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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 6 - Témoignages du 13 mai 2014


OTTAWA, le mardi 13 mai 2014

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 34, pour étudier les problèmes liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations.

La sénatrice Lillian Eva Dyck (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente : Bonjour à tous. J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les honorables sénateurs et les membres du public qui assistent à la séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones ou qui la regardent sur CPAC ou sur Internet.

Je m'appelle Lillian Dyck, et je viens de la Saskatchewan. Je suis vice-présidente du comité. Notre président, le sénateur Patterson, s'excuse de ne pas pouvoir se joindre à nous aujourd'hui.

Le comité a le mandat d'examiner les dispositions législatives, et, de façon générale, les questions relatives aux peuples autochtones du Canada. Ce matin, nous recueillons des témoignages dans le cadre d'un ordre de renvoi précis qui nous autorise à examiner, en vue d'en faire rapport, les problèmes liés à l'infrastructure dans les réserves et d'éventuelles solutions à ces problèmes, notamment en matière de logement, d'infrastructures communautaires, de façons novatrices d'obtenir du financement et de stratégies de collaboration efficaces.

Nous allons entendre aujourd'hui le témoignage du Secrétariat du Congrès de l'Atlantique, qui représente 37 chefs de nations micmaques, malécites, innues et pescomody. Le congrès a mis sur pied l'Atlantic First Nations Housing & Infrastructure Network et l'a chargé de fournir des conseils et une orientation stratégique dans les domaines du logement, de l'eau potable, des eaux usées et de la planification des mesures d'urgence.

Avant que nous ne passions aux témoignages, j'aimerais faire un tour de table et demander aux membres du comité de se présenter, à partir de ma droite.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.

La sénatrice Beyak : Sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario.

Le sénateur Meredith : Sénateur Don Meredith, de l'Ontario.

Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Ngo : Thanh Hai Ngo, de l'Ontario.

Le sénateur Moore : Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse.

La vice-présidente : Mesdames et messieurs les membres du comité, veuillez vous joindre à moi pour souhaiter la bienvenue à notre témoin du Secrétariat du Congrès de l'Atlantique, M. John Paul, directeur exécutif.

Monsieur Paul, nous avons hâte d'écouter votre exposé, qui sera suivi de questions des sénateurs. Vous avez la parole.

John G. Paul, directeur exécutif, Secrétariat du Congrès des chefs des Premières Nations de l'Atlantique : Je vous remercie et vous souhaite le bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Comme vous le savez, je m'appelle John Paul, et je représente le congrès de l'Atlantique. Je suis ici pour parler au nom de nos chefs de certains des problèmes qui se posent, mais aussi pour vous proposer des solutions concrètes en matière de logement et d'infrastructures des Premières Nations. Comme la vice-présidente l'a mentionné, l'objectif de notre organisation est d'effectuer des recherches et des analyses ainsi que de trouver des solutions de rechange relativement aux politiques fédérales qui touchent nos collectivités micmaques, malécites, pescomody et innues du Canada atlantique ainsi que du Québec, et il y a aussi un groupe dont certaines bandes sont aux États-Unis.

Nous allons toujours défendre la position selon laquelle nos collectivités autochtones méritent des maisons et une infrastructure communautaire en général qui soient sûres et saines, aujourd'hui et dans l'avenir. Nos peuples et nos collectivités continuent de croître et de prospérer, et la demande en infrastructures croît de façon constante chez les Premières Nations, à un rythme qui ne correspond pas au rythme de croissance du financement accessible. Il est difficile pour un chef de dire à son peuple et aux collectivités qu'il dirige que, vu les compressions du financement versé par le gouvernement fédéral, ils n'auront pas accès aux logements ou bâtiments nécessaires pour répondre à leurs besoins de base comme le reste des Canadiens. Le manque d'infrastructures adéquates force notre population à vivre dans des logements surpeuplés, ce qui entraîne un niveau élevé de stress et un risque accru de problèmes de santé graves.

La vice-présidente : Puis-je vous interrompre pendant un instant? Nous avons votre exposé devant nous, et il est en anglais seulement. Si les membres du comité veulent en avoir une copie, pourraient-ils proposer une motion nous permettant de distribuer le document, même s'il n'a pas encore été traduit en français? Tout le monde est d'accord?

Des voix : D'accord.

La vice-présidente : Nous allons faire circuler le document.

M. Paul : Notre organisation a conclu un partenariat avec le gouvernement auquel nous avons donné le nom de Aboriginal First Nations Housing & Infrastructure Network. Créé en 2007 par une résolution prise par les chefs, ce réseau comprend un comité directeur qui fournit une orientation et des conseils stratégiques aux responsables de toutes les activités régionales concernant le logement, l'eau potable, les eaux usées et la gestion des urgences. Chacun des domaines est abordé par un groupe de travail composé de représentants des Premières Nations ainsi que de partenaires fédéraux, qui collaborent à la recherche de solutions novatrices à ces problèmes importants auxquels font face toutes nos collectivités autochtones de l'Atlantique.

Une séance animée a été tenue les 21 et 22 novembre derniers dans l'une de nos collectivités les plus importantes, celle de la nation Eskasoni de la Nouvelle-Écosse. Les gestionnaires des logements des Premières Nations et d'autres décideurs issus d'organismes clés du gouvernement fédéral, comme la Société d'hypothèques et de logement, Santé Canada et Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, ont parlé des problèmes de logement et d'infrastructure qui se font sentir dans la région de l'Atlantique pour bien cerner les vrais problèmes.

Le groupe de travail a convenu que les cinq éléments suivants constituaient les grands problèmes liés au logement et à l'infrastructure. Le premier problème a trait à la gouvernance et à la direction locale. Les chefs des Premières Nations doivent généralement s'occuper des problèmes de l'heure et des lois qui sont adoptées ou de ce que le gouvernement fédéral considère comme étant prioritaire. Nous avons l'impression que le logement ne fait plus partie des priorités du gouvernement fédéral, mais nous estimons toutefois qu'il s'agit toujours d'une priorité importante pour l'ensemble de nos collectivités. Aux yeux des chefs des Premières Nations, il convient de présenter au gouvernement fédéral un rappel sérieux du fait que le logement doit demeurer une priorité pour les collectivités des Premières Nations de l'Atlantique.

Les maisons communautaires des Premières Nations demeurent le bien le plus important dans toutes nos collectivités, et elles devraient donc demeurer la principale priorité, étant donné les rénovations et l'entretien qui doivent constamment être faits et la nécessité de construire de nouvelles maisons pour combler le manque actuel et les besoins d'une population grandissante. Nous avons besoin d'au moins 3 500 maisons pour répondre aux besoins actuels seulement. Les membres de notre population parlent constamment à leurs dirigeants et aux responsables de l'administration des bandes du besoin de logements, et cette question doit demeurer une priorité importante. Le logement est un élément essentiel du tissu social de toutes les collectivités.

Les limites et les restrictions externes imposées par le gouvernement : le fait que le gouvernement fédéral impose des limites et des restrictions qui freinent les progrès dans le domaine du logement des Premières Nations a toujours été un sujet abordé, et il continue de l'être aujourd'hui. Ces restrictions peuvent prendre la forme de réductions du financement de programmes essentiels ou de nouveaux programmes et de restrictions ou de conditions très sérieuses qui sont imposées par le gouvernement, sans consultation dans certains cas.

Un exemple récent de cela, ce sont les compressions ou les réductions auxquelles procède la SCHL dans la région de l'Atlantique au chapitre des maisons à louer en vertu de l'article 95. D'après les chiffres annuels, le nombre d'unités allouées a chuté, passant de 75 en 2011-2012 à 41 en 2012-2013 et à 38 en 2013-2014, soit l'année en cours. Il s'agit de compressions draconiennes qui touchent toutes nos collectivités et qui causent bien d'autres problèmes, notamment un surpeuplement de plus en plus important et une pression accrue sur le personnel responsable du logement.

Un autre problème auquel les collectivités des Premières Nations de l'Atlantique font face, c'est l'adoption de projets de loi sans la prestation d'outils ni de ressources financières ou humaines pour les aider à s'adapter aux nouvelles lois ou aux nouveaux règlements. Le secrétariat a fait de l'excellent travail dans le cadre de l'initiative sur l'eau potable en s'occupant proactivement du règlement découlant du projet de loi S-8; il y aura cependant toujours de nouveaux projets de loi qui seront adoptés pour lesquels les collectivités des Premières Nations auront de la difficulté à trouver des solutions de rechange et avec lesquelles elles devront composer, qu'elles le veuillent ou non.

Un processus de consultations transparent est nécessaire pour l'adoption de tout nouveau projet de loi. Il est bien documenté que, dans nos collectivités, les réactions des Autochtones au projet de loi S-2, Loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux, ont été surtout négatives. Pendant l'élaboration de ce projet de loi, trois critiques formulées couramment concernaient les consultations inadéquates, le défaut de reconnaître le droit des Premières Nations de se gouverner sur cette question et le besoin général d'accroître l'accès des Premières Nations au système judiciaire. Maintenant que le projet de loi S-2 a reçu la sanction royale, les protections prévues par l'article 89 de la Loi sur les Indiens pourraient être contestées dans le cas où il serait permis à une épouse de réclamer des dommages-intérêts pour le transfert illicite d'un bien dans une collectivité. De même, au moment du divorce ou de la séparation d'un Autochtone et d'un non-Autochtone, cette dernière personne pourrait se voir accorder le droit d'occuper le domicile conjugal. On ne devrait jamais adopter de projets de loi lorsque des questions graves demeurent sans réponses.

