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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 8 - Témoignages du 24 septembre 2014


OTTAWA, le mercredi 24 septembre 2014

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, auquel a été renvoyé le projet de loi C-428, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (publication des règlements administratifs) et prévoyant le remplacement de cette loi, se réunit aujourd'hui, à 19 h 12, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Dennis Glen Patterson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les honorables sénateurs et à tous les membres du public qui assistent à la séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones ou qui la regardent sur CPAC ou sur le site web. Je m'appelle Dennis Patterson, du Nunavut. Le mandat de notre comité consiste à examiner les projets de loi et les questions qui concernent les peuples autochtones du Canada en général.

Aujourd'hui, nous commençons notre étude du projet de loi C-428, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (publication des règlements administratifs) et prévoyant le remplacement de cette loi. Nous entendrons d'abord le parrain du projet de loi. Je souhaite la bienvenue au député Rob Clarke. Ensuite, nous entendrons les représentants du Conseil de l'école catholique Sainte-Kateri.

Avant de passer aux exposés et aux questions, je demanderais aux membres du comité de se présenter.

Le sénateur Moore : Bonsoir. Wilfred Moore, sénateur de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Watt : Charlie Watt, du Nunavik.

La sénatrice Dyck : Sénatrice Lillian Dyck, de la Saskatchewan.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

Le sénateur Ngo : Sénateur Ngo, de l'Ontario.

La sénatrice Beyak : La sénatrice Beyak, de l'Ontario.

Le sénateur McIntyre : Sénateur Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

Le président : Merci, chers collègues. Accueillons maintenant notre premier témoin, qui s'est dépêché à venir ici après un vote à la Chambre des communes. Merci beaucoup d'être ici. Le parrain de ce projet de loi d'initiative parlementaire est M. Rob Clarke, député de Desnethé—Missinippi—Rivière Churchill, en Saskatchewan. Il est accompagné de Mme Georganne Burke, qui travaille à son bureau.

Monsieur Clarke, nous avons hâte d'entendre votre exposé. Ensuite, les sénateurs poseront des questions.

Rob Clarke, député, parrain du projet de loi : Honorables sénateurs, merci d'être venus ici ce soir. C'est une soirée magnifique. Le temps est encore assez doux; en fait, il faisait chaud pendant que je marchais pour venir ici. Je pense que tout le monde est heureux d'avoir un automne tardif. J'espère que nous aurons un été des Indiens.

Le président : Vous seul avez le droit de le dire.

M. Clarke : C'est simplement une prière.

Quoi qu'il en soit, sénateurs, je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de parler de mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C-428. Ce fut un honneur de le rédiger et de le voir évoluer jusqu'à sa forme définitive en le faisant connaître aux collègues parlementaires, aux parties intéressées et, surtout, aux membres des Premières Nations de partout au Canada et en obtenant les commentaires de tous ces gens.

Nous convenons tous que la Loi sur les Indiens doit être abolie. Je n'ai encore rencontré personne prêt à défendre cette mesure législative fondamentalement raciste et paternaliste. Évidemment, mon projet de loi d'initiative parlementaire ne vise pas à abolir la Loi sur les Indiens sans la remplacer par autre chose. De plus, à l'instar des membres de ce comité, je comprends que le remplacement de la Loi sur les Indiens sera un processus long et ardu. Toutefois, je crois que le projet de loi C-428 peut mener à un important dialogue sur la Loi sur les Indiens et ouvrir la voie à son remplacement éventuel.

En tant que membre fier de la bande crie Muskeg Lake, en Saskatchewan, je suis né après l'adoption de la Loi sur les Indiens, et il ne fait aucun doute qu'elle sera encore en vigueur à mon décès. En ma qualité de membre de la Gendarmerie royale du Canada, j'ai dû veiller à l'application des dispositions de la Loi sur les Indiens.

Maintenant, en tant que député, j'ai l'occasion de faire quelque chose au sujet de la Loi sur les Indiens. Pendant près de la moitié de ma vie, j'ai été membre de la GRC et j'ai travaillé à l'application de la loi au sein des Premières Nations, et j'ai été à même de constater personnellement les effets avilissants de cette mesure législative sur les membres des Premières Nations.

La Loi sur les Indiens, qui a été adoptée au Canada en 1876 a servi de modèle à la politique d'apartheid de l'Afrique du Sud. Des organismes comme la Commission canadienne des droits de la personne et Amnistie internationale ont condamné la Loi sur les Indiens pour ses politiques désuètes et discriminatoires issues de l'ère coloniale.

La Loi sur les Indiens constitue un frein au progrès des Premières Nations puisqu'elle traite les personnes qui y sont assujetties comme des citoyens de seconde zone. La circonscription que je représente, Desnethé-Missinippi-Rivière Churchill, ou le nord de la Saskatchewan, compte la deuxième plus grande population autochtone au pays, soit 23 collectivités des Premières Nations. Je ne peux pas laisser tomber mes électeurs en permettant qu'ils continuent à être traités comme des citoyens de seconde zone en restant là à ne rien faire.

Le principe fondamental de la Loi sur les Indiens, qui à la discrimination fondée sur la race et la couleur de la peau, est contraire aux valeurs chères aux Canadiens. Je suis convaincu qu'il existe un consensus au sujet de la Loi sur les Indiens. Par exemple, en 2012, tous les candidats au poste de chef de l'Assemblée des Premières Nations convenaient que la Loi sur les Indiens doit être abolie. Tous reconnaissent que la Loi sur les Indiens a entraîné la création d'obstacles économiques, sociétaux et culturels.

Comme je l'ai indiqué, avec ce projet de loi, on ne prétend pas remplacer la Loi sur les Indiens. Nous savons tous que son remplacement ne peut être réalisé que dans le cadre d'un long processus consultatif auquel participeraient tous ceux qui sont touchés par la loi et tous ceux qui l'appliquent.

Bien que l'abolition de la Loi sur les Indiens ne soit pas pour demain, nous devons avoir le courage d'entreprendre dès maintenant le processus menant à son abolition. Le projet de loi C-428 fera de la Loi sur les Indiens un sujet de discussion à l'échelle nationale. Les modifications que je propose sont une tentative d'éliminer certains éléments de la Loi sur les Indiens tout en créant une relation respectueuse et moderne.

Bon nombre des modifications visent l'élimination des articles inutiles, archaïques, non pertinents et offensants de la Loi sur les Indiens, et elles sont à la fois pratiques et graduelles. Toutefois, l'adoption de ce projet de loi témoignera de notre désir commun d'amener les Premières Nations du Canada dans l'ère moderne et d'en faire — enfin — des égaux.

Tous les changements proposés dans mon projet de loi découlent de consultations auprès des membres des Premières Nations. En fait, avant celle d'aujourd'hui, il y a eu cinq versions du projet de loi C-428. Mon projet de loi initial visait l'abolition pure et simple de la Loi sur les Indiens. Beaucoup de chefs et de membres des Premières Nations m'ont contacté pour me dire qu'il serait préférable d'adopter une approche plus lente et graduelle qui accorderait plus de pouvoirs aux Premières Nations.

Voilà pourquoi je propose des modifications relatives à l'article sur les règlements administratifs, à la disposition sur l'emploi des amendes infligées par les Premières Nations et aux lois sur la vente de produits agricoles cultivés sur les terres des Premières Nations. Toutes ces modifications redonnent plus de pouvoirs et de contrôle aux Premières Nations, comme il se doit, plutôt que d'avoir à obtenir l'approbation ministérielle.

À l'exception des collectivités des Premières Nations, toutes les collectivités canadiennes ont le droit d'adopter leurs propres règlements administratifs. Ce changement placera les gouvernements des Premières Nations à égalité avec toutes les administrations municipales et locales du Canada.

Les conseils de bande sont tout aussi capables d'adopter leurs propres règlements administratifs que tout autre conseil municipal. Affirmer le contraire est la pire forme de racisme institutionnalisé et paternaliste qui soit.

Mon projet de loi d'initiative parlementaire permettrait à un conseil de bande de créer et d'adopter des lois sans avoir à demander l'autorisation du ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord canadien. Le projet de loi C-428 prévoit aussi que les bandes des Premières Nations pourront conserver les sommes recueillies au moyen d'amendes au lieu de devoir les remettre au gouvernement fédéral.

Cette petite modification en dit long sur le changement des attitudes paternalistes envers les Premières Nations.

Un autre changement très important proposé dans le projet de loi C-428 est l'abolition de l'obligation de demander l'autorisation ministérielle pour la vente de produits agricoles cultivés sur les terres des Premières Nations à toute personne qui réside hors réserve. Cette interdiction a nui au développement des riches terres agricoles de nombreuses réserves que l'on trouve dans ma circonscription de Desnethé—Missinippi—Rivière Churchill et partout en Saskatchewan, en Alberta et au Manitoba.

Au fil des étapes ayant mené à cette version du projet de loi, j'ai eu la chance de recevoir des conseils de membres des Premières Nations de partout au pays. À six occasions, j'ai envoyé des lettres à plus de 600 collectivités des Premières Nations au Canada. Les commentaires que j'ai reçus m'ont été d'une aide précieuse. Grâce à ces lettres, mais aussi grâce à des réunions d'information, des séances de discussion nationales par vidéoconférence et des vidéos d'information publiées sur YouTube, j'ai pu faire connaître les détails du projet de loi C-428. Évidemment, j'ai consacré beaucoup de temps à discuter de la Loi sur les Indiens et de mon projet de loi avec les membres des Premières Nations du pays, dans des contextes officiels et non officiels. Cette rétroaction a aidé à façonner et à parfaire le projet de loi.

Certes, nous sommes prêts à reconnaître que certains articles de la Loi sur les Indiens ont bien servi les collectivités des Premières Nations et qu'elles pourraient continuer de le faire. Le processus proposé dans le projet de loi C-428 permettrait le maintien de ces articles. Comme le premier ministre Harper l'a lui-même indiqué, la Loi sur les Indiens ne peut être remplacée du jour au lendemain, mais le recours aux outils existants et la création de nouveaux mécanismes permettront aux deux parties de créer les conditions propices à la viabilité et à la réussite des Premières Nations.

Honorables sénateurs, je crois que mon projet de loi est l'un de ces mécanismes qui nous permettront de faire ce virage positif. Le projet de loi vise l'élimination de toute référence aux pensionnats indiens dans la Loi sur les Indiens. Mes grands-parents ont fréquenté des pensionnats indiens. Cet article du projet de loi C-428 revêt donc un caractère très personnel pour moi. Le maintien de l'expression « pensionnat indien » dans une loi canadienne est un rappel sinistre de la destruction culturelle subie par les familles autochtones.

Les excuses sincères du premier ministre Harper concernant les conséquences douloureuses des pensionnats indiens ont résonné partout au pays, et j'ai eu l'occasion d'y assister à la Chambre des communes. Donnons suite à ces excuses sincères en retirant des lois de notre pays les références archaïques et blessantes aux pensionnats.

Le plus important, peut-être, c'est qu'en vertu de ce projet de loi, le ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien serait tenu de présenter chaque année un rapport sur les progrès réalisés en vue de l'élaboration d'une nouvelle loi destinée à remplacer la Loi sur les Indiens.

Certains se demandent peut-être pourquoi on n'établit pas dans cet article un processus pour sa mise en œuvre. En fait, je voulais accorder au gouvernement fédéral et aux Premières Nations le soin de déterminer le processus et de choisir leurs représentants respectifs. Toutefois, j'ai tenu à inclure le mot « progrès » dans cet article pour m'assurer que l'intention est claire.

Le projet de loi C-428 vise à trouver des façons de limiter la portée de la Loi sur les Indiens. Tenir des réunions sans qu'il y ait de progrès ne respecte ni le libellé ni l'esprit du projet de loi. Même si l'on ne devrait pas prendre en compte ces mesures séparément ni les considérer comme historiques, je crois qu'elles peuvent être une première étape vers l'atteinte de mon objectif, qui est de libérer les Premières Nations de la Loi sur les Indiens.

