Aller au contenu
APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 10 - Témoignages du 25 novembre 2014


OTTAWA, le mardi 25 novembre 2014

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 31, pour étudier les problèmes liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations.

[Français]

Marcy Zlotnick, greffière du comité : Honorables sénateurs, en tant que greffière du comité, il est de mon devoir de vous informer de l'absence inévitable du président et de la vice-présidente et de présider à l'élection d'un président suppléant. Je suis prête à recevoir une motion à cet effet.

[Traduction]

La sénatrice Raine : Je propose que le sénateur Tannas soit élu président.

Mme Zlotnick : Y a-t-il d'autres nominations?

Le sénateur Moore : Je propose que l'on mette fin aux nominations.

Mme Zlotnick : Puisqu'il n'y a pas d'autres nominations, il est proposé par l'honorable sénatrice Greene Raine que l'honorable sénateur Tannas agisse à titre de président du comité.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter cette motion?

Des voix : D'accord.

Mme Zlotnick : Je déclare la motion adoptée. J'invite le sénateur Tannas à occuper le fauteuil.

Le sénateur Scott Tannas (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le président suppléant : J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les honorables sénateurs et à tous les membres du public qui assistent à la séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones ou qui la regardent sur CPAC ou sur le site web. Je m'appelle Scott Tannas, sénateur de l'Alberta, et aujourd'hui, j'ai le privilège de présider les travaux du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

Le mandat de ce comité consiste à examiner les projets de loi et les questions qui concernent les peuples autochtones du Canada en général. Ce matin, nous sommes ici pour entendre des témoignages dans le contexte d'un ordre de renvoi précis nous autorisant à examiner, en vue d'en faire rapport, les problèmes et les solutions possibles liés à l'infrastructure dans les réserves, notamment pour ce qui est du logement, des infrastructures communautaires, des options de financement novatrices et des stratégies de collaboration plus efficaces.

Nous avons terminé nos audiences sur la question du logement, et notre étude sera maintenant axée sur l'infrastructure. Aujourd'hui, nous entendrons deux groupes de témoins, le premier parlera des partenariats entre le secteur public et le secteur privé en matière d'infrastructure et le deuxième, des problèmes auxquels sont confrontées les organisations régionales quand vient le temps de se doter d'infrastructures.

Avant d'entendre les témoignages, j'aimerais faire un tour de table et inviter les membres du comité à se présenter.

Le sénateur Moore : Bonjour à tous. Je m'appelle Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Lovelace Nicholas : La sénatrice Lovelace, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Watt : Charlie Watt, du Nunavik.

Le sénateur Sibbeston : Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest.

Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Beyak : La sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario.

La sénatrice Raine : Je m'appelle Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

Le président suppléant : Je demanderais aux membres du comité de se joindre à moi afin d'accueillir les membres du premier groupe d'experts sur les partenariats public-privé. Du Conseil canadien pour les partenariats public-privé, nous recevons Mark Romoff, qui en est le président et le chef de la direction. Nous accueillons également Dale Booth, qui est le président de Tiree Innovation Inc. Nous avons bien hâte d'entendre vos exposés, qui seront suivis par une période de questions de la part des sénateurs. Je crois comprendre que M. Romoff prendra la parole en premier.

Mark Romoff, président et chef de la direction, Conseil canadien pour les partenariats public-privé : Bonjour et merci, monsieur le président, madame la greffière, mesdames et messieurs les membres du comité ainsi que le personnel de m'avoir invité à comparaître ce matin devant le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

Malgré le fait que le gouvernement et les Premières Nations ne s'entendent pas sur le montant exact du déficit en matière d'infrastructure dans les réserves, aucune des deux parties ne conteste le fait qu'il y en a un et qu'il s'élève à des milliards de dollars. Nous savons que les besoins en matière de nouvelles infrastructures et de réparation des biens existants s'étendent sur un certain nombre de secteurs, notamment l'eau, les eaux usées, les écoles, le logement, les postes de policiers, les établissements de santé, les routes, les ponts, l'énergie et les connexions à large bande.

Il est donc grand temps que le comité se penche sur une question si importante et qui préoccupe tant de Canadiens, mais encore davantage ceux qui vivent dans les réserves. Il faudra trouver de nouvelles façons de mettre en place des infrastructures et d'éliminer les obstacles existants pour faire en sorte que les communautés des Premières Nations soient fortes et en santé.

Comme bon nombre d'entre vous le savent, il n'existe aucune solution magique. Il faudra plutôt leur fournir une série d'outils et faire des investissements sur une durée appréciable pour en arriver au point où les infrastructures dans les réserves soient conformes à des normes dont nous pouvons tous être fiers.

Je suis ici aujourd'hui pour vous dire que les partenariats public-privé, ou les PPP, comme nous les appelons au Canada, sont un outil que les gouvernements peuvent utiliser pour réduire le déficit en matière d'infrastructure dans les réserves. Les faits montrent que lorsqu'ils sont utilisés de la bonne manière, les PPP permettent de doter les communautés d'infrastructures de calibre mondial tout en exécutant les projets dans les délais prévus, dans les limites du budget et à moindre coût, et ce, en présentant moins de risques que lorsque les projets sont mis en œuvre de la manière traditionnelle.

Nous savons que les gouvernements ne sont pas capables de financer beaucoup des projets nécessaires sans accumuler un énorme déficit. Les PPP peuvent jouer un rôle sur ce plan parce qu'ils confient au secteur privé la responsabilité de financer les projets, tandis que le gouvernement rembourse le secteur privé au fil du temps, au fur et à mesure que les étapes importantes sont atteintes. Simplement dit, les PPP permettent au gouvernement de mettre en place aujourd'hui des infrastructures qui ne seraient pas mises en place autrement à cause des contraintes financières.

Nous savons tous que la qualité des nouvelles infrastructures dans les réserves est souvent inférieure à la qualité de celles qui sont construites à l'extérieur des réserves, parce qu'il n'y a pas de normes législatives. Encore une fois, les PPP peuvent aider à résoudre ce problème parce qu'ils intègrent des normes de qualité et d'entretien dans le contrat et que des pénalités sont prévues si ces normes ne sont pas respectées. En résumé, les paiements du gouvernement peuvent être retenus si la qualité de l'infrastructure n'est pas à la hauteur. C'est le secteur privé qui prend les risques.

Nous savons que les projets de construction ne respectent souvent pas les délais et qu'ils ont souvent des dépassements de coûts. Dans une réserve, la situation peut être pire en raison des courtes saisons de construction. Contrairement à la méthode conventionnelle de conception-soumission-construction, les partenariats public-privé intègrent la conception, la construction, le financement, l'entretien et/ou le fonctionnement d'une installation dans un seul contrat. Cela permet d'assurer une meilleure gestion de projet. De plus, les contrats prévoient des pénalités si le secteur privé ne respecte pas les délais et tiennent aussi le secteur privé responsable des dépassements de coûts. Pour beaucoup de ces raisons, les PPP sont utilisés dans le Nord pour le projet de Câble à fibre optique de la vallée du Mackenzie, le projet de l'Hôpital territorial Stanton — deux grands projets dans les Territoires du Nord-Ouest —, les édifices du gouvernement du Nunavut et le projet de rénovation de l'aéroport international d'Iqaluit. Ils suivent tous ce modèle. Cela s'avère prometteur pour les Premières Nations dans les communautés du Nord et dans les régions éloignées.

Enfin, nous savons que, une fois que les infrastructures sont mises en place dans les réserves, il est difficile de les entretenir. Ce n'est pas différent des installations à l'extérieur des réserves. Soit les Premières Nations ont de la difficulté à obtenir le financement nécessaire pour fournir leur part des coûts de fonctionnement et d'entretien, soit la communauté n'a tout simplement pas la capacité d'entretenir les installations. Les PPP attribuent au secteur privé la responsabilité de l'entretien et, dans certains cas, de l'exploitation des éléments d'actifs pour la durée du contrat, et ils établissent aussi des normes de service et de restitution.

Les avantages de suivre le modèle des PPP au Canada sont clairs. À l'heure actuelle, 220 projets de PPP sont à l'étape de l'exploitation, à l'étape de la construction ou à l'étape de l'approvisionnement dans l'ensemble du pays, et ce, dans une grande variété de secteurs. Aujourd'hui, la valeur de nos projets ayant fait l'objet d'une clôture financière dépasse 70 milliards de dollars. Il s'agit d'une industrie importante au Canada.

Ces projets obtiennent des résultats. Selon une évaluation indépendante des répercussions économiques des PPP au Canada qui a été lancée l'année dernière et qui s'étendra sur 10 ans, ces projets ont créé plus de 290 000 emplois directs, et plus d'un demi-million d'emplois quand on tient compte des emplois indirects et tertiaires. La contribution directe de ces projets au PIB du Canada s'élève à 25 milliards de dollars. Les PPP ont généré 7,5 milliards de dollars en recettes fiscales pour les gouvernements fédéral et provinciaux, et ils ont permis aux gouvernements d'économiser 9,9 milliards de dollars comparativement aux options traditionnelles d'approvisionnement.

Selon des sondages d'opinion publique, les Canadiens appuient fortement le recours aux PPP pour construire des infrastructures et fournir des services à la population. Selon un sondage national récent, 62 p. 100 des répondants appuient l'approche des partenariats public-privé en matière de développement des infrastructures. Cet appui est plus élevé encore quand les citoyens sont conscients de l'existence d'un projet de PPP dans leur collectivité. Par ailleurs, selon les recherches, une majorité des Canadiens interrogés dans les collectivités où il y a des PPP croient que le projet n'aurait jamais vu le jour sans l'approche des partenariats public-privé.

Toutefois, le nombre de PPP augmente lentement dans les communautés des Premières Nations. Jusqu'à tout récemment, l'établissement correctionnel que l'on est en train de construire dans la réserve des Osoyoos était le seul projet de PPP dans une réserve. Tout récemment, PPP Canada a financé son premier projet en collaboration avec les Premières Nations, soit le projet hydroélectrique Kokish en collaboration avec la Première Nation de Namgis; PPP Canada accordera un prêt pour permettre aux Premières Nations d'acheter une participation en capital dans le projet à un taux d'intérêt beaucoup moins élevé que le marché ne leur aurait accordé.

Dans le projet d'oléoduc, nous savons que le Congrès des chefs des Premières Nations de l'Atlantique mène une initiative visant à regrouper les projets liés à l'approvisionnement en eau potable et au traitement des eaux usées et à créer un seul organisme chargé de la gestion de l'eau. Il s'agit d'une initiative révolutionnaire dont le prochain groupe de témoins vous parlera davantage, j'en suis certain. De plus, nous savons que les pourparlers se sont poursuivis de façon sporadique au sujet de la construction possible d'écoles dans le nord du Manitoba.

Nous savons que l'intérêt est là d'un bout à l'autre du pays, mais il existe certains obstacles. Le premier obstacle, c'est la capacité. Les PPP font preuve de diligence raisonnable dès le départ, ce qui exige de l'expertise et de l'argent. Pour équiper les Premières Nations des outils dont elles auront besoin pour entreprendre des PPP, il faudra que ses membres soient mieux formés, qu'ils adoptent des pratiques exemplaires et qu'ils aient accès à des conseillers juridiques, financiers et techniques.

Le deuxième obstacle est l'accès au capital. Même si les PPP peuvent résoudre une partie du problème en matière de financement, les Premières Nations ont besoin d'avoir les outils qui leur permettront de tirer profit des revenus à long terme, de la même manière que d'autres ordres de gouvernement le font. Les contrats de PPP ont tendance à avoir une durée de 25 à 35 ans, ce qui dépasse de loin la durée moyenne des accords de financement des Premières Nations.

Le troisième obstacle est celui du regroupement. Les PPP ont tendance à donner de meilleurs résultats quand il s'agit de grands projets complexes. Le regroupement de projets dans le même secteur, mais dans plusieurs communautés ou le regroupement de divers projets au sein d'une seule communauté se prêtent bien au modèle des PPP. Le regroupement de projets veut dire que le gouvernement doit jouer un rôle de coordonnateur.

Avant de conclure, monsieur le président, j'aimerais prendre quelques instants pour parler du conseil. Fondé en 1993, le Conseil canadien pour les partenariats public-privé est un organisme national sans but lucratif constitué de membres qui représentent l'ensemble des secteurs public et privé. Le conseil a comme mission de promouvoir des approches novatrices en matière de développement des infrastructures et de prestation des services publics au moyen de partenariats public-privé avec tous les ordres de gouvernement. Le conseil préconise une politique gouvernementale fondée sur des données probantes à l'appui des PPP, facilite l'adoption des pratiques exemplaires internationales et sensibilise les intervenants et les collectivités aux avantages économiques et sociaux des partenariats public-privé.

Le conseil organise une conférence annuelle qui est reconnue à l'échelle internationale comme étant le premier forum en importance qui rassemble des hauts fonctionnaires et des chefs d'entreprise dans la communauté des PPP, au cours duquel on souligne les projets de PPP du Canada à avoir donné les meilleurs résultats en leur attribuant des prix nationaux pour l'innovation et l'excellence.

