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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 5 - Témoignages du 2 avril 2014


OTTAWA, le mercredi 2 avril 2014

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 50, pour étudier les problèmes liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations.

Le sénateur Dennis Glen Patterson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir. Je tiens à souhaiter la bienvenue aux sénateurs et aux membres du public qui assistent à cette réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, soit dans cette pièce, soit sur CPAC ou sur le Web. Je m'appelle Dennis Patterson, du Nunavut, et je préside ce comité. Notre mandat consiste à examiner les projets de loi et les questions qui portent sur les peuples autochtones du Canada en général.

Ce soir, nous allons entendre des témoignages sur un ordre de renvoi précis nous autorisant à étudier, en vue d'en faire rapport, les problèmes et les solutions possibles en matière d'infrastructure dans les réserves, ce qui comprend le logement, l'infrastructure communautaire, ainsi que les possibilités novatrices de financement et de stratégies de collaboration plus efficaces.

Aujourd'hui, nous allons entendre deux groupes d'experts. Le premier est composé de représentants de l'organisme Chiefs of Ontario et de la Première Nation de Curve Lake, ainsi que de Chris Maracle, qui comparaîtra à titre personnel. Dans la deuxième moitié de la réunion, nous entendrons le témoignage de représentants de deux ministères, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada et Emploi et Développement social Canada.

Avant de passer aux témoignages, j'inviterais les membres du comité à se présenter à tour de rôle.

Le sénateur Moore : Bonsoir. Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Dyck : Je suis la sénatrice Lillian Dyck, de la Saskatchewan.

Le sénateur Sibbeston : Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest.

Le sénateur Watt : Charlie Watt, du Nunavik.

Le sénateur Meredith : Je suis le sénateur Don Meredith, de l'Ontario.

Le sénateur Ngo : Je suis le sénateur Ngo, de l'Ontario.

La sénatrice Beyak : Je suis la sénatrice Beyak, de l'Ontario.

Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.

Le président : Merci. Je demanderais aux membres du comité de se joindre à moi afin d'accueillir les membres du premier groupe d'experts. Comme je l'ai mentionné, nous recevons le chef Shining Turtle, de la Première Nation de Whitefish River, qui représente l'organisme Chiefs of Ontario. Il se trouve en compagnie de Tammy Juszczynski Banks, coordonnatrice des projets d'immobilisations à la Première Nation de Curve Lake. Nous souhaitons aussi la bienvenue à Chris Maracle, qui comparaît à titre personnel. M. Maracle possède de nombreuses années d'expérience dans le domaine des questions touchant le logement. Nous avons bien hâte d'entendre vos exposés, qui seront suivis par une période de questions de la part des sénateurs. Si vous le voulez bien, nous allons commencer par le témoignage du chef Shining Turtle.

Chef Shining Turtle, Première Nation de Whitefish River, Chiefs of Ontario : Honorables sénateurs, bonsoir. Je suis le chef Shining Turtle. Je fais partie du clan de l'Esturgeon de la Première Nation ojibway. Je représente l'organisme Chiefs of Ontario sur les questions touchant l'environnement, l'infrastructure et le logement au sein de la Confédération politique.

En ce qui a trait à mes antécédents, sachez que je participe à la construction d'ouvrages de génie civil depuis 1988. Depuis 1990 environ, je travaille exclusivement pour les Premières Nations en tant qu'ingénieur, inspecteur du logement et directeur des services techniques au Conseil tribal de Matawa, dans l'Ouest de l'Ontario, au United Chiefs and Councils of Manitoulin Island et au Conseil tribal de North Shore. Par conséquent, je possède beaucoup d'expérience dans le domaine de l'infrastructure et du logement.

Si vous ne connaissez pas Chiefs of Ontario, permettez-moi de vous dire qu'il s'agit de l'organisme de coordination des chefs qui représentent les dirigeants de 134 Premières Nations. La Confédération politique, qui est le comité exécutif de Chiefs of Ontario, est représentée par les grands chefs et quatre organisations provinciales ou territoriales, dont les Six Nations, Akwesasne et des Premières Nations indépendantes.

Compte tenu de mon bagage en génie, on m'a demandé de diriger le portefeuille des infrastructures, du logement et de l'environnement pour nos Premières Nations. Ce soir, j'entends expliquer aux membres du comité sénatorial ce que nous pensons de la situation du logement dans les Premières Nations de l'Ontario, une question qui englobe également celle des infrastructures puisqu'on ne peut pas avoir de maison sans infrastructure. Ce sont deux éléments indissociables.

Avant tout, une petite leçon d'histoire. Dans les années 1960, le ministère des Affaires autochtones, qui s'appelait alors ministère des Affaires indiennes, a mis sur pied un programme de logement destiné à favoriser la construction et la rénovation d'habitations dans les réserves. J'ai moi-même bénéficié de ce programme puisque je suis né en 1963. À l'époque, le financement du ministère des Affaires autochtones a servi à construire une maison à mes parents.

Le programme versait des subventions pour la construction résidentielle et la rénovation d'habitations existantes. La subvention s'élevait à 19 400 $. À cela s'appliquaient des facteurs de pondération relatifs à la démographie et à l'éloignement. On les appelait des indices, et ils avaient un effet multiplicateur. L'indice urbain partait de Toronto. On ajoutait un multiplicateur urbain pour Sudbury, puis un autre pour, disons, l'île de Manitoulin ou la baie James. Le montant de la subvention fluctuait en fonction de ces indices.

Comme nous le savons tous, 19 400 $ étaient loin de suffire à la construction d'une maison à l'époque. Actuellement, la facture est d'à peu près 187 000 $ dans mon secteur, mais elle est de près du double dans les communautés éloignées. Dans le cas des localités accessibles uniquement par voie aérienne, faire venir les matériaux représente déjà une facture écrasante. C'est un cauchemar logistique dont ne tiennent pas compte les facteurs économiques du plan d'investissement du ministère des Affaires autochtones.

En 1982, le programme de subvention a fait l'objet d'une évaluation, puis d'un énoncé de position précisant les rôles respectifs des Premières Nations et du gouvernement fédéral et où l'on pouvait lire que le gouvernement n'assumait plus qu'un rôle résiduel au chapitre de la prestation de logements. À la même époque, en 1983, il a été reconnu que les Premières Nations étaient responsables de fournir des logements à leurs membres, sans ressources. On a la responsabilité, mais pas les ressources nécessaires pour l'assumer.

Une évaluation en profondeur du programme a conclu que les logements dans les réserves étaient gravement inadéquats. Vous entendez la même chose depuis quelques années; pensons au reportage de la CBC sur le besoin criant de transformer la situation du logement des Premières Nations ou encore à tout ce que vous avez vu aux informations il y a bientôt deux ans à propos d'Attawapiskat. Rien n'a changé. Les Premières Nations ont un besoin criant de logements, de logements adéquats, avec les infrastructures qui les accompagnent.

Ce qu'on appelle maintenant le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord canadien proposait encore tout récemment une subvention au logement. Il aide les Premières Nations à faire bâtir des habitations, mais il refuse de fournir les ressources nécessaires pour terminer les travaux. Cette subvention existe, mais il revient aux bandes de trouver d'autres ressources pour finir de bâtir les habitations.

À l'origine, il s'agissait de très petites maisons. Elles étaient modestes. Une maison de 900 pieds carrés, c'était une maison très spacieuse. Celle que j'habite actuellement a justement été bâtie en 1974. Elle mesure précisément 864 pieds carrés, et j'y vis avec ma femme et mes trois enfants.

Le sénateur Watt : Combien de chambres à coucher y a-t-il?

M. Shining Turtle : Il y en a trois. Je vous laisse le soin de calculer combien elles peuvent mesurer. Puisque la subvention ne couvre qu'en partie les coûts de construction, les conseils des Premières Nations doivent soit puiser dans leurs allocations budgétaires pour terminer les travaux, soit construire moins qu'un logement. C'est un ou c'est l'autre. Il faut prendre à Pierre pour donner à Paul. Il faudrait étaler les maigres ressources, souvent sans qu'il soit possible de terminer les travaux. Dans les communautés éloignées où j'ai travaillé, les difficultés relèvent généralement du parcours du combattant — un combattant aguerri de surcroît.

De nos jours, le financement pour les petits projets d'immobilisations permet aux Premières Nations de terminer les travaux. Voici en quoi consiste le plan d'immobilisations mineur pour la Première Nation de Whitefish River : je dispose de 267 155 $ par année pour une bande de 1 200 membres. Cette somme est destinée notamment aux rénovations, au logement, au transport, à la réfection, à l'alimentation en eau, à l'élimination des eaux usées, à l'agrandissement des écoles, à l'entretien des chemins d'accès, à la mise à niveau, à la restauration, à la construction, à l'électrification et à l'élimination des déchets.

Le sénateur Watt : Pouvez-vous ventiler par habitation?

M. Shining Turtle : Qu'entendez-vous par « ventiler par habitation »?

Le sénateur Watt : Par exemple, vous avez mentionné la somme de 187 000 $ — c'était dans les années 1960, c'est ça? Combien vaut une maison aujourd'hui?

M. Shining Turtle : La dernière des quatre maisons que nous avons fait bâtir a coûté 187 000 $ et comptait quatre chambres à coucher. La maison de trois chambres voisine a coûté environ 167 000 $. Cela dit, il y a une succursale Home Hardware dans une localité des environs, Espanola. Il nous faut 20 minutes pour nous y rendre. Lorsqu'il faut 20 ou 36 heures pour se rendre au magasin le plus proche, les chiffres sont complètement différents.

Il y a le financement des petits projets d'immobilisations destiné à terminer la construction d'habitations, mais le programme de logement du ministère des Affaires autochtones n'en reste pas moins une subvention destinée à financer une partie des travaux de construction d'une maison. Étrangement, les gouvernements et les membres des Premières Nations ne jouissent toujours d'aucun moyen économique de bâtir assez de maisons d'une superficie appropriée ni d'aucun programme de logement structuré par région pour faire face à l'explosion démographique actuelle parmi les Autochtones. Il n'existe aucun mécanisme pour permettre à un entrepreneur de répondre à la demande croissante de logements de cette population en plein boum.

En 1996, le ministère a instauré la Politique sur le logement dans les réserves dans le but que les Premières Nations jouissent d'une souplesse et d'un contrôle accrus relativement à leurs politiques et à leurs régimes de logement. Cette politique reposait sur quatre principes : confier aux Premières Nations la responsabilité de leurs maisons, faire appel à l'expertise des Premières Nations et renforcer leurs capacités, assumer conjointement la responsabilité des frais de logement et des options de propriété foncière, et faciliter l'accès aux capitaux privés et au financement par emprunt. C'était en 1996.

On croyait à l'époque que cette politique permettrait de construire quelque 114 000 nouvelles unités en 10 ans pour les Premières Nations. Les objectifs ambitieux de ce plan n'ont malheureusement pas pu être atteints. Quelques Premières Nations du Sud, dont une témoignera ce soir, y sont parvenues dans une certaine mesure parce que certaines possibilités économiques s'offrent à elles dans la région avoisinante.

Par contre, la situation du logement s'est très peu améliorée dans les régions rurales comme Whitefish River, les collectivités éloignées et les collectivités accessibles par voie aérienne du nord de l'Ontario. Dans bien des cas, la pénurie de logements s'est aggravée jusqu'à devenir une situation d'urgence. Vous avez pu constater ces dernières années la situation du logement à Attawapiskat et sur la côte de la baie James; la même chose se produit dans d'autres collectivités.

Le financement des petits projets d'immobilisations — les 267 155 $ que reçoit Whitefish River — n'a pas augmenté depuis 17 ans, mais vous pouvez être sûr que le prix du bois, lui, a augmenté, tout comme le prix du carburant et le coût de la main-d'œuvre. Les indices économiques ont augmenté, mais pas le financement des petits projets d'immobilisations des Premières Nations.

Le programme de 1996 a très peu favorisé le développement de la capacité des Premières Nations. C'est toujours un problème majeur. Je ne suis qu'un ingénieur dans une seule collectivité. De combien d'autres ingénieurs avons-nous besoin? Combien faudra-t-il d'inspecteurs en bâtiment et de plombiers?

Depuis les années 1960, il n'y a pas de plombier à Whitefish River. Il n'y a pas non plus d'électricien. Nous n'avons pas la capacité nécessaire; il n'y a jamais eu d'investissements importants dans ce domaine. Tout a été confié aux collectivités avoisinantes. On peut sans doute trouver tous ces gens de métier à Espanola.

Vous ne savez peut-être pas à quel point l'Ontario est très varié, autant du point de vue géographique que social, physique et économique. Depuis que je suis ingénieur pour une tribu du Nord, j'ai pu voir à quel point c'est vrai. Avant de le constater par moi-même, je ne pouvais pas imaginer l'immensité de l'Ontario. Je vous invite à parcourir la province et à vous rendre dans certaines collectivités du Nord. C'est difficile à imaginer, et il ne s'agit que d'une seule province.

Je me suis rendu dans une communauté, une fois, et j'ai demandé des bardeaux, pour les toits. Nous savons tous de quoi il s'agit. Je me suis alors rendu compte que le vent souffle si fort là-bas que la neige tombe à l'horizontale. La plupart des gens vous diront que la neige, ça tombe à la verticale. Quand on marche pour se rendre au boulot et qu'il neige, elle nous arrive d'en haut. Eh bien, pas pour tout le monde.

Il arrive parfois qu'il neige à l'horizontale, et quand les bardeaux de votre toit commencent à arracher en plein hiver parce que la neige les frappe à l'horizontale, que faites-vous pour les réparer? Je peux vous dire que la solution technologique classique ne fonctionne pas dans ces cas-là. Je l'ai appris à la dure. J'ai donc dû retourner sur les bancs d'école pour trouver une autre solution. En fait, ça prend un toit de métal. Et les toits de métal coûtent plus cher. Ce qui nous ramène au plan de petits projets d'immobilisation et à l'argent qu'il ne contient pas. C'est facile de parler de technologie, mais sans les ressources nécessaires, on peut dire adieu à tout ce qui est technologie, innovation, créativité ou souplesse.

