Aller au contenu
APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 8 - Témoignages du 15 septembre 2014 (après-midi)


THUNDER BAY, le lundi 15 septembre 2014

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 14 h 7, pour poursuivre son étude sur les problèmes liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations.

Le sénateur Dennis Glen Patterson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Mesdames et messieurs, bonjour. Je vous souhaite la bienvenue à la continuité de notre séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

Je tiens à présenter nos excuses à ceux qui se sont déplacés et qui s'attendaient à ce que la séance commence plus tôt. Nous avons entendu des témoignages absolument fascinants ce matin, et nous avons pris un peu de retard. Nous vous remercions donc de la patience dont vous avez fait preuve en nous attendant cet après-midi.

Dans le cadre de la présente étude sur le logement et l'infrastructure dans les collectivités des Premières Nations, nous sommes heureux d'accueillir notre troisième groupe d'experts, qui se compose de deux témoins : le chef Alex McDougall, qui représente la Première Nation de Wasagamack, et M. Bryan Poulin, professeur agrégé de l'Université Lakehead.

Nous allons commencer par le chef McDougall, après quoi nous écouterons M. Poulin. Les brefs exposés seront suivis de questions des sénateurs. Je demanderais aux intervenants, lorsqu'ils parlent, de s'approcher du microphone et de tenir le bouton du bas enfoncé, comme je le fais à l'instant. Il suffit de le relâcher lorsque vous arrêtez de parler. Il faut donc maintenir la pression sur le bouton.

J'aimerais rapidement poser une question d'ordre administratif aux membres du comité. Le mémoire que nous avons reçu de la Première Nation de Wasagamack est en anglais seulement. Les membres du comité sont-ils d'accord pour l'utiliser malgré tout?

Des voix : Oui.

Le président : Merci.

Chef McDougall, je vous souhaite la bienvenue.

Alex McDougall, chef, Première Nation de Wasagamack :

[Le chef McDougall s'exprime dans sa langue autochtone.]

J'aimerais remercier le président et les sénateurs de nous avoir donné l'occasion de comparaître.

Le 15 décembre 2010, lorsque les chefs du Nord en provenance du Manitoba et des Premières Nations d'Island Lake, à savoir Wasagamack, St. Theresa Point, Garden Hill et Red Sucker Lake, ont lancé la campagne sur l'approvisionnement en eau potable à la tribune de la presse parlementaire, près de 1 000 foyers des 30 Premières Nations du nord du Manitoba n'avaient toujours pas accès à l'eau potable. Bon nombre de ces maisons au sein de nos collectivités n'avaient pas la moindre tuyauterie. À ce moment, quelque 810 maisons des Premières Nations d'Island Lake n'étaient pas reliées aux systèmes d'aqueduc et d'égouts.

En novembre 2011, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, ou AADNC, s'est engagé à travailler avec les quatre Premières Nations d'Island Lake, en collaboration avec le conseil tribal d'Island Lake et la province du Manitoba, pour continuer la mise en œuvre des projets d'immobilisations concernant l'approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées des Premières Nations d'Island Lake, qui avaient été lancés plus tôt. Il s'agissait d'installer des citernes d'eau et des cuves de rétention des eaux usées en attendant que les foyers soient reliés aux systèmes de conduites en place dans les collectivités et rénovés en se faisant installer de la tuyauterie, au besoin.

Sur le total de 1 461 logements que comptent les Premières Nations d'Island Lake, 810 font partie de la phase actuelle du projet d'immobilisations concernant l'approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées d'Island Lake, ce qui représente 55 p. 100 des foyers. Le coût total du projet s'élève à 37 459 000 $, dont 48,5 p. 100 sont le coût de main-d'œuvre assumé par les quatre Premières Nations d'Island Lake à partir des fonds pour dépenses en capital des réserves.

Les Premières Nations d'Island Lake se réjouissent que le budget de 2014 consacre 324,4 millions de dollars sur deux ans au Plan d'action pour l'approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées des Premières Nations, ce qui comprend des investissements afin d'approvisionner en eau potable un plus grand nombre de foyers des Premières Nations d'Island Lake et du nord du Manitoba.

Cet investissement supplémentaire dans les réseaux d'approvisionnement en eau potable et de traitement des eaux usées améliorera la santé et le bien-être de tous les habitants de ces réserves. Les investissements réalisés dans le cadre du Plan d'action pour l'approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées des Premières Nations devraient aussi générer des retombées économiques positives grâce aux projets de rénovation et de construction au sein des collectivités.

Le 17 février 2014, les Premières Nations d'Island Lake ont rencontré Bernard Valcourt, le ministre d'AADNC — vous trouverez ici une trousse des enjeux qui lui ont été présentés. Nous avons demandé qu'AADNC finance la totalité des coûts de main-d'œuvre de 18 192 000 $ dans le cadre du Plan d'action pour l'approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées d'Island Lake, ce qui permettrait aux quatre Premières Nations de consacrer leurs fonds pour dépenses en capital à d'autres priorités urgentes, y compris le logement.

Les Premières Nations d'Island Lake ont aussi demandé au ministre de convenir d'un plan et d'un calendrier pour l'élimination progressive des citernes d'eau et des cuves de rétention des eaux usées, ce qui serait possible si AADNS investissait davantage dans les conduites d'eau et d'égouts qui relieront tous les foyers aux systèmes d'approvisionnement en eau potable et de traitement des eaux usées.

En somme, on estime actuellement que le projet de rénovation des 810 maisons dans les quatre Premières Nations d'Island Lake coûtera au total 37 459 000 $ sur une période de cinq ans, qui se terminera le 31 mars 2017. À la fin du projet quinquennal, et selon les dispositions actuelles, les Premières Nations d'Island Lake auront assumé 48,5 p. 100 du coût total en payant les frais de main-d'œuvre de 18 192 000 $. AADNC aura payé 51,5 p. 100 du total, soit environ 19 267 000 $ pour le coût des matériaux et de l'équipement, et des frais liés à la gestion et à l'administration autres que la main-d'œuvre.

Parmi les 810 maisons sans eau potable à rénover dans le cadre du projet quinquennal, 318, ou 39,2 p. 100 devaient être rénovées à la fin des deux premières années, soit le 31 mars 2014. C'est donc dire qu'il reste 492 foyers sans eau potable, ou 60,7 p. 100 à rénover au cours des trois dernières années du projet, qui prendra fin le 31 mars 2017.

Il est à noter que la totalité des 810 maisons rénovées seront dotées de citernes d'eau et de cuves de rétention des eaux usées. Je vous invite à consulter les photos à titre indicatif. Aucune somme consacrée au projet quinquennal ne servira à les relier au système de conduites des réserves ou à prolonger le réseau pour les y rattacher, en totalité ou en partie.

Il faut également souligner qu'AADNC ne prévoit actuellement pas contribuer aux fonds nécessaires pour relier les foyers des Premières Nations d'Island Lake aux conduites des réserves. De plus, les installations actuelles ont grandement besoin d'être modernisées pour répondre aux besoins de la population croissante. Les Premières Nations seraient censées entretenir les installations actuelles avec les fonds limités de la bande auxquels un plafond a été appliqué.

Chaque Première Nation d'Island Lake a demandé au ministre et à son cabinet de faire le point sur la prochaine phase d'extensions et de rattachements aux systèmes actuels de conduites. Or, on ne nous a toujours pas dit à quel moment on connectera aux conduites de la réserve les 810 foyers qui sont actuellement reliés à des citernes d'eau, et les autres maisons qui ont déjà l'eau potable au moyen de citernes d'eau, de cuves de rétention et de camions-citernes.

De plus, ni le ministre ni les bureaux régionaux d'AADNC n'ont encore répondu à notre demande voulant qu'AADNC assume la totalité du coût de 37 459 000 $ du plan d'action pluriannuel révisé pour les projets d'immobilisations concernant l'approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées des Premières Nations d'Island Lake. Le coût de main-d'œuvre de 18 192 000 $ est actuellement absorbé par les fonds pour dépenses en capital de nos Premières Nations, qui sont limités et auxquels un plafond a été appliqué. En effet, l'enveloppe régionale a été assortie d'un plafond en 1995.

Wasagamack est aux prises avec une grave crise du logement qui ne fait qu'empirer. Le parc actuel de logements est surpeuplé et ne cesse de se détériorer. En 2010, la réserve comptait 254 maisons, y compris celles qui sont réservées au personnel enseignant et infirmier demeurant sur place. Cette année-là, 64 d'entre elles nécessitaient des rénovations mineures, et 97, des rénovations majeures, alors que 12 étaient condamnées. Je vous invite encore une fois à consulter les photos. Il manquait 211 logements en 2010, un chiffre qui est passé à 240 aujourd'hui.

Wasagamack est une Première Nation extrêmement isolée, qui n'est accessible que par bateau, hélicoptère et route de glace, lorsque la température le permet. La réserve n'a pas d'aéroport et n'est reliée à aucune voie terrestre. L'ensemble des aliments et des fournitures est transporté par camion sur les routes de glace, ou encore, par avion jusqu'aux réserves avoisinantes, puis par bateau ou par hélicoptère. Comme vous pouvez l'imaginer, les coûts sont exorbitants. Sans un financement adéquat, Wasagamack ne peut pas répondre aux besoins de ses plus de 2 000 membres. Quelque 92 p. 100 d'entre eux vivent sur la réserve et, en 2010, plus de 77 p. 100 de la population avait moins de 35 ans.

On sait très bien qu'il existe une corrélation directe entre des conditions de vie saines et un logement et des infrastructures convenables. Le peuple de Wasagamack vit dans des conditions qui les rendent beaucoup plus vulnérables à la maladie. Certains de nos membres ne peuvent pas quitter la ville pour revenir sur la réserve en raison de la situation du logement. La Première Nation reçoit sans cesse des lettres de médecins, de personnel infirmier et de membres pour demander un logement convenable ou des réparations. Or, nous n'avons pas assez d'argent pour donner suite à ces demandes. En 2010, Wasagamack comptait 275 sans-abri, d'après les exigences de la Norme nationale d'occupation.

Une des façons de pallier la pénurie de logements est de construire plus de maisons dans le cadre du programme de la SCHL. Le problème favorise la toxicomanie. Or, les logements de la SCHL sont offerts aux bénéficiaires de l'aide sociale ayant droit à l'allocation-logement, ce qui fait en sorte que la collectivité continue d'accumuler les dettes et que les membres n'ont aucune raison d'améliorer leurs compétences.

Voilà qui illustre les difficultés que nous avons à obtenir une infrastructure de base et à résoudre la crise du logement au sein de notre collectivité. La véritable solution est manifestement un investissement accru du Canada et de la province du Manitoba. Si les gouvernements investissent davantage pour acheminer l'eau potable dans nos foyers, les Premières Nations d'Island Lake pourront consacrer leurs fonds pour dépenses en capital, qui sont limités et auxquels un plafond a été appliqué, à d'autres priorités urgentes, comme le logement.

Merci.

Le président : Merci.

Monsieur Poulin.

Bryan Poulin, professeur agrégé, Université Lakehead, à titre personnel : Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître avec un si court préavis. Je félicite le président et les membres du comité, car je trouve que vous accomplissez un excellent travail dans votre mission d'information. Je vous félicite d'y investir autant de temps et d'efforts.

Pourrais-je distribuer un document pour limiter mon intervention? Je pourrai ainsi le lire et en parler, et j'aurai terminé en moins de cinq minutes.

Le président : Les membres du comité sont-ils d'accord? Bien. Allez-y, s'il vous plaît.

M. Poulin : Il n'y a que 10 ou 11 copies; si ce n'est pas assez, vous pouvez partager.

Voici un courriel envoyé à mes collèges; Tony Gillies est le vice-doyen de la faculté de génie à l'Université Lakehead, et l'ancien titulaire de la chaire en génie civil. Je suis un ingénieur civil. Je faisais autrefois de la consultation, et je suis maintenant professeur agrégé à la Faculté de commerce de l'Université Lakehead.

Tout le travail que nous avons réalisé a été fait bénévolement. Nous le faisons parallèlement à notre emploi, et complètement en tant que bénévoles, parce qu'il y a un besoin. Nous avons obtenu la participation de concepteurs locaux, y compris de FORM Architecture and Engineering, qui a contribué à notre travail, et qui doit plus particulièrement reconnaître le mérite du bureau de l'innovation et du développement économique de l'Université Lakehead et de nos étudiants. Ces derniers font vraiment tout le travail, ce qui est reconnu dans leur programme d'études.

J'ai été informé hier, par les médias, de la séance d'aujourd'hui; je me suis dit que je devrais y assister puisque nos travaux sont complémentaires aux efforts du chef Alex McDougall. Lui expose les problèmes, alors que nous essayons de trouver des pistes de solutions. Nous croyons que la recherche ne suffira pas à régler le problème. Les solutions s'imposeront lorsque les Premières Nations se réuniront en assemblée et nous diront quelles améliorations vérifier et mettre à l'essai.

Voilà pourquoi nous proposons de devenir un centre d'excellence du logement dans le Nord, et de créer un centre semblable au Manitoba. Il y a des centres partout au pays, y compris le centre des sciences du bâtiment à l'Université de Toronto, où vous trouverez l'idée que nous avons reprise. Vous voyez le rapport de nos étudiants; c'est le dernier de toute une série, et il porte sur deux cabanes d'essai. Nous avons construit un module d'essai de 780 pieds carrés, puis nous avons demandé à un architecte de nous dire ce qu'il en pensait. Il a trouvé que c'était le meilleur logement qu'il n'avait jamais vu. Il a également ajouté que nous n'avions pas de base de comparaison. Nous avons créé deux petites cabanes d'essai : la première respecte le Code du bâtiment du Canada, et l'autre est expérimentale.

J'ai trois points à soulever. Voilà le résumé du travail que nous avons accompli, et que vous pourrez lire. Tony Gillies serait très heureux de répondre à vos questions techniques. Je suis plutôt celui qui gère le projet. Nous avons quelques idées de génie civil en commun quant aux améliorations structurelles, entre autres.

L'idée est fort simple. Elle est inspirée des travaux de M. John Timusk dans les années 1980, et le Conseil national de recherches la connaît bien. Nous l'avons donc modernisée et bonifiée. Le concept permet à l'air frais d'entrer dans le logement, ce qui en fait un milieu sain et écoénergétique aussi. Il existe bel et bien d'autres façons de parvenir au même résultat, mais nous n'en connaissons pas de meilleures à ce stade-ci.

Voilà en gros le travail que nous avons réalisé à l'université.

J'ai déjà parlé du deuxième point, soit la création d'un centre du logement dans le Nord à Thunder Bay, qui tiendrait compte de nos hivers rigoureux et de notre merveilleux temps ensoleillé, comme vous l'avez vu aujourd'hui. En fait, nous sommes la troisième région ensoleillée en importance du Canada, mais personne ne l'aurait cru dernièrement.

Enfin, nous voulons appartenir à un réseau de centres. C'est essentiellement ce que je voulais dire.

La seule autre chose, c'est une idée qui fait suite aux discussions avec Dimos Polyzois, de l'Université du Manitoba, qui travaille au nom du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. Dans le cadre du projet financé par la recherche, il s'intéresse à la numération de moisissures et a découvert que les moisissures dépassent jusqu'à 200 p. 100 de fois la teneur permise par le Code du bâtiment dans une collectivité nordique à une heure seulement de Winnipeg. Les maisons sont insalubres. M. Polyzois dit que les enfants ne seraient même pas assez en santé pour fréquenter l'école, s'il y avait des établissements scolaires. Les enfants tombent malades avant d'atteindre cet âge. Le logement a donc une incidence sur la qualité de vie, mais aussi sur les perspectives d'avenir puisque les gens sont trop malades pour aller à l'école et apprendre. Voilà pourquoi nous réalisons ce travail bénévolement.

Dans le Nord, nous croyons que le Code du bâtiment devrait être axé sur le rendement plutôt que d'être normatif, compte tenu des problèmes uniques qu'on y retrouve. Comme le chef Alex l'a dit, le fardeau est bien plus lourd que la normale. Un plus grand nombre de personnes vivent dans les habitations, et l'humidité est élevée. Il faut donc plus d'air frais qu'à l'habitude. En plus, il y a des moisissures dans l'environnement pendant certaines saisons. Nous ne voulons pas entrer dans les détails, mais si nous avions les centres dont j'ai parlé et une agence professionnelle du bâtiment et du logement autonome, indépendante et professionnelle, nous pourrions faire bien des choses pour trouver des solutions uniques à ces conditions particulières.

Voilà qui conclut mon exposé.

Le président : Merci beaucoup.

Chers collègues, nous avons écouté des exposés provenant de deux secteurs différents, bien que connexes. Je vous invite à poser vos questions à l'un ou l'autre des témoins.

Mais avant, j'aimerais simplement demander à M. Poulin si le concept de centre d'excellence dont il parle est un programme en place; recommandez-vous qu'il cible le logement?

M. Poulin : Nous en ferons la demande lorsque nous diffuserons nos conclusions dans nos publications. Nous nous préparons actuellement à divulguer nos découvertes au public, après quoi nous ferons une demande de centre d'excellence ici. Dimos Polyzois, de l'Université du Manitoba, aimerait travailler en parallèle avec nous; il y aurait donc un centre au Manitoba et un autre ici, et nous collaborerions sur les problèmes particuliers au nord-ouest de l'Ontario et au Nord du Manitoba, d'où vient le chef Alex.

Le président : De quel ministère le centre d'excellence relève-t-il?

M. Poulin : Les centres d'excellence peuvent être créés par le gouvernement fédéral ou un gouvernement provincial. Il y en a partout au pays, et ils sont créés à des fins différentes. Il existe un centre d'excellence sur la santé et le vieillissement dans le Nord; nous travaillerions parallèlement, mais à d'autres fins, bien sûr.

Le président : Je pense qu'il s'agit du ministère de l'Industrie.

La sénatrice Dyck : Monsieur Poulin, vous dites que les enfants sont trop malades pour fréquenter l'école. Avez- vous envisagé différents modèles de construction dans le cadre des travaux que vous avez réalisés à ce jour? On dirait que les logements devraient être faits d'acier. Avez-vous comparé des maisons construites avec différents matériaux à la façon dont elles sont construites actuellement, pour voir s'il existe une meilleure façon de faire dans le Nord de l'Ontario, qui atténuerait le problème de contamination aux moisissures?

M. Poulin : Oui. Je vous remercie de votre question.

La solution ne réside pas tant du côté des matériaux, mais plutôt dans l'ordre d'assemblage, tout en s'assurant que le travail est réalisé comme il se doit. À l'heure actuelle, les codes des bâtiments sont essentiellement appliqués à vue de nez. Ils sont fondés sur l'expérience plutôt que sur la science. Notre solution est donc une des premières qui soit basée sur la science. Voilà pourquoi nous voulons que le code soit axé sur le rendement.

Peu importe que nous utilisions du bois ou de l'acier. Nous employons tous les matériaux facilement accessibles. Il n'y a rien de nouveau, à l'exception de l'ordre d'assemblage et du soin porté à l'assemblage.

Je pense que je dois préciser le tout. C'est à M. Polyzois que vous devriez vous adresser au sujet des enfants. C'est lui qui a réalisé les entretiens et qui m'a donné l'information. Je n'ai rien en main. Il est en train de préparer un rapport.

La sénatrice Dyck : Chef McDougall, vous nous avez donné une foule d'informations percutantes. Vous avez parlé du grand nombre de maisons qui doivent être rénovées le plus tôt possible et du plan. On dit quelque part que 318 maisons devaient être rénovées à la fin de mars 2014. Est-ce fait? C'est à la deuxième page de votre rapport.

M. McDougall : Oui, c'est fait. Nous en sommes à la troisième année de rénovations.

La sénatrice Dyck : Lorsque ces maisons sont rénovées, on ne fait actuellement que les rattacher à une solution temporaire, à savoir un système de citernes d'eaux. Ce que vous demandez, c'est un engagement à les relier au véritable système de traitement des eaux usées, n'est-ce pas?

M. McDougall : Oui. Nous voulons que le gouvernement s'engage à respecter un plan plus permanent. Pour l'instant, les constructions ou rénovations des maisons sont temporaires. Vous avez des photos qui illustrent les abris des citernes d'eaux. C'est temporaire. La réserve a bel et bien des usines de traitement des eaux, et seules les installations entretenues par le fédéral y ont été rattachées. La maison de ceux qui ont la chance d'être sur cette route a été connectée aux conduites.

La sénatrice Dyck : À la première page de votre rapport, vous parlez du budget de 2014 et de l'argent alloué au plan d'action pour le traitement des eaux usées. Vous dites que les maisons d'Island Lake et d'autres Premières Nations en font partie. Est-ce vraiment dans le budget, ou s'agit-il plutôt d'une entente avec Island Lake?

M. McDougall : Pour ce qui est des rénovations, c'est bel et bien dans le budget. Il s'agit des chiffres globaux que vous voyez ici, incluant les autres collectivités associées à la région d'Island Lake.

La sénatrice Dyck : Il y a donc dans le budget une ligne disant explicitement qu'un nombre donné de dollars sont alloués à la rénovation des Premières Nations d'Island Lake.

M. McDougall : C'est exact. Encore une fois, vous trouverez dans le document des données détaillées sur le nombre d'unités pour chaque collectivité, et sur la somme versée ou utilisée par chaque collectivité. Or, les chiffres que je vous ai présentés sont le total des dépenses à ce jour. Le véritable problème ici, que nous tentons d'expliquer aux sénateurs, c'est que les Premières Nations ont dû payer à partir de leurs fonds déjà limités pour dépenses en capital. Nous avions compris que le Canada s'engageait envers les Premières Nations d'Island Lake lorsqu'il leur a dit qu'il allait approvisionner ces foyers en eau potable et annoncé la somme qu'il allait y consacrer. Or, le gouvernement ne verse que la moitié de l'argent, faisant en sorte que nous devons piger dans les fonds pour dépenses en capital de la réserve. Pourtant, nos collectivités sont aux prises avec d'autres problèmes sociaux que nous ne pouvons pas résoudre. Dans mon exposé, j'ai essayé d'insister sur le fait qu'un plafond a été appliqué en 1995 à nos fonds pour dépenses en capital. Alors que notre population continue de croître, la pression est de plus en plus forte sur ces fonds.

La sénatrice Raine : Je vous remercie infiniment d'être avec nous.

Chef McDougall, pourriez-vous me donner plus d'information sur les collectivités d'Island Lake? Il y a plus d'une réserve. Sont-elles éloignées ou rapprochées les unes des autres? Je ne comprends pas bien l'organisation de la région, en ce qui a trait à la géographie et à la densité de la population. Y a-t-il un centre? Comment les maisons sont-elles reliées dans le cas des autres infrastructures, comme les routes, l'électricité et le nouveau système d'aqueduc?

M. McDougall : Je peux essayer de répondre.

La population se concentre sur les berges du lac Island. Nous sommes dans le nord-est de la province, à l'est du lac Winnipeg. Toutes les collectivités avoisinantes sont situées à une distance d'entre 5 et 20 miles environ, dans le cas de la collectivité la plus éloignée. La plus grande collectivité de la région est Garden Hill, avec une population de plus de 4 000 habitants, je crois. La plus petite est Red Sucker Lake, qui compte un peu moins de 1 000 habitants.

Les collectivités ont notamment accès à l'hydroélectricité. La ligne de Kelsey passe par-là. Tout le monde dépend de la saison pour le transport. Comme je l'ai dit, nous sommes isolés et accessibles uniquement par avion. Dépendamment de l'hiver, nous n'avons que quatre à cinq semaines pour transporter les biens essentiels.

Je pense que nous avons tous entendu parler du climat, du réchauffement planétaire et de ses répercussions. Nous en sommes témoins chaque année. Nous constatons les effets du réchauffement climatique au sein de nos collectivités. Encore ici, cela contribue aux difficultés de la région lorsqu'on tente de transporter les produits essentiels. Il s'agit des produits alimentaires, du gaz et du diesel, qui doivent toujours être livrés en quatre à cinq semaines. Nous n'avons pas le luxe d'appeler un fournisseur pour lui demander des milliers de litres de gaz pour le lendemain. Si nous manquons de gaz, nous devons le faire venir par avion, et la facture est alors bien plus salée pour la collectivité.

