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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 11 - Témoignages du 4 février 2015


OTTAWA, le mercredi 4 février 2015

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 55, pour étudier les problèmes liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations.

Le sénateur Dennis Glen Patterson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir, mesdames et messieurs. Je souhaite la bienvenue à tous les sénateurs et aux membres du public présents dans la salle ou qui regardent cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC ou sur Internet.

Je m'appelle Dennis Patterson, je suis du Nunavut et j'ai le privilège de présider ce comité. Notre mandat consiste à examiner la loi et les questions qui concernent les Autochtones au Canada en général.

Ce soir, nous allons entendre des témoignages liés à l'ordre de renvoi qui nous demande d'examiner, en vue d'en faire rapport, les problèmes et les solutions potentielles liés à l'infrastructure dans les réserves, y compris le logement et l'infrastructure communautaire, ainsi que les occasions innovantes de financement et les stratégies de collaboration plus efficaces. Nos audiences portant sur le logement étant terminées, nous nous penchons maintenant sur la question des infrastructures.

Ce soir, nous avons le plaisir d'accueillir un groupe d'experts composé de représentants de quatre institutions financières qui offrent des services aux Premières Nations, c'est-à-dire la RBC Banque Royale, la Banque de Montréal, le Groupe Banque TD et la Banque des Premières Nations du Canada.

Avant d'entendre les témoignages de ces experts, je demanderais aux membres du comité autour de la table de bien vouloir se présenter.

Le sénateur Moore : Bonsoir. Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Ngo : Sénateur Ngo, de l'Ontario.

La sénatrice Beyak : Sénatrice Beyak, de l'Ontario.

La sénatrice Raine : Sénatrice Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, sénateur de l'Ontario et banquier à la retraite.

Le président : Merci.

Mesdames et messieurs les membres du comité, je sais que vous vous joindrez à moi pour souhaiter la bienvenue à nos témoins. De la RBC Banque Royale, nous accueillons Mme Doris Bear, chef, Stratégies régionales en matière de services bancaires aux Autochtones, et Harry Willmot, gestionnaire principal, Marchés autochtones. Les accompagnent à cette table, de la Banque de Montréal, M. Stephen Fay, directeur, Services bancaires aux Autochtones, Opérations bancaires commerciales; du Groupe Banque TD, M. Clint Davis, vice-président, Services bancaires aux Autochtones; et M. Keith Martell, président et chef de la direction à la Banque des Premières Nations du Canada.

Je tiens à remercier tous nos témoins d'avoir accepté de comparaître malgré un préavis relativement court. Le greffier me disait que plusieurs d'entre vous ont dû réaménager leur horaire, et que vous l'avez fait parce que vous teniez à contribuer aux travaux du comité et que vous estimiez avoir quelque chose d'utile à communiquer sur le sujet à l'étude. Vos efforts sont très appréciés.

Nous allons d'abord entendre les témoignages des quatre institutions bancaires, puis, si tout le monde est d'accord, nous passerons aux questions des sénateurs.

Je crois comprendre que nous allons commencer par Mme Bear, de la RBC.

Doris Bear, chef, Stratégies régionales en matière de services bancaires aux Autochtones, RBC Banque Royale : Monsieur le président, mesdames, messieurs les membres du comité, bonsoir. Je m'appelle Doris Bear et je suis membre de la Première Nation Peguis. En tant que chef des Stratégies régionales en matière de services bancaires aux Autochtones à la RBC, je suis chargée de mettre au point des stratégies bancaires, financières et de crédit répondant aux besoins particuliers des collectivités autochtones. Avant d'exercer cette fonction, j'étais vice-présidente des Services bancaires aux Autochtones et je dirigeais une équipe de gestionnaires de comptes commerciaux pour le marché autochtone.

Je suis accompagnée par mon collègue, M. Harry Willmot, qui est gestionnaire principal du développement des marchés autochtones à la RBC. Harry a une très vaste expérience du domaine, puisqu'il travaille dans l'industrie depuis environ 40 ans et qu'il sert la communauté autochtone depuis 1989.

Au nom de la RBC, nous sommes heureux de nous joindre aux discussions d'aujourd'hui sur les problèmes relatifs à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations et d'expliquer ce que nous faisons pour répondre aux besoins des collectivités des Premières Nations.

La RBC a une feuille de route imposante en matière de relations avec les peuples autochtones. Nous jugeons qu'il est très important de travailler avec les collectivités, organismes et entreprises autochtones ainsi qu'avec les particuliers afin de permettre la création de perspectives favorables en matière de développement durable.

En 2007, dans un esprit de collaboration, la RBC et l'Assemblée des Premières Nations ont signé un protocole d'entente précisant les grandes lignes de notre engagement. Le soutien que nous apportons aux collectivités touche à quatre grands domaines : l'accès aux services bancaires et au capital; la collectivité et le développement social; l'emploi, l'éducation et la formation; l'approvisionnement. Par souci de brièveté, je vais focaliser mes commentaires sur le premier domaine, c'est-à-dire l'accès aux services bancaires et au capital, mais nous répondrons à n'importe laquelle de vos questions avec grand plaisir lorsque viendra la période de discussion ouverte.

Au Canada, la RBC est le chef de file du marché des services bancaires aux Autochtones. Les études de marché indiquent que près de 20 p. 100 des entreprises déclarées volontairement comme appartenant à des Autochtones ont contracté leurs prêts chez nous. Nous avons une équipe nationale des plus dévouées composée de gestionnaires de comptes bancaires, de conseillers en fiducie et en placement et de gestionnaires du risque spécialisés pour répondre aux besoins précis du marché de la communauté autochtone à l'échelle du pays.

De façon générale, notre approche et notre point de focalisation consistent à prêter main-forte à l'édification de la capacité économique des collectivités et au développement de leur aptitude à créer des projets porteurs sur le plan financier et aptes à contribuer à la qualité de vie. En bref, nous visons à fournir des ressources et un savoir-faire financiers encourageant la réussite ainsi qu'à consolider l'avenir économique des collectivités où nous nous investissons.

En ce qui concerne le logement, il convient de préciser que les offres de financement sur les réserves ont longtemps été limitées par l'article 89 de la Loi sur les Indiens. Mais, comme Harry l'a déjà expliqué au comité, nous avons été en mesure de contourner ce problème en mobilisant nos clients. En effet, la RBC a été la première institution financière au pays à mettre sur pied un programme de prêts résidentiels destinés aux réserves, lequel permettait aux conseils de bande de garantir ce type de prêts. C'était en 1996. Près de 20 ans plus tard, c'est 72 Premières Nations qui participent à ce programme, et le total du crédit autorisé s'élève à 131 millions de dollars. C'est une grande réussite, et il importe de noter que nous n'avons jamais eu à nous prévaloir de la moindre garantie. Si des clients ont de la difficulté à faire leurs paiements, nous travaillons avec eux pour les aider à garder leur logement.