En ce qui concerne les logements du marché, disons que les régimes locatifs sont difficiles à mettre en œuvre à cause du grand nombre de gens qui vivent de l'aide sociale. Dans les Premières Nations éloignées, par exemple, les emplois sont peu nombreux, sauf peut-être si on travaille pour la bande ou dans l'un des magasins du coin. Dans ma communauté, le taux de chômage atteint 24 p. 100. Affaires indiennes semble trouver que je me débrouille bien. Quand le taux de chômage atteindra 5 ou 6 p. 100, alors j'aurai vraiment de quoi me réjouir. D'ici là, personne ne va me convaincre que mes problèmes ne sont pas importants. Nous comptons trop sur l'aide sociale.

À part dans les mines, il y a très peu d'emplois dans le nord-est de l'Ontario, alors quand les mines en arrachent, nous aussi, nous en arrachons. Bref, les emplois stables pour les membres des Premières Nations de ma région sont très limités. En fait, ils sont souvent en lien avec l'économie touristique. L'île Manitoulin est la plus grande île en eau douce du monde, et de mai à septembre, les touristes sont nombreux à venir la visiter. Mais après ça, les gens rentrent chez eux. Et nous, on doit quand même payer nos factures. Toutes sortes de solutions s'offrent alors à nous : assurance- emploi, aide sociale, petits boulots par-ci par-là; n'importe quoi pour payer les factures.

Il demeure impossible de compter sur la construction domiciliaire comme moteur économique dans les collectivités. C'est toujours un sujet de discussion et il y a toutes sortes d'hypothèses qui circulent. Les choses n'ont pas été faites correctement.

Le programme de développement du potentiel des Autochtones de la SCHL, qui a été mis en œuvre en 2013, prévoyait seulement 300 000 $ pour l'ensemble du pays. Si l'on considère qu'il y a plus de 600 Premières Nations au Canada, cette somme ne permet pas de faire grand-chose.

Le taux de chômage chez les Premières Nations est évalué à 12 p. 100, soit le double de celui des collectivités non autochtones. Ce sont des statistiques qui viennent d'Emploi et Développement social Canada. Davantage d'initiatives en matière de développement des capacités sont nécessaires pour stimuler le développement économique et les perspectives d'emploi qui peuvent favoriser l'accès à la propriété.

Investir tôt dans l'éducation : une école serait un bon exemple. Il s'agit d'un investissement en matière d'infrastructure auquel nous pouvons tous participer et nous savons que bon nombre de Premières Nations n'ont pas d'école. Comment les membres de ces Premières Nations peuvent-ils recevoir de la formation et avoir la chance de participer au développement des capacités s'ils n'ont même pas d'école?

À Whitefish River, nous avons investi 1 million de dollars de plus pour construire notre gymnase parce que nous en avions besoin. En vertu de la politique fédérale de l'époque, si l'école ne comptait pas 67 élèves, il n'était pas possible d'avoir un gymnase. Ma collectivité a décidé de ne pas tenir compte de cette politique et de le construire. Le gouvernement fédéral nous doit encore cet argent. Or, la politique en question a porté le nombre minimal d'élèves à 85. Je dois donc mettre 85 élèves dans une école et envoyer balader le Code de prévention des incendies, la santé et la sécurité pour qu'Affaires indiennes puisse nous donner 1 million de dollars afin d'ajouter un gymnase. Il y a quelque chose qui cloche : « Houston, nous avons un problème. »

C'est un problème auquel je suis confronté. Si vous n'êtes pas en mesure d'éduquer les enfants et de leur offrir des possibilités d'avenir, comment allez-vous régler ces problèmes?

Il y a aussi la règle qui exige que les inspecteurs en bâtiment soient accrédités au Canada et qu'ils soient reconnus par la SCHL. Notre conseil tribal n'a pas d'inspecteur en bâtiment accrédité et nous devrons maintenant trouver quelqu'un d'autre pour faire ce travail, car je ne serai pas qualifié.

Les programmes de la SCHL prendront le pas sur le programme d'inspecteurs en bâtiment que nous avions. Nos inspecteurs en bâtiment devront maintenant avoir subi un examen rigoureux, pas pour évaluer leurs capacités techniques, mais plutôt pour vérifier leurs antécédents sociaux. Peuvent-ils obtenir une attestation du Centre d'information de la police canadienne, ou CPIC, c'est-à-dire une vérification des antécédents judiciaires? Comment l'autre s'appelle-t-elle? Il y a une autre attestation, c'est l'habilitation à travailler auprès de personnes vulnérables. Si je dis aux inspecteurs en bâtiment qu'ils doivent se soumettre à une vérification de leur habilitation à travailler auprès de personnes vulnérables, ils vont me répondre : « Je vais chercher un autre genre d'emploi. » Je ne sais pas si c'est vraiment le cas en Ontario ou ailleurs au pays, mais cette responsabilité est déléguée aux Premières Nations.

Grâce aux programmes prévus en vertu des articles 95 et 10, le Programme de logement visant les Autochtones de la SCHL a offert un minimum d'aide pour faire face aux crises que les Premières Nations ont connues. Cependant, la nécessité d'obtenir une garantie d'emprunt de la part du ministre des Affaires autochtones a désormais atteint un degré de visibilité intenable pour le ministère.

Ce qui se passe, c'est que le ministère des Affaires indiennes doit offrir un programme de garantie d'emprunt pour que la SCHL puisse verser les prêts garantis par le ministère aux Premières Nations, mais le ministère y a imposé un plafond. Quand vous atteignez cette limite, la question est essentiellement de savoir quelle est votre capacité d'emprunt dans une banque. Le ministère vous imposera une limite; il ne se contentera pas de signer un chèque en blanc et de vous dire d'y ajouter autant de zéros que vous le voulez. C'est ce qui est arrivé ici, le ministère a atteint son plafond. Qu'allez-vous faire maintenant? Il y a toute cette publicité à cause de ces maisons qui doivent être payées.

« Houston, nous avons un problème. »

En 2013, le financement de 25 millions de dollars fourni par le programme de logements sociaux (article 95) n'a permis de construire que 79 unités et cette somme venait du budget de 2012 de la SCHL. Les montants semblent élevés, mais quand on construit des infrastructures comme celles qui doivent être bâties, on ne peut pas faire grand-chose.

En 2007, 300 millions de dollars ont été affectés au Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières Nations. Cette initiative a connu un certain succès auprès des Premières Nations qui avaient les possibilités économiques de construire des maisons, auprès des collectivités qui étaient en mesure d'obtenir des hypothèques et auprès des établissements de crédit approuvés. Ce fonds, géré par un conseil d'administration nommé par le ministre, se présente sous la forme d'un acte de fiducie qui fournit au prêteur approuvé une protection en cas de défaut de paiement.

Le Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières Nations s'adresse uniquement aux collectivités qui répondent aux critères établis et qui s'engagent à utiliser le fonds, et il tient à l'écart les collectivités qui voudraient seulement se prévaloir de la portion du fonds qui vise le développement des capacités.

Parlons-en. Nous nous sommes inscrits au Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières Nations. Je peux vous dire que j'ai construit un grand nombre de maisons. Les membres ne peuvent pas s'adresser à la banque, mais ils doivent obtenir le prêt. Alors le membre, qui reçoit de l'aide sociale, se présente. Il se rend à la banque, à laquelle nous allons offrir une garantie, mais elle répond que le membre n'est même pas admissible. Cela ne fonctionne pas.

Votre fonds d'aide ne peut donc pas s'inscrire dans le processus. Je ne pense pas que nous nous inquiétons pour le type qui gagne 200 000 $ par année dans cette salle. Il peut déjà aller à sa banque. Il n'a pas besoin du ministre et il n'a pas besoin de ce programme pour les logements du marché.

Les seules choses que nous avons pu faire sont des projets liés au développement des capacités. Sauf qu'il s'agit d'exercices administratifs, comme mettre à jour un plan d'immobilisations. Cependant, si vous disposez seulement de 265 000 $ par année, combien de fois allez-vous mettre votre plan à jour avant de vous rendre compte que vous ne pouvez pas le réaliser?

Les programmes de logement ne procurent pas un système complet et moderne de logement aux communautés des Premières Nations. Il faut encore assurer l'alimentation en eau potable, le traitement des eaux usées, l'électrification, la gestion des déchets solides ainsi que des services de distribution , des routes, des ponts et les infrastructures nécessaires pour les eaux potables et usées et pour le mazout. Il faut construire tout cela d'abord.

Vous comprenez, je pense, que, quand on achète une maison, il faut une rue sur laquelle on peut passer. Il faut de l'eau. Il faut de l'électricité. Tout cela doit être fourni d'abord. Les programmes de logement ne fournissent pas tout cela. Voilà ce qui arrive avec un plan d'immobilisations mineures. Vous devez puiser dans vos 267 000 $, chef.

Les chefs de l'Ontario croient que le logement est un droit fondamental et qu'il comprend l'accès à un logement abordable et convenable. C'est ce que nous croyons. Un logement adéquat et durable favorise le bien-être physique et émotif. Le logement est nécessaire à la santé, à l'éducation, à l'emploi, au développement économique et au bien-être. Quand on est bien logé, on est fier, on se sent bien dans sa peau, on veut apporter sa contribution à la société, on veut obtenir son diplôme d'ingénieur, devenir sociologue, être sénateur. On veut changer les choses.

Je ne pense pas que les membres des Premières Nations disent qu'ils ne veulent pas cela du tout, mais sans logement adéquat, cela n'arrivera pas.

Selon l'Enquête régionale sur la santé des Premières Nations effectuée en Ontario en 2010, 62 p. 100 des adultes des Premières Nations ont signalé que le logement où ils habitaient avait besoin de réparations; 31 p. 100 ont indiqué qu'il s'agissait de réparations majeures; près de la moitié ont signalé la présence de moisissures; 30 p. 100 ont jugé que la principale installation d'approvisionnement en eau de leur logement ne leur fournissait pas de l'eau bonne à boire.

J'ai vu cela dans ma propre communauté. J'ai montré des photos de moisissures dans des maisons. C'est la réalité. A-t-on envie de dire à un enfant de sept ans d'aller se coucher dans une chambre comme ça, le soir? Le lendemain, il faut qu'il aille à l'école. Par-dessus le marché, il faut qu'il ait les meilleures notes. Et il faut qu'il déjeune.

Les besoins du Nord en matière de logement demandent une attention particulière. La construction de logements de qualité dans le Nord coûte cher. Le fonctionnement et l'entretien des maisons coûtent cher. Quiconque connaît les collectivités du Nord le sait. Cela tient au coût élevé du transport, de l'énergie et des matériaux de construction, à la pénurie d'ouvriers qualifiés, à la brièveté de la saison de construction et à la rigueur du climat.

La réduction du financement et les compressions budgétaires actuelles ne feront qu'accentuer le sentiment d'être sans foyer qu'éprouvent les membres des Premières Nations, surtout les jeunes. Pourront-ils seulement prévoir qu'ils auront besoin d'une maison sûre, saine et durable pour élever une famille et devenir un atout pour la société qu'on appelle le Canada?

La croissance démographique et la demande de logements dépassent la construction. On prévoit que, d'ici 2029, la population aura augmenté de 75 p. 100 en Ontario seulement. Il faudra plus de 2 milliards de dollars pour remplacer, rénover et entretenir les maisons au cours de cette période de 20 ans.

Nos recommandations pour le Sénat : il faut modifier le programme de logements sociaux d'AADNC afin que chaque logement social soit reconnu comme appartenant aux occupants des Premières Nations et non perçu comme une maison du gouvernement. Propriété sous-entend possession.

Les gouvernements des Premières Nations devront toujours fournir des logements sociaux aux nombreuses personnes qui seront physiquement incapables de répondre à leurs besoins en matière de logement. Il faut créer un programme de logement spécial pour favoriser l'aide à la vie autonome.

Il y a dans ma collectivité beaucoup de retraités. Ils n'avaient pas le luxe d'un programme d'avantages sociaux où ils travaillaient, de sorte qu'ils n'ont pas de revenu après 65 ans. Ils ne peuvent pas rester chez eux. Il faut mettre en œuvre des solutions novatrices pour les aider à subvenir à leurs besoins. C'est un véritable défi dans ma collectivité et dans de nombreuses autres.

Il y a un groupe dans ma communauté — que j'ai encore vu ce matin avant mon départ — qui accuse encore un retard après avoir vécu l'époque des pensionnats indiens. Les séquelles demeurent, quelles que soient les excuses qui ont été présentées. Ces gens n'ont pu s'instruire parce qu'on le leur en a refusé le droit. On leur a refusé l'accès à l'éducation. Ils sont toujours victimes de discrimination. J'en sais quelque chose. Mon enseignant de mathématiques à l'école secondaire m'a dit que je ne serais jamais ingénieur. C'est très blessant pour un élève de 12e année de se faire dire une telle chose, d'autant plus qu'il était également le principal de l'école.

Le gouvernement doit être fermement résolu à faire disparaître ces séquelles. Nous devons unir nos efforts à cet égard.

Il faut proposer aux jeunes familles et aux familles nouvellement formées un programme de location-achat immobilier afin d'instaurer chez eux un sentiment de fierté. S'ils éprouvent de la fierté, ils iront plus loin. Nous devons travailler ensemble. Ils doivent apprendre à planifier et à gérer un budget et concevoir le logement comme un système de propriété individuelle qu'ils doivent entretenir et dont ils doivent s'occuper.

Le programme de location sert de transition vers l'accès à la propriété. Nous offrons un tel programme dans ma communauté. C'est une responsabilité partagée, mais il faut du temps pour atteindre l'objectif visé.

Le Canada doit reconnaître les régimes fonciers conçus et mis en œuvre par les Premières Nations afin d'encourager l'accession à la propriété et de faire en sorte que le logement devienne, pour le propriétaire et la communauté, un atout plutôt qu'un fardeau.

Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent encourager le secteur privé à faire partie intégrante du programme en participant à l'octroi de prêts hypothécaires, à la perception des versements hypothécaires et à d'autres mesures qui doivent être mises en œuvre pour assurer le fonctionnement du programme. Il faut encourager et soutenir les consortiums d'autoassurés, les associations de constructeurs de maisons, les coentreprises, les coopératives d'achat massif et les systèmes de gestion de l'entretien résidentiel.

Nous pouvons le faire, mais, à mon avis, nous passons trop de temps à nous demander comment le faire. Nous avons plein de bonnes idées. Il suffit de les promouvoir. Les ententes de consultation et d'accommodements avec les exploitants de ressources naturelles doivent, et sans exception, prévoir l'obligation juridique, pour les principaux gouvernements, de consulter les Premières Nations et de les accommoder afin que le développement des ressources sur leurs territoires se fasse dans leur intérêt.