En adoptant cette mesure législative, nous pouvons montrer aux peuples autochtones du Canada que nous comprenons leurs préoccupations et que nous sommes prêts à passer au démantèlement de cette loi désuète et sectaire. En ma qualité de parlementaire, de membre d'une Première Nation et surtout, en tant que Canadien, je suis enthousiasmé à l'idée de participer à la rédaction d'une mesure législative qui permettra d'adapter aux réalités du XXIe siècle les relations entre le gouvernement fédéral et les peuples autochtones du Canada.

Chers collègues, je n'ai d'autre motivation qu'un réel désir de voir les Premières Nations devenir plus saines et autosuffisantes et de voir l'établissement de relations modernes entre les Premières Nations et le gouvernement fédéral. La création d'une mesure législative respectueuse est le reflet du lien privilégié qui les unit. Avoir l'occasion de créer un meilleur avenir pour les Premières Nations me tient à cœur. C'est pour cette raison précise que je me suis lancé en politique.

Honorables sénateurs, depuis 138 ans, mon peuple est forcé de vivre selon les règles de la Loi sur les Indiens, un document désuet qui reflète la mentalité du XIXe siècle. Au début des années 1800, la Loi sur les Indiens était une politique, puis elle est devenue loi. Nous devons avoir le courage d'aider les Premières Nations dans leur tentative de s'affranchir du joug de cette mesure législative. L'adoption du projet de loi C-428 constitue une première étape du parcours visant à accorder aux membres des Premières Nations un droit que tous les autres Canadiens tiennent pour acquis. Il est temps que nous commencions tous à réfléchir et à rêver au monde que nous voulons créer pour les futures générations des Premières Nations canadiennes.

Merci. Meegwetch.

Le président : Merci, monsieur Clarke.

Chers collègues, nous avons peu de temps pour poser des questions au témoin; je vous demanderais donc d'être brefs. Nous tenterons de donner à tous l'occasion de s'exprimer.

Le sénateur Ngo : Merci de votre témoignage, monsieur Clarke. Merci d'être venu nous parler de votre projet de loi d'initiative parlementaire et de nous avoir expliqué ce qu'il signifie pour vous et pour beaucoup de Premières Nations. Je tiens aussi à vous féliciter des efforts que vous avez déployés ces dernières années pour trouver la formulation adéquate pour votre projet de loi et pour mobiliser tout le monde à travailler en vue de l'abolition de la Loi sur les Indiens. Il me semble que personnellement, vous avez fait un travail colossal pour sensibiliser les gens.

Pouvez-vous nous en dire plus sur vos efforts de sensibilisation et les diverses façons dont vous avez collaboré avec les Premières Nations pour préparer ce projet de loi?

M. Clarke : Premièrement, je vous remercie de parrainer mon projet de loi d'initiative parlementaire. Lorsque j'ai commencé cette démarche — cela remonte à l'époque où j'étais dans la GRC, lorsque je devais faire respecter la Loi sur les Indiens —, je me rappelle avoir entendu les dirigeants parler de la Loi sur les Indiens. C'était dans les années 1990, quand j'étais dans la GRC et que je devais faire respecter la Loi sur les Indiens, ce qui est probablement une des choses les plus difficiles que j'ai eu à faire. C'était la loi, certes — et elle a aidé la GRC dans ma région, où je vivais et travaillais —, mais elle était aussi tellement archaïque.

Je me suis penché sur la question des amendes; j'ai tout examiné et tout remis en question. Ensuite, j'ai écouté ce que les dirigeants disaient lors des conseils de bande, les nominations et les élections au conseil de bande. Tout le monde parlait de l'abolition de la Loi sur les Indiens, et en tant que membre de la bande, j'écoutais. J'écoutais les réunions du conseil de bande.

Or, en tant que membre de la Première Nation de Muskeg Lake, en tant que citoyen d'une Première Nation, je suis conscient que c'est la loi. Une des choses que je devais faire... Tout le monde s'entend pour dire que la Loi sur les Indiens doit être abolie. Il y a un large consensus à cet égard. Toutefois, personne ne connaît la façon adéquate d'y arriver. Tout le monde en parle, mais personne n'agit.

Lorsque je me suis porté candidat pour l'élection de 2008, j'ai commencé à parler aux membres de la bande et aux élus pour savoir ce qu'ils pensaient de la Loi sur les Indiens. Ils m'ont dit : « Abolissez-la. Vous devez l'abolir. Pour que la société puisse se développer sur le plan économique, notamment, il faut abolir la Loi sur les Indiens. »

Donc, ce que je faisais pendant mes campagnes électorales — et j'ai parlé à des centaines de membres, de chefs et de membres des conseils de bande des Premières Nations qui se présentaient à mon bureau —, c'est que je leur demandais toujours ce qu'ils pensaient de la Loi sur les Indiens. Tout le monde répond qu'il faut s'en débarrasser, mais personne n'a de solution.

À six occasions distinctes, j'ai envoyé des lettres dans les collectivités des Premières Nations pour avoir les commentaires des gens et les tenir informés de mes progrès par rapport au projet de loi. Mon site web a une page consacrée au projet de loi; les gens peuvent remplir un sondage. J'ai organisé deux séances de discussion par téléphone, et j'ai invité toutes les Premières Nations à y participer. J'ai fourni des informations aux bandes des Premières Nations et aux grandes organisations de la Saskatchewan, de l'Alberta, de la Colombie-Britannique, du Manitoba et du Québec, notamment aux Premières Nations de Tsawwassen, de Muskeg Lake, de James Smith, de Flying Dust, d'English River et au Grand conseil de Prince Albert. J'ai fait des exposés sur le projet de loi C-428 pour des groupes d'étudiants, des professionnels autochtones et des non-Autochtones.

J'ai rencontré des dizaines de personnes, d'anciens chefs, des chefs en exercice et de simples membres pour discuter du projet de loi. Depuis le 19 août 2012, je mène une campagne publicitaire radiophonique — toujours en cours — sur MBC radio, en Saskatchewan. Toutes les Premières Nations de la Saskatchewan, du Manitoba et de l'Alberta peuvent l'entendre. Je diffuse aussi sur YouTube une vidéo explicative sur le projet de loi; j'ai envoyé le lien à plus de 600 Premières Nations.

De plus, chaque fois que j'en ai l'occasion, dans les médias, aux nouvelles, lors d'entrevues sur la chaîne APTN, je cherche à avoir les commentaires des gens et j'explique ce que j'essaie de faire.

Aujourd'hui, je suis ici pour discuter à titre de membre d'une Première Nation, mais je suis aussi un député élu à la Chambre des communes et je représente tous mes électeurs, tant les Autochtones que les non-Autochtones. Je considère que la Loi sur les Indiens est désuète et archaïque. Elle existe depuis 138 ans. Tout le monde dit qu'il faut faire quelque chose, mais personne ne le fait.

Le président : Merci. Il convient peut-être de souligner que le comité est fréquemment saisi de projets de loi d'initiative ministérielle. Or, dans le cas présent, il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire. Nous n'en voyons pas souvent. Pour un tel projet de loi, un simple député n'a pas les mêmes ressources que le gouvernement pour mener des consultations. Merci de votre réponse, monsieur Clarke.

La sénatrice Dyck : Soyez le bienvenu, monsieur Clarke. Vous avez accompli un travail considérable. Je vous en félicite. Plusieurs versions du projet de loi ont été présentées à la Chambre des communes et il y a eu beaucoup de modifications. Vous venez de nous décrire votre processus de consultation. Je me demande si vous considérez que ce processus satisfait à ce que l'on appelle l'obligation de consultation et d'accommodement. Étant donné qu'il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire, avez-vous satisfait à l'obligation constitutionnelle de consultation et d'accommodement?

M. Clarke : L'une des exigences est que je siège du côté du gouvernement, mais il s'agit de relations de nation à nation, de gouvernement à gouvernement. Seul le gouvernement a les moyens et la responsabilité de le faire. En tant que député du parti ministériel, je peux siéger et représenter des particuliers ou mes électeurs, mais je ne peux mener de consultations. Cela relève des dirigeants élus. Il revient au ministre, au ministère et au gouvernement de le faire. Ce sera clairement établi.

J'examine les processus. L'obligation de consultation et d'accommodement concerne aussi les gouvernements provinciaux. C'est prévu à l'article 35. Il est à espérer que les conseillers en politiques du ministère pourront mieux l'expliquer que moi. Mais en termes simples, non.

J'ai utilisé mes ressources — mon budget limité — pour informer les gens. C'est une question de processus d'information. Voici ce que j'ai essayé de faire : mon objectif était de renseigner toutes les Premières Nations sur ce qui se passe, de leur demander leur avis et d'apporter des changements importants. Ai-je fait plus que tout autre député pour faire connaître mon projet de loi d'initiative parlementaire? Je ne peux parler de consultation, parce que ce n'est pas ce que j'ai fait. J'ai mené une campagne d'information, j'ai discuté avec les membres des Premières Nations pour qu'ils puissent se forger une opinion.

Je comprends très bien ce que vous voulez dire. Toutefois, étant donné les ressources limitées qui sont à ma disposition, je me suis servi des ressources parlementaires et notamment du comité, pour inviter les Premières Nations et amorcer le débat. Il faut nouer un lien. Cette rencontre est pour les Premières Nations l'occasion de parler à des parlementaires dans un cadre idéal. Cela pourrait servir de consultation, mais en tant que député, je ne peux pas m'en prévaloir.

La sénatrice Dyck : Ce que vous avez dit essentiellement, c'est non. Ma prochaine question se rapporte à cela. Votre projet de loi comporte des éléments très importants. Et rien ne peut être plus important que l'éducation, qui fait partie de votre projet de loi, et l'autre élément, bien sûr, qui consiste à amender ou à remplacer la Loi sur les Indiens.

Puisque ces questions sont vraiment importantes, ne pensez-vous pas que le changement devrait se faire de gouvernement à gouvernement, en particulier s'agissant de la Loi sur les Indiens? Vous dites vous-même que cette loi régit tous les aspects de la vie d'un Indien. Puisque le gouvernement lui-même a déclaré, à la rencontre de Winnipeg pour la vérité et la réconciliation, qu'il allait commencer le processus par l'éducation et l'entente entre les Premières Nations et la Couronne, afin de changer la Loi sur les Indiens, pourquoi l'initiative vient de vous et non pas du gouvernement?

M. Clarke : Nous voyons que le gouvernement procède à des changements grâce à la loi sur l'éducation. Mon projet de loi ne concerne pas l'éducation. Tout ce qu'il propose c'est le retrait de la section périmée sur les pensionnats indiens. Ce que je cherche à faire est d'empêcher tout gouvernement, tout ministre, d'implanter des pensionnats sur les territoires des Premières Nations. Comme je l'ai déjà dit, c'est ce que je vise. Les pensionnats indiens sont un épisode sombre de l'histoire du Canada. Je cherche à enlever cette disposition et non pas à empêcher l'éducation. L'éducation est l'affaire des gouvernements et ceux-ci l'ont dit clairement. J'essaie de retirer la section sur les pensionnats indiens de sorte qu'aucune autre Première Nation, aucun autre particulier ou membre d'une bande, ne puisse plus être touché par cette disposition ou placé dans un pensionnat.

Cela me rappelle ma carrière dans la GRC et mon action dans les réserves. Je voyais des jeunes de 16 et 17 ans et je devais me rendre à leur résidence. Je recevais un appel de mon détachement et, pour faire appliquer la Loi sur les Indiens, je devais me rendre à leur résidence, les appréhender et les ramener à l'école. Cette décision devrait être prise par les Premières Nations. Il incombe à la Couronne de collaborer avec les Premières Nations pour rédiger une nouvelle ébauche de la loi. Le gouvernement a pour approche la participation volontaire. J'examine la Loi sur les Indiens dans le souci de la rendre meilleure pour toutes les Premières Nations en retirant la disposition sur les pensionnats indiens.