De plus, la RBC a toujours eu du succès avec le soutien accordé aux projets d'infrastructure de plus grande envergure, comme les routes, les écoles, les aqueducs, les centres de santé et l'électrification des collectivités. L'électricité est une infrastructure essentielle pour la prospérité des collectivités et nous jouons un rôle de premier plan pour financer son développement.

Comme il a été dit, depuis le début de notre partenariat avec l'Assemblée des Premières Nations, nous produisons chaque année un rapport d'étape faisant état d'une partie du financement accordé aux collectivités.

Outre notre responsabilité économique consistant à ouvrir l'accès aux services bancaires et aux capitaux, nous prenons très au sérieux notre responsabilité à l'égard du développement communautaire et du développement social. Nous offrons des dons et des subventions pour appuyer les intérêts autochtones dans trois domaines : l'environnement — l'eau, de façon plus spécifique —, l'alphabétisation et l'éducation des jeunes ainsi que la culture et le patrimoine. En 2013, le total des dons, commandites et subventions accordés aux collectivités autochtones a dépassé les 2 millions de dollars.

Nous sommes fiers du partenariat plus que centenaire que nous avons avec les collectivités autochtones du Canada, et nous sommes impatients de collaborer plus avant avec elles afin d'édifier un héritage de valeur pour les générations futures.

Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui au nom de la RBC, et je me ferai une joie de répondre à toutes vos questions.

Stephen Fay, directeur, Services bancaires aux Autochtones, Opérations bancaires commerciales, Banque de Montréal : Je m'appelle Steve Fay, et je dirige les services bancaires aux Autochtones de BMO Groupe financier. Je suis heureux de prendre part au nom de cette institution financière à la discussion d'aujourd'hui sur les problèmes liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations et sur les nouvelles possibilités de collaboration et de financement à cet égard.

Mon collègue, Jason Cameron, a comparu devant ce comité il y a juste un peu moins d'un an. C'est un honneur pour moi d'avoir la chance de consolider le message qu'il vous avait livré alors, c'est-à-dire que la BMO est là pour aider les communautés autochtones du Canada.

Les Services aux Autochtones de BMO ont été créés en 1992 dans le but de répondre aux besoins bancaires et financiers particuliers des communautés des Premières Nations. Nous avons ouvert la première succursale de la banque dans une réserve, sur le territoire traditionnel d'Akwesasne, en 1993, et nous avons maintenant 14 succursales à service complet et comptoirs de services bancaires à la collectivité dans des réserves de partout au pays.

Nous comprenons l'importance cruciale que revêtent le logement et les infrastructures pour les communautés autochtones du Canada, et c'est pour cette raison que nous avons créé le premier — cela pourrait faire l'objet d'un débat —, le premier programme de prêts résidentiels destinés aux réserves. Nous avons aussi été la première institution financière d'importance — bien qu'il y en ait eu d'autres depuis — à s'engager dans le Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières nations. Quelques années plus tard, constatant le grand besoin pour des rénovations à moindres coûts, nous avons mis sur pied et lancé notre Programme de prêts-rénovations destiné aux réserves.

Nous avons aussi élaboré une directive en matière de prêts expliquant de façon très claire comment contourner les dispositions de la Loi sur les Indiens qui dressent des barrières à l'emprunt, et notamment aux emprunts destinés aux infrastructures. Ensemble, ces deux programmes offrent des options innovatrices de financement à l'habitation qui permettent de s'affranchir des garanties et de l'engagement des administrations publiques.

La BMO a joué un rôle de meneur pour l'offre de solutions innovatrices concernant les projets d'infrastructure des communautés. C'est un aspect non négligeable compte tenu de l'important virage qui s'est opéré au cours des 10 dernières années dans la façon qu'ont les peuples et les communautés autochtones de générer des revenus par l'intermédiaire d'entreprises. Ces entreprises deviennent d'ailleurs de plus en plus diversifiées. On trouve entre autres des entreprises vinicoles, des entreprises de construction, des entreprises agricoles et de pêches, des entreprises d'exploitation des énergies, des établissements de soins de santé, et bien plus encore. C'est très diversifié.

La possibilité qu'ont maintenant les gouvernements autochtones de devenir membre de l'Administration financière des Premières Nations procure à ces gouvernements un autre moyen d'emprunter selon des conditions similaires à celles qu'offrent d'autres administrations au Canada.

Étant donné ces nouvelles possibilités, les peuples autochtones ont désormais accès à des ressources financières sans précédent, et en nombre beaucoup plus grand qu'il y a 10 ans. Cela signifie que les communautés sont mieux placées pour améliorer leurs services et leurs infrastructures.

La BMO est fière de se tenir au côté des gouvernements et des entreprises autochtones qui tirent parti de cette offre sans précédent pour amener d'importants projets d'infrastructure dans leurs collectivités, et nous en avons aussi appuyé un grand nombre pour l'aménagement de centres éducatifs et de formation, de bâtiments administratifs, de services sociaux, d'installations sportives et récréatives, de ponts, d'installations de traitements des eaux — et la liste se poursuit —, autant de services dont les peuples autochtones méritent et dont ils ont besoin.

Monsieur le président, la BMO est fière de la solide relation qu'elle entretient avec les communautés autochtones de partout au Canada, et se fait une joie à l'idée de continuer à offrir un service de grande qualité à ses clients.

Au nom de la BMO, je suis heureux d'être ici aujourd'hui et je suis impatient d'entendre les échanges auxquels la période de questions donnera lieu.

Clint Davis, vice-président, Services bancaires aux Autochtones, Groupe Banque TD : Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité. C'est un honneur d'être ici pour donner le point de vue de la TD sur les problèmes et les défis relatifs au financement des infrastructures dans les réserves. Pour vous donner un aperçu de mon parcours, sachez que je suis un Inuit du Nunatsiavut, une région située dans le Nord du Labrador. Elle est la dernière revendication territoriale inuite au Canada à avoir été reconnue.

Je suis le vice-président des Services bancaires aux Autochtones de la TD, mais j'ai aussi l'honneur d'être président du Nunatsiavut Group of Companies, le bras économique du gouvernement du Nunatsiavut.

J'aimerais commencer par une description de ce que fait la TD pour répondre aux besoins des Premières Nations du Canada en matière de services bancaires. La TD est fière d'être la banque de nombreuses Premières Nations et de leurs membres à l'échelle du pays. Notre objectif est de devenir la banque de prédilection des familles, entreprises et collectivités autochtones. Nous nous efforçons d'innover et d'être flexibles en adaptant nos services aux divers besoins des collectivités et des gens qui les composent. Nous ne ménageons pas nos efforts pour gagner la confiance des collectivités autochtones d'un océan à l'autre.