Comme certains d'entre vous le savent peut-être déjà, les 3 et 4 novembre, nous avons tenu notre vingt-deuxième conférence annuelle, à Toronto. J'ai été particulièrement ravi de voir que le programme comprenait une discussion de groupe sur les possibilités pour les communautés autochtones d'utiliser le modèle des PPP pour résoudre leurs problèmes sur le plan des infrastructures. Le groupe de discussion était présidé par Harold Calla, président exécutif du Conseil de gestion financière des Premières Nations, et les membres du groupe comprenaient John Paul — qui, comme vous le savez, est ici aujourd'hui —, qui est le directeur exécutif du Secrétariat du Congrès des chefs des Premières Nations de l'Atlantique, Garry Ullstrom, qui est l'agent principal des finances de la Première Nation de Namgis, Jack Bittan, le premier vice-président du Développement des affaires de Capstone Infrastructure et Greg Smith, qui est le vice-président de Finances, Risques et Administration et le directeur financier de PPP Canada.

En terminant, j'espère que vous conviendrez avec moi que les partenariats public-privé peuvent grandement contribuer à réduire le déficit en matière d'infrastructure dans les réserves. Ceci n'est pas une panacée, mais notre bilan au Canada montre que les PPP produisent des infrastructures de haute qualité dans les délais prévus, dans les limites du budget et à moindre coût.

Le Conseil canadien pour les partenariats public-privé est disposé à aider les efforts des communautés des Premières Nations à combler leur déficit en matière d'infrastructure et de renverser la situation de manière à favoriser le développement économique et à accroître la prospérité dans ces communautés.

Je serai heureux de répondre à vos questions.

Dale Booth, président, Tiree Innovation Inc. : Bonjour. J'aimerais remercier le comité de m'avoir invité ce matin. Je suis très reconnaissant d'avoir la possibilité de parler des infrastructures dans les communautés des Premières Nations.

Je m'appelle Dale Booth. Je suis un membre de la Première Nation de Naotkamegwanning, dans le nord de l'Ontario, et je prends part à des partenariats public-privé depuis 2005. J'ai été témoin de projets d'une valeur de plus de 2 milliards de dollars qui ont pu voir le jour au moyen d'analyses de rentabilisation et même du processus d'approvisionnement. D'après ce que nous avons appris et ce que nous avons vu jusqu'à présent, je dirais que certains de mes projets favoris sont les projets de logement en Colombie-Britannique, comme l'initiative visant des chambres simples, le projet de l'APC, qui prend de l'ampleur, et aussi le projet de l'aéroport d'Iqaluit en raison de certaines des approches qui sont adoptées dans le cadre des travaux de construction.

J'ai un point de vue privilégié parce que je comprends les PPP et j'ai participé au développement des PPP, et parce que je comprends aussi les Premières Nations du fait que je travaille avec elles depuis plus de 20 ans.

Je considère que les PPP permettent d'introduire une nouvelle façon d'exécuter des projets d'infrastructure dans ces communautés. Je suis d'accord avec Mark pour dire qu'il ne s'agit pas d'une panacée, mais que certains éléments des PPP et certaines des options qu'ils offrent en matière de prestation des services pourraient bénéficier aux communautés des Premières Nations et aux contribuables canadiens en général.

Quand nous examinons des projets de PPP et la possibilité de réaliser des projets de ce genre, nous tenons compte de l'aspect des risques et de la gouvernance et aussi de ce à quoi le marché s'attend.

Nous avons grandement bénéficié des leçons qui ont été apprises à l'étranger et au pays. Le marché canadien des PPP est en train d'attirer des investisseurs étrangers en raison de son taux de réussite. Nous aussi, nous pouvons tirer une foule de leçons de l'expérience canadienne afin — espérons-le — d'adapter le modèle canadien pour l'utiliser dans les communautés des Premières Nations.

J'aimerais vous remercier de nous avoir donné la chance de comparaître. Je serai heureux de répondre à vos questions ce matin.

La sénatrice Raine : Je vous remercie tous les deux d'être ici. Je dois dire qu'il est très encourageant d'entendre ce que vous dites parce que, comme vous l'avez dit au début, monsieur Romoff, nous savons tous qu'il existe un énorme déficit du côté des infrastructures dans les réserves.

Vous avez mentionné qu'il faudra fournir des outils. Pourriez-vous dire plus précisément quels sont les outils que le gouvernement fédéral devrait fournir? À mon avis, vous souhaiteriez que leur engagement sur le plan financier soit à plus long terme.

M. Romoff : Il est certain que les gouvernements devraient toujours mettre en place des plans d'infrastructure à long terme pour veiller à ce que les collectivités bénéficient des programmes de développement nécessaires, ce qui aurait des répercussions directes sur le plan de la prospérité économique et de la compétitivité à l'échelle mondiale. Nous encourageons le gouvernement fédéral et tous les gouvernements provinciaux du Canada à aller de l'avant avec des programmes de ce genre.

Le gouvernement du Canada a mis en place un plan sur 10 ans, tout comme le gouvernement de l'Ontario. La chose importante à faire remarquer dans le cas de l'Ontario, c'est que le gouvernement a dévoilé son projet concernant le pipeline; cela veut dire que le secteur privé, qui aimerait prendre part à ce projet, sait exactement ce que le gouvernement de l'Ontario prévoit faire.

Dale a fait référence au fait que l'approche du Canada pour les PPP est reconnue à l'échelle internationale comme étant la meilleure en son genre. Il n'a pas utilisé ces mots, mais je suis heureux d'utiliser ces mots parce que nous les entendons tout le temps, et cela est dû, en partie, au fait que notre approche comporte des éléments tout à fait distincts.

D'abord et avant tout, nous bénéficions d'un soutien incroyable de la part des politiciens. Vous n'êtes pas sans savoir que l'ancien ministre des Finances, Jim Flaherty, était un ambassadeur exceptionnel des partenariats public- privé et qu'il a beaucoup contribué à en faire la promotion; quelle grande perte pour nous tous.

Au niveau provincial, le premier ministre de la Colombie-Britannique est un ardent défenseur des PPP, et avant cela, bien sûr, Gordon Campbell l'a aussi été, lui qui est maintenant le haut-commissaire du Canada au Royaume-Uni. En fait — je ne suis pas certain qu'il aimerait cette terminologie —, il est le père des PPP au Canada parce qu'il a été le premier à introduire le modèle au Canada et à l'utiliser efficacement pour faire en sorte que toutes les infrastructures nécessaires soient construites à temps pour les Jeux olympiques.

Je me suis probablement éloigné de la question que vous m'avez posée. Le fait est que, au Canada, il existe un besoin permanent, tant dans les réserves qu'à l'extérieur des réserves, de combler le déficit en matière d'infrastructures. Selon les estimations, ce déficit s'élèverait à un montant de 300 à 400 milliards de dollars. Il faudra donc trouver des approches novatrices pour le combler, compte tenu de l'ampleur du déficit et des compressions budgétaires. Bien que les PPP ne soient pas une panacée, ils constituent une approche possible. Comme je l'ai mentionné plus tôt, l'approche a eu des répercussions économiques réellement positives au Canada et, à mon avis, elle aura les mêmes répercussions économiques dans les réserves.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup.

J'aurais une question complémentaire. Lorsque vous analysez les besoins en matière de PPP, je suppose que vous examinez les possibilités économiques de la communauté ou de la Première Nation car, de toute évidence, on ne veut pas construire des infrastructures si on ne prévoit pas une croissance ou une économie durable au sein de la communauté. On ne veut pas aménager trop d'infrastructures.

Par conséquent, PPP Canada accorde-t-elle les fonds nécessaires à la planification du développement économique de la communauté?

M. Romoff : C'est une bonne question, madame la sénatrice. Je ne connais pas très bien son programme parce que, comme vous le savez, PPP Canada est une société d'État. Dale pourrait vous en parler mieux que moi, mais je sais qu'elle affecte des fonds pour aider les communautés à faire les travaux préparatoires à l'étude de cas servant à démontrer la viabilité de l'approche des partenariats public-privé pour un projet en particulier, et cela inclurait un examen attentif des avantages économiques.

Dale, auriez-vous quelque chose à ajouter?

La sénatrice Raine : Je pourrais peut-être vous donner un exemple précis. Nous avons visité une réserve en Colombie-Britannique, la Première Nation Tsarlip, qui est située tout près de Victoria. En fait, elle est voisine de la communauté de Saanich, qui est une communauté très prospère, et la réserve a beaucoup de difficulté à obtenir du financement pour établir un plan de développement économique et un plan directeur pour sa communauté. On ne parle pas d'énormément d'argent ici, mais sans plan, on ne sait pas quelle direction prendre. Ce sont donc les lacunes que j'observe. Ce sont parfois des petites choses qui les empêchent de planifier pour l'avenir.

M. Booth : Je conviens qu'il y a un besoin évident d'analyser l'incidence qu'aura l'aménagement d'infrastructures au sein de la communauté, qu'elle soit positive ou négative, et cela doit se faire avant d'entreprendre le projet.

Je crois qu'il y a des fonds alloués à la planification communautaire globale, y compris à l'analyse des aspects économiques, mais si on parle des partenariats public-privé et, plus précisément, du financement obtenu par l'entremise de PPP Canada, cet argent servirait à réaliser l'analyse de rentabilisation qui nous permettrait de déterminer s'il est rentable d'adopter l'approche des PPP.

On pourrait effectuer une analyse de rentabilisation. Cette analyse fait la comparaison entre un projet qui utilise une méthode de conception-construction ou un mode conventionnel et un modèle de conception-construction- financement-entretien-exploitation, c'est-à-dire un partenariat public-privé. On peut ensuite déterminer s'il est rentable d'opter pour un PPP. J'ai déjà pris part à plusieurs analyses de rentabilisation. Dans certains cas, il était plus rentable de financer le projet dans le cadre d'un PPP, et dans d'autres cas, il était préférable de choisir une autre option.

C'est donc le financement qu'on pourrait obtenir, par l'intermédiaire de PPP Canada, pour évaluer ce genre de choses.

Le sénateur Moore : Merci, messieurs, d'être ici aujourd'hui. J'aimerais faire suite aux questions de la sénatrice Raine.

Dans votre mémoire, monsieur Romoff, vous avez dit que l'établissement correctionnel à Osoyoos était le seul projet réalisé dans les réserves. Comment peut-on expliquer cela? Pourquoi est-ce le seul? Y a-t-il d'autres réserves qui ont présenté des demandes ou qui ont tenté de financer un projet dans le cadre d'un PPP et qui n'ont pas obtenu le financement, pour quelque raison que ce soit?

M. Romoff : Mis à part ceux dont j'ai parlé plus tôt, je ne connais pas d'autres projets dans les réserves pour lesquels on voulait utiliser le modèle de PPP. Encore une fois, vous en saurez davantage par le Congrès des chefs des Premières Nations de l'Atlantique.

Ce que je dirais, sénateur, c'est qu'il s'agit d'une situation unique, en ce sens que le projet n'est pas un projet de la collectivité d'Osoyoos, mais plutôt un projet qui a été réalisé sur sa réserve. C'est le centre correctionnel d'Okanagan. Ce projet fait intervenir la province de la Colombie-Britannique, et on construit un établissement correctionnel sur la réserve. On a en quelque sorte établi un partenariat avec la collectivité d'Osoyoos pour s'assurer d'avoir les terres disponibles afin d'accueillir l'établissement.

Le sénateur Moore : Nous avons visité cette réserve et le site de construction. Le propriétaire de l'établissement est donc le centre correctionnel d'Okanagan?

M. Romoff : Oui.

Le sénateur Moore : Ce n'est pas le gouvernement du Canada. Il s'agit donc d'un établissement correctionnel privé...

M. Romoff : Ce n'est pas privé. La clé de ce partenariat public-privé, c'est que le gouvernement possède et contrôle l'établissement. Dans ce cas particulier, le centre correctionnel d'Okanagan appartient à la province de la Colombie- Britannique, et il est situé sur une réserve.

Le sénateur Moore : En ce qui a trait aux obstacles dont vous nous avez fait part, vous nous avez tout d'abord parlé de la capacité, mais aussi des pratiques exemplaires et de l'accès à des conseillers juridiques, financiers et techniques. Est-ce que tout cela doit être mis en place avant qu'on puisse examiner sérieusement un projet de PPP?

M. Romoff : Pas nécessairement, mais il serait sage de s'assurer d'avoir les bons conseils avant d'aller de l'avant avec un projet de PPP.

Pour être honnête, sénateur, dans ce cas-ci, vous pourriez décider d'aller de l'avant avec votre projet d'infrastructure en optant pour le modèle de PPP ou une approche plus traditionnelle. À vrai dire, ce n'est pas propre aux communautés des Premières Nations.

À l'heure actuelle, au pays, il y a des gouvernements qui ont plus d'expérience en matière de PPP et qui continuent à les utiliser, mais en réalité, la croissance dans l'industrie des PPP au Canada passe du niveau provincial au niveau des municipalités et des communautés des Premières Nations. Ces deux groupes sont des acteurs relativement nouveaux dans ce domaine, alors il est important qu'ils se renseignent le plus possible, et PPP Canada les aide à ce chapitre. Nous les aidons également et, pour ce faire, nous établissons souvent des partenariats avec PPP Canada.

C'est une façon différente de financer les infrastructures. C'est compliqué, alors il est important que les communautés comprennent bien la marche à suivre. Même dans les provinces les plus avancées, comme l'Ontario, la Colombie-Britannique ou l'Alberta, pour chaque projet, le gouvernement embauche des professionnels qui donneront des conseils juridiques, financiers et techniques, tout comme le fait le consortium du secteur privé.