J'espère avoir répondu à vos questions.

La sénatrice Raine : Je n'avais pas réalisé que la population était aussi importante. Combien y a-t-il de collectivités à Island Lake?

M. McDougall : Il y en a quatre. Au total, j'estime que les quatre réserves d'Island Lake comptent plus de 10 000 habitants. Il y a trois aéroports; Wasagamack, ma collectivité, est donc la seule qui n'en a pas, ce qui nous oblige à dépendre de nos voisins pour le transport aérien. L'aéroport le plus proche est situé à St. Theresa Point, à six miles de Wasagamack.

Il n'y a aucun hôpital à Island Lake pour prendre en charge les quelque 10 000 habitants. Dans tout le reste du Manitoba ou de l'Ontario, vous ne trouverez nulle part ailleurs une population de 10 000 personnes sans soutien adéquat en matière de santé, de transport et d'éducation.

La sénatrice Raine : Y a-t-il une école secondaire dans le secteur?

M. McDougall : Nous avons une école qui accueille les niveaux primaire, intermédiaire et secondaire. L'an dernier, notre liste nominative comptait 460 étudiants, je crois, à Wasagamack seulement.

La sénatrice Raine : Chaque réserve a donc sa propre école.

M. McDougall : Oui. Chacune possède et gère son école. Chacune a sa liste nominative et son financement aussi. Pour l'instant, la région ne déploie aucun effort pour ouvrir une école de district ou ce genre de choses afin de gérer la population scolaire.

La sénatrice Raine : Mais les quatre réserves sont unies dans un groupe administratif dans le cas de l'infrastructure, du traitement des eaux, et de ce genre de choses, n'est-ce pas?

M. McDougall : Dans le cas des rénovations, oui. Il s'agit du Conseil tribal d'Island Lake.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup.

Le président : J'ai une question complémentaire à celle de la sénatrice Greene Raine à propos de l'accès routier et de la courte durée du chemin de glace. AADNC vous donne un financement de base, ou une sorte de formule de financement. La formule du ministère tient-elle compte de vos réalités de transport?

M. McDougall : Oui. Le ministère utilise une formule, mais elle ne reflète pas les besoins actuels et les contraintes de transport de la collectivité. Encore une fois, ce problème a été porté à l'attention du ministre Valcourt. Le ministère emploie un indice pour les collectivités éloignées et isolées afin de déterminer le niveau de financement à leur accorder. Les routes, en fonction d'où elles se rendent, de la façon de se rendre à la collectivité, de la distance à parcourir, font l'objet de règlements gérés par l'industrie qui ajoutent aux coûts du transport. Nous devrions piger dans nos fonds pour dépenses en capital afin d'absorber ces coûts supplémentaires.

Le président : Merci.

Le sénateur Sibbeston : Je m'intéresse à vos démarches concernant le ministre et AADNC. En essayant de vous attaquer à la question de l'eau potable et du reste, avez-vous préparé une proposition, que vous avez soumise au ministre? Est-ce ainsi que vous avez entamé les négociations avec le ministre et le gouvernement?

M. McDougall : Oui. Dans la soumission initiale sur l'accès à l'eau potable, une proposition a été soumise. Il y a eu une annonce subséquente du Canada à Winnipeg, où on nous a invités à parler au ministre. Il a demandé des propositions sur la façon de s'attaquer à certains de ces enjeux. J'espère pouvoir en dire un peu plus là-dessus à la fin de la période de questions.

Le sénateur Sibbeston : Monsieur le président, cela révèle peut-être quelque chose sur la façon dont les Premières Nations devraient négocier avec le gouvernement. Au fond, elles doivent faire toutes les démarches nécessaires, formuler une proposition, puis demander au gouvernement de la financer.

Dans ce cas, vous en financez une grande partie. Est-ce que l'approbation du gouvernement dépendait de l'argent que vous investissiez?

M. McDougall : Oui. Lorsqu'on a annoncé l'initiative de rénovation des réseaux d'aqueduc et d'égouts, on a suggéré que les collectivités contribuent à l'aide du fonds d'immobilisation de la bande. Wasagamack a exprimé son désaccord. Les représentants du gouvernement ont donc décidé de dire aux dirigeants des collectivités à l'échelle régionale que s'ils n'acceptaient pas cette condition, ils n'obtiendraient pas leurs réseaux d'aqueduc et d'égouts. Ils ont donc visité une, deux et trois collectivités, et ils sont venus à Wasagamack en dernier. Ils nous ont dit que toutes les autres collectivités affiliées au conseil tribal d'Island Lake avaient donné leur accord; nous n'avons donc pas eu le choix. Si nous voulions améliorer nos réseaux d'aqueduc et d'égouts, c'est ce que nous devions faire.

Il s'agit seulement d'un exemple. Nous devons également contribuer aux routes hivernales à partir de notre fonds d'immobilisation de la bande. Il y a de nombreux exemples dans lesquels la collectivité doit contribuer à partir de son fonds d'immobilisation de la bande et appuyer des initiatives annoncées par le gouvernement du Canada.

Le sénateur Sibbeston : L'argent que vous avez dû investir provient-il des fonds gouvernementaux versés à la bande ou s'agit-il d'argent que la bande génère par ses activités?

M. McDougall : Il s'agit de fonds du gouvernement fédéral.

Le sénateur Sibbeston : Même s'il paraît bien que la bande contribue financièrement à un projet, le problème, c'est que vous limitez d'autres domaines qui ont besoin d'argent, par exemple les écoles, le développement économique ou peut-être les services sociaux. Ensuite, vous avez dû éliminer certains de ces programmes, afin que l'argent puisse être affecté au projet.

M. McDougall : C'est exact. Je crois que le gouvernement souhaite surtout donner l'impression qu'il a payé 100 p. 100 des coûts lorsqu'en réalité, les collectivités paient 48,5 p. 100 des coûts par l'entremise de leur fonds d'immobilisation de la bande. On ne leur permet pas de gérer le fonds d'immobilisation de la bande de façon à répondre à leurs priorités.

Nous avons mentionné qu'il y avait un arriéré chronique en matière de logement dans toutes nos collectivités, et non seulement à Wasagamack. C'est un problème qui s'étend à l'échelle du Canada et qui est très difficile à résoudre. Nous avons envisagé différents partenariats et des idées innovatrices, mais nous nous heurtons toujours à une politique qui nous empêche de mettre ces idées en pratique. Par exemple, si nous coupons et préparons notre propre bois, on nous dit qu'il faut lui attribuer un grade et un niveau et que si nous n'obtenons pas la note de passage, on ne peut pas nous appuyer.

Le sénateur Sibbeston : Quels ont été les effets sur vos autres programmes, car vous avez probablement dû effectuer des compressions? Avez-vous observé des effets négatifs graves dans d'autres programmes que vous offrez à la collectivité ou avez-vous réussi à éviter ces problèmes?

M. McDougall : Je ne sais pas où commencer.

Nous pouvons observer des répercussions sociales avec lesquelles nous devons vivre tous les jours. En tentant de nous appuyer, le ministère a jugé que notre collectivité était facilement influencée par les autres collectivités. Des collectivités des Premières Nations tentent de régler ces problèmes et font l'objet d'un certain niveau d'intervention, et on nous dit que nous ne gérons pas notre argent correctement.

J'ai personnellement observé ces répercussions sociales : toxicomanie, divorce et suicide. C'est très difficile. Je ne sais pas combien de gens j'ai perdus dans ma collectivité; j'ai tenté de les aider, mais je ne pouvais rien faire. Ils souffrent inutilement. Je crois que le facteur humain est important. Malheureusement, vous ne voyez pas cela, mais nous le voyons.

Le sénateur Tannas : Chef McDougall, je vous remercie d'être ici pour nous donner votre avis et nous parler de votre expérience.

Si on affecte 37 millions de dollars à la construction de 800 maisons, cela signifie que chaque maison coûte 40 000 $. J'aimerais savoir pourquoi on a installé des réservoirs au lieu de creuser des puits et des fosses septiques. Je ne sais pas si vous étiez présent lors des travaux et lorsque les ingénieurs ont pris leurs décisions, mais il semble qu'il n'aurait pas été plus dispendieux de rendre ce système plus autonome.

La deuxième partie de ma question concerne les coûts de transport pour amener l'eau à chaque maison et évacuer les égouts par camion. A-t-on prévu des fonds de fonctionnement supplémentaires pour les années pendant lesquelles vous vivrez avec cette solution temporaire?

Pourriez-vous nous fournir un peu plus de détails à ce sujet?

M. McDougall : Le ministère avait prévu l'installation de tuyaux pour les eaux usées et l'eau potable dans les collectivités. Je crois que c'est la raison pour laquelle nous avons des usines de traitement des eaux dans nos collectivités, mais on s'est contenté d'y raccorder les installations fédérales. C'est la façon dont le système a été conçu. Le gouvernement était censé procéder à l'étape suivante, c'est-à-dire installer des tuyaux pour raccorder les logements à ce système. Après l'annonce de ces rénovations, ce plan s'est en quelque sorte perdu dans le ministère. Nous avons communiqué avec le bureau régional pour nous informer au sujet des prochaines étapes de ce plan, mais la seule réponse que nous avons obtenue, c'est qu'il s'agit des travaux en cours.

Il y a certainement des coûts de F et E supplémentaires à long terme. Encore une fois, le ministère utilise des formules pour calculer le financement des coûts de F et E. En ce moment, seulement 20 p. 100 des coûts de fonctionnement et d'entretien d'une collectivité des Premières Nations sont financés, et la collectivité doit tenter de trouver les 80 p. 100 de fonds manquants pour payer l'électricité et l'entretien des maisons. Encore une fois, cela ne fait que contribuer aux conditions qui prévalent dans ces collectivités. On ne trouve nulle part la parité dans le financement ou dans le soutien aux Premières Nations.

Comment pouvons-nous espérer régler les problèmes liés au logement lorsque nos Premières Nations font l'objet du niveau le plus élevé d'intervention? En effet, nous sommes soumis au mode de gestion par séquestre-administrateur. On émet de grandes idées sur la façon de progresser sans obtenir la participation des Premières Nations, sans qu'elles soient des partenaires dans ces processus et sans qu'elles aient l'occasion de créer des revenus autonomes. Actuellement, le gouvernement effectue des compressions budgétaires dans tous les domaines. Ces compressions sont assez petites pour ne pas attirer immédiatement l'attention, mais à la fin de l'année ou deux ans plus tard, on a perdu un programme.

Je présume que j'ai plutôt livré une observation globale.

Le sénateur Tannas : Étant donné qu'on fournit 20 p. 100 et que vous devez trouver les autres 80 p. 100, pouvez-vous nous dire s'il existe des revenus autonomes dans les quatre collectivités ou dans les coffres du gouvernement des Premières Nations qui proviennent d'une autre source que le gouvernement fédéral?

Deuxièmement, quel est le taux d'emploi ou le taux de chômage dans les collectivités?

M. McDougall : Je peux parler de ma collectivité. J'estime que le taux de chômage se situe de 85 à 90 p. 100. En ce qui concerne les plans pour générer des revenus autonomes, nos dirigeants, avec le soutien des membres de la collectivité, envisagent de créer des entreprises dans la collectivité. La Société de développement économique aurait des filiales pour générer des occasions d'emploi et des revenus et on espère qu'elle pourra aider à payer certaines dépenses nécessaires pour répondre aux besoins de la collectivité.

Le sénateur Tannas : Merci, monsieur.

La sénatrice Lovelace Nicholas : J'ai entendu parler des logements de la SCHL tout l'avant-midi. Cet organisme semble intervenir dans toutes les collectivités des Premières Nations ou dans la plupart d'entre elles. À votre avis, la SCHL est-elle une bonne chose pour les Premières Nations? Dans votre document, vous dites que les logements sont fournis, mais qu'il y a un déficit, et cetera. Est-ce donc une bonne ou une mauvaise chose?

M. McDougall : Voici comment j'expliquerais la situation.

Le programme de la SCHL dont nous profitons dans notre collectivité finance la construction des logements. Il faut que nous payions une hypothèque et nous le faisons par l'entremise d'une allocation-logement versée aux bénéficiaires de l'aide sociale.

Dans notre document, nous faisons valoir que cela décourage les gens d'acquérir des compétences, car ils craignent de perdre leur allocation-logement et leur logement. Ils deviennent donc dépendants du système.

Les effets se font sentir à deux niveaux. Tout d'abord, il y a le propriétaire d'un logement qui est bénéficiaire de l'aide sociale et qui utilise l'allocation-logement pour payer ce logement. La Première Nation prend ensuite cet argent et paie l'hypothèque à la SCHL. La Première Nation contracte donc une dette qui s'ajoute à sa situation financière globale. Dans certains cas, le ministère peut même avoir à imposer le niveau le plus élevé d'intervention, c'est-à-dire un séquestre-administrateur, et c'est la situation dans laquelle se trouve Wasagamack en ce moment.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Les logements illustrés dans votre exposé sont-ils financés par Affaires autochtones et en voie d'être terminés, ou s'agit-il d'un logement terminé dans votre collectivité?

M. McDougall : Il s'agit d'une maison que nous construisons pour un couple qui vit dans un autre logement pour lequel nous avons également fourni une photo. Ils y vivent depuis cinq ans. Ce logement a un plancher en terre battue. Nous tentons de construire une maison pour ce couple, afin qu'ils n'aient pas à vivre dans ce logement pendant l'hiver et pour leur donner accès, nous l'espérons, à un logement un peu plus confortable et chauffé. Nous utilisons tous les surplus de matériaux que nous pouvons trouver dans la collectivité pour la construction. C'est une petite maison.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Ce qui me préoccupe, c'est la mesure dans laquelle Affaires autochtones permet aux collectivités des Premières Nations de construire une maison.

M. McDougall : Le ministère finance 40 p. 100 du coût total. Les autres 60 p. 100 sont versés par la SCHL ou d'autres sources.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Vous avez mentionné les systèmes d'aqueduc temporaires. Gèlent-ils pendant l'hiver?

M. McDougall : Oui.

La sénatrice Dyck : J'aimerais poursuivre sur la question des logements de la SCHL. J'aimerais savoir quel pourcentage des logements de votre réserve est visé par l'article 95 du programme de logements sans but lucratif dans les réserves. S'agit-il de la majorité?

M. McDougall : Non. Nous avons seulement utilisé le programme à deux reprises. Nous ne l'utilisons plus en raison des problèmes posés lorsque la collectivité contracte une dette, car cela a des répercussions sur notre situation globale. Nous tentons de nous soustraire à la gestion du séquestre-administrateur et de conclure une entente de cogestion qui offrira une certaine souplesse lorsqu'il s'agit de déterminer le financement approprié pour répondre aux besoins de la collectivité.

La sénatrice Dyck : Dans le même ordre d'idées, lorsque vous êtes gérés par un séquestre-administrateur, ne devez- vous pas également payer les dépenses avec les fonds d'immobilisations de la bande? Ces fonds ne sont-ils pas aussi dépensés pour ce type de gestion, c'est-à-dire pour embaucher les personnes qui exercent le contrôle financier? Ne devez-vous pas également payer pour que ces personnes viennent dans votre collectivité? Ces fonds sont-ils puisés dans vos ressources?

M. McDougall : Oui, c'est exact. Le ministère désigne un agent qui agit en notre nom en tant que séquestre- administrateur. Nous ne pouvons pas choisir l'agent. Le ministère paie ce service à partir de nos revenus.

La sénatrice Dyck : C'est un cercle vicieux. Vous pouvez réfléchir à ma prochaine question et y répondre plus tard, mais comment mettre fin à ce processus? Je crois que vous avez dit, entre autres, que vous ne recevez pas suffisamment d'argent au départ. Que pourrait-on faire d'autre? C'est de l'argent jeté par les fenêtres. Comment peut-on faire cesser ce processus?

M. McDougall : On a suggéré d'apporter des changements à la politique. Selon cette dernière, toute collectivité des Premières Nations qui s'efforce d'accumuler un surplus afin de rembourser sa dette, mais qui fait l'objet d'une gestion par un séquestre-administrateur, n'a pas la permission de le faire. Si la collectivité accumule un surplus, le ministère procède à un rétablissement. Le ministère nous dit essentiellement de conserver notre dette et que le surplus sera repris. C'est la réalité des Premières Nations qui traitent avec Affaires indiennes.

Il faut apporter des changements à la politique. Si une Première Nation fournit un effort sincère pour régler ses dettes et accumuler un surplus ou qu'elle a des fonds inutilisés, comme on les appelle, il faut modifier cette politique. La politique devrait permettre à une Première Nation de régler ses anciennes dettes. Autrement, elle est perpétuellement visée par des plans de redressement et ne parvient jamais à la rembourser.

La sénatrice Lovelace Nicholas : J'ai une autre question. Vous êtes soumis à une gestion par un séquestre- administrateur et la dette est causée par un manque de fonds. Devez-vous ensuite payer pour des logements supplémentaires et d'autres choses qui vous ont mis dans une situation de gestion par un séquestre-administrateur en premier lieu?

M. McDougall : C'est l'un des facteurs.

Le sénateur Moore : Messieurs, je vous remercie d'être ici. J'aimerais faire suite à la question de ma collègue.

Chef McDougall, tout d'abord, est-ce seulement votre bande qui fait l'objet d'une gestion par un séquestre- administrateur ou les quatre bandes d'Island Lake? S'agit-il seulement de votre bande?

M. McDougall : Je ne sais pas à quel niveau d'intervention sont soumises les autres collectivités, mais j'imagine qu'elles font l'objet d'un niveau d'intervention, qu'il s'agisse d'une cogestion, d'une cogestion améliorée, d'une gestion par un séquestre-administrateur ou de l'autonomie complète dans l'exécution de leur programme.

Le sénateur Moore : Donc si vous receviez les 18 192 000 $ qui ont été puisés dans vos fonds d'immobilisations de la bande, feriez-vous l'objet d'une gestion par un séquestre-administrateur?

M. McDougall : Pourriez-vous répéter la question, s'il vous plaît?

Le sénateur Moore : Vous avez demandé ces quelque 18,2 millions de dollars qui ont été puisés dans vos fonds d'immobilisations de la bande. Vous avez dû fournir cette somme pour payer le raccordement temporaire au système d'aqueduc, n'est-ce pas? Si vous n'aviez pas eu à dépenser cet argent dans ce projet, feriez-vous maintenant l'objet d'une gestion par un séquestre-administrateur?

M. McDougall : Je crois que nous ferions toujours l'objet d'une gestion par un séquestre-administrateur. Nous devrions obtenir l'approbation et l'appui du ministère pour utiliser les fonds d'immobilisations de la bande pour rembourser la dette. Donc même si nous voulions utiliser cet argent, nous devrions d'abord obtenir la permission.

Le sénateur Moore : Je ne suis pas certain de certaines données. Pourriez-vous me fournir les données concernant la population et le parc de logements de chacune des quatre Premières Nations? Avez-vous ces données, chef?

M. McDougall : Je ne les ai pas en mémoire. J'ai seulement fourni des données approximatives en ce qui concerne la population et les logements qui doivent être rénovés par la collectivité. Ces données se trouvent dans votre document si vous souhaitez les consulter.

Le sénateur Moore : Pouvez-vous me fournir des données approximatives sur la population? Vous avez dit qu'il y avait au total presque 10 000 personnes. Comment la population est-elle répartie entre les quatre Premières Nations?

M. McDougall : Est-ce que j'ai parlé de la répartition? J'ai estimé...

Le sénateur Moore : Vous avez dit qu'il y avait environ 10 000 personnes au total. Je ne connais pas la population de votre Première Nation et celle des trois autres Premières Nations.

M. McDougall : Je crois que j'ai dit qu'il y avait un peu plus de 4 000 personnes à Garden Hill et environ 3 500 habitants à St. Theresa Point. Red Sucker Lake a la plus petite population, c'est-à-dire environ 1 000 personnes, et Wasagamack a une population de 2 000 personnes.

Le sénateur Moore : Merci.

Pour faire suite aux questions de la sénatrice Sibbeston sur les répercussions, c'est-à-dire la toxicomanie, les divorces et les suicides, ces répercussions se sont-elles étalées sur une longue période? En tant que dirigeant de votre collectivité, les avez-vous surveillées? Depuis combien de temps êtes-vous chef?

M. McDougall : Depuis quatre ans.

Le sénateur Moore : Il est évident que vous suivez ce qui se passe dans votre collectivité. La situation s'améliore-t-elle ou empire-t-elle? Peut-on espérer qu'elle s'améliore?

M. McDougall : Je crois qu'elle empire. C'est pourquoi les choses sont si difficiles pour moi. J'hésite presque à compter le nombre de personnes que j'ai perdues depuis que je suis chef, mais c'est dans les deux chiffres.

Le sénateur Moore : Vraiment? À la suite de suicides?

M. McDougall : De suicides et d'autres causes de décès. Cela me brise le cœur lorsque les membres de la communauté que je représente viennent me demander de l'aide et que je ne peux pas les aider, car je ne peux rien faire.

Le président : J'aimerais remercier les témoins. Monsieur Poulin, la trousse que vous nous avez remise est très impressionnante et nous vous en remercions. Nous serons en mesure d'effectuer beaucoup plus de recherches grâce aux références que vous nous avez fournies.

Chef McDougall, nous vous remercions de votre exposé.

Les photos que vous nous avez montrées sont poignantes, et j'aimerais vous demander la permission d'utiliser certaines d'entre elles dans notre rapport.

M. McDougall : Oui, vous avez ma permission.

La sénatrice Raine : Pourriez-vous nous remontrer les photos et nous expliquer ce qu'elles représentent, car je suis un peu confuse. Je pensais que l'une d'entre elles représentait un bassin de rétention ou un réservoir.

M. McDougall : La première photo montre la nouvelle maison que nous construisons pour le couple qui vit dans la maison représentée à la page suivante. Les deux maisons sont côte à côte. Voici la façade de la maison. Ensuite, le réservoir d'eau est placé dans l'abri en face de cette maison. Il n'est pas rattaché au bungalow et il y a un canal creusé jusqu'à la maison pour l'accès à l'eau. La dernière photo représente encore une fois la maison que nous construisons pour la famille.

Le président : Avez-vous des commentaires de clôture, monsieur Poulin?

M. Poulin : Je crois qu'après avoir entendu le chef et les témoins du groupe précédent, il me paraît évident qu'il faut trouver une solution globale. Les universités se trouvent dans une situation privilégiée pour suggérer des politiques et des améliorations et pour mener des recherches en sciences sociales et en sciences appliquées. J'aimerais vous encourager à envisager d'établir des partenariats avec les universités. Elles sont beaucoup plus près des collectivités que le gouvernement fédéral, malgré ses bonnes intentions.

Nous serions très heureux d'établir un partenariat avec n'importe quel palier de gouvernement et avec les collectivités pour trouver une solution viable à long terme et éviter les solutions à court terme. Lorsqu'on annonce un programme gouvernemental, nous devons utiliser la technologie et les ressources existantes, et ce n'est pas toujours la meilleure façon de fonctionner. La meilleure façon, c'est d'apporter des améliorations continuelles et de fournir des investissements à long terme pour trouver de meilleures solutions, et de collaborer avec nos partenaires, nos Premières Nations et les divers ordres de gouvernement. À mon avis, c'est la seule solution viable à long terme.

Le président : J'aimerais remercier les témoins. Je présume que vous nous permettrez de communiquer avec vous si nous avons d'autres questions. Nous allons maintenant vous libérer.

Nous avons un peu de retard. J'aimerais remercier les prochains témoins de leur patience. Notre horaire a été un peu flexible.

Nous attendons toujours deux autres témoins, mais j'aimerais maintenant entendre le témoignage de la Première Nation d'Attawapiskat. Si les autres témoins de ce groupe arrivent, nous verrons si nous avons le temps de les entendre.