La sénatrice Dyck : De ce que vous nous dites, deux choses me viennent à l'esprit. D'une part, vous dites que vous allez retirer les dispositions de la Loi sur les Indiens qui indiquent les pensionnats indiens ou en font état. De quelles dispositions s'agit-il? Deuxièmement, les dispositions de votre projet de loi sont exactement les mêmes que l'on retrouve dans le projet de loi C-33, Loi sur le contrôle par les premières nations de leurs systèmes d'éducation. Pourquoi ces mêmes articles sont-ils repris dans un projet de loi ministériel. Quelle en est la raison?

Le président : Pouvez-vous préciser le projet de loi auquel vous faites allusion?

La sénatrice Dyck : Le projet de loi C-33, Loi sur le contrôle par les premières nations de leurs systèmes d'éducation, qui est maintenant suspendue. Les mêmes articles se retrouvent dans ce projet de loi et dans le projet de loi d'initiative parlementaire de M. Clarke. En fait, le projet de loi C-33 comporte des dispositions de coordination, en fonction du premier projet adopté.

M. Clarke : Le projet de loi C-33 est intéressant. Mon projet de loi a été rédigé avant celui concernant l'éducation des Premières Nations. Il faut le dire. Je l'assume et j'en retire une certaine fierté.

Deuxièmement et en ce qui concerne les articles sur les pensionnats indiens, l'article 16 retire au ministre le droit d'implanter de telles écoles. L'article 17 retire le pouvoir du ministre relatif à la fréquentation scolaire, que je devais moi-même faire appliquer. Ce n'était pas agréable. Lorsque je devais me rendre dans certaines résidences, à titre d'agent de police, pour appréhender un enfant et le ramener à l'école, je ne me sentais pas toujours en sécurité.

En outre, l'article 18 supprime le droit d'arracher les enfants à leur foyer et à leur collectivité afin de les scolariser et normalise les raisons motivant l'absence scolaire qui sont les mêmes pour tous les enfants, à savoir la maladie, d'autres raisons inévitables et l'enseignement à domicile.

Enfin, l'article 19 abroge la définition d'« agent de surveillance » et supprime les renvois aux pensionnats indiens. Désormais, les écoles sont assimilées à un externat, à une école technique et à une école secondaire. C'est tout ce que j'essaie de faire, c'est-à-dire empêcher des agents de police de servir d'agent de surveillance et également empêcher tout gouvernement actuel ou futur, tout ministre, d'implanter des pensionnats.

La sénatrice Dyck : Tout ce que je voulais savoir, ce sont les articles de la Loi sur les Indiens qui concernent les pensionnats. Je pense que vous m'avez répondu en citant les articles de votre propre projet de loi à savoir les articles 15,16, 17,18, et cetera. Moi je voulais parler de la Loi sur les Indiens. Dans quels articles de la Loi sur les Indiens parle- t-on de « pensionnats »?

M. Clarke : Je crois qu'il s'agit des articles 114 à 117, et 120 et 121.

La sénatrice Dyck : Il s'agit bien de ces articles, mais où se trouve le terme de « pensionnat indien »? Vous dites : « Je retire de la Loi sur les Indiens toute mention des pensionnats » et je vous demande : « Où peut-on voir mention de ``pensionnats indiens'' »?

Le président : Pendant que M. Clarke cherche cette information, pour aider le comité, nous avons mis à la disposition de ce dernier des fonctionnaires du ministère pour terminer l'étude du projet de loi. Peut-être que votre question...

La sénatrice Dyck : C'est son projet de loi.

Le président : C'est exact.

La sénatrice Dyck : C'est la raison pour laquelle j'ai pensé qu'il aurait pu répondre.

Le président : Aux fins d'information du comité, il s'agit du devoir du gouvernement de consulter.

La sénatrice Dyck : Je peux poursuivre pendant que vous faites la recherche. Votre adjoint pourrait faire cette recherche et nous pourrions poursuivre par quelques questions brèves. Je céderai ensuite la parole à quelqu'un d'autre.

M. Clarke : Il s'agit des articles auxquels j'ai fait allusion, qui définissent les pensionnats indiens. Il s'agit des articles 114 à 117, et 120 et 121 de la Loi sur les Indiens. À leur arrivée, les fonctionnaires du ministère pourront élaborer à ce sujet.

La sénatrice Dyck : D'accord. Au cours de l'élaboration de votre projet de loi, vous avez parlé de consulter les membres des bandes des Premières Nations, d'organiser des assemblées générales, et cetera. Avez-vous consulté des fonctionnaires d'Affaires indiennes et du Nord Canada? Vous ont-ils aidés dans la rédaction du projet de loi? Est-ce que le ministère de la Justice vous a aidés dans ce dossier?

M. Clarke : Non, nous avons fait appel aux Services juridiques de la Chambre des communes. J'ai adopté une approche fondée sur le bon sens. Ma première ébauche était extrêmement simple. Il s'agissait d'amorcer le débat et de susciter l'attention au niveau national. Je voulais amorcer le dialogue, ouvrir le débat. L'essence de la première ébauche consistait essentiellement à abolir la Loi sur les Indiens et, dans un délai de deux ans, à forcer le gouvernement à dialoguer de gouvernement à gouvernement, avec les Premières Nations, et d'élaborer une loi plus respectueuse envers nous. Dans ce laps de temps, le gouvernement serait venu à notre rencontre, comme nous le faisons aujourd'hui, et aurait élaboré une loi plus significative et plus respectueuse à notre endroit.

Ma première ébauche consistait tout simplement à faire sauter cette loi parce que c'est ce que disaient tous les chefs : « Nous devons nous débarrasser de la Loi sur les Indiens. » Lorsque quelqu'un est élu député, a des origines autochtones et qu'il constate le côté archaïque de cette loi, il ne comprend pas pourquoi on voudrait la conserver. On n'a que trop tardé. Il faut que quelqu'un agisse. Je regarde d'autres membres des Premières Nations qui ont été nommés au Sénat ou qui ont été élus à la Chambre des communes et je suis abasourdi parce que le fait de pouvoir présenter un projet de loi d'initiative parlementaire, c'est comme si j'avais gagné le gros lot. Je suis le premier membre des Premières Nations à avoir rédigé un projet de loi d'initiative parlementaire qui a été adopté à la Chambre des communes. Aucun autre membre, même élu, d'une bande des Premières Nations n'a jamais fait cela. Je n'en suis pas peu fier.

Je suis également fier de prendre part à ce débat dans lequel nous cherchons à apporter des changements. J'examine mes règlements en cherchant à faire démarrer les Premières Nations, à leur fournir leur propre forme d'autonomie. Par ce processus qui est le mien, et particulièrement par la réglementation, j'essaie de donner aux Premières Nations la possibilité d'élaborer leurs propres règlements. Je pense à des collectivités non autochtones, comme les municipalités. Je pense aux maires. Je pense aux préfets et je pense à tous les chefs régionaux qui ont pu élaborer leurs propres règlements. Les membres des Premières Nations sont traités comme des citoyens de seconde classe qui ne peuvent pas élaborer leurs propres règlements sans approbation ministérielle. Ce que j'ai essayé de faire par ce....

La sénatrice Dyck : Merci de la réponse.

M. Clarke : ... d'apporter aux Premières Nations des avantages économiques et sociaux, tout d'abord en élaborant les règlements visant l'autonomie gouvernementale.

La sénatrice Dyck : Merci, monsieur Clarke. Il y a longtemps que vous avez répondu à la question. Il ne me reste plus qu'une question très brève à vous poser. Avez-vous consulté les commissaires pour la vérité et la réconciliation puisque les pensionnats sont au cœur même de votre projet de loi? Pourriez-vous vous contenter de répondre à cette question?

M. Clarke : La vérité et la réconciliation sont un véhicule différent, qui est terminé. Pour être parfaitement honnête, je n'en ai pas consulté les commissaires.

La sénatrice Dyck : D'accord, c'est tout ce que je voulais savoir. J'ai terminé.

Le président : Merci. Pour aider le comité et la sénatrice Dyck, notre analyste de la Bibliothèque du Parlement, Martha Butler — qui est aussi avocate, n'est-ce pas? — a recherché les mentions des pensionnats dans la Loi sur les Indiens. Je l'invite donc à répondre à votre question, madame Dyck. Dans quels articles de la Loi sur les Indiens fait-on mention des pensionnats?

Martha Butler, analyste, Bibliothèque du Parlement : Il y a deux mentions. L'une à l'alinéa 115d) dont fait mention l'article 15 du projet de loi de M. Clarke en l'abrogeant.

Le président : Que dit l'alinéa 115d)?

Mme Butler : L'alinéa 115d) se lit comme suit : « Le ministre peut...

La sénatrice Dyck : Vous parlez de l'alinéa c), conclure des accords?

Mme Butler : Non, le suivant, d) : « Le ministre peut... d) appliquer la totalité ou une partie des sommes d'argent qui seraient autrement payables... » Le mot « pensionnat » figure à la fin de la phrase.

Le président : Veuillez lire le reste de la phrase, s'il vous plaît.

Mme Butler : « ... des sommes d'argent qui seraient autrement payables en faveur ou pour le compte d'un enfant qui fréquente un pensionnat, à l'entretien de l'enfant à cette école. »

La seule autre mention figure à l'article 122 de la loi, « la définition d'« école ». Sont assimilés à une école un externat, une école technique, une école secondaire et un pensionnat ».

Le sénateur McIntyre : Merci, monsieur Clarke, de votre excellent exposé. J'attire votre attention sur l'article 2 du projet de loi qui stipule essentiellement que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien présente au comité de la Chambre des communes chargé d'étudier les questions relatives aux affaires autochtones un rapport portant sur le travail accompli par son ministère en collaboration avec les Premières Nations et les autres parties intéressées en vue de l'élaboration d'une nouvelle loi destinée à remplacer la Loi sur les Indiens.

Je constate que le Sénat est exclu de l'équation. Je suppose que c'est parce que tout ce qui passe par la Chambre passe aussi au Sénat. Est-ce exact?

M. Clarke : C'est exact.

Le sénateur McIntyre : L'article fait allusion à d'autres parties intéressées en vue d'élaborer une nouvelle loi pour remplacer la Loi sur les Indiens. Quelles sont ces autres parties intéressées auxquelles la loi fait allusion? À quoi ressemblerait le cadre destiné à remplacer la Loi sur les Indiens?

M. Clarke : Tout simplement, les membres des bandes locales. Pendant toutes ces années, nous avons été très bien dirigés par des gens qui nous représentaient, ainsi que les chefs et les conseils, au niveau national, mais nous avons toujours oublié les membres des bandes locales qui sont quotidiennement touchés par la Loi sur les Indiens. C'est une façon simple de voir les choses, les gens de la base. Nous pouvons tirer profit de tous ceux qui veulent s'exprimer. Nous pouvons nous adresser aux conseils tribaux et même à des gens de l'APTN qui seraient prêts à témoigner et à nous donner de bonnes idées de changement. Tous ces gens-là le peuvent.

Mon projet de loi invite tous les gens des Premières Nations, des membres élus, des chefs et des conseils, jusqu'aux membres des bandes locales, en collaboration avec le gouvernement, à participer au dialogue, à examiner ce qui est désuet ou archaïque, à se débarrasser des résidus qui freinent les Premières Nations et à remplacer tout cela par un développement économique, grâce au commerce et à une réglementation. Bref, il faut remplacer tous ces éléments qui freinent les Premières Nations.

Le sénateur McIntyre : Ces autres parties intéressées pourraient-elles être aussi des organisations qui offrent des services aux Premières Nations?

M. Clarke : C'est exact.

Le sénateur Wallace : Merci, monsieur Clarke. Vous avez clairement indiqué, si je vous ai bien compris, que vous vouliez amorcer un certain processus qui consisterait dans un premier temps en une refonte de la Loi sur les Indiens mais finalement vous avez parlé de faire sauter cette loi, de s'en débarrasser entièrement pour trouver quelque chose de beaucoup mieux pour les Premières Nations de ce pays. Vous voulez donc amorcer ce processus.

Le projet de loi C-428 traite de certains des enjeux de la Loi sur les Indiens mais en laisse d'autres de côté, dont il faudra s'occuper ultérieurement. Pouvez-vous me dire ce qui vous a décidé à vous occuper de certains enjeux plutôt que d'autres? Quel a été votre raisonnement pour établir les priorités qui figurent dans le projet de loi C-428?