Le sénateur Moore : Dans votre exposé, vous avez indiqué que votre conseil éduquait les intervenants, alors j'imagine que vous parlez de la participation des Premières Nations à des projets ainsi qu'à leur apprentissage tout au long du projet. Comme pour toute transaction d'affaires, je conviens qu'il faut avoir les bons conseils, mais est-ce réellement le processus qui se déroule? Apprendront-elles ces normes et ces pratiques au fur et à mesure que le projet avance?

M. Romoff : Je pense qu'il est important que les communautés comprennent ce dans quoi elles s'embarquent avant le début du projet. Certaines des activités que mène mon conseil visent à sensibiliser les gens au modèle de PPP, afin qu'ils le comprennent mieux et qu'ils l'adoptent davantage. Toutefois, il est essentiel que, dès le départ, les communautés soient informées des possibilités qui s'offrent à elles et de la meilleure façon de procéder.

Le sénateur Moore : Pourriez-vous nous parler de la façon typique dont le financement serait mis en place pour un projet?

M. Romoff : Bien sûr.

Le sénateur Moore : Par exemple, sans trop divulguer de détails, pourriez-vous nous parler du projet d'Osoyoos?

M. Romoff : Dans ce cas particulier, le gouvernement de la Colombie-Britannique a décidé de réaliser ce projet dans le cadre d'un PPP et s'est tourné vers un consortium d'entreprises privées pour la conception, la construction, le financement et l'entretien pour une période de 30 ans. C'est une entente assez typique.

Le processus normal, dans une situation comme celle-là, serait que le gouvernement annonce le projet publiquement et lance un appel de manifestation d'intérêt aux entreprises privées. Ce qui se produit normalement dans ce cas, c'est qu'un certain nombre de consortiums répondent officiellement au gouvernement, en exprimant leur intérêt et leur point de vue sur le projet. Le gouvernement prend ensuite la liste des consortiums intéressés — il pourrait en avoir six ou sept — et en garde seulement trois. Ce sont les trois principaux promoteurs. Ce sont eux qui recevront la demande de proposition à laquelle ils devront répondre à l'intérieur d'un certain délai.

Le sénateur Moore : Cela comprendrait le financement?

M. Romoff : Oui.

Le sénateur Moore : Dans ce cas, quelle est la proportion ou le pourcentage financé par le gouvernement ainsi que par le secteur privé, et de quelle façon celui-ci obtient-il son financement? S'il finance le projet aux trois quarts, doit-il obtenir une garantie du gouvernement pour sa partie du financement?

M. Romoff : Les entreprises privées obtiennent leur financement de deux façons. Tout d'abord, elles peuvent faire un emprunt à long terme auprès des banques. Elles pourraient aussi disposer d'un avoir propre représentant 7 ou 10 p. 100 des coûts du projet.

C'est la clé de ces projets, car dès que le secteur privé a un grand intérêt en jeu, il s'assurera que le projet est réalisé dans les délais impartis et suivant le budget établi et que toutes les obligations sont respectées au cours de la période de 30 ans, autrement, il sera pénalisé. Il est étonnant de voir à quel point les entreprises privées prêtent attention lorsqu'elles risquent de perdre de l'argent.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Je souhaite la bienvenue aux témoins.

Je ne sais pas si vous avez répondu à la question de mon collègue au sujet du rôle du gouvernement. Je me demande si le modèle de PPP ne décharge pas le gouvernement de sa responsabilité de financer les infrastructures des Premières Nations.

M. Romoff : Non. Il est important de comprendre la différence entre les fonds et le financement.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Je connais la différence.

M. Romoff : Je suis désolé; ce n'est pas ce que je voulais dire.

Dans le contexte des partenariats publics-privés, on parle uniquement d'accords de financement auxquels prend part le secteur public. Le financement du gouvernement est déjà en place, grâce à tous les mécanismes fiscaux dont il dispose.

C'est un peu comme acheter une maison avec une hypothèque, sauf que nous préférerions avoir un partenariat public-privé. En vertu d'un accord de PPP, nous achetons la propriété, mais nous versons des paiements échelonnés, mensuels ou annuels, sur une période de 30 ans.

La différence, c'est que dans le cadre d'un PPP, si mon toit coule, la personne qui a construit la maison doit le réparer à ses frais et assurer son entretien jusqu'à un certain niveau pour les 30ou 35 prochaines années. C'est ce qui distingue principalement les PPP. On garantit que l'actif sera maintenu au niveau convenu au moment de signer le contrat pour les 30 prochaines années, de façon à ce qu'il soit en parfait état lorsqu'il sera remis au gouvernement. C'est donc une caractéristique très unique.

M. Booth : De plus, cela fait en sorte qu'il y a de l'argent à risque tout au long de la période de concession. Si, par exemple, à la 18e année de l'entente, le consortium ne respecte pas ce qu'il a dit, il risque de perdre de l'argent. Il peut toujours être pénalisé plus tard s'il ne s'acquitte pas de ses obligations en vertu du contrat, ce qui est un très bon élément.

S'il n'effectue pas de réparations et que le toit continue de couler, on pourrait le pénaliser et ne pas lui verser le montant complet qu'il était censé recevoir parce qu'il n'a pas corrigé le problème. On ne le paie donc pas. Les banques et les fournisseurs de capitaux qui font partie de ce consortium ne seront pas contents et veilleront à ce qu'on remédie au problème.

M. Romoff : Ainsi, madame la sénatrice, on s'assure d'avoir des solutions novatrices aux problèmes et que les consortiums qui prennent part à ces projets utilisent des matériaux de pointe.

Dans le cas de la construction d'une route, par exemple, on n'utilisera pas du gravier de qualité inférieure, parce que si l'on doit paver de nouveau la route dans deux ans, les coûts seront assumés par le consortium d'entreprises privées. Comme il s'agit d'un contrat à prix fixe, on ne peut pas se permettre un mauvais rendement.

Ce sont des éléments uniques qui ont fait leurs preuves au Canada et ailleurs dans le monde.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Si le modèle des partenariats public-privé est aussi exceptionnel que vous le dites pour les Premières Nations, pourquoi vient-il tout juste d'être porté à notre connaissance?

M. Romoff : Parce que c'est un processus qui évolue. Le Canada l'utilise depuis près de 20 ans, et les municipalités commencent à peine à l'utiliser.

Le mandat du conseil consiste en grande partie à sensibiliser les gens à ce modèle, à son fonctionnement et aux avantages qu'il procure aux communautés.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Une Première Nation peut-elle avoir accès à ce modèle de PPP?

M. Romoff : Oui. Les communautés des Premières Nations sont admissibles au financement de PPP Canada, ce qui permet au gouvernement, dans le cadre de ce fonds, de contribuer jusqu'à 25 p. 100 du coût en capital de ces projets. Les communautés des Premières Nations sont considérées au même titre que les provinces et les municipalités pour ce qui est d'avoir accès au financement du gouvernement.

Le sénateur Sibbeston : À la page 1 de votre mémoire, vous dites que les PPP permettent de réaliser des projets « à moindre coût et avec moins de risques. » Si c'est le cas, alors pourquoi on n'utilise pas toujours cette approche? Je croyais que l'avantage des PPP était que les institutions ou les gouvernements qui n'ont pas les fonds aujourd'hui peuvent faire construire un immeuble ou un établissement, mais il reste qu'il y a des frais d'intérêts connexes qui s'étalent sur 30 ans. J'imagine qu'au final, le coût est plus élevé que si on trouvait simplement l'argent et qu'on menait le projet.

Êtes-vous en train de me dire que le PPP est la façon la plus économique de construire un actif ou de mener un projet? Cette méthode est-elle aussi bonne que vous le prétendez?

M. Romoff : Les preuves le confirment.

La question des coûts prête à de mauvaises interprétations. Les gouvernements peuvent emprunter de l'argent à des taux moins élevés que le secteur privé; par conséquent, le coût de construction d'un projet ou le coût initial peut paraître inférieur si c'est le gouvernement qui a fait l'achat ou emprunté l'argent. Toutefois, l'une des caractéristiques des PPP, c'est le cycle de vie de l'actif. Quand on tient compte du coût de l'entretien pendant la durée du projet, qui s'échelonne sur 30 ou 35 ans, et de la certitude qu'en fait, il sera entretenu, vous verrez que le coût du projet, tout au long de sa durée, sera considérablement moins élevé en mode PPP qu'en mode conventionnel.

Nous avons constaté par le passé que lorsque les gouvernements ont recours à la sous-traitance pour construire des actifs ou des édifices, ces projets sont souvent sujets à d'importants dépassements de coûts et à des retards dans la réalisation. Il en est ainsi depuis une centaine d'années.

La difficulté réside dans le comportement humain, c'est-à-dire dans le fait d'amener les gens à changer la façon dont ils ont toujours fait les choses. Comme Dale l'a indiqué, nous avons remarqué que lorsque c'est fait pour les bonnes raisons, si on peut démontrer qu'il est plus rentable d'aller de l'avant avec un partenariat public-privé, le projet est réalisé conformément au calendrier et au budget établis et avec des économies importantes.

Je dirais que la Canada Line, qui a été construite à Vancouver, est un exemple typique d'un projet pour lequel le gouvernement de la Colombie-Britannique s'est tourné vers le secteur privé pour sa conception, sa construction, son financement, son exploitation et son entretien. Jusqu'à maintenant, le projet est rentable et cette façon de faire a permis au gouvernement d'épargner 90 millions de dollars. On a terminé les travaux de construction à l'avance, car on tenait absolument à ce que cette ligne de métro soit opérationnelle avant le début des Jeux olympiques.

Le sénateur Sibbeston : Je me demande si cette approche des partenariats public-privé plaira aux Premières Nations, qui s'intéressent grandement aux emplois et aux contrats, entre autres, qui peuvent découler de ces projets. Dans le cadre d'un PPP, j'imagine que les entreprises insisteront pour avoir leurs propres effectifs afin de pouvoir garder le contrôle tout au long du projet.

Bref, plutôt que de recourir aux services des gens et des entreprises du coin, ils vont insister pour employer leur propre personnel. Ne serait-ce pas au désavantage des Premières Nations?

M. Romoff : Ce n'est généralement pas le cas, sénateur. Avant que ces projets ne démarrent, dans la description du projet, les gouvernements ou des administrations comme les conseils des Premières Nations peuvent poser des conditions sur la façon dont le projet va se dérouler et exiger que l'entreprise utilise les connaissances et la main- d'œuvre locales.

Dans bien des cas, particulièrement en Ontario, il y a une disposition dictant que tout partenariat public-privé doit respecter les modalités du processus de négociation collective, pour que les employés puissent passer du secteur public au secteur privé sans s'en trouver désavantagés.

C'est ce que je voulais dire quand je disais qu'il faut comprendre le processus, qu'il faut bien comprendre les éléments essentiels pour protéger ses intérêts et avancer, mais si ces éléments sont intégrés au contrat et si le contrat est bien écrit, les obligations des deux parties seront clairement énoncées. Encore une fois, si ces éléments ne sont pas respectés, des sanctions vont s'appliquer. C'est pourquoi il est si précieux d'avoir du financement privé, parce que cela fait une paire d'yeux de plus pour surveiller le projet, et ce sont probablement ceux qui s'agitent le plus quand les projets ont tendance à dévier un peu de la trajectoire prévue.

La sénatrice Beyak : Merci, messieurs, de cet exposé très inspirant sur l'utilisation judicieuse de l'argent par les contribuables. C'est toujours bon d'entendre : « à temps, selon le budget et à moindre coût ». C'est un excellent concept que je ne connaissais pas très bien.

Je crois que vous avez reçu un conférencier en 2012, l'ancien chef national Shawn Atleo, qui a présenté un plaidoyer très inspirant en faveur des PPP. Pourriez-vous nous dire un peu comment ils sont accueillis — il n'y a que très peu de projets en cours — et comment vous entrevoyez l'avenir? Vous avez effleuré le sujet dans votre exposé, mais vous pourriez peut-être m'en parler un peu plus.

M. Romoff : Je suis extrêmement optimiste, mais vous devez savoir que je suis optimiste par rapport à tout dans la vie.

La sénatrice Beyak : Moi de même.

M. Romoff : La réalité est telle que les besoins sont énormes dans les réserves. C'est un enjeu d'une extrême importance pour les Canadiens, et nous avons l'occasion de faire une différence. C'est un motivateur en soi.

En ce moment, on voit surtout des PPP pour la construction d'écoles au Canada, principalement en Alberta. Pour les projets de gestion de l'eau et des eaux usées, il y en a un excellent qui suit son cours à Regina. Ce modèle est utilisé aussi par les municipalités et les provinces. Nous savons qu'il y a là des besoins urgents pour les collectivités autochtones.

Nous avons l'expérience de ce modèle au Canada, donc pourquoi ne pas profiter de cette expérience pour voir si nous pouvons l'appliquer aux collectivités et regrouper des projets comme en Alberta? L'Alberta a construit plus de 40 écoles en trois tranches. Chacune comprenait une série d'écoles pour donner au projet suffisamment d'envergure pour attirer du financement externe, et les entreprises étrangères pouvaient soumissionner dans le cadre de ces projets.