Il faudrait que les responsables du logement dans le marché destiné aux Premières Nations reprennent le Fonds pour les logements du marché destiné aux Premières Nations et créent un fonds national de crédits renouvelables destinés aux Premières Nations. Ce programme doit évoluer. Un financement adéquat est nécessaire pour soutenir les postes à temps plein dans les secteurs du logement et de l'entretien. Le gouvernement doit faire preuve de volonté et appuyer le renforcement des capacités et le perfectionnement des compétences; la gestion des logements, l'entretien; la formation sur le code du bâtiment et l'application de celui-ci; la construction, l'efficience, l'aide à la planification communautaire; la mise en œuvre d'éléments stratégiques du renforcement de la capacité et du perfectionnement des compétences afin d'atteindre l'autonomie; et le logement dans les communautés des Premières Nations qui ont besoin d'une approche axée sur des partenariats multiples — soit entre les gouvernements fédéral et provinciaux et le secteur privé — dans le but de conclure des accords de financement novateurs. Les partenariats permettent aux parties intéressées d'atteindre un objectif commun grâce à des efforts conjoints.

Pour atteindre tous ces objectifs liés au logement dans les communautés des Premières Nations, l'aide de tous est nécessaire. Les partenariats contribueront à l'atteinte de ces objectifs en aidant financièrement les Premières Nations du Nord et éloignées à avoir accès à de l'énergie propre, abordable et fiable.

Les programmes d'AADNC ne permettent pas de renforcer la capacité au sein des Premières Nations en ce qui a trait à l'évaluation et à la reddition de comptes. Ils ont plutôt créé une dépendance qui perpétue la pauvreté, un mauvais état de santé et des conditions sociales catastrophiques. On ne doit pas mesurer les progrès en fonction du nombre de choses que nous avons réalisées ou des fonds que nous y avons consacrés, mais en fonction des efforts que nous avons déployés pour améliorer la qualité de vie des peuples des Premières Nations.

Je vous remercie de m'avoir permis de présenter le point de vue de Chiefs of Ontario concernant la crise du logement dans les Premières Nations et j'espère que vous examinerez les recommandations stratégiques proposées.

Le président : Je vous remercie de votre présentation très complète. Je vois que vous y avez consacré beaucoup de travail. Je vous en suis très reconnaissant.

Chers collègues, les notes d'allocution du chef Shining Turtle ne sont accessibles qu'en anglais. Nous avons également celles des deux autres témoins de ce soir. Accepteriez-vous que les notes ne soient distribuées qu'en anglais? Le comité accepte-t-il?

Des voix : D'accord.

Le président : Merci. Malheureusement, elles sont distribuées après la présentation. Espérons qu'elles vous seront utiles lorsque vous poserez des questions.

Je propose que nous entendions également les témoignages de Mme Banks et de M. Maracle avant de passer aux questions. Êtes-vous d'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : Nous ferons circuler leurs notes également. On est en train de les distribuer.

Mme Banks, voulez-vous commencer?

Tammy Juszczynski Banks, coordonnatrice des projets d'immobilisations, Première Nation de Curve Lake : Bonsoir. Je me nomme Tammy Banks, je fais partie de la Première Nation de Curve Lake et je suis coordonnatrice des projets d'immobilisations et immobiliers pour Curve Lake. Je suis honorée et j'aimerais vous remercier de m'avoir invitée à parler des infrastructures et du logement à Curve Lake.

Je vais présenter un simple aperçu des problèmes qui se posent dans ma Première Nation. J'aimerais reconnaître respectueusement le territoire algonquin sur lequel nous vivons. Je ne veux en aucun cas parler au nom de toutes les Premières Nations. Je veux plutôt parler de mon expérience et des défis à relever dans ma Première Nation. À mon avis, le chef Shining Turtle a abordé les problèmes propres à la plus grande partie de l'Ontario. Je ne suis pas une experte dans ce domaine. Je suis simplement quelqu'un qui veut parler de Curve Lake et des défis que nous avons à relever en matière d'infrastructure et de logement.

Curve Lake est une petite communauté du Sud de l'Ontario qui compte une population approximative de 2 177 membres. Nos membres vivant dans la réserve habitent dans 300 et quelque habitations situées sur le territoire de la Première Nation. Nous sommes situés sur une péninsule, ce qui constitue en soi une source de défis.

Nous sommes un peu à l'écart, mais néanmoins à moins d'une vingtaine de minutes d'un milieu urbain. Je suis convaincue que les personnes qui ont suivi l'actualité au cours des deux dernières années ont entendu parler des problèmes de logement qui touchent les Premières Nations. Nous n'échappons pas à cette réalité. Nous avons notre part de difficultés dans ce domaine, mais Curve Lake peut compter sur un leadership remarquable, une bonne gouvernance et des membres intelligents et avant-gardistes. Nous sommes souvent cités comme exemple pour nos méthodes reposant sur des pratiques exemplaires.

En tant que membre, je suis fière des programmes de logement que nous gérons. Nous avons un fonds de crédit renouvelable pour les nouvelles habitations et nous sommes en mesure d'offrir des hypothèques à nos membres. Nous avons également un fonds de rénovation pour les urgences et nous avons recours au programme de l'article 95 de la SCHL pour certaines maisons appartenant à la bande de même qu'au programme de garanties d'emprunt ministérielles de l'article 10. Enfin, nous avons récemment adhéré au Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières Nations, mais nous ne nous sommes pas encore prévalus de ses services.

Nous offrons ces programmes, mais nous sommes limités par notre assise territoriale. Nous commençons sérieusement à manquer de terrains. S'il est facile d'acheter des terres à l'extérieur du territoire, sur celui-ci, les choses se compliquent. Nous avons acheté des propriétés autour du territoire et avons attendu et fait des démarches pendant 11 ans pour les faire ajouter au territoire actuel de la réserve par l'entremise du très long processus d'ajout aux réserves. Nous travaillons activement avec le personnel d'AADNC afin d'accélérer le dossier.

Nous avons nos défis, comme toute autre Première Nation du Canada. La Loi sur les Indiens a établi un système raciste qui fait de nous des locataires des propriétés appartenant à la Couronne et dans le cadre duquel nous sommes traités différemment des autres Canadiens en raison de notre race. À cause de la loi, notre principal bailleur de fonds est AADNC. Les formules de financement et les plafonds de financement en vigueur, conjugués à l'absence de nouveaux investissements dans les immobilisations et les infrastructures, nous empêchent d'avoir ce que tous les autres Canadiens tiennent pour acquis. Proportionnellement, les fonds sont insuffisants pour répondre à nos besoins.

Nous sommes en concurrence avec les autres Premières Nations pour obtenir du financement pour les grands projets d'immobilisations. AADNC affirme que son objectif consiste à faire en sorte que les personnes qui vivent sur les territoires des Premières Nations aient accès à des services d'infrastructure de base dont la qualité est comparable à celle des services que les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que les administrations municipales offrent aux autres Canadiens. Nous voulons simplement que nos enfants puissent bénéficier des mêmes avantages que tous les autres habitants du Canada.

Pour avoir des logements sûrs, de bonnes routes sécuritaires, de l'eau potable et de l'électricité ainsi que pour aménager le territoire, il faut obligatoirement des infrastructures. La combinaison de tous ces facteurs se traduit par des maisons sécuritaires pour nos enfants et des assises solides pour assurer la réussite de nos initiatives économiques.

La Première Nation Curve Lake est entourée d'eau et nos puits dépendent directement de la nappe phréatique. Cette situation pose des difficultés, puisque nous n'avons pas d'usine d'épuration d'eau et que nous devons nous démener pour assurer la qualité de notre approvisionnement en eau potable. De façon générale, notre eau obtient une cote de 6,8 selon un système d'évaluation fédéral qui repose sur une méthodologie douteuse. Les données que nous avons recueillies de notre côté confirment le risque élevé que représente le fait de constamment rafistoler un système d'approvisionnement en eau devenu vétuste. Nous avons une station de pompage qui alimente un certain nombre de maisons et qui a obtenu une cote de 8 selon le système d'évaluation fédéral. Nos données indiquent que nous courons des risques et que nous sommes constamment à la limite de devoir déclarer un état d'urgence pour ce qui est de notre approvisionnement en eau. Nous avons dépensé 200 000 $ au cours des deux dernières années afin d'assurer le fonctionnement de notre station de pompage et nous avons été sous le coup d'un avis d'ébullition de l'eau pendant 14 semaines au cours de la dernière année, période pendant laquelle nous avons dû faire venir de l'eau par camion. Nous sommes continuellement en train d'exercer des pressions pour obtenir du financement pour une usine d'épuration d'eau. On nous dit cependant que les besoins ont été classés par ordre de priorité et que nous ne sommes pas suffisamment hauts dans le classement pour avoir droit au financement. À l'extérieur des réserves, les familles canadiennes ont la chance de pouvoir avoir de l'eau potable simplement en ouvrant le robinet. Ce n'est pas le cas à Curve Lake; la qualité de notre eau n'est pas fiable.

Nous attendons, en nous demandant ce qui devra se produire pour que nous puissions enfin bénéficier des mêmes droits que les autres Canadiens et voir nos droits fondamentaux respectés. Nos installations sont vétustes. C'est une chance que nous puissions compter sur des employés débrouillards, qui réussissent à faire fonctionner les choses en dépit du financement, si on peut l'appeler ainsi, consacré au fonctionnement et à l'entretien.

Les compétences sont défaut. Les efforts de perfectionnement des employés et de planification de la relève sont abandonnés. Nous suivons la méthode « on rafistole et on se croise les doigts », comme l'a dit le chef Shining Turtle.

Nous disposons d'un plan de 20 ans axé sur l'infrastructure et les grands projets d'immobilisations, et d'un plan de 5 ans en matière de logement communautaire, qui bénéficie d'un certain financement gouvernemental. Les gens de Curve Lake doivent compter sur leur ingéniosité pour amasser le reste du financement requis. Nous unissons nos forces afin de régler les problèmes et les pépins qui surgissent au jour le jour. Le financement est insuffisant, je peux l'affirmer en toute honnêteté : le niveau de financement actuel ne permet pas de répondre aux besoins en matière d'infrastructure.

Nous avons un plan de lotissement. Nous y donnons suite, et notre excellent comité du logement veille à trouver des façons de financer ce projet. Toutefois, le principal obstacle consiste à financer l'infrastructure qui permettra de répondre aux besoins de nos membres en matière de logement.

J'espère que cela vous donne une idée de la région de Curve Lake et des défis auxquels elle fait face. J'ai des contacts quotidiens avec d'autres Premières Nations. Nous échangeons des renseignements et, à l'occasion, des services. Curve Lake n'est pas la seule à avoir grandement besoin d'infrastructures et de logements. J'ai pour objectif de soutenir nos enseignements et de voir à ce que la génération actuelle et les sept prochaines générations puissent bénéficier d'une infrastructure solide, sécuritaire, financée équitablement.

J'encourage respectueusement le comité à formuler des recommandations qui viendront appuyer cet objectif et faire en sorte que nous soyons traités équitablement. Meegwetch.

Le président : Je vous remercie.

Chris Maracle, à titre personnel : Je vous remercie, sénateurs, de m'avoir invité à témoigner. Je m'appelle Chris Maracle et je suis membre de la Première Nation mohawk de la baie de Quinte. J'ai travaillé dans ma communauté pendant une vingtaine d'années, trois ans comme menuisier et 17 ans à titre de directeur du logement, des parcs et de l'entretien des propriétés.

Il y a cinq ou six ans, j'ai quitté la communauté pour accepter un contrat de consultant auprès d'Affaires indiennes et du Nord Canada. Ma tâche : parcourir le Canada pour promouvoir l'accès à la propriété, l'efficacité énergétique et la planification à long terme, dans le but d'améliorer la situation du logement dans les Premières Nations.

Avant de formuler quelques suggestions et recommandations, je tiens à préciser que je parle en mon nom propre, et que je ne représente pas le chef de ma bande, ni le conseil de bande, une autre Première Nation ou quelque organisme régional que ce soit.

Cela étant dit, j'aurais quelques recommandations à vous présenter. Bien que je respecte les autres Premières Nations, je parle ici seulement en mon nom. Je crois qu'il faudrait résoudre la question du droit à l'habitation prévu par les traités.

Quand je sillonne le pays, je rencontre de nombreux dirigeants de Premières Nations aux prises avec ce défi, qui finissent par capituler et par déshonorer leurs ancêtres quand ils concluent que « oui, nous devrons obtenir un prêt et nous endetter pour payer nos maisons », alors que de nombreuses Premières Nations soutiennent que les traités prévoient un droit à l'habitation. Presque toutes les Premières Nations sont d'avis que le gouvernement a une responsabilité financière envers elles et doit les aider.

Il faut réexaminer la question des modes de propriété des terres à la lumière des besoins en matière d'accès à la propriété dans les réserves. Si vous êtes en Ontario et que vous demandez un arpentage dans le but de bâtir une maison, vous devrez payer des frais. Si le terrain se trouve dans une réserve, il faut qu'un arpenteur des terres du Canada vienne planter les jalons. Dans d'autres régions du pays, différentes méthodes peuvent suffire, par exemple le GPS, les systèmes d'information géographique ou des nouvelles technologies. Mais dans les réserves, il faut avoir recours à un arpenteur des terres du Canada, ce qui coûte très cher et prend beaucoup de temps. Par conséquent, alors que nous voulons encourager les gens à devenir propriétaires d'une maison, l'arpentage d'un lot dans une réserve coûte de 30 000 à 35 000 $.

Nous devons augmenter le financement pour les infrastructures liées au logement. Bien des gens pensent que le programme mis en œuvre aux termes de l'article 95 offre des logements gratuits, et que c'est le gouvernement qui investit cet argent. C'est le cas, mais les Premières Nations doivent rembourser cette dette. Obtenir un prêt aux termes de ce programme pour la construction de 10 habitations locatives, c'est comme gagner à la loterie. Le financement a été tellement réduit que les Premières Nations se font concurrence. Même si les Premières Nations doivent rembourser cet argent, il n'en demeure pas moins qu'obtenir l'approbation nécessaire pour recevoir ce prêt afin de construire des logements sociaux, c'est comme gagner à la loterie.