M. Clarke : De par mes antécédents dans la GRC, l'une des questions qui m'intéressent est la réglementation. Comme je l'ai mentionné, les Premières Nations n'ont pas les mêmes droits que les municipalités. Elles doivent toujours attendre que le ministre approuve les règlements qu'elles proposent. J'ai pu constater ce genre de situations dans mon passé d'agent de police. Ainsi, lorsque j'étais en poste dans la réserve d'Onion Lake, une communauté des Premières Nations souhaitait mettre sur pied une exploitation de culture de la pomme de terre. Des investisseurs s'y intéressaient, mais il fallait passer par la bureaucratie et obtenir du ministre la permission de vendre la production à l'extérieur de la réserve. Dans le temps — un an et demi à deux ans plus tard — qu'il a fallu pour obtenir l'approbation, l'investisseur avait perdu intérêt.

Nous voyons les problèmes de société que créent les dépendances aux drogues dans les collectivités des Premières Nations. Je me souviens de mes fonctions d'application de la loi, lorsque je travaillais dans la GRC. Les gens veulent que la loi soit appliquée. Ils veulent que la police travaille à améliorer les collectivités. Lorsque j'étais en patrouille, des gens m'interpellaient pour me signaler que les trafiquants s'attaquaient aux personnes les plus vulnérables de la société, les enfants, en essayant de leur vendre de la drogue aux alentours des bureaux de la bande et à proximité des écoles. En tant qu'agent de police, je devais les attraper. Je me souviens d'ailleurs d'avoir couru après un trafiquant qui s'empressait de vider le contenu de ses poches avant que je ne l'arrête. Il a été poursuivi et le conseil de bande voulait adopter une résolution pour l'empêcher de revenir dans la réserve. Mais pour ce faire, il fallait un décret de la bande, décret qui devait être approuvé par le ministre. Un, deux ou trois ans passaient et comme on dit, avec le temps, on oublie. Et cette personne continuait de s'attaquer aux gens les plus vulnérables de notre société, nos jeunes et nos enfants.

J'ai un autre fait intéressant à relater concernant l'application d'un règlement qu'avait proposé un chef. C'était à propos des sites d'enfouissement des Premières Nations. Ces sites sont pollués par des non-Autochtones qui viennent se débarrasser de leurs déchets dans les réserves, dont des déchets toxiques. Et devinez quelle est la plus forte amende que l'on peut imposer, c'est 1 000 $.

Les normes provinciales et fédérales peuvent être appliquées par les Premières Nations sous forme d'un règlement, qui rendrait l'amende et le nettoyage obligatoires. Voilà des possibilités que peuvent saisir les Premières Nations. Cela concerne l'autonomie gouvernementale, qui nous permettrait de régler les nombreux problèmes auxquels les Premières Nations font face aujourd'hui.

Le sénateur Wallace : Il me semble, monsieur Clarke, qu'il y a plus de 600 conseils de bande des Premières Nations dans tout le pays et, évidemment, cela fait beaucoup de points de vue. Les changements que vous proposez toucheraient toutes les Premières Nations du pays. Je suppose que les dispositions que vous proposez susciteraient beaucoup d'appuis chez les Premières Nations. Avez-vous une idée de l'appui que le projet de loi suscite? Y a-t-il un consensus en sa faveur?

M. Clarke : Nous avons 633 Premières Nations au Canada. Nous constatons qu'il y a un appui au sein de l'Assemblée des Premières Nations et autres réunions. Chacun a son avis en faveur du projet de loi ou contre. On n'arrivera jamais à avoir un large consensus. Mais il y a beaucoup de monde parmi les chefs, les conseils, les bandes et les dirigeants des Premières Nations, qui aiment le projet de loi. Ils l'attendent depuis longtemps. Mon projet de loi amènera le gouvernement à amorcer un processus de consultation officielle. C'est tout ce que vise mon projet de loi : amorcer un processus et permettre au gouvernement des Premières Nations et au gouvernement du Canada d'entreprendre des consultations. C'est ce que j'essaie de faire grâce à des consultations annuelles entre les gouvernements.

Le sénateur Enverga : Merci de votre exposé. Vous dites que toutes les bandes sont différentes et que la mise en œuvre se fera progressivement.

Pensez-vous que les bandes pourront adapter les lois aux besoins particuliers de leur communauté? Pensez-vous qu'il y aura une grande latitude laissée à chacun ou qu'on mettra à disposition une sorte de gabarit dont chacun pourra s'inspirer?

M. Clarke : Il incombe à chaque Première Nation de décider ce qu'elle veut faire avec ses règlements et son gabarit. Tout ce que je cherche à faire est de donner aux Premières Nations la possibilité de se gouverner elles-mêmes. Il y a beaucoup de Premières Nations qui sont gérées par des tiers et qui ne respectent pas les critères nécessaires pour se gouverner elles-mêmes.

J'essaie d'utiliser cette approche par le développement économique. Les Premières Nations pourraient avoir leurs propres cultures et leur propre commerce — si c'est ce qu'elles veulent — mais elles pourraient aussi élaborer leurs propres règlements. Je pense que cela pourrait profiter à toutes les communautés des Premières Nations du pays qui sont régies par la Loi sur les Indiens.

C'est là mon intention. Je n'essaie pas d'imposer quoi que ce soit; j'essaie de permettre aux Premières Nations de prendre leurs propres décisions.

Le sénateur Enverga : Va-t-il y avoir une règle applicable? Proposez-vous un règlement qui s'appliquera à tous, une sorte de règlement universel? Ou bien le règlement sera-t-il adapté à chaque communauté?

M. Clarke : Il reviendra à chaque communauté des Premières Nations de décider de ce qu'elle veut. Tout ce que je veux, c'est leur donner le mécanisme qui leur permettra d'élaborer la réglementation qu'elles souhaitent. À l'heure actuelle, les Premières Nations élaborent leurs propres règlements, mais doivent les faire approuver par le ministre. Des fois, cela peut prendre un, deux ou trois ans avant d'arriver au ministre. D'autres fois, le règlement peut être refusé, rejeté et renvoyé à la Première Nation qui doit le rédiger à nouveau, d'où les va-et-vient.

Il revient à la communauté de décider de ce qui est faisable. Il n'y a pas lieu de réinventer la roue. Les communautés des Premières Nations peuvent s'inspirer de ce qui se fait dans une autre réserve, disons Osoyoos, où l'on n'a pas recours à un tiers de la Loi sur les Indiens en vue du développement économique, où l'on cultive ses propres cultures et où l'on vend son vin. C'est comme cela qu'une communauté grandit.

Mais la même chose est arrivée en Saskatchewan où les Premières Nations à Beardy souhaitaient faire la culture du maïs. Elles voulaient enseigner à leurs jeunes enfants comment vivre de leur terre, comment cultiver et comment vendre leur production. Mais elles devaient auparavant avoir une autorisation ministérielle.

Le sénateur Enverga : Qu'arrivera-t-il si certains règlements vont à l'encontre des valeurs canadiennes? Comment peut-on y remédier?

M. Clarke : Si quelqu'un veut contester un règlement — et ce n'est pas la première fois que cela arrive —, il s'adressera aux tribunaux, comme dans toute autre cause.

Le sénateur Moore : J'aime votre travail et la passion que vous avez pour ce projet de loi.

À propos de la question que vous a posée le sénateur McIntyre au sujet d'un rapport présenté à la Chambre des communes, et qui serait automatiquement renvoyé au Sénat, je crois que cela n'est pas tout à fait exact. Il faudrait que cela soit précisé dans la loi. Ainsi à l'article 2, qui stipule que le ministre présente un rapport au comité de la Chambre des communes chargé d'étudier les questions relatives aux affaires autochtones, ne devrait-on pas indiquer : « ... présenter un rapport aux comités de la Chambre des communes et du Sénat »? Êtes-vous d'accord avec cette proposition?

M. Clarke : Il y a une chose...

Le sénateur Moore : Êtes-vous d'accord avec cette proposition?

M. Clarke : Il est en ce moment même envoyé au comité de la Chambre.

Le sénateur Moore : Non, mais je veux savoir, acceptez-vous que le rapport soit présenté aussi au comité du Sénat?

M. Clarke : C'est une démarche que les avocats pourraient expliquer, puisque le processus existe déjà.

Le sénateur Moore : Je suis de la vieille école, j'aime bien que les choses soient écrites. Si ce n'est pas écrit, quelqu'un pourrait dire : « Ce n'est pas indiqué, ce n'est pas indiqué que cela doit être renvoyé au Sénat. » Et donc le rapport n'arrive pas au Sénat.

J'aimerais que le rapport soit renvoyé au Sénat. Y voyez-vous un quelconque inconvénient? Le Sénat passe en revue ces rapports de façon très minutieuse, ce qui à mon avis est bon pour la nation.

M. Clarke : Je ne veux pas qu'un changement soit apporté au projet de loi et puisque la Chambre en est saisie...

Le sénateur Moore : Nous sommes là pour accomplir ce travail et donc le travail n'est pas accompli si le Sénat n'a pas l'occasion d'examiner le rapport. J'aimerais que cela soit indiqué.

Je vais vous poser une autre question, par rapport à l'action de sensibilisation et aux 633 bandes des Premières Nations du pays, avez-vous écrit à chacune d'entre elles?

M. Clarke : À six reprises.

Le sénateur Moore : À six reprises? Et quel est le nombre de réponses que vous avez reçues chaque fois?

M. Clarke : Il y en a eu beaucoup, mais je n'en ai pas fait le compte.

Le sénateur Moore : Vous n'en avez pas fait le compte. Ainsi, la première fois que vous avez écrit aux 633 Premières Nations, vous ne savez pas combien d'entre elles vous ont répondu?

M. Clarke : Non, à première vue, non.

Le sénateur Moore : Ainsi, vous ne savez pas combien d'entre elles vous ont répondu à chaque fois? C'est pourtant important pour dégager un consensus. S'il n'en tenait qu'à moi, j'aurais fait le compte des réponses.

M. Clarke : Je dirais que j'ai eu probablement 200 réponses.

Le sénateur Moore : Et de ces 200, combien étaient pour et combien étaient contre? On pourrait peut-être l'envisager sous un autre angle.

M. Clarke : Certaines bandes on dit qu'elles voulaient rédiger leur propre projet de loi; d'autres voulaient qu'il soit présenté le plus vite possible parce qu'on l'attendait depuis longtemps et d'autres, enfin, voulaient apporter quelques changements mineurs, portant par exemple sur le nom des organisations.

Le sénateur Moore : En combien de catégories se répartiraient approximativement les 200? Certaines étaient pour, d'autres contre, et d'autres encore voulaient s'en occuper elles-mêmes?

M. Clarke : Je dirais que la majorité d'entre elles appuyait la substance du projet de loi et estimait qu'il aurait dû être présenté depuis longtemps.

Le sénateur Moore : Vous l'avez déjà dit, mais j'aimerais en être sûr. C'est très important, parce que cela se rapporte à toute la question de la sensibilisation et des réponses. On en a 200 sur 600. On n'a donc l'avis que d'un tiers d'entre elles et nous ne savons pas — en tout cas, vous ne nous l'avez pas dit — combien sont en faveur, combien sont contre et combien voudraient s'en occuper elles-mêmes. Pouvez-vous nous renseigner de façon plus précise?

M. Clarke : Vous pouvez couper les cheveux en quatre autant que vous voulez. Il n'en reste pas moins que la majorité des peuples des Premières Nations veulent du changement. Ils sont fatigués de vivre dans le tiers-monde et d'être régis par la Loi sur les Indiens, qui ne vous régit pas vous-même, sénateur. Puis-je vous faire remarquer que vous avez des droits différents des miens en tant que membre d'une bande des Premières Nations. Lorsque nous essayons de dialoguer, il revient à beaucoup de membres de bandes des Premières Nations de tout renvoyer. Certaines Premières Nations protestent en n'envoyant rien du tout.