La stratégie d'origine de la TD différait de celle de mes pairs de la BMO et de la RBC en cela qu'elle n'a pas d'entrée de jeu mis sur pied une équipe spéciale pour voir aux services bancaires des Autochtones. En lieu et place, nous nous sommes associés à des organismes des Premières Nations pour créer une banque autochtone qui appartiendrait à des Autochtones, qui serait gérée par des Autochtones et qui desservirait des Autochtones. Cette institution s'est appelée la Banque des Premières Nations du Canada. Elle est représentée ici par mon collègue Keith Martell, président et chef de la direction.

Il y a deux ans, la TD a entrepris de consolider son engagement auprès des peuples autochtones en créant l'Aboriginal Banking Group. Ce groupe que je dirige offre un savoir-faire spécialisé en matière de services bancaires en appui aux équipes de services bancaires aux entreprises qui desservent les collectivités autochtones.

La TD tient à cet égard une position unique puisque ses services bancaires aux entreprises sont décentralisés. Au Canada, la TD compte 45 centres ou bureaux de services aux entreprises qui ont l'autorité d'accorder des prêts et de prendre des décisions en matière de crédit jusqu'à concurrence de 1 million de dollars sans avoir à passer par l'un de nos groupes de gestion du risque de Calgary ou de Toronto. Dans certains cas, cette façon de faire permet de prendre des décisions en matière de crédit qui répondent aux besoins du client et qui s'appliqueront au contexte particulier d'une région donnée.

La création et l'accumulation de richesse continuent d'avoir une influence bénéfique sur ces collectivités autochtones qui réussissent à négocier des revendications territoriales, et elles ont une incidence sur les ententes portant sur les répercussions et les avantages. La gestion de cette nouvelle richesse se fait de plus en plus au moyen de fiducies, une solution très efficace s'il en est.

Depuis 2007, les Aboriginal Trust and Investment Services de la TD ont fourni soutien et conseils aux collectivités autochtones quant à la planification et à la mise en œuvre de ces fiducies et de ces solutions en matière de placement. Le total des actifs que la TD administre ou des placements qu'elle gère dépasse les 2 milliards de dollars, ce qui en fait l'un des meneurs de l'industrie dans ce secteur.

TD Economics publiait en 2011 un rapport quantifiant le marché autochtone, dont le pouvoir d'achat de ses différents secteurs — les particuliers, les entreprises et les gouvernements. On estime que les revenus annuels combinés de ces trois secteurs atteindront 32 milliards de dollars d'ici 2016. Je crois que ce chiffre pourrait être plus grand encore si l'écart en matière d'infrastructures qui est le lot de trop nombreuses Premières Nations du Canada était comblé. La croissance, la stabilité et la satisfaction des besoins essentiels — l'eau, le logement, l'éducation et la santé — nécessitent des infrastructures fonctionnelles.

La TD, à l'instar de mes pairs, finance aussi les infrastructures dans les réserves. Au cours des deux dernières années, plus de 40 p. 100 des nouvelles activités commerciales que nous inscrivons dans nos livres concernent le financement des infrastructures. En tant qu'institution financière, nous évoluons constamment dans la sphère de la gestion du risque, ce qui nous empêche malheureusement de dire oui à toutes les demandes de financement d'infrastructures qui nous sont adressées.

Lorsque nous prenons des décisions en matière de prêts, nous analysons la solidité de l'emprunteur — qui, dans ce cas, est le gouvernement des Premières Nations —, la provenance de l'argent qui servira à rembourser et la présence de sûreté. En termes simples, disons que nous évaluons l'emprunteur à l'aune de sa gouvernance et de son savoir-faire en gestion. Nous voulons avoir l'assurance que l'emprunteur pourra amortir sa dette, assurance qui, dans nombre de cas, passera par un bilan financier de bonne tenue et l'appui d'un programme d'immobilisations du gouvernement fédéral. Comme il s'agit habituellement d'un avantage qui sera développé dans la réserve, la sûreté n'est pas vraiment disponible.

Nous commençons à voir des situations où les Premières Nations n'attendent plus les programmes de financement du gouvernement fédéral pour s'attaquer à leurs besoins en matière d'infrastructure. Elles se tournent donc vers les banques pour se financer. Malheureusement, ces collectivités sont encore une minorité et l'écart persiste.

Je crois qu'en ce qui concerne les infrastructures, le comité doit se poser les deux questions suivantes : où sont les besoins les plus urgents, et comment les institutions financières peuvent-elles être mises à contribution compte tenu de l'impératif de gestion du risque dont elles doivent tenir compte? Je crois que cela signifie que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer afin de développer dans les collectivités la capacité nécessaire pour gérer ce type de projets. Les niveaux de financement devraient être relevés et ces hausses devraient cibler les collectivités qui en ont le plus besoin. En dernier lieu, le gouvernement fédéral devrait envisager d'autres moyens de rassurer les banques au chapitre du risque, en donnant par exemple des garanties pour les projets d'infrastructure et d'immobilisations.

Merci encore une fois. C'est un honneur d'être ici, et je serai ravi de répondre à vos questions.

Keith Martell, président et chef de la direction, Banque des Premières Nations du Canada : Mesdames et messieurs les sénateurs, bonsoir. C'est pour moi un honneur d'être ici. Je m'appelle Keith Martell, et je suis président et chef de la direction de la Banque des Premières Nations du Canada.

J'ai toujours été impressionné par les recommandations bien étoffées des comités sénatoriaux et, comme en témoignent les quelque 24 réunions que vous avez déjà consacrées à ce sujet au cours des 14 derniers mois, il ne fait aucun doute que la question à l'étude reçoit le même degré d'attention.

On m'a demandé de venir ici ce soir parce que je dirige une banque à charte appartenant à des Autochtones et offrant des services destinés aux Inuits, aux Métis et aux Premières Nations partout au pays. J'apporte aussi le point de vue d'une personne qui est née dans une réserve et dont un grand nombre de ses proches, notamment son père, vivent toujours au sein de la Première Nation de Waterhen Lake dans le Nord de la Saskatchewan.

Mes observations porteront essentiellement sur les questions que je suis le mieux placé à aborder, à savoir celles de savoir comment financer de façon optimale des projets d'infrastructure pour appuyer le développement social et économique des collectivités autochtones.

Le problème que nous tentons de résoudre a été clairement exprimé par de nombreux témoins qui ont comparu devant le comité : d'abord, l'infrastructure sociale et économique dans les collectivités autochtones ne suffit pas pour accorder à une population qui croît rapidement un niveau de vie semblable à celui des autres citoyens du Canada; ensuite, 100 p. 100 du financement fédéral destiné à l'infrastructure dans les collectivités autochtones n'est pas durable; enfin, frustrées par les dépenses actuelles en infrastructure, de nombreuses collectivités autochtones, comme d'autres témoins l'ont dit, se tournent vers des revenus autonomes comme moyen de financer un plus grand nombre de ces projets de développement à l'échelle locale.