Nous pourrions faire exactement la même chose pour les Premières Nations. Au conseil, nous sommes très déterminés à appuyer les communautés de toutes les façons possibles pour leur permettre de profiter des avantages sans subir les inconvénients dont d'autres personnes ont fait l'expérience. Il est dans l'intérêt du conseil de veiller à ce que chacun de ces projets soit un succès, parce que nous savons tous qu'en cas d'échec, la bataille pour défendre ce modèle va devenir plus difficile.

La sénatrice Beyak : À ce propos, le principal conseiller stratégique d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, M. Karl Carisse, est venu témoigner ici et nous a dit que l'un des grands obstacles à cela est la Loi sur les Indiens. Y a-t-il quoi que ce soit que nous pourrions modifier par règlement pour faciliter les PPP sous le régime de la Loi sur les Indiens?

M. Romoff : Malheureusement, je ne connais pas suffisamment bien les dispositions de la loi pour les commenter, je m'en excuse.

La sénatrice Beyak : Merci.

Le sénateur Enverga : Je vous remercie de cet exposé. Quelques-unes de mes questions ont déjà été posées, mais vous avez mentionné qu'il y avait déjà des exemples de PPP. À quel point ce modèle est-il répandu? Combien y a-t-il de Premières Nations qui utilisent déjà le modèle des PPP?

M. Romoff : Comme je l'ai déjà mentionné dans mon exposé, il reste encore peu utilisé parmi les Premières Nations en ce moment. Il suscite de l'intérêt, mais le nombre de projets à avoir vu le jour en PPP est presque nul.

Par contre, l'expérience au Canada est très forte. Comme je l'ai mentionné, il y a déjà plus de 220 projets au Canada. Il y en a dans toutes les provinces, dans deux des trois territoires, dans plus de 40 municipalités. Il y a donc une base solide, et nous avons la réputation dans le monde d'avoir un modèle qui bat tous les autres. En fait, il y a d'autres pays qui envisagent de mettre en place des programmes de PPP et qui viennent étudier le modèle canadien pour s'en inspirer.

Notre modèle se prête bien au contexte autochtone, et je pense que ce comité (par ses travaux), des organisations comme PPP Canada, nous-mêmes et des entreprises comme celle que Dale représente, sont vivement intéressés à travailler ensemble pour changer la donne dans les collectivités. J'espère que la prochaine fois que nous allons nous rencontrer, nous pourrons vous donner quelques exemples qui vont vous rendre fiers.

Le sénateur Enverga : Merci.

Vous avez mentionné environ trois obstacles qui existent à l'heure actuelle : la capacité, l'accès au capital et le regroupement des projets. Y a-t-il un obstacle qui concernerait plus le rapport entre les gouvernements et les Premières Nations, quelque chose du ressort de l'indépendance? Est-ce que cela fait partie des obstacles que vous rencontrez lorsque vous voulez mener des PPP avec des Premières Nations?

M. Booth : N'importe où, lorsque les PPP sont nouveaux, les premiers projets vont toujours être ceux qui prennent le plus de temps à se réaliser parce qu'il y a une courbe d'apprentissage. Ce n'est pas un obstacle insurmontable, mais il est très difficile de concevoir la bonne structure de gouvernance au début pour gérer le projet pendant toute sa durée et d'embaucher les bonnes personnes, de trouver les bonnes compétences techniques pour assurer la gouvernance du projet du début à la fin. Ce n'est pas un obstacle, mais c'est difficile au début.

Je pense que pour n'importe quelle province qui se lance dans l'aventure, comme pour le gouvernement fédéral, il est essentiel de se doter des bons outils dès le début d'un projet pour qu'il puisse suivre son cours correctement.

Tout le monde se demande comment les Premières Nations peuvent se greffer à des projets en cours, et nous essayons de tirer des leçons des expériences vécues. Le projet d'amélioration de l'aéroport d'Iqaluit est un très bon exemple de la façon dont on peut mettre la communauté autochtone à contribution. Comme ce projet se réalise sur le territoire d'Iqaluit, il est assujetti à la politique NNI, qui crée Iqaluit. Cette politique prescrit qu'il faut, pour les projets dont la valeur dépasse un certain montant, embaucher de la main-d'œuvre locale et faire affaire avec des fournisseurs locaux. Cette politique s'applique actuellement à ce projet. Donc, nous regardons autour de nous et nous observons les différents projets qui existent au pays, pour examiner les caractéristiques fondamentales que nous nous attendons à voir dans des projets avec les Premières Nations.

M. Romoff : Dale fait valoir un excellent argument, parce que pour le projet de l'aéroport d'Iqaluit, le gouvernement du Nunavut a exigé que 15 p. 100 de la main-d'œuvre soit inuite et que le seuil passe à 20 p. 100 une fois le projet en place, puis à 60 p. 100 au bout de 30 ans. Il s'agit donc d'une entente très bien conçue pour produire exactement les résultats que le comité sénatorial recherche.

Le président suppléant : Quel groupe de témoins fantastique! La dernière question va au sénateur Wallace.

Le sénateur Wallace : Messieurs, comme nous le savons tous, il faut construire de nouvelles écoles dans les réserves un peu partout au pays et en améliorer la gestion et l'entretien. Je me demande ce que vous pensez de la pertinence des PPP à cette fin.

M. Romoff : J'ai donné l'exemple de l'Alberta, qui est en train de construire plus de 40 écoles, de la maternelle à la 9e année, selon le modèle des partenariats public-privé. Il s'avère très efficace pour cette province, et plusieurs écoles sont déjà ouvertes. Le regroupement de projets donne assez de substance, si l'on veut, pour rendre les projets très attirants pour les entrepreneurs en construction, et il y a eu un processus d'appel d'offres très concurrentiel pour ce projet.

Encore une fois, la concurrence fait diminuer les coûts et force les soumissionnaires à innover parce qu'il y a des concurrents qui cherchent des façons de se distinguer de leurs rivaux. Ce modèle s'avère très efficace en Alberta. La Saskatchewan s'apprête à commencer un projet semblable, d'ailleurs.

Ce modèle est utilisé dans le secteur de l'éducation, principalement pour les écoles, et il pourrait être reproduit dans les collectivités autochtones.

M. Booth : Oui, je suis d'accord avec tout ce que Mark vient de dire, mais je pense qu'il faut rassembler les défenseurs de ce modèle. Vous devez trouver des partenaires autochtones qui ont besoin d'une école et qui veulent adhérer à ce nouveau modèle.

Il y a une expérience au Manitoba, dans le cadre d'un projet de construction de quatre écoles. L'un des groupes s'est retiré. C'était son choix. Le projet se poursuit avec les trois groupes prêts à continuer. Ce n'est pas un projet selon le modèle des PPP, mais si vous voulez favoriser le regroupement, il est très important de rassembler une bonne coalition de gens favorables au modèle. Ensuite, vous pourrez commencer à élaborer une bonne structure de gouvernance pour relier les parties entre elles et leur permettre de se concentrer sur le projet.

Le sénateur Wallace : Pour construire des écoles, y aurait-il un seuil minimal quant à la valeur financière et à la portée d'un projet pour qu'il se prête à un PPP?

M. Booth : Oui.

Le sénateur Wallace : On entend dire que le minimum selon le modèle des PPP serait de 50 à 100 millions de dollars. Pour des écoles, c'est beaucoup d'argent. Serait-il possible de réaliser de plus petits projets pour les écoles selon le modèle des PPP?

M. Booth : Oui, mais on ne pourrait alors probablement pas profiter de tous les avantages qui viennent avec les PPP parce qu'il faut que le projet ait une certaine envergure pour s'attirer du financement. Quand les entreprises préparent une soumission pour un PPP, elles y investissent beaucoup d'argent. Il peut leur en coûter jusqu'à 1,5 million de dollars ou plus pour la préparer. Il faut donc que le projet soit assez gros pour valoir la peine et qu'il génère le rendement escompté.

Oui, il doit s'agir de gros projets, et compte tenu de contexte propre aux Premières Nations, je pense qu'il n'y a pas une Première Nation qui pourrait appuyer à elle seule un grand projet complexe de PPP. Par contre, si elles se regroupent, (les conseils tribaux, les OPT), alors je crois que oui, ce modèle pourrait convenir aux Premières Nations, parce que les projets seraient assez gros.

Le sénateur Wallace : Faudrait-il que tous les membres du groupe soient dans la même région géographique?

M. Booth : Cela aiderait probablement, parce que l'idée du regroupement est entre autres de favoriser l'innovation, probablement pour les caractéristiques communes des différents immeubles du point de vue de l'entretien et de la gestion. Il serait donc probablement mieux que les communautés soient rapprochées. Encore une fois, il faudrait que j'analyse chaque projet individuellement pour vous dire s'il peut effectivement fonctionner. Il pourrait même arriver que des projets de PPP dépassent les frontières des provinces. On ne sait jamais. À première vue, on pourrait être porté à croire qu'il est probablement plus efficace et moins cher de mener un projet dans des régions contiguës.

Le président suppléant : Je vous remercie du temps que vous nous avez consacré aujourd'hui. Vous avez très bien répondu à beaucoup de questions, et nous vous remercions d'être venus passer du temps avec nous à Ottawa.

Notre prochain groupe se compose de représentants de quatre organisations régionales. Nous allons entendre Madeleine Paul, chef de la Première Nation d'Eagle Village, au Québec, ainsi que Guy Latouche, consultant, qui s'exprimeront au nom de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador.

Ils témoigneront en compagnie de John G. Paul, directeur exécutif du Secrétariat du Congrès des chefs des Premières Nations de l'Atlantique.

Manitoba Keewatinowi Okimakanak Inc., ou MKO, est également représentée à la table par le grand chef David Harper, ainsi que par Michael Anderson, directeur de recherche au Secrétariat des ressources naturelles.

Enfin, nous souhaitons la bienvenue à Kevin McLeod, directeur du Secrétariat au logement et au développement économique et communautaire à la Federation of Saskatchewan Indian Nations.

Plusieurs témoins vont présenter un exposé. Je vais demander à chacun de se limiter à cinq minutes, si possible, pour que nous puissions avoir une discussion et vous poser des questions. Commençons, si vous le voulez bien, par la chef Paul.

Madeleine Paul, chef, Première Nation d'Eagle Village, Québec, Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador : Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, de l'invitation et de cette occasion de vous informer sur les besoins des Premières Nations du Québec et du Labrador en matière de logement et d'infrastructure.

Je m'appelle Madeleine Paul. Je suis chef de la Première Nation d'Eagle Village, une communauté algonquine de la région de Timiskaming qu'on appelle aussi la Première Nation kebaowek. Je suis également la chef responsable du dossier du logement et de l'infrastructure à l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador.

Je suis accompagnée aujourd'hui de M. Guy Latouche, notre conseiller en matière de logement et d'infrastructure. Il va vous présenter un aperçu de nos besoins en matière de logement et d'infrastructure et vous faire part de constats et de propositions très concrètes pour améliorer la situation dans nos communautés, puisque le logement et l'infrastructure sont deux sujets interreliés. C'est ensuite avec plaisir que nous allons répondre à vos questions.

Merci.

Le président suppléant : Merci beaucoup.

Guy Latouche, consultant, Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador : Merci, chef Paul.

Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Je suis heureux d'être ici avec vous aujourd'hui.

Pour être le plus bref possible, je vais utiliser les diapositives PowerPoint que nous vous avons soumises.

Diapositive 2. Il y a au Québec et au Labrador 42 Premières Nations, 81 000 membres inscrits, et 70 p. 100 d'entre eux vivent dans des réserves.

Diapositive 3. Comme vous le savez probablement, le logement et l'infrastructure jouent un rôle central dans notre société, ils ont un effet déterminant sur le bien-être des personnes et des communautés. Ils interagissent avec différents secteurs, comme la santé et l'éducation.

Diapositive 4. Depuis l'an 2000, l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador recueille des données sur les besoins des Premières Nations en matière de logement et d'infrastructure. Ces données viennent des Premières Nations elles-mêmes et ont été obtenues à l'aide de sondages réalisés auprès de chacune des personnes responsables du logement dans chaque Première Nation. Il y a ensuite harmonisation entre ces données et les bases de données officielles. Elles nous permettent de constater que nous avons besoin de nouvelles unités de logement, qu'il faut remettre en état et décontaminer le parc de logements existant et améliorer l'infrastructure connexe au logement, c'est- à-dire les réseaux d'eau potable et d'eaux usées, ainsi que les routes.

On peut voir l'évolution des besoins de 2000 à 2006, puis à 2012. On en dégage à des tendances et des défis en logement et en infrastructure. Dans notre dernier rapport, celui que nous avons soumis au comité, nous proposons une nouvelle approche du logement et de l'infrastructure.

Je vais rapidement résumer les besoins en matière de logement et d'infrastructure. Je suis à la diapositive 6. Je vous rappelle que la population des réserves est de 58 000 membres inscrits, alors que le parc de logements comporte 14 000 unités. N'oublions pas que chaque année, les Premières Nations du Québec et du Labrador construisent en moyenne 250 unités de logement.

J'en suis à la diapositive 7. Vous verrez qu'il faut construire 9 000 unités supplémentaires au cours des cinq prochaines années et que ce besoin vient essentiellement du surpeuplement du parc existant et de la croissance démographique sur cinq ans.