Je crois que nous sommes tous conscients des coûts sociaux liés à la pénurie de bons logements sociaux. Encore une fois, il faut se pencher sur tout cela. Je crois que le gouvernement doit appuyer plus d'initiatives comme Housing as a Business, une initiative locale élaborée ici même, en Ontario. Elle commence à s'étendre ailleurs au pays, où elle est davantage axée sur les Premières Nations, afin de promouvoir l'accès à la propriété, et d'enseigner l'idée que le logement est un moteur économique, et que l'accès à la propriété est une forme de richesse et d'investissement.

Sur ce, je vais parler de l'appui pour les initiatives éducatives. Pour la plupart des Premières Nations au Canada, le logement n'est pas considéré comme un bon investissement. L'accès à la propriété est une forme de richesse et d'investissement.

Nous savons que, chez les Premières Nations, qui sont les plus démunis de la société, l'accès à la propriété est un principe essentiel qui n'est pas inculqué aux enfants, aux parents et aux dirigeants.

Encore une fois, nous devons appuyer des initiatives. Par exemple, il y a quelques années, la SCHL a proposé une excellente initiative appelée Ma maison est mon tipi, un programme conçu pour les élèves de la maternelle à la 12e année. Ces initiatives enseignent aux enfants des Premières Nations la voie de l'avenir. Bon nombre d'entre nous sont des dinosaures qui n'apprendront pas ce principe, mais nous pouvons enseigner aux enfants ce qu'il faut faire pour aimer son foyer et en prendre soin. Ce programme offert à des élèves de divers niveaux, de la maternelle à la 12e année, enseigne l'importance du logement pour la collectivité et la famille. Ce programme — Ma maison est mon tipi — a été élaboré par des éducateurs de l'Alberta, mais il faut engager des fonds pour que chaque Première Nation au Canada puisse mettre en place un programme de ce genre, qu'on l'appelle Ma maison est mon tipi ou Ma maison est ma longue maison. Qu'il soit mis en œuvre à Haida Gwaii, sur la côte Ouest, ou sur la côte Est, il faut adapter le programme à la culture régionale. Cette initiative devrait être appuyée.

Malheureusement, il arrive trop souvent que le gouvernement adopte une initiative et l'appuie pendant un certain temps, pour ensuite changer d'approche. Ce genre d'initiative nécessite des années avant d'être bien implantée. Il ne faut pas mettre en place une initiative pour ensuite décider, au bout d'une année ou deux, de ne plus financer sa mise en œuvre dans nos collectivités.

Comme le sénateur l'a dit plus tôt, nous devons mettre en place une bonne initiative de littératie financière pour tous les membres de nos collectivités, y compris les enfants. Je ne saurais trop insister sur la nécessité d'amorcer un changement dans nos collectivités afin d'enseigner à la population l'importance de l'accès à la propriété, et de lui faire prendre conscience qu'il s'agit d'un excellent investissement. Comme on l'a dit, il faut permettre aux Premières Nations d'exercer un plus grand contrôle sur les programmes et les politiques.

Chez les Premières Nations de l'ensemble du pays, les gens ont la nette impression que toutes les décisions sont prises à Ottawa, par un grand nombre de personnes qui — sauf votre respect — n'ont jamais mis les pieds dans une collectivité des Premières Nations et n'y ont jamais ni habité, ni travaillé. Il y a un fossé énorme qui les sépare des Premières Nations.

Nous devons offrir plus d'incitatifs pour l'accès à la propriété. Qu'y a-t-il de mal à ce que les plus démunis et les bénéficiaires de l'aide sociale accèdent à la propriété? Au cours des 50 ou 60 dernières années, le gouvernement et les ministères, tout bien intentionné qu'ils soient, ont tenté d'imposer des programmes mal adaptés aux Premières Nations, qui n'ont jamais été des locataires. Au cours du siècle dernier, pendant 60 ans, on a voulu enseigner aux Premières Nations comment devenir de bons locataires en supposant qu'ils allaient peut-être devenir ensuite de bons propriétaires. Pourquoi ne pas leur enseigner tout de suite comment être de bons propriétaires, au lieu d'essayer de les obliger à être de bons locataires, ce qui n'a jamais fait partie de leur culture?

Il faut changer les attitudes dans l'ensemble du gouvernement. Les Premières Nations, le gouvernement, ils doivent tous changer d'attitude. Il y a quelques années, une des initiatives du Plan d'action économique du Canada visait à encourager l'accession à la propriété. Toute Première Nation voulant passer au modèle de propriété foncière obtenait un incitatif de 25 000 $ du gouvernement pour rénover la propriété et la transformer en propriété individuelle, en prévision du transfert de responsabilité de la Première Nation au propriétaire.

Au bout du compte, la participation au programme était inégale, ce qui a amené les gens à dire : « Vous voyez, les Premières Nations ne sont pas prêtes à accéder à la propriété. »

Le problème, d'après ce que j'ai pu comprendre quand j'ai visité les provinces de l'Ouest, c'est que les Premières Nations n'avaient pas les moyens d'effectuer des rénovations de 25 000 $ en prévision de l'accession à la propriété, mais la perception, c'est qu'elles n'étaient pas prêtes à accéder à la propriété tout court.

Il faut établir un plan à plus long terme et effectuer des investissements à long terme afin de faire en sorte que de telles initiatives ne soient pas éphémères. C'est de ça dont se plaignent les Premières Nations. Je fais beaucoup de planification stratégique pour les Premières Nations. Ils me demandent pourquoi prendre la peine d'établir un plan sur 5, 10, 15 ou 20 ans quand on ne sait même pas combien d'argent le gouvernement fédéral nous accordera l'année prochaine.

Les programmes d'apprentissage et autres dont on entend parler nécessitent tous une planification à long terme.

Sauf votre respect, dans le cadre des programmes d'apprentissage, il faut établir un ratio de charpentiers ou de plombiers agréés, mais la réalité, c'est que dans beaucoup de Premières Nations, il est impossible d'avoir quelques charpentiers agréés pour contrebalancer une dizaine d'apprentis. Il faut adopter une approche propre aux Premières Nations dans le dossier de la formation et de l'apprentissage et reconnaître que le modèle ordinaire de ratios ne fonctionne pas dans les Premières Nations.

Il faut faire plus de travail dans le domaine des communautés de rêve, prendre toutes les dispositions nécessaires pour que tous les ministères fédéraux et les programmes travaillent en conjonction avec les Premières Nations afin que les sommes suffisantes soient affectées à la formation, à l'arpentage et aux incitatifs visant à encourager l'accession à la propriété. Il n'est pas évident de tout organiser lorsque le financement est si inégal.

Cela dit, d'après mes interactions avec les Premières Nations de l'ensemble du pays ces cinq dernières années, je constate qu'elles désirent vraiment passer à l'étape suivante. Elles savent qu'elles veulent aller de l'avant, mais ne savent pas comment y arriver. Il faut assurer un financement prévisible dans de nombreux domaines, et les Premières Nations doivent avoir le dernier mot. Ce sont les Premières Nations qui devraient décider comment répartir les sommes qui leur sont consacrées, plutôt que de se faire imposer des critères par Ottawa. Je pense avoir tout dit. Merci.

Le président : Je tiens à remercier chacun d'entre vous de vos présentations réfléchies, des faits frappants que vous avez soumis, des exemples concrets que vous avez cités et des recommandations que vous avez formulées, et dont nous tiendrons certainement compte.

Avant de passer à la période des questions, je voulais dire que le comité espère visiter des collectivités de l'Ontario. Nous savons bien qu'il ne suffit pas d'entendre parler des problèmes que vous décrivez, que nous devons les voir de nos propres yeux. Notre itinéraire n'a pas encore été confirmé, mais nous voulons en priorité nous rendre dans les collectivités éloignées de l'Ontario ainsi que certaines des collectivités les plus désavantagées. Nous y reviendrons plus tard.

Avant de commencer, j'aimerais également faire savoir à mes collègues qu'à la lumière des longues présentations que nous avons entendues — et qui, vous en conviendrez, étaient très intéressantes — je me suis permis de demander aux témoins ministériels qui étaient censés comparaître ce soir de reporter leur témoignage à mardi. Si j'ai pris cette décision, c'était dans l'intérêt d'un dialogue approfondi. J'espère que personne n'y voit d'inconvénient. J'ai pris une décision exécutive. Nous avons plus de temps qu'on aurait pu le croire.

Cela dit, passons aux questions. Sénateur Tannas, la parole est à vous.

Le sénateur Tannas : Merci beaucoup. Je suis le premier.

Le président : En fait, non. J'aimerais poser une question de fond d'abord, très rapidement.

Chef Shining Turtle, vous avez parlé d'un budget pour petits projets d'immobilisation de 267 000 $. J'aimerais que vous nous en parliez davantage.

M. Shining Turtle : Avec plaisir.

Le président : Vous pouvez le donner au page. Pouvez-vous nous dire — je n'ai pas très bien compris — de quelle collectivité il s'agit?

M. Shining Turtle : La Première Nation de Whitefish River.

Le président : C'est votre collectivité, Whitefish River?

M. Shining Turtle : C'est bien ça.

Le président : Je voulais simplement préciser le contexte avant de commencer. C'est à vous, sénateur Tannas.

Le sénateur Tannas : Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins de vos observations sincères.

J'aimerais obtenir quelques chiffres concernant vos Premières Nations respectives, chef Shining Turtle et Mme Banks. Nous pourrons ainsi nous faire une idée de la situation actuelle. Il n'y a pas de motifs cachés derrière ces questions, mais plus vous répondez franchement, plus les membres du comité pourront comprendre la situation ainsi que les tendances actuelles. Vous verrez ce que je veux dire dans un instant.

Si j'ai bien compris, il y a 1 200 personnes à Whitefish River et 2 700 à Curve Lake. Combien de maisons votre réserve compte-t-elle, chef?

M. Shining Turtle : À peu près 180.

Le sénateur Tannas : Je me demande quel pourcentage de gens, dans les trois catégories de logements sociaux, ne paient pas de loyer? Quel pourcentage de locataires paient un loyer, quel qu'il soit? Et quel pourcentage de gens détiennent une maison en propre, par exemple parce qu'ils l'ont eux-mêmes construite, en assurent l'entretien, et cetera? Pourriez-vous nous donner tous les deux une idée des chiffres? Je suis conscient qu'il s'agira d'approximations.

M. Shining Turtle : Je vais vous donner une idée de la situation. J'aimerais d'abord corriger un point, par contre : il n'y a personne dans ma communauté qui habite un logement social et qui ne paie aucun loyer. Je ne suis même pas sûr qu'il y en ait ailleurs non plus. En tout cas, dans ma communauté, il n'y en a pas. Ceux qui habitent dans un logement social paient un loyer.

En fait, c'est l'administrateur du programme Ontario au travail qui distribue les allocations-logement. Le montant versé est destiné autant au logement lui-même qu'à ses occupants. C'est ce qu'on appelle un logement social chez nous. Et je dirais qu'on parle d'environ 80 ou 90 p. 100 des maisons.

Le sénateur Watt : Donc, sur 180 maisons?

M. Shining Turtle : Oui. Si les allocations d'Ontario au travail devaient cesser, je me retrouverais complètement désemparé au chapitre du logement. Je sais que le gouvernement de l'Ontario a éprouvé certains problèmes liés à la dette dernièrement. Espérons seulement qu'il n'ira pas chercher le manque à gagner dans Ontario au travail.

C'est comme ça que nous fonctionnons. Il s'agit pour la plupart de logements sociaux. Tout ce qui a trait à la SCHL et aux maisons que nous détenons en vertu de l'article 95, il s'agit exclusivement de logements sociaux. Il y a bien un programme en vertu de l'article 10, mais il n'est pas très populaire, surtout pour une question de coûts. C'est beau de s'endetter, mais encore faut-il avoir les moyens de rembourser sans s'empêcher de dormir la nuit.

Pour les autres maisons, la responsabilité est partagée : il s'agit par exemple de gens qui ont décidé d'acheter la maison qu'ils habitent. Cette option est de plus en plus populaire. Ceux qui s'en prévalent font des paiements mensuels jusqu'à ce qu'ils puissent devenir propriétaires. Hélas, c'est à partir de ce moment-là que se pose la question de l'entretien.

Toutes les maisons sont protégées par une politique d'entretien différé. C'est une bonne chose. Dans les communautés des Premières Nations, par contre, ces politiques sont souvent plus contraignantes qu'ici, au centre-ville d'Ottawa. J'espère que ma réponse vous a été utile.

Le sénateur Tannas : Oui. Diriez-vous que c'est la même chose chez vous, madame Banks?

Mme Juszczynski Banks : Non. La situation à Curve Lake est légèrement différente. Pour approximativement 977 personnes qui vivent dans la réserve, on compte plus de 300 maisons. Au total, 10 unités sont considérées comme du logement social, et nous avons pu les acquérir grâce aux fonds obtenus en vertu de l'article 95. On compte 108 hypothèques en tout et pour tout.

Curve Lake dispose d'un fonds de crédit renouvelable, ce qui nous permet d'offrir des prêts hypothécaires à nos membres. L'argent ainsi reçu retourne dans le fonds de crédit renouvelable. Nous avons même réussi à atteindre les cibles que nous nous étions fixées en matière de propriété. Les choses bougent à Curve Lake.

Le sénateur Tannas : Je vous remercie.

Le président : À ce propos, à combien s'élèvent en moyenne les paiements hypothécaires? Le montant varie-t-il en fonction des revenus?

Mme Juszczynski Banks : Effectivement. Nous octroyons un prêt à trois personnes par année, et comme le montant des paiements varie selon les revenus, ceux qui reçoivent de l'aide sociale ne sont pas admissibles. Ce n'est pas du tout la même chose. Notre approche est fondée sur les lois du marché, grâce au fonds de crédit renouvelable dont je parlais à l'instant.

Nous avons déjà consenti des prêts hypothécaires de 80 000 $. À ce prix-là, les maisons n'étaient pas achevées. Nous avons donc rehaussé la barre à 100 000 $, puis à 130 000 $. Et même à 130 000 $, on peut à peine achever les travaux. Nous chargeons aussi de l'intérêt. En moyenne, les versements hypothécaires s'élèvent à 666 $ par mois. Pour ceux qui obtiennent le nouveau montant de 130 000 $, je crois me rappeler que les versements sont d'environ 800 $ par mois.