Quand nous constatons ce qui se passe, sénateur, et quand nous examinons ce que souhaitent les Premières Nations, il s'agit de changement.

Le sénateur Moore : Je le sais.

M. Clarke : Songez à l'APN, qui organise tant de réunions par an auxquelles sont censées assister les 633 Premières Nations; or, quelquefois, il n'y en a que 60 qui s'y présentent. En tant que membre d'une bande, lorsque j'élis un dirigeant, je m'attends à ce qu'il assiste à cette réunion et qu'il m'informe de ce qui s'y est passé. Mais il ne le fait pas. À certaines occasions, les communautés des Premières Nations, pour une raison ou pour une autre... Bref sont-elles trop occupées pour nous tenir au courant?

Le sénateur Moore : Je vous dirai, monsieur Clarke, que c'est la raison pour laquelle il y a des élections et que l'on change de chef. C'est une possibilité qu'elles ont.

Vous dites donc que des 200 réponses que vous avez reçues, peut-être que 50 p. 100 d'entre elles étaient en faveur du projet de loi; est-ce bien ce que vous dites?

M. Clarke : La plupart d'entre elles veulent du changement.

Le sénateur Moore : Vous dites : « La plupart d'entre elles veulent du changement. » Donc, un tiers est en faveur du changement.

Je ne cherche pas à sous-estimer ce que vous faites, mais je veux savoir, parce que c'est très important à mes yeux.

Le président : La dernière personne que j'ai pour ce premier tour de questions est le sénateur Tannas, à moins qu'il y ait quelqu'un d'autre.

Le sénateur Tannas : Merci, monsieur Clarke. À propos de ce qu'a dit le sénateur Moore, j'aurais deux questions connexes.

Dans les réponses que vous avez obtenues et au cours des consultations que vous avez tenues, y a-t-il eu des oppositions marquées — ou simplement des oppositions — à des dispositions de votre projet de loi? C'est ma première question.

M. Clarke : Il y a une question que les Premières Nations ont eu beaucoup de difficultés à comprendre, c'est celle des testaments et successions. Ce chapitre a été retiré de mon projet de loi et il est étudié en comité. Nous essayons de l'améliorer et de trouver des solutions aux problèmes qu'il présente.

Le sénateur Tannas : Vous avez parfaitement répondu à ma question. La meilleure preuve du devoir de consultation que vous avez accompli, est les changements que vous avez volontiers acceptés par rapport aux objections qui vous étaient faites.

M. Clarke : C'est exact.

Le sénateur Tannas : Merci.

La sénatrice Dyck : Pourrais-je avoir une petite précision? Vouliez-vous parler d'objection à la Loi sur les Indiens ou d'objection à ce projet de loi?

Le sénateur Tannas : Je me demandais s'il y avait dans ce projet de loi des éléments que des gens n'aimeraient pas. Certains pensent qu'on devrait attendre d'avoir la solution idéale qui réglerait une fois pour toutes le problème de la Loi sur les Indiens, mais nous savons que cela n'arrivera pas. Je voulais avoir des détails sur ce projet de loi, d'où ma question.

La sénatrice Dyck : Il dit qu'il y avait des objections au chapitre sur les testaments et successions.

Le sénateur Tannas : C'est cela.

La sénatrice Dyck : Dans le projet de loi?

M. Clarke : L'un d'eux.

La sénatrice Dyck : Pourquoi l'avez-vous mis dans le projet de loi, si l'on s'y opposait? Je ne comprends pas.

Le sénateur Tannas : Mais ce n'est plus dans le projet de loi.

M. Clarke : Je suis heureux que vous en ayez parlé, mesdames et messieurs. Les testaments et successions sont un sujet très complexe.

Permettez-moi de vous raconter une histoire qui remonte à 2006. J'étais sergent à la GRC. Le 7 juillet, j'ai reçu un appel des plus navrants à 21 h 24, par lequel on m'annonçait que trois membres de la GRC avaient été touchés par balles : Robin Cameron, qui était un membre des Premières Nations, Marc Bourdages et Michelle Knopp. Sept jours plus tard, Marc et Robin sont décédés.

Lorsque j'ai révisé mon testament, j'ai constaté que, s'il était contesté, il ferait l'objet d'un arbitrage par le ministre. Aucun autre citoyen canadien ne doit s'en remettre à un ministre pour décider de ce qui arrivera d'une succession. Nous ne sommes pas traités en égaux.

J'aurais voulu que tous les membres des Premières Nations, quelles que soient leurs possessions ou les contestations dont leur testament pourrait faire l'objet, puissent suivre le même processus que n'importe quel autre citoyen canadien. Cela aurait été si simple. Malheureusement, la façon dont sont libellés les certificats de propriété des membres des Premières Nations dans tout le Canada rend les choses très difficiles. C'est la raison pour laquelle nous devons mener une étude. C'est la raison pour laquelle l'étude a été menée. Je voulais tout simplement jouir des mêmes droits que n'importe quel autre Canadien, et je pense que c'est ce que veulent également les Premières Nations.

Le sénateur Watt : Merci de votre exposé. Vous avez abordé certains sujets que je trouve, comme vous, très importants. S'agissant du gagne-pain de nos gens dans tout le pays, il est temps d'apporter des améliorations substantielles.

Malheureusement, pour que notre peuple, les Premières Nations, puisse prendre ce sujet au sérieux, il aurait probablement voulu que ce soit un projet de loi ministériel et non un projet de loi d'initiative parlementaire.

J'aimerais passer à un autre sujet dont vous avez à maintes reprises souligné l'importance. C'est le début, ce n'est que le processus, qui met l'accent sur la réglementation. Quels règlements peuvent être établis par le ministre et quels règlements, par le conseil de bande, sans que le ministre ait à donner son consentement. Je pense que c'est là le point névralgique de votre projet de loi, si j'ai bien compris.

Dans le souci d'avoir un débat général et d'ouvrir la voie à des étapes concrètes et positives, qui permettraient aux Premières Nations et au gouvernement d'avoir un dialogue fructueux et de procéder à un examen approfondi de la Loi sur les Indiens, avez-vous songé à mettre sur pied une table de concertation des Premières Nations et du gouvernement du Canada?

La raison pour laquelle je pose cette question, monsieur Clarke, est que certains ont eu recours à des revendications territoriales globales. Je veux parler des Inuits du Nord qui ont profité de l'entente conclue avec le gouvernement. Y avez-vous songé?

M. Clarke : J'ai pensé à pas mal de choses. Cette loi a 138 ans.

Le sénateur Watt : J'en suis bien conscient.

M. Clarke : C'est une politique qui a été proposée dans les années 1870, par le service des affaires autochtones, ou des affaires indiennes d'alors. Et de cette politique, on a fait une loi. On ne cesse d'en parler, mais l'un des points à considérer pour que des consultations convenables aient lieu, c'est qu'il faut qu'elles se fassent de gouvernement à gouvernement. J'ai regardé ce qu'ont fait les gouvernements précédents qui ont tout essayé. Mais aucun n'a réussi à changer la Loi sur les Indiens.

J'essaie, à titre de membre d'une bande des Premières Nations, de trouver une autre possibilité de croissance qui passerait, premièrement par la réglementation et, deuxièmement, par l'autorisation qui serait donnée aux Premières Nations de cultiver leurs produits et de les vendre aux fins de leur propre développement économique. C'est d'ailleurs ce que font déjà des Premières Nations dans tout le Canada. Mais il faudrait qu'elles puissent aussi vendre à qui elles veulent. Et il faudrait enfin retirer les pensionnats.

Le principal élément de mon projet de loi est d'amener le gouvernement à amorcer un processus annuel de collaboration. Pour l'instant, rien n'oblige un gouvernement à négocier avec les Premières Nations. Nous pouvons rester les bras croisés et critiquer le processus de consultation officielle — la consultation doit se faire de gouvernement à gouvernement —, mais ce que l'on ne comprend pas, dans la définition de l'obligation de consultation et d'accommodement, c'est que le gouvernement peut négocier, mais n'a pas à convenir d'un résultat. Il peut se retirer tout en considérant qu'il a procédé à une consultation.

Le sénateur Watt : Vous ne répondez pas à mes questions.

M. Clarke : Je crois que oui.

Le sénateur Watt : Laissez-moi inverser ma question en partant des régions qui seront touchées par ces quatre revendications territoriales. Prenons, par exemple, la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, la Convention des Inuvialuits et l'entente sur le Labrador. Avez-vous fait des études dans ces régions? Avez-vous eu suffisamment de ressources pour vérifier s'ils avaient raison de s'inquiéter? Et je ne parle pas d'une consultation.

Le président : Sénateur Watt, je ne comprends pas tout à fait. Cette modification vise la Loi sur les Indiens. Avez- vous parlé de l'Inuvialuit?

Le sénateur Watt : L'Inuvialuit, le côté du Québec et du Labrador, ainsi que le Nunavut comptent sur certaines parties de la Loi sur les Indiens pour recevoir des prestations dans le cadre des programmes.

C'est selon moi de cette façon que le projet de loi peut avoir un impact. Peut-être pas précisément ce projet de loi que vous présentez, mais une fois que le processus aura été amorcé.

La sénatrice Dyck : La Loi sur les Indiens n'a pas que de mauvais côtés.

Le sénateur Watt : Précisément.

M. Clarke : Voilà pour les revendications territoriales. Mon projet de loi porte sur des parties précises de la Loi sur les Indiens et, si j'ai bien compris, il ne change rien aux relations de gouvernement à gouvernement en ce qui concerne les revendications territoriales, du moins je l'espère.

Le sénateur Watt : Ce n'est pas l'interprétation que j'en fais, car j'ai participé aux négociations. Ce n'est pas en ces termes que j'ai signé l'accord.

Le président : Je vous rappelle que nous aurons la chance de revenir là-dessus avec les fonctionnaires du gouvernement dans le cadre de l'examen de ce projet de loi.

Le sénateur Watt : L'une des raisons qui me posent problème quant à l'approche dont vous parlez c'est que, lors du Rassemblement de 2012 entre la Couronne et les Premières Nations, le premier ministre avait indiqué que le gouvernement du Canada préférait travailler de concert avec les Premières Nations pour moderniser la Loi sur les Indiens, plutôt que de l'abroger ou de la réécrire. J'estime donc que vous ne respectez pas vraiment ce qui a été discuté par les Premières Nations et le premier ministre.

M. Clarke : Ce que le premier ministre a dit, c'est que l'on ne peut pas se contenter de supprimer tout simplement la Loi sur les Indiens. Sa suppression laisserait un grand trou avec beaucoup de racines. Ce que j'essaie de faire, c'est de transformer la loi de façon graduelle. Il me faut donc d'abord planter un nouvel arbre pour permettre à de nouvelles racines de faire leur chemin. Monsieur Watt, d'après ce que je comprends, vous souhaitez garder la Loi des Indiens.

Le sénateur Watt : Non.

M. Clarke : Merci.

Le sénateur Watt : Je suis de ceux qui affirment depuis des années que quelque chose doit être fait au sujet de cette loi. Vous ne pouvez donc pas dire de moi que je l'appuie. Mais c'est bien cela que vous faites.

Lorsque vous traitez la chose de façon fragmentaire, vous ne pouvez pas vraiment voir où vous vous en allez. N'oubliez pas qu'il y a des gens de l'autre côté de la table avec lesquels vous devrez négocier. Il est donc très important de faire les choses de la bonne façon.

C'est tout ce que j'essaie de dire. Je n'essaie pas de miner le travail que vous avez fait. Je dis simplement qu'il aurait peut-être été mieux pour le gouvernement de discuter de la chose avec les Premières Nations, dans une discussion de gouvernement à gouvernement.

M. Clarke : Merci, sénateur. Je suis d'accord avec vous, et c'est ce que fait mon projet de loi, soit la mise en place du processus.

Le sénateur Watt : Non.

M. Clarke : Merci.

Le président : Merci.

La sénatrice Dyck : Puis-je poser une question supplémentaire?

Le président : Nous manquons de temps. Je vous demanderai d'être brève, car nous avons d'autres témoins.