Ce soir, j'aimerais vous parler de trois questions liées à ce sujet. Premièrement, je souhaite apporter mon appui à certains aspects de la mesure législative en vigueur, la Loi sur la gestion financière des premières nations, en ce qui concerne le financement de l'infrastructure. Deuxièmement, j'aimerais vous signaler certaines des simplifications excessives et des erreurs qui existent, selon moi, dans la conception de modes de financement novateurs pour résoudre ce problème. Enfin, je voudrais vous présenter quelques exemples réels d'options de financement qui sont appliquées régulièrement afin de régler ce problème auquel font face les collectivités autochtones et, du même souffle, vous montrer comment les banques à charte, comme celles qui sont représentées ici aujourd'hui, facilitent un tel financement.

Revenons donc à mon premier point : je reconnais toutes les questions cernées dans le problème que j'ai souligné et que d'autres ont observé, et je crois qu'il est essentiel de trouver des options de financement novatrices pour régler ce déficit en matière d'infrastructure. J'ai d'ailleurs participé activement aux premières étapes de l'élaboration de la Loi sur la gestion financière des premières nations. Mon appui à cette mesure législative repose sur ma conviction que de nombreuses Premières Nations au Canada disposent de sources de revenus de type gouvernemental, sous forme d'impôts, de redevances et de baux fonciers, mais contrairement au Canada, à la Saskatchewan, ou même à la ville de Saskatoon, elles ne sont pas en mesure de tirer profit de ces revenus au moyen d'un financement de type obligataire pour financer des projets d'infrastructure. Ces Premières Nations sont obligées soit d'attendre le déblocage de fonds fédéraux déjà rares, soit d'utiliser leur capacité de crédit commercial de façon défavorable pour appuyer des prêts commerciaux destinés à l'infrastructure publique, au lieu de s'en servir pour investir dans les entreprises qui jouent un rôle de premier plan dans le domaine de l'infrastructure.

Les institutions créées aux termes de la Loi sur la gestion financière des premières nations visaient justement à résoudre ce problème. Je crois encore fermement à la nécessité absolue de ces institutions, qui ont été conçues pour aider à créer un effet de levier sur les revenus de type gouvernemental dans le cadre d'un financement de type gouvernemental. Ainsi, l'Administration financière des Premières Nations, le Conseil de gestion financière des premières nations et la Commission de la fiscalité des premières nations ont vu le jour pour assurer la titrisation des revenus de type gouvernemental dans le cadre d'un financement par obligations de type gouvernemental.

Je continue d'appuyer l'idée de regrouper les revenus de type gouvernemental de nombreuses Premières Nations dans un fonds commun homogène destiné à émettre des obligations, comme ce que font bien des provinces par l'entremise de leurs autorités municipales de financement par obligations. Cette méthode est rentable. Les taux et les modalités correspondent aux sources de financement de type gouvernemental, et la capacité de crédit commercial de la collectivité autochtone n'est pas réduite, mais laissée intacte pour qu'elle puisse investir dans des entreprises commerciales. J'appuie donc l'adoption de la Loi sur la gestion financière des premières nations aux fins pour lesquelles elle a été initialement conçue.

Passons maintenant à mon deuxième point. Certaines de ces options de financement novatrices sont devenues, en quelque sorte, une panacée pour régler tous les problèmes, si bien qu'on a oublié les réalités fondamentales du financement. En effet, peu après la création des institutions en vertu de la Loi sur la gestion financière des Premières Nations, on a élargi leur mandat de sorte qu'elles regroupent maintenant, avec beaucoup de vigueur, tous les autres revenus dans leurs modèles de prêts, y compris les revenus d'entreprises commerciales appartenant à des Premières Nations.

Il s'agit souvent de revenus qui ne sont pas de type gouvernemental et qui ont été précisément définis par l'Administration financière des Premières Nations, ou AFPN, pour y inclure les revenus tirés de toute activité, qu'il s'agisse d'exploitations forestières, de projets d'exploration pétrolière et gazière, de projets d'hydroélectricité, de dépanneurs, d'hôtels ou d'entreprises de jeu. Ces définitions n'englobent pas uniquement les taxes ou les redevances de type gouvernemental en provenance des entreprises, mais aussi les rendements semblables à celui des titres de participation. On institutionnalise donc l'emprunt commercial des Premières Nations à des fins commerciales dans un modèle de financement gouvernemental, et j'estime qu'il s'agit là d'un gros problème.

Certains témoins ont fait remarquer que l'attribution d'une cote d'évaluation d'investissements à l'AFPN représente une approbation de son plan d'affaires, y compris des autres revenus. Je suis sûr que les membres du comité ont lu les rapports des agences de notation; vous n'êtes donc pas sans savoir que les cotes attribuées reposent largement sur la croyance que le gouvernement fédéral continuera d'éponger les déficits de l'Administration financière des Premières Nations. Des témoins ont également noté la forte probabilité — ce qu'on définit dans le jargon des agences de notation comme une probabilité de 51 à 70 p. 100 — que le gouvernement fédéral utilise un soutien exceptionnel en cas de défaut de paiement concernant l'une de ces obligations. Une agence de notation a d'ailleurs précisé que la cote de l'Administration financière des Premières Nations pourrait être révisée à la hausse ou à la baisse, selon la cote du Canada ou à la suite de tout changement apporté à l'hypothèse relative au soutien exceptionnel fourni par le gouvernement fédéral.

Je m'y connais en matière d'emprunt commercial parce que c'est dans ce domaine que nous excellons, comme en témoignent d'ailleurs les faibles taux de pertes sur prêts enregistrés par nos clients et notre banque. Notre banque, ainsi que toutes les institutions représentées ici aujourd'hui, font un excellent travail quand vient le temps de garantir ce genre de dette, et nous nous faisons concurrence pour ce qui est du cours des titres d'emprunt et des conditions de tous les prêts que nous accordons aux clients membres des Premières Nations. Ce n'est pas un processus facile, et cela ne devrait pas être pris à la légère.

Que propose au juste l'Administration financière des Premières Nations en intégrant les recettes gouvernementales dans le revenu commercial destiné à l'emprunt? En fait, c'est comme si une entreprise commerciale à but lucratif s'associait avec une province ou une ville pour émettre conjointement une obligation de 30 ans en vue de financer des dépenses en capital. Cela ne se fait tout simplement pas parce que même si des économies d'échelle devaient s'appliquer à une telle obligation, on n'aurait pas la moindre idée des écarts de risques, de délais et de cycles entre chaque emprunteur qui participe à ce fonds commun. Ce n'est pas parce que de nombreuses Premières Nations détiennent collectivement des entreprises commerciales que les revenus découlant de ces entreprises, somme toute bien différentes, ressemblent aux recettes publiques ou qu'ils sont homogènes au point de justifier un financement commun.