Chers collègues, j'aimerais souhaiter la bienvenue à la chef Theresa Spence de la Première Nation d'Attawapiskat, à Wayne Turner, directeur administratif, à Monique Sutherland, gestionnaire de logement et à Katherine Hensel, conseillère juridique.

Je crois que vous avez suivi nos délibérations. Vous devez tenir le bouton enfoncé pour que vos paroles soient ajoutées au compte rendu. Veuillez donc tenir le bouton enfoncé lorsque vous parlez, et relâchez-le lorsque vous avez terminé.

Chef Spence, je présume que vous livrerez un exposé, et les sénateurs vous poseront sans doute des questions ensuite. Vous avez la parole.

Theresa Spence, chef, Première Nation d'Attawapiskat : Tout d'abord, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à vous parler des défis et de la situation actuelle dans la collectivité d'Attawapiskat.

La Première Nation d'Attawapiskat est située sur la rive ouest de la baie James. Environ 1 900 membres habitent dans la réserve et environ 1 500 membres vivent à l'extérieur. De nombreux membres souhaitent revenir dans la réserve, mais le défi, c'est qu'ils n'ont pas de logement, et ils vivent donc à l'extérieur. Le manque de logement pose également des défis lorsqu'il s'agit de recruter et de retenir des employés qualifiés pour la prestation des services communautaires.

En décembre 2011, les dirigeants ont déclaré l'état d'urgence; ils avaient également dû le faire en 2010 et l'an dernier, car de nombreux membres de notre Première Nation vivent dans des logements non sécuritaires, c'est-à-dire des tentes et des cabanes, à l'approche de l'hiver. C'est un défi auquel nous sommes confrontés presque chaque année.

Notre collectivité continue de faire face à une grave pénurie de logements. Malgré les efforts récemment déployés pour augmenter le nombre de logements dans la collectivité, la situation ne s'améliore pas. Nous avons mis le bureau régional d'AADNC au courant de la situation, et nous souhaitons collaborer pour trouver une solution à ce problème, mais nous sommes toujours confrontés à de nombreux défis dont j'aimerais vous parler aujourd'hui.

Encore une fois, je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de vous parler. Je vais brièvement souligner les problèmes auxquels nous sommes toujours confrontés.

En ce qui concerne Attawapiskat, nous avons actuellement 329 logements dans la réserve, et 73 d'entre eux doivent être remplacés immédiatement — pas réparés, mais remplacés — et ils ont été condamnés, même si des gens y vivent toujours. Environ 193 logements nécessitent des réparations importantes, et il y a 63 logements adéquats. Cela comprend 25 maisons modulaires que nous avons obtenues en 2012.

Moins d'un membre sur cinq vivant dans la réserve habite dans un logement sécuritaire et adéquat qui répond aux normes minimales des codes du bâtiment en vigueur, et 73 logements sont toujours condamnés, même si des gens y vivent. La plupart de nos membres habitent dans des maisons surpeuplées, dans des logements non conformes aux normes et contaminés par de la moisissure et des égouts.

La surpopulation entraîne des effets importants dans tous les volets de la vie de nos membres. En effet, ils souffrent de maladies infectieuses, ils vivent des conflits familiaux et même de la violence, et les activités liées à l'éducation et à l'emploi sont perturbées.

Les enfants souffrent d'infections de la peau, du système respiratoire et de l'estomac. Lorsqu'ils vont à l'école, ils ne peuvent pas se concentrer, car ils vivent dans des maisons surpeuplées. Cette situation entraîne des répercussions importantes sur nos enfants. Oui, nous avons une nouvelle école, mais les enfants subissent toujours les effets de la vie dans une maison surpeuplée. Ils sont témoins de conflits et de violence familiale et ce sont les conséquences naturelles de la lutte que livrent les membres de leur famille pour se remettre des séquelles laissées par les pensionnats tout en vivant dans des maisons non sécuritaires et surpeuplées. Certains enfants ont été retirés de leur maison, de leur famille et de leur collectivité parce qu'ils vivaient dans un logement non sécuritaire.

La Société d'aide à l'enfance doit retirer la garde de leurs enfants à de nombreuses familles à cause de la situation familiale, et un grand nombre de personnes ne sont pas en mesure de fournir des foyers d'accueil en raison de l'état de leur logement. Il est donc difficile de collaborer avec la Société d'aide à l'enfance et les services aux familles, et c'est l'effet le plus important que subissent nos enfants. Les soins personnalisés ne représentent plus une option.

J'aimerais vous parler un peu de l'histoire d'Attawapiskat. La collectivité a été fondée dans les années 1950 avec l'établissement de la mission catholique et de la Baie d'Hudson. La plupart de nos familles ont commencé à vivre dans un village dans une réserve dans les années 1960. La grande partie de notre parc de logements date des années 1970 et 1980.

La notion de la nouvelle maison est différente de celle des années 1960. À l'époque, des logements de base ont été construits par le ministère des Affaires indiennes et ces logements ne répondent pas du tout aux normes du bâtiment en vigueur ou aux normes liées au logement et aux conditions sociales.

Les maisons construites dans les années 1960 étaient très rustiques. Elles avaient seulement quatre murs, un plafond et un plancher. Elles n'avaient pas de plomberie, l'électricité ou l'eau courante. C'était seulement une maison, une petite maison de base, et elle ressemblait plutôt à une cabane. C'était en 1960, mais nous avons toujours des maisons comme celles-là dans la région. Rénover ces logements pour qu'ils répondent aux normes en vigueur n'était pas seulement dispendieux, mais cela causait souvent des dommages au logement, ce qui signifiait qu'au moins une pièce devait être déplacée.

Comme d'autres collectivités, nous n'avons pas de logement adapté pour nos membres les plus vulnérables. Nous avons aussi besoin de résidences pour les personnes âgées. Dans notre collectivité, environ 94 personnes âgées ont besoin de leur propre logement, mais il n'y en a aucun en ce moment.

Nous avons des adultes ayant des besoins spéciaux. Ils sont sans-abri ou ils vivent avec leur famille dans des maisons surpeuplées. Ces adultes ayant des besoins spéciaux ont besoin d'un foyer de groupe où ils pourraient améliorer leurs compétences psychosociales. Les familles avec un membre handicapé n'ont pas de logement adapté à leurs besoins, et c'est donc très difficile lorsqu'une personne se déplace en fauteuil roulant. Ce sont donc certains des défis auxquels nous sommes toujours confrontés.

Je suis certaine que vous avez entendu parler des logements de la SCHL, le financement offert par le Canada pour le logement. Le gouvernement du Canada verse environ 591 000 $ par année aux Premières Nations pour leurs besoins en logement, et cet argent doit couvrir les politiques en matière de logement, la gestion, les rénovations, les réparations et la construction.

En raison des coûts liés aux matériaux, à la main-d'œuvre et au transport dans notre collectivité isolée du Nord, la construction d'un logement coûte environ 250 000 $. Malheureusement, étant donné l'état de détérioration du parc de logements existant de notre Première Nation, au cours des dernières années, la plus grande partie du budget de logement a été utilisée pour les réparations et les rénovations plutôt que pour la construction de nouvelles maisons, afin de rendre habitables le plus grand nombre de maisons existantes.

Dans notre collectivité, il n'y a pas de Canadian Tire ou d'autres magasins. Pour se rendre au magasin le plus proche, il faut dépenser environ 1 200 $ en billets d'avion. Les réparations de base sont souvent partiellement terminées par les propriétaires de logements, car ils ne peuvent pas acheter les matériaux nécessaires.

Une grande partie du financement est consacrée à l'entretien et au fonctionnement des roulottes de l'extrémité est, qui ont été données par l'entreprise DeBeers en 2001. Le fonctionnement de cet endroit coûte beaucoup d'argent. Le financement n'est pas fourni par le gouvernement, et il faut donc utiliser l'argent dont nous avons besoin dans d'autres domaines. Ce sont les défis auxquels nous faisons face avec le gouvernement. En effet, il ne fournit pas le financement dont nous avons besoin pour obtenir des logements temporaires ou des abris d'urgence.

En ce qui concerne le financement de l'infrastructure, la Première Nation reçoit également 580 000 $ par année du gouvernement du Canada pour les coûts liés aux petites immobilisations. Une partie de cette somme est actuellement affectée aux services de règlement de la dette, comme l'ont autorisé le chef et les membres du conseil, ce qui limite vraiment les améliorations apportées aux immobilisations en ce qui a trait à l'infrastructure des routes, des égouts et de l'écoulement des eaux.

Nous avons également terminé une étude de planification des immobilisations qui souligne nos demandes en ce qui concerne les améliorations liées à l'infrastructure ainsi que nos demandes en matière de logement. Les détails de l'étude ont été communiqués au bureau des affaires régionales d'AADNC, et nous attendons les ressources nécessaires pour réaliser ce plan qui s'attaquera à notre arriéré en matière de logement et repérera les lacunes au niveau des immobilisations. AADNC n'a toujours pas reconnu le plan officiellement, et nous attendons toujours sa réponse.

Le ministre d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada doit signer une garantie pour toutes les offres du financement de la SCHL pour la construction de nouveaux logements. En 2013, le ministre a refusé de fournir cette garantie. Comme vous le savez — puisque d'autres collectivités vous l'ont dit —, la SCHL est l'organisme qui collabore vraiment avec les Premières Nations, mais encore une fois, il est également sous le contrôle d'Affaires indiennes et il est difficile de nous adresser à d'autres organismes, car nous n'avons pas vraiment de contrôle là-dessus.

Nous avons examiné les conclusions de la vérification et nous mettons en œuvre les recommandations. Nous nous efforçons du mieux que nous pouvons de nous conformer à toutes les recommandations de la vérification, mais cela pose parfois des défis.

Récemment, c'est-à-dire en 2012, nous avons reçu 22 maisons modulaires, car nous avions déclaré l'état d'urgence, et ces logements ont été attribués à des personnes qui vivaient dans des tentes et des cabanes — la plupart d'entre elles souffrent de problèmes de santé, notamment du diabète —, et à des personnes âgées qui avaient récemment été opérées au cœur. Il y avait également une famille avec un bébé. C'est la raison pour laquelle ces maisons modulaires ont été fournies.

Toutefois, même avec ces 22 maisons modulaires dans notre parc de logements, nous souffrons toujours d'une grave pénurie de logements dans notre collectivité. C'est un très grand défi. J'utilise toujours le mot « défi », car c'est vraiment difficile.

En 2013, nous avons reçu 2,2 millions de dollars en financement spécial pour construire de nouveaux logements. Cette somme nous a seulement permis de construire huit logements, car il y a d'autres coûts qui entrent en jeu. Ces coûts sont très élevés, surtout pour le transport. Il est vrai que le transport dans une région éloignée entraîne des coûts faramineux. Ils représentent de 50 à 60 p. 100 de notre budget, et il y a ensuite les coûts liés à la main-d'œuvre. Ces huit logements sont en construction, mais ils seront en mesure d'accueillir au moins 60 personnes, et cela représente seulement huit familles; nous avons toujours besoin d'un grand nombre de logements pour répondre aux besoins de nos membres.

Le gouvernement du Canada considère qu'il s'agit de développement économique, mais en moyenne, de 70 à 80 p. 100 de cet argent censé permettre à notre collectivité de survivre va aux entrepreneurs et aux fournisseurs régionaux. Dans ce cas, ces logements ont été construits en banlieue d'Ottawa. C'est toujours dans le sud du pays.

Nous espérons que ces logements seront prêts en novembre. Ils serviront donc à héberger huit familles et cela signifie environ 60 personnes. Les familles sont nombreuses dans notre collectivité. Elles ne se composent pas d'un ou deux membres, mais parfois de plus de cinq membres.

Tous les logements sont la propriété collective de la Première Nation d'Attawapiskat au profit de nos membres.

Il y a une liste d'attente d'au moins 297 personnes. Un grand nombre de personnes vivent à l'extérieur de la réserve. Elles aimeraient vivre dans la réserve, mais encore une fois, aucun logement n'est disponible. Des familles vivent avec leurs parents et leurs grands-parents et certains de ces logements hébergent de trois à quatre générations. Il se pourrait qu'il y ait plus de 297 personnes en attente, car certaines d'entre elles ne prennent même pas la peine de faire une demande de logement, car elles savent que la liste d'attente est trop longue. Autrement dit, elles abandonnent. Mais la liste de logements a accumulé un arriéré important.

En ce qui concerne l'itinérance, lorsqu'on parle des sans-abris dans notre collectivité, ce ne sont pas des gens qui vivent dans la rue. Ils vivent avec leur famille dans des maisons surpeuplées, et nous avons les roulottes de l'extrémité Est. Ils vivent là-bas en ce moment. Nous utilisons même le pavillon de ressourcement comme abri, même s'il est censé servir pour un programme de toxicomanie. Encore une fois, ce n'est pas financé par Affaires indiennes. J'appelle toujours ce ministère Affaires indiennes, et je m'en excuse. Nous utilisons donc nos propres ressources pour entretenir ce bâtiment pour nos membres qui ont besoin d'un abri d'urgence.

Personne n'a été refusé dans sa famille. C'est notre façon d'accepter nos proches. Je sais qu'en ville, c'est différent, et j'essaie seulement de vous faire voir le contexte.

Notre conseil a récemment dirigé la mise sur pied d'un comité de logements de transition, et ce comité deviendra éventuellement une société d'habitation. En effet, nous voulons cesser de confier cette responsabilité aux dirigeants, car c'est beaucoup de travail. Chaque jour, des gens viennent dans notre bureau pour consulter un gestionnaire du logement au sujet d'un logement. Parfois, certaines de ces personnes pleurent. Elles ont les larmes aux yeux. Parfois, elles s'en vont fâchées et contrariées. Nous essayons de leur expliquer que nous faisons de notre mieux pour obtenir des logements, mais c'est un long processus et il faut beaucoup de temps pour obtenir le financement adéquat.

Ce comité de logement formulera des recommandations sur l'attribution de nouveaux logements et sur les rénovations, mais il relèvera toujours de notre chef et des membres du conseil, qui examineront et ratifieront ses recommandations. Nous tentons donc de créer ce comité pour aider nos dirigeants, car des gens s'adressent à mon bureau tous les jours.

Nous nous heurtons à des obstacles dans nos efforts pour augmenter le nombre de logements. Nous manquons de terrains et de fonds, et nous n'avons pas l'autonomie nécessaire pour répondre à la pénurie de logements. Seulement un palier de gouvernement cherche des solutions aux défis uniques à notre collectivité. Un seul gouvernement. Les membres de ce gouvernement ne peuvent même plus répondre à nos besoins.

Même l'ancienne vérificatrice générale Sheila Fraser a indiqué, en 2011, que les Premières Nations avaient besoin de l'aide de tous les ordres de gouvernement — tous les ordres — pour résoudre les problèmes liés au logement dans les réserves. Nous ne pouvons plus compter exclusivement sur les dispositions de la Loi sur les Indiens et sur l'exercice de la discrétion ministérielle fédérale pour financer les logements et l'infrastructure. C'était une déclaration audacieuse de Sheila Fraser, mais on ne l'a jamais mise en œuvre, et je crois qu'il est temps que quelqu'un trouve ce rapport et l'examine en profondeur.

Nous n'avons aucun terrain pour bâtir de nouveaux logements dans notre réserve. Nous avons un plan de logements sur 10 ans, mais nous ne pouvons pas commencer, car nous n'avons pas les terrains nécessaires à la construction des maisons. Nous avons une capacité limitée pour une nouvelle infrastructure, et même pour des nouveaux logements.

Je vais vous donner un bon exemple. Nous avons cédé 62 terrains pour la nouvelle école. C'est un grand nombre de terrains. Cela démontre à quel point nous avons besoin de terrains. C'était nécessaire, car nos enfants étudiaient dans des édifices scolaires qui étaient contaminés depuis longtemps, c'est-à-dire depuis que AINC administrait l'école à la fin des années 1970. Les enfants ont attendu de nombreuses années, et nous avons donc fait ce sacrifice et cédé ces terrains pour l'école. Mais entre temps, nous sommes toujours confrontés aux défis posés par les nouveaux logements.

En raison de la Loi sur les Indiens, la Première Nation doit fournir tous les logements. Les promoteurs privés et les trois ordres de gouvernement mènent leurs activités à l'extérieur des réserves pour répondre aux besoins des collectivités non autochtones en matière de logements. Les Premières Nations n'ont pas les mêmes ressources, car le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien affecte seulement des sommes qui ne nous permettent pas d'entretenir adéquatement les logements existants et l'infrastructure en place pour répondre aux attentes modernes.

Nous devons collaborer avec la province. Il le faut, car ses dirigeants n'ont pas la capacité ou l'obligation conférée par traité de collaborer avec les Premières Nations en ce qui concerne l'infrastructure et les logements dans la réserve.

Des villes comme Thunder Bay peuvent planifier et mettre au point des approches avec les promoteurs et augmenter leurs revenus, mais les Premières Nations n'ont pas cette liberté. Nous ne l'avons pas. La province ne nous verse pas les mêmes revenus qu'aux villes pour l'utilisation des ressources de nos terres ancestrales.

Souvent, on dit que nous avons des ressources sur nos terres, mais nous n'en profitons pas réellement, c'est la province qui tire profit des ressources de nos terres. Nous n'en obtenons rien.

Notre peuple est donc disposé à payer un loyer. En ce moment, les gens paient un loyer pour des logements de la SCHL ou d'autres logements locatifs. Ils sont disposés à payer un loyer, car ils savent que c'est le seul moyen pour eux d'obtenir un logement, car le mode de vie est différent maintenant. Ils en sont conscients.

Il y a des gens qui vivent encore dans des tentes. Ils construisent des tentes pour fuir les logements surpeuplés, les problèmes de santé, les conflits familiaux et les problèmes de sécurité qui résultent naturellement du surpeuplement.

Le surpeuplement a des conséquences considérables. Il faut voir la situation pour le croire. C'est une situation triste, mais c'est la réalité. Habiter dans un logement surpeuplé a des répercussions qu'on ne peut comprendre que si on vit cette situation.

C'est un choix qu'ils ont décidé de faire. Ce n'est pas un choix qu'ils devraient avoir à faire, mais c'est ce qu'ils ont choisi.

Bien des membres de notre peuple ont quitté la réserve, temporairement ou de façon permanente, parce qu'ils n'avaient pas d'endroits où habiter. Ils souffrent beaucoup d'être loin de leur famille, de leur culture, de leur milieu social, de leurs terres et de leur milieu linguistique. Ils souffrent souvent davantage que ceux d'entre nous qui sont restés dans la réserve. C'est aussi un choix que nos membres ne devraient pas avoir à faire. C'est une situation très difficile.

Je tiens à vous remercier de prendre le temps d'écouter les membres de notre collectivité vous parler des défis auxquels ils sont confrontés. J'encourage tous les ordres de gouvernement à adopter une nouvelle approche pour l'accessibilité au logement et l'augmentation du financement pour les infrastructures dans notre collectivité ainsi qu'à passer en revue les recommandations formulées par Sheila Fraser dans son rapport de 2011, dans lequel elle décrit les mêmes défis et difficultés dont j'ai parlé aujourd'hui.

Je vous remercie encore une fois de nous avoir donné l'occasion de nous adresser à vous. Nous sommes un peuple compatissant et résilient. Nous allons le demeurer malgré les conditions dignes du tiers monde dans lesquelles nous vivons.

Au nom des Premières Nations, j'invite les membres du comité et des dirigeants fédéraux et provinciaux à venir visiter notre collectivité afin de constater les difficultés auxquelles nous sommes confrontés et de mieux comprendre ce que nous vivons.

Veuillez excuser ma voix, mais c'est un sujet qui me touche beaucoup en tant que chef. Tous les jours, je vois mon peuple pleurer, et c'est difficile pour moi de le voir ainsi.

Encore une fois, je vous remercie.

Le président : Je vous remercie beaucoup, chef Spence, d'être venue nous brosser un portrait très éloquent de la situation. Nous vous en sommes reconnaissants.

Je propose que nous entendions maintenant M. Morris, qui représente la Première Nation de Kasabonika Lake. Il est conseiller.

Monsieur Morris, comme je l'ai dit tout à l'heure, vous devez maintenir le bouton enfoncé lorsque vous parlez.

Allez-y, s'il vous plaît.

Mike Morris, conseiller, Première Nation de Kasabonika Lake : Bonjour.

[Monsieur Morris s'exprime dans sa langue autochtone.]

Que Dieu vous bénisse.

Le traité de la baie James, qui est le traité no 9, a été signé par la nation Kitchenuhmaykoosib et la Grande-Bretagne, représentée par le Canada et l'Ontario, le 5 juillet 1929 à Big Trout Lake. Mon grand-père, Geordie Winnipetonga, a signé en mon nom.

En tant que signataire du traité no 9, je vous fais cet exposé au nom de la Première Nation de Kasabonika Lake. Je m'appelle Mike Morris. Je suis conseiller et je m'occupe des petits et grands projets en matière de logement, de gouvernance et d'éducation.

J'ai toujours avec moi un exemplaire du traité no 9. Il est un peu abîmé et déchiré, mais je crois vraiment qu'il constitue la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui.

On dit que ce ne sont pas les traités qui font les nations, que ce sont les nations qui font les traités, et c'est tout à fait vrai. Chaque traité comporte des droits et des obligations. Nous avons respecté les obligations, en ce sens que nous avons vécu en paix avec nos frères non autochtones. C'est sur le plan des droits qu'il y a des problèmes, qu'on laisse empirer. Ces problèmes qui ont été créés sont expliqués dans le mémoire que nous avons envoyé à votre bureau, mais je vais néanmoins mettre en lumière certains d'entre eux.

Auparavant, je vais par contre donner un peu de contexte. Le Canada, en tant qu'État successeur, a l'obligation légale de mettre en application le traité no 9. Dans sa sagesse, le Canada a promulgué la Loi sur les Indiens, qui a donné lieu à la création du ministère des Affaires indiennes. La Loi sur les Indiens est une politique raciste, qui n'a pas sa place dans les traités, mais elle existe. Le ministère des Affaires autochtones, en dépit de toutes ses bonnes intentions, doit mettre en application cette politique raciste.

Le résultat est le chaos dans lequel notre peuple est forcé de vivre au quotidien. C'est la vérité. Notre peuple vit dans des conditions dignes du tiers monde. Cette existence malheureuse n'est pas celle que mon grand-père avait imaginée pour notre peuple. La Bible nous dit que Dieu voulait que notre peuple vive dans l'abondance, et non pas dans les conditions misérables actuelles. Souvenez-vous que ce peuple est signataire du traité no 9, et votre comité sénatorial doit non seulement déplorer le fait que la vision que mon grand-père avait pour notre peuple lors de la signature du traité no 9 s'évanouit, mais il doit aussi proposer un mécanisme permettant de mettre en application le traité no 9 au Canada.

Je ne suis pas un chef, alors je n'utilise jamais l'expression « mettre en application le traité », car je crois qu'il est déjà en place, qu'il est en vigueur.

Dans les documents que nous avons fournis, vous trouverez un résumé des problèmes auxquels nous sommes confrontés. Les faits que je vais citer ont été recueillis par les responsables de notre programme de logement :

En 2014-2015, le nombre de familles sans abri s'établira à 40. Il y en a 34 à l'heure actuelle. Il y a 63 familles et personnes qui sont forcées de partager une habitation. Il y a de nombreux logements surpeuplés, et je vais mentionner le cas de quatre personnes qui habitent dans un logement surpeuplé. Je le fais pour donner un visage humain à la situation qui règne dans notre collectivité.

Eleazor Anderson habite avec 14 personnes dans une maison de trois chambres à coucher. Elly Fox vit avec 11 personnes dans une maison de deux chambres. Cornelius Anderson habite avec 17 personnes dans une maison de trois chambres. Jackson McKay vit avec 15 personnes dans une maison de trois chambres.