D'autres préoccupations de ce genre surviennent lorsque le gouvernement met sur pied de nouvelles initiatives et de nouveaux programmes sans trop nous avertir. Un excellent exemple de cela, c'est la nouvelle exigence de conformité avec le Code national du bâtiment dans le cadre du programme de logements subventionnés par la SCHL en vertu de l'article 95. En février 2014, nos collectivités de l'Atlantique ont reçu une lettre leur expliquant que, à partir du début du nouvel exercice, c'est-à-dire de l'exercice 2014-2015, les Premières Nations seraient dans l'obligation de soumettre des certificats de conformité avec le code à au moins trois étapes de la construction d'une maison. Il s'agit de l'inspection avant le remblayage — les fondations; de l'inspection avant la pose des cloisons sèches — la charpente, les entrées d'eau et les isolants et les pare-vapeurs; et l'inspection finale.

De prime abord, faire venir des inspecteurs pour qu'ils vérifient que les maisons construites sur les réserves respectent le code du bâtiment semble être une très bonne idée. Toutefois, si des consultations adéquates avaient eu lieu, les représentants de la SCHL auraient pris conscience de certains des effets négatifs que ces exigences vont avoir sur les Premières Nations, vu le peu de temps qu'elles ont eu pour se préparer à leur mise en œuvre.

Chaque inspection relative au Code national du bâtiment coûtera de 350 à 500 $, ce qui fait environ 1 050 à 1 500 $ par unité pour l'administration des inspections, et tous les coûts seront assumés directement par la nation concernée. La SCHL a déclaré qu'elle n'assumerait pas le coût des inspections de conformité avec le code; le coût sera ajouté au coût total du projet, ce qui fera donc augmenter les coûts de construction de chacune des unités dans toutes nos collectivités.

Les maisons subventionnées en vertu de l'article 95 demeurent la principale source de nouveaux logements dans les collectivités des Premières Nations de l'Atlantique, et j'ai déjà précisé le nombre réel de maisons, qui est en diminution.

Les inspections vont également faire grimper les coûts des projets en allongeant le délai de construction. Je sais que les gens de certaines collectivités doivent embaucher des agents de sécurité pour surveiller les chantiers de construction et s'assurer que les appareils ménagers, les fenêtres et les fils coûteux ne sont pas volés. Il n'est pas juste de demander à nos collectivités d'étirer encore plus le financement fixe qu'elles reçoivent.

En outre, l'exigence de conformité avec le code ne tient pas non plus compte du rôle de notre Initiative des services d'inspection par des Autochtones, l'ISIA. Les inspecteurs de l'ISIA ne sont pas autorisés à procéder aux inspections de conformité avec le code, et aucun financement n'a été rendu accessible pour les former et ainsi faire en sorte qu'ils puissent mener ces inspections. Sur le plan de l'administration des inspections, il conviendrait mieux que les bandes utilisent le financement qu'elles reçoivent pour offrir une formation aux inspecteurs de l'ISIA, lesquels sont pour la plupart des Autochtones, afin qu'ils soient qualifiés pour réaliser les inspections de conformité avec le code. Ainsi, les collectivités pourraient faire faire leurs inspections par des Autochtones en qui elles ont confiance plutôt que par des gens de l'extérieur.

Pour que nous, les Premières Nations, puissions arriver à surmonter les obstacles auxquels nous faisons face, il faut que le gouvernement fédéral nous écoute et profite des leçons que nous avons tirées, afin que nous puissions collaborer pour améliorer notre avenir et la qualité de nos logements.

Pour ce qui est des enjeux sociaux, comme vous le savez, nos collectivités font face à beaucoup de problèmes et de défis sur les plans social et économique. Ces problèmes sont directement liés à la qualité des logements dans chacune des réserves. Même si une maison est construite conformément au code et dotée de toutes les caractéristiques nécessaires pour la rendre durable, pour empêcher que des moisissures se forment et pour assurer l'efficacité énergétique, si la personne qui l'habite ne s'en occupe pas adéquatement, la maison se détériorera rapidement.

La détérioration des unités de logement découlant de problèmes sociaux peut être attribuable à de nombreuses choses. Elle peut être causée par le fait que l'occupant soit aux prises avec un grave problème de toxicomanie ou simplement par un manque d'aptitudes clés de la vie quotidienne nécessaires à l'entretien adéquat d'une maison. La détérioration de nos unités de logement peut survenir parce que le nombre de personnes qu'elles contiennent est trop grand et que l'entretien quotidien qu'exige la présence de 8 à 10 personnes dans une maison devient impossible. Par ailleurs, certains des membres de notre population s'en remettent trop aux Premières Nations pour faire toutes les petites réparations. Cela gobe une grande partie du temps du personnel responsable des logements communautaires, temps qui pourrait servir à combler des besoins de logement majeurs.

Sur le plan des activités, les Premières Nations de l'Atlantique ont besoin d'améliorer leurs activités relatives au logement dans les réserves. Les Premières Nations sont dans une situation similaire à celle des autres collectivités de l'Atlantique, c'est-à-dire que les gens de métier qualifiés sont attirés par les salaires élevés qui sont offerts dans l'Ouest ou même ailleurs dans notre région, plus précisément au Labrador, où il y a du travail dans le secteur de la construction. Nos collectivités ont un besoin important et bien réel de mesures d'incitation pour pouvoir garder ces travailleurs qualifiés, non seulement pour qu'ils appliquent leurs compétences et leurs connaissances à l'avancement des collectivités autochtones, mais aussi pour qu'ils donnent l'exemple à la jeune génération et lui montrent que les collectivités autochtones sont un bon endroit pour vivre et pour travailler. Nous n'arriverons cependant pas à garder nos travailleurs si le gouvernement fédéral continue d'insister pour que les Premières Nations de l'Atlantique fassent plus de choses avec moins de financement.

Pour ce qui est de la gestion des biens, nos stratégies actuelles de gestion des biens maintiennent le statu quo au quotidien, mais celui-ci n'est pas viable à long terme. Une raison majeure pour laquelle nous avons besoin de bonnes stratégies de gestion des biens, c'est qu'il n'y a pas de politiques liées au logement dont l'application peut être rendue obligatoire dans les collectivités des Premières Nations de l'Atlantique. Si nous avions des politiques de ce genre dans les réserves, les administrations des Premières Nations pourraient rationaliser le travail relatif au logement, établir les priorités à l'égard de ce travail et bénéficier de l'existence d'un précédent pour établir précisément les responsabilités des locataires et des propriétaires de maison, pour aujourd'hui et pour l'avenir. La mise en place de politiques sur les logements communautaires peut de plus entraîner d'autres résultats positifs, comme la mise en œuvre de régimes de location adéquats, la mise sur pied de comités ou de conseils consultatifs chargés du logement et le recours à d'éventuels mécanismes de règlement des litiges ne faisant intervenir ni le chef ni le conseil dans certains cas.

Cette année comme auparavant, le secrétariat se prépare activement à saisir les occasions qui se présenteront à lui d'apporter des améliorations réelles dans le domaine du logement et des infrastructures des Premières Nations afin d'assurer la santé et la sécurité de nos collectivités. Il y a au sein de notre organisation un groupe chargé du logement qui est composé de gestionnaires des logements de chacune des provinces de l'Atlantique. Nous avons pris le temps d'examiner certains des problèmes qui se posent. Le groupe de travail a été en mesure d'établir un ordre de priorité en ce qui concerne les idées à ce chapitre et ce qui peut être réalisé à court terme et avoir une utilité à long terme afin de régler adéquatement les problèmes avec lesquels nous sommes aux prises. Certains de ces gestionnaires des logements acquièrent des connaissances et de l'expérience dans le domaine depuis des dizaines d'années.

Voici certains des éléments de solution que le comité peut envisager.

Le problème important, selon nous, c'est d'amener les jeunes de la collectivité à s'intéresser au logement et à faire carrière. La situation du logement dans les réserves est depuis longtemps une préoccupation pour les dirigeants des Premières Nations, et elle continue d'être un important déterminant social de la santé. L'une des priorités cernées par le groupe de travail sur le logement était de faire participer les jeunes Autochtones et d'obtenir directement auprès d'eux des suggestions pour régler les problèmes liés au logement. Leurs suggestions contribueront à l'élaboration de documents d'information et de sensibilisation concernant les problèmes de logement qui ont une incidence sur la santé qui soient adaptés sur le plan culturel pour les Premières Nations du Canada atlantique. Elles aideront aussi nos Premières Nations à déterminer ce dont elles ont besoin pour garder nos futurs travailleurs qualifiés et dirigeants dans nos collectivités.

Le secrétariat travaille actuellement à la modernisation d'une trousse d'outils sur le logement de la SCHL. Cette trousse offre une excellente occasion d'informer les jeunes au sujet de l'entretien d'une maison et de toutes les répercussions possibles sur la santé.