Le danger d'un tel amalgame, c'est que le risque sous-jacent de chaque entité n'est pas reflété dans le taux d'emprunt ni dans les conditions du prêt. Dans ce genre de fonds commun, certains des participants affichent un risque de non- paiement beaucoup plus élevé que d'autres et, en raison de la responsabilité solidaire, ceux ayant une bonne cote de crédit pourraient finir par assumer les coûts de ceux qui ont une mauvaise cote de crédit dans le fonds commun. De plus, l'entité ayant la meilleure cote de crédit dans le fonds commun aurait, selon toute vraisemblance, une cote de crédit similaire ou supérieure si elle ne faisait pas partie du fonds commun. On se retrouvera donc dans une situation où l'entité ayant la meilleure cote de crédit ne voudra pas participer à une telle mise en commun.

S'il y a défaut de paiement dans ce fonds commun d'emprunts, deux scénarios vont se produire. Premièrement, il sera extrêmement plus difficile à l'avenir d'obtenir du financement par obligations, et ce, même pour les Premières Nations avec les meilleures cotes de crédit. Deuxièmement, tous ceux qui doivent assumer le coût des pertes chercheront quelqu'un à blâmer, et le gouvernement fédéral, sans conseil d'une entité indépendante sur cette structure, devra payer la note au bout du compte. Il est certain qu'il sera par la suite beaucoup plus difficile de faire participer le gouvernement fédéral au financement des infrastructures.

Pour terminer, je tiens à vous informer que lorsqu'il est question pour les banques commerciales de financer des projets commerciaux de collectivités autochtones, beaucoup de travail est fait, et l'institutionnalisation de tous les services financiers des Premières Nations pour assurer le financement des infrastructures n'est pas une bonne idée.

Notre banque a été créée pour répondre aux besoins d'un créneau dans le marché pour une banque qui desservait surtout les collectivités autochtones. Une grande majorité de nos actionnaires et de nos organisations sont autochtones et une vaste majorité de nos services financiers sont offerts à des collectivités et à des marchés autochtones. Bien que je pense que nous ayons un avantage parce que nous accordons la priorité à ces marchés, les autres banques sont très concurrentielles. Elles ont des équipes qui se consacrent à ces marchés et s'améliorent de plus en plus pour répondre aux besoins de ces clients.

Il y a également de nombreux projets de développement commercial d'envergure très prospères de Premières Nations qui ont reçu du financement par obligations adéquat. J'ai participé au cours des deux dernières années à trois projets d'envergure qui ont obtenu du financement par obligations à durée déterminée, à savoir un projet hydroélectrique, une ligne de transport d'énergie hydroélectrique et un hôtel avec établissement de jeu. Ces projets ont reçu du financement institutionnel à des taux parfois inférieurs à celui que l'Administration financière des Premières Nations a obtenu, sur des périodes de 25, de 15 et de 8 ans. Des investisseurs institutionnels et des banques ont proposé des taux, des durées et des conditions pour ces projets, en fonction du modèle d'affaire connexe et des conditions requises pour protéger les détenteurs d'obligations et les emprunteurs des Premières Nations. De plus, toutes ces entreprises qui ont des risques très différents à assumer n'allaient pas être responsables des dettes des autres.

J'espère que cette déclaration vous a été utile et que le comité recommandera d'adopter une approche équilibrée et éclairée pour régler cette question qui ne créera pas de plus gros problèmes pour l'avancement social et économique futur des peuples autochtones.

Je vous remercie. Je suis disposé à répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Martell.

Sénateur Enverga.

Le sénateur Enverga : Merci des exposés que vous avez faits. Cette question s'adresse à tous les témoins. Elle porte sur un mémoire qui a été présenté au comité le 4 mars 2014. Le directeur des services bancaires aux Autochtones à la division régionale de l'Ontario chez BMO a fait la déclaration suivante : « Nous avons élaboré une directive d'octroi de crédit qui précise clairement comment surmonter les obstacles de la Loi sur les Indiens dans nos pratiques d'octroi de crédit, plus précisément en ce qui a trait aux prêts pour travaux d'infrastructures. » La question est la suivante : La Loi sur les Indiens crée-t-elle des obstacles au financement des infrastructures et, le cas échéant, quels sont-ils?

M. Fay : Je suis heureux de pouvoir répondre à votre question. La directive d'octroi de crédit permet aux banquiers de mieux comprendre les risques. Nous n'allons pas pouvoir contracter une hypothèque sur une propriété ou une infrastructure dans une collectivité autochtone. Nous devons donc vraiment comprendre la nature de la gestion, que ce soit le leadership ou l'administration de la collectivité, et nous devons bien connaître quelles sont les sources de revenu et les sources de remboursement primaires et secondaires.

La façon dont nous analysons la santé financière et les sources de revenu des Premières Nations permet à nos prêteurs de procéder à une transaction. La Loi sur les Indiens est une distraction. Il faut vraiment se demander si l'on conclurait cette entente, que la Loi sur les Indiens existe ou non. Nous avons pris la décision commerciale d'examiner comment nous pourrions permettre aux gens de faire ce genre de travail. On met en quelque sorte la loi de côté et on n'en tient pas compte.

J'espère avoir répondu à votre question.

Le sénateur Enverga : D'autres témoins veulent répondre? Avez-vous autre chose à ajouter?

M. Martell : Probablement la moitié de nos prêts sont octroyés dans les réserves, si bien que la Loi sur les Indiens s'appliquerait à environ la moitié des clients à qui nous consentons des prêts commerciaux. Comme Stephen l'a dit, vous examinez les prêts sur flux de trésorerie et les prêts personnels ainsi que les modalités que nous fixons. Plus récemment, nous nous intéressons à la protection des droits fonciers ou des immeubles dans les réserves. Ce n'est pas tellement différent que les prêts consentis aux municipalités, aux hôpitaux ou aux universités. On ne va pas procéder à une saisie dans une université s'il y a un prêt. Il faut examiner les flux de trésorerie et l'administration de l'établissement, ce qui ressemble à ce que nous faisons avec les Premières Nations.

Le sénateur Enverga : Nous avons la Loi sur la gestion des terres des premières nations. Élimine-t-elle certains des obstacles dont il est question ici?