À la diapositive 8, on voit qu'il faut aussi rénover 5 000 unités. L'ampleur des travaux varie, il y a des rénovations mineures et des rénovations majeures.

À la diapositive suivante, on voit qu'il faut décontaminer 1 600 unités contaminées à différents degrés par les moisissures.

Diapositive 10. Au sujet des besoins en infrastructure connexes, il faut relier aux services publics 8 000 terrains résidentiels. Je fais allusion à l'infrastructure d'aqueduc, d'égout sanitaire, d'égout pluvial, de voirie et d'éclairage de rue. Il s'agit là d'installations individuelles. Cette infrastructure est nécessaire pour permettre la construction de nouvelles résidences privées dans les collectivités rurales, mais ces besoins ne comprennent pas ceux liés aux grandes structures comme les usines de traitement de l'eau potable et des eaux usées, les écoles, les centres de santé, et cetera.

À la diapositive 11, on voit que tous ces besoins se traduisent par des besoins financiers de 2,4 milliards de dollars sur cinq ans. Si l'on tient compte des fonds fédéraux affectés au logement des Premières Nations par les programmes réguliers; des contributions des Premières Nations sous forme d'emprunts, de mises de fonds et d'autres prêts; ainsi que des économies potentielles de coûts en capital pour les Premières Nations si l'on menait un grand projet de construction pour rattraper l'arriéré, le véritable écart à combler serait de 1,3 milliard de dollars sur cinq ans.

Je vais maintenant prendre la diapositive 13. Voici quelques constats. Le premier est très important, parce que nos données montrent clairement que les investissements fédéraux additionnels déployés par l'Initiative de logement de 2005 et le Plan d'action économique du Canada de 2009 ont eu un effet très positif sur les Premières Nations du Québec et du Labrador.

Je vous rappelle que l'Initiative de logement de 2005 représentait 295 millions de dollars pour l'ensemble du pays et le Plan d'action économique du Canada de 2009, 400 millions de dollars pour l'ensemble du pays. Il y a donc eu un ralentissement de la croissance des besoins entre 2006 et 2012, si nous les comparons à ceux de la période précédente de six ans. Par exemple, 760 unités de logement de plus ont été construites. Rappelez-vous que je vous ai dit qu'on construisait 250 unités par année. Ces 760 unités équivalent donc à trois années de construction de plus sur une période de six ans, ce qui constitue une énorme amélioration.

Il y a également des rénovations et beaucoup d'amélioration des services publics qui sont venues avec ces budgets. Les investissements ont alors dépassé beaucoup le budget habituel. Nous avons constaté un léger déclin du surpeuplement et une amélioration de l'état général des logements.

Cependant, nos données montrent que le besoin financier augmente beaucoup, essentiellement en raison de l'explosion des coûts de construction. Ils sont illustrés à la diapositive 14. Voici un bon exemple des raisons pour lesquelles il en coûte aussi cher. On peut voir qu'en 2000, le coût moyen d'une maison était d'un peu plus de 100 000 $, alors qu'il atteignait presque 200 000 $ en 2012. Cette augmentation est attribuable à l'inflation, et plusieurs groupes autochtones nous ont signalé qu'il y avait eu une hausse importante du coût des matériaux et de la main-d'œuvre entre 2006 et 2012. La situation est exactement la même pour les coûts en infrastructure. Le coût des services publics associés à une résidence a suivi la même courbe au cours de cette période.

La diapositive suivante, la numéro 15, présente un autre constat. On y voit que le coût moyen d'une maison est de près de 200 000 $. Comme la subvention moyenne d'AADNC correspond à 20 p. 100 de la somme, la mise de fonds et le prêt pour la Première Nation ou la personne correspond au reste du coût, soit à 80 p. 100. Cela signifie que les Premières Nations investissent beaucoup en complément des fonds fédéraux pour la construction de logements.

Sur la diapositive suivante, vous pourrez voir que cela signifie que les Premières Nations apportent une importante valeur ajoutée aux investissements fédéraux dans le logement. Nous parlons d'un effet de levier de 4 pour 1 en ce qui concerne les logements réguliers et de 1 pour 1 en ce qui concerne le logement social.

Sur la diapositive 17, on observe également que les Premières Nations du Québec ont contracté, à elles seules, près du quart des garanties d'emprunt ministériel émises par le ministère des Affaires autochtones entre 2005 et 2014. Elles représentent seulement 9 p. 100 de la population. Je crois que cela démontre le dynamisme déployé en réponse à une forte demande de logements et un investissement important dans le logement privé. Comme vous vous en doutez probablement, les investissements dans l'infrastructure sont effectués en parallèle.

La dernière observation, sur la diapositive 18, révèle que sur le plan historique, les Premières Nations du Québec ont démontré leur capacité à livrer des projets de logement, car les budgets réguliers et spéciaux ont toujours été entièrement utilisés.

À l'aide de la diapositive 20, j'aimerais brièvement parler de la position des chefs sur le logement et sur l'infrastructure. Elle se fonde sur deux mesures fondamentales. Tout d'abord, des investissements fédéraux importants en partenariat avec les Premières Nations — et j'insiste sur le mot clé « partenariat » — pour éliminer les arriérés.

Deuxièmement, l'élaboration et la mise en œuvre d'une nouvelle approche par laquelle les Premières Nations exerceront leurs pleins pouvoirs sur le logement.

Je terminerai, très brièvement, avec des pistes de réflexion et des propositions concrètes à ajouter à la position des chefs. Par exemple, on pourrait réfléchir sur la création d'un partenariat entre les Premières Nations et le gouvernement. Les Premières Nations pourraient s'engager à densifier les logements sociaux, c'est-à-dire intensifier l'utilisation des terres pour ces logements. On peut ainsi en faire plus avec les mêmes fonds. Il faut construire selon les besoins, et l'option privée devient plus attrayante, car les logements sociaux et les logements privés sont livrés par l'entremise de types de maison différents.

À l'aide de la diapositive 23, je vais vous résumer certaines propositions très concrètes à court terme en attendant que d'importants investissements fédéraux éliminent les arriérés en matière de logement et d'infrastructure. Tout d'abord, pour le ministère des Affaires autochtones, une légère augmentation du budget régional pour la construction de logements — par exemple, seulement 3 millions de dollars — avec un effet de levier jusqu'à 4 pour 1. Cela signifie 12 millions de dollars supplémentaires, pour un total de 15 millions de dollars, ce qui représente 75 logements additionnels par année. C'est 33 p. 100 plus de logements construits par année, pour un total de 380 logements sur cinq ans. Toutefois, le budget régional pour l'infrastructure connexe devait idéalement être bonifié d'une somme équivalente, afin de fournir la capacité nécessaire aux Premières Nations.

Une autre proposition concrète à court terme pour AADNC est l'indexation des subventions de base en fonction des coûts réels de construction. Mesdames et messieurs les sénateurs, les subventions dont on tient compte dans la formule de détermination des budgets d'immobilisations de base des Premières Nations sont au même niveau depuis le début des années 1980.

Il y a plusieurs propositions concrètes pour la SCHL. Tout d'abord, une bonification du budget régional pour la construction de logements sociaux avec un projet pilote axé sur la densification de l'habitation, c'est-à-dire seulement 3,5 millions de dollars, avec un effet de levier de 1 pour 1, donc 3,5 millions de dollars supplémentaires, pour un total de 7 millions de dollars. Cela signifie 30 unités de logements sociaux supplémentaires, c'est-à-dire 50 p. 100 de plus par année, ou 150 unités sur cinq ans.

Sur la diapositive 26, on trouve d'autres propositions concrètes pour la SCHL, par exemple la révision de la formule nationale d'allocation pour les logements sociaux et les programmes de réadaptation, avec l'intégration d'un nouveau critère, c'est-à-dire la contribution des Premières Nations dans les projets de logements.

Mesdames et messieurs les sénateurs, la part de la région du Québec a diminué d'environ 40 p. 100 lorsque la formule d'allocation a été modifiée en 2005.

Je crois qu'une autre proposition importante pour la SCHL serait l'injection de fonds pour encourager les transferts de propriété. Cela signifie la rénovation et la conversion de logements communautaires en logements privés, car de nombreuses ententes sur le logement social avec la SCHL viendront à échéance au cours des cinq prochaines années. Au Québec seulement, 1 800 unités seront libres de toute obligation hypothécaire et ne seront plus soumises à l'entente conclue avec la SCHL. Un budget de 2,5 millions de dollars permettrait de rénover et de convertir 100 unités de logement.

Toujours pour la SCHL, on propose l'indexation des budgets des programmes et une plus grande souplesse dans le programme de réadaptation, afin de donner aux Premières Nations l'occasion d'utiliser la subvention du PAREL pour effectuer des réparations urgentes sans qu'il soit nécessaire de rénover le logement au complet.

Enfin, nous pensons que le mandat du Fonds d'aide au logement du marché pour les Premières Nations devrait faire l'objet d'une révision. Même si l'idée de ce fonds est intéressante, ainsi que le renforcement de la capacité, nous devons admettre que le fonds a généré très peu de construction — du moins au Québec — depuis sa mise en œuvre il y a six ans. Nous croyons que le fonds pourrait appuyer un important projet de rattrapage en ce qui concerne les logements sociaux, et il devrait être plus ouvert aux promoteurs de logements abordables pour aider au développement du logement locatif privé à loyer abordable.

Je vais m'arrêter ici. C'était seulement une présentation. C'est une proposition concrète et réaliste qui ne résoudra pas tous les problèmes des Premières Nations en matière de logement et d'infrastructure, mais je pense qu'elle peut contribuer à faire une différence à court terme.

Le président suppléant : Merci, monsieur Latouche, d'avoir fait de votre mieux pour produire une présentation très complète qui s'accompagne d'une analyse extrêmement intéressante et de bonnes et solides propositions. Nous vous sommes reconnaissants de votre exposé et de vos efforts de concision.

Nous avons hâte de poser des questions, mais nous sommes également ici pour vous écouter et comprendre les différents points de vue.

La parole est maintenant à John Paul.

John G. Paul, directeur exécutif, Secrétariat du Congrès des chefs des Premières Nations de l'Atlantique : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Je représente encore une fois le Secrétariat du Congrès des chefs des Premières Nations de l'Atlantique pour parler, au nom de nos chefs, des défis, mais également de certaines solutions proactives, liés au logement et à l'infrastructure.

Nous représentons 37 collectivités de partout au Canada atlantique, au Québec et dans le Maine. Le mandat de notre organisme consiste à : « chercher, à analyser et à élaborer des solutions de rechange aux politiques fédérales qui touchent les collectivités des Premières Nations des Mi'kmaqs, des Malécites, des lnnus et des Pescomody dans le Canada atlantique, le Québec et le Maine, aux États-Unis ».

Nos chefs reconnaissent que leurs problèmes de logement ne sont pas isolés, mais qu'ils sont liés à bien d'autres problèmes qui touchent nos collectivités. À leur tour, ces problèmes sont liés à la relation que nous entretenons avec le gouvernement fédéral, aux conditions sociales dans les réserves, au manque de fonds, et à la gestion et à l'exploitation des actifs.

Les Premières Nations de l'Atlantique soutiendront toujours que leurs collectivités ont droit à des maisons et à une infrastructure communautaire globale sûres et salubres. Comme vous le savez, la population autochtone est celle qui croît le plus rapidement au Canada. À mesure que notre peuple s'agrandit et s'épanouit, la demande pour une infrastructure propre aux Premières Nations ne cesse de s'accentuer. Il est difficile pour un chef de dire à son peuple qu'en raison de compressions budgétaires, il n'aura pas les maisons ou les immeubles dont il a désespérément besoin. L'insuffisance d'infrastructure adéquate oblige les nôtres à s'entasser dans leurs domiciles, ce qui entraîne toute une gamme de problèmes de santé.

Jusqu'au présent exercice financier, notre organisme avait accès à ce que l'on appelait le Réseau de l'habitation et de l'infrastructure des Premières Nations de l'Atlantique. Ce réseau avait pour mandat de nous conseiller et de nous fournir des orientations stratégiques sur les initiatives régionales liées au logement, à la gestion de l'eau, au traitement des eaux usées, à la gestion des situations d'urgence, et cetera. Toutefois, à la suite de compressions budgétaires survenues chez Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, le réseau a dû suspendre ses activités lors du dernier exercice financier.

Notre organisme a conservé un groupe de travail sur le logement formé de gestionnaires des logements des Premières Nations et de partenaires fédéraux afin d'examiner les initiatives et les objectifs qui ont été définis l'an dernier lors d'une session dirigée qui s'est tenue dans la Première Nation d'Eskasoni, l'une de nos plus grandes communautés. À ce moment-là, les gestionnaires des logements des Premières Nations et les décideurs d'organismes et de ministères fédéraux clés — notamment la SCHL, Santé Canada et Affaires autochtones et Développement du Nord Canada — ont cerné ensemble les véritables problèmes relatifs au logement et à l'infrastructure dans la région de l'Atlantique. Les membres du groupe de travail ont convenu que les problèmes principaux en matière de logement relevaient des cinq thèmes suivants.

Le premier problème concerne le gouvernement externe en ce qui a trait aux limites et aux restrictions. Comme je l'ai mentionné dans mon exposé précédent devant le comité, l'un des principaux défis qui se posent en matière de logement des Premières Nations concerne les limites et les restrictions qu'impose le gouvernement fédéral. Ces restrictions prennent diverses formes : il peut s'agir de la réduction des fonds affectés à des programmes essentiels ou à des nouveaux programmes ou de l'imposition d'exigences sans mener de consultations.