En septembre 2010, le groupe de travail sur le logement a recommandé l'acquisition d'exemplaires de la trousse d'outils de la SCHL intitulée « Ma maison est mon tipi » et a fait un essai dans des écoles autochtones de l'Atlantique. La trousse d'outils a été créée par des rédacteurs de programmes de collectivités autochtones de l'ouest du Canada. Elle contient des programmes d'enseignement de la maternelle à la 12e année sur l'entretien d'une maison et la sécurité, les connaissances étant transmises au moyen de vidéos, de livres et d'images. Les responsables de chacune des écoles avec qui nous avons discuté et qui ont fait l'essai de la trousse d'outils ont convenu que le matériel pédagogique qu'elle contient sera très bénéfique pour les jeunes des Premières Nations. Ils nous ont cependant dit que ce matériel avait dû être adapté en fonction de la situation que nous vivons au Canada atlantique. Les gestionnaires des logements estiment que la modification de cette trousse d'outils axée sur les jeunes offrait une excellente occasion d'informer les jeunes Autochtones au sujet de l'importance de l'entretien d'une maison et des répercussions sur la santé, ainsi que d'évaluer l'intérêt des jeunes et des enseignants à l'égard d'un programme d'enseignement propre aux Premières Nations de l'Atlantique.

En 2014, nous avons rebaptisé la trousse « Ma maison est mon wigwam ». Elle est en train de devenir une trousse d'outils pour les Premières Nations de l'Atlantique propre à la culture, aux connaissances et aux valeurs des Micmacs, des Malécites, des Pescomody et des Innus qui sera utilisée dans les écoles des Premières Nations de l'Atlantique et dans le cadre de divers programmes communautaires. Il faudra du soutien et du financement constants pour aider les jeunes à apprécier et à entretenir la maison dans laquelle ils vivent.

Il faut aussi amener les jeunes Autochtones à prendre part aux discussions sur les carrières et les métiers axés sur le logement des Premières Nations et les moyens que nous devrons prendre ensemble pour réaliser cet objectif. Les gestionnaires des logements en poste actuellement dans les collectivités ne sont plus très jeunes, et ils déploient donc beaucoup d'efforts pour essayer de garder ces jeunes gens ou jeunes travailleurs dans notre collectivité. Le manque de personnel pour s'occuper du logement dans les réserves est souvent attribuable en partie au fait qu'une seule personne s'occupe de tout dans la collectivité. Il faut que nous intéressions nos jeunes à ces choses et que nous leur donnions le moyen de redonner à leurs collectivités.

En ce qui a trait à l'évaluation de l'état des maisons et des terrains des Premières Nations, dans le domaine des biens, il a été recommandé que nous menions au sujet des logements dans nos collectivités une étude similaire à l'étude de cas que nous avons fournie au comité en 2013 relativement à l'état de l'infrastructure de traitement de l'eau et des eaux usées des Premières Nations. L'étude de cas contiendrait des données claires sur les conditions de logement, cernerait les problèmes et présenterait tout cela au gouvernement de façon à ce que nous puissions déterminer comment nous pouvons régler ces problèmes ensemble, en collaboration. Cela exigera d'autres ressources financières au fil du temps, pour que nous puissions déterminer précisément de quoi nos collectivités ont besoin pour vivre en santé et en sécurité.

Les terres des Premières Nations sont un autre sujet important qui devra être abordé dans tous les domaines du logement et des infrastructures. Comme la population croît continuellement, les terres des réserves devront être étendues. Il faut garder cela en tête, étant donné surtout que les Premières Nations souhaitent déjà apporter des améliorations à leurs infrastructures de traitement de l'eau et des eaux usées ou leur donner de l'expansion.

Une chose intéressante de laquelle j'aimerais parler et dont vous êtes peut-être au courant, c'est un projet auquel nous travaillons. Essentiellement, nous estimons qu'il s'agit d'une solution proactive et novatrice pour remédier à l'état actuel des réseaux de traitement de l'eau et des eaux usées dans le cadre d'un éventuel partenariat public-privé fondé sur un plan d'affaires faisant intervenir une autorité de gestion des eaux autochtone dans le but de régler tous les problèmes liés au traitement de l'eau et des eaux usées dans nos collectivités.

Cette année, il y a quelques semaines, les 8 et 9 avril, nos chefs ont adopté une résolution visant à demander à notre réseau de collaborer avec l'université par l'intermédiaire du Centre d'études sur les ressources hydriques, essentiellement pour franchir les prochaines étapes qui feront avancer le travail de mise en œuvre de l'initiative pour l'assainissement de l'eau en mettant sur pied une autorité de gestion de l'eau des Premières Nations de l'Atlantique. Aux termes de cette résolution, le réseau doit essentiellement continuer de mener les activités liées à la constitution en personne morale d'une autorité de gestion de l'eau des Premières Nations de l'Atlantique, notamment le parachèvement des documents de mandat, l'obtention de résolutions des conseils de bande concernant la participation aux activités de l'autorité auprès de chacune des collectivités, la constitution en personne morale de l'autorité en tant que telle et l'obtention de résolutions des conseils de bande concernant la désignation de certaines terres aux fins du traitement de l'eau et des infrastructures dans les collectivités.

Le réseau jouera un rôle prépondérant dans la poursuite des activités, y compris l'exploration d'autres modèles de financement, dont le modèle des partenariats publics-privés, et il devra faire en sorte que les collectivités respectent les dispositions législatives proposées dans le cadre des lois et des règlements qui vont être adoptés et trouver une solution à long terme pour l'exploitation des réseaux de traitement de l'eau et des eaux usées.

L'idée d'une autorité de gestion des eaux des Premières Nations est en train d'être adoptée partout au pays. Elle a permis à des collectivités de se pencher sur des solutions avancées à des problèmes critiques liés à l'eau pour leurs membres. Cela est ressorti très clairement lorsque nous avons pris la parole dans le cadre d'un certain nombre de conférences nationales et régionales auxquelles ont participé le personnel et les organisations qui s'occupent du logement et des infrastructures, ce qui nous a encouragés à continuer d'alimenter le dialogue et à cerner un certain nombre de pratiques exemplaires adoptées par divers groupes à l'échelle du pays. C'est le cas aussi d'autres Premières Nations de l'Ontario et du Manitoba, notamment de Winnipeg, et d'autres ont adopté des résolutions visant l'examen de façons de créer une autorité de gestion des eaux dans le but de poursuivre les efforts dans le domaine.

Il a été déterminé que les efforts que nous déployons au secrétariat préparent le terrain pour l'adoption de l'idée d'une autorité de gestion des eaux des Premières Nations, grâce aux nombreuses études que notre organisation a menées au fil des ans, et nous sommes considérés comme étant un chef de file à l'égard d'une bonne partie de ce travail. Mais maintenant, en 2014, le secrétariat, avec une équipe de gens, surtout des experts autochtones des domaines des terres, de l'eau, des communications et du financement, essaie de travailler sur un plan qui approfondira le dialogue et les contributions au chapitre de ce que nos collectivités vont faire au sujet des réseaux de traitement de l'eau et des eaux usées. Cela s'inscrit dans nos efforts et notre travail de longue date visant la poursuite de recherches actives sur l'infrastructure de traitement de l'eau et les terres sur lesquelles elle est située et visant à garantir que les travaux d'ingénierie sont faits pour toutes nos collectivités afin que nous puissions établir de façon détaillée, exhaustive et exacte le coût des biens et les coûts d'exploitation futurs, avec une marge d'incertitude de plus ou moins 15 p. 100. Il s'agit en fait d'une exigence de l'analyse de rentabilisation pour le partenariat public-privé. Au bout du compte, le secrétariat s'adressera à toutes nos collectivités et à tous les intervenants pour obtenir leur contribution et leur soutien directs à l'égard de cette importante initiative liée à l'eau et aux infrastructures qui nous permettront dès maintenant et dans l'avenir de réaliser notre vision relativement à l'eau potable et d'essayer de trouver une solution de financement à long terme qui durera 25 ou 30 ans.

Nous devons envisager l'intégralité du cycle de vie des réseaux en question, et non seulement le coût de leur mise à niveau. Comme tout le monde, nous devons envisager les 25 ou 30 prochaines années afin de nous assurer que les systèmes que nous construisons aujourd'hui seront entretenus, exploités et maintenus pendant toute la période, et la vision fondamentale qui préside à ce travail est d'offrir de l'eau salubre à nos collectivités et à notre population. C'est une vision très simple, comme il est très simple de nous charger de la réalisation de cette vision.

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a publié deux rapports sur la croissance économique des Premières Nations. Le premier s'intitulait Partager la prospérité du Canada : Un coup de main, mais pas la charité. En mars dernier, le Sénat a publié le rapport intitulé Étude de la gestion des terres et du développement économique durable sur les terres des réserves des Premières Nations. Il s'agit de bons rapports contenant plusieurs recommandations pertinentes qui sont reprises dans nos discussions. Je voulais le souligner et vous le dire, parce que cela aide les gens à comprendre l'importance de la formulation d'une vision d'avenir et de la compréhension de cette vision dans le contexte de ce qu'est la réalité, de ce qu'on peut faire et de ce qu'il est possible d'accomplir en s'appuyant sur le travail qui est fait et aussi en parlant du travail qu'on fait.