M. Martell : Elle en élimine certains. Par exemple, lorsqu'une Première Nation met en œuvre un projet de développement commercial dans une réserve, tel qu'un centre commercial ou un hôtel, en vertu de la Loi sur la gestion des terres des premières nations, elle peut contracter des baux à long terme qui sont administrés par la collectivité. Elle peut avoir un emprunteur qui, en vertu de la Loi sur la gestion des terres des premières nations, établit l'utilisation qu'on fera de l'actif commercial, ce qui rend le projet plus facile à financer. La Loi sur la gestion des terres des premières nations a été d'une grande utilité pour ceux qui peuvent s'en prévaloir.

M. Davis : J'allais mentionner que la loi confère plus de pouvoirs à la Première Nation pour ce qui est de l'aménagement de ses terres que si ces pouvoirs étaient prescrits dans la Loi sur les Indiens, ce que M. Martell a évoqué également. Cela a augmenté l'autonomie gouvernementale des Premières Nations à cet égard. Il n'existe aucune protection additionnelle ou autre mesure de ce genre relativement à la prise de possession des terres à proprement parler. Il n'y a rien de tel dans la Loi sur la gestion des terres des premières nations.

M. Fay : Cela peut permettre de contracter une hypothèque plus facilement, par exemple. Ainsi, au lieu de s'accrocher aux terres, on peut miser sur la source de revenu, potentielle ou réelle, qu'elles représentent.

Comme M. Martell l'a mentionné plus tôt, les flux de trésorerie sont vraiment importants pour nous. Donc, le fait de contracter ces prêts et de pouvoir obtenir une débenture est important pour nous, mais ce n'est pas tout. Ce n'est qu'une autre façon de répondre à la préoccupation.

Mme Bear : Nous reconnaissons que les prêts pour le développement de propriétés à bail sont importants dans les collectivités, et nous en avons consenti beaucoup. Ils donnent aux collectivités l'accès à des projets de développement commercial et résidentiel. Nous pouvons prendre des garanties sur ce type de terres. De nombreuses collectivités se lancent dans ces projets. Ces projets nous semblent être des terres en fief simple lorsque nous assurons le financement. Nous les traitons d'une manière similaire.

Le sénateur Enverga : Nous essayons d'abroger la Loi sur les Indiens ou d'y apporter certaines modifications. Que pourrait faire le gouvernement fédéral pour réduire les obstacles? Nous vous invitons à nous faire part de vos suggestions. Que pouvons-nous faire en tant que gouvernement fédéral?

Mme Bear : Vous pourriez établir plus de partenariats ou collaborer davantage avec le secteur privé, ainsi qu'avec les autres ordres de gouvernement et les collectivités, et inviter tous les intervenants à discuter de solutions possibles et de la façon dont nous pouvons travailler ensemble. Comme nous l'avons tous dit, nous cherchons des moyens novateurs d'offrir du financement dans les collectivités. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion d'explorer les différentes options possibles.

M. Martell : Je déteste devoir énoncer l'objectif à long terme qui ne se réalisera pas du jour au lendemain, mais honnêtement, c'est en misant sur l'éducation de la maternelle à la 12e année que le gouvernement fédéral aura la plus grande incidence sur la santé économique future des Premières Nations. L'éducation est le facteur qui a le plus d'incidence sur le bien-être économique.

Le gouvernement fédéral a toujours un rôle important à jouer dans l'éducation dans les réserves. Plus nous parviendrons à offrir des services efficaces en matière d'éducation à ces populations, plus l'économie de ces collectivités sera solide et plus nous pourrons leur accorder des prêts. C'est le plus grand impact que vous pourriez avoir en ce qui concerne cet objectif.

M. Davis : Je suis tout à fait d'accord avec M. Martell. Il n'y a vraiment aucune solution universelle qui nous permettrait de résumer dans un exposé de cinq minutes ce que le gouvernement fédéral peut faire pour résoudre les problèmes liés à la Loi sur les Indiens. C'est une discussion qui durerait probablement 48 heures.

Ma collectivité est inuite, et l'une des choses que j'ai vues — et je sais que M. Martell travaille énormément avec plusieurs de ces Premières Nations —, c'est l'autonomie gouvernementale. En effet, l'autonomie gouvernementale représente, au bout du compte, la capacité de prendre des décisions liées au bien-être des citoyens et aux activités qui seront menées sur les terres et dans les différentes collectivités.

Dans le cadre du Projet Harvard sur le développement économique des Indiens américains — et un grand nombre de personnes en ont entendu parler —, on a mené une étude pour vérifier quelles tribus avaient bien réussi aux États- Unis et quels étaient les éléments communs de ces tribus. L'un de ces éléments était un véritable pouvoir décisionnel. Je crois que nous convenons probablement tous que la Loi sur les Indiens est très normative et qu'elle remet essentiellement le pouvoir ultime entre les mains du ministre au lieu de le laisser là où il devrait être, c'est-à-dire entre les mains des membres des Premières Nations.

Il ne s'agit pas seulement des collectivités qui ne sont pas visées par des traités numérotés. Nous constatons également qu'il y a des accords d'autonomie gouvernementale dans d'autres régions du pays. Au bout du compte, il devrait s'agir d'un objectif à long terme pour de nombreuses collectivités autochtones de partout au pays.

La sénatrice Raine : Il est intéressant que vous ayez mentionné l'éducation, monsieur Martell. Notre comité a énormément travaillé sur l'éducation de la maternelle à la 12e année. Vous savez qu'un projet de loi sur l'éducation a été élaboré après un travail acharné.

M. Fay : Oui.

La sénatrice Raine : À votre avis, lorsque vous y repensez, ce projet de loi allait-il fonctionner ou a-t-il été mis de côté pour une bonne raison? Nous étions tous un peu perplexes.

M. Martell : C'est une bonne question. Mon père est passé par les pensionnats. Pour de nombreuses raisons, il n'était pas très porté sur l'éducation, mais heureusement, ma mère l'était beaucoup plus. Honnêtement, grâce à notre éducation, mes frères, ma sœur, mes enfants et moi-même n'avons pratiquement pas eu à dépendre du financement du gouvernement fédéral dans l'infrastructure et les programmes sociaux. C'est donc un élément important pour les familles, mais c'est un gros problème, même dans ma collectivité. En effet, les gens qui connaissent la valeur de l'éducation ne font toujours pas confiance au gouvernement fédéral lorsqu'il leur demande de faire une certaine chose pour leur éducation. La dernière fois qu'ils ont entendu cela, leurs enfants ont disparu pendant huit ou neuf mois.

Vous pouvez comprendre que les membres des Premières Nations sont un peu susceptibles lorsqu'il s'agit de cette question et qu'ils craignent un développement unilatéral dans le cadre duquel on leur ordonnerait de faire certaines choses. J'aimerais encourager les dirigeants des Premières Nations et le gouvernement fédéral et, honnêtement, les gouvernements provinciaux, à se réunir pour trouver une solution au problème. Ce n'est pas moi qui le ferai, mais je vous incite à faire le tiers du travail qui vous incombe, car sans cette contribution, il y aura peu d'activité ou de développement économique efficace dans les collectivités.