Le sénateur Watt : Les maisons dont vous parlez sont-elles situées dans la partie sud ou nord de votre Première Nation? Vous avez parlé de 666 $, puis de 800 $. À quel endroit sont situées ces maisons?

Mme Juszczynski Banks : Les personnes qui ont contracté un emprunt hypothécaire de 100 000 $ ont des paiements mensuels de 666 $, tandis que, pour ceux qui ont contracté un emprunt de 130 000 $, le versement mensuel dépasse les 800 $. Tout dépend des revenus.

M. Shining Turtle : Grâce au programme de la SCHL en vertu de l'article 95, nous avons décidé à l'interne de ne pas dépasser un certain montant, parce que nous connaissons les revenus de nos gens. Sauf erreur, je crois que nous avons quatre unités à 500 $ par mois. Les autres varient de 300 à 400 $ par mois. Nous avons fait une enquête afin de savoir ce que les gens ont les moyens de se payer tout en réussissant à acheter de quoi manger et se vêtir et payer les factures d'électricité et autres. C'est le calcul que nous avons fait.

La taille des unités varie elle aussi. Les personnes qui sont prêtes à payer 10 000 $ par mois vont évidemment avoir accès à une unité plus grande. Tout est fonction de ce que les gens peuvent payer. On ne peut pas se permettre que les gens tombent en défaut de paiement, parce que c'est chez nous que la facture aboutirait. Il faut atteindre un délicat équilibre. Il y a beaucoup de choses à considérer quand on détermine les taux, parce qu'on veut que les gens remboursent ce qu'on leur prête.

Si la plupart des gens tombaient en défaut de paiement, c'est la bande qui devrait assumer les coûts. Les ententes que nous signons avec la SCHL permettent à cette dernière de piger directement dans les 267 000 $ du programme, qui est prioritaire. Je me demande tous les soirs si telle ou telle personne ne fera pas défaut, parce que si les défauts de paiement sont trop nombreux et que les banques réclament leur dû, Affaires indiennes va annuler le plan de petits projets d'immobilisations, l'argent pour les logements sociaux puis le soutien financier à la bande. C'est ce qui risque d'arriver si les gens ne remboursent pas.

Le sénateur Watt : Autrement dit, c'est vous qui devez payer?

M. Shining Turtle : Oui, c'est la bande qui doit payer la note. Même si les gens sont partis et ont été remplacés par d'autres, quelqu'un doit tout de même payer l'argent qui est dû. C'est comme cela que les choses fonctionnent.

Le président : Madame Banks, vous avez indiqué que vous êtes en train de mettre en place un programme d'accession à la propriété. Est-ce que cela signifie que les gens sont prêts à faire des paiements hypothécaires mensuels?

Mme Juszczynski Banks : Oui, ils le sont.

Le président : Pourriez-vous nous dire comment vous y êtes parvenus parce que, d'après ce que nous avons entendu, cela ne se produit pas dans toutes les collectivités.

Mme Juszczynski Banks : Oui, c'est bien vrai. C'est pourquoi je dis que la Première Nation de Curve Lake n'est pas représentative du reste des Premières Nations. Nous avons dû faire preuve d'une certaine ingéniosité. Il y a des années, un fonds de crédit renouvelable a été mis sur pied. Un peu d'argent y a été investi, et les membres ont remboursé le capital et les intérêts afin que nous puissions offrir plus d'hypothèques. Je pense que le montant à l'époque était de 19 200 $. Il paraît qu'il a augmenté de 200 $ depuis les années 1960, mais une somme de 19 800 $ est loin de couvrir le coût de construction d'une maison. C'est pourquoi la Première Nation de Curve Lake a trouvé de nouveaux moyens d'en construire. C'est de cette façon qu'était né le fonds de crédit renouvelable.

Le prêt hypothécaire que nous offrons est fondé sur les estimations du consortium de construction quant aux coûts de construction d'une maison dans notre région. Actuellement, puisque nous sommes dans le Sud de l'Ontario, nos coûts sont un peu plus bas. Nous avons accès à une région urbaine, Peterborough. Le coût est d'approximativement 125 $ le pied carré. Nous sommes en mesure d'offrir des hypothèques à nos membres pour leur permettre de construire une maison. Nous ne construisons pas de grandes maisons, mais des maisons individuelles de trois chambres à coucher.

Le sénateur Watt : Qu'en est-il de l'assurance? Que faites-vous à propos de l'assurance sur les infrastructures dont vous héritez?

M. Shining Turtle : Nous souscrivons une police globale qui assure tous les biens de la communauté.

Le sénateur Watt : C'est la communauté, le conseil de bande, qui paie?

M. Shining Turtle : Oui.

Le sénateur Watt : Qu'en est-il des taxes municipales? Comment les gérez-vous?

M. Shining Turtle : Nous n'avons pas de taxes municipales. Voici le problème que nous avons en ce qui concerne les assurances : nous assurons le logement, mais pas ce qu'il contient.

Le sénateur Watt : Qu'assurez-vous?

M. Shining Turtle : Nous nous assurons le logement, mais pas ce qu'il contient. Nous assurons l'enveloppe au prix coûtant, c'est prévu dans le programme de logements. Mais c'est le propriétaire qui est responsable des biens à l'intérieur. Dans notre communauté, il est obligatoire d'assurer ces biens, et c'est source de conflits.

Le sénateur Watt : Revenons à la question des taxes municipales. Je suppose que c'est quelque peu différent dans ma région, parce que les taxes municipales visant les infrastructures liées à l'eau potable et aux eaux usées sont payées par la communauté, et il s'agit d'un montant d'ordinaire très élevé. Si je comprends bien, puisque vous n'assumez pas ces frais, il n'y a pas de taxes municipales.

M. Shining Turtle : Non.

Le sénateur Watt : Qui assume ces coûts? Le gouvernement fédéral?

M. Shining Turtle : C'est compliqué. En résumé, le gouvernement paie jusqu'à 80 p. 100 des frais d'exploitation et de maintenance d'une installation. En ce qui concerne les stations d'épuration des eaux, ce pourcentage peut passer de 80 à 90 p. 100. La bande doit trouver un moyen de payer les 10 p. 100 qui restent. Il n'existe aucune formule établie pour ce faire. C'est laissé en suspens. Ce qu'on appelle des « frais d'utilisation » ont été établis. Parfois des frais sont exigés, parfois non. Des frais d'utilisation sont demandés pour l'eau. Nous n'avons pas de système de traitement des eaux usées; nous avons plutôt un réseau de fosses septiques. Nous payons un montant X pour les fosses septiques, et chaque propriétaire contribue pour pouvoir utiliser l'eau. Chaque situation est différente.

Le sénateur Watt : Votre collectivité procède plus ou moins de la même façon.

Mme Juszczynski Banks : C'est exact. Il y a des frais d'utilisation en lien avec notre usine de traitement de l'eau; et c'est ainsi que c'est censé fonctionner. Nous avons assuré les actifs de notre bande — à savoir le centre communautaire, le centre des ressources, l'église et le bureau de la bande — contre les risques, notamment les risques environnementaux. Nous assurons tous ces actifs. Nous assurons également les actifs que nous louons à des tiers. Le bail stipule que les locataires doivent assurer leurs biens. C'est la même chose dans notre Première Nation. L'actif doit être assuré, c'est l'une des conditions liées à l'obtention de l'hypothèque.

M. Shining Turtle : Si, comme nous, vous faites affaire avec la SCHL, vous savez que cette dernière exige que l'actif soit assuré. Sans assurance, elle ne vous prête pas d'argent. Il faut lui fournir le certificat d'assurance.

Le sénateur Watt : Qu'en est-il des subventions? Le gouvernement accorde-t-il des subventions, outre celles que vous avez mentionnées?

Mme Juszczynski Banks : Outre la SCHL, non.

M. Shining Turtle : Non. Si vous en trouvez une, contactez-moi. J'en serais très heureux. Actuellement, la réponse est non.

Le sénateur Watt : C'est pour cette raison que je pose la question.

Le président : Vous avez inscrit le financement alloué par le gouvernement sur la feuille que nous faisons circuler.

M. Shining Turtle : Oui.

Le président : D'accord.

Le sénateur Meredith : M. Turtle, je suis encore sous le choc. Nous sommes en 2014. Certaines collectivités des Premières Nations ont fait des progrès, alors que d'autres doivent toujours composer avec des infrastructures inadéquates.

Je sollicite votre avis, en tant qu'ingénieur. Elles n'ont pas de routes, pas d'électricité et pas de système de traitement des eaux usées, mais on s'attend à ce que les Premières Nations aient des logements convenables. Pourquoi les Premières Nations ne se sont-elles pas dotées d'un plan d'urbanisme, d'un plan de logement ou d'un bon plan d'infrastructure pour assurer la durabilité de ces logements après leur construction? J'aimerais avoir votre avis à ce sujet. Ensuite, je vous poserai une question concernant les pratiques exemplaires et comment vous les partagez avec d'autres collectivités des Premières Nations.

M. Shining Turtle : J'ai une anecdote à vous raconter. On m'a demandé d'aller à Webequie, un village accessible uniquement par avion. La population avait un problème de gestion des déchets. J'étais le petit nouveau. On m'a dit de prendre l'avion de Thunder Bay, et de me rendre au village pour savoir ce qui n'allait pas. Zélé, j'embarque à bord de l'avion pour me rendre à Webequie. Pendant l'approche, je remarque que le village est situé sur une péninsule, une pointe entourée par les eaux d'une grande rivière, la rivière Winisk, si je ne m'abuse. En arrivant, au volant de ma voiture, j'aperçois aux abords du village une énorme quantité de déchets. Nous sommes en mars, il fait donc froid. Je me rends dans le village pour rencontrer le directeur de l'entretien. Après avoir échangé quelques mots, je lui dis : « Vous nous avez demandé de l'aide pour un problème de gestion des déchets. »

Le ministère des Affaires indiennes a la manie de tout répertorier chez les bandes, ce qui a donné naissance à quelque chose qu'on appelle le Répertoire des biens immobiliers, le RBI. Je n'ai pas une très bonne mémoire, mais je me souviens de cela. Comme je le disais, le ministère des Affaires indiennes répertorie tous les biens sur la réserve, et il les a à l'œil. Je prends donc mon petit formulaire RBI, comme celui que je vous ai donné, et je constate qu'il y a un site d'enfouissement financé par le ministère des Affaires indiennes. Le directeur me dit : « Oui, nous avons un site d'enfouissement. » Ce à quoi je réponds : « Alors Charlie, quel est le problème? » Il me dit : « Voulez-vous voir le problème? » Je lui réponds : « Absolument. »

La température s'était adoucie, il faisait plus chaud, nous nous sommes donc rendu jusqu'au site d'enfouissement. Nous y sommes allés ensemble. Nous avons garé la voiture et avons commencé à marcher. Le site était situé à environ un kilomètre de la route. En marchant, j'ai commencé à remarquer certaines choses. J'ai dit : « Je ne vois pas d'emprise, de chemin de tolérance. » Il y avait des arbres qui avaient été abattus, comme si un bulldozer était passé par là. Une fois sur place, j'ai vu que le contacteur avait construit la décharge. Il y a une clôture et des déchets. Les déchets étaient censés être enfouis, mais il y en avait tout autour. Puis, j'ai remarqué un bulldozer stationné sur un côté, il penchait d'un côté, à moitié enfoncé dans le sol.

Je sais peu de choses de la mécanique des sols, même si j'ai suivi environ quatre cours sur le sujet pendant mes études en génie. C'est une science difficile. J'ai commencé à poser des questions. J'ai demandé ce qui était arrivé au bulldozer. Le directeur m'a répondu : « Oh, nous sommes situés dans une zone de pergélisol. L'entrepreneur l'a laissé ici, car il ne peut pas le rapatrier. » Le village est accessible uniquement par avion. Il n'y a aucun moyen de sortir le bulldozer de là. Il est resté sur place, et il finira par s'enfoncer.

Je lui ai ensuite demandé s'il pouvait me dire ce qui se passait, car il semblait savoir ce qui se passait. Il m'a dit : « C'est vrai, le ministère des Affaires indiennes a construit un beau site d'enfouissement. Ils ont simplement omis de construire une route. Quand le temps se radoucit, on ne peut aller y porter les déchets. » Voilà le problème.

Dites-moi donc à qui l'on doit un pareil manque de planification. On nous dit que nous ne savons pas ce qu'il faut faire, car nous sommes de petits Peaux-Rouges de la forêt. Le gros éléphant blanc d'ici nous dit de ne pas bouger, qu'il va tout prendre en main. J'étais en colère. Rien que d'y penser me met en colère. Je suis revenu, j'ai rédigé et remis mon rapport. Il a disparu dans les limbes. Il n'y avait pas de route. Comment cela peut-il échapper à quelqu'un? On dit ensuite que ce sont les Indiens qui empilent leurs déchets. Ce n'est pas qu'ils veulent les empiler. Ce n'est pas ce qu'ils voulaient faire. Ils se sont simplement débrouillés comme ils l'ont pu. Il fallait créer un lien routier, mais cela n'avait pas été fait. J'ai vu beaucoup de situations de ce genre. C'est du passé maintenant.

Une fois, l'on m'a dit : « Franklin, il faudrait aller à ce village pour aider la communauté. » C'était un tout nouveau village. Si l'on remonte son histoire, on apprend que l'église a fait des ravages au sein de la population. Le ministère des Affaires indiennes leur a construit un nouveau village, avec le concours de la compagnie d'hydroélectricité et de tous les autres. La péninsule est magnifique. J'y suis allé. On m'a dit : Franklin, ils ont des problèmes d'égouts là-bas. Il faudrait aller voir ce qui se passe. Je crois qu'ils ont besoin d'un nouveau camion de transport des eaux usées. » J'ai repris l'avion. Je n'ai pas les cheveux gris. À mon arrivée, j'ai parlé à la personne qui s'occupe de l'entretien. Je lui ai dit : « Il paraît que votre camion de transport des eaux usées a un problème. » Il m'a dit : « En effet. Venez voir, je vais vous montrer. »

Je vais revenir à cette péninsule et à la mécanique des sols. Le sol est constitué d'argile, ce qui pose son lot de problèmes. En effet, on ne construit pas d'installations septiques sur de l'argile. C'est ce que j'ai appris à l'école. Or, tous ces systèmes ont été construits sur de l'argile. On a approuvé la construction de ce quartier à cet endroit. J'ai dû signer ce document ridicule pour que le ministère des Affaires indiennes accorde de l'argent. Je vous prie de m'excuser si je m'emporte. C'est ce que je constate. C'est un très beau quartier.