Nous continuerons de déployer tous nos efforts dans le but de trouver des solutions aux problèmes qui se posent dans les réserves. Nous essayons de trouver des solutions viables dans le cadre de ce travail. Nous ne pouvons pas construire des maisons dans les airs; nous ne pouvons pas construire des infrastructures sur des ballons dans nos collectivités. Les problèmes d'infrastructure et de logement sont liés à la gestion des terres dans nos collectivités. La qualité de nos logements et de nos infrastructures a une incidence sur la viabilité économique actuelle et à venir de nos collectivités. Vous l'avez reconnu lorsque vous avez abordé les déficits d'infrastructure dans les collectivités hors réserves au moyen du Fonds Chantiers Canada et que vous avez fait remarquer que les collectivités sûres, saines et fiables sont dotées d'espaces agréables, d'infrastructures suffisantes et de services qui permettent d'attirer et de maintenir en poste des travailleurs qualifiés et donc des entreprises qui favorisent la croissance économique. Les Premières Nations sont-elles différentes des autres collectivités? Nos collectivités ont besoin des mêmes choses que celles du reste du Canada. Nous avons besoin d'un accès aux mêmes établissements et aux mêmes services que tous nos voisins.

Tant que vous continuerez d'envisager nos collectivités au cas par cas, tant que AADNC continuera d'envisager les choses nous concernant dans l'optique des programmes, plutôt que de répondre aux besoins de nos collectivités grandissantes, nous allons continuer d'avoir de la difficulté à répondre aux besoins de capacité simplement trop importants et de connaître des déficits financiers, car les coûts continuent d'augmenter.

Nous estimons que vous avez déjà réglé certains de ces problèmes dans d'autres collectivités du Canada. Comme vous le savez, cependant, beaucoup de collectivités continuent d'être tenues captives par les conditions de la Loi sur les Indiens, et, dans certains cas, cela ne favorise ni la croissance ni le changement. Vous avez reconnu le fait que les collectivités étaient des moteurs économiques, mais les nôtres demeurent des dortoirs. Nous voulons avoir la même autonomie, les mêmes possibilités et la même sécurité que le reste des Canadiens. Par-dessus tout, nous voulons collaborer et conclure des partenariats avec à peu près tout le monde, n'importe qui, pour veiller à ce que le destin de nos infrastructures et de nos logements soit le même qu'à peu près partout ailleurs au Canada.

Je l'ai dit devant le comité déjà, et devant d'autres comités : à mes yeux, c'est en grande partie une question de sécurité publique. Tout ce que nous voulons, c'est que nos collectivités du Canada atlantique soient saines, viables et autonomes sur le plan économique dans l'avenir. C'est la vision que nous souhaitons nous donner et que nous voulons travailler à réaliser. Nous voulons travailler avec le gouvernement et avec tous les autres intervenants, y compris l'industrie du secteur privé, pour réaliser cette vision.

Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, le travail du comité sur certains aspects de la question contribue à la modification des paramètres. Je vous remercie donc.

La vice-présidente : Merci de nous avoir présenté un exposé complet, monsieur Paul. Vous nous avez fait faire un survol global de la situation du logement et des infrastructures, plutôt que de l'aborder au cas par cas, comme les gouvernements le font souvent, d'après vous.

Nous allons maintenant passer à la période de questions, mais je vais peut-être commencer par vous poser une question qui est litigieuse dans une certaine mesure.

Souvent, quand le grand public voit que les maisons dans les réserves autochtones tombent en ruines et ont besoin de réparations, ils se demandent ce qui cloche chez les Premières Nations et pourquoi elles ne s'occupent pas de leurs maisons. Les gens se disent qu'il conviendrait peut-être de promouvoir l'idée de propriété des maisons pour régler le problème.

Que répondriez-vous à quelqu'un qui vous dirait quelque chose de ce genre?

M. Paul : C'est intéressant, car l'endroit d'où je viens au Canada atlantique, c'est Membertou. Il y a 20 ou 30 ans, nous entendions souvent des commentaires et des questions de ce genre. À un moment donné, nous avons dit aux gens que les programmes existaient, comme les logements subventionnés en vertu de l'article 95, le PAREL et divers autres programmes. Cependant, nous leur avons aussi dit que l'une des conditions de participation à ces programmes, c'est qu'il faut accepter de faire sa part.

Nous avons créé un système dans lequel nous faisons notre part et la personne concernée fait sa part. Nous avons établi une relation avec les dirigeants et les propriétaires de maison. Essentiellement, l'entente était que les participants faisaient leur part et que nous promettions de faire la nôtre en leur fournissant un logement. Les participants font leur part en faisant ce qu'il faut pour aider le propriétaire de leur logement à s'acquitter de ses responsabilités. Les participants n'étaient pas propriétaires des logements; ils n'étaient pas propriétaires des terres. Nous nous sommes donc rencontrés, nous avons parlé, nous avons discuté, nous avons débattu, et ainsi de suite, et nous sommes parvenus à amener la majorité de la collectivité à convenir du processus que nous allions suivre. En arriver à cette entente et à cette compréhension, puis rendre le tout officiel et appliquer des règles précises concernant la façon dont les participants allaient être traités et leurs liens avec les dirigeants de leur collectivité a vraiment tout changé, car certains des participants croyaient ne pas avoir de responsabilité : ce n'était pas leur logement.

Il faut des dizaines d'années pour en arriver là ou pour mettre cela en œuvre de façon systématique, mais il faut continuer de travailler directement auprès des propriétaires de maison de la collectivité pour bien faire passer l'idée que oui, nous allons faire notre part, mais ils doivent faire la leur. En arriver à cette compréhension, puis les sensibiliser à cette idée a vraiment tout changé.

Au départ — et je peux vous le dire pour avoir pris part au processus —, il y avait beaucoup d'acrimonie chez les propriétaires de maison et chez les dirigeants. Cependant, nous avons collaboré avec l'ensemble de la collectivité et en sommes arrivés à une démarche applicable qui est toujours suivie aujourd'hui, pour l'essentiel.

La vice-présidente : Pourriez-vous nous donner quelques exemples pour expliquer cela? Vous dites que vous avez conclu une entente avec les gens qui occupent les maisons en question. Disons que certaines cloisons sèches de la maison où je vis doivent être réparées et qu'il faudrait peut-être aussi donner une couche de peinture. Il n'y a pas de Home Depot près de chez moi. À Membertou, il y en a probablement un, mais plus au nord, il n'y en a pas un au bout de la rue. Quel genre de dispositions avez-vous prises pour fournir les matériaux ou les services d'un homme à tout faire de l'endroit de façon à aider les gens?

M. Paul : Nous avons embauché deux ou trois personnes. Ce que nous faisons fonctionne un peu comme les habitations à loyer modique. Il y a une ou deux personnes qui s'occupent de l'entretien de base. Elles ont suffisamment de connaissances pour faire des petits travaux pour les aînés et les gens qui sont dans le besoin, mais il faut demander l'aide d'une autre personne pour les travaux plus complexes. Dans ce cas, la personne doit habituellement s'adresser aux gestionnaires des logements. Elle doit lui dire de quoi elle a besoin par courriel, par Facebook ou au téléphone. Dans bien des cas, la collectivité fournit le matériel, et il appartient au propriétaire de la maison de faire le travail.

À moins que le gars de l'entretien ait le temps de le faire, si la personne est malade, handicapée, âgée ou incapable de se charger des travaux, nous embauchons habituellement quelqu'un pour les faire. Dans certains cas, les gens s'en chargent eux-mêmes, simplement.

La sénatrice Raine : Vous avez parlé dans votre déclaration préliminaire du besoin d'adopter une politique en matière de logement dont l'application pourrait être assurée par les Premières Nations de l'Atlantique et qui permettrait à chaque nation d'administrer et de rationaliser le travail lié au logement.

M. Paul : Ce que nous avons fait dans la collectivité a été imité et appliqué dans bien d'autres collectivités. Le plus gros problème, c'est d'obtenir la participation de la collectivité.

La sénatrice Raine : Vous avez fait cela à Membertou. Il vous a fallu beaucoup de temps, et vous avez dû travailler là-dessus. Utilisez-vous l'exemple de Membertou pour montrer aux autres collectivités autochtones ce qu'il est possible de faire?

M. Paul : Oui, et d'autres collectivités font de même. Certaines ont élaboré leurs propres politiques en matière de logement et ont adopté des règles, mais cela exige du temps. C'est l'élément crucial. Il y a deux facteurs importants : le temps et le fait de documenter ce qu'on fait exactement et d'amener les dirigeants à discuter avec les membres de la collectivité et les propriétaires de maison. Il faut que les deux parties soient d'accord avec les mesures qui vont être prises. Le défi le plus important tient probablement au fait d'amener les gens à être d'accord avec quelque chose qui peut leur convenir ou non.