Le parc actuel de logements de Kasabonika Lake ne suffit pas pour répondre aux besoins en logement de notre population croissante, comme le prouve le grand nombre de logements surpeuplés. Les terrains viabilisés se vendent à prix fort. Nous habitons dans une île qui fait deux milles de long et un demi-mille de large. Il en coûte très cher pour bâtir tous les logements nécessaires avec les services d'adduction d'eau et d'égouts. Le milieu dans lequel nous vivons est la source du problème. Pourtant, le ministère continue d'insister pour que nous bâtissions des habitations sur ces terrains très coûteux où se trouvent principalement des fondrières. Cela représente un gaspillage de nos ressources financières très limitées.

Même si nous bâtissions tous les logements nécessaires, il demeure que la société Hydro One Remote Communities Inc. a établi une politique de non-connexion à l'égard de notre collectivité. Nous sommes alors contraints de détruire l'ancien logement et d'en construire un nouveau au même endroit. Nous devons utiliser les mêmes câbles pour le nouveau logement. La situation fait en sorte que nous ne sommes pas en mesure de construire de nouvelles habitations pour accroître notre parc de logements.

Nous ne pouvons pas non plus augmenter les services d'adduction d'eau et d'égouts, car, en ce moment, nous n'avons plus de terrains viabilisés à notre disposition. Nous sommes forcés de compter sur des services d'adduction d'eau et d'égouts assurés par camion, ce qui est très coûteux. En outre, à l'heure actuelle, notre usine de traitement des eaux usées ne fournit plus du tout depuis environ une dizaine d'années. Parfois, des eaux d'égout brutes se retrouvent dans nos lacs.

La semaine dernière, nous avons pratiquement été forcés de déclarer l'état d'urgence. Le conseil a envisagé de le faire pour que le comité du Sénat comprenne bien la situation néfaste que vit notre peuple. Le conseil a décidé de ne pas le faire, car nous travaillons d'arrache-pied pour obtenir les infrastructures nécessaires.

Je suis ravi d'annoncer que notre projet no 5 de modernisation du réseau électrique sera approuvé par le ministère et qu'il sera achevé d'ici Noël 2015. Cette année, j'aurai le droit d'allumer encore une fois une seule lumière de Noël.

Nous avons également appris que notre projet d'étang de stabilisation sera approuvé et que la construction pourra débuter en 2015.

La semaine dernière, le chef et moi-même avons rencontré des représentants de la Banque Royale, qui ont accepté de nous consentir un prêt qui nous permettra de construire 20 nouvelles habitations.

Nous sommes toutefois encore confrontés à certaines difficultés en raison du manque de terrains. Rappelez-vous que je vous ai dit que nous habitons dans une île qui fait deux milles de long et un demi-mille de large. Maintenant, nous devons envisager de construire nos logements sur des terres de la Couronne qui appartiennent à l'Ontario. Nous savons que cette province nous empêchera de construire nos habitations. Je n'en dirai pas plus à ce sujet.

Pour ce qui est des solutions, je ne suis pas ici pour déplorer encore une fois les graves difficultés auxquelles nous faisons face dans le cadre du travail que nous effectuons en vue de bâtir une meilleure collectivité pour notre peuple. Nous allons vous faire part de nos solutions, qui sont liées aux commentaires que j'ai faits au début. Le traité no 9 existe. Le Canada doit respecter les obligations issues du traité, car le soleil brille encore, l'herbe pousse toujours et l'eau continue de couler dans les rivières.

En ce qui a trait aux fonds attribués pour le logement, il est évident que ce financement doit être augmenté.

Examinons notre situation. Étant donné les exigences strictes du Code du bâtiment, il faut débourser, comme nous l'avons dit, 250 000 $ pour une nouvelle habitation. Notre Première Nation reçoit 400 000 $ pour des dépenses en capital secondaires. Pour être en mesure de construire quatre habitations par année, nous devons obtenir des fonds de nombreuses sources. Étant donné l'incertitude liée au financement, les choses doivent changer, car la principale source de financement provient des emprunts bancaires. Lentement, mais sûrement, notre Première Nation est poussée vers la cogestion ou la gestion par un tiers à cause de ces emprunts. Il s'agit peut-être de l'objectif ultime visé par le ministère pour notre Première Nation, mais cette situation ne peut pas persister.

L'éloignement est un facteur qui entre en ligne de compte dans le financement, et nous devons nous pencher sérieusement sur ce que cela implique. La somme accordée pour l'éloignement doit être augmentée considérablement.

Comme vous le savez, nos Premières Nations reçoivent du financement de la part des gouvernements fédéral et ontarien. Nous avons parfois réussi à accumuler un excédent dans certains de nos programmes, mais nous sommes forcés de redonner cet argent. Nous devrions être en mesure de conserver ces excédents et de les utiliser pour répondre aux besoins en logement, en rénovations et en entretien.

On a proposé l'idée de créer une commission du logement pour les Premières Nations éloignées, c'est-à-dire les collectivités qui sont accessibles uniquement par voie aérienne. Au lieu de nous battre pour obtenir le peu de fonds consacrés au logement, nous devons trouver des façons d'amasser le financement nécessaire pour le logement.

Entre-temps, des emprunts pour le logement à faible taux d'intérêt et garantis par le gouvernement, comme le prévoit l'article 95 visant la SCHL, devraient être offerts, et l'objectif devrait être l'accession à la propriété. C'est ce que nous faisons en ce moment à l'égard des 10 habitations dont nous faisons l'acquisition grâce à un emprunt bancaire.

Je vais maintenant vous brosser un portrait de la situation en ce qui concerne l'infrastructure dans notre collectivité. Dans les dernières années, le ministère a combiné les fonds accordés pour le logement aux fonds attribués pour l'infrastructure, et le conseil est maintenant forcé de déterminer où ira le financement obtenu. Si nous consacrons davantage de fonds à l'infrastructure, le manque de logements sera encore plus criant et les habitations vont se détériorer plus rapidement. Ce genre de situation ne permet pas d'effectuer une planification à long terme.

L'approche qu'a toujours adoptée le ministère, et qu'il continue d'adopter, qui consiste à prendre à Pierre pour donner à Paul, a créé un chaos national pour l'ensemble des Premières Nations. Nous sommes forcés de nous faire concurrence pour les fonds réservés à l'infrastructure, ce qui a pour résultat que nous ne collaborons pas pour résoudre nos problèmes persistants au niveau local, régional et national.

Le ministère a établi des lignes directrices relatives aux approches novatrices concernant les projets d'infrastructure liés à la croissance. L'Ontario First Nations Technical Services Corporation, en collaboration avec nos conseils tribaux, doit élaborer un plan stratégique pour l'ensemble de la province qui permettra d'élargir son mandat et d'accroître le financement.

Dans le cadre de ce processus de planification que nous amorcerons, nous visons l'élaboration d'un plan de 20 ans pour le logement et l'infrastructure. Des fonds doivent être accordés à chaque Première Nation pour ce processus. Il faudra ensuite déterminer comment les plans pour le logement et l'infrastructure de chaque Première Nation seront mis en œuvre.

Je suis entouré de deux chefs, un d'Attawapiskat et l'autre de Muskrat Dam. L'approche actuelle nous force à rivaliser pour obtenir le financement offert. Il n'est pas possible de nous associer, même si nous le voulions. Cette situation doit changer et la seule façon pour nous d'y parvenir, c'est en combinant nos plans et en travaillant ensemble pour trouver des solutions qui nous permettront de faire ce qui s'impose dans chacune de nos collectivités.

Dans le cadre de mon travail, je m'occupe aussi d'éducation. En 1994, notre peuple a connu une bonne année, puisqu'elle a marqué l'ouverture du Chief Simeon McKay Education Centre. En 1980, le chef Simeon m'avait demandé de rédiger une proposition pour la construction d'une nouvelle école à l'intention du ministère. À cette époque, nous avions une école comptant trois salles de classe et une résidence pour les enseignants qui était en très mauvais état. Il a fallu attendre 14 ans pour la construction de cette nouvelle école.

En ce moment, nous avons un très grand nombre d'élèves, et tout l'espace libre dont nous disposons est utilisé comme salle de classe. Je veux parler des bibliothèques et de la salle d'entreposage. La salle d'entreposage est utilisée comme salle de classe par notre enseignant en adaptation scolaire. Je crois que cette salle est de la même grandeur que l'espace qui se trouve ici au milieu.

Nous avons besoin d'une nouvelle école pour nos élèves et c'est pourquoi, l'été dernier, nous avons proposé au ministère d'entreprendre une étude sur la construction d'une nouvelle école, et nous espérons ne pas avoir à attendre 14 ans pour l'obtenir. Nous espérons également avoir suffisamment de résidences pour enseignants de façon à inciter les professeurs à rester plus longtemps. À l'heure actuelle, nous sommes forcés d'embaucher des couples, car nous n'avons pas suffisamment de résidences.

Je ne m'occupe pas des postes infirmiers, mais c'est un dossier qui est lié à des projets d'envergure. Nous n'avons pas suffisamment d'infirmières, car les installations pour les accueillir font défaut. Nous connaissons tous les problèmes de santé qui touchent notre peuple, et c'est pourquoi nous avons besoin de postes infirmiers modernes et bien équipés. L'absence d'électricité a forcé l'annulation de l'ouverture d'un poste infirmier, mais étant donné les bonnes nouvelles que nous avons reçues cet après-midi, j'ose espérer que nous pourrons commencer la planification pour l'établissement d'un nouveau poste infirmier d'ici 2017-2018.

Nous travaillons sur la gouvernance depuis 2005. Nous avons mis en place des codes et des politiques, mais nous ne disposons d'aucuns fonds pour le renforcement des capacités.

Nous avons parlé de la nécessité d'établir un plan pour l'infrastructure et le logement pour les 20 prochaines années, et, pour que ce plan fonctionne, nous devons moderniser notre régime de gouvernance, afin que le plan puisse continuer d'être mis en œuvre peu importe qui siège au conseil. Si nous n'établissons pas un plan en bonne et due forme pour le logement pour les 20 prochaines années, nous ne ferons que maintenir le statu quo.

J'ai mentionné plus tôt que la Loi sur les Indiens constituait un élément du problème persistant, et c'est sur le plan de la stabilité au niveau de la gouvernance que cette mesure législative raciste et dépassée révèle son côté le plus hideux. Chaque conseil élu dispose de deux ans pour amorcer un véritable changement, ce qui est impossible à faire. C'est tout ce que je dirai là-dessus pour l'instant.

Enfin, j'entends parfois le premier ministre Harper parler des droits de la personne sur la scène internationale. Je me demande s'il reconnaît que le logement fait partie du droit à un niveau de vie suffisant. Le droit au logement est reconnu dans un certain nombre d'instruments internationaux en matière de droits de la personne. L'article 25 de la Déclaration universelle des droits de l'homme reconnaît que le droit au logement fait partie du droit à un niveau de vie suffisant. Il se lit comme suit :

Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite des circonstances indépendantes de sa volonté.

Le paragraphe 11(1) du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels garantit aussi le droit au logement, qui fait partie du droit à un niveau de vie suffisant.

Dans le domaine du droit international en matière de droits de la personne, le droit au logement est considéré comme un droit naturel. Cela a été mentionné clairement dans l'observation générale no 4 de 1991 sur le logement suffisant du Comité des Nations Unies des droits économiques, sociaux et culturels. L'observation générale fournit l'interprétation du droit au logement dans des termes juridiques en vertu du droit international.

Hier, le journal local, le Chronicle Journal, a publié un article au sujet de votre comité. On mentionnait que, durant le débat, on a souligné que l'insuffisance des infrastructures dans les collectivités des Premières Nations avait déjà été mise en lumière dans le rapport de 2011 de la vérificatrice générale. J'imagine qu'on voulait insinuer qu'il n'était pas nécessaire pour vous de vous déplacer jusqu'ici pour nous rencontrer.

Je vous ai fourni la note d'information préparée pour la visite des médias dans la Première Nation Nishnawbe Aski, datée du 18 janvier 2012. Cette note a été préparée un an après la publication du rapport de 2011 de la vérificatrice générale, et on peut y lire quelles étaient les conditions de vie à cette époque. Rien n'a changé depuis.

Y aura-t-il des changements à la suite de la présentation de nos mémoires au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones?

L'honneur de la Couronne est terni parce qu'elle n'a pas tenu parole au sujet du traité no 9. Les promesses faites à nos grands-pères n'ont pas été respectées. Le Canada n'a pas su concrétiser la vision de nos grands-pères.

Le traité de la baie James, le traité no 9, existe bel et bien aux yeux de notre peuple.

Nous demandons au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones d'aviser le premier ministre Harper que le Canada doit respecter ses obligations issues du traité à l'égard de notre peuple.

Je vous remercie, et que Dieu vous bénisse.

Le président : Je vous remercie beaucoup, monsieur Morris, au nom des membres du comité pour cet exposé très réfléchi et convaincant et pour les documents que vous avez fournis.

Je tiens seulement à dire que nous avons décidé d'étudier ce sujet en profondeur cette année et au début de l'année prochaine, non pas parce que c'est facile, mais parce que nous croyons et reconnaissons tous qu'il s'agit d'un sujet extrêmement important qui a une incidence sur tous les aspects de la vie des collectivités des Premières Nations.

Nous vous remercions pour votre contribution. Il est certain que nous ressentons votre frustration et j'ose espérer que nous pourrons améliorer les choses; en fait, c'est ce que nous allons faire.

Je signale que nous comptons publier un rapport avant la fin de l'année, un rapport provisoire, qui comportera des recommandations auxquelles le gouvernement devra répondre. C'est ce que nous nous engageons à faire.

Je vous remercie de nous avoir aidés à mieux comprendre le problème.

Nous pourrons maintenant entendre le chef Gordon Beardy de la Première Nation de Muskrat Dam.

Si vous êtes prêt, monsieur, allez-y. Vous devez maintenir le bouton enfoncé lorsque vous parlez.

Gordon Beardy, chef, Première Nation de Muskrat Dam : Je vous remercie beaucoup.

Je suis le chef de la Première Nation de Muskrat Dam. Je suis le petit-fils de Sampson Beardy, qui était le chef lorsque la bande de Kitchenuhmaykoosib a signé le traité, alors je sais quelles ententes ont été conclues et dans quelle mesure votre gouvernement nous a menti et n'a pas respecté les promesses qu'il a faites.

Jusqu'à ce jour, nous n'avons pas cessé de nous sentir opprimés et nous continuons de souffrir. Sous la gouverne du premier ministre Harper, je ne sens pas que je fais partie du Canada. Il ressemble à un dictateur. On force l'adoption de nouveaux projets de loi sans nous consulter, sans tenir compte de nos peuples.

Je tiens à dire que je n'ai aucune confiance dans le gouvernement. Il ne m'a donné aucune raison d'avoir confiance en lui. Je ne sais pas pourquoi je suis ici ni ce qu'on fera de mon exposé. On l'utilisera peut-être contre moi, ou il est peut-être temps que le gouvernement devienne sincère à propos de sa relation avec les Premières Nations en vertu du traité.

La réserve de la Première Nation de Muskrat Dam est située dans le nord-ouest de l'Ontario et c'est l'une des communautés éloignées situées dans l'extrême nord de la province. Le nord de l'Ontario est la patrie traditionnelle des peuples autochtones depuis des milliers d'années et c'est encore un territoire sauvage.

La Première Nation de Muskrat Dam est devenue indépendante en obtenant le statut de réserve en 1976. Actuellement, Muskart Dam compte 435 membres enregistrés des Premières Nations, et le nombre de membres qui vivent dans la réserve et hors réserve fluctue en raison du manque de logements, de meilleures possibilités d'emploi dans les centres urbains, de la poursuite des études dans des écoles secondaires, des collèges et des universités. En outre, bien des gens doivent aller habiter à proximité de meilleurs centres de soins de santé dans les régions urbaines, surtout les aînés, qui ont besoin de soins, parfois spécialisés.

Les statistiques révèlent que le taux de croissance de la population augmente chaque année, et que les familles ont en moyenne entre trois et six enfants.

La collectivité est accessible à l'année longue par voie aérienne, et l'hiver, c'est-à-dire de décembre à mars, par les routes.

Je vais parler maintenant de la crise du logement. La collectivité de Muskrat Dam a encore besoin de 25 habitations. Nous en avons construit 28 au cours des cinq dernières années pour essayer de répondre aux besoins de notre peuple.

La première nation continue de moderniser et de rénover les habitations, étant donné que la durée de vie d'un nouveau logement n'est que de 15 ans en raison du type de matériaux que nous pouvons nous permettre d'utiliser. Des dommages peuvent être causés par des conditions météorologiques extrêmes et les changements climatiques qui se produisent dans le nord de l'Ontario. Un grand nombre de logements ne sont plus habitables au bout d'une dizaine d'années.

Puisque ces logements ne répondent pas aux normes, il se crée la plupart du temps de l'humidité à l'intérieur de la structure, ce qui peut donner lieu à des problèmes de santé, particulièrement chez les aînés et les enfants.

Environ 95 p. 100 des habitations sont chauffées à l'aide de poêles à bois.

Je vais maintenant aborder la question de la crise de l'eau potable et du réseau routier. Notre usine de traitement des eaux usées approvisionne la population en eau depuis les 20 dernières années et elle n'a jamais été modernisée. J'ai sous les yeux une lettre. Depuis les 11 dernières années, un avis d'ébullition de l'eau est en vigueur. Les membres de la collectivité sont continuellement sujets à des problèmes de santé attribuables à la consommation d'eau contaminée, ce qui contribue à augmenter les cas de maladie.

L'usine de traitement des eaux usées de Muskrat Dam, qui a été construite il y a 20 ans, ne respecte pas les normes d'aujourd'hui. Nous ne disposons pas d'un second bassin de filtration pour rendre l'eau potable. J'ai déclaré à maintes reprises aux représentants du gouvernement que des enfants tombent malades; des gens tombent malades.

Les responsables de toutes nos installations, qu'il s'agisse des logements, des bureaux des bandes, des postes infirmiers, des bureaux de poste, des commerces, des écoles, des garderies et des centres de loisirs, ont été avisés que l'eau n'est pas potable, mais les gens doivent tout de même se brosser les dents. Ils doivent utiliser l'eau à d'autres fins.

Nous avons entrepris des négociations en vue de faire avancer les choses, mais cela n'a rien donné. Nous vivons au Canada, et c'est ce qui me rend furieux. Nos ressources sont exploitées et nos terres et nos cours d'eau sont contaminés. Je ne peux pas boire l'eau que je buvais quand j'étais enfant en raison de la pollution causée par les étrangers.

Vous nous forcez à quémander. Je ne suis pas un mendiant. Vous nous forcez sans cesse à quémander. Notre peuple des Premières Nations est un peuple fier.

Mon père m'a enseigné à me lever à deux heures dans la nuit pour me rendre sur mon sentier de piégeage et chasser pour remplir mon rôle de pourvoyeur. Je ne suis pas un mendiant. Pourquoi vous nous forcez à quémander pour parvenir à régler chaque petit problème que vous avez créé?

Nous avons une route de gravier de cinq kilomètres qui mène à l'aéroport, que nous avons prolongée et que nous appelons « le sentier de la chasse ». De nos jours, les aînés veulent poursuivre leurs façons de faire traditionnelles On enseigne très tôt aux enfants à aller sur les terres et à accompagner leurs familles. Nous avons donc aménagé ce sentier où les gens peuvent chasser le lapin, la perdrix et d'autres animaux pour compléter leur régime alimentaire.

Nous n'avons pas reçu un sou du gouvernement pour compenser nos coûts. Nous sommes harcelés par le ministère des Ressources naturelles, qui nous demande d'arrêter le projet, mais c'est impossible. Il y a eu des suicides dans des collectivités éloignées parce que les gens n'ont rien à faire.

Le gouvernement doit ouvrir les yeux, nous écouter et cesser de créer des lois pour nous.

Les coûts du carburant sont exorbitants. Notre collectivité a grandement besoin de carburant pour la machinerie lourde, les appareils dotés de petits moteurs, les véhicules, les moteurs diesel et les fournaises. Le coût du carburant est très élevé par rapport au prix auquel il se vend dans le Sud. En hiver, la livraison du carburant par le réseau routier est ce qui est le plus économique, mais la collectivité ne dispose pas d'installations d'entreposage suffisantes pour recevoir un approvisionnement pour un an.

Le prix de l'essence est fixé en ce moment à 1,80 $ le litre. Le coût du carburant pour les avions s'élève à 2,85 $ le litre. Ces prix peuvent augmenter si les cours grimpent. Durant l'été, on doit faire livrer du carburant par voie aérienne pour se constituer une réserve qui doit durer jusqu'à ce que la livraison par le réseau routier commence à s'effectuer en hiver, au mois de janvier.

Le coût de la vie, qui est abominable, est attribuable aux moyens de livraison des biens essentiels. On a recours au transport terrestre seulement quatre mois par année, durant l'hiver. C'est beaucoup plus avantageux pour notre collectivité que le transport par voie aérienne.

Une grande partie des revenus de la collectivité et des familles continuera de subventionner le coût du transport par voie aérienne. Par conséquent, les familles et les personnes qui dépendent de l'aide sociale et de la Sécurité de la vieillesse continueront d'éprouver des difficultés financières puisqu'elles reçoivent leur paiement une fois par mois seulement. La prestation d'aide sociale pour une personne seule s'élève à environ 300 $. Cette somme permet seulement de payer l'épicerie pour une semaine. C'est la pure vérité. Un grand nombre de gens ont de la difficulté à joindre les deux bouts et à se nourrir.

Si vous étiez des chefs comme nous, vous pousseriez des hauts cris. Vous seriez en train d'hurler, surtout lorsque vous savez que les terres appartiennent à votre peuple et qu'elles sont exploitées par d'autres pour leur profit.

Je vais maintenant aborder la question des problèmes sociaux. Les jeunes sont lourdement touchés parce qu'il existe très peu de programmes de formation, de programmes de développement des compétences professionnelles et de programmes de loisirs, pour n'en nommer que quelques-uns, qui peuvent aider à diminuer certains des problèmes sociaux actuels. En raison de cette situation, les jeunes sont très nombreux à faire usage de médicaments d'ordonnance, et il n'existe aucune solution rapide à ce problème.

Nous devons maintenir notre programme de suboxone, qui est notre programme local de réhabilitation, d'une durée de 28 jours seulement. Au terme de cette période, les personnes ont amorcé les premières étapes de la réhabilitation et de la sensibilisation.

Notre Première Nation a recours à des conseillers professionnels pour offrir des séances de counseling sur place, mais nous n'avons pas les moyens financiers nécessaires pour embaucher davantage de professionnels. Nous disposons de très peu de ressources pour mettre en œuvre ce programme et nous avons en ce moment beaucoup de mal à trouver des fonds pour assurer le suivi. L'objectif principal du suivi est de fournir du soutien de façon continue aux personnes qui ont terminé le programme de 28 jours.

Un grand nombre de nos jeunes se sont adressés à nous. Ils veulent de l'aide, et nous voulons leur venir en aide, mais nous ne pouvons pas le faire si le gouvernement ne se décide pas à nous aider et à aider notre peuple.

Maintenant, parlons du financement. Depuis que la Première Nation de Muskrat Dam a obtenu le statut de réserve, elle ne reçoit pas suffisamment de fonds pour le logement, les infrastructures et les services publics. Avec le financement annuel que nous recevons pour le logement, nous pouvons seulement nous permettre d'acheter des matériaux de construction de piètre qualité, qui, dans la plupart des cas, respectent uniquement les exigences de base du code du bâtiment.

Si le gouvernement fédéral ne s'engage pas à accroître le financement destiné à la Première Nation de Muskrat Dam, il est peu probable que notre collectivité puisse un jour avoir accès à des logements convenables, à de l'eau potable, à des routes maintenues en bon état et qu'elle puisse gérer comme elle l'entend ses problèmes sociaux et d'autres fonds qu'elle reçoit pour les infrastructures.

