leurs destinations. Dans le cas du porc, entre autres, maintenant nous exportons vers une centaine de pays. Auparavant, nous étions présents seulement sur le marché des États-Unis et du Japon. Nous avions pris de grandes parts du marché en Russie, ce qui a nui à l'embargo. Cependant, les exportateurs s'y attendaient. Ils ne se fient pas uniquement au taux de change. Ils savent que les choses peuvent changer et qu'il est extrêmement difficile de prédire l'avenir des marchés.

Le sénateur Dagenais : J'aimerais poser une autre question. Vous avez fait référence à McDonald's qui envisage de vendre du poulet sans antibiotiques. Je connais quelqu'un qui fait l'élevage de poulet dans la région du Québec. On parlait des rôtisseries Saint-Hubert, qui sont l'un de leurs gros clients. M. Léger disait que les producteurs de volaille se comportent un peu comme des seigneurs, parce qu'ils sont protégés par la gestion de l'offre. L'éleveur dont je vous parle disait que s'il veut du poulet sans antibiotiques, on peut lui en fournir. Cependant, il ne faut pas oublier que les antibiotiques permettent d'éviter que les aliments soient contaminés par la salmonelle. J'aimerais avoir votre point de vue à ce sujet.

M. Larue : En ce qui concerne les restaurants McDonald's, ils achètent du poulet sans certains antibiotiques. Il faut faire la distinction. L'élimination totale des antibiotiques n'est pas réaliste, selon moi. C'est ce que pensent les vétérinaires. Je ne suis pas un expert en la matière. Les antibiotiques sont utilisés à titre préventif, probablement de façon trop importante à ce chapitre. Donc, il faudrait apporter certaines améliorations, entre autres, lorsque des maladies se déclarent. Parfois, dans le cas du poulet, le cycle de production est très court. S'il reste à peu près une semaine au cycle de production et qu'une infestation se déclare, il faut soigner les poulets avant de les mener à l'abattoir. Dans de telles situations, l'éleveur n'a pas vraiment le choix. D'après mes entretiens avec des vétérinaires, les réglementations sont différentes d'une province à l'autre en ce qui concerne l'utilisation d'antibiotiques. Il y aurait sans doute des mesures à mettre en place dans ce domaine.

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, monsieur Larue, c'était très intéressant.

[Traduction]

Le sénateur Enverga : Je vous remercie pour votre exposé. Vous avez une publication sur les indications géographiques. Je sais qu'il y aura des échanges commerciaux entre l'Union européenne et le Canada. Est-il recommandable que nous ayons le même système de protection des indications géographiques? Comment cela nous touchera-t-il?

M. Larue : Traditionnellement, nous avons adopté la même position que les États-Unis, c'est-à-dire ne pas avoir d'indications géographiques. Nous ne les protégions pas, parce que, essentiellement, nous nous appuyions sur les lois sur le droit d'auteur. Pour utiliser une certaine appellation, on pouvait acheter le droit de la reproduire. Par exemple, au Canada, la désignation « jambon de Parme » appartient aux Aliments Maple Leaf. Les Italiens de Parme qui voulaient exporter leur jambon ont dû en changer le nom, pour « Jambon no 5 » ou quelque chose comme cela, ce qui est un peu surréaliste.

Nous avons reconnu certaines appellations et certaines indications géographiques, mais, en même temps, nous autorisons l'emploi d'expressions très ressemblantes par nos transformateurs qui utilisaient déjà les premières. Nous espérons de créer plus de produits. Nous en avons peu. Certaines entreprises espèrent élaborer de nouvelles stratégies de commercialisation à partir de ce genre de désignations.

Personnellement, je ne crois pas que c'était une grosse... Il a fallu de longues négociations pour s'entendre à ce sujet, mais je ne crois pas que cela ait été une grosse perte pour nos entreprises.

Le président : Chers collègues, j'ai une dernière question.

[Français]

Monsieur Larue, vous avez mentionné que les États-Unis font face, eux aussi, au défi de la main-d'œuvre. Quel lien fait-on avec le Canada et quels mécanismes pourraient être utilisés davantage en Amérique du Nord afin de favoriser une plus grande production?

M. Larue : En ce qui concerne la main-d'œuvre, il y a évidemment des tâches qui sont plus difficiles que d'autres. Par exemple, en Californie, des producteurs de fraise se plaignaient qu'ils se faisaient voler leurs travailleurs par des producteurs de pêche, puisqu'il est moins difficile de cueillir des pêches dans les arbres que de se pencher pour ramasser des fraises. Or, quand les travailleurs sont payés au même salaire, ils vont évidemment préférer ramasser des pêches plutôt que des fraises.

Ils ont le même genre de problème. Un autre aspect qui concerne la main-d'œuvre, lorsqu'on parle d'usines de transformation, est la formation des travailleurs. Dans certains cas, on parle de travailleurs qui ont certaines dextérités manuelles développées avec l'expérience. Il est certain que pour certaines entreprises, il est important qu'elles s'assurent de garder leur main-d'œuvre après avoir consacré du temps à sa formation, et d'éviter de se la faire voler par des concurrents. Il y a certains transformateurs qui m'ont parlé de cela dans le passé.

Cependant, de façon générale, on fait tout de même beaucoup de travail. On essaie, par exemple, en ce qui concerne les jeunes agriculteurs, de veiller à ce qu'ils reçoivent un minimum de formation. Maintenant, on les oblige pratiquement à avoir un diplôme d'études collégiales, trois années de formation, l'équivalent du cégep au Québec; dans les autres provinces, je pense que ce sont des cours de deux ans.

Le type de l'agriculteur, de nos jours, c'est une personne qui est davantage en mesure de s'adapter aux nouvelles technologies. Ce sont des gens qui sont branchés, qui suivent les marchés sur Internet. C'est de ce côté-là qu'on a fait beaucoup de chemin. Ce sont des personnes qui utilisent des logiciels pour faire leur comptabilité. Une ferme, maintenant, la plupart du temps, est une entreprise de plusieurs millions de dollars. Les agriculteurs doivent être non seulement de bons agronomes, et avoir de bonnes connaissances en médecine vétérinaire dans certains cas, mais ils doivent être aussi de bons gestionnaires. À ce chapitre, il y a tout de même beaucoup d'améliorations qui se sont faites.

Le président : Monsieur Larue, merci beaucoup, vous nous avez donné beaucoup de renseignements, vous nous avez légué tout un chapitre à l'international. On vous remercie.

(La séance est levée.)


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