Quant à l'allocation des logements ou au fait de fournir un logement à une personne, il y a un processus de demande et une lettre précisant les modalités d'obtention d'un logement. Tout cela est communiqué par écrit, et la connaissance des obligations des participants n'est pas laissée au hasard.

Il faut travailler auprès des gens et leur demander de s'acquitter d'obligations raisonnables, et ils comprendront que les ressources financières ne sont pas illimitées et ne permettent pas de faire n'importe quoi. Ce n'est le cas nulle part. Il faut tempérer les responsabilités en fonction de la situation financière.

La sénatrice Raine : Ce travail est exécuté adéquatement à l'échelon communautaire par le conseil, le service de logement et les locataires.

M. Paul : Oui.

La sénatrice Raine : Dans la plupart des collectivités, est-il possible pour les gens d'acquérir un terrain et de se construire une maison, s'ils ont les ressources nécessaires?

M. Paul : Cela se fait dans ma collectivité. Je sais qu'on a donné un terrain à une personne, qu'on lui a fourni un accès aux réseaux de traitement de l'eau et d'égout et que cette personne s'est construit une maison avec son argent.

La sénatrice Raine : Y a-t-il aussi des gens qui vivent dans une maison modulaire ou mobile?

M. Paul : Il y en a dans beaucoup de collectivités. Depuis un certain nombre d'années, nous encourageons nos gens de métier à construire des maisons, car cela crée des emplois dans notre collectivité.

Le gros problème, comme je le disais tout à l'heure, c'est que d'autres gens veulent embaucher ces gens de métiers et s'installer ailleurs, ce qui fait que nous allons finir par ne plus avoir les ressources nécessaires pour construire des maisons. C'est là que se trouve l'impasse. On dispose d'un budget limité pour offrir un salaire raisonnable, mais ensuite quelqu'un offre le double de ce salaire — 14 jours de travail et 14 jours de congé, ou un autre scénario de ce genre.

C'est un avantage concurrentiel qui pose problème. Je pense que nous faisons du mieux que nous pouvons pour fixer une rémunération raisonnable pour les métiers de base, comme la charpenterie et la plomberie et offrir des salaires raisonnables dans le secteur de la construction domiciliaire. Ce n'est pas de l'esclavage ni du travail au salaire minimum; c'est plutôt une rémunération raisonnable pour le travail qui est fait.

La sénatrice Raine : Constatez-vous que de plus en plus de jeunes envisagent de faire carrière dans un métier grâce au fait qu'ils peuvent partir, travailler ailleurs, revenir et continuer de vivre dans la collectivité?

M. Paul : Oui, ils sont de plus en plus nombreux à le faire. C'est intéressant, cependant, car s'ils ne trouvent pas le moyen de survivre ailleurs après le premier cycle, ils reviennent. S'ils vont travailler pendant 21 jours suivis de 7 jours de congé et que quelque chose arrive, les chances qu'ils retournent travailler — il faut qu'ils fassent au moins 5 ou 6 cycles pour trouver le rythme nécessaire et continuer de faire cela pendant 5, 10 ou 15 ans. Cela finit par faire partie du cycle de vie, essentiellement.

Je vois tous ces gens qui rentrent à Sydney à partir de Toronto chaque semaine et qui reviennent de Fort McMurray chaque semaine ou chaque jour.

La sénatrice Raine : C'est intéressant, car si vous envisagez la chose à long terme, c'est une bonne chose pour vos collectivités, car les gens acquièrent des compétences. À un moment donné, ils vont les appliquer dans la collectivité, quoique, idéalement, ils pourraient le faire en restant chez eux. Si l'économie ne le permet pas, il faut éviter de retenir les gens.

M. Paul : La seule chose qui pose problème dans les collectivités, c'est que la quantité de projets de construction est limitée. Dans les collectivités non autochtones ou de l'extérieur. Les projets de construction sont pour la plupart des projets de lotissement complets. Dans une collectivité, on peut construire, 2, 3, 5 ou 10 maisons en même temps, ce qui fournit du travail à peut-être 15 personnes, disons.

L'échelle est réduite, et il faut donc trouver un équilibre avec la main-d'œuvre dont on dispose. Il faut éviter de se débarrasser de tout le monde, puis d'être obligé de payer le double du salaire. C'est là que se trouve l'impasse, et c'est un gros défi. Il faut élaborer les bonnes stratégies pour ce qui est des jeunes, appuyer ceux qui cherchent des possibilités d'emploi et leur permettre d'acquérir les compétences voulues pendant cinq ans; et ensuite, il faut les amener à faire autre chose.

Si on arrive à fournir un logement à ces gens 5 ou 10 ans après qu'ils se soient établis, lorsqu'ils ont un revenu et un mode de vie stables, on verra les autres possibilités s'offrir à eux.

Le sénateur Moore : Merci, monsieur Paul, d'être revenu nous voir. J'ai deux ou trois questions à vous poser. Où le réseau a-t-il son siège? Où est-il situé?

M. Paul : Nous travaillons essentiellement dans nos propres bureaux ou dans ceux de notre propre organisation. Nous travaillons avec les Premières Nations et les autres organisations tribales de la région, ainsi qu'avec chacun des organismes fédéraux du Canada atlantique.

Le sénateur Moore : Personnellement, vous vivez à Membertou.

M. Paul : Oui.

Le sénateur Moore : Vous êtes directeur exécutif du secrétariat, n'est-ce pas?

M. Paul : Membertou fait partie des collectivités du secrétariat.

Le sénateur Moore : Précisément. Au quotidien, vous jouez aussi le rôle de secrétaire du réseau?

M. Paul : J'ai un autre employé qui s'occupe du réseau en particulier.

Le sénateur Moore : Qui demande conseil au réseau, un chef ou un gestionnaire des logements d'une Première Nation?

M. Paul : Nous avons créé un réseau complet de gens. Essentiellement, nous avons créé un réseau de gestionnaires de bandes dans les collectivités, qui sont les PDG ou les gestionnaires de bandes des collectivités, les directeurs des logements dans les collectivités, y compris certains gens de métier des collectivités avec qui nous parlons. Nous entretenons aussi des liens avec l'ensemble des intervenants fédéraux concernés.

Nous avons aussi des relations avec le secteur privé, par exemple avec les associations de constructeurs de maisons de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick et les autres groupes qui prennent part à cette activité dans notre région.

Le sénateur Moore : Qui demande conseil au réseau?

M. Paul : La collectivité, principalement. Ça peut être le chef. Ça peut être le conseil. Nous discutons avec tout le monde, que ce soit le chef, le conseil, le personnel, toute la collectivité; cela n'a pas d'importance. Nous sommes prêts à discuter de ces questions avec n'importe qui.

Le sénateur Moore : Le réseau existe depuis 2007. Combien de demandes avez-vous reçues depuis sa création?

M. Paul : Je dirais que nous avons quelque chose à faire presque chaque mois, ou que nous fournissons de l'information ou des conseils aux collectivités sur un sujet donné chaque semaine. Nous mettons nos experts à la disposition des collectivités, y compris notre personnel et les autres experts de la collectivité, pour soutenir chacune des collectivités membres du secrétariat. Une collectivité peut en aider une autre, ou une organisation peut venir en aide à deux ou trois collectivités.

Nous avons choisi de faire les choses ainsi pour permettre à la fois aux organisations et aux collectivités de s'entraider. C'est pour cette raison que nous avons créé un réseau, donc quelque chose qui est davantage axé sur la collaboration, pour permettre aux gens d'échanger des renseignements, de s'entraider et de se soutenir mutuellement.

Le sénateur Moore : Est-ce que les gens qui sont membres du réseau selon ce que vous avez dit possèdent les qualifications nécessaires pour fournir les conseils demandés, ou avez-vous déjà eu à obtenir des conseils de l'extérieur?

M. Paul : Nous nous adressons à d'autres personnes qu'aux gens de notre réseau. Nous recourrons aux ressources d'Affaires autochtones. Nous utilisons les ressources de la SCHL, et aussi celles des constructeurs de maison, entre autres.

Pour moi, il faut demander de l'aide à quiconque peut en fournir. Si nous arrivons à faire en sorte que ces ressources soutiennent les activités et les mesures prises à l'échelon communautaire, et en fassent aussi la promotion, qu'est-ce qui pose problème là-dedans? Si cela permet d'obtenir du soutien et que c'est fondé sur une demande, je n'y vois pas de problème, puisque nous essayons de soutenir les gens concernés.

Le sénateur Moore : J'aimerais vous poser quelques questions au sujet de l'exigence de la SCHL concernant le fait que les Premières Nations respectent les critères du nouveau programme relatif au Code national du bâtiment aux termes de l'article 95.

Nous avons entendu des témoignages contradictoires, je dirais. Certains ont dit que les Premières Nations avaient été averties il y a deux ans. D'autres gens qui ont témoigné devant nous se regardaient entre eux comme s'ils en avaient entendu parler pour la première fois la veille du jour de leur comparution et du moment où nous leur avons posé des questions.

Je me pose des questions à ce sujet et au sujet de toute l'affaire des inspecteurs de l'Initiative des services d'inspection par des Autochtones. Je trouvais que c'était une excellente occasion pour des hommes ou des femmes intéressés dans les réserves, des Autochtones, d'acquérir les qualifications nécessaires pour offrir le service, que ce soit dans la collectivité ou ailleurs au pays.