La Première Nation de Muskrat Dam a besoin d'un soutien financier pour aider les jeunes qui sont aux prises avec des problèmes de drogue, et il est urgent que le gouvernement fédéral comprenne notre situation. Le mot « urgent » ne veut pas dire dans cinq ans. Nous nous attendons à ce que des mesures soient prises à propos de ce que nous venons de vous exposer.

La majorité des Canadiens — et c'est honteux — continuent d'avoir droit aux services de base dans la plupart des régions du sud des provinces canadiennes.

Quand je pense aux enfants que je représente, je deviens furieux, en tant que dirigeant, lorsque j'observe ce que le gouvernement nous fait. J'ai été élu pour me battre pour mon peuple.

J'ai entendu les paroles du gouvernement. Ce sont de très belles paroles, mais elles ne sont pas appuyées par les bons gestes.

Qu'allez-vous faire? Je sais que vous travaillez avec le gouvernement. Allez-vous défendre notre cause?

La Première Nation de Muskrat Dam devrait avoir accès facilement aux ressources et aux services. En vertu du traité, le gouvernement fédéral a l'obligation fiduciaire de répondre aux besoins des peuples autochtones, y compris de la Première Nation de Muskrat Dam.

Nous avions convenu d'être des partenaires et d'échanger avec vous. Nous avons respecté cet engagement en vertu du traité. Quand votre gouvernement nous montrera-t-il en toute bonne foi qu'il souhaite respecter son obligation? Dites-moi quand? Est-ce que je vais mourir avant que cela ne se produise? Est-ce que mes petits-enfants seront encore vivants? Est-ce que le peuple que je représente pourra un jour voir cela?

J'ose espérer que l'information que nous vous avons présentée vous aidera à commencer à faire justice pour notre peuple.

En terminant, je voudrais dire, au nom de ma collectivité, la Première Nation de Muskrat Dam, que c'est un privilège pour moi de comparaître aujourd'hui devant vous et que c'est une bonne occasion de contribuer à l'étude du comité du Sénat.

Je vous remercie beaucoup.

Le président : Chef Beardy, je voudrais vous remercier, au nom du comité, pour la dignité avec laquelle vous avez présenté votre situation éloquente. Je suis convaincu que nous comprenons tous pourquoi vous voudriez hurler, et je suis certain que nous sommes tous heureux que vous ne l'ayez pas fait. Vous avez présenté un exposé très efficace et mémorable.

Je pense que nous sommes résolus à défendre votre cause, et ce que nous avons entendu cet après-midi nous a grandement aidés à mieux comprendre.

J'aimerais maintenant que l'on passe aux questions.

Le sénateur Tannas : J'aimerais obtenir quelques précisions aux fins du compte rendu de sorte que lorsque nous reviendrons en arrière nous disposerons de renseignements cohérents.

Je vous suis profondément reconnaissant du temps que vous avez pris pour comparaître devant nous et aussi pour la passion avec laquelle vous vous êtes exprimés.

Cela étant dit, je me demande si le conseiller Morris et le chef Beardy, simplement pour que nous ayons cette information, pourraient nous donner une estimation du nombre de personnes pour chacune de leur Première Nation qui vivent dans des réserves en ce moment?

M. Morris : Dans cette petite île qu'est la nôtre, nous en comptons un peu plus de 1 000.

M. Beardy : Quelle était la question?

Le sénateur Tannas : Combien de personnes vivent dans la réserve en ce moment, selon ce que vous estimez?

M. Beardy : Je dirais 289.

Le sénateur Tannas : Toujours dans le but d'obtenir des renseignements cohérents, j'aimerais que la chef Spence, le conseiller Morris et le chef Beardy, dans un premier temps, nous disent s'ils disposent de revenus autonomes et, dans un deuxième temps, qu'ils nous fassent part du taux de chômage dans leur collectivité.

Mme Spence : Quelle était la première question?

Le sénateur Tannas : Disposez-vous de revenus autonomes, c'est-à-dire de revenus qui ne proviennent pas du gouvernement?

Mme Spence : Oui. Nous n'en avons pas beaucoup, mais nous avons nos propres ressources. Par le passé, c'est avec cet argent que nous avons réussi à obtenir de nouveaux logements. Nous avons amassé ces fonds grâce au Casino Rama et à notre fonds en fiducie.

J'estime que le taux de chômage dans notre collectivité s'établit entre 75 et 80 p. 100, ce qui est très élevé.

M. Morris : Je crois que le portrait est le même pour Attawapiskat et Kasabonika. Notre taux de chômage est similaire et nos revenus autonomes proviennent d'Ontario First Limited Partnership, du Casino Rama et des sommes que nous pouvons tirer des projets d'envergure, notamment en assurant le transport du gravier.

M. Beardy : Je dirais que nous n'avons aucun autre revenu que les fonds que nous versent les gouvernements provincial et fédéral. Nous n'avons aucune autre source de revenus.

D'après ce que je comprends, si nous concluons une entente avec une entreprise, nous devons, selon la loi, déclarer le revenu que nous en tirons, et je sais que les gouvernements nous l'enlèveront. On pourrait dire que non.

Le sénateur Tannas : Je dirais oui.

M. Beardy : Le gouvernement a parfois agi de manière stupide seulement dans le but de garder notre peuple opprimé.

Le sénateur Tannas : Je n'étais pas en désaccord avec vous. Nous avons déjà entendu cela.

Mon autre question portait sur le taux de chômage dans votre collectivité.

M. Beardy : À mon avis, lorsque nous voulons conclure une entente avec le secteur privé, le gouvernement n'a pas à y mettre son nez.

Le sénateur Tannas : Pouvez-vous me dire si votre taux de chômage est similaire à celui des autres, c'est-à-dire qu'il se situe entre 75 et 80 p. 100, ou s'il est plus élevé?

M. Beardy : Les seuls emplois que nous avons proviennent des seuls services dont nous disposons. Nous avons des infirmières autorisées, des enseignants certifiés et des emplois rattachés aux programmes de base. Il y a aussi du travail à court terme durant l'été dans le domaine de la construction des logements.

Le sénateur Tannas : Je vous remercie beaucoup.

Le sénateur Sibbeston : Vos présentations étaient toutes très intéressantes, percutantes et touchantes.

Je viens des Territoires du Nord-Ouest. Je suis Déné, et je vis au sein de la population dénée. La réalité que vous décrivez n'est pas la nôtre. Les gens ont généralement une meilleure qualité de vie. Ils sont mieux logés et mieux desservis par le gouvernement.

J'étais à Nahanni Butte la semaine dernière et j'ai fait un peu le tour du village. J'y ai compté 18 pièces de machinerie lourde : niveleuses, chargeuses, camions. Il y en a des neuves, d'autres moins, mais il y en a 18. Je les ai comptées et j'ai pris des photos. C'est ce que possède la petite collectivité de 200 personnes.

J'ai été député provincial de cette région à partir de 1970. Au fil des ans, nous nous sommes dotés de bons logements. Nous avons commencé avec des tentes, puis de bonnes vieilles maisons en bois rond. Petit à petit, nous avons fait des progrès, de sorte que les gens sont bien logés aujourd'hui. Ils se chauffent encore au bois, mais ils ont aussi accès à du carburant. Récemment, les téléphones cellulaires ont fait leur apparition au village. Il est vraiment à la fine pointe.

Quand j'entends votre histoire, j'ai du mal à croire que cela se produit au Canada. Vous pourriez tout aussi bien parler de l'Afrique ou de quelques-uns des pays les plus pauvres au monde, mais cela se passe au Canada. Le Canada est un pays très riche. Les conditions que vous décrivez sont horribles, et il est difficile de croire que cela se passe chez nous.

J'ai deux questions à vous poser. Vous dites que bien des gens sont sur le chômage, mais avez-vous accès à du gibier? Parce qu'en campagne, il y a normalement de l'orignal et du poisson. Avez-vous accès au gibier pour compléter votre alimentation?

Aussi, dépendez-vous entièrement du gouvernement pour vous sortir de ce marasme ou est-ce que différents efforts — les vôtres et ceux des jeunes qui sont aux études — pourraient vous permettre un jour d'avoir un bon gagne-pain et de bonnes conditions de vie? Est-ce que le développement économique de votre région pourrait vous donner un coup de pouce?

Dans le Nord, avec les mines de diamants et les autres, nous avons eu de la chance; les gens ont pu tirer profit de ces ressources. C'est une question que je me pose.

Je me demande aussi ce que notre petit comité sénatorial peut faire, le Comité des peuples autochtones. Nous allons produire un rapport et faire de notre mieux. Nous visitons différentes régions du pays où les peuples autochtones réussissent très bien. Ils habitent le même style de maison que les Blancs. Ils ne sont pas du tout démunis. Mais dans les régions plus éloignées, notamment dans le nord des provinces, bien des collectivités vivent dans les conditions que vous avez décrites : dans la pauvreté extrême et aux prises avec de graves problèmes sociaux et d'autres difficultés.

L'écart est énorme. Il semble qu'il soit avantageux pour les Premières Nations de rester près des grands centres en raison, entre autres, du secteur des affaires. Dans les régions plus éloignées du pays, la situation est tout autre. Vous ne pouvez compter que sur vous-mêmes pour affronter tous ces problèmes et tenter de trouver des solutions, avant de vous tourner vers le gouvernement fédéral pour avoir de l'aide.

J'aimerais savoir à quel point la situation est désespérée. Il y a quelques années, la chef Spence a attiré l'attention du pays sur ces difficultés. Devez-vous encore une fois attirer l'attention du pays sur la situation, ou que pouvez-vous faire pour améliorer les choses?

Le président : Cela fait beaucoup de questions; on parle des aliments traditionnels.

Mme Spence : Merci pour ces questions. Elles sont vraiment pertinentes.

Depuis que je suis chef et que je vis sur la réserve — je n'ai pas grandi sur la réserve, mais j'y habite depuis 14 ans —, ma vie n'est plus la même. Cela a été une révélation pour moi.

Vous vouliez savoir si on dépendait d'AADNC. Pour ma part, je ne veux pas dépendre d'AADNC, mais pour une raison obscure, le gouvernement fédéral, et même le gouvernement provincial, a oublié le partenariat ou la relation qui devrait nous unir en vertu du traité. Il a été signé par nos ancêtres et les vôtres, mais en cours de route, le gouvernement a pris le contrôle.

Dans un partenariat, les différentes parties sont censées travailler en équipe, et c'était le but du traité : bâtir un avenir ensemble, vivre en paix et se respecter les uns les autres.

Je suis certaine que, comme moi, les Premières Nations ne veulent pas dépendre du gouvernement, mais c'est la nature de nos rapports. C'est le message que je voulais communiquer durant ma grève de la faim, soit qu'il faut renouveler cette relation qui nous unit. Il faut que tous les chefs et les deux ordres de gouvernement comprennent bien le traité. Nous le comprenons. Nous tâchons de tout cœur de le respecter, mais le gouvernement n'a jamais tenu sa parole, et il ne le fait toujours pas. Et je parle ici des deux ordres de gouvernement.

Jamais nos ancêtres — ni nous d'ailleurs — n'ont adopté de lois pour changer votre vie, mais le gouvernement, lui, l'a fait pour nous. Les pensionnats en sont un bon exemple. On nous a tout pris, et cela se poursuit aujourd'hui. Nous écrivons le deuxième chapitre de la saga des pensionnats. C'est ainsi que je le vois.

Le temps est venu de s'asseoir et de revoir cette relation, car le gouvernement nous impose sa législation. Je ne sais pas de quel droit il se permet de le faire.

Vous vouliez savoir ce que le comité pouvait faire. Vous pouvez dire au gouvernement d'en discuter avec nous, de respecter le traité et d'agir comme notre partenaire. Autrement, les citoyens autochtones peuvent faire beaucoup de bruit. Si le gouvernement ne fait rien, les Autochtones vont agir.

Dans le système actuel, les chefs ont les mains liées. Quand on essaie de parler au gouvernement, il fait la sourde oreille. Il n'a même pas la courtoisie de nous accorder un entretien. Non. Il nous ignore, carrément, et raconte n'importe quoi aux médias. Il a un don pour cela, et j'ai pu le constater pendant ma grève de la faim. Il déforme tout. J'étais la méchante de l'histoire. Il fait aussi le coup à d'autres chefs des Premières Nations. Il ment aux Canadiens. C'est vrai. Il répète sans cesse que nous sommes un fardeau pour les contribuables. Ce n'est pas le cas. Pas du tout. Les ressources nous appartiennent et nous avons le droit d'en profiter, mais c'est une chose qu'on ne dit pas.

Nous avons des conseils tribaux : l'APN, Chiefs of Ontario, Mushkegowuk et d'autres. Nous n'avons plus besoin d'Affaires indiennes. Nous sommes capables de nous occuper de nos affaires, mais le gouvernement veut garder sa mainmise sur nous.

Ce partenariat n'a rien d'une mainmise; le but est de travailler ensemble, alors j'encourage le comité à recommander au gouvernement de nous laisser tranquilles. Au diable Affaires indiennes, nous n'en avons plus besoin. Nous avons bien des gens qualifiés pour gérer leurs finances et leurs projets. Nous pouvons le faire. Nous n'avons pas besoin d'être traités comme des marionnettes. Le gouvernement doit revoir sa façon d'élaborer ses protocoles.

Le développement économique, oui. Nous aimerions pouvoir profiter du développement économique de notre région, mais la Loi sur les Indiens restreint tout ce que nous voulons faire. Bien des compagnies minières s'intéressent à notre région, mais elles veulent des ententes axées sur des analyses régionales, et cela ne fonctionne pas. Nous voulons un partage des recettes, comme la ville qui est située près de la mine. Nous devrions avoir droit aux mêmes avantages. Cela nous permettra de développer notre collectivité. C'est tout ce que nous voulons.

Nous voulons développer notre collectivité. Nous voulons une meilleure infrastructure, de meilleurs logements et un meilleur traitement de l'eau. Nous voulons développer nos collectivités, comme à Thunder Bay et à Ottawa. C'est tout ce que nous demandons. Nous voulons que nos jeunes profitent de la meilleure éducation qui soit.

En ce moment, il y a un écart important dans le financement. Pour quelle raison? Pourquoi sommes-nous si différents? Pourquoi? Je continue à poser la question, et je n'ai toujours pas de réponse.

Nous sommes là pour rester, tout comme vous. Tant que le soleil brillera, que l'eau coulera et que l'herbe poussera, nous allons être ici avec vous.

C'est le gouvernement qui doit changer son attitude envers nous et qui doit arrêter de mentir aux citoyens canadiens. Il est très bon pour cela. Je l'ai vu de mes propres yeux et je l'ai entendu de mes propres oreilles. J'ai un bon exemple à vous donner. Lorsque le gouvernement a annoncé que nous avions reçu 90 millions de dollars, il n'a pas expliqué à quoi avait servi cet argent. Il n'a pas dit que les fonds étaient voués aux services et il a laissé entendre que chaque personne recevrait 50 000 $. Ce n'est pas vrai. Il a aussi menti à mon peuple.

Le comité doit vraiment demander au gouvernement de cesser ce genre de manœuvres, parce qu'elles entraînent bien des problèmes. Elles engendrent du racisme et de la haine, et certaines personnes finissent même par y laisser leur peau.

Oui, nous avons nos pratiques de culture et de chasse traditionnelles, mais cela coûte cher aussi aujourd'hui. Les gens demeurent néanmoins déterminés. Entre-temps, des compagnies minières s'installent dans notre région. Elles font fuir les animaux, mais nous devons trouver un moyen de les garder dans la région.

C'est vrai, notre peuple est encore capable d'assurer sa survie, mais nous sommes des gens fiers, tout comme vous. Vous avez votre mode de vie et vos compétences, et nous avons les nôtres. Nous respectons vos valeurs, et nous voulons que le gouvernement fasse de même pour nous.

Le gouvernement doit arrêter de nous infantiliser. Nous ne sommes pas des enfants. Nous sommes des partenaires au traité. Le traité n'est pas respecté, mais je ne sais pas ce qui arriverait si on faisait appel aux tribunaux. Nous ne pouvons pas prendre la parole et défendre nos droits sans être punis par le gouvernement.

C'est ce qui est arrivé à Attawapiskat quand nous avons défendu notre cause devant les tribunaux. Le gouvernement a retenu notre financement pendant des mois et des mois. Au lendemain du procès, on nous a informés que nous n'avions pas droit au programme de logement de la SCHL. Le gouvernement ne devrait pas se permettre ce genre de manœuvre. Cela ne devrait pas exister.

Nous sommes ici avec vous. Tout ce que nous voulons, c'est de vivre en paix et d'assurer un bon avenir à nos enfants. Ma génération a traversé le chapitre le plus sombre de notre histoire, et j'en paie encore le prix, mais je fais de mon mieux pour retomber sur mes pieds. C'est cependant encore une réalité aujourd'hui.

J'encourage le comité à recommander fortement au gouvernement d'honorer le traité ou de laisser la place à quelqu'un d'autre.

M. Beardy : Merci de nous avoir tous déprimés de la sorte.

Sénateur, vous avez posé deux questions. J'avais parlé de la construction de routes 25 kilomètres au-delà de l'aéroport, et ces routes sont utilisées par les membres de la collectivité pour aller chercher du gibier afin de compléter leurs réserves de viande. La réponse à votre question est donc « oui ».

Vous vouliez savoir quels étaient nos plans. Nos jeunes sont nombreux à aller à l'université après leurs études secondaires, mais rien ne les attend à leur retour.

Alors en tant que chef de ma collectivité, je suis prêt à discuter avec des investisseurs ou des promoteurs du secteur minier. Nous sommes ouverts à cela. Nous avons aussi des systèmes hydroélectriques, et nous sommes ouverts au développement en partenariat. Nous espérons que cela pourra être possible.

M. Morris : Le chef Beardy l'a bien dit. Les gens vont chercher ce dont ils ont besoin dans ce que Dieu a donné à notre peuple, mais là aussi les choses changent. C'est un changement forcé. Je sais que chez nous, bien des jeunes chasseurs aimeraient pratiquer leur gagne-pain traditionnel, mais ils ne peuvent pas en raison du prix de l'essence — j'aimerais pouvoir aller à Muskrat Dam —, qui est de 2,50 $ le litre. Ils ont besoin d'essence pour se rendre à destination. Pour se payer de l'essence, ils nous vendent tout ce qu'ils peuvent trouver. C'est un changement qui nous a été imposé, et nous n'avons pas encore réussi à nous y faire, mais c'est la réalité.

Pour ce qui est de votre question, je l'aurais formulée autrement. « Comment les dépossédés peuvent-ils reprendre leurs possessions? » Et je pèse mes mots. Quand je dis que la Loi sur les Indiens est raciste, là aussi je pèse mes mots.

Ceux qui comme moi ont passé leur vie à défendre notre peuple savent que la question du sénateur est un peu naïve. Je veux dire par là que lorsque Christophe Colomb a touché terre, il a amené avec lui un mode de vie et un système juridique. Ces choses ont fait leur chemin jusqu'au nord du pays.

J'ai dit que nous avons été dépossédés, mais c'est bien plus que cela. Selon la doctrine de la découverte et de la terra nullius, les gens qui étaient là avant sont justement ceux qui sont devant vous aujourd'hui. Nous sommes considérés comme des non-humains, et à ce jour, c'est ainsi que le Canada est construit. La seule façon pour moi de prouver mon identité légalement est de présenter la carte de statut d'Indien que me donnent les Affaires indiennes. Légalement, je ne peux pas dire que je m'appelle Mike Morris et ma nation n'est pas reconnue comme telle non plus. Ce n'est pas ainsi que cela fonctionne. Seule ma carte de statut d'Indien est reconnue, et c'est une désignation artificielle. J'ai beaucoup de mal à accepter cela.

J'imagine qu'il y aurait des choses à faire. Je vais vous donner un exemple. Chaque fois que les chefs se rencontrent, ils discutent invariablement du traité no 9 et de la nécessité de le faire appliquer.

Quant à moi, le 18 juillet, j'ai été à même de constater qu'il l'était. J'ai reçu un appel sur la radio me disant d'aller chercher mon annuité de traité de 4 $ au bureau du conseil de bande. Je n'avais rien d'autre à faire que de me présenter. Oui. Si le traité no 9 n'était pas en vigueur, les représentants d'AINC ne m'auraient pas attendu là avec mes 4 $. Je n'ai absolument rien eu à faire, alors j'en déduis que le traité no 9 est là si j'ai reçu mes 4 $. Cela en dit long.

Pourquoi le Canada ne peut-il pas faire la même chose partout? Comme le chef Beardy le disait, pourquoi devons- nous demander la charité? Je suis un homme fier. Je suis fier de ma personne. Ces 4 $, notre peuple en rit aussi, mais les gens ne comprennent pas que les représentants du Canada sont obligés de faire le voyage pour nous les remettre quand le traité no 9 est mis en application. Si nos chefs comprenaient comment cela fonctionne et faisaient en sorte que ce soit appliqué partout uniformément, je ne pense pas que nous aurions à quémander.

Mais il y a quelque chose à faire entre-temps : pourquoi les Affaires indiennes doivent-elles me donner de l'argent qu'elles ont elles-mêmes demandé au Conseil du Trésor? Qu'est-ce qui m'empêche de faire affaire directement avec le Conseil du Trésor? Le traité est en place, je devrais avoir cette possibilité. J'estime que le Conseil du Trésor récolte tous les impôts facturés sur les ressources et les terres qui nous appartiennent. Pourquoi n'aurait-on pas le droit de s'adresser à lui directement? Si tous les ministères fédéraux du Canada peuvent demander des fonds directement au Conseil du Trésor, qu'est-ce qui m'empêche d'en faire autant?

Cette idée m'a toujours trotté dans la tête, et selon moi, ce n'est pas si fou que cela. On le fait déjà. Qu'est-ce qui nous empêche, nous, de le faire?

Je n'aime pas avoir à supplier. J'ai plus ou moins été laissé à moi-même depuis l'âge de neuf ans, quand on m'a envoyé au pensionnat. Je n'ai pas reçu une très bonne éducation, mais j'ai réussi à obtenir mon diplôme alors que personne ne terminait sa 12e année. Je sais à quel point l'éducation est importante.

Laissez-moi vous raconter ceci : mon grand-père était chef et s'est retrouvé dans le pétrin dans les années 1940. Il a demandé à mon père d'aller vivre à Pickle Lake en lui disant : « Je t'envoie là-bas pour que tu apprennes à vivre comme un Blanc. Essaie de comprendre pourquoi il vit comme il le fait. »

Quand mon père m'a envoyé à l'école secondaire à l'âge de 15 ans, son message était « apprends à penser comme un Blanc ».

Je peux vous dire d'emblée que je n'aime pas cette mentalité. On parle de dépossession et la question va bien plus loin encore.

Si je voulais parler de développement économique, je pourrais dire rapidement qu'il existe des moyens pour y arriver, mais il se passe déjà certaines choses.

Il y a un Northern Store dans notre collectivité. Selon une étude menée par notre chef, pour chaque dollar gagné, du gouvernement ou d'ailleurs, 55 cents vont à un Northern Store. Comment bâtir une économie dans de telles conditions? Comment briser le cycle de la pauvreté lorsqu'on permet encore ce genre de choses?

Je ne suis en colère contre personne. Vous aussi êtes prisonniers du système en place. J'en suis prisonnier moi aussi. Peut-être que nous pourrons nous comprendre sur le plan humain un de ces jours, et nous tâcherons de faire du meilleur travail pour nos petits-enfants.

Le sénateur Moore : Je veux remercier les témoins de leur présence aujourd'hui. J'ai appris beaucoup de choses. Je suis certain que mes collègues aussi. Le sénateur Sibbeston est probablement au courant de tout cela, car il a été aux premières lignes pendant des années.

Monsieur Morris et chef Beardy, vos deux nations sont assujetties au traité no 9, n'est-ce pas? Je ne l'ai jamais vu.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Il a dit qu'il le traînait avec lui.