La sénatrice Dyck : En tant que porte-parole du projet de loi, j'aimerais poser une question.

Pour poursuivre dans cette veine, vous avez dit que le projet de loi fera en sorte que le gouvernement devra s'asseoir avec les Premières Nations pour réécrire la Loi sur les Indiens, et vous affirmez que c'est ce que fera votre projet de loi, alors que la seule chose qu'il exige du gouvernement c'est qu'il fasse rapport. Le projet de loi ne décrit pas le processus. Le processus de cette collaboration est dans le préambule du projet de loi. Aucun article ne stipule que le gouvernement est tenu de négocier. C'est un rapport du ministre. Où est l'article qui dit que le gouvernement doit s'asseoir et collaborer avec les Premières Nations?

M. Clarke : Je vais citer ce que dit cet article :

Attendu :

que la Loi sur les Indiens est une loi coloniale désuète dont l'application a pour effet d'assujettir les peuples des Premières Nations du Canada à un traitement différentiel;

que la Loi sur les Indiens ne prévoit pas un cadre législatif propice au développement de collectivités des Premières Nations autosuffisantes et prospères;

que le gouvernement du Canada entend élaborer une nouvelle loi destinée à remplacer la Loi sur les Indiens qui reflétera davantage sa relation moderne avec les peuples des Premières Nations du Canada;

que le gouvernement du Canada est résolu à poursuivre l'étude de différentes voies pour l'élaboration de cette nouvelle loi en collaboration avec les Premières Nations qui manifestent un intérêt à cet égard [...]

Je crois que ce préambule rend compte de l'intention du projet de loi et des problèmes associés au maintien en place de la Loi sur les Indiens.

La sénatrice Dyck : Oui, je conviens que l'intention est claire, mais il ne s'agit pas d'une exigence législative.

M. Clarke : C'est ce que j'espère. Je souhaite que les Premières Nations prennent l'initiative et amorcent le processus.

La sénatrice Dyck : C'est un souhait, mais ce n'est pas une exigence établie par la loi. Vous dites que c'est une exigence établie par la loi.

M. Clarke : Le gouvernement devra s'asseoir et discuter de la chose.

Le président : Poursuivons. Et je vais vous demander d'être brefs, car nous avons d'autres témoins qui sont censés témoigner ce soir et nous risquons de manquer de temps.

Le sénateur Ngo : Merci, monsieur Clarke. J'aimerais que vous m'exposiez les objectifs de votre projet de loi. Le premier consiste à supprimer les barrières au commerce, le deuxième est de permettre aux bandes de publier leurs propres règlements et le troisième, si je ne m'abuse, est que vous avez demandé au gouvernement de déposer les projets de loi, quels qu'ils soient, à la Chambre des communes dans les 10 ou 15 jours.

Est-ce l'objectif de votre projet de loi?

M. Clarke : De produire le rapport en dedans de 10 jours de séance lorsque la Chambre siège, c'est exact.

Le sénateur Ngo : Qu'entendez-vous par règlements lorsque vous dites « publier leurs propres règlements »?

M. Clarke : Publier des règlements consiste à les rendre publics. Cela peut se faire de quatre façons : en les faisant paraître dans un journal local, en expédiant un bulletin de nouvelles à la communauté des Premières Nations concernée et en les publiant dans la Gazette des premières nations ou dans leurs propres sites Web. On veille ainsi à permettre aux membres des Premières Nations de prendre connaissance des règlements, et même à qui que ce soit de les examiner, même les non autochtones.

Le sénateur Ngo : Merci. Pouvez-vous nous en dire plus au sujet de l'objectif de votre projet de loi ayant trait au commerce et aux débouchés en la matière?

M. Clarke : C'est comme pour n'importe quel autre gouvernement au Canada ou ailleurs dans le monde. Pour qu'une collectivité puisse prospérer, il faut un développement économique et du commerce. L'une des ressources les plus sous-estimées dont certaines Premières Nations disposent en quantité est un sol de qualité sur lequel ils pourraient faire pousser différents produits qu'ils pourraient vendre à l'extérieur de la réserve.

J'essaie seulement d'éliminer une partie de ce qui gêne. Il est toujours écrit que les Premières Nations doivent obtenir l'approbation préalable du ministère, mais cette obligation en a découragé beaucoup d'entre elles. J'essaie de faire en sorte qu'on ne leur pose plus de questions. Les Premières Nations ont le droit de faire ce qu'elles veulent et de chercher le développement économique dans le domaine de leur choix. Il s'agit de créer des emplois et de la prospérité; c'est une affaire de formation. Je pense entre autres à quelqu'un comme Howard Cameron, de la réserve Beardy, qui voulait créer un partenariat avec la coopérative mennonite et mettre sur pied une ferme pour cultiver des produits destinés à être vendus dans la coopérative mennonite de Rosthern et les environs.

Le sénateur Ngo : Merci pour votre explication, monsieur Clarke.

Le sénateur Watt : Laissez-moi commencer un peu mieux, cette fois. J'espère que nous allons réussir à mieux nous comprendre. Je n'essaie pas de remettre en doute votre intention d'améliorer les moyens de subsistance des Premières Nations. Je suis tout à fait d'accord avec vous à cet égard.

Mais la question est de trouver comment on y arrive. Cet aspect reste un peu nébuleux pour moi. Lorsque vous avez parlé des « autres » dans votre explication, vouliez-vous dire que certains sont prêts alors que d'autres ne le sont pas? Essayez-vous de prendre des dispositions, de leur fournir une voie pour leur permettre de progresser d'eux-mêmes, sans toutefois que cela s'applique à tous les groupes autochtones du pays? Si un conseil de bande décide tout simplement de se soustraire à la Loi sur les Indiens, que se passera-t-il? Avez-vous réfléchi à cette possibilité?

M. Clarke : Ce que je souhaite accomplir avec ce projet de loi, c'est de permettre aux Premières Nations de prendre leurs propres décisions. C'est l'intention visée. Lorsque ce projet de loi sera adopté par le Sénat — c'est ce que nous espérons —, les Premières Nations auront la chance de prendre leurs propres décisions. Je n'essaie pas d'imposer ou de dicter quoi que ce soit. J'essaie de donner le droit aux Premières Nations de s'autogouverner et de leur donner la chance de faire à leur guise. Certains articles de la Loi sur les Indiens nuisent à la croissance. C'est ce que j'essaie d'éliminer.

Le sénateur Watt : Ce qui les empêche d'avancer.

M. Clarke : Prenez la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations — dont le tiers des articles s'emploient à invalider la Loi sur les Indiens — et voyez comment certaines communautés en profitent. Ce que j'essaie de faire, c'est de donner cette même chance aux communautés pour qui la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations ne s'applique pas.

Le sénateur Watt : Qu'arrivera-t-il à un groupe, disons les Mohawks, qui, essentiellement, évoluent en parallèle? Je connais leurs préoccupations plutôt bien, car il m'arrive de les rencontrer de temps à autre. Je sais ce qu'ils reprochent à la Loi sur les Indiens. Parmi leurs premières objections, il y a le fait qu'ils ne paient pas les taxes comme est tenu de le faire n'importe quel autre Canadien, parce qu'ils appartiennent à un groupe autochtone et qu'au Canada, ces groupes n'ont pas à payer les taxes. Qu'arrivera-t-il à cet aspect des choses? Si certains groupes disent « Nous ne voulons pas de ces nouvelles dispositions, car nous ne voulons pas avoir à payer les taxes », comment allons-nous composer avec cette situation?

M. Clarke : C'est un problème très complexe que les Premières Nations et l'État devront régler ensemble. Ce n'est pas à moi, Rob Clarke, en tant que membre d'une bande, de le faire. Les enjeux de ce type devront faire l'objet de discussions de gouvernement à gouvernement. Il en va de même pour les lois provinciales qui seront touchées par ces modifications.

Le sénateur Watt : Je crois que nous ne nous comprenons pas assez clairement à ce sujet. Disons qu'un certain nombre de personnes — supposons 25 p. 100 des Premières Nations de l'ensemble du pays — disent : « Nous ne pouvons pas souscrire à cela. Cela signifie que nous allons devoir payer comme tout le monde. Nous allons nous faire avaler par le système. » Ce groupe de 25 p 100 fait donc savoir : « Voilà notre position. Pour cette raison, nous n'acceptons pas ce qu'on nous propose aujourd'hui. » Puis le gouvernement décide d'aller de l'avant et de promulguer la loi. Les modifications acquièrent force de loi. Vers qui nous tournerons-nous lorsque nous allons heurter le mur? Ce n'est pas quelque chose qui s'applique à tous, mais à un certain nombre. Qu'arrivera-t-il alors?

M. Clarke : Mon projet de loi ne touche pas à la taxation. Mon projet de loi s'intéresse aux amendes imposées par la communauté d'une première nation dans les Premières Nations qui sont habilitées à recueillir le paiement d'amendes versées pour des infractions aux règlements, qui peuvent dépenser cet argent à leur guise. L'argent n'aura pas à transiter par l'État. Il pourra aller directement à l'organisation ou à la communauté de cette première nation. Mon projet de loi d'initiative parlementaire n'a rien à voir avec la taxation.

Le sénateur Watt : Mais il va falloir une loi. J'imagine qu'il faudra une loi pour l'ensemble des Premières Nations. Comment peut-on avoir une loi qui s'applique pour certains et pas pour les autres, si nous avons à en venir là? C'est ce que je veux dire avec mon exemple des 25 p. 100 qui décideraient qu'ils ne peuvent pas souscrire à cela. Ce sera l'impasse. C'est ce qui me préoccupe, outre les autres questions que j'ai soulevées.

M. Clarke : Je le répète : mon projet de loi ne touche pas aux lois en matière de taxation.

Le sénateur Watt : Lorsque vous parlez du processus d'aller de l'avant, vous allez nécessairement toucher à cette question, que vous le vouliez ou non. C'est la règle du jeu.

M. Clarke : Et le processus sera défini sur une base annuelle.

Le sénateur Watt : Quoi qu'il en soit, je crois que nous pouvons convenir tous les deux que nous sommes en désaccord. Merci.

Le président : Merci, chers collègues, de votre indulgence. Il nous reste une question avant de faire le point et de libérer M. Clark.

La sénatrice Dyck : Merci de votre indulgence. Ma question est d'ordre technique. Il y a peut-être une erreur dans le projet de loi. À l'article 4, on dit que le paragraphe 4(3) de la loi est remplacé par « les articles 114 à 117 » — qui sont les articles de la Loi sur les Indiens qui portent sur l'éducation — « et, sauf si le ministre en ordonne autrement, les articles 42 à 52 [...] », qui, si je ne m'abuse, sont des articles qui concernent les testaments et les successions.

M. Clarke : Ce sont les articles 48 à 52.

La sénatrice Dyck : Il est écrit 42. On parle bien de la version qui a été adoptée le 20 novembre 2013? Quelle version avez-vous? Que ce soit 42 ou 48, est-ce que ces articles concernent les testaments et les successions? À quoi font-ils référence?

Mme Burke : Les articles qui portent sur les testaments et les successions ont été supprimés.

La sénatrice Dyck : Oui, je sais. Mais dans cet article, à quoi les articles 48 à 52 font-ils référence?

Le président : Notre analyste de la Bibliothèque du Parlement peut répondre à cela.

Mme Butler : Les articles 42 à 48 de la Loi sur les Indiens portent effectivement sur les testaments et les successions.

La sénatrice Dyck : Est-ce que ces articles devraient être mentionnés dans cet article ou s'ils doivent être supprimés?

Mme Burke : Ce n'est que de 48 à 52, ici.

La sénatrice Dyck : J'ai l'impression qu'il y a une erreur. Peut-être que ce passage aurait dû être supprimé lorsque vous avez supprimé les autres articles.

Mme Burke : Cela n'est pas dans la version du projet de loi que nous avons sous les yeux. Je ne sais pas à quoi vous faites référence. Notre version ne dit pas la même chose.

La sénatrice Dyck : Quelle est la date de votre version?