Que pouvez-vous nous dire à ce sujet? Quand avez-vous appris ce qui allait se passer, monsieur Paul?

M. Paul : J'ai vu une lettre qui a été envoyée aux collectivités il y a environ un mois.

Le sénateur Moore : Était-ce la première fois que vous en entendiez parler?

M. Paul : C'est la première fois que j'en entendais parler.

Permettez-moi de revenir un peu en arrière pour vous donner quelques explications. Même dans le cadre du programme établi en vertu de l'article 95, ou du PAREL de la SCHL, fondamentalement, lorsqu'on détermine les spécifications de travaux ou même pour la construction d'un bâtiment, la plupart des gens utilisent la norme du code du bâtiment comme guide pour ce qu'ils veulent faire.

Ce qui change, c'est que l'application du code par la SCHL était liée au versement des ressources financières par rapport à l'inspection, et pas nécessairement à la conformité en tant que telle. On procédait à l'inspection pour s'assurer que des progrès avaient été réalisés et que l'argent avait été versé, et pas nécessairement pour vérifier la conformité. C'était une lacune qui avait été créée il y a longtemps, parce que c'était lié à une éventuelle responsabilité des inspecteurs eux-mêmes en ce qui a trait à la conformité. Comment les inspecteurs auraient-ils pu faire appliquer le code?

Le sénateur Moore : Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la dernière partie de votre réponse. Puis-je vous demander de répéter? Veuillez simplement répéter la dernière partie.

M. Paul : Je comprends ce qui se passe à la SCHL parce que je suis là depuis longtemps. Le programme exige la tenue d'une inspection pour que l'argent soit versé. Il ne l'exige pas pour assurer la conformité avec le Code national du bâtiment en tant que tel.

Le problème tient au fait que, si les inspecteurs procédaient aux inspections précisément pour assurer la conformité, il faudrait que quelqu'un assume la responsabilité légale de leur travail, c'est-à-dire la SCHL dans ce cas-ci. La SCHL ne voulait donc pas assumer cette responsabilité. Elle voulait s'assurer que des progrès étaient réalisés, mais pas nécessairement en ce qui a trait à la responsabilité légale.

Le sénateur Moore : Les inspecteurs vérifiaient donc les progrès, mais pas la conformité avec le code du bâtiment?

M. Paul : Oui. C'est possible. C'était une drôle de façon de procéder dès le départ. Lorsque la SCHL a établi ce processus, c'était un peu bizarre.

Je sais que tout ce qu'il faudrait, ce serait que ces inspecteurs de l'ISIA suivent une formation particulière qui leur permettrait de faire le travail de vérification de la conformité. C'est ce qui serait nécessaire. Je ne sais pas pourquoi personne n'a pensé à faire cela, parce que, à mes yeux, cela aurait été plus sensé.

Le sénateur Moore : Cela aurait dû être fait avant la mise en œuvre de la nouvelle exigence. Quelqu'un aurait dû prévoir ce qui allait se passer, je crois.

La vice-présidente : Si vous me permettez de poser une question complémentaire, vous parliez de responsabilité liée à l'inspection. Je me demandais si vous aviez des suggestions ou des recommandations concernant la façon de régler ce problème.

M. Paul : Je crois et je conviens que la plupart des gens qui construisent des maisons sont d'accord pour dire que le code est la norme à respecter dans toutes les collectivités. Dans les collectivités non autochtones, il faut embaucher un inspecteur, sans quoi on ne peut obtenir d'hypothèque. C'est un peu comme cela que les choses fonctionnent. Dans notre cas, il est possible d'obtenir une hypothèque sans le faire.

Je dirais qu'il faut établir un lien avec l'hypothèque à un moment donné, car ce n'est pas le cas actuellement. Les deux choses ne sont pas liées. À un moment donné, il faut que les inspections soient liées à l'hypothèque d'une façon quelconque.

Le sénateur Tannas : Des représentants de la SCHL sont venus témoigner, et je ne suis pas sûr que l'inspection soit nécessaire aux fins de l'hypothèque. C'est la preuve que les travaux ont été faits qui est nécessaire.

M. Paul : Oui.

Le sénateur Tannas : Le problème, c'est que l'inspection relève des compétences municipales et provinciales. Comme les représentants de la SCHL nous l'ont expliqué lorsqu'ils sont venus témoigner, il y a un problème de compétences à l'égard duquel tout le monde tergiverse. Lorsque cette compétence n'existe pas au sein d'une Première Nation, lorsqu'elle ne l'a pas exercée et n'a pas déclaré l'existence d'un code du bâtiment dans sa municipalité, sur son territoire, et précisé qu'elle l'applique, la SCHL doit combler le vide sans se gêner. Je pense qu'elle a commencé à le faire depuis février, car ses représentants suivent les délibérations du comité. Et nous avons entendu des histoires d'horreur.

Le problème, c'est que c'est comme un réflexe; les choses se sont passées trop vite. Il n'y a pas d'inspecteurs capables de le faire, et there's no leverage. Je suis prêt à parier que nous allons bientôt créer une situation — et je vais en arriver à une question dans un instant — où la SCHL va recevoir un rapport selon lequel tel projet ne respecte pas les codes du bâtiment, et il va y avoir des maisons à moitié construites partout, en attendant que quelqu'un règle le problème. Ce sera la prochaine étape.

Voulez-vous faire un commentaire sur ce dont nous avons parlé ici, sur ce problème de compétences, et nous dire où vous voyez les Premières Nations intervenir dans l'élaboration de la chose, surtout maintenant que nous savons qu'un problème va se poser?

M. Paul : Je crois que les collectivités peuvent régler ce problème dans bien des cas. Je le crois. Je crois qu'elles peuvent le faire. Il s'agit d'acquérir les bonnes capacités et de mettre au point le bon processus pour faire en sorte qu'il soit bel et bien mis en œuvre et que tous les intervenants, qu'il s'agisse de la province, de la SCHL ou d'Affaires autochtones et du conseil, soient d'accord pour le faire, pour appliquer les règles et pour assurer la conformité.

J'envisage les choses dans l'autre optique, dans celle du propriétaire d'une maison dans une collectivité. Si je reçois une maison de la collectivité qui est à moitié construite, je n'ai aucun moyen de faire en sorte que la construction soit terminée. Les mesures prises vont à tout le moins donner au propriétaire le moyen de faire terminer les travaux.

Je le sais pour avoir eu à m'occuper de je ne sais combien de familles. Tout ce qu'elles veulent, c'est que la construction de la maison soit terminée. Elles veulent simplement que la construction respecte une certaine norme.

Ce que j'explique à presque tout le monde, c'est que, lorsque nous construisons des maisons, nous utilisons le Code national du bâtiment. Ce que j'ai fait, c'est que je l'ai utilisé dans le cadre du processus d'appel d'offres pour l'allocation ou pour faire en sorte que les gens exécutent vraiment les travaux de construction. Lorsque je leur octroyais le contrat de construction, je leur remettais les plans, le plan du chantier, et je leur donnais aussi une feuille de spécifications rédigée de telle façon que la conformité avec le Code national du bâtiment soit obligatoire.

Si cela est abordé dans le processus d'appel d'offres ou de passation de marchés, on arrive à faire faire le travail, parce que ce que je disais aux gens qui travaillaient pour nous, c'était qu'il fallait qu'ils procèdent de la façon précisée, sans quoi ils n'allaient pas être payés. C'est une mesure d'incitation très puissante lorsque le propriétaire de la maison est de votre côté, car son seul objectif est que la construction soit terminée pour qu'il puisse s'installer dans la maison. C'est l'objectif principal du propriétaire : « Terminez les travaux pour que je puisse m'installer. » Ou encore dans le cas de rénovations : « Terminez les travaux pour que je puisse rentrer chez moi », peu importe.

Je pense qu'il serait très utile d'utiliser cela comme appui, entre autres.

Le sénateur Wallace : Merci, monsieur Paul.

Dans votre exposé, vous avez parlé du besoin de — vous avez parlé d'un processus de consultation transparent pour l'adoption de tout nouveau projet de loi.

Je dois dire que, depuis que je suis membre du comité, aucun projet de loi concernant les Premières Nations ne nous a été soumis sans qu'on nous parle du manque de consultations, entre autres. Je pense que dans le cas de ce travail que nous faisons sur ce besoin précis en matière de logement et d'infrastructures, nous souhaitons formuler des recommandations qui aient des chances d'être adoptées, et pour comprendre le processus, donc, il faudrait que nous présentions ces recommandations.

Pour ce qui est de la consultation, j'aimerais entendre tout ce que vous pourriez avoir à dire au sujet de la façon dont les consultations relatives à une stratégie en matière de logement devraient avoir lieu auprès des collectivités des Premières Nations. Élaborer une politique générale et complète visant l'ensemble des 633 collectivités de Premières Nations du pays n'est pas une chose facile à réaliser, alors comment le gouvernement fédéral doit-il aborder ces consultations? S'attend-on à ce qu'il y ait des discussions avec chacune des 633 collectivités, séparément, ou y a-t-il des organisations qui regroupent les bandes autochtones, par exemple l'APN ou, dans votre cas, le secrétariat, avec lesquelles le gouvernement peut collaborer à l'élaboration des politiques en question? Qu'avez-vous à dire là-dessus? De quelle façon le processus de consultation devrait-il se dérouler?