Donc, cet homme me montre ce qui se passe à cet endroit. C'est le printemps. Que se passe-t-il au printemps lorsque le sol est constitué d'argile et qu'il y a dégel? Vous avez déjà marché dans la boue avec des bottes? Eh bien, cet homme recule son camion pour vider une fosse septique. Il reste pris et ne peut plus sortir de là. Où va-t-il trouver un autre véhicule qui pourra sortir son camion à moitié plein de ce bourbier? Je vous rappelle qu'il s'agit d'une collectivité éloignée accessible uniquement par avion. Personne n'a pensé à mettre du gravier sur cette route. Le problème, ce n'est pas le camion de vidange de fosses septiques. Qui s'est occupé de la planification? Ce ne sont pas les membres de la collectivité. On leur a expliqué comment on réaliserait ce projet pour eux. Ils n'avaient pas l'intention que ce soit un échec. C'est ça, la situation.

Savez-vous ce qu'ils ont fait au bout du compte? Je me suis fait enguirlander par les femmes, car personne ne pouvait plus tirer la chasse d'eau des toilettes à cause de ce que les hommes ont fait. Les femmes m'ont dit : « Écoutez, je dois laver les enfants et faire en sorte qu'ils puissent aller à l'école. » Vous savez ce que les hommes ont fait? Ils ont pris des mesures novatrices. Cette année, ils ont utilisé une chose appelée... quel est le nom déjà? Au lieu d'utiliser des réservoirs en béton, ils ont utilisé de la fibre renforcée. C'était une idée vraiment brillante. Ça a très bien fonctionné, car les hommes pouvaient prendre un marteau, l'utiliser pour frapper dessus et débloquer le tout. Devinez où ces eaux usées se sont retrouvées? Eh oui, dans les fossés. Par contre, ils pouvaient tirer la chasse d'eau. On m'a appelé pour que j'aille constater un problème de santé là-bas. Lorsque nous avons vérifié les fossés, qu'avons-nous constaté? Qu'ils étaient remplis de vous savez quoi. Les enfants jouaient là-dedans, de jeunes enfants. J'en avais mal au cœur. Et ce sont eux qui ont eu droit aux reproches.

Le sénateur Meredith : Décrivez-nous la situation actuelle, chef Shining Turtle?

M. Shining Turtle : Elle n'a pas tellement changé, parce qu'il n'y a aucun mécanisme de contrôle. C'est du copié- collé. Que suis-je censé faire avec ces 267 000 $? Bâtir une seule maison? Et je suis censé prétendre que le ministère m'appuie dans mon excellent travail? Ce n'est pas de la planification. Nous avons de très bons plans. Ils ne peuvent tout simplement pas durer. Je viens tout juste d'élaborer un plan d'immobilisation et de le faire approuver. J'en parlais justement à mes collègues ici présents. Ce sont de très bons plans. Au conseil, on m'a dit : « Oh, c'est merveilleux, Frank. Voilà comment nous allons progresser au cours des 20 prochaines années. »

J'ai répondu : « Je veux vous montrer des chiffres qui m'ont beaucoup dérangé. Vingt millions de dollars seront nécessaires. D'où proviendra 94 p. 100 de ce montant? De nos propres poches. J'ignore où nous trouverons cet argent. D'après le ministère des Affaires indiennes, il s'agit de fonds non essentiels. » C'est leur nouvelle façon de dire : « On ne finance pas cela, Charlie. Trouve l'argent toi-même. » Le ministère couvrira peut-être le reste au cours des 20 prochaines années, à hauteur de 4,5 millions de dollars. Je sais calculer. Je ne suis pas stupide. J'y vois clair. Il ne s'agit pas là d'un investissement important. Pardonnez-moi, mais je considère que le ministère refuse de faire les investissements qui lui reviennent. Il fait l'annonce de gros investissements. Je vous ai montré une lettre où l'on dit : « Oh, nous prévoyons 155 millions de dollars sur 10 ans pour les infrastructures dans 633 Premières Nations. » Faites la division. Ils ne cessent de me dire : « C'est 155 millions de dollars, Franklin, vous devriez être content. Quel est ton problème? Nous faisons un excellent travail. » Pas si je divise le montant, qui est censé couvrir tous les différents éléments. J'ai écrit à Joe Oliver. J'ai fait circuler la lettre, que je vous invite à lire. Elle est dure, mais lisez-la quand même. Tous ces autres éléments. Nous avons des plans extraordinaires, de l'ingéniosité et de la créativité. En définitive, ce qui nous manque, c'est un partenaire qui croit en nous.

Le sénateur Meredith : Merci.

M. Shining Turtle : Je suis désolé.

Le sénateur Meredith : Ça va. Votre passion est la bienvenue. Nous voulons que notre rapport d'étude sur vos collectivités donne l'heure juste et montre que les choses doivent changer.

Il est important que vous nous parliez franchement lors des audiences du comité pour que nous puissions relater avec justesse votre message. Je vous suis reconnaissant.

Monsieur Maracle, vous avez parlé de l'abandon, par les Premières Nations, de la perception du logement comme étant un droit conféré par les traités, et que le gouvernement doit se pencher là-dessus. Que voulez-vous dire au juste?

M. Maracle : Je ne suis pas en train de dire que les Premières Nations n'ont pas de droit au logement conféré par les traités. Je dis simplement que dans plusieurs Premières Nations, on estime que les traités confèrent un droit au logement. Nous sommes donc dans une impasse. Les Premières Nations soutiennent qu'il s'agit d'une responsabilité fédérale, le gouvernement fédéral soutient que c'est au nom de la conscience sociale qu'il verse des fonds, et ainsi de suite. Il faut faire quelque chose, car de nombreuses Premières Nations ne progresseront pas tant que cela ne sera pas résolu.

Quoi qu'il en soit, nous croyons tous qu'il y a une responsabilité fiduciaire. Dans ma collectivité, nous avons toujours estimé que le gouvernement fédéral a une responsabilité fiduciaire.

Le sénateur Meredith : Madame Banks, vous avez parlé des progrès que vous avez réalisés en créant un mode de financement permettant à vos collectivités d'obtenir des prêts hypothécaires. Avez-vous fait part de votre réussite aux autres Premières Nations? Quelle a été leur réaction à l'égard de ce que vous avez accompli dans votre collectivité? Nous parlons de ce qui tourne mal, mais parlons un peu des éléments positifs et des prochaines étapes. Si vous pouviez développer votre idée, je vous en serais reconnaissant.

Mme Banks : Certainement. Nous sommes toujours disposés à aider les autres Premières Nations qui nous approchent pour savoir quelles sont nos meilleures pratiques, ce que nous faisons de mieux. Mon chef et mon conseil m'ont toujours incitée à communiquer avec les autres Premières Nations.

Nous pouvons compter sur une ressource inestimable. Ken Jacobs, de l'organisme Housing as a Business, dont nous avons déjà parlé, est membre de la Première Nation de Curve Lake. Il parcourt le pays pour essayer d'aider d'autres Premières Nations. Il est un atout précieux pour nous et, comme je l'ai déjà mentionné, nous avons un excellent comité du logement. Certains des membres les plus âgés du comité ont lancé ce programme. Moi, je suis arrivée assez récemment; je ne travaille avec la Première Nation que depuis cinq ans environ. Je travaille dans le domaine du logement des Premières Nations depuis de nombreuses années, mais dans ce poste-ci seulement depuis cinq ans. Les choses ont évolué. Nous avons de très bonnes ressources et nous sommes toujours disposés à en faire profiter d'autres Premières Nations.

Le sénateur Sibbeston : J'aimerais savoir combien de nouvelles maisons vous avez construites au cours, disons, des cinq dernières années. Je sais que vous avez un budget de 267 000 $, ce qui ne comprend aucune somme pour le logement comme tel. Recevez-vous de l'argent du gouvernement pour bâtir un certain nombre de maisons chaque année? Combien?

M. Shining Turtle : Tout cela a complètement changé. Le programme de la SCHL — et M. Jacobs en a parlé avec éloquence — crée de la concurrence. Pour Whitefish River, s'améliorer équivaut à se pénaliser. Je ne sais pas ce qu'il en est de Curve Lake et des autres.

Si vous améliorez votre situation relativement au logement, lorsque vous passez par le système de priorisation de la SCHL qui détermine qui est admissible, tant pis pour vous, vous ne vous qualifiez plus. Vous allez devoir attendre, parce qu'il y a d'autres priorités à Pikangikum, à Cat Lake et dans d'autres collectivités des Premières Nations. Chaque classement établi par le ministère des Affaires indiennes pour ce qui est de l'infrastructure et du logement est une affaire de priorités. Les Premières Nations qui ont de bons résultats s'excluent elles-mêmes du système.

Curve Lake ne peut rien obtenir, ma communauté non plus. Nous avons très bien fait au sens des programmes de la SCHL : nous avons construit 80 maisons et accueilli une centaine de personnes. Savez-vous ce que nous avons obtenu la dernière fois? Rien. J'ai un lotissement de 18 terrains qui sont vides depuis trois foutues années. Je voudrais bien être capable d'aider des familles, mais je n'arrive pas à me classer assez haut dans le système de priorités parce que nous avons pavé notre route. Je regrette de l'avoir fait. J'aurais dû mettre le feu là-dedans. Je n'aurais pas dû construire cette route. J'aurais dû aller à Webequie et suivre leur façon de faire.

Voilà le problème : on est pénalisé. C'est de plus en plus difficile d'obtenir quoi que ce soit, alors il faut faire preuve de créativité, mais on ne reçoit aucune aide. Nous avons d'excellentes idées et nous avons vu ce qui se fait à Curve Lake. Nous suivons ce qu'ils font depuis des décennies.

Prenez la situation sous un angle géographique; ce n'est pas si simple. On ne peut pas affirmer que ce qui fonctionne au centre-ville d'Ottawa va aussi fonctionner à Windsor. Ça ne rendrait pas service aux gens de Windsor. J'ai traversé la ville en voiture, j'ai vu comme vous avez de belles fleurs ici. Je ne pourrai jamais faire pousser une seule fleur par chez moi, mais vous, grâce à ce petit endroit où nous nous trouvons actuellement, vous pouvez avoir toutes les fleurs que vous voulez et tous les policiers dont vous avez besoin. Mais ce n'est pas la même chose à Windsor, et ce n'est certainement pas la même chose à Whitefish River.

Votre économie est différente. C'est le siège du gouvernement, ici. Évidemment que votre ville doit être belle. Sauf que vous tenez tout ça pour acquis. Quand les tulipes vont fleurir, vous allez être tout contents. Vous pensez qu'il y a des tulipes qui poussent par chez moi? Bien trop cher. Il y a quelqu'un qui doit payer pour ça. C'est bien joli, par ici. Mais ça, c'est votre économie. Le gouvernement et le Parlement ont créé cette économie, et vous pouvez vous payer de belles tulipes et un jardinier pour en prendre soin et toutes les autres choses de ce genre. Pensez-vous qu'on peut se payer la même chose dans le nord de l'Ontario? Jamais de la vie. C'est ça, la réalité. Ça a beau fonctionner ici, ça ne marchera pas ailleurs.

Mais parce que les édifices du gouvernement sont ici et que vous vivez dans cette économie, c'est la situation. Votre structure est différente ici à cause de votre indice économique. D'où je viens, il y avait trois pieds de neige. J'arrive ici et on dirait qu'il n'a pas neigé depuis deux semaines. Il y a des différences régionales. Il faut en tenir compte. Ce n'est pas si facile. Il ne faut pas vivre avec des œillères.

Pensez à vos facteurs économiques. J'aimerais bien que l'édifice où nous nous trouvons soit situé à Whitefish River pour que nous puissions profiter des retombées économiques, mais ça, ce n'est pas pour aujourd'hui. Mais pour vous, pour les gens de Nepean et d'ailleurs aux alentours, ça fonctionne. Vous tenez tout ça pour acquis. Vous vous y êtes habitués. C'est comme ça, c'est tout.

Mais pour nous autres de l'extérieur, c'est différent. Nous sommes les exclus qui doivent emprunter en vertu de programmes sociaux conçus pour échouer. Désolé. Merci.

Le sénateur Sibbeston : Madame Banks, combien de maisons avez-vous bâties dans votre collectivité au cours des dernières années?

Mme Banks : Depuis cinq ans, nous en avons trois par année, donc disons une douzaine au cours des dernières années.

Le sénateur Sibbeston : Il y a quelques années, le gouvernement fédéral a promulgué la Loi sur la gestion des terres des premières nations, qui permet aux Premières Nations de créer des lotissements et de gérer leurs terres afin que des maisons puissent être construites. Connaissez-vous ce programme en Ontario? Savez-vous s'il existe, s'il est utilisé? Je parle de la Loi sur la gestion des terres des premières nations.

M. Shining Turtle : Oui, on a essayé de nous vendre ce système. On en a parlé, pas vrai? Je sais que, dans ma collectivité, nous l'avons examiné, mais il y a trop d'éléments résiduels qu'il faut accepter pour que ce soit vraiment viable. Ce n'est pas aussi simple que ça en a l'air. Il faut très bien lire les dispositions. Nos avocats, qui nous conseillent régulièrement sur des trucs de ce genre, nous disent de faire très attention.

Quand nous signons ces accords de contributions, nos comptables et nos avocats nous disent tous que nous ne devrions pas les signer. C'est dommageable à ce point-là. Sauf que si nous ne les signons pas je ne peux pas envoyer l'autobus chercher nos enfants pour les amener à l'école. C'est plutôt difficile comme situation.

Certaines nations ont réussi à bien utiliser la Loi sur la gestion des terres des premières nations, mais pas nous. Merci.

M. Maracle : Je recommanderais au comité d'envisager des échéanciers pour que les Premières Nations adhèrent à la Loi sur la gestion des terres des premières nations. Ce n'est pas aussi simple que dire : « Voilà, c'est ce que vous devez utiliser. » Il peut y avoir beaucoup d'obstacles à surmonter. Je vous recommande d'obtenir davantage de renseignements du point de vue des Premières Nations. Est-ce que telle ou telle Première Nation veut s'engager dans cette voie? À quoi pourrait ressembler l'échéancier?