Le président : Je me demande si nous ne devrions pas demander l'aide de notre personnel qualifié pour nous assurer que nous avons tous la plus récente version du projet de loi, car l'article 4 de ma version datée du 20 novembre fait mention des articles 42 à 52.

La sénatrice Dyck : Si cela concerne les testaments et les successions et que les articles sur les testaments et les successions ont été supprimés du projet de loi original, pourquoi cet article y fait-il référence? C'est la question que je me pose. Je pense donc que c'est une erreur de rédaction.

Le président : Merci. Nous ne viendrons pas à bout de ce projet de loi ce soir.

La sénatrice Dyck : Je sais.

Le président : Merci, sénatrice Dyck, de nous avoir signalé cela. J'estime qu'il s'agit d'une question d'ordre technique et qu'il faudra faire revenir les gens du ministère. Nous avons notre analyste émérite. C'est peut-être une question importante qu'il nous faudra examiner plus en détail. Je ne suis pas certain que nous allons être en mesure d'élucider le problème sur-le-champ. Nous allons demander conseil.

La sénatrice Dyck : Nous pourrions avertir les responsables ministériels concernés, et ils pourraient nous revenir avec une réponse à la fin des audiences.

Le président : D'accord. Nous ne laisserons pas cela passer. Merci, sénatrice Dyck, de nous l'avoir signalé. Je regrette que nous n'ayons pu apporter de clarifications sur-le-champ, mais nous aurons des réponses avant la fin de notre discussion sur le projet de loi.

Monsieur Clarke et madame Burke, merci beaucoup. Vous pouvez maintenant partir.

Nous avons deux témoins très patients à qui je demanderai d'avancer. Ils sont de l'école catholique Saint Kateri, qui est située dans la réserve autochtone Blood, en Alberta. L'école Saint Kateri nous a soumis un document d'information en anglais, qui a été envoyé aux services de traduction, mais qui n'a pu être traduit à temps pour la séance de ce soir. Les membres du comité acceptent-ils que nous distribuions la version anglaise seulement pour les besoins de nos échanges? Le document sera traduit plus tard. Êtes-vous d'accord pour que nous la distribuions? D'accord, cela sera noté.

Je souhaite donc la bienvenue à Dorine Rabbit, présidente du conseil d'administration de l'école catholique Saint Kateri, et Wallace Manyfingers, membre du conseil d'administration. Pendant que les témoins prennent place, j'en profite pour vous remercier pour le document d'information des plus complets que vous nous avez soumis, lequel sera distribué à tous les membres du comité ici présents. Malheureusement, notre temps est limité. Je vais donc vous demander de vous en tenir aux faits saillants de votre exposé. Vous pouvez être assurés que nous étudierons ce document d'information. Certains membres du comité pourraient d'ailleurs avoir des questions à vous poser à la suite de leur lecture du document.

Wallace Manyfingers, membre, conseil d'administration de l'école catholique Saint Kateri : Merci de nous recevoir ici aujourd'hui. Mes propos feront référence au document d'information que nous vous avons soumis. Je crois qu'un résumé est de mise. Nous faisons un suivi au sujet de la pétition soumise le 22 juin au Sénat par la sénatrice Tardif. Nous allons aussi parler de certaines parties du projet de loi. Notre principale préoccupation est décrite dans la pétition que nos membres de la tribu Blood ont soumise au Sénat pour demander une étude des traités conclus avec les Premières Nations, et notamment en matière d'éducation puisqu'il s'agit d'une priorité pour nous tous, tant pour le gouvernement que pour les Autochtones. En essence, nous demandons aux sénateurs de se montrer ouverts en nous laissant avoir une franche discussion sur les traités qui ont été conclus avec les Premières Nations et qui sont, depuis quelque temps, perçus à tort comme des contrats léonins, une interprétation à laquelle nous ne souscrivons pas. Nous les voyons plutôt comme des accords sacrés.

Nous croyons que le créateur était présent, au même titre que la Bible et nos pipes. Ce sont des accords sacrés dans la tradition biblique du terme. Nous vous demandons d'examiner attentivement les traités et nous souhaitons que le Sénat lui-même fasse de sérieux efforts pour rencontrer les Autochtones et pour essayer de bien saisir ce qu'il advient de faire à ce propos, attendu que cela figure dans l'article 35 de la Constitution.

La position que nous défendons dans la pétition, au sein de notre conseil de bande et dans notre conseil tribal sur le traité no 7 est la suivante : ne faites rien avant d'avoir examiné le traité et d'avoir travaillé avec le traité. C'est ce que nous avons toujours dit. Nous croyons que les peuples des Premières Nations ont des droits inhérents quant à la gouverne de l'éducation. Ces droits existaient déjà et personne n'a réussi à nous les enlever. Nos droits en tant que parents dans nos communautés ont été bafoués par certaines dispositions de la Loi sur les Indiens, même si ceux qui les ont rédigées ont pu croire que c'était une très bonne idée de retirer leurs droits aux parents, de retirer leurs droits aux tribus de décider d'elles-mêmes de leur système d'éducation. Nous croyions que les traités nos 1 à 9 garantissaient aux Premières Nations le contrôle sur leur système d'éducation. Si vous adoptez une loi contre cela, vous rompez le traité.

Le traité a déjà été rompu. Le Parlement a adopté une loi stipulant qu'Affaires indiennes peut conclure des marchés avec des provinces, des confessions religieuses et des écoles sans le consentement des Premières Nations. Nous demandons un retour à la situation qui existait auparavant; qu'on nous permette de donner notre opinion. Ce n'est pas vous qui allez avoir le dernier mot au sujet du système d'éducation que nous aurons; cette décision appartient aux peuples autochtones. Cessez d'errer dans cette voie unilatérale qui consiste pour le gouvernement à décider de ce qui est bon pour nous. C'est une attitude qui est vouée à l'échec.

Le Parlement nous a très bien traités, et nous parlons ici des deux chambres — on nous a interdit notre Danse du soleil, notre liberté de religion, nos potlatchs et nos cadeaux; on a dit qu'il fallait que nous restions dans nos réserves sans permis, sans fondement juridique pour les permis permettant de quitter la réserve. Il s'agit d'une mesure administrative qui a été imposée après la rébellion de Louis Riel.

Le Parlement n'a pas été très bon pour nous. Ne l'oubliez pas. Nous nous attendons à mieux de la part du Parlement, tant du Sénat que de la Chambre des communes. Que ce soit aux audiences de 1948 ou à celles de 1958, notre tribu a toujours dit la même chose : notre traité doit être respecté. Et ce n'est pas ce que fait ce projet de loi.

Nous avons une école catholique dans notre réserve, mais nous sommes inquiets, car ce projet de loi fait sauter les articles sur les droits confessionnels. Actuellement, la Loi sur les Indiens contient trois articles qui portent sur les écoles confessionnelles et sur lesquels nous nous sommes appuyés. Nous avons des écoles confessionnelles depuis la conclusion du traité. Nous avons la Bible et le christianisme, et beaucoup d'entre nous sont chrétiens. Bien entendu, nous défendons les droits confessionnels des Premières Nations, ces droits confessionnels dont tous les Canadiens peuvent se prévaloir. Pourquoi cherchez-vous à nous les enlever?

En 1974, nous avons eu un exposé de principe sur le contrôle de l'éducation des Autochtones par les Autochtones. Plus précisément, l'exposé disait : laissez les parents décider, et c'est ce que nous avons fait dans notre réserve. Nous avons obtenu près de 11 000 noms dans notre liste de bande, et nous nous sommes retirés de la Loi sur les Indiens, de vos articles sur les élections, et nous sommes revenus à la coutume. Nous ne nous sommes jamais servis des articles sur les terres de la Loi sur les Indiens, car ils sont des vecteurs d'assimilation. Nous avons nos propres lois et codes coutumiers. Pourquoi êtes-vous si empressés d'imposer des lois? Laissez nos lois coutumières ancestrales retrouver la place qui leur revient et leur force d'autrefois.

L'incertitude de ce projet de loi a nui à nos écoles. Cette incertitude a engendré la situation qui veut que, si le droit aux écoles confessionnelles n'est pas inscrit dans les règlements nationaux sur l'éducation primaire et secondaire, il n'existe tout simplement pas. Nous demandons donc que les articles sur les écoles confessionnelles soient gardés jusqu'à ce qu'ils soient modifiés. Ils sont symboliques, mais ils sont bien réels. Ils sont réels en ce sens qu'ils nous permettent de jouir des mêmes droits que tous les autres Canadiens.

Je vais maintenant demander à Dorine de vous parler des problèmes que nous avons à l'école relativement au présent gouvernement, à ce projet de loi et à ce système de gestion de l'extérieur qui nous éreinte.

Le président : Merci.

Dorine Rabbit, présidente, conseil d'administration de l'école catholique Saint Kateri : Nous avons ouvert notre école catholique il y a deux ans. Les parents et le conseil de paroisse — les catholiques — voulaient d'une école, alors c'est ce que nous avons décidé de mettre sur pied. La plupart des écoles de notre réserve sont laïques. Ce sont des écoles publiques, mais il n'y a pas d'école catholique, ce que beaucoup de parents demandaient. Je suis catéchiste. J'enseigne la catéchèse aux enfants, le soir. Je les prépare à leur première communion et leur enseigne d'autres choses. Je fais cela depuis 10 ou 15 ans. Il semblait tout naturel de mettre cette école sur pied, car beaucoup de parents déploraient le fait que les écoles publiques n'enseignent pas de valeurs aux enfants.

Nombre de nos membres catholiques envoyaient leurs enfants dans une école séparée située à l'extérieur de la réserve. Les enfants devaient donc se lever à cinq heures de matin pour aller prendre l'autobus jusqu'à l'école catholique de Lethbridge, puis revenir à la maison. Ils rentraient assez tard. Les parents ont donc dit qu'il serait peut- être bien d'avoir une école catholique dans la réserve, alors nous avons démarré le projet. Nous sommes allés voir le conseil scolaire laïc qui dirige l'éducation dans la réserve, et j'ai dit à l'un des membres du personnel ou l'un des administrateurs : « Nous avons l'intention d'ouvrir une école catholique. » Il a répondu : « En avez-vous déjà parlé à l'évêque? » Je lui ai dit que oui, et il m'a dit de préparer un plan échelonné sur trois ans. En Alberta, ce plan triennal fait partie des critères pour ouvrir une école.

Nous avons donc demandé à de nombreuses écoles séparées de la réserve si l'une d'entre elles était disposée à nous adopter, car nous voulions être une école catholique séparée. Mais elles nous ont dit : « Non. Vous avez le droit de faire ce que vous voulez dans la réserve. Vous pouvez avoir votre propre école catholique. Vous n'avez pas à être approuvés par nous en tant que représentants de la province. »

Bien entendu, nous avons été ravis de cette nouvelle. Alors nous avons trouvé tous nos enseignants, nos élèves et notre immeuble, et nous nous sommes conformés au code de la construction. Nous avons contracté des assurances. Nous avions tout. Nous avons répondu à tous les critères du gouvernement de l'Alberta pour être une école.

Nous sommes allés voir le conseil de bande, et il nous a dit : « D'accord. Nous allons approuver votre école à condition que vous soyez conformes à tous les critères et règlements de la province. » Nous avons indiqué que c'était le cas. Nos enseignants étaient dûment reconnus par la province. Notre immeuble obéissait au code de sécurité de l'Alberta. Nous allions suivre le programme scolaire albertain. Je tiens à rappeler que je suis une enseignante et que j'exerce cette profession depuis plus de 35 ans. Les enseignants que nous avions embauchés étaient catholiques. C'est ce que l'évêque nous avait dit : « Les enseignants doivent être catholiques. » Nous avions donc aussi son aval.