M. Paul : Il y a passablement de temps que je m'occupe de ces questions liées au logement et aux autres choses de ce genre, et je crois vraiment en une démarche de consultation à trois ou quatre volets, surtout lorsqu'il s'agit d'une question importante et cruciale comme le logement.

Il faut que vous en discutiez avec les gens des collectivités à l'autre bout du processus pour l'envisager selon leur vision du monde, puis l'envisager en fonction de la vision du monde des dirigeants et des gestionnaires. Ensuite, il faut s'adresser aux organisations et à l'APN.

Je pense que c'est ainsi qu'il faut préparer et organiser la chose, mais préciser clairement ce que vous demandez, précisez clairement ce que vous essayez d'obtenir de ces gens. Je crois que beaucoup de nos collectivités ont elles-mêmes de nombreuses idées positives et novatrices sur ce qui pourrait être fait. Il faut simplement que nous trouvions un moyen de joindre les gens, de susciter leur intérêt pour les amener à nous aider à concrétiser les projets.

Comme je l'ai dit, procéder à tous les échelons et par étapes dans un... mais vous dites aux gens que vous allez procéder de cette manière, que vous allez vous placer du point de vue du spectateur pour lancer une discussion. Il y a deux optiques, essentiellement. Une ici, et une à l'autre bout.

Je pense que les gens qui possèdent une maison ou qui aimeraient en posséder une dans la collectivité ressentent énormément de frustration en raison de l'absence ou du manque de ressources financières pour construire de nouveaux logements. Ils sont simplement frustrés, et ils veulent vraiment entendre ou fournir des idées concernant des moyens novateurs d'offrir les solutions en question à partir de leurs points de vue. Je pense que beaucoup de gens novateurs et beaucoup de collectivités novatrices du pays peuvent le faire. Ce n'est pas un problème auquel il est possible d'apporter une solution universelle. Si c'était le cas, ce serait facile.

Dans notre cas, nous avons dû collaborer avec les gens de notre collectivité pour élaborer une stratégie logique qu'ils appuyaient aussi. Ce n'est pas seulement le conseil et moi qui l'avons fait, ou quelque chose de ce genre. Tout le monde a participé : nos aînés, nos jeunes et tout le monde qui avaient des idées de solutions. Il fallait que les gens y croient.

Lorsqu'on construit des maisons pour les 30, 40 ou 50 prochaines années, il faut penser à l'avenir. On ne peut pas seulement répondre au besoin immédiat.

Le sénateur Wallace : Non. Je pense que personne ne vous contredirait là-dessus. Je trouve que c'est très logique. C'est simplement qu'il n'est pas facile d'aborder cette question et d'essayer de trouver des solutions fondées sur une politique générale permettant de fournir des logements à 633 bandes du pays.

M. Paul : Je suis d'accord pour dire que ce n'est pas une tâche facile. Ça n'a jamais été le cas.

Le sénateur Wallace : Non, et ça n'a pas à l'être non plus. Ça va. Je vois toutefois en quoi la contribution locale de certaines bandes ou des habitants de certaines réserves est pertinente, surtout lorsque les enjeux leur sont propres. Ce que je me disais, c'est que c'est la tâche de l'APN et d'organisations comme la vôtre. Vous avez ces contacts avec chacun de vos membres. Il me semblerait plus adéquat de procéder ainsi, parce que vous comprenez la situation. Ensuite, les enjeux sont présentés au gouvernement fédéral, qui discute avec l'APN et le secrétariat. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de contacts aux échelons inférieurs. Ce n'est pas ce que je laisse entendre du tout. Je pensais simplement que c'était de cette façon que les choses devaient fonctionner concrètement, mais il ne semble pas qu'elles fonctionnent ainsi dans le cas de vos organisations.

M. Paul : Le logement est une question très délicate dans les collectivités. C'est une question de politique et d'éducation. Peu importe le sujet abordé, il y a un lien avec le logement — la santé, tout le reste est lié au logement.

Le sénateur Wallace : Les organisations des Premières Nations ne seraient-elles pas celles qui sont capables de se charger de cette question, puis de s'adresser au gouvernement fédéral?

M. Paul : Je suis d'accord. Je pense que nous devons remettre en question la façon dont nous avons procédé dans le passé. Comme vous le disiez, je crois vraiment qu'il est peut-être temps d'envisager des façons novatrices d'aborder le problème, que ce soit à l'échelon provincial ou régional, de trouver des solutions communes et des processus communs, ainsi que des partenaires, pour en arriver à des solutions et ensuite avoir la capacité de les appliquer.

Le sénateur Wallace : J'ai une autre question, si vous me permettez de la poser, madame la vice-présidente.

Monsieur Paul, vous avez parlé des stratégies de gestion des biens en vigueur, du fait qu'elles ne sont pas viables à long terme, entre autres parce qu'il n'y a pas de politiques en matière de logement dont l'application puisse être rendue obligatoire au sein des Premières Nations de l'Atlantique. Puisque vous nous dites cela, est-ce que le secrétariat et vous seriez en faveur de l'élaboration de codes et de stratégies d'application obligatoires en matière de logement, un peu comme la démarche suivie dans le cadre du projet de loi S-8, le projet de loi sur la salubrité de l'eau potable? Autrement dit, utiliser cela comme modèle, comme exemple de succès — et je pense que vous avez dit que c'était un succès — et appliquer cette démarche aux normes en matière de logement et à d'autres stratégies dans le domaine.

M. Paul : L'objectif est de procéder ainsi.

Le sénateur Wallace : Êtes-vous en faveur de cette façon de faire?

M. Paul : Je pense qu'il faudrait que j'examine la chose et que je voie ce que les gens sont prêts à en faire et aussi que je discute avec nos dirigeants et les membres de nos collectivités pour voir si c'est possible. Je pense que le plus gros problème, c'est que nous sommes aux prises avec ces questions depuis si longtemps que nous sommes coincés. Je pense que, comme vous le disiez, le temps est venu d'oublier le passé et de vraiment trouver de nouvelles voies pour en arriver à des solutions logiques aux problèmes qui se posent.

Le sénateur Wallace : Ou d'en arriver au point où, du point de vue du gouvernement, on pense que les choses avancent, on pense que les changements proposés sont appuyés de façon générale, pour finir par frapper un mur de briques et voir tout cela s'écrouler. Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que ce n'est pas productif.

M. Paul : Oui.

Le sénateur Meredith : Monsieur Paul, merci encore une fois de votre exposé. J'aime toujours voir avec quelle passion vous parlez des enjeux touchant votre collectivité.

Vous avez mentionné, pour donner suite à ce que mes collègues viennent d'aborder concernant le projet de loi S-8, qu'un autre problème auquel les collectivités des Premières Nations de l'Atlantique font face, c'est l'adoption de projets de loi sans outils et sans ressources financières et humaines pour aider les collectivités à s'adapter aux nouvelles lois et aux nouveaux règlements.

À votre avis, pourquoi AADNC n'a-t-il pas prévu les fonds nécessaires pour assurer la conformité? Les représentants du ministère qui sont venus témoigner devant nous nous ont toujours dit que certaines sommes étaient affectées à la transition lorsqu'un nouveau texte législatif est adopté, de façon à garantir une transition sans heurts, et ainsi de suite. À votre avis, pourquoi ces ressources devant faciliter la transition ne sont-elles pas là?

M. Paul : Le problème, c'est que, dans le cas du projet de loi qui a été présenté, le niveau de ressources des collectivités est demeuré le même, au taux de 1 p. 100. Lorsqu'un nouveau texte législatif est adopté — peu importe sa nature —, cela crée de nouvelles obligations, une nouvelle charge de travail pour le gestionnaire de la bande, le personnel chargé des questions juridiques, le personnel qui s'occupe des questions financières, et cetera. Il y a une augmentation des coûts pour la collectivité et pour les gens qui en sont membres. Comme le budget global ne croît que peu, voire pas du tout, on est pris avec cela; cela devient une responsabilité à assumer, qu'on le veuille ou non.

La loi sur les biens matrimoniaux entrera en vigueur en décembre prochain. En ce moment, nous faisons le tour des collectivités pour les informer et pour leur conseiller de mettre en place leurs propres pratiques et lois dans ce domaine. Le défi qu'elles doivent relever, cependant, c'est d'arriver à le faire avec leurs ressources financières actuelles, ce qui pose certains problèmes, car c'est quelque chose qui s'ajoute à une liste d'autres priorités, qu'il s'agisse de l'éducation, de la santé, des services sociaux ou des infrastructures; peu importe. Les pressions sur le budget continuent de s'accroître. La taille des populations continuant d'augmenter, les problèmes s'accentuent de plus en plus, et les collectivités doivent faire des compromis, essentiellement, quant à ce qu'elles feront et à ce qu'elles ne feront pas, car les ressources financières limitent ce qu'on peut faire et ce qui peut être envisagé comme étant une priorité.