Le sénateur Sibbeston : Madame Banks, avez-vous de l'expérience à cet égard?

Mme Banks : Un peu. Le chef Shining Turtle a parlé des accords de contributions, qui nous permettent de recevoir de l'argent, en quelque sorte. Le programme existe, mais ce n'est pas vraiment mon domaine. Nous avons un gestionnaire des terres qui s'occupe de cela. C'est assez nouveau pour nous. Je n'ai pas assez d'expérience dans le domaine pour en dire vraiment plus.

La sénatrice Raine : Nous savons que les Premières Nations ont des défis immenses à relever, surtout dans les régions éloignées où il n'y a pas d'économie à proprement parler. Comment les habitants peuvent-ils rester dans ces localités? Comment garder une communauté ensemble s'il n'y a pas d'économie? Je suis sûre qu'il y a beaucoup de gens qui réussissent bien à l'école et qui finissent par partir pour de bon.

Comment faites-vous pour maintenir les liens et garder la communauté vivante dans de telles situations? La réponse est-elle de construire plus de maisons pour que ces gens reviennent même s'il n'y a pas d'économie, ou existe-t-il une façon de loger les gens — le noyau qui veut rester — tout en ayant de la place pour ceux qui voudraient venir en visite et faire partie de la communauté?

Est-ce que les membres de votre communauté qui partent reçoivent de l'aide pour se loger lorsqu'ils s'en vont là où leur travail ou leur carrière les mène? Comment est-ce que cela fonctionne?

Ceux qui quittent leur région pour aller en ville ou peu importe où ont aussi des problèmes. Avez-vous vu des exemples de communautés qui gardent leurs racines dans leur région sans que leurs membres soient limités dans leur capacité de réaliser leurs rêves et d'atteindre leur potentiel?

J'aimerais que vous répondiez à cette question, monsieur Maracle, parce vous avez connu beaucoup de communautés. Je suis sûre que vous avez vu ce genre de situation.

M. Maracle : C'est très difficile. Quand je travaillais pour Affaires indiennes, je sillonnais le pays et je visitais des localités. Dès qu'on arrive à Saskatoon et qu'on se rend sur place, on fait instantanément une lecture du milieu. Même chose à Port Hardy; dès qu'on met les pieds dans une collectivité, on fait une lecture du milieu. On arrive et on voit tout de suite qu'il n'y a pas d'emplois. Dans le nord de la Colombie-Britannique, c'est l'industrie du saumon qui est en crise, ou encore la foresterie, avec les insectes ravageurs. Les Premières Nations n'ont pas d'économie. C'est très difficile pour bon nombre d'entre elles de subvenir à leurs besoins.

Il faut changer d'approche et se demander comment créer des collectivités autosuffisantes de 100 ou 200 personnes. La micro-infrastructure?

J'appartiens à la bande des Mohawks de la baie de Quinte. À une époque, nous étions des agriculteurs. Nous étions autosuffisants. Avant que je quitte la bande, on m'a chargé de mettre au point une stratégie sur 20 ans pour que chaque famille devienne propriétaire de sa maison. Nous sommes déjà à 90 p. 100. L'idéal politique venu d'en haut, c'est que chaque personne ait sa maison. Sauf que les gros obstacles que sont les transports en commun et les coûts élevés de la nourriture et de l'énergie empêchent bien des familles de devenir propriétaires, même si elles le souhaitaient ardemment.

Les communautés éloignées sont pourvues de serres et de vergers, par exemple, mais ce qu'il faudrait dans la plupart des cas, c'est que les gens fassent un « retour aux sources » au lieu de quitter l'endroit où ils vivent. Ils habitent dans ces communautés depuis des temps immémoriaux. Où iront-ils? Dans les villes, pour être le numéro 3 000 sur une liste d'attente pour un logement?

C'est sans compter le racisme qui sévit au pays. Je l'ai constaté. J'ai travaillé un peu pour Habitat pour l'humanité auprès des Premières Nations. Le racisme est bien vivant au Canada; on le voit chez des employeurs, des banquiers, des fonctionnaires et certaines personnes qui habitent dans les environs des réserves. Le racisme est bien présent, ce qui exacerbe le problème. Il faut s'y attaquer. Je suis conscient que c'est un enjeu beaucoup plus vaste, mais il fait partie du problème de logement.

M. Shining Turtle : Je voudrais réagir.

La sénatrice Raine : Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, chef Shining Turtle, je voudrais vous poser une question précise. Lorsque vous avez fait votre survol historique, vous avez fait allusion à un programme mis en œuvre dans les années 1960 concernant le logement dans les réserves. Qu'y avait-il auparavant? Existait-il quelque chose avant cette époque? Je vous saurais gré de nous donner votre point de vue.

M. Shining Turtle : Je ne suis pas à même de vous répondre. Je n'ai pas d'information sur ce qui se passait avant. J'ignore ce qu'il en était.

La sénatrice Raine : Avant l'application de programmes gouvernementaux, que faisaient les gens pour se loger?

La sénatrice Dyck : Une hutte de terre.

Le sénateur Watt : Une tente ou une hutte de terre.

M. Shining Turtle : Il y a une politique gouvernementale qui vise l'assimilation des Premières Nations. C'est évident. Ça a commencé par l'éducation, n'est-ce pas? Quand les autorités ont voulu éduquer les gens de notre communauté, elles ont amené tout le monde dans un village et se sont dit : « Voyons voir. Il faudrait construire des infrastructures ici. Il faut mettre une école. » C'est comme ça que tout a commencé.

La politique est encore en vigueur en 2014. La cicatrice se creuse sans cesse. C'est simple : qu'on les amène ici, dans tel village, pour les assimiler et les rendre dépendants du système, eux qui étaient indépendants avant.

Avant les années 1960, la plupart de nos gens étaient indépendants. Ils se débrouillaient pour survivre. Puis, quelqu'un est arrivé, qui s'est dit : « Il faut éduquer ces Indiens-là, les mettre dans un pensionnat, tuer leurs pratiques spirituelles. »

J'ai un nom. Je ne sais pas ce qu'est un Franklin, mais mon nom indien, — qui me définit — c'est Shining Turtle. Je n'ai pas honte de ça et je me fiche que vous ne compreniez pas. C'est la personne que je suis. C'est un changement d'identité.

Je veux revenir sur une chose que vous avez dite à propos du fait de quitter sa communauté. Je parlais avec mon fils ce matin. Il a sept ans. J'étais en train de conduire pour venir ici et il m'a dit : « Papa, à quoi ressemble ma communauté? » Je lui ai répondu : « À l'heure actuelle, il y a 400 personnes qui vivent dans notre petite communauté. Tu les connais presque toutes. » Je l'ai regardé et lui ai dit : « Tu sais quoi? Tout le monde te connaît parce tout le monde se soucie de toi. » Et lui de répondre : « Papa, je l'aime, mon chez-nous. Je ne partirai jamais. Je vais faire des études plus tard, mais je vais revenir chez nous. »

Beaucoup de membres de notre communauté sont partis. Ils sont devenus avocats, médecins, dentistes. Bon nombre sont partis et ont très bien réussi. Même chose pour moi. J'ai déjà travaillé ailleurs, mais je suis revenu. Je suis revenu chez moi pour aider, pour mettre la main à la pâte. C'est mon tour. Vous savez pourquoi? Parce que d'autres l'ont fait avant moi. Mon chef l'a fait, et son père avant lui. Il existe une filiation plus vieille que l'histoire du Canada. C'est la réalité.

Nous ne sommes pas tous Canadiens. Nous sommes Anishnawbek. Nous avons signé un traité en 1850. Je peux remonter jusqu'en 1836. C'est pour cela que nous sommes là. Cet état de choses ne va pas changer à cause d'une crise d'identité au sujet de l'infrastructure.

La sénatrice Raine : Sans doute que si vous, comme Première Nation, pouviez prendre les décisions, cela fonctionnerait, parce que vous planifieriez en fonction de l'avenir. Vous n'oublieriez pas de construire une route à tel ou tel endroit. Vous n'omettriez pas ce genre de choses, parce que vous êtes sur place.

M. Shining Turtle : En effet, nous sommes là au quotidien. Pour votre part, vous prenez votre voiture tous les jours pour venir travailler. Vous connaissez le chemin mieux que moi. Et si, à partir de chez moi, je vous disais d'aller à gauche, de tourner à droite? C'est ce que le gouvernement fait. Je le sais; je suis chef depuis 13 ans. C'est exactement ainsi que ça se passe. Affaires indiennes vous dit : « Tournez ici. Allez par là. Signez ce papier. Remplissez ce formulaire. Produisez tel document comptable. Faites ceci. » C'est notre réalité quotidienne.

Demain, je vais me mettre à vous dire de tourner à gauche et d'aller dans telle direction. Je vous interdirai de faire ceci et vous imposerai telle autre chose. Voilà. Vous aurez assurément un accident et quelqu'un sera blessé. Vous allez ensuite me réclamer des explications et je répondrai : « Ma foi, je ne sais pas. Nous essaierons de régler le problème la prochaine fois que je vous téléphonerai. » Désolé.

M. Maracle : Vous avez dit que les Premières Nations savaient quoi faire. Permettez-moi de vous donner un exemple. À la fin des années 1960 ou en 1970-1971, le chef et le conseil de ma communauté mohawk ont eu l'idée de prendre la somme allouée par Affaires indiennes pour les petits projets d'immobilisations en matière de logement et de la prêter aux membres de la communauté. Il s'agissait de crédit renouvelable. Ils se sont dit que les gens rembourseraient et que les intérêts et les emplois resteraient dans la communauté. Ils voulaient élaborer la politique et les critères d'accès aux prêts.

Affaires indiennes a refusé. C'était une subvention et il fallait dépenser l'argent, par exemple verser 10 000 $ à quelqu'un pour qu'il construise la moitié d'une maison d'environ 400 pieds carrés. Le chef et le conseil ont dit : « Non. Quand le gouvernement fédéral nous aura versé l'argent, nous ferons ce qui est le mieux, à notre avis, pour notre population. Nous allons offrir des prêts. »

Je crois comprendre que le gouvernement fédéral a reculé et que la somme initiale de 75 000 $ qui nous était allouée à l'époque a débouché sur le programme de logement de la communauté mohawk, assorti d'un portefeuille hypothécaire d'environ 22 millions de dollars, qui appartient en propre à la communauté. Nous avons bâti pour environ 20 millions de dollars de logements locatifs. Nous avons désormais un portefeuille de 40 millions de dollars, qui appartient en propre à la Première Nation. C'est nous qui décidons de la conception des maisons. Nous fixons les loyers et les hypothèques. Nous décidons qui habite dans les maisons.

Il y a cinq ans, le gouvernement fédéral m'a dit : « Chris, nous voulons que tu fasses la promotion des fonds de crédit renouvelable partout au pays. » Or, ce même gouvernement fédéral avait dit à ma communauté, en 1970-1971, que ce genre de crédit n'était pas possible.

Alors, oui, nous savons ce qui est le mieux pour nous.

La sénatrice Raine : C'est la même chose pour les gens de Curve Lake. Vous avez vous aussi un fonds de crédit renouvelable.

Mme Banks : Oui.

La sénatrice Raine : Nous devons vraiment nous pencher là-dessus dans le cadre de...

Le président : Je suis convaincu que nous verrons des communautés où...

M. Shining Turtle : D'autre part, la politique a beau ne pas s'être appliquée dans ces communautés-là, chez nous, elle aurait pu l'être. Si un fonctionnaire d'Affaires indiennes était venu chez nous et nous avait dit : « Vous ne pouvez pas faire cela », notre conseil aurait répondu : « D'accord, nous ne le ferons pas ».

Il y a une foule de fonctionnaires, mais ils ne chantent pas tous le même refrain. Ainsi, les Mohawks de la baie de Quinte ont pu appliquer cette solution. La nation de Curve Lake a fait quelque chose, mais cela n'aurait pas fonctionné dans la bande de Whitefish River en raison de la politique gouvernementale, laquelle est appliquée de manière disparate. Les gens se demandent s'ils auraient pu faire ceci ou cela, s'ils auraient dû ou pas. Il n'y a aucune uniformité. Il y a un énorme manque de cohésion, c'est le moins qu'on puisse dire.

Le président : J'ai l'impression que vous ressentez une certaine frustration à l'égard du ministère des Affaires autochtones.

M. Shining Turtle : Non.

Le président : Nous nous demandions pourquoi il y avait deux grandes sources de financement fédéral pour le logement dans les Premières Nations du Canada. Il y a la Société canadienne d'hypothèques et de logement et Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. Que pensez-vous de l'idée que le financement provienne d'un seul ministère ou organisme? M. Maracle a recommandé une meilleure collaboration. Votre collaboration avec la SCHL est-elle meilleure? Avez-vous déjà songé à un guichet unique? Dans la négative, nous ne nous attarderons pas là-dessus, mais je me demandais si vous y aviez déjà pensé.

M. Shining Turtle : Pour être franc, non, jamais. Toutefois, je vais réfléchir à cette idée de guichet unique et en discuter avec des collègues.

Le président : Notre comité essaie toujours de faire preuve d'imagination.

Le sénateur Meredith : Chef Shining Turtle, vous avez fait allusion aux membres de la communauté qui partent pour se trouver de meilleurs emplois. Je veux donner suite à la question de ma collègue sur les personnes qui quittent leur Première Nation parce qu'il n'y a pas suffisamment de débouchés pour elles. Vous avez dit que les Chiefs of Ontario avaient un plan économique. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous faites pour assurer la viabilité de votre communauté? Est-ce que vous et les autres chefs avez un plan?

Lorsque des emplois s'offrent à eux, chez eux, les gens ressentent de la fierté et souhaitent rester dans leur communauté pour contribuer à sa prospérité, comme vous, qui êtes revenu parmi les vôtres.