Alors, nous avons ouvert nos portes. Mais nous n'avions aucun financement. Nous avions tout, et ils nous ont donné un magnétoscope. Le conseil de bande et le chef et le conseil nous approuvaient. Mais quelqu'un quelque part a mis du sable dans l'engrenage. Dans la résolution que le conseil de bande nous a donnée, nous étions désignés école privée. Même la division de Calgary d'Affaires indiennes a dit : « Ne soyez pas une école privée, car les écoles privées sont très chères, et tout le reste. » Et avec les problèmes que connaît la réserve — 85 p. 100 de chômeurs, 85 p. 100 d'assistés sociaux —, les écoles privées ne sont pas la réponse.

Les fonctionnaires d'Affaires indiennes nous ont dit : « Ne soyez pas une école privée. » Nous sommes donc retournés au chef et au conseil et nous leur avons dit : « Ne nous désignez pas comme école privée. » Ils ont donc supprimé le mot « privée », et nous sommes retournés au ministère de l'Éducation pour leur faire part des nouveaux développements.

Mais il y a eu un manque de communication. Nous avons été forcés de devenir une école privée, même si nous ne le voulions pas —, et ce, même si le conseil de bande avait précisé dans sa résolution que nous n'étions qu'une simple école. Le ministère nous a désignés comme école privée. Je ne sais pas comment c'est arrivé, mais c'est ce qui est arrivé.

Depuis ce temps, nous n'avons pas été en mesure d'obtenir le financement gouvernemental qui nous revient en vertu d'un droit conféré par le traité; c'est notre droit en tant que parents, en tant qu'écoliers et en tant qu'enseignants. Les enseignants que nous embauchons font partie du traité; nommément, le traité paiera les salaires des enseignants. C'est écrit dans notre traité.

Nous n'avons jamais reçu l'argent pour les frais de scolarité. Nous sommes retournés voir le chef et le conseil à cinq reprises. On ne peut pas dire que nous ayons tenté de nous isoler ou quoi que ce soit. Nous avons fait des démarches pour les rencontrer. La dernière fois que j'ai vu le chef et le conseil, j'ai demandé au chef s'il avait reçu l'argent pour les élèves. Les élèves et les parents étaient présents. Notre conseil scolaire catholique séparé était présent. Donc, devant toutes ces personnes et devant nos enseignants, je pose ma question au chef : « Avez-vous reçu l'argent pour notre école? » Il est resté bien assis et a hoché la tête : « Oui. » Mais ils ne nous l'ont pas donné.

Voilà le problème. Il n'y a pas de quoi rire, parce que ce n'est pas drôle. Les parents se sont inquiétés. Ils ont dit au chef : « Où est l'argent des élèves? Nous voulons donner cet argent à l'école catholique pour qu'elle puisse fonctionner. » Mais cela ne s'est pas produit parce qu'ils ont confié la direction de l'éducation dans la réserve Blood au conseil scolaire laïc, et que ce conseil ne voulait pas nous reconnaître en tant qu'école catholique — comme c'est le cas dans les systèmes des écoles séparées de l'Alberta. Pour nous : rien.

Nous n'avons donc toujours pas reçu les fonds et nous voulons demander votre aide.

Le président : Merci beaucoup pour cette explication. Vous avez bien indiqué que le chef avait fait signe que oui avec sa tête que lorsqu'on lui a demandé s'il avait versé les fonds. Or, on ne le verra pas dans le procès-verbal sans que je ne le dise à voix haute.

Merci pour votre exposé et le mémoire bien étoffé que vous nous avez remis. Malheureusement, il ne nous reste pas beaucoup de temps. Vous avez bien défendu votre cause.

Vu le peu de temps qui nous est imparti, je ne permettrai à notre vice-présidente qu'une seule question ou observation. Je céderai ensuite la parole à M. Tannas, un sénateur de l'Alberta qui vit près de la réserve et qui connaît bien le dossier. Mesdames et messieurs, c'est regrettable, mais je serai obligé de lever la séance par la suite.

La sénatrice Dyck : Merci pour votre exposé et votre mémoire bien documenté. J'ai une petite question. Vous avez évoqué certaines préoccupations et je veux donc savoir si vous avez rencontré M. Clarke pour en discuter, et s'il a fourni des explications quant aux dispositions de la Loi sur les Indiens qui seraient supprimées? Y a-t-il eu des discussions ou une consultation?

M. Manyfingers : Non. Nous avons consulté notre député, mais il a pris sa retraite depuis. Il y a ensuite eu une élection partielle et nous n'avons pas de député actuellement. Nous avions bien indiqué à l'ancien député quelle était notre position quant à notre droit à une école catholique, et il s'était engagé à transmettre nos propos au gouvernement. Le projet de loi nous enlève nos droits relatifs aux écoles de confession. On nous avait promis d'éliminer toute référence aux pensionnats, mais le projet de loi nous prive de nos droits constitutionnels et de nos droits issus de traités. C'est aberrant.

Il n'y a eu aucune consultation de la part de M. Clarke. Nous avons rencontré son équipe qui nous a promis de nous fournir de plus amples renseignements. Or, nous n'avons rien reçu.

La sénatrice Dyck : Vous avez bien demandé de le rencontrer, mais vous vous êtes retrouvés avec son équipe?

M. Manyfingers : Oui. Désolé, mais les dispositions...

La sénatrice Dyck : Je cherche à savoir si M. Clarke vous a rencontrés pour vous fournir des explications ou pour savoir quelles étaient vos préoccupations.

M. Manyfingers : Nous comprenons l'objectif du projet de loi et nous sommes contre. Nous ne voulons pas nous faire enlever nos droits relatifs aux écoles de confession par quelqu'un qui se trouve à avoir le statut d'Indien inscrit.

Je n'en dirai pas plus.

La sénatrice Dyck : D'accord. Merci.

Le président : La dernière intervention sera accordée à M. Tannas. Je suis gêné par le manque de temps. J'espère que vous comprenez.

Le sénateur Tannas : Merci de vous être déplacés si loin. Nous souhaitions vivement vous entendre pour pouvoir consigner vos propos. Je vais tenter de transformer mes observations en une question, mais en attendant j'aimerais dire ce qui suit. Si j'ai bien compris, nous avons tous le droit constitutionnel de fréquenter une école de confession. Vous ne pouvez pas compter sur la garantie offerte par la disposition de la Loi sur les Indiens. Vous avez bel et bien droit à une éducation dans une école de confession dans une réserve, et le problème auquel nous sommes confrontés, tout comme vous, c'est que votre chef et votre conseil ont décidé qu'ils autoriseraient seulement l'éducation confessionnelle offerte par le conseil scolaire catholique de Lethbridge, plutôt que l'éducation choisie par les habitants de la réserve. Cela ne me semble pas juste, surtout lorsqu'on sait que le chef et le conseil perçoivent des fonds et les dépensent ailleurs.

Le problème est grave, et vous savez bien que je me suis porté volontaire pour servir d'intermédiaire entre vous- même et le chef et le conseil. J'en ai parlé à votre nouveau député, M. Barlow, qui souhaite occuper le même rôle. Nous y parviendrons, que ce soit lui ou moi ou les deux ensemble, mais pour l'instant, nous n'avons pas encore pu organiser de rencontre, et ce, malgré vos efforts et les nôtres.

Sauf votre respect, je vous dirais que vos problèmes ne sont pas causés par le projet de loi. Le problème, c'est votre chef, votre conseil et Terry. J'aimerais comprendre pourquoi vous croyez que si le projet de loi est rejeté, vous n'aurez soudainement plus de problèmes.

M. Manyfingers : Le problème du projet de loi, c'est qu'il ne respecte pas nos droits issus des traités. Il ne respecte pas notre champ de compétences. Il nous opprime. Il est faux de prétendre qu'il s'agit d'un problème interne. Sénateur, le gouvernement dit qu'il va nous retirer nos droits relatifs aux écoles de confession. Certains des membres plus conservateurs de notre conseil de bande diront : « Nous n'avons pas besoin de faire quoi que ce soit si le gouvernement n'appuie pas nos droits et supprime certaines dispositions de la Loi sur les Indiens. » Trois articles de la Loi sur les Indiens actuelle prévoient des droits relatifs aux écoles de confession. Le projet de loi supprime ces dispositions, des dispositions sur lesquelles nous comptons depuis 1876. Ces dispositions existent depuis la toute première Loi sur les Indiens. Nous croyons qu'outre nos droits constitutionnels, nous avons nos droits issus de traités qui nous permettent de décider de nos propres écoles et enseignants et de la confession de nos écoles. Le projet de loi fait fi de nos droits issus de traités.

Mesdames et messieurs, nous vous demandons, si vous allez vous entretenir avec les peuples autochtones, si vous voulez travailler avec eux et leur accorder les avantages dont jouissent d'autres Canadiens, il faut respecter les ententes. Il s'agit d'ententes sacrées, le serment ayant été prêté sur la Bible. Vous vous êtes engagés à l'époque. Nous vous demandons de tenir les promesses de vos ancêtres, comme nous le faisons. Nous sommes paisibles et nous ne gênons pas les colons. Nous respectons les lois de la Couronne. Que nous est-il arrivé? Nous voyons nos droits issus des traités qui se font gruger peu à peu. Notre position est insoutenable. Nous vous demandons de bien faire preuve de bonne volonté et d'effectuer une étude sur le traité. Nous croyons que si vous le lisez, vous en arriverez à la conclusion que nous constituions un peuple civilisé lorsque nous l'avons signé. Nous avions nos propres lois, règles et règlements. Pourquoi ne pas laisser cet esprit, ce génie, se manifester aujourd'hui plutôt que de proposer de transformer les réserves en municipalités? Cette idée est rejetée depuis 1969. Ne la ressuscitez pas.

Souhaitez-vous dire quelque chose, Dorine?

Mme Rabbit : Oui.

Le président : Je suis désolé, mais il nous reste peu de temps.

Mme Rabbit : Le ministère de l'Éducation de l'Alberta nous a envoyé une lettre. Nous sommes devenus une école publique et nous avions un numéro à ce titre. Notre école a été reconnue parce que nous avons répondu à toutes les exigences, mais maintenant, nous venons de recevoir une lettre indiquant qu'en raison de nos difficultés financières, nous ne pouvons pas ouvrir notre école catholique. C'est bien triste.

Le président : En somme, vous avez éprouvé des difficultés à obtenir les fonds nécessaires à l'école aux termes de la Loi sur les Indiens et vous craignez que les dispositions pertinentes ne soient supprimées, ai-je bien raison?

Mme Rabbit : Oui.

Le président : Vous avez éprouvé des difficultés.

Mme Rabbit : Oui.

Le président : La version actuelle de la Loi sur les Indiens, qui n'a pas été modifiée puisque le projet de loi n'a pas encore été adopté, ne vous a pas aidés. Vous dites bien que si les articles 117 à 121 sont abrogés, il deviendra encore plus difficile de régler votre problème.

Mme Rabbit : Oui.

Le président : C'est bien ça?

Mme Rabbit : Oui, nous perdrons des droits.

M. Manyfingers : Si vous me permettez d'ajouter un élément, monsieur le président. Nous avons une loi depuis 1876. Le gouvernement du Canada a adopté un règlement qui vise les écoles primaires et secondaires sans faire aucune référence à la loi. Nous vous demandons d'appliquer la loi à la politique, mais le gouvernement ne veut pas. Nous voulons savoir quel est le problème si nous avons une école de confession, à vocation caritative, gérée par notre peuple, et non par Rome. Pourquoi ne pas nous confier l'éducation? Le projet de loi ne le permettra pas.

Je vous remercie de nous avoir entendus. Nous ne voulons pas passer pour des radicaux. Ma mère, Helen Manyfingers, qui a été nommée au sein de l'Ordre du Canada en 2000, nous avait bien mis en garde : « Travaillez avec eux, cherchez à rallier les esprits et les cœurs des gens. » C'est ce que nous cherchons toujours à faire, mais il faut que ce soit réciproque. Essayez de comprendre que nous avons ces traités et la Constitution. Servons-nous-en comme point de départ.

Le président : Voilà le défi que vous nous confiez, monsieur. Merci beaucoup. Nous vous remercions de vous être déplacés et de nous avoir transmis tous ces renseignements.

Nous avons bien pris note de vos préoccupations. Merci.

Chers collègues, merci. La séance est levée.

(La séance est levée.)


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