Voici un exemple flagrant : la réduction, par la SCHL, du nombre de maisons attribuées au Canada atlantique en vertu de l'article 95. Selon les statistiques annuelles, ce nombre est tombé en flèche, passant de 75 logements en 2001 à 41 en 2012-2013 et à 38 en 2013-2014. Cette année, seulement quatre maisons ont été accordées dans notre plus grosse collectivité. Ces compressions entraînent le surpeuplement de nos maisons et ajoutent au stress du personnel affecté au logement communautaire.

Des préoccupations similaires sont soulevées lorsque de nouveaux programmes et de nouvelles initiatives du gouvernement font leur apparition de but en blanc, ou presque. Citons, par exemple, les nouvelles exigences relatives à la conformité au code dans le cadre du programme de logement mené par la SCHL aux termes de l'article 95. En février 2014, nos collectivités ont reçu une lettre les avisant qu'au début du nouvel exercice financier, les Premières Nations devraient présenter des certificats de conformité au code à au moins trois étapes de la construction, ce qui se traduit essentiellement par de nouveaux coûts.

Pendant la première année d'application de cette nouvelle exigence, les collectivités de l'Atlantique ont eu du mal à trouver des spécialistes qualifiés pour mener les inspections exigées. La SCHL vient de faire savoir à notre groupe de travail sur le logement qu'elle comptait subventionner la formation de 12 professionnels du logement pour en faire des inspecteurs de la conformité au code. Cependant, cela illustre parfaitement les difficultés qu'il y a parfois à travailler avec le gouvernement fédéral. La plupart du temps, la réaction vient après coup : une nouvelle initiative est mise en œuvre sans qu'il y ait de consultations et, quand des problèmes surgissent, le gouvernement doit se précipiter pour réparer un problème qu'il a lui-même créé. Il faut prendre le temps de tenir des consultations et de planifier afin d'atténuer les risques et les écueils qui pourraient surgir lorsqu'on fait quelque chose de différent.

En outre, le personnel des services de logement de nos collectivités a du mal à se tenir au fait des exigences de plus en plus rigoureuses relatives aux formalités et aux approbations en matière de financement et de rénovation. Conjuguons à cela un haut taux de roulement du personnel tant à Affaires autochtones et Développement du Nord Canada qu'à la SCHL, et nous voilà aux prises avec une situation difficile et stressante pour nos collectivités qui doivent composer avec une grave pénurie de logements et s'adresser à différentes personnes chaque semaine.

Le gouvernement fédéral nuit également au logement chez les Premières Nations en promulguant des lois sans qu'existent des outils ou des ressources pour les aider à s'adapter à la nouvelle loi et aux nouveaux règlements. Le CCA a accompli un travail remarquable grâce à notre Projet d'assainissement des eaux, en gérant de façon proactive les règlements d'application du projet de loi S-8. Toutefois, on adoptera toujours de nouvelles lois pour lesquelles les collectivités des Premières Nations auront beaucoup de mal à trouver une solution de rechange et à les mettre en œuvre.

Il faut un processus de consolidation plus transparent pour ce nouveau projet de loi. Il a été bien établi que les réactions des Premières Nations au projet de loi S-2, Loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux, ont été principalement négatives. Maintenant, on peut remettre en question les protections assurées par l'article 89 de la Loi sur les Indiens, en autorisant un conjoint ou une conjointe à réclamer des dommages par suite d'un transfert illicite de biens. Par ailleurs, il est possible qu'au moment du divorce ou de la séparation d'un couple qui n'appartient pas à une Première Nation, un partenaire qui n'est pas des Premières Nations se voie accorder le droit d'occuper la maison dans une collectivité. Aucune loi ne devrait être adoptée tant que ces questions importantes ne sont pas réglées.

Toutefois, notre collaboration avec les ministères fédéraux n'est pas toujours négative. Comme je l'ai mentionné, en novembre 2013, des membres de mon personnel et des décideurs de la SCHL, d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada et de Santé Canada se sont réunis pour fixer les priorités immédiates et futures du groupe de travail. L'une des idées qui ont été émises pendant cette réunion concernait le fait qu'il fallait mettre davantage en lumière le logement des Premières Nations et trouver une façon de limiter les coûts. Autrement dit, combien en coûte-t-il pour construire, entretenir, nettoyer la maison et y habiter pendant toute sa durée utile prévue?

Un autre grand domaine que nous avons examiné concerne la gouvernance et le leadership local. Les logements des Premières Nations sont les biens les plus importants de nos collectivités, mais ils ne leur appartiennent pas exclusivement : ce sont aussi des biens de la Couronne. Par conséquent, le logement doit être la grande priorité lorsqu'on parle des Premières Nations.

Nous avons l'impression que le gouvernement fédéral se désintéresse complètement de la question du logement. Lorsque des fonds sont débloqués pour répondre aux besoins en matière de logement, ils ne règlent que la question du jour et reflètent les intérêts et les priorités du gouvernement fédéral.

En notre qualité de chefs des Premières Nations, nous nous devons de rappeler énergiquement au gouvernement fédéral que le logement doit demeurer une priorité en ce qui concerne les collectivités des Premières Nations de l'Atlantique. Dans notre collectivité, nous faisons face à de nombreux problèmes sociaux. Ces problèmes ont un lien direct avec la qualité des logements. On peut très bien construire une maison conforme au code, mais lorsqu'il y a plus de personnes que d'espace, cela cause des problèmes. Qu'il s'agisse de problèmes liés à l'efficacité énergétique ou à la moisissure, cela ne change rien : le logement se détériorera plus rapidement. La détérioration des logements entraîne d'autres problèmes sociaux et c'est un domaine dans lequel nous avons tenté d'aider en misant sur la sensibilisation des propriétaires de logement, et en permettant au plus grand nombre de gens possible de comprendre comment entretenir une maison et y vivre.

De plus, certains de nos membres dépendent trop de la bande pour effectuer des réparations mineures. Nous devons leur enseigner, de façon très pratique, leurs devoirs en tant que propriétaires de logement.

En ce qui concerne la gestion des actifs, le scénario actuel ne peut pas durer et il nous faut trouver une façon de garantir que les actifs sont gérés pendant tout le cycle de vie des logements, c'est-à-dire de 25 à 30 ans.

Nous devons aussi améliorer les activités dans la réserve. En ce qui concerne les travailleurs qualifiés, l'une de nos collectivités a établi un partenariat avec le collège communautaire de la Nouvelle-Écosse pour former des travailleurs dans les domaines de la ventilation, de la charpenterie, de la plomberie et du régime d'entretien pour fournir ces services à la collectivité. Je crois qu'on aura toujours besoin de logements dans les collectivités et de travailleurs qualifiés à l'intérieur et à l'extérieur de nos collectivités.

En ce qui concerne l'utilisation, nous avons toujours eu des problèmes à long terme avec les jeunes, car nous essayons de les intéresser au logement et de les encourager à participer en plus grand nombre dans ce domaine. Nous envisageons de modifier une boîte à outils de la SCHL appelée; Ma maison est mon wigwam, et il s'agit essentiellement de l'utiliser dans nos collectivités et dans nos écoles pour sensibiliser les jeunes au logement, et aux besoins et aux exigences en matière de logement. Nous tentons vraiment de les sensibiliser dès leur plus jeune âge, afin qu'ils comprennent le domaine du logement et envisagent de mener de vraies carrières qui ne concernent pas seulement la construction de logements, mais toutes les activités connexes nécessaires pour appuyer une unité de logement ou une collectivité.

Un rapport sur les actifs des collectivités a été rédigé il y a quelques années par Neegan Burnside, et on nous recommande de mener une étude similaire sur le logement pour brosser un portrait exact de la situation des arriérés et de la demande actuelle et future.

L'autre domaine dans lequel nous travaillons concerne les partenariats public-privé entre le Canada et l'autorité de gestion de l'eau des Premières Nations. Nos chefs continuent de travailler à l'élaboration d'une solution proactive et novatrice pour remédier à l'état actuel des réseaux d'adduction d'eau et des infrastructures des eaux usées dans le cadre d'un éventuel PPP qui reposerait sur une étude de rentabilité claire et sur la création d'une autorité de gestion de l'eau des Premières Nations à l'échelle régionale.

Les 8 et 9 avril, nos chefs ont rencontré les représentants du centre d'étude des ressources hydriques à l'Université Dalhousie pour adopter un projet de charte qui décrit clairement les travaux qui doivent être effectués au cours des deux prochaines années pour réaliser le projet. Cela s'appelle l'Initiative pour l'assainissement de l'eau pour la région de l'Atlantique et cela forme une partie de l'autorité de gestion de l'eau des Premières Nations de l'Atlantique, et je peux fournir un exemplaire de la charte au comité.

Nous avons travaillé en partenariat avec le gouvernement pour examiner les terres, l'eau, les communications et le financement, et pour vraiment engager les collectivités à l'égard de cette approche qui vise à tenter de trouver une solution innovatrice pour l'approvisionnement en eau potable. Jusqu'ici, nous avons obtenu 27 résolutions de conseils de bande pour poursuivre ces travaux dans toutes nos collectivités du Canada atlantique.

Il s'agit d'un projet très innovateur, et nos collectivités ont reçu un grand soutien pour le projet de la part d'autres parties, et nos dirigeants sont très enthousiastes à l'égard de l'adoption des RCB pour permettre le lancement du projet.

Nous avons travaillé à l'élaboration d'une demande de propositions pour les travaux d'ingénierie qui sera publiée en novembre. Cela fait partie des efforts que nous déployons depuis longtemps pour mener activement des recherches sur les ressources hydriques et sur les terres où elles se trouvent, et pour faire en sorte que des études d'ingénierie puissent être menées dans toutes nos collectivités pour créer une estimation des coûts plus détaillée et beaucoup plus précise que celles avec un degré d'erreur de plus ou moins 15 p. 100. En effet, nous tentons d'obtenir un taux d'erreur de plus ou moins 5 p. 100 pour l'exactitude des coûts.

Au bout du compte, le CCA fera participer les membres des collectivités et les parties intéressées à la création d'une initiative communautaire visant à trouver une solution aux problèmes liés à l'infrastructure pour l'eau et les eaux usées. Cela signifie qu'il est manifestement nécessaire, maintenant et à l'avenir, d'avoir des ressources à long terme pour mener à bien l'initiative d'assainissement de l'eau, afin que dans le cas d'une analyse de rentabilité, un financement est prévu pour toute la durée de vie du projet, c'est-à-dire 25 ou 30 ans. Cela comprend le cycle du coût de chaque réseau dans chaque collectivité.

Il s'agira de l'une des plus importantes transactions foncières au Canada dans les collectivités des Premières Nations, car nous désignerons et transférerons de larges éléments de notre collectivité à notre autorité de l'eau, afin qu'elle assume la responsabilité et le contrôle des actifs liés à l'eau et aux eaux usées dans nos collectivités.

Nous avons déployé tous les efforts nécessaires pour tenter de composer avec l'autre grand facteur de ce projet, c'est-à-dire les règlements en matière d'eau et d'eaux usées qui sont actuellement en élaboration. L'objectif global de notre initiative est d'améliorer la santé et la sécurité publiques dans les collectivités du Canada atlantique en leur procurant une eau potable et des réseaux d'élimination des eaux usées. Nos activités principales concernent les règlements sur l'eau potable et les eaux usées dans les collectivités des Premières Nations, mais il y a une importance fondamentale. S'il y a une analyse de rentabilité, les règlements et la précision de ces règlements deviennent essentiels pour obtenir des soumissions du secteur privé. Si les règlements ne sont pas clairs, les prix et les coûts augmenteront, et les PPP ne semblent pas aussi attrayants.

À court terme, nous nous efforcerons surtout de veiller à ce que les règlements soient clairement rédigés, bien compris et mis en œuvre avec précision. Cela signifie qu'il y a des problèmes pour mettre la dernière main à la mise en application, aux gabarits d'approbation relatifs à l'eau et aux eaux usées, et à l'examen des règlements par des experts. Nous avons élaboré des ébauches de modèles de règlements. Nous avons fourni environ 780 pages de règlements au ministère il y a environ un an, et nous n'avons pas reçu beaucoup de rétroaction. Nous attendons, avant de progresser, qu'on précise les règlements, afin que tout le monde comprenne les règles du jeu à l'avenir.

Le président suppléant : Monsieur Paul, nous sommes vraiment à court de temps, et je constate que vous arrivez tout juste à votre conclusion. Pourriez-vous terminer? Merci.

M. Paul : J'aimerais seulement insister sur le fait que les problèmes de logement ne sont pas des problèmes isolés. Ils font partie de la vie dans la collectivité, et les mesures prises relativement à l'eau fournissent une solution potentielle qui pourrait fonctionner. Il y a encore une certaine incertitude, car il y a des éclaircissements à apporter aux règlements et à la pile de travail que nous devons faire.

Je peux dire que nous avons obtenu un grand appui et une grande coopération de PPP Canada et du conseil, car on nous a offert de nous aider à mieux comprendre la possibilité d'un PPP. Nous pensons que nous devrions être en mesure de diminuer tous les risques cernés par les membres de notre collectivité et par nos dirigeants en ce qui concerne la mise en œuvre de cette initiative et la façon dont elle peut profiter à toutes nos collectivités pendant les 25 à 30 prochaines années.