Le sénateur Moore : Je sais. Vous pourriez peut-être en laisser une copie à la greffière? J'aimerais bien le lire. J'aimerais savoir où nous faisons erreur et comment nous laissons tomber l'autre partie.

M. Beardy : Si vous voulez avoir cette information, cela va vous coûter cher!

Le sénateur Moore : Vous n'êtes pas le premier à dire cela aujourd'hui.

Quoi qu'il en soit, ce serait bien utile si vous pouviez nous en laisser une copie. J'imagine qu'il faut revenir à la base, et dans ce cas-ci, la base est un document juridique. J'aimerais bien pouvoir en prendre connaissance, parce que j'estime que cela pourra éclairer nos recommandations. Donc, si vous pouviez en remettre une copie à la greffière, ce serait très apprécié. Merci.

M. Morris : Avant de vous remettre une copie, je tiens à préciser une chose. Il faut se rappeler que le processus de traité, dont fait partie le traité no 9, est une initiative qui vient de votre côté. L'Ontario et le Canada ont initié ce processus, et au moment de cette expansion — c'est le terme que j'utiliserai —, l'idée derrière le traité et la terminologie employée ne correspondaient pas vraiment à ce que nos ancêtres avaient compris. Quelques-uns d'entre nous avons eu la chance de travailler avec les anciens qui étaient là en 1929, lors de la signature du traité no 9, à Big Trout. La première signature remonte à 1905-1906.

Un de mes amis, aujourd'hui décédé, me répétait souvent : « Ne sème pas la pagaille, tu n'es qu'un ajout ». Une partie de cet ajout s'est élargie entre 1929 et 1930. Le traité original a été signé en 1905-1906, avec Attawapiskat et les nations de la côte.

Je veux souligner que le traité est formulé tel quel, mais les anciens avaient une tout autre compréhension des choses et c'est aussi différent de ce que nous possédons vraiment. J'espère que la nation nishnawbe-aski a encore ces documents, parce qu'autrement, j'aurai gaspillé cinq années de ma vie.

Le sénateur Moore : Qui détient le compte rendu oral de ce qui a été décidé il y a des années? Est-ce qu'une bande représente l'ensemble de la nation à cet égard?

M. Morris : Je pense que le conseil Mushkegowuk d'Attawapiskat y a travaillé beaucoup plus que nous tous. Nous sommes trop occupés à nous battre les uns contre les autres. Le conseil Mushkegowuk a réussi à dissiper les conflits et, avec l'ancien grand chef, a fait beaucoup de travail de ce côté. Mais pour les autres, la nation nishnawbe-aski devrait avoir consigné ce qui a été fait dans les années 1970.

Le sénateur Moore : Les réserves sont nées au fil du temps et des années. Est-ce que cela faisait partie du traité? D'où venait ce concept? Comment est-ce que l'idée de former des réserves est arrivée? La reconnaissance, ou peu importe le terme utilisé, s'est faite à différents moments pour les peuples des Premières Nations. D'où est venue cette idée?

M. Morris : Elle est venue de votre côté.

Le sénateur Moore : Souvenez-vous, c'est une leçon de premier niveau sur les relations entre l'homme blanc et les Indiens. Vous allez me faire la leçon, mais je suis prêt à l'entendre.

M. Morris : À ce que je sache, c'est la Loi sur les Indiens qui a introduit cette idée. C'est ce qu'elle prévoit.

Le sénateur Moore : Est-ce que le traité tenait compte de la Loi sur les Indiens?

Mme Spence : La Loi sur les Indiens ne faisait pas du tout partie du traité. Elle nous a été imposée, cette Loi sur les Indiens. Le but était d'avoir le contrôle et d'étiqueter les Premières Nations, alors je crois que c'est de là que viennent les réserves. Le gouvernement voulait nous isoler du reste du monde, et cette situation perdure. Et c'est ce qui me met hors de moi, en tant que chef. Nous sommes au XXIe siècle, et la Loi sur les Indiens est toujours en vigueur. Il faut dissoudre cette loi et vraiment examiner comment le Canada traite les Premières Nations et la façon dont il exerce encore autant de contrôle sur elles.

Pour ma part, j'étais dans la fin quarantaine quand j'ai appris l'existence du traité. Ce n'est même pas enseigné dans les écoles. On n'enseigne rien sur les Premières Nations aux citoyens canadiens ni à ceux qui arrivent chez nous. En tant que partenaires, nous devons absolument sensibiliser les citoyens canadiens à la signification du traité.

Je suis surprise de voir que vous aussi, à votre âge, vous ne savez pas en quoi consiste le traité. Cela démontre que...

Le sénateur Moore : J'en connais quelques-uns, mais je ne connais pas les détails de celui-là.

Mme Spence : C'est là où je veux en venir. J'ai parfois l'impression que nous n'existons pas pour le gouvernement; nous ne sommes pas là. Quand nous osons nous exprimer et nous rendre visibles, on nous traite comme des criminels. C'est la vérité.

John Long, de l'Université Nipissing, a écrit un livre qui parle du traité. Stan Louttit, qui était notre grand chef, se passionnait réellement pour ce dossier, car le gouvernement dit toujours que nous avons cédé nos terres, mais ce n'est pas vrai. Les recherches de Stan Louttit nous démontrent le contraire. Des commissaires ont participé à la négociation du traité, et quelqu'un a tout noté ce qui s'est dit. C'était différent de ce qui a été énoncé dans le traité. Nos ancêtres n'ont jamais cédé leurs terres. Un des aînés de l'assemblée a même fait la déclaration suivante : « Un commissaire a tout noté. Voilà où se cache la vérité. Peut-être refera-t-elle surface un jour. »

Elle a refait surface. Des journaux ont été retrouvés dans une université, l'Université Queen's, je crois, et c'est là qu'on a découvert que les terres n'avaient jamais été cédées; on avait convenu de les partager.

Donc, à titre d'information, je pense qu'il faut le rappeler au gouvernement.

Le sénateur Moore : Je suis presque gêné de poser ma prochaine question, monsieur le président.

Chef Beardy, depuis 11 ans, un avis d'ébullition de l'eau est en vigueur dans votre collectivité. Personne ne vous a proposé de vous donner un coup de main pour corriger le problème?

M. Beardy : Nous avons eu des rencontres, et des rencontres, et des rencontres et encore des rencontres. J'ai rencontré des représentants de Santé Canada et ils m'ont écrit en octobre 2003 pour me dire qu'il était recommandé de maintenir l'avis d'ébullition jusqu'à ce que d'autres tests indiquent que les échantillons sont propres à la consommation. Sans réfection, jamais on n'aura d'eau potable. La situation va donc demeurer inchangée jusqu'à ce que le gouvernement décide de rénover ou de remplacer la vieille usine de traitement des eaux.

Nos opérateurs commencent à en avoir assez. Ils me disent qu'ils ne peuvent pas faire de miracles avec des produits chimiques.

Le sénateur Moore : C'est tellement pernicieux tout cela. Sans eau potable, la santé de la population en souffre. Tout le monde a besoin d'eau potable. Cette carence ajoute aux coûts du système de soins de santé et d'aide sociale. C'est vraiment se tirer dans le pied.

C'est une priorité, monsieur le président. Nous devons corriger une situation comme celle-là. Nous voulons encourager les gens à maintenir une bonne santé physique et buccodentaire. Rappelez-vous également qu'on a aménagé une clinique dentaire à l'école. Ils ne peuvent pas se brosser les dents avec de l'eau impropre à la consommation. Je veux qu'on pense à ce genre de choses lorsque viendra le temps de préparer notre rapport, monsieur le président.

La sénatrice Raine : Chef Beardy, vous avez dit plus tôt que l'eau était contaminée par la pollution produite par les étrangers. Quels sont ces contaminants?

M. Beardy : On nous a dit que l'eau était impropre partout. Nous n'en buvons plus — avec l'acide et les autres contaminants. Quand le vent souffle, on voit que la pollution voyage dans les airs, et elle peut provenir de nombreux kilomètres au sud. Cela, vous le savez.

L'eau potable est censée être traitée. C'est daté du 29 août. J'avais communiqué avec Santé Canada, qui m'a informé que d'après les tests microbiologiques effectués sur les échantillons prélevés le 27 août 2014 du robinet de cuisine d'Olivia Duncan, l'eau est contaminée de bactéries coliformes et de très faibles quantités de résidus de chlore.

Consommer l'eau — c'est de Santé Canada : « Consommer l'eau peut entraîner de graves problèmes de santé. Vous trouverez ci-joint une copie des résultats de l'échantillonnage à examiner et à conserver dans vos dossiers ». C'est donc documenté.

À mon tour de vous poser une question. Si les membres de notre bande boivent de l'eau des lacs et des rivières, ils tombent malades. Avant, quand j'étais jeune, on pouvait boire l'eau directement à la source. Pas de problème. Aujourd'hui, tout le monde se sent mal après avoir bu l'eau. Il nous faut de l'eau embouteillée ou de l'eau non contaminée.

La sénatrice Raine : Si l'eau du robinet — elle a été prélevée d'un robinet résidentiel — contenait des coliformes, cela veut dire que les égouts s'infiltrent d'une manière ou d'une autre dans votre réseau d'aqueduc ou que les procédés de purification ne suffisent pas pour traiter les eaux, quelle que soit la source. J'imagine que c'est ce qui pose problème. Il faut trouver d'où ça vient.

M. Beardy : À Muskrat Dam, les égouts sont d'un côté et l'usine de purification de l'autre, et nous avons dû changer les réservoirs de combustible pour respecter les normes. Aujourd'hui, il faut installer des réservoirs à double couche.

Avec l'expertise technique d'AINC, un plan a été élaboré pour remplacer les anciens réservoirs.

Il y avait une berme à moins de 50 pieds de l'usine de traitement des eaux et des vieux réservoirs. Quand ils ont enlevé les réservoirs désuets pour les envoyer au sud, ils ont laissé le site contaminé à ciel ouvert.

Le sénateur Moore : Ils ne l'ont pas nettoyé?

M. Beardy : Non. J'ai des lettres à ce sujet. Je leur ai dit qu'il fallait absolument nettoyer le site. Ils m'ont répondu qu'ils pouvaient épandre du gravier par-dessus. J'ai refusé. Je sais que si on avait accepté une solution temporaire, rien n'aurait jamais été fait pour régler définitivement le problème.

La sénatrice Raine : Alors, ce sont peut-être ces vieux réservoirs qui ont contaminé votre réseau d'aqueduc?

M. Beardy : Je ne saurais dire. AINC pourrait le nier.

La sénatrice Raine : Avez-vous demandé qu'une enquête soit effectuée?

M. Beardy : Je peux vous dire ceci : mon eau est contaminée.

La sénatrice Raine : C'est très inquiétant.

M. Beardy : J'ai besoin de votre aide pour la décontamination.

Le président : Merci. Je dois céder la parole à la sénatrice Dyck pour le mot de la fin.

Je signale au comité que le grand chef Les Louttit attend patiemment son tour, et nous voulons entendre ce qu'il a à dire, alors nous allons devoir conclure.

La sénatrice Dyck : Je tiens à remercier les témoins présents cet après-midi. Vous nous avez certainement donné matière à réflexion.

Ma question va porter sur le financement, parce qu'on le veuille ou non, le grand public s'attarde malheureusement à l'essentiel, c'est-à-dire à l'argent, quand il s'agit de prendre des décisions. Je pense que la population en général ne comprend pas vraiment ce que cela implique. Si on parle d'un financement de 7 milliards de dollars, elle croit que cet argent s'en va aux Premières Nations. On nous a dit ce matin qu'environ un tiers de cette somme ne se rend pas aux Premières Nations.

M. Morris : Non, les deux tiers ne se rendent pas.

La sénatrice Dyck : Les deux tiers?

M. Morris : Oui.

La sénatrice Dyck : C'est encore pire que je croyais.

M. Morris : Oui.

La sénatrice Dyck : Mais les membres du grand public qui ne sont pas sympathiques à la cause pensent que — et je vais reprendre l'expression utilisée dans les journaux — jeter encore plus d'argent par les fenêtres ne va pas régler le problème. C'est ce que les gens disent. Ou on parle de gaspiller les fonds publics. Mais d'après ce que vous nous avez dit aujourd'hui, on n'entend jamais parler des politiques qui n'ont ni queue ni tête. On demande au conseil de bande de puiser dans ses ressources pour compléter le financement que le ministère lui accorde, supposément, pour la réfection du réseau d'aqueduc. Vous partagez les coûts moitié-moitié. Mais vous n'avez pas les ressources en partant. Il faut quand même que vous sortiez de l'argent de vos poches, alors il vous faudra couper quelque part. Qui plus est, le financement plafonne depuis 1995 ou 1996.

Est-ce que quelqu'un a un compte-rendu de toutes ces choses-là? Parce que cela change la donne et nous devons avoir une vue d'ensemble. Sachant cela, on ne peut pas blâmer les Premières Nations. On ne peut pas tout mettre sur le dos des « victimes ». On ne peut pas dire : « C'est votre faute. On vous a donné l'argent, vous n'aviez qu'à mieux le gérer. »

J'espère que je me fais bien comprendre. Je sais que les sénateurs Tannas et Sibbeston ont aussi indiqué qu'il y avait d'autres moyens de se sortir du marasme que d'attendre les fonds d'AADNC. Vous avez parlé du partage des revenus tirés des ressources et d'autres activités. Mais malheureusement, cela soulève encore bien des questions liées au financement, et je me demandais si vous pensiez qu'il serait important que notre rapport comporte une section traitant de la façon dont l'argent est dépensé et de tous les obstacles et de toutes les décisions politiques saugrenues qui font en sorte qu'il est pratiquement impossible pour vous d'équilibrer votre budget. C'est alors qu'on vous place sous tutelle et qu'on vous pénalise encore une fois. Les choses ne peuvent qu'empirer à partir de là.

Le président : C'est une grande question, sénatrice Dyck. J'ai l'impression que la réponse se trouve peut-être dans les témoignages que nous avons entendus aujourd'hui de différentes sources.

Mme Spence : C'est une bonne question, parce que je pense qu'il est important que le comité sénatorial comprenne bien ce qui se passe et qu'il ait une vue d'ensemble de la situation.

Pour ce qui est du financement, nous recevons des fonds sous forme de contribution, mais nous devons respecter des conditions préétablies. Rien n'est négociable. À la fin de l'année financière, nous devons approuver le financement qu'on nous accorde, mais nous n'avons pas la possibilité d'examiner le tout et de négocier les conditions s'y rattachant. C'est à prendre ou à laisser. Pas de signature, pas de financement. C'est aussi simple que cela.

Il faut faire les choses autrement, parce que cette approche ne tient même pas compte du coût de la vie ni de l'inflation. Elle est axée sur la population financée.

C'est pour cette raison que je demande sans cesse : « Pourquoi sommes-nous traités si différemment? Pourquoi ne pouvons-nous pas avoir le même financement que les municipalités? » Il faut que les deux ordres de gouvernement travaillent avec nous et que le financement provienne des deux, pas seulement d'un des deux.

Quand on arrive à avoir nos propres ressources, nous sommes pénalisés ou notre financement écope. On nous impose des coupes ou des reports.

Je ne suis pas en faveur des conditions de financement, mais je sais que si je ne les accepte pas, je ne recevrai rien. Comme je le disais, quand nous avons contesté la mise sous tutelle, nous avons été privés de financement pendant six mois, si je ne me trompe pas.

J'espère toujours que les chefs se battront contre le financement sous forme de contribution. Je répète que nous n'avons plus besoin des Affaires indiennes. Nous avons notre propre organe de gouvernement capable de superviser cet aspect, de l'analyser et d'étudier l'option du partage des revenus. Les sociétés d'exploitation minière viennent mener des activités dans nos collectivités et sur nos terres traditionnelles. Elles perturbent la terre, les eaux et la faune, mais nous ne touchons aucune forme d'indemnisation pour cela. Nous devrions pouvoir profiter du partage des revenus pour nous libérer de notre dépendance au gouvernement.

Même le programme Au travail Ontario est catastrophique pour nos citoyens. C'est vrai. J'aimerais que ce programme ne soit pas offert dans ma collectivité, mais nous avons besoin de la formation, des emplois et du partage des revenus.

Il est temps pour le gouvernement de nous redonner les droits qu'il nous a enlevés. J'encourage le comité à étudier le financement sous forme de contribution et d'autres formes de financement et à comparer les municipalités aux Premières Nations. Les membres seraient surpris de constater les différences qui existent. Nous ne recevons même pas 100 p. 100 du financement nécessaire pour améliorer notre système de prise d'eau. Nous avons des problèmes avec notre système de traitement des eaux.

Vous seriez stupéfait. Ce que nous devons faire, c'est de dévoiler au public ce que nous vivons et pour cela, tous les partis doivent nous aider.

Pour obtenir la collaboration du gouvernement et du leadership, nos chefs doivent être présents au Parlement. Nous devons y être représentés. Oui, nous avons Charlie Angus, mais il s'agit d'une représentation indirecte. Nos chefs doivent être sur place pour défendre nos intérêts et expliquer ce qui se passe vraiment dans nos régions. Dans les pauses publicitaires, les membres sont toujours fiers. Ils sont libres. Mais, dans la réalité, ce n'est pas ce que nous constatons, car le gouvernement a une façon différente de reconnaître le traité.

Il faut revoir le mode de financement et le modifier, ou abolir la Loi sur les Indiens.

Le président : Nous avons le temps pour une dernière question. Je suis désolé d'être aussi sec. Madame la sénatrice Greene Raine, vous avez la parole.

La sénatrice Raine : Ça va. Merci, je vous en suis reconnaissante.

La sénatrice Dyck : Vous aviez déjà dit que la question précédente était la dernière.

Le président : Je sais. Je suis très indulgent.

La sénatrice Raine : Chef Beardy, en regardant mes notes rapidement, j'ai remarqué que la Première Nation de Muskrat Dam a reçu le prix du logement novateur. J'aimerais que vous nous fassiez parvenir plus de détails à ce sujet, car nous n'aurons probablement pas le temps d'en parler aujourd'hui. Je tiens, tout de même, à vous féliciter pour ce prix.

Je crois, également, que la Première Nation de Kasabonika s'est vue décerner un prix pour son utilisation novatrice des fonds du gouvernement, ce qui est plutôt intéressant. Vous faites des choses remarquables malgré vos ressources limitées. Merci.

Le président : Je suis convaincu que vous l'avez remarqué. Encore une fois, merci à tous. Comme l'ont déjà exprimé les membres du comité, merci d'avoir pris le temps de nous rencontrer et merci pour vos exposés convaincants.

Chers collègues, nous sommes très en retard sur notre horaire et le grand chef adjoint de la Première Nation Nishnawbe-Aski, Les Louttit, attend son tour.

Grand chef adjoint Louttit, nous vous remercions de votre patience. Comme vous pouvez le voir, nous sommes en retard. Nous ne nous sommes pas tourné les pouces; nous avons écouté des témoignages très convaincants. J'imagine que vous avez compris comment fonctionne le micro. Donc, encore une fois, merci d'être ici et bienvenue.

Les Louttit, grand chef adjoint, Première Nation Nishnawbe-Aski : Membres du comité, bonjour. Je m'appelle Les Louttit. Je suis originaire de Fort Albany près de la baie James, et membre de la nation crie. Je suis le grand chef adjoint de la Première Nation Nishnawbe-Aski et aussi responsable, notamment, du logement et de l'infrastructure, du développement économique, du développement des ressources et de l'énergie. J'ai également d'autres responsabilités que je partage avec d'autres membres du conseil exécutif.

Avant d'amorcer ma présentation, je tiens à féliciter les membres des Premières Nations qui se sont exprimés et qui font partie de notre nation.

Ils vous ont présenté des faits sur leurs collectivités, ainsi que sur la situation des logements et de l'infrastructure dans la Première Nation telle qu'ils sont en mesure de la constater.

Je vais vous présenter un aperçu plus général à l'échelle régionale, puisque c'est à ce niveau que sont représentées les ambitions politiques, économiques, culturelles et sociales de nos collectivités.

Regardons la première diapositive. Malheureusement, je n'ai pas eu le temps de les numéroter. Nous n'avons appris que la semaine dernière que nous allions faire une présentation.

Le mois dernier, à la Première Nation de Fort William, nous avons eu une réunion des chefs, une assemblée générale annuelle, à laquelle nos 49 Premières Nations ont participé.

La Résolution 14/40 reprend ce que vous avez entendu aujourd'hui des membres des Premières Nations. En fait, elle parle de l'urgence collective de la situation du logement et de l'infrastructure dans toutes les collectivités et sur le territoire de la NNA.

Cette résolution se termine en disant ceci :

PAR CONSÉQUENT, IL EST RÉSOLU que toutes les Premières Nations de la NNA s'unissent pour déclarer l'état d'urgence en matière de logement à l'échelle de la NNA.

FINALEMENT, IL EST RÉSOLU que l'Assemblée générale des chefs charge le conseil exécutif de publier cet état d'urgence en matière de logement à l'échelle de la NNA et d'appeler le Canada et l'Ontario à fournir des fonds et des mesures qui reconnaissent la situation d'urgence et qui permettent de la régler.

La Première Nation Nishnawbe-Aski a d'abord été créée en 1993 sous le nom de Grand conseil du traité no 9 et renommée Première Nation Nishnawbe-Aski au milieu des années 1980.

À la deuxième diapositive, vous verrez la structure de cette organisation que nous appelons la NNA. Elle est composée de 49 Premières Nations et compte 45 000 membres sur le territoire de la NNA, un territoire qui couvre les deux tiers de l'Ontario.

Vous trouverez sur cette diapositive le nom des sept conseils tribaux. Certaines des Premières Nations représentées sont membres de ces conseils tribaux.

Six des 49 Premières Nations ne sont pas affiliées; elles sont donc considérées comme étant indépendantes.

La NNA englobe le traité no 9 ainsi que la portion de l'Ontario couverte par le traité no 5, ce qui représente une superficie de 210 000 miles carrés ou les deux tiers de la province.

Passons à la troisième diapositive. On compte, dans la réserve, 28 000 personnes et environ 6 000 logements, pour une densité de population de 4,7 personnes par logement. Cette densité de population est 26 p. 100 plus élevée que celle de la population autochtone au pays, qui s'élève à 3,7 personnes par logement, et 122 p. 100 plus élevée que celle de la population générale du pays qui se situe à 2,1 personnes par logement.

Parmi ces logements, 19 p. 100 ou 1 149 sont des logements de la SCHL loués en vertu de l'article 95. Moins de 1 p. 100 sont de propriété privée et plus de 80 p. 100 appartiennent à la Première Nation. En moyenne, il se construit 140 nouveaux logements par année sur le territoire de la NNA.

Cela signifie qu'il y a un besoin immédiat pour 1 900 logements sur le territoire de la NNA. Cela permettrait de réduire la densité de population à un niveau comparable à celui de la moyenne nationale. Ces chiffres ne tiennent pas compte des prévisions du taux de croissance, du taux de renouvellement et des réparations majeures à apporter aux logements existants.

Selon les prévisions, au cours des 17 prochaines années, 130 000 nouveaux logements seront nécessaires.

La prochaine diapositive parle du logement et de l'infrastructure. Selon nos données, 20 p. 100 des logements existants nécessitent des réparations mineures, soit moins de 25 000 $ par logement; 25 p. 100 nécessitent des réparations majeures, soit plus de 25 000 $ par logement; et 40 p. 100 de tous les logements ont au moins 10 ans. En moyenne, les logements ont une durée de vie de 15 à 20 ans. Moins de 1 p. 100 des logements sont de propriété privée.

Les régimes de location varient d'une Première Nation à l'autre. Les taux de chômage sont extrêmement élevés. Donc, les familles sont incapables de payer leur loyer. Cela force la Première Nation à défrayer les coûts des loyers en puisant dans ses capitaux et autres sources de financement de programmes, y compris le financement du Casino Rama. Plus tard, elle se retrouve avec un déficit, car, en vertu des accords de contribution qu'elle a conclus avec le ministère des Affaires indiennes, elle est tenue de recouvrer ses coûts, puisque beaucoup de ces logements sont financés par la SCHL en vertu de l'article 95 et font l'objet d'une garantie de prêt ministériel.