Le sénateur Meredith : Pour en revenir à la question du code, un de mes collègues a parlé de la réaction de la SCHL comme étant un réflexe. Vous parlez de la santé des familles et du fait que nous avons vu les reportages sur la présence courante de moisissures dans les maisons des Premières Nations.

Parlez-nous des raisons qui, selon vous, expliquent la lenteur de la réaction de la SCHL. Nous savons qu'il y a un problème. Nous savons que des gens sont tombés gravement malades à cause des moisissures et de l'inspection inadéquate des maisons en question. Pourquoi la réaction à ce problème a-t-elle été lente?

M. Paul : Je ne sais pas, mais je sais que, pour ce qui est de la qualité de l'air et des moisissures, il n'y a pas de norme de qualité dont le respect soit obligatoire. Cela fait aussi partie du problème. Je ne pense pas que le code du bâtiment parle de qualité de l'air.

Le problème tient au fait qu'il y a une corrélation directe entre la qualité de l'air et certains problèmes de santé, des choses surtout comme l'asthme ou d'autres troubles, mais prouver l'existence de cette corrélation est une autre paire de manches. Quel indicateur ou quelle norme utilise-t-on pour affirmer que la qualité de l'air pose problème?

Nous avons abordé les problèmes de moisissures et de qualité de l'air dans les collectivités où des inspections ont été menées, où des moisissures ont été détectées, et il est clair que c'est un gros problème. Étrangement, le simple fait qu'un robinet soit brisé dans un logement peut finir par créer des conditions très néfastes. Dans une maison normale, un robinet qui coule serait réparé. Mais dans une collectivité, s'il y a 10 personnes qui vivent dans le logement, l'usure du robinet est tout à fait normale, et le fait qu'il coule entraîne une détérioration de la qualité de l'air au fil des ans. L'ampleur du problème que cela cause dans un logement est extraordinaire. Je l'ai constaté dans des maisons où cela a pris deux ou trois mois, mais le simple fait qu'un robinet coule peut entraîner des problèmes énormes dans un logement. Je dis toujours que les dommages que l'eau peut causer dans un logement sont incroyables. Normalement, la personne qui y vit déciderait simplement de réparer le robinet, et, parfois, on ne voit pas cela comme étant un gros problème. C'en est un. Ça devient un gros problème.

Cela nous ramène au fond à l'essentiel de ce que je disais au sujet de la nécessité de fournir constamment de l'information aux gens sur les responsabilités de propriétaires et simplement sur la gestion de l'entretien de base d'un logement. J'ai toujours dit qu'il fallait d'abord instruire les enfants et que les parents allaient suivre. Si les enfants vous harcèlent constamment à propos de toutes sortes de choses dans la maison, devinez ce qui va se passer. Vous allez finir par le faire parce qu'ils vous harcèlent constamment en vous disant que leur professeur leur a dit qu'il fallait faire telle ou telle chose. L'initiative Ma maison est mon wigwam nous a aidés à pousser de très jeunes enfants à harceler leurs parents à la maison. Ce genre d'initiatives d'éducation engendre vraiment les changements qui permettent l'amélioration des pratiques dans une maison au fil du temps.

Le sénateur Meredith : Vous m'offrez une excellente occasion de poser ma dernière question.

Cette trousse d'outils offre une occasion extraordinaire d'éduquer les jeunes au sujet de l'importance de l'entretien des maisons et des répercussions potentielles sur la santé. Par ailleurs, un peu plus loin dans votre exposé, vous avez parlé du fait que l'information fournie par la SCHL n'est pas adaptée sur le plan culturel. Pourquoi n'y a-t-il pas eu de consultation approfondie pour garantir que l'initiative ne vienne pas seulement d'en haut, mais qu'elle parte aussi d'en bas, et que vous puissiez dire que vous avez cerné telle ou telle chose en tant qu'Autochtone et que vous voulez que ces choses soient enseignées à vos enfants?

M. Paul : La version occidentale de l'initiative s'appelait « Ma maison est mon tipi ». Il n'y a pas de tipis au Canada atlantique. Il y a des wigwams. Nous avons donc rebaptisé l'initiative « Ma maison est mon wigwam » et avons établi les liens avec notre situation et l'histoire particulière des Micmacs, des Malécites, des Pescomody et des Innus du Canada atlantique, et nous avons intégré des termes tirés de notre langue dans la trousse d'outils, pour que les enseignants puissent l'utiliser auprès de tous les élèves, peu importe leur âge, afin de leur inculquer l'importance de pratiques ménagères standard, qui devraient simplement être normales.

Comme je le disais tout à l'heure, le simple fait qu'un robinet coule ne semble pas pouvoir causer de gros problèmes, mais ça devient un gros problème lorsque le robinet coule pendant des semaines ou des mois. Montrer aux enfants à harceler leurs parents au sujet de choses de ce genre fonctionne vraiment. Lorsqu'un enfant du primaire demande à ses parents pourquoi ils ne réparent pas le robinet et qu'il le fait chaque jour, les parents finissent par se rendre compte qu'ils doivent faire quelque chose pour le réparer.

Le sénateur Meredith : J'ai une dernière question au sujet du fait que les enfants harcèlent leurs parents pour qu'ils fassent certaines choses. Qu'est-ce que votre organisation a fait pour sensibiliser les jeunes à la littératie financière ainsi qu'aux questions liées au fonds national pour le logement?

M. Paul : Nous avons fait beaucoup de choses intéressantes au chapitre de la littératie. J'ai fait des choses générales au sujet de la littératie financière auprès des dirigeants et des collectivités.

Pour ce qui est des collectivités, c'est quelque chose qui doit être intégré au programme, parce que les gens qui vivent dans une collectivité n'ont pas la même compréhension des questions financières que ceux qui vivent ailleurs. Le fait est que la littératie financière n'est pas le contraire de l'analphabétisme. Je crois que les gens doivent comprendre que la littératie financière, c'est le fait qu'on leur donne accès à davantage d'information et à de meilleurs moyens de déterminer leur avenir et qu'une meilleure compréhension dans ce domaine les aidera vraiment à faire les choix qu'ils devront faire. Si on pouvait enseigner cela aux élèves de la maternelle, je serais tout à fait d'accord, car je crois qu'il est important d'enseigner cela au moment où c'est nécessaire, lorsqu'on enseigne les mathématiques et toutes sortes d'autres choses aux élèves, lorsqu'ils s'installent dans leur premier appartement ou dans leur premier appartement de luxe quelque part, ou même lorsqu'ils vont travailler dans l'Ouest, dans certains cas, car ils ont besoin de ces connaissances là-bas, étant donné que c'est à des milliers de kilomètres et qu'ils doivent composer avec les ressources dont ils disposent. Il est crucial de posséder des connaissances en matière de finances pour s'occuper de ces choses dans le contexte du logement et de la propriété d'une maison.

La vice-présidente : Une dernière question : vous avez parlé de la formation des jeunes dans les métiers, et vous avez aussi parlé du fait que beaucoup de vos gens de métiers qualifiés, de vos charpentiers, de vos plombiers et de vos électriciens s'installent ailleurs parce qu'ils reçoivent de meilleures offres d'emploi. Avez-vous envisagé la possibilité de lier la formation à la résidence, à un engagement de travailler dans la réserve pendant une certaine période en échange de ce qui serait essentiellement une bourse? Lorsque j'ai commencé à fréquenter l'université, il existait un certain nombre de bourses permettant de faire des études en médecine, en travail social ou dans un autre domaine, mais il fallait promettre qu'on allait travailler dans la province pendant trois ans après avoir terminé ses études.

Avez-vous envisagé quoi que ce soit de ce genre pour inciter les gens qui viennent de terminer leur formation à demeurer dans leur collectivité?

M. Paul : Pas vraiment, je pense que c'est quelque chose que les gens vont devoir commencer à envisager, car on investit des ressources financières et on s'attend à obtenir un résultat. Nous devrions nous attendre à ce que les gens qui utilisent les ressources financières de la collectivité apportent une contribution en échange, même si ce n'est qu'un an de leur vie à travailler comme apprenti ou quelque chose de ce genre.

Une chose que nous avons faite dans ma collectivité, c'est de mettre en place un programme du Sceau rouge dans le cadre duquel nous prenons délibérément des mesures pour nous assurer que nos apprentis font partie des équipes de construction et participent à la construction de tous les logements. Pour être un entrepreneur dans notre collectivité, il faut embaucher des apprentis de chez nous aussi. C'est une autre petite condition futée du contrat.

Je suis d'accord; je pense qu'il faut qu'il y ait des mesures d'incitation. Cela n'a pas à durer éternellement. On ne peut forcer les gens à demeurer dans la collectivité éternellement. Si nous investissons dans leur formation, nous voulons qu'ils investissent dans notre collectivité, au moins pour un petit bout de temps, afin de permettre qu'elle s'améliore.

La vice-présidente : Merci. Au nom de tous les membres du comité, j'aimerais vous remercier de votre présence devant nous aujourd'hui, de votre témoignage et de vos excellentes réponses à toutes les questions que les sénateurs ont posées.

(La séance est levée.)


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