Merci.

Le président suppléant : Merci, monsieur.

Nous allons maintenant entendre le grand chef Harper et M. Anderson, de MKO.

David Harper, grand chef, Manitoba Keewatinowi Okimakanak Inc. : Tout d'abord, monsieur le président et mesdames et messieurs les sénateurs, j'aimerais vous remercier de l'invitation à comparaître.

Nous venons du nord du Manitoba, d'une communauté d'environ 30 collectivités. Nous avons les Dénés à l'extrémité nord du Manitoba et les Oji-Cris, d'où je viens. Malheureusement, ce matin, nous sommes ici pour demander au comité d'accélérer le traitement des besoins des Premières Nations, surtout en matière d'infrastructure.

Je viens de la collectivité de la Première Nation de Garden Hill, et nous avons présenté ces problèmes au cours des dernières années. Nous avions au moins un millier de logements sans eau courante lorsque le gouvernement a investi de l'argent au cours du dernier exercice financier. Même aujourd'hui, il reste environ 500 logements dans cet état. Je sais que ce matin, un enfant n'a malheureusement pas eu accès à l'eau courante. C'est notre réalité quotidienne.

Je vais demander à M. Anderson de poursuivre l'exposé, mais au cours des dernières années, nous avons eu beaucoup de problèmes liés à l'infrastructure, surtout dans les collectivités éloignées. Nous devons nous y rendre par la route pendant l'hiver et transporter nos biens par avion toute l'année.

Malheureusement, le défi auquel nous faisons face, c'est l'adoption de normes mesurables et applicables qui sont comparables pour les Premières Nations et les non-membres des Premières Nations, peu importe leur situation géographique.

Je ne veux pas m'éterniser sur des problèmes dont nous avons entendu parler à de nombreuses reprises. Je suis sûr que vous avez entendu parler de ces problèmes et de la façon dont nous pourrions éliminer un grand nombre d'entre eux par l'adoption de politiques. Comme mon bon ami l'a mentionné, nous participons à un modèle, c'est-à-dire le modèle PPP. Malheureusement, les PPP ne peuvent pas, à eux seuls, fonctionner dans les collectivités situées dans des régions éloignées et isolées, mais le modèle peut être mis en œuvre.

J'ai visité l'une des communautés, en Alberta, où l'on a construit 23 écoles en 24 mois. Je leur ai demandé comment c'était possible de construire 23 écoles en 24 mois, et si on pouvait faire la même chose dans une collectivité éloignée. Si un camion de ciment se rend d'un endroit à l'autre, dans ce cercle, comment peut-on y arriver dans une collectivité éloignée? Je constate que nos Premières Nations ont des camions de ciment dans chacune de leurs collectivités, et que c'est possible. Nous sommes dans le processus qui mène à la construction de quatre écoles dans notre région. Malheureusement, les choses ont ralenti, mais c'est le modèle que nous tentons de mettre en œuvre, car il peut fonctionner.

Nous jouons au chat et à la souris avec les politiques. C'est la raison pour laquelle je ne veux pas parler de ces types de problèmes. Nous déshabillons Pierre pour habiller Paul, et cetera. Nous n'avons pas les paiements et l'infrastructure et la façon dont c'est structuré, mais si nous prévoyons construire 10 000 logements dans le cadre d'un projet — le problème, c'est que j'ai vu les postes de soins infirmiers dans nos centres de santé. Un contrat est accordé à un promoteur, et il doit concevoir, construire, et tout le reste, et engendrer tous les coûts. Ensuite, le gouvernement passe à la prochaine collectivité. La même chose se produit du côté de la conception et de la construction. Nous dépensons déjà tout l'argent. C'est pourquoi nous envisageons le regroupement des immobilisations, car cela éliminerait une autre étape de conception.

Nous travaillons maintenant avec Santé Canada pour envisager l'élargissement des immobilisations pour mettre sur pied des projets de postes de soins infirmiers et de centres de santé pour lesquels il y aurait un seul concepteur, ce qui répondrait à de nombreux besoins de nos collectivités des Premières Nations, pas seulement au Manitoba, mais on nous a donné l'occasion de travailler avec l'Ontario. Je suis très heureux d'annoncer qu'aujourd'hui, je vais rencontrer les représentants de Santé Canada pour discuter de ce problème, car un grand nombre de nos Premières Nations ont besoin de ce centre de santé en particulier, qui existe depuis des centaines d'années, et pourtant, il faut apporter des améliorations, surtout dans les collectivités dénées, où j'étais ce matin. J'aimerais vous transmettre les salutations du nord du Manitoba.

Je vais laisser M. Anderson poursuivre notre présentation. Merci.

Michael Anderson, directeur de recherche, Secrétariat des ressources naturelles, Manitoba Keewatinowi Okimakanak Inc. : Merci, grand chef Harper.

Merci, monsieur le président. Mesdames et messieurs, c'est toujours une grande joie que de recevoir une invitation à venir témoigner et discuter de ces questions qui sont importantes pour les Premières Nations du Canada.

Dans notre exposé, nous utilisons l'expression « l'éléphant dans la pièce ». Comme l'expliquait le grand chef Harper, toute tentative de remettre en question l'infrastructure des Premières Nations et de trouver des solutions possibles en la matière crée une norme mesurable et exécutoire pour comparer l'infrastructure et les services connexes des collectivités des Premières Nations d'un côté et, de l'autre, l'infrastructure et les services connexes d'autres collectivités qui ne font pas partie des Premières Nations, mais qui sont situées dans des endroits géographiquement semblables.

Rappelons à cet effet la disposition de l'alinéa 36(1)c) de la partie III de la Loi constitutionnelle de 1982, où il est établi que tous les Canadiens ont droit à des services publics de qualité raisonnable et, bien entendu, le paragraphe 36(2) sur la péréquation, c'est-à-dire :

Le Parlement et le gouvernement du Canada prennent l'engagement de principe de faire des paiements de péréquation propres à donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour les mettre en mesure d'assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables.

On ne trouve aucune disposition semblable dans les accords de financement d'AINC, pas même dans leurs dispositions « attendu que ».

J'ai examiné le matériel qui a été soumis ainsi qu'un grand nombre de documents que vous avez reçus. Nous retiendrons, par exemple, ce document que vous a envoyé Alex McDougall, chef de la Première Nation de Wasagamack, qui fait l'analyse détaillée d'une importante initiative d'immobilisations en cours dont l'objectif est d'apporter l'eau courante à des maisons qui n'en ont pas. Or, l'examen de ce document nous permet de constater que ce financement et cette activité ne s'appuient sur aucune norme de comparaison mesurable.

Vous serez sans doute intéressés de savoir que l'organisme Manitoba Keewatinowi Okimakanak est la toute première entité au Canada à avoir porté l'alinéa 36(1)c) de la Loi constitutionnelle de 1982 devant les tribunaux afin d'établir s'il pouvait s'appliquer aux services d'électricité que Manitoba Hydro fournit à nos Premières Nations les plus éloignées. Bien que nous n'ayons pas obtenu gain de cause, la Cour d'appel du Manitoba a effectivement fait savoir que cette partie de la loi pourrait avoir eu pour objet de créer des droits exécutoires.

Donc, en essence, nous tentons de trouver une référence, une mesure raisonnable pour évaluer les retards et les besoins en matière de logement, comme des conditions pour baliser les immeubles et les services disponibles dans les collectivités, et nous tentons de le faire de manière à ce que les provinces insistent pour que le gouvernement fédéral règle cette question à même la Constitution.

En ce qui concerne certaines des politiques — c'est-à-dire la reformulation de celles qui sont problématiques, mais aussi leur utilisation en tant que solutions —, comme l'explique en détail le chef McDougall, l'une des quatre grandes questions qui interpellent notre territoire est que l'exigence d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada à l'effet que les Premières Nations doivent contribuer au capital que les bandes mettent de l'avant pour assumer les coûts des grands projets d'immobilisations, y compris les projets de modernisation, met sérieusement en péril la capacité d'une première nation de construire de nouveaux logements et de faire bien d'autres choses encore, dont la réparation et l'entretien des installations existantes.

La deuxième grande question qui nous interpelle est cette exigence du ministère qui veut dans beaucoup de cas que les Premières Nations contractent une dette au taux généralement moins avantageux auquel les Premières Nations ont accès, plutôt que de faire en sorte que ce soit le Canada qui emprunte au taux beaucoup plus avantageux réservé aux gouvernements principaux pour ensuite avancer la totalité des coûts d'immobilisations à la Première Nation concernée. En propre, rappelons que les taux commerciaux offerts aux Premières Nations oscillent entre 6 et 8,5 p. 100. Or, la dernière fois que nous l'avons vérifié, le taux d'emprunt accordé au gouvernement du Canada était autour de 3 p. 100. Or, cet écart de 5 p. 100 sur les intérêts payés pour un projet d'immobilisations ne sort pas vraiment de la poche des Premières Nations, mais bien de celle des contribuables, car tout cela s'appuie toujours sur des fonds fédéraux.

À notre avis, il est tout simplement illogique d'exiger que les Premières Nations empruntent au taux du marché alors que le gouvernement du Canada peut emprunter à des taux inférieurs par 500 points. C'est une dynamique d'une grande importance puisque cela signifie souvent qu'une première nation devra s'endetter pour une longue période, ce qui peut parfois la placer dans une situation qui appelle une intervention, notamment en ce qui a trait aux dettes contractées.

Le président suppléant : Monsieur Anderson et grand chef Harper, merci. Je m'excuse. Cette fonction de président est quelque chose d'assez nouveau pour moi; je manque encore d'expérience. Je voulais simplement vous dire — à vous et aux membres du comité — que nous devrons laisser la pièce à quelqu'un d'autre dans 11 minutes. Malheureusement, nous ne pouvons pas dépasser cette limite de temps, car la salle est déjà prise pour l'activité qui viendra après. Par conséquent, nous ne serons pas en mesure de poser de questions, et je m'en excuse.

Monsieur Anderson, nous avons un autre témoin après vous. Nous avons votre mémoire et nous allons le lire très attentivement, car le survol que j'en ai fait m'a permis de constater qu'il contient certains points importants. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vous prierais de résumer en deux minutes la matière qu'il reste à couvrir.

Mesdames et messieurs les sénateurs, je crois qu'il serait judicieux de mettre vos questions par écrit pendant que le sujet est encore frais dans votre esprit. Nous pourrons ensuite compiler vos questions et les faire parvenir à nos témoins pour qu'ils y répondent.

Encore une fois, je m'excuse. Nous étions impatients de discuter de ces questions, mais j'ai laissé trop de temps au groupe de témoins précédent. Et je reconnais ma faute. Cela dit, monsieur Anderson, veuillez poursuivre.

M. Anderson : Cela dit, je vais mettre mon chapeau de la Régie des services publics du Manitoba et me référer aux documents.

Vous trouverez joint au mémoire du MKO un extrait d'un document soumis par le MKO lors d'une intervention récente auprès de la Régie des services publics. Sachez que, depuis 1989, le MKO est intervenu auprès de la régie toutes les fois qu'on annonçait une hausse importante des coûts de l'électricité, un projet d'immobilisations, et cetera, le but étant bien sûr de tenter de garder les coûts aussi bas que possible pour nos Premières Nations.

Mesdames et messieurs, j'aimerais attirer votre attention sur les lignes 26 à 33 de la page 33 du document — le numéro de page est dans le coin supérieur droit — qui fait partie de notre présentation. Vous remarquerez qu'à l'égard de ces augmentations potentielles, le ministère des Affaires autochtones a fait savoir qu'il ne pouvait pas garantir que le financement au titre de F et E serait relevé si les coûts de l'électricité augmentaient. J'aimerais également attirer votre attention sur les lignes 28 à 31, où l'on apprend que :

[...] il faudrait qu'AINC donne priorité aux dépenses pour le Bureau régional du Manitoba et, possiblement, à l'échelle nationale, afin de permettre de réaffecter des fonds en provenance d'autres secteurs de programmes. Entre-temps, ces réaffectations ne sont pas garanties.

Et les lignes 32 et 33, où l'on nous dit que :

[...] L'approche actuelle du Bureau régional du Manitoba d'AINC est de faire passer les programmes en éducation et en développement social avant le programme d'immobilisations et d'entretien.

Toutes ces conditions financières finissent par faire augmenter la pression, même au sein du ministère, en ce qui a trait au maintien des projets d'immobilisations dans la région, comme c'est le cas pour les propositions de Manitoba Hydro. Les documents de Manitoba Hydro indiquent qu'avec le plan de projet proposé à la Régie des services publics avant sa décision, nous aurions été quittes pour des augmentations de tarifs correspondant au double de l'inflation pour les 20 prochaines années, c'est-à-dire des augmentations qu'il aurait été impossible d'assumer avec le seul revenu des consommateurs ou par le biais des répartitions de coûts du ministère des Affaires autochtones.

Il est aussi important que vous sachiez qu'en date du 1er avril 2014, 86,3 p. 100 des comptes d'électricité de la Première Nation MKO étaient en souffrance, et que lorsque votre compte est en souffrance, vous n'êtes pas admissible au Programme Éconergique. Ce qui signifie que ceux-là mêmes qui auraient le plus besoin de mesures d'efficacité énergétique — y compris les installations comme nos arénas, nos bureaux de bande, et cetera — ne sont pas admissibles aux programmes qui pourraient les aider à cet égard.