La sénatrice Raine : Nous avons certains exemples d'endroits où les choses fonctionnent très bien, et je pense donc qu'il s'agit seulement d'une question de temps avant qu'un plus grand nombre de Premières Nations relèvent le défi.

M. Martell : Je suis d'accord.

La sénatrice Raine : Il n'y a pas de solution universelle. Je vous remercie de vos commentaires.

Le président : Monsieur Martell, vous nous avez donné des conseils assez précis dans votre exposé. Certains d'entre eux concernaient le fonctionnement de la Loi sur la gestion financière des Premières Nations. D'après ce que je comprends, vous étiez d'avis que certains revenus des Premières Nations ont été utilisés à tort pour justifier un régime de financement par obligations, des revenus qui ne s'apparentent pas à ceux du gouvernement. Mais vous appuyez la Loi sur la gestion financière des Premières Nations. Nous recommandez-vous de faire quelque chose à cet égard ou de modifier la politique en matière de prêts, c'est-à-dire de la resserrer? J'aimerais savoir ce que nous devrions faire avec ces conseils importants que vous nous avez donnés.

M. Martell : Je vais utiliser un exemple. J'appuie l'intention initiale de la Loi sur la gestion financière des premières nations et de l'Administration financière des Premières Nations, qui était de structurer les prêts en se fondant sur les revenus du gouvernement. Par exemple, ma Première Nation a effectivement une relation qui s'apparente aux droits de coupe pour les forêts. En effet, elle obtient un certain revenu de l'exploitation forestière, tout comme un gouvernement provincial tire des revenus de l'exploitation forestière. Ce sont des modes de financement qui ressemblent beaucoup à ceux du gouvernement, car ils sont à long terme et ils sont cycliques. On peut compter sur eux comme on compte sur des revenus du gouvernement. Tout comme les gouvernements provinciaux de la Saskatchewan, de l'Alberta ou du Manitoba, ces financements pourraient être structurés en obligations admissibles au financement qui pourraient servir de cautionnement pour construire des routes qui mènent aux sites des activités forestières, par exemple. On utilise les revenus qui s'apparentent à ceux du gouvernement pour financer l'infrastructure qui produit les revenus du gouvernement.

Ma collectivité est également propriétaire d'une société forestière. Cette société coupe et vend des billots aux usines de pâtes et papiers et aux scieries. Il s'agit d'une activité commerciale très cyclique. La structure de ces revenus ne s'apparente pas du tout à celle des revenus du gouvernement. En effet, ces revenus suivent les hauts et les bas des activités forestières, un peu comme les droits de coupe, mais pas dans la même mesure. D'ailleurs, ils sont beaucoup plus volatiles.

Regrouper dans une obligation les revenus de ma collectivité qui s'apparentent à ceux du gouvernement et les revenus qui s'apparentent à ceux des entreprises revient à regrouper une obligation pour les entreprises et une obligation municipale dans un seul instrument financier, comme je l'ai dit plus tôt.

Je crois que l'autre revenu était un ajout au mandat de l'Administration financière des Premières Nations, et c'est ce qui me préoccupe. On tente vraiment d'institutionnaliser ce qui serait un prêt commercial. Cela empêchera les Premières Nations d'obtenir le financement adéquat pour remédier au risque lié à cette activité. Je ne crois pas que cela servira très bien les prêts liés à l'infrastructure ou les prêts commerciaux.

Le président : Avez-vous exprimé vos préoccupations à l'AFPN?

M. Martell : J'ai exprimé mes préoccupations à l'AFPN. J'ai également exprimé mes inquiétudes au ministre des Affaires indiennes. Je les ai aussi exprimées à la sous-ministre. Tout le monde semble être enthousiaste à l'idée d'avoir un financement qui réglera, d'un coup de baguette magique, tous les déficits en matière d'infrastructure. Je crois que tout le monde a perdu de vue les fondements du crédit.

Je n'aime pas vous dire cela, mais en tant que banquier, je dois vous rappeler les principes fondamentaux du crédit : il faut examiner les risques, les échéances, les cycles d'activités et faire correspondre les prêts à ces éléments. On regroupe toutes les activités autochtones dans une énorme obligation, qui s'étend parfois sur 30 ans, et j'aimerais savoir si un seul banquier assis à cette table accorderait un prêt sur 30 ans à une société forestière. En effet, ces sociétés connaissent des hauts et des bas. Elles passent à travers plusieurs cycles. On n'accorderait jamais un prêt sur 30 ans à une société forestière. C'est pourtant ce qu'on essaie de faire avec l'AFPN. En regroupant tous les autres revenus dans ces obligations sur 30 ans, on mélangera tout cela avec de nombreux revenus s'apparentant à ceux du gouvernement, par exemple des recettes fiscales issues des terres, qui sont stables et à long terme. C'est un type de prêt très différent.

Le président : C'est très utile. Merci.

Le sénateur Moore : Madame Bear, j'examinais justement vos commentaires. Vous avez dit :

En effet, la RBC a été la première institution financière au pays à mettre sur pied un programme de prêts résidentiels destinés aux réserves, lequel permettait aux conseils de bande de garantir ce type de prêts. C'était en 1996. Près de 20 ans plus tard, c'est 72 Premières Nations qui participent à ce programme, et le total du crédit autorisé s'élève à 131 millions de dollars.

Vous avez dit que vous n'aviez jamais eu à faire appel aux garanties.

Vous avez dit que 131 millions de dollars avaient été autorisés, et je présume que c'est depuis 1996. Quelle partie de cet argent a été utilisée et combien de logements ont été construits? Je présume que cet argent sert aux nouvelles constructions et non aux rénovations. Est-ce exact?

Mme Bear : Oui. N'importe quel membre de la collectivité peut souhaiter bâtir une maison, donc cela s'appliquerait dès le début de la construction jusqu'à la dernière étape. Cette personne peut s'adresser à n'importe laquelle de nos succursales et obtenir le même financement que toute autre personne, et nous collaborons ensuite avec les collectivités.

Je crois qu'on utilise plus de 50 p. 100 de la somme autorisée. Encore une fois, nous collaborons avec les collectivités, et si on atteint cette somme, nous l'augmenterons et nous planifierons le financement futur de ces logements.

Le sénateur Moore : Combien de maisons ont été construites en utilisant cette marge de crédit?

Mme Bear : Je suis désolée, sénateur, mais je n'ai pas ces données. Nous pouvons toutefois les obtenir.