Parlons maintenant des besoins actuels. En 2006, la société Neegan-Burnside Engineering a mené une étude sur le logement et les infrastructures de la NNA en s'appuyant sur les données publiées sur les sites Web du MAINC. À l'époque, l'étude a conclu qu'il y avait un manque à gagner de plus de 5 000 logements pour satisfaire aux besoins de la Première Nation. Selon les données démographiques de la Première Nation, sur une période de sept ans, le taux moyen de croissance s'établit à 2,3 p. 100 par année. En s'appuyant sur ce taux de croissance, le manque à gagner en 2014 serait d'au moins 5 500 logements.

Ces données ne tiennent pas compte des besoins annuels qu'il faut établir en fonction du taux de croissance actuel de la Première Nation, de la formation des ménages, du surpeuplement et des besoins urgents causés par les incendies, les inondations et la mise en œuvre de la loi sur les biens matrimoniaux, notamment.

La prochaine diapositive porte sur les facteurs liés au logement. Des logements adéquats, durables, accessibles, adaptés à la culture, sécuritaires et viables constituent un des principaux déterminants de santé et du bien-être social et économique.

Les logements inadéquats dans les collectivités du Nord constituent des obstacles à l'éducation, à l'emploi et à l'autosuffisance.

Les logements surpeuplés et inadéquats sont un facteur de stress, ont des répercussions psychosociales et nuisent à la santé physique et mentale des citoyens, ce qui pousse ces derniers à se tourner vers des moyens d'adaptation néfaste, comme l'alcoolisme et la toxicomanie.

Parlons maintenant du coût d'une vie saine. En utilisant le modèle de coût de la SCHL, on estime à 230 000 $ le coût moyen de construction d'une maison de 1 800 pieds carrés comptant trois chambres à coucher sur le territoire de la NNA. Pour 5 000 logements, cela équivaut à environ 1,2 milliard de dollars.

Toute nouvelle construction domiciliaire comprend habituellement des frais d'aménagement : la planification, l'architecture, l'ingénierie, les consultations, la gestion de projet, les inspections et la mise en service. Ces coûts accessoires ne sont pas toujours assumés par les Premières Nations de la NNA en raison de leurs capitaux limités.

Passons aux infrastructures, y compris l'eau, les égouts, l'hydroélectricité et les routes. Selon Santé Canada, huit collectivités de la NNA sont sous le coup d'un avis d'ébullition de l'eau depuis plus de 10 ans. Un des principaux problèmes, c'est le manque de financement des infrastructures permettant d'améliorer le système d'eau potable dans ces collectivités de façon à ce qu'il respecte les normes fédérales.

Dans le cadre d'un article publié par CBC News, le 9 septembre, la section de Thunder Bay du Conseil des Canadiens s'est dite préoccupée par ce que le gouvernement appelle la Loi sur la salubrité de l'eau potable sur les terres des Premières Nations. Cette loi est censée être une étape vitale permettant aux Premières Nations de jouir des mêmes dispositions sur la santé et la sécurité en matière d'eau potable que les autres Canadiens. Toutefois, le conseil craint que cette nouvelle loi n'oblige les Premières Nations à respecter les normes provinciales en matière d'eau potable sans pour autant disposer des fonds nécessaires. Autrement dit, les Premières Nations ne jouiront d'aucune ressource supplémentaire pour appliquer ces règlements. Aucune instance n'a été créée pour régir ou assurer l'application de ces règlements et aucun fonds supplémentaire ne sera fourni pour améliorer les systèmes actuels de façon à ce qu'ils respectent les normes nationales.

La prochaine diapositive présente un tableau de la situation actuelle en matière d'habitation selon les données d'AADNC pour l'exercice 2011-2012. Les calculs ont été effectués pour chacun des sept conseils tribaux dont les noms figurent en en-tête. Le tableau présente également le total par conseil tribal ainsi que le total général de 1,11 milliard de dollars.

Pour satisfaire aux besoins et respecter les préférences associées à la culture locale et aussi de vie, les logements doivent être adaptés au climat du Nord et aux conditions environnementales. Si l'on satisfait ces besoins, les citoyens de la NNA pourront vivre dans des logements conçus selon leurs préférences, sans moisissure, à l'épreuve des inondations et des incendies, ne nécessitant aucune réparation majeure et ne présentant aucun problème de santé ou de sécurité.

Ce qu'il faut, ce sont des infrastructures flexibles et adéquates sur le plan technologique qui satisfont aux demandes liées aux conditions climatiques changeantes et qui amélioreront le rendement et le cycle de vie des logements du Nord.

La construction des logements dans le Nord repose sur beaucoup de points de vue et de disciplines nationales et régionales différentes, y compris les aspects économiques et environnementaux, ainsi que les considérations sociales, culturelles et de santé. Par conséquent, il est nécessaire d'adopter une approche multidisciplinaire et holistique à la construction de logements adaptés et viables et à l'élaboration d'une politique en matière de logement pour les collectivités de la NNA.

Je vais maintenant demander à Charmaine McCraw, mon agente du développement économique, de vous expliquer le graphique de cheminement suivant.

Le président : Madame McCraw, vous avez la parole.

Charmaine McCraw, gestionnaire, Unité de développement économique et de mise en valeur des ressources, Première Nation Nishnawbe-Aski : La prochaine diapositive porte sur la création de solutions. Une des choses que j'ai remarquées depuis que je travaille avec le grand chef adjoint Louttit de la Première Nation Nishnawbe-Aski, c'est qu'on entend beaucoup parler de demandes de fonds. Selon moi et les membres de mon équipe, le fait d'investir davantage dans les programmes et services actuels ne permettra pas de régler les problèmes dans les réserves. De toute évidence, pour transformer le régime de logements dans les réserves, il faut procéder à une réforme structurelle et faire place à l'innovation. Pour y arriver, il faut s'attaquer aux causes fondamentales et aux problèmes structurels et mettre en œuvre des structures de responsabilité et de gouvernance solides, apporter des améliorations concrètes et fixer des objectifs atteignables. Mais, tout cela doit se faire à l'échelle locale et, bien entendu, à l'échelle politique. Mais, aussi, beaucoup de changements doivent être apportés à l'échelle communautaire.

Si l'on regarde le modèle présenté à la diapositive, une des raisons pour lesquelles beaucoup des membres de nos collectivités ne peuvent payer leur loyer ou s'acheter une maison, c'est qu'ils n'ont pas d'emploi. À bien des égards, nos collectivités sont très différentes des autres collectivités des Premières Nations, car la NNA ne se trouve pas près de grands centres. Nos membres ne peuvent pas se rendre au travail chaque jour, car nous n'avons pas de routes. Nous sommes confrontés à beaucoup d'obstacles en matière d'emploi.

Je crois, cependant, qu'il existe beaucoup de façons de créer de l'emploi dans nos collectivités. La création d'emplois durables faisant appel aux forces de chacune de nos collectivités permettra aux familles de travailler et de payer leur loyer.

L'engagement communautaire et l'éducation sont également importants pour que les membres puissent apprendre comment prendre soin de leur logement et comment fonctionne le régime. Bon nombre ne comprennent pas que s'ils ne paient pas leur loyer, c'est quelqu'un d'autre qui le paie pour eux. L'engagement communautaire et l'éducation peuvent porter sur divers aspects, notamment les incendies et la sécurité.

Il faut ensuite réfléchir à l'investissement que l'on veut faire dans notre avenir. Tout cela permettrait de mettre en place un processus durable en matière de logement et d'infrastructures.

M. Louttit : Il y aura d'autres tableaux et je demanderai à Charmaine de vous les expliquer. La prochaine diapositive concerne l'organisation « Bâtir un avenir pour l'infrastructure et le logement durable », ou BAILD. Nous devons réfléchir à des façons novatrices de nous attaquer aux causes fondamentales des logements inadéquats et des mauvaises conditions de vie. BAILD est composé de trois directions : une chargée des activités sans but lucratif et responsable du développement de la capacité à l'échelle locale; une chargée des activités à but lucratif responsable du développement et de la surveillance des sociétés qui participeraient à la chaîne d'approvisionnement en matière de logement de façon à ce que la construction se fasse de façon plus économique et à ce que les membres de la collectivité puissent y participer; et une chargée du fonds d'investissement auquel toutes les sociétés ou toutes les parties intéressées verseraient une partie de leurs profits. Les membres des collectivités et les collectivités elles-mêmes pourraient ensuite utiliser ce fonds pour tirer parti d'autres fonds afin de réaliser divers projets d'infrastructure.

Mme McCraw : Certains ont parlé plus tôt de moyens de s'autofinancer ou de devenir indépendant sur le plan économique. Vous avez raison, il y a une façon.

La prochaine diapositive porte sur ce à quoi nous travaillons depuis environ deux ans à la NNA. Nos efforts ont finalement abouti à la création de « Bâtir un avenir pour l'infrastructure et le logement durable ».

L'organisation servirait d'agent de prestation de services en matière de logement pour la NNA et les Premières Nations indépendantes. L'idée, c'est que la direction chargée des activités sans but lucratif serait chargée du renforcement des capacités, de la formation, de l'éducation, des comptes rendus administratifs et de la relation entre le gouvernement et les Premières Nations afin de combler les écarts. Il y a beaucoup de mauvaise communication et de méfiance et c'est ce qui fait dérailler les choses.

Je suis consciente que, pour qu'un changement durable s'observe, il doit s'observer à l'échelle de la collectivité. Cela passe par le renforcement des capacités, la formation de nos gestionnaires des logements, la formation de nos agents du développement économique, et la formation des gestionnaires des terres afin qu'ils possèdent les compétences nécessaires pour assurer la gestion au sein de leurs collectivités. Il y a plusieurs possibilités à explorer, et c'est justement la responsabilité de la direction chargée des activités sans but lucratif.

La direction chargée des activités à but lucratif serait responsable de la gestion, de la mise en œuvre et de la surveillance des sociétés qui cadrent avec le mandat de BAILD. Nous avons donc analysé les collectivités pour découvrir leurs forces. Certaines ont des scieries, d'autres comptent sur des ébénistes ou des plombiers. Nous avons défini les opportunités d'affaires qui pourraient alimenter la chaîne d'approvisionnement en matière de logement. Nous achetons depuis si longtemps nos matériaux de construction dans le sud du pays pour les faire livrer des centaines de milles plus loin, dans le nord, alors que nous sommes entourés d'arbres.

Certains ont parlé des maisons en bois rond. Il pourrait s'agir d'une solution, mais nous pouvons aussi utiliser les ressources qui se trouvent près de nos collectivités afin de réduire les coûts de constructions.

La direction des activités sans but lucratif serait responsable de la formation des gens des métiers. Ainsi, les membres des collectivités pourraient construire leurs propres maisons au lieu de faire appel à des entreprises de construction.

Il existe quelques entreprises de construction autochtones qui se spécialisent dans la construction de maisons préfabriquées, par exemple. Il suffirait de les contacter et de les aider, car elles n'ont pas toujours la capacité d'offrir un produit de niveau supérieur. C'est donc l'idée derrière BAILD.

Selon moi, le plus important, c'est le fonds d'infrastructure communautaire de la NNA, puisque les sociétés créées par l'entremise de la direction chargée des activités à but lucratif seraient tenues, en vertu de leur entente, de réinvestir une partie de leurs profits dans ce fonds.

C'est donc ainsi que le changement s'amorcerait. Je sais que le processus sera long et lent, mais il faut bien commencer quelque part. Comme l'a souligné le grand chef adjoint Louttit dans son exposé, les collectivités pourront présenter une demande auprès de ce fonds d'infrastructure pour obtenir les 70 000 $ dont ils ont besoin pour obtenir les 240 000 $ ou le 1,1 million de dollars nécessaires à l'amélioration de leur usine de traitement des eaux.

C'est un début. En investissant en nous-mêmes, nous investissons dans notre avenir. Ce projet est presque prêt à être présenté aux chefs. D'ailleurs, la semaine prochaine, je rencontrerai les responsables d'AADNC et d'autres organisations — la SCHL, le First Nations Brick Housing Fund — afin de discuter de nos idées et de l'état d'avancement du projet.

La prochaine diapositive porte sur les objectifs de BAILD, soit créer des possibilités d'emploi au sein de nos collectivités; renforcer la capacité du personnel des Premières Nations de la NNA; et mettre sur pied un fonds pouvant être réinvesti dans les infrastructures communautaires.

Comment y arriver? En renforçant la capacité communautaire et la capacité des gens à payer leur loyer, en offrant des programmes adéquats d'entretien, en réglant les problèmes de sécurité et en consultant directement les collectivités, comme vous le faites aujourd'hui.

Que pouvons-nous faire pour atteindre nos objectifs? Nous devons prendre le temps de définir les écarts en matière de capacité, tant la capacité humaine que la capacité physique. Il faudra également définir les possibilités d'emploi et les partenariats qui pourraient nous permettre de simplifier le processus d'achat et identifier les projets actuels ayant besoin d'un certain soutien. Ainsi, nous pourrons aider ceux qui en ont besoin au lieu de recommencer à zéro.

La NNA a beaucoup travaillé à d'autres aspects. Cette année, des membres ont participé à une formation sur la gestion des logements. Sept membres des Premières Nations ont reçu leur diplôme et leur certificat de gestionnaires de logements lors de la conférence de Keewaywin. Il s'agissait d'une formation de sept semaines, au rythme d'une semaine par mois, au cours de laquelle les participants ont acquis des compétences en développement de politiques, en construction et en inspection, entre autres. Ce n'est pas mon domaine, alors j'apprends moi aussi. Ils ont acquis les compétences nécessaires pour faire leur travail.

Nous menons une étude de faisabilité pour la direction chargée des activités à but lucratif de BAILD; nous travaillons avec les collectivités afin de définir leurs besoins; et nous avons fait pression auprès du gouvernement pour obtenir plus de fonds.

Il faut régler l'arriéré, et pour cela, nous avons besoin de fonds. Nous devons être conscients qu'il faut d'abord nous aider nous-mêmes et, ensuite, nous pourrons progresser.

Si nos collectivités peuvent s'unir et travailler ensemble, elles profiteront d'une mise en commun des connaissances du milieu, des marchés du gouvernement et des Premières Nations et des programmes de contribution. Tous les intervenants ont des connaissances différentes à apporter à la table. Tous les intervenants, nous y compris, doivent collaborer davantage.

Au sujet des économies d'échelle, la collaboration permettra aux collectivités d'accroître leur pouvoir d'achat. Grâce à la collaboration, l'organisme d'investissement pourra embaucher du personnel à temps plein pour la gestion des activités, chose parfois impossible pour les Premières Nations.

Pourquoi est-il nécessaire de collaborer pour connaître du succès? Car cela augmente le potentiel de placement dans des emplois utiles pour les diplômés dans divers domaines. Tout comme moi, beaucoup d'étudiants choisissent de quitter leur collectivité pour poursuivre leurs études. Il fallait que je quitte. Je ne vis pas dans une réserve, mais ma collectivité est très éloignée; elle est située très au nord. Je n'ai aucune raison d'y retourner.

Si l'on arrive à créer des emplois durables dans nos collectivités, les jeunes reviendront. C'est ce qui aura le plus gros impact, car, tout comme le reste du Canada et de l'Ontario, nous vivons l'exode des jeunes. Ils ne quittent pas tout de suite, car ils ignorent s'il y aura quelque chose pour eux à leur retour. Ce n'est pas ainsi uniquement dans les collectivités des Premières Nations; c'est ainsi partout au pays.

Le modèle BAILD constitue une étape collective importante vers l'autosuffisance, l'indépendance et la responsabilisation. Selon moi, c'est un objectif que les peuples autochtones du Canada doivent viser et le nord de l'Ontario est unique comparativement à d'autres provinces.

M. Louttit : Merci, Charmaine.

La dernière diapositive donne un aperçu de nos recommandations au comité.

Premières recommandations : La NNA exhorte le gouvernement à élaborer des façons novatrices d'administrer les fonds et d'évaluer les structures actuelles, comme il en a été question aujourd'hui.

Deuxième recommandation : On recommande au gouvernement d'adopter le modèle BAILD de la NNA pour la construction de logements et d'infrastructures. Nous comptons sur Affaires indiennes ou la SCHL depuis trop longtemps à cet égard. Lorsque la gestion des programmes a été confiée aux collectivités, aucune capacité de gestion n'a suivi. La solution que nous proposons permettrait de simplifier le processus.

Troisième recommandation : Presser le gouvernement d'affecter des fonds aux collectivités qui doivent respecter un avis d'ébullition de l'eau pour qu'elles puissent améliorer leur système d'eau potable de façon à ce qu'il respecte les normes nationales.

Quatrième recommandation : Insister auprès du gouvernement pour qu'il reconnaisse la nécessité de renforcer la capacité à l'échelle locale afin que des changements durables puissent s'observer.

Cinquième recommandation : Recommander au gouvernement d'adopter BAILD à titre d'agent de prestation de services responsable du renforcement de la capacité, des programmes de logements, de la formation dans les métiers et de l'homologation.

Sixième recommandation : Recommander au gouvernement d'affecter des fonds à la planification communautaire globale de façon à aider les collectivités à diriger de façon stratégique la construction de logements et d'infrastructures.

Nous sommes conscients qu'il y a des problèmes à régler. Nous vous présentons des statistiques, mais nous proposons également des solutions à des problèmes de longue date.

Rien ne justifie que la collectivité de la Première Nation Neskantaga doive respecter un avis d'ébullition de l'eau depuis 14 ans. Cette nouvelle est parue dans les médias les 8 et 9 septembre, ainsi que dans d'autres collectivités.

Grâce à la technologie d'aujourd'hui, il est possible d'être créatif et novateur afin de trouver des solutions pour la viabilité à long terme de nos collectivités.

Nous tenons à remercier le comité d'avoir pris le temps de nous écouter. Nous espérons que certaines de nos idées seront prises en considération à titre de solution à long terme pour régler ce problème. Merci beaucoup.

Le président : Merci beaucoup à vous deux. Cette présentation de l'image globale de la région est une excellente façon de terminer la journée. J'ai été très impressionné par la taille de votre région, vos idées et vos recommandations concrètes. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Le sénateur Sibbeston : Merci pour cet exposé très impressionnant.

Beaucoup de collectivités sont venues s'exprimer aujourd'hui et bon nombre ont de la difficulté à simplement se faire entendre auprès du gouvernement. J'ai également l'impression qu'il n'y a pas beaucoup de communication ou de rapport avec le gouvernement fédéral.

Votre organisation représente 49 collectivités et plusieurs conseils régionaux, et vous êtes très bien organisés. Vous semblez avoir trouvé les solutions qui pourraient aider les collectivités. Je ne peux m'empêcher de penser que le gouvernement devrait vous répondre, puisque vous êtes près de la population et que vous proposez des solutions.

Selon vous, le gouvernement fédéral et les autres gouvernements sont-ils plus coopératifs? Quelle a été votre expérience avec le gouvernement? Selon vous, va-t-il réagir à ces recommandations ou va-t-il simplement les ignorer?

M. Louttit : Il ne les ignorera pas, car il n'a pas de solution à proposer. Nous avons eu des discussions très positives avec AADNC, les Affaires indiennes et la SCHL. Nous avons pu, par exemple, offrir le programme de formation à nos sept gestionnaires des logements. Ils ont reçu leur certificat et acquis les compétences nécessaires pour faire leur travail. Ce n'est que le mois dernier qu'ils ont complété leur formation et ils assument déjà leurs responsabilités en tant que gestionnaires des logements qualifiés.

Au cours des prochaines semaines, nous allons les suivre de près, les surveiller et les épauler. Il ne suffit pas de leur enseigner les compétences nécessaires; il faut aussi les soutenir. Donc, des membres de notre personnel iront dans leurs collectivités pour les aider et s'assurer de leur fournir un soutien et des réponses à tout problème qu'ils pourraient avoir et les aider à trouver leur propre solution. Chaque collectivité est unique; chacune est complexe. L'environnement diffère totalement d'une collectivité à l'autre. Je crois qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction.

La SCHL et AADNC étudient la possibilité d'accepter un autre contingent, ce qui serait une très bonne nouvelle. AADNC étudie attentivement notre modèle. Nous espérons que le ministère appuiera l'élaboration de ce concept et que nous pourrons compter sur ses ressources pour le mettre en place, afin que l'on puisse compter sur un vrai organisme responsable des logements et de l'infrastructure capable d'aider les Premières Nations à régler les problèmes auxquels elles sont confrontées.

La sénatrice Raine : Que voulez-vous dire par : « La SCHL et AADNC étudient la possibilité d'accepter un autre contingent »?

M. Louttit : Un contingent de participants pour la formation et l'homologation en gestion des logements, puisqu'il s'agit d'une nouvelle initiative en Ontario. Sept Premières Nations de la NNA se trouvent dans les régions éloignées. Le taux de réussite est très élevé.

J'ai assisté à un de leurs cours. Quelques jours auparavant, les participants se sont soumis à une évaluation écrite. Ils ont obtenu, en moyenne, 87 p. 100, ce qui est, selon moi, est très surprenant. Mais, cela démontre que si on leur en donne l'occasion, les membres peuvent réussir. Nous insistons auprès d'AADNC et de la SCHL pour qu'un deuxième contingent d'étudiants soit accepté.

La sénatrice Raine : Ce programme est-il offert ici, dans le Nord?

M. Louttit : Si je ne m'abuse, il est offert à l'échelle provinciale. Charmaine pourrait vous donner plus de détails à ce sujet.

Mme McCraw : Le programme de formation des gestionnaires des logements est un projet pilote. C'est la première fois qu'il est offert en Ontario. Il s'agit d'une formation de sept mois qui se déroule au rythme d'une semaine par mois. Donc, chaque semaine, une collectivité ayant fait quelque chose de novateur en matière de logement est choisie et les participants s'y rendent pour constater les résultats, étudier les possibilités et examiner les différentes approches. C'est la raison pour laquelle les participants se déplacent.

Les participants ont reconnu qu'il est très difficile pour eux de partir pour une semaine, loin de leur famille et de leur emploi, alors qu'ils jouent un rôle intégral au sein de leurs collectivités — les gestionnaires des logements n'ont pas beaucoup de temps libre. Donc, pour le deuxième contingent, on étudie la possibilité d'offrir une partie de la formation en ligne par l'entremise du centre d'apprentissage à distance WAHSA. Nous aussi nous faisons preuve d'innovation, mais dans le cadre du projet pilote. Nous avons beaucoup appris sur la prestation de la formation dans les Premières Nations.

Le sénateur Tannas : À la quatrième page de votre exposé, il y a un chiffre qui m'a fait sursauter. Vous dites : « Selon les prévisions de croissance, au cours des 17 prochaines années, 130 000 nouveaux logements seront nécessaires. » Ces données sont pour l'ensemble du pays, n'est-ce pas? On ne parle pas de 130 000 nouveaux logements pour la NNA.

Mme McCraw : C'est pour tout le Canada.

Le sénateur Tannas : Merci.

Je tiens à souligner également à quel point je suis heureux de voir que vous avez formulé des recommandations concrètes et réfléchies. Nous sommes résolus à ajouter de la valeur à ce dossier et à formuler de bonnes recommandations. C'est un travail bien fait.

Toutes les histoires entendues aujourd'hui — il y en a eu beaucoup — étaient extraordinaires. Elles nous fournissent toute l'information nécessaire pour comprendre l'urgence de la situation; c'est comme trouver un gilet de sauvetage dans une mer de désespoir. Merci.

Le président : Puisque nous sommes sur le sujet de la proposition BAILD, il est peut-être un peu trop tôt pour poser cette question, mais, madame McCraw, vous dites que vous envisagez de rencontrer le First Nations Market Housing Fund. Croyez-vous que ce genre d'initiative pourrait les intéresser?