M. Shining Turtle : Tout le monde a besoin d'espoir. Nous voulons susciter de l'espoir chez nos jeunes. Nous sommes nombreux, que ce soit les responsables du logement, les chefs ou les entrepreneurs, à tâcher de semer l'espoir. Le sentiment d'impuissance est présent. Il y a un rapport sur le suicide qui a été rendu public. Le taux de suicide au sein des Premières Nations est vertigineux. Au cours des six dernières années, six adolescents se sont enlevé la vie dans ma communauté. Je suis confronté à cette réalité. Croyez-vous que je souhaite voir un tel sentiment de désespoir se perpétuer? Pas du tout. Je ne connais aucun chef, d'un bout à l'autre du pays, qui ne partage pas la même philosophie.

Avons-nous des partenaires disposés à investir dans nos projets? Non. Nous débordons d'idées fantastiques. Ce n'est pas l'intelligence qui manque, mais nul partenaire désireux d'aller de l'avant ne se manifeste. On se contente d'essayer de se montrer plus fin que les autres. Tel organisme sait mieux quoi faire que les autres; un tel s'y connaît plus. Pourquoi ne pas plonger, évaluer la situation et déterminer la première étape à suivre? La première étape consiste à faire un état des lieux. Lorsque je suis revenu chez nous, il y a 13 ans, c'est là que nous en étions. Bien sûr, la population a augmenté d'une centaine d'habitants et nous avons fait un investissement de 30 millions de dollars. C'était très stratégique. Mais tout cela au prix de six suicides? Je suis désolé, mais cela ne fonctionne pas.

Mais ça va encore plus loin. Il y a le processus d'assimilation, la perte d'identité. C'est à cela que nous nous attaquons. Ça va exiger beaucoup d'efforts. Mais si nous ne mettons pas fin à ce désespoir, je vous le dis, on va avoir de gros problèmes. Je ne veux pas être responsable de ça. Je vais donc faire tous les efforts possibles, avec ou sans vous, mais je vais y parvenir. Beaucoup de chefs font la même chose.

Le sénateur Watt : Merci pour vos présentations. Elles étaient très claires. Je suis très familier avec le sujet.

À un certain moment, nous avons probablement vécu des situations semblables dans l'Arctique, mais il faut trouver d'autres moyens pour parvenir à des solutions, car ce n'est pas ainsi qu'on va y arriver.

Jusqu'à présent, il a été question de partenariat avec un ordre de gouvernement qui ne semble pas vraiment vouloir donner suite à l'entente de partenariat, ou qui fait la sourde oreille. Nous avons aussi appris au fil des ans que peu importe le gouvernement ou le parti, celui-ci cherche constamment à refiler ses responsabilités à un tiers afin de réduire les coûts, abordant ainsi généralement la question d'un point de vue strictement économique.

Y a-t-il de la place pour un autre ordre de gouvernement, provincial par exemple? Avez-vous un rôle à jouer, et pouvez-vous vous servir du gouvernement provincial comme d'un levier pour faire pression sur le fédéral? Cela semble fonctionner pour nous dans les régions où il y a des Autochtones. Je pense aux Cris de la baie James, au Québec, et aux Inuits du Nunavik. Ils ont assez bien réussi à faire participer le gouvernement provincial, sans nécessairement laisser le fédéral se décharger de ses responsabilités. Ces responsabilités demeurent, mais ils utilisent les deux ordres de gouvernement pour faire bouger les choses, car les gouvernements provinciaux ont de l'expérience dans bon nombre des domaines qui nécessitent l'expertise dont vous avez parlé. Certaines de nos communautés ne possèdent pas nécessairement les compétences nécessaires pour l'instant, mais ça s'en vient. Nous en sommes conscients.

Afin d'être en mesure de faire le saut, car nous sommes tellement en retard dans bon nombre de nos communautés des Premières Nations, seriez-vous prêt si ce comité en vient à la conclusion que le gouvernement provincial doit maintenant mettre la main à la pâte dans les domaines des infrastructures et du logement? C'est le provincial, et non le fédéral, qui possède l'expertise nécessaire. Je crois que c'est en bonne partie pourquoi le gouvernement fédéral ne cesse de faire des erreurs lorsqu'il traite avec les Premières Nations. Il essaie de prétendre qu'il sait de quoi il parle, alors que ce n'est pas le cas.

Pourriez-vous nous en dire plus au sujet du gouvernement provincial? Seriez-vous prêt à accepter de l'aide du provincial?

M. Shining Turtle : Dans une de mes recommandations, je parle des possibilités qu'offrent les partenariats avec les provinces et le secteur privé. Je crois donc qu'il faudrait explorer cette avenue, mais jusqu'à un certain point. Au cours des 13 dernières années, j'ai participé à de nombreuses discussions tripartites avec le gouvernement de l'Ontario, le gouvernement fédéral et des Premières Nations, et si on peut faire fond sur cela et aller au-delà des dialogues afin d'accomplir quelque chose, certainement. Mais si c'est pour créer simplement une autre table autour de laquelle on ne fera que discuter... D'habitude, le gouvernement provincial refuse de faire quoi que ce soit avant que le fédéral n'ait bougé. On ne peut contrôler le gouvernement provincial. C'est difficile.

Si nous allons au-delà du dialogue, certainement. Mais si tout ce qu'on va faire, c'est manger des beignes et boire du café en s'accusant mutuellement, je n'ai pas vraiment de temps à perdre. Je ne vais pas retenir mon souffle. Les discussions tripartites actuelles ne mènent à rien de toute façon. Tout le monde ne fait que s'accuser mutuellement. J'aimerais pouvoir innover, mais pour cela il faut de la poigne, du leadership et de l'initiative.

En ce moment, dans ces discussions tripartites, on nous dit « Je n'ai pas de mandat. » Avez-vous déjà entendu cette phrase? Seigneur, on me la sert depuis 13 ans. Alors rentrez chez vous et restez-y.

Si c'est pour vraiment faire bouger les choses, nous sommes prêts. Mais si c'est pour que le gouvernement vienne encore nous parler de transfert de services et du transfert des responsabilités entrepris en 1984 sous le premier ministre Mulroney, je ne suis pas intéressé. Le problème du transfert des responsabilités a commencé sous Mulroney. Ils ont évalué la situation, et se sont dit « Commençons donc à transférer des responsabilités. »

Si on pouvait enfin entreprendre de véritables discussions tripartites qui iraient au-delà du simple dialogue, je suis partant. Mais en ce moment, cela ne mène à rien. On peut examiner plusieurs modèles un autre moment donné.

Le président : Chers collègues, il reste encore les sénateurs Dick et Moore, et je crains que nous n'ayons plus beaucoup de temps. Je vous demanderais donc de faire preuve de jugement, s'il vous plaît.

La sénatrice Dyck : Je serai brève. Merci pour vos présentations. L'exemple de la décharge sans route d'accès m'a beaucoup impressionnée. Cela illustre selon moi le manque de communication entre les partenaires, que ce soit au chapitre du financement ou littéralement sur le terrain, lorsqu'on construit quelque chose et que la communauté des Premières Nations ne semble pas vraiment savoir ce qui se passe.

Vous avez aussi dit qu'il fallait sortir des sentiers battus. Vous avez dit plusieurs fois vous être fait répéter encore et encore : « Non, vous ne pouvez pas faire ça. » Vous avez été plusieurs à le mentionner. Je me demande comment on peut se sortir de ces situations où chacun s'accuse mutuellement et où le ministère vous dit « Non, vous ne pouvez pas faire ça » pour en arriver à un point où les parties s'assoient à la table, discutent et créent quelque chose de différent? Y a-t-il une façon de contourner ce problème? Y a-t-il une façon de provoquer ce changement dans les relations?

M. Shining Turtle : Oui, c'est facile, c'est même très simple. Ça s'appelle de la volonté politique. Si vous voulez vous servir de ma communauté comme d'un modèle, allez-y. Vous verrez. Mais il faut du leadership. Mon conseil a un certain comportement, qui vient de plus haut. Mon conseil fait les choses avec beaucoup de détermination. Vous êtes devant son chef. Si je me mets à l'aise ici, que je desserre ma cravate et que je mets les pieds sur le bureau, c'est parce qu'il doit en être ainsi. De la volonté politique, c'est ça qu'il faut. Avec de la volonté politique, on peut renverser toutes ces barrières. On peut dire : « Ce sera fait. »

Pour vous répondre, en matière de volonté politique, le gouvernement actuel nous envoie promener. On m'a envoyé promener, on m'a injurié. Ça n'est jamais arrivé sous les libéraux. Je suis en poste depuis 13 ans, et dans la deuxième moitié de cette période, j'ai reçu tellement de lettres des Affaires indiennes, des ministres Duncan, Prentice, Valcourt, me disant de communiquer avec les membres de leur personnel. Nous avons essayé de rencontrer la DGR, mais elle n'a pas le temps de nous recevoir. Cela fait longtemps que l'Ontario n'a pas le leadership nécessaire à ce chapitre. Je le sais, je l'ai vécu. Il n'y a pas de leadership là-bas. Ils ont nommé cette femme comme nouvelle directrice, mais elle n'a pas le temps.

Elle doit venir dans ma communauté le 10 avril, et nous l'attendons de pied ferme. Vous savez pourquoi? Rien n'a été fait. Le DGR précédent n'est jamais venu nous voir parce que ses supérieurs lui avaient dit qu'il n'avait pas à le faire. C'est aussi simple que ça.

S'il n'y a pas de volonté politique, si ces gens sont nommés pour ne rien faire, alors rien ne se fera. C'est la réalité politique. Nous serons heureux de participer s'ils le souhaitent.

Le président : C'était une réponse claire. Sénateur Moore, nous n'avons plus beaucoup de temps.

Le sénateur Moore : Merci aux témoins d'être ici aujourd'hui. Je l'apprécie vraiment. Chef Shining Turtle, pour faire suite à la question de la sénatrice Dyck concernant le projet de décharge, qui assurait le financement?

M. Shining Turtle : Les Affaires indiennes.

Le sénateur Moore : Donc, lorsqu'on vous a envoyé après les faits pour régler les problèmes et que vous avez trouvé le tracteur enfoncé dans...

M. Shining Turtle : Le bulldozer.

Le sénateur Moore : Le bulldozer, désolé. Vous avez trouvé le bulldozer enfoncé dans le pergélisol, vous en avez fait rapport au ministère, et que s'est-il passé ensuite?

M. Shining Turtle : Je n'en ai pas la moindre idée.

Le sénateur Moore : Que voulez-vous dire?

M. Shining Turtle : À cette étape?

Le sénateur Moore : Vous avez remis un rapport à quelqu'un.

M. Shining Turtle : En effet, je l'ai remis à mon patron. Il s'est rendu à une réunion avec les Affaires indiennes, et je n'en ai plus entendu parler par la suite. Je suppose qu'il y a maintenant quelque chose là-bas. Je n'en sais rien.

Le sénateur Tannas : C'était en quelle année?

M. Shining Turtle : Je crois que c'était en 1998.

Le président : Et vous n'y êtes jamais retourné?

M. Shining Turtle : J'y suis retourné en avion pour du travail de nature spirituelle, mais je n'ai pas vérifié leur infrastructure, et ils ne m'ont pas demandé de le faire. J'aimerais bien.

Le sénateur Moore : En ce qui concerne le projet de fosse septique et le bulldozer enfoncé dans la glaise, le financement provenait-il de la même agence, du même ministère?

M. Shining Turtle : Oui. Et c'était à peu près à la même époque, en 1998-1999.

Le sénateur Moore : Quel était le processus? Avez-vous fait rapport? Que s'est-il passé ensuite? Le savez-vous?

M. Shining Turtle : Dans ce cas-là, ils ont fini par construire un étang d'épuration. Il y en avait un d'indiqué dans leur Répertoire des biens immobiliers. J'ai indiqué qu'il n'y en avait pas car le fossé que j'ai vu n'était pas un étang d'épuration. J'ai entendu dire que deux ans plus tard il y a eu d'importants travaux d'infrastructure dans cette communauté, dont un étang d'épuration. C'est peut-être un bon dénouement.

Le sénateur Moore : Vous a-t-on demandé de vous rendre sur les lieux, aux premiers stades d'un projet, quand vous en parlez avec le chef et les aînés, pour vérifier les conditions du sol et conseiller le ministère ou les responsables du financement, et pour faire part de vos réflexions à ce sujet? Vous demande-t-on parfois de vous en occuper au début?

M. Shining Turtle : Non, mais je dois vous dire que, généralement, c'est le ministère qui autorise la bande. Pour ce qui est de mon étude sur la planification des immobilisations, nous avons engagé un consultant qui agit au nom de la bande et remplit le rapport, et le rapport doit être signé par le conseil. Dans mon cas, vous avez la chance d'avoir quelqu'un de compétent à la table qui comprend tout cela, mais bien des communautés n'ont pas cette chance. Il faut se fier aux services techniques. Le conseil tribal s'occupe de les fournir. Quand les choses changent rapidement et qu'il y a des bouleversements sur le plan politique, il se peut qu'on n'ait pas la continuité nécessaire. Or, la continuité est un des éléments clés.

Le sénateur Moore : Votre communauté est chanceuse, parce que vous avez les qualifications et l'expérience, mais les autres n'ont pas cela.

M. Shining Turtle : En règle générale, elles n'ont pas cela. Je ne dis pas qu'il devrait y avoir un spécialiste à chaque table, mais il n'est pas toujours possible d'en avoir un. Dans certaines communautés, il y a des changements politiques. Donc, il se peut qu'il y ait eu une présentation à un groupe.

Le sénateur Moore : Lorsque vous êtes allé visiter les sites, dans ces deux cas, savez-vous si le ministère avait parlé au chef, à chaque endroit, à propos des conditions dont le conseil doit être conscient? Avez-vous constaté cela en faisant votre inspection?

M. Shining Turtle : Une étude sur la planification des immobilisations a été faite. Dans la mesure où les ressources étaient là et où cela semblait compris... Je ne sais pas. Je ne peux que présumer...

Le sénateur Moore : Donc, vous ne savez pas si quelqu'un a demandé au chef s'il avait quelque chose à signaler quant aux conditions sur le terrain. La réponse pourrait être « oui, il s'agit d'un pergélisol ». À votre connaissance, y a- t-il quelqu'un qui s'occupe de ces questions pratiques?

M. Shining Turtle : C'est le rôle de l'ingénieur-conseil.

Le sénateur Moore : Je vois. Merci.

Le président : Je remercie mes collègues et les témoins. Beaucoup de détails ont été apportés, et beaucoup d'idées et de conseils ont été formulés. Nous vous en sommes reconnaissants. La séance est levée.

(La séance est levée.)


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