Harry Willmot, gestionnaire principal, Marchés autochtones, RBC Banque Royale : Nous pouvons obtenir ces données et vous les communiquer, sénateur. Je ne les ai pas en main, mais il est clair que ce programme s'accroît avec les années. En 1996, lorsque nous avons lancé ce projet pilote, je crois que nous avions autorisé 8 millions de dollars dans la collectivité. Nous avons rapidement augmenté cette somme à 60 millions et à 100 millions de dollars. Il y a environ trois ans, nous l'avons augmenté à 120 millions de dollars, et aujourd'hui, à environ 130 millions de dollars, et elle continue d'augmenter.

Nous ajoutons non seulement d'autres collectivités, mais celles qui utilisent le programme continuent de le faire croître de l'intérieur. Je ne nommerai pas de collectivités, mais souvent, elles commencent par une petite somme, et lorsqu'elles deviennent plus à l'aise, elles profitent davantage du programme. Nous suivons la collectivité à mesure qu'elle élargit le programme.

Le sénateur Moore : Vous avez augmenté les crédits autorisés annuellement, ce qui signifie que vous prévoyez sûrement une croissance du marché pour les fonds.

Les 72 Premières Nations participantes sont-elles concentrées dans une province ou sont-elles réparties un peu partout au pays?

M. Willmot : Elles sont réparties un peu partout dans le pays, mais le plus grand nombre d'entre elles se trouvent en Ontario et en Colombie-Britannique. Nous avons lancé ce programme dans chaque province et dans chaque territoire du pays.

Le sénateur Moore : L'aide communautaire que vous fournissez aux collectivités m'intéresse. En 2013, vous avez remis plus de 2 millions de dollars en dons, en parrainage et en subventions aux collectivités autochtones. À quelles fins, madame Bear? Comment utilise-t-on cet argent?

Mme Bear : On peut l'utiliser pour appuyer la collectivité.

M. Willmot : Sénateur, nous avons fourni un document intitulé Un chemin tracé. Il s'agit de notre rapport à l'Assemblée des Premières Nations. Il contient plusieurs exemples. Plus précisément, nous concentrons ces dons dans le Projet Eau bleue, l'éducation pour les jeunes et les petites entreprises. Cet argent provient d'une série de sources de revenus, par exemple directement de la Fondation RBC. De plus, les diverses provinces reçoivent des parrainages et des dons que nous versons pour certaines collectivités en particulier.

Mme Bear : C'est exact. Nous nous occupons des secteurs de la santé, des services sociaux, du logement, des arts et de la culture, et de l'environnement, et chaque année, nous présentons les divers parrainages et les dons que nous avons versés dans notre rapport Un chemin tracé.

Le président : En ce qui concerne le programme de prêts résidentiels aux Autochtones des réserves qui permet aux conseils de bandes de garantir des prêts au logement — je crois que la BRC et la Banque de Montréal nous ont fourni une description de ce programme —, il ressemble un peu au Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières nations. Je ne dis pas que c'est la même chose, mais d'après ce que je comprends du Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières nations, il a été établi avec une mise en commun des capitaux et il sert à certifier la solvabilité des bandes. Toutefois, nous avons appris que ce fonds n'a pas beaucoup été utilisé.

Pourtant, les représentants des banques me disent aujourd'hui qu'ils ont trouvé une façon très efficace de faire la même chose. Je crois que vous avez dit, madame Bear, que vous n'avez jamais eu à exiger le remboursement d'un prêt ou à avoir recours à une garantie, et on nous a dit qu'un tel programme avait été étendu à la Banque de Montréal.

Connaissez-vous le Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières nations? Pourriez-vous nous décrire comment vous l'utilisez et nous expliquer pourquoi il ne semble pas très bien fonctionner? En effet, le programme prévoit 300 millions de dollars, et on ne semble pas l'avoir beaucoup utilisé. J'aimerais obtenir vos franches impressions à cet égard.

M. Willmot : J'aimerais répondre à la question si vous me le permettez.

Le Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières nations est une autre façon d'accélérer la construction des logements dans les collectivités. Vraiment, tout ce qu'il nous faut, c'est un peu de patience. Je crois en effet que le Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières nations continuera de s'accroître. Les dirigeants m'ont dit qu'ils continuent d'ajouter des prêts à leurs livres. Le programme croît peut-être lentement, mais je crois qu'il faut seulement faire preuve d'un peu de patience pour que les choses s'améliorent.

Même notre programme — et celui de la Banque de Montréal — représente seulement un autre moyen de construire des logements. Nous tentons d'offrir différentes options aux conseils.

Je fais vraiment confiance au Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières nations. Je crois qu'il fournit, tout d'abord, certains des outils nécessaires pour permettre aux Premières Nations de mettre sur pied une institution appropriée pour gérer les programmes de logement. Une fois cette institution formée, elles peuvent utiliser l'argent de la mise en commun des capitaux. Je crois que si nous avons réussi, c'est parce que nous avons choisi des collectivités qui souhaitent être propriétaires de logements et qui sont prospères. Je crois que tous mes collègues ont parlé des forces présentes dans la collectivité et des sources de revenus. Manifestement, certaines Premières Nations souhaitent devenir propriétaires et elles se sont donné les options nécessaires.

Je crois vraiment que le Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières nations a un bel avenir. Je pense que nous devons seulement faire preuve d'un peu plus de patience.

Le président : À votre avis, le Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières nations aidera-t-il les collectivités qui ont des problèmes liés à la capacité et qui doivent améliorer leur gouvernance, contrairement à certaines collectivités qui, selon les banques, n'ont besoin d'aucun appui au développement?

M. Willmot : Oui, on peut dire cela.

M. Martell : Je suis d'accord. Nous avons un programme privé pour les logements des réserves qui ne sont pas liés au Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières nations et nous avons également le Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières nations. Je suis d'accord avec tous les autres témoins sur le fait qu'il faut donner à ces programmes le temps d'être efficaces.

Le principal avantage du Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières nations est son volet sur le renforcement des capacités, car honnêtement, la garantie n'est pas aussi bonne qu'elle le paraît. Si vous examinez sa structure, la garantie offerte dans la mise en commun des capitaux du Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières nations couvre la dernière portion d'une perte. Donc, lorsqu'on a un logement qui représente 100 000 $ en prêts et que pour une raison quelconque, le détenteur de l'hypothèque, le propriétaire du logement, est en défaut de paiement, la Première Nation doit rembourser les premiers 75 p. 100 avant que le Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières nations rembourse les derniers 25 p. 100.

Dans les faits, d'après ce que nous avons entendu de chaque Première Nation qui a parlé de ce programme, la Première Nation empêchera probablement que la maison se retrouve en défaut de paiement bien avant de perdre 75 p. 100 de sa valeur. La garantie de prêt ne sera donc probablement jamais utilisée. L'avantage principal de ce programme réside réellement dans le renforcement des capacités.

M. Fay : J'aimerais ajouter quelques