Vous avez une rencontre. Pouvez-vous nous en parler un peu? Nous pourrions aussi vouloir effectuer un suivi, car il est probablement juste de dire que nous attendons toujours les résultats, même si de grandes promesses avaient été faites sur le renforcement des capacités lorsque ce fonds a été créé. J'aimerais donc que vous nous en disiez un peu sur ce point.

Mme McCraw : Je suis entrée en poste en avril dernier, et j'ai organisé depuis plusieurs réunions. Ce sera la première fois que les responsables du Fonds d'aide au logement du marché pour les Premières Nations entendront parler du BAILD.

Je les ai rencontrés à l'APN qui a eu lieu cette année à Halifax. Le projet les intéresse beaucoup et ils sont assurément prêts à travailler avec nous.

La prochaine rencontre aura lieu le 25 septembre, c'est-à-dire celle que j'organise avec des partenaires à la table, avec AADNC. On n'y traitera pas seulement de logement, mais aussi de gouvernance accrue, de planification communautaire globale, de développement économique. J'essaie vraiment de réunir tous les intervenants autour de la table, car la question du logement est intimement liée à toutes les autres dans nos vies. La SCHL, Industrie Canada, ce sont des acteurs importants dans toutes les études que nous menons.

Je serais donc heureuse, bien sûr, que le comité effectue un suivi avec moi et notre responsable du développement économique. Nous travaillons sur le terrain avec les membres de nos communautés et nous serions heureux que vous nous fassiez part de vos commentaires sur une question comme celle-ci.

Le président : C'est exactement ce que je souhaitais entendre. Excellent. Merci.

La sénatrice Raine : On entend souvent dire que le mode de fonctionnement actuel d'AADNC, c'est-à-dire distribuer des sommes d'argent au compte-gouttes par-ci par-là qui ne sont jamais suffisantes pour répondre aux besoins, et on ne sait jamais si elles se rendent vraiment là où elles devraient se rendre, et lorsque c'est le cas, les conditions qui y sont attachées font en sorte qu'on ne peut les utiliser pour répondre aux priorités de la communauté et construire quelque chose de durable. Si un organisme comme BAILD était mis en place, est-ce qu'il pourrait permettre à AADNC de se retirer des programmes et des subventions liés au logement et à l'infrastructure?

M. Louttit : Tout à fait. Je pense que nous avons la capacité. Le programme de formation nous a permis de la développer dans les communautés, et cela va se poursuivre.

Année après année, nous avons vu les ministères fédéraux offrir des programmes aux Premières Nations, les rationaliser, comme ils disent, dans l'espoir d'économiser, mais malheureusement, cela ne fonctionne pas ainsi. Je pense que nous pouvons le faire. Comme vous le savez, les fonds pour les petits et les grands projets d'immobilisations seront versés aux Premières Nations de toute façon, puis le ministère dira : « C'est à vous d'établir vos priorités, votre plan quinquennal ou décennal d'immobilisations ».

Puis, les priorités changent au sein des communautés. Si nous pouvons mettre en place un organisme de ce genre, avec le soutien du gouvernement fédéral, je pense que nous arriverions beaucoup mieux à faire participer nos Premières Nations, à obtenir leur appui, et à les aider à établir leurs priorités.

Si nous avions l'enveloppe de fonds dédiée au territoire de la NNA qu'administrent actuellement AADNC et la SCHL, je pense, ou plutôt nous pensons tous, que nous serons mieux placés pour la gérer et pour répondre aux besoins de nos communautés, et pour générer des économies d'échelle, en maximisant notre pouvoir d'achat, en achetant en gros, en créant des entreprises, et cetera, pour démultiplier les retombées.

Qu'il s'agisse du financement du secteur privé, des marchés financiers, je pense que nous pouvons faire mieux. Vous avez entendu une des Premières Nations ici. Il existe des façons novatrices d'investir dans les projets d'immobilisations. C'est un exemple. Je pense que nous pouvons faire mieux, et c'est pourquoi nous voulons mettre en place ce modèle.

La sénatrice Dyck : Je vous remercie de votre exposé et merci beaucoup aussi de vos recommandations. C'est une belle façon de terminer la journée.

Ces recommandations me plaisent beaucoup et j'aimerais en savoir davantage. Par exemple, la question du financement que vous venez aborder tomberait probablement sous la recommandation 1, exhorter le gouvernement à élaborer des façons novatrices d'administrer les fonds.

Pourriez-vous nous dire ce que vous envisagez ici? Est-ce qu'il s'agit par exemple de remplacer le ministère par une structure comme BAILD?

M. Louttit : On a beaucoup parlé de se débarrasser du ministère des Affaires indiennes, mais ce n'est pas vraiment ce que nous préconisons. Nous voulons gérer les enveloppes qui sont destinées aux Premières Nations.

Pour abolir le ministère des Affaires indiennes, il faut modifier la Loi sur les Indiens et il faut modifier la Loi sur le ministère des Affaires indiennes qui l'a créé.

Qu'il soit en place ou non, les fonds sont alloués aux Premières Nations. Grâce à cet organisme, nous pensons être mieux à même d'aider les Premières Nations à gérer les fonds qui leur sont alloués et à collaborer avec elles pour établir leurs priorités.

Je peux profiter d'économies d'échelle. Il n'est pas possible de le faire à l'heure actuelle. Les exigences et les procédures en matière de reddition de comptes demeureront les mêmes, mais le cadre sera sans doute moins rigide. La transparence sera assurée bien sûr par les audits annuels. Nous veillerons à ce que les fonds soient dépensés là où les besoins sont les plus criants pour les Premières Nations.

Il ne s'agit pas simplement de remplacer le ministère. Je ne pense pas que cela se produise dans un avenir rapproché, mais cela se fera peut-être éventuellement. Je ne sais pas. À l'échelle nationale? Qui sait?

Honnêtement, d'après mon expérience, il y a de la mauvaise gestion à tous les échelons. Notre territoire a perdu beaucoup de fonds au profit de communautés plus au sud, ou d'autres provinces, parce que nous n'étions pas prêts à démarrer ou à mettre en œuvre nos projets. Nous sommes à la merci des chemins d'hiver et si nous ne sommes pas prêts, les fonds sont envoyés à des communautés au sud, au Manitoba, ou ailleurs.

C'est notre réalité, et nous sommes d'avis que nous arriverons à faire mieux.

La sénatrice Dyck : Si je peux passer à la deuxième partie de cette recommandation, vous parlez d'évaluer les structures en place, vous exhortez le gouvernement à évaluer les structures actuelles. Comment envisagez-vous la chose? Qu'est-ce que cela signifie pour vous?

Mme McCraw : Lorsqu'on préparait ces recommandations — et pour répondre en quelque sorte à vos premières questions — oui, pour nous, les organismes comme BAILD sont la nouvelle façon d'administrer les fonds. Deuxièmement, en ce qui a trait à l'évaluation des structures en place, il existe de nombreuses organisations à l'heure actuelle qui sont censées être au service des Premières Nations et la question se pose à savoir si elles fonctionnent comme elles le doivent et répondent bien aux besoins des conseils tribaux. C'est ce que nous disons.

Les fonds sont investis dans des organisations, et c'est là qu'une bonne partie de l'argent se perd. Nous savons tous comment cela fonctionne. C'est ce que la recommandation signifie.

La sénatrice Dyck : Vous devez me pardonner, mais je ne sais pas quelles sont ces autres organisations.

M. Louttit : Je vais vous expliquer.

Dans les années 1980, le ministère des Affaires indiennes avait une division des travaux publics. La division a été abolie pour créer des services techniques au sein des conseils tribaux des Premières Nations. À l'échelon régional, on a créé une société appelée la Ontario First Nations Technical Services Corporation, qui a reçu le mandat d'assumer les responsabilités de l'ancienne division des travaux publics au sein du ministère.

Sur notre territoire, nous n'avons pas vu encore les avantages et les améliorations que le transfert de responsabilités était censé entraîner, pas seulement au niveau régional, mais au sein même des Premières Nations

Il faudrait donc probablement revoir le financement que ces organisations reçoivent. De nos jours, il faut que les organisations procèdent à un examen stratégique au moins tous les cinq ans afin de s'adapter aux changements.

Depuis le transfert, malheureusement, nous n'avons pas vu se concrétiser tous les avantages que nous espérions. C'est un exemple. Il y en a d'autres. Je n'en nommerai pas d'autres, mais à mon avis, le transfert de responsabilités à cette nouvelle organisation pour remplacer la Division de travaux publics du ministère n'a pas donné les résultats attendus.

La sénatrice Dyck : Je vais poursuivre avec vos recommandations. Je vais en choisir deux ou trois.

Recommandation 4 : « Insister auprès du gouvernement pour qu'il reconnaisse la nécessité de renforcer la capacité à l'échelle locale afin que des changements durables puissent s'observer. » Est-ce qu'ici, vous recommandez qu'AADNC investisse de l'argent? Est-ce le but de cette recommandation?

Mme McCraw : Nous ne parlons pas de financement. Ce que je veux dire par là, c'est que nous voulons former nos gens. Au sein de notre nation, de l'OPT, nous devrions avoir les compétences requises pour administrer un programme de planification communautaire globale ou d'autres programmes comme celui-ci, mais il faut concentrer les efforts sur le renforcement des capacités au sein même des communautés. Il faut bâtir des équipes.

Pour vous donner un exemple, nous avons formé des personnes pour gérer les logements. Nous allons maintenant probablement examiner la situation dans les six communautés pour former des agents de développement économique, puis des gestionnaires des terres, et bâtir concrètement des équipes au sein des communautés. Nous agirons alors comme agent de liaison entre eux et le gouvernement, car c'est habituellement là où le bât blesse.

La sénatrice Dyck : Recommandation 6 : « Recommander au gouvernement d'affecter des fonds à la planification communautaire globale de façon à aider les collectivités à diriger de façon stratégique la construction de logements et d'infrastructures. »

Mme McCraw : C'est exact.

La sénatrice Dyck : À la recommandation 3, il est question de presser le gouvernement d'affecter des fonds dans les systèmes d'eau potable pour atteindre des normes acceptables. Dans une de vos premières diapositives, vous parlez d'une situation urgente pour 1 900 habitations. Vous parlez d'une situation urgente, mais à la recommandation 3, vous ne parlez pas d'habitations. Vous parlez de systèmes d'eau potable. Pourriez-vous me dire pourquoi vous ne parlez pas d'habitations?

Mme McCraw : J'ai mentionné les avis d'ébullition de l'eau uniquement pour faire le lien avec les infrastructures. On peut difficilement créer des partenariats pour faire fabriquer des conduites d'eau. Ce n'est pas profitable.

Si je n'ai pas parlé de fonds pour les habitations à cet endroit, c'est parce que BAILD et sa section à but lucratif s'en chargeront, et nous allons commencer à créer des entreprises qui construiront nos propres maisons. Nous avons la capacité requise au sein de notre nation pour construire les maisons dont nous avons besoin. Il suffit que tous acceptent l'idée de mettre sur pied une section à but lucratif et qu'on mobilise les gens au sein de nos communautés et qu'on lance les projets.

La sénatrice Dyck : Il se peut que je n'aie pas bien compris l'idée au début de votre exposé, car vous disiez :

PAR CONSÉQUENT, IL EST RÉSOLU que toutes les Premières Nations de la NNA s'unissent pour déclarer l'état d'urgence en matière de logement...

Je pense que le BAILD est une excellente idée, mais peut-on y donner suite immédiatement? Je pense que c'est la question qui se pose.

M. Louttit : La question du logement?

La sénatrice Dyck : Oui.

M. Louttit : Tout est interrelié. Le logement n'est pas un élément isolé. Il est lié à l'infrastructure. Pendant de nombreuses années, les Premières Nations dans le Nord ont bâti des maisons uniquement, car elles n'avaient pas les fonds nécessaires pour ajouter la plomberie, les entrées électriques de 200 ampères. Elles n'avaient que des entrées électriques de 100 ampères. Tous ces éléments sont interreliés.

Puis, au milieu des années 1980, le gouvernement provincial a mis en place un programme à l'intention des Premières Nations pour rénover les vieilles maisons qui avaient été construites dans les années 1960 et 1970, afin de remplacer les entrées électriques par des 200 ampères, d'installer des douches, des bains, l'eau courante dans les éviers, dans les cuisines, et cetera.

Les fonds étaient insuffisants toutefois pour remédier à tous les problèmes pressants en matière de santé et de sécurité.

Aujourd'hui, donc, si on veut aider les Premières Nations dans leur planification communautaire, il faut procéder de manière globale et ne pas penser uniquement à la construction des maisons, mais aussi à les relier au reste de l'infrastructure.

Je sais, bien sûr, que cela représente beaucoup d'argent, mais il y a aussi le problème des lots résidentiels qu'on ne peut agrandir.

Lorsque la chef d'Attawapiskat a comparu, je ne sais pas si elle vous a parlé du fait que dans sa communauté, la piste d'atterrissage est située à 100 mètres des habitations.

Je ne sais pas ce qu'il en coûterait au gouvernement fédéral, au ministère des Transports de l'Ontario, pour déplacer la piste 5 milles plus loin, afin que la Première Nation puisse construire des maisons à cet endroit, mais cela ne se fera pas. C'est dangereux, mais il faut bâtir des maisons et il n'y a plus de terres. Nous sommes confrontés à tous ces problèmes.

Mme McCraw : J'aimerais simplement ajouter quelques mots. Si nous avons commencé par la résolution 14/40, c'est parce que c'est la base pour avancer, et j'aimerais ajouter que c'est une situation urgente. Que 17 personnes soient forcées de vivre sous un même toit, c'est inacceptable.

Mais avant de bâtir d'autres maisons, il faut mettre en place l'infrastructure, et c'est ce qui me ramène à l'idée qu'il faut commencer par l'infrastructure avant les maisons.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Les communautés des Premières Nations ont besoin de terres pour bâtir leurs maisons. Pourquoi pas les terres de la Couronne? N'en a-t-on pas mis à la disposition des peuples autochtones pour qu'ils les utilisent? Vous n'y avez pas accès?

Mme McCraw : Pour obtenir des terres additionnelles, il faut passer par le processus d'ajout à une réserve, ce qui peut prendre 10 à 15 ans avant d'aboutir, et les besoins ont doublé ou même triplé à ce moment.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Merci.

M. Louttit : Il faut aussi savoir que les terres de la Couronne qui sont désignées terres de réserve appartiennent au fédéral, mais que tout ce qui se trouve autour appartient à la province, et c'est ce que la province appelle les terres de la Couronne provinciale. Toutefois, comme vous l'ont mentionné les chefs ici présents, ce n'est pas le cas. Selon le traité, nous n'avons pas cédé nos terres aux provinces.

La sénatrice Raine : Merci de ces bons renseignements. Un des défis pour les communautés des Premières Nations, et bien sûr pour la Nation Nishnawbe Aski, est la durée de vie des maisons. Si on pouvait construire des maisons qui ont la même durée de vie que celles à l'extérieur des réserves, ce serait mieux pour tout le monde.

Je me demande simplement quelles sont vos ambitions pour l'organisme BAILD. Concevrez-vous des maisons qui seront plus durables, qui utilisent des matériaux locaux, qui sont plus faciles à entretenir et qui durent longtemps?

Je n'ai pas pu m'empêcher de penser également qu'il n'y a pas mieux pour s'occuper de la planification communautaire globale qu'un organisme un peu indépendant des communautés, car, comme quelqu'un me l'a toujours dit « Dans l'eau jusqu'au cou à combattre les alligators, il est facile d'oublier que l'objectif initial était de drainer les marais ».

Je vous ai vu hocher la tête et j'aimerais que vous nous en disiez plus au sujet de la conception de maisons durables. Quels sont vos objectifs dans ce domaine?

M. Louttit : Ce ne sont pas les constructeurs de maisons qui manquent, et il y a beaucoup de concepts novateurs. Je sais que les communautés inuites dans l'Arctique sont confrontées à des problèmes particuliers, et nous avons entrepris des recherches.

Chaque communauté est différente et complexe en raison de l'environnement. Dans certaines régions, on peut construire des maisons sur des terres sablonneuses, très sèches, alors que dans les basses-terres de la baie James, il faut tenir compte du fait que la nappe phréatique est élevée et que les terres sont marécageuses. C'est la réalité de la géographie.

Notre stratégie consistera à nous concentrer sur les différences environnementales, géologiques et géographiques propres à chaque communauté. Il faudra adapter les maisons en conséquence, et nous espérons pouvoir utiliser des matériaux qui seront plus durables qu'actuellement et que les maisons auront une durée de vie aussi longue, à tout le moins, que dans les régions au sud.

Bien sûr, tout cela se répercute sur les coûts, car il faut des matériaux de qualité supérieure. Je pense toutefois que nous arriverons à combiner matériaux locaux et matériaux venant de l'extérieur pour créer des maisons qui seront sécuritaires et chaudes, et qui seront à l'épreuve du feu et des moisissures. La moisissure fait partie de nos problèmes les plus graves, car 50 p. 100 des habitations dans nos communautés sont touchées, notamment dans les basses-terres de la baie James d'où je viens, comme d'autres chefs qui ont comparu.

Il y a des inondations chaque année, et cela fait partie de la réalité. Le gouvernement dépense des sommes faramineuses pour relocaliser les gens pendant les inondations. Il faut que nos maisons, nos communautés soient à l'abri des inondations. Les inondations sont un phénomène naturel, mais Hydro Ontario a aussi une grande part de responsabilités dans certains grands réseaux hydrographiques. Nous pouvons certainement trouver des solutions pour atténuer les répercussions négatives potentielles.

Nous pensons que notre stratégie nous permettra d'arriver au but beaucoup plus rapidement que si c'est le gouvernement fédéral qui s'en occupe pour nous.

Mme McCraw : Un des projets de BAILD, ou un de nos objectifs, est de créer des types de maisons particuliers et novateurs. Nous voulons utiliser des matériaux différents mais aussi construire une usine plus près du Nord pour les fabriquer au lieu d'avoir à les faire venir de si loin au sud. La communauté d'Akwesasne a des idées très novatrices à cet égard. La section à but lucratif de BAILD examinera les partenariats possibles pour créer les types de maisons particuliers dont nous avons besoin.

J'aimerais ajouter que le but n'est pas seulement de construire des habitations qui auront une durée de vie plus longue. Encore une fois, il s'agit d'un élément de la planification globale. C'est une initiative communautaire assortie d'un programme d'éducation et de sensibilisation sur l'entretien des maisons, et ce sont ces deux éléments combinés qui permettront d'accroître la durée de vie de nos maisons.

Le sénateur Moore : Je vous remercie tous les deux de votre présence.

Il se peut que vous ayez déjà répondu à ma question. J'ai été très surpris d'apprendre que la durée de vies des maisons n'était en moyenne que de 15 à 20 ans. J'habite dans une maison qui a été construite en 1946, et je n'arrive pas à croire qu'une maison puisse durer aussi peu longtemps.

M. Louttit : Il y a des raisons à cela, bien sûr. Tout d'abord, les fonds ne sont pas suffisants pour acheter les matériaux de qualité durable qui seraient requis.

Il faut en plus transporter les matériaux sur des centaines de kilomètres sur des routes d'hiver, et les Premières Nations ne reçoivent pas toujours des produits de première qualité de leurs fournisseurs. C'est un problème que nous tentons de régler. Nous voulons ce qu'il y a de mieux pour nos gens, et je crois que c'est possible.

Le président : Je pense que la dernière question me revient, puis quelques observations. Il ne fait aucun doute que les membres du comité trouvent vos recommandations très intéressantes. Comme l'a mentionné le sénateur Tannas, nous en sommes très heureux.

J'ai une question à ce sujet. Vous représentez 49 Premières Nations, qui sont réparties sur un vaste territoire en Ontario, et vous collaborez déjà très bien avec les organismes qui devront vous soutenir, AADNC, la SCHL, et il est à souhaiter, le Fonds d'aide au logement du marché pour les Premières Nations.

Qu'en est-il de vos membres? Je vois que vous avez une résolution. Je présume qu'elle provient de votre nation. Vous devrez les consulter et obtenir leur soutien. Puis-je savoir où vous en êtes à cet égard?

M. Louttit : Vous parlez du concept ou des Premières Nations...

Le président : Le BAILD, a-t-il l'appui de vos membres?

M. Louttit : Lorsque j'ai été élu pour la première fois, nous avions une résolution nous demandant d'élaborer une stratégie d'infrastructure et de logement pour l'ensemble de la NNA, et c'est de cela que part notre concept.

Nous n'allons pas voir les chefs chaque année pour leur demander de renouveler notre mandat, car nous l'avons déjà à notre avis. Nous sommes au fait des problèmes.

Je crois que le concept a reçu l'appui de la majorité de nos Premières Nations. Elles s'en remettent aux conseils tribaux, et bien qu'ils aient des gens qui s'occupent du logement et des services techniques, les dernières compressions leur ont fait mal, et ils ont dû sabrer dans les services offerts.

Nous pensons pouvoir leur donner un coup de main. Malgré les compressions, nous pensons pouvoir mettre en place des stratégies novatrices pour optimiser les investissements du gouvernement fédéral et trouver d'autres sources de financement, qu'il s'agisse des banques, du secteur privé ou des marchés mondiaux. Pourquoi ne pas émettre des obligations pour bonifier le fonds d'investissement?

Mme McCraw : Pourrais-je ajouter quelque chose? Nous avons commencé à consulter les conseils tribaux. Nous allons soumettre le tout probablement à la réunion des chefs de l'assemblée qui aura lieu en novembre pour obtenir concrètement leur appui, si c'est ce que vous vouliez savoir.

Oui, tout le monde est ouvert à l'idée, et dans le cadre de la formation offerte aux gestionnaires des logements, nous avons invité des responsables du Fonds d'aide au logement du marché pour les Premières Nations pour qu'ils expliquent aux membres comment avoir accès au fonds et nous allons les aider à bien l'utiliser.

Le président : Savez-vous si cette idée est utilisée ailleurs au pays? Simple curiosité. Faites-vous œuvre de pionniers?

M. Louttit : Au sein des communautés de la NNA, oui.

J'aimerais simplement vous parler un peu de mes antécédents. J'ai travaillé pour le Grand conseil des Cris au Québec à l'époque où la Société de logement crie existait. Je ne sais pas si vous en avez entendu parler, mais c'était une société de logement à but non lucratif qui s'occupait de la planification, du financement et de la construction des maisons des Premières Nations dans les huit communautés cries, de même que des conduites d'eau et d'égouts. Nous nous occupions de construire les centres de santé, les cliniques, les bureaux des bandes. J'étais vice-président de la société. Je suis bien placé pour vous dire que le modèle a fonctionné et qu'il a donné d'excellents résultats.

Nous proposons ici quelque chose de très similaire. Nous y avons greffé une section à but non lucratif. Nous nous servons du développement économique et du logement pour générer plus d'investissements dans l'ensemble du projet.

Je sais donc que cela a fonctionné. Notre modèle va cependant plus loin et nous croyons qu'il donnera d'excellents résultats. Je sais que ce sera le cas. Si nous en avons l'occasion et disposons des ressources nécessaires, nous pouvons y arriver.

Le président : Excellent. Je suis heureux que vous nous ayez parlé de vos antécédents. Merci.

Chers collègues, je vous remercie de votre attention pendant cette longue journée.

Je remercie encore une fois nos témoins de leur participation. La journée a été très productive et je tiens à remercier chacun d'entre vous.

Mme McCraw : J'aimerais simplement mentionner que mon adjoint et moi avons été informés jeudi dernier seulement que nous pouvions comparaître, mais ce n'est pas la faute de la greffière. Je me suis rendu compte que nous avions reçu l'invitation le 21 juillet, mais des problèmes de communication internes ont fait en sorte que mon bureau ne l'a reçue que jeudi dernier. Je suis heureuse d'avoir pu comparaître devant le comité.

Le président : C'est très aimable à vous de le mentionner. J'avais posé la question à la greffière déjà. Je vous remercie beaucoup.

Je vous remercie encore une fois de cette journée très productive.

(La séance est levée.)


Haut de page