Il y a cette multitude de facteurs qui, une fois combinés, mettent à mal la disponibilité des ressources et nous forcent à réaffecter l'ensemble des fonds disponibles pour répondre à des exigences immédiates qui n'ont rien à voir avec les investissements dans les infrastructures et les projets d'immobilisations.

Le mémoire parle de lui-même, monsieur le président. Merci de nous avoir accordé ces quelques minutes. Je voulais attirer l'attention des sénateurs sur ce qui a été présenté, car il s'agit d'une déclaration faite au nom du ministère, qui figure dans les comptes rendus de la Régie des services publics.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, merci.

Le président suppléant : Nous avons pu lire quelque chose là-dessus récemment dans le Globe and Mail. Merci beaucoup, monsieur.

Notre prochain témoin est le très patient Kevin McLeod, directeur du Secrétariat au logement et au développement économique et communautaire de la Federation of Saskatchewan Indian Nations, la FSIN.

Monsieur, je m'excuse. Vous êtes venu de loin pour faire une courte présentation. Faites de votre mieux, et merci. Vous avez la parole.

Kevin McLeod, directeur, Secrétariat au logement et au développement économique et communautaire, Federation of Saskatchewan Indian Nations : Merci, monsieur le président, et merci au Sénat. C'est vous qui payez pour mon temps, alors je vais essayer de vous en donner pour votre argent. Merci de m'avoir donné la chance de témoigner.

Je fais partie de la bande indienne de Lac La Ronge; notre territoire est situé dans le nord de la Saskatchewan. La bande compte environ 10 000 personnes. J'ai travaillé pour la bande pendant environ quatre ans à mettre sur pied un programme d'accession à la propriété, qui s'est avéré être une réussite. Vous avez là une bonne idée du parti pris que je peux avoir.

Cela dit, et compte tenu du peu de temps dont je dispose, lorsque je me préparais à venir ici, je me suis demandé ce qui serait la chose la plus utile que je puisse dire au Sénat. Quelle est cette chose unique qui aurait le plus d'incidence sur le terrain pour les Premières Nations de la Saskatchewan? En fait, ce que j'ai trouvé concerne toutes les provinces des Prairies, et c'est l'allocation-logement. Ma proposition ou ma demande est que le gouvernement du Canada finance les allocations-logement afin que les Premières Nations puissent percevoir un loyer des assistés sociaux qui vivent dans les résidences de bande, c'est-à-dire les résidences non visées par l'article 95.

Cette mesure comporte de nombreux avantages. Cela produirait un effet domino. Bien entendu, ces revenus permettraient de réparer et d'entretenir les résidences. À l'heure actuelle, la formule est d'environ 400 000 $ en dépenses en capital secondaires pour 1 000 membres de la réserve. Or, une fois assumées les dépenses pour les assurances, l'administration et quelques autres choses, il ne vous reste assez d'argent que pour deux ou trois logements, mais si le loyer est payé systématiquement pour couvrir les coûts de F et E, cela change assurément la donne.

En deuxième lieu, cette mesure permettrait de rendre les choses plus équitables. À l'heure actuelle, les bandes ont de la difficulté à administrer une politique en matière de logement. Or, le désir, la motivation et le consensus nécessaires pour adopter une telle politique sont d'autant plus difficiles à trouver lorsque les seules personnes qui sont tenues de payer un loyer sont celles qui vivent dans les résidences visées par l'article 95. Vous vous retrouverez avec deux coéquipiers dont l'un est obligé de payer un loyer et l'autre pas. Devinez ce qui arrivera? Vous constatez soudain que le programme établi en fonction de l'article 95 a des sérieuses lacunes structurelles. Comme vous le savez, avec le temps, certaines bandes se retrouvent en difficulté et ont recours à la gestion par une tierce partie à cause de cela, pour la simple raison que les deux programmes — celui pour le capital secondaire et celui lié à l'article 95 — fonctionnent en vases clos.

Cela dit, la politique existe en Saskatchewan et dans l'ensemble du Canada, cette politique qui demande aux bandes de mettre en œuvre un régime de loyers et d'être en mesure de percevoir l'aide sociale, mais aucun argent n'est offert pour cela dans les Prairies. Bien sûr, la politique ne s'applique pas de la même façon ailleurs au pays. Il reste qu'au final, le résultat est que, dans les provinces où les bandes peuvent percevoir l'allocation-logement, ces revenus servent de base pour l'édification des programmes de logement et permettent d'envisager les choses sous le signe de la durabilité.

Une chose que l'on pourrait avoir tendance à oublier, c'est qu'une telle mesure — l'instauration du loyer pour tous — donnera un sérieux coup de pouce à la promotion de l'accession à la propriété dans les réserves. C'est très simple.

Vous devez penser à ceux qui seront touchés par ce loyer universel. Pour les clients de l'article 95 qui sont déjà dans les Prairies, vous pouvez percevoir ce loyer des clients de l'assistance sociale. Mais si tout le monde est tenu de payer le loyer, ce sont ceux qui travaillent qui perdront complètement leur excuse pour ne pas s'exécuter.

Dans une très grande proportion, les personnes qui restent dans les résidences de bande sont des travailleurs, et le nombre d'assistés sociaux y est restreint. Dans les Prairies, vous pouvez obtenir de l'assistance sociale pour payer le loyer en vertu de l'article 95, alors c'est ce que choisissent les clients de l'assistance sociale, les résidences visées par l'article 95. Bref, les résidences de bande comptent un plus grand nombre de travailleurs.

Dans ces résidences, le loyer moyen pour un logement de quatre chambres à coucher est d'environ 350 $ par mois. Il est donc plus économique de devenir propriétaire d'une résidence de bande que d'en louer une.

Dans la collectivité où je vis, le montant de base pour devenir propriétaire d'une résidence de bande est de 1 000 $. Un grand nombre de collectivités de la Saskatchewan qui mettent sur pied de tels programmes accordent un transfert pour seulement 1 $. La raison en est que, pour la bande, ces résidences ne sont pas un actif, mais bien un passif. Leur transfert d'un simple coup de crayon au statut de propriété privée fait en sorte qu'elles deviennent du jour au lendemain un actif personnel. À long terme, il est très avantageux pour les bandes de transférer leurs résidences pour 1 $.

Les travailleurs qui vivent dans les résidences de bande paient environ 150 $ par mois — ce qui comprend l'assurance et le droit foncier —, contrairement à 350 $ pour un loyer. Il y a un petit groupe médian — ceux qui travaillent, mais dont la situation est très précaire — qui pourrait être touché par cette mesure. Mais le fait demeure que la propriété est plus économique que la location.

Comme nous l'avons vu, il y a beaucoup d'éléments à prendre en considération, comme le paiement des réparations et autres choses du genre. Vous faites passer les services des travaux publics et du logement à une entente de type paiement à l'acte, et le logement devient dès lors un commerce.

Je présume que je devrais aussi parler de cette initiative ontarienne que j'ai essayé d'importer en Saskatchewan. Affaires indiennes m'a remis 45 000 $ pour que j'organise un colloque de 3 jours. À la fin de l'événement, 14 bandes étaient prêtes à embarquer. J'ai mis sur pied un groupe dans la province. Ma proposition à Affaires indiennes de faire le suivi n'a pas été acceptée. C'est une proposition qui vaut son pesant d'or. L'initiative a vu le jour en Ontario, mais je crois qu'elle devrait être reprise à l'échelle nationale.

Quoi qu'il en soit, la politique de l'assistance sociale existe. Je dirais aussi que l'argent est là lui aussi. On en a déjà parlé. Il s'agit du Fonds pour les logements du marché. Ce fonds ne fait pas ce qu'on attend de lui. C'est tout. Le produit livré ne correspond pas tout à fait à ce qui avait été annoncé.

Mais revenons un demi-pas en arrière. Des évaluations pour la région de la Saskatchewan indiquent que le coût de l'assistance sociale s'élève à environ 17 millions de dollars par année. Ce chiffre est pour une pleine participation. Or, il me semble qu'il serait possible de faire chuter cette participation à 80 p. 100 en cinq ans. Les provinces des Prairies et les régions visées par des traités ont des problèmes en matière de logement, mais le fait de commencer à voir les choses sous l'angle du fonctionnement et de l'entretien plutôt que sous celui du logement provoque assurément un changement d'orientation majeur.

Ma proposition est la suivante : prenons l'argent du Fonds pour les logements du marché et servons-nous-en pour mettre sur pied un projet pilote échelonné sur cinq ans axé sur l'allocation-logement dans les Prairies. Si cela est nécessaire, le projet pourrait comporter un volet national. Mais essentiellement, cette reconfiguration provoquera un changement de perception majeur en ce qui a trait à l'offre de logement et à l'accession à la propriété pour les Premières Nations qui ont de tels programmes. À l'heure actuelle, il s'agit de quelque chose d'imposé. Il n'y a pas de continuité; il n'y a pas d'échanges entre les deux aspects. Si nous pouvons nous doter de politiques qui pourront appuyer une approche uniformisée sur le terrain — c'est-à-dire, au niveau de la bande —, nous n'aurons pas de résultats instantanés, mais nous ferons des progrès considérables pour atteindre les objectifs dont nous parlons.

Le coût social du logement est énorme. On voit bien que les budgets consacrés à d'autres programmes ne servent qu'à régler temporairement des problèmes qui découlent de la crise du logement.

Puisqu'il y a un gouvernement et plusieurs ministères, le travail se fait en vase clos, ce qui n'a pas de bon sens. Les ministères de la Santé dans la réserve s'emploient à dépenser de l'argent avant la fin de l'année, alors que des maisons sont envahies par la moisissure. En ce sens, on serait presque porté à dire que la Croix-Rouge offre plus d'avantages. Au moins, les représentants de la Croix-Rouge nous donnent un seau et une éponge pour nettoyer la moisissure, contrairement à Santé Canada.

Aux termes de l'article 95, il y a environ 18 Premières Nations admissibles en Saskatchewan, et seulement 14 d'entre elles ont coutume de construire des maisons. Cette année, il reste des fonds dans le budget. Force est de constater que la SCHL a du mal à engager tous les fonds budgétaires. Nous avons connu quelques années vraiment difficiles à cause des compressions.

Le président suppléant : Monsieur McLeod, la SCHL ne réaffecte-t-elle pas les fonds? Vous y avez également fait allusion, monsieur Latouche, mais la réaffectation n'est-elle plus une pratique courante? Est-ce bien ce que vous dites?

M. McLeod : Il y a une formule nationale d'affectation des fonds, comme M. Latouche l'a mentionné. Si on ne dépense pas les fonds attribués à une région donnée, il faut les retourner à Ottawa, et la décision de les réattribuer à d'autres régions dépendra des circonstances.

Le président suppléant : Autrement dit, il serait bien que les fonds soient réaffectés à la Saskatchewan au lieu d'être renvoyés au vaisseau-mère?

M. McLeod : Ces dernières années, la SCHL a resserré les critères d'admissibilité. Elle a modifié le mandat de son groupe de renforcement des capacités, qui s'occupe maintenant de la conformité. Mais soyons francs : cette mesure a été prise dans la foulée de la crise à Attawapiskat. Le vérificateur général a clairement fait mention de la SCHL.

Dans le cas de la SCHL, comme du MAINC, c'est-à-dire du ministère des Affaires indiennes, maintenant appelé AANDC — à l'image de notre décennie —, tout est administré différemment d'une province à l'autre. Chacune des régions applique une approche légèrement différente. Le fait est qu'en Saskatchewan, en moyenne, 25 p. 100 des bandes reçoivent des fonds pour le logement social. On ne parle que de 100 unités par année. Environ 75 p. 100 des bandes n'ont pas eu droit à de nouveaux logements depuis plus de cinq ans. Or, nous estimons qu'il faut près de 11 000 unités dans la province. Si nous en construisons une centaine par année, et même si nous multiplions ce chiffre par 10, compte tenu du taux de formation des familles et du nombre d'unités devenues inhabitables, il nous faudra quand même 20 ans pour y arriver. C'est un défi de taille, mais selon moi, il s'agit aussi d'une possibilité, surtout si l'on considère le logement comme une occasion d'affaires. Après tout, c'est ce que nous visons : l'autodétermination des Premières Nations et le développement de leurs économies grâce aux métiers, notamment dans le domaine des matériaux et des fournitures de construction. Voilà une occasion en or. À mon avis, c'est ce qu'il faut également appuyer.

Le président suppléant : Merci beaucoup, monsieur McLeod.

Encore une fois, je m'excuse auprès de nos témoins pour le peu de temps dont nous disposions. Vous nous avez fourni beaucoup de renseignements, de statistiques et de conseils, ce dont nous vous sommes très reconnaissants. Ce sera utile dans le cadre de nos efforts pour trouver des solutions à cette question fondamentale et aux problèmes qui en découlent.

Merci d'avoir été des nôtres aujourd'hui. Les sénateurs vous feront parvenir des questions écrites, et nous attendrons avec impatience de recevoir vos réponses.

Chers collègues, une fois de plus, je suis désolé que vous n'ayez pas eu le temps de poser des questions.

(La séance est levée.)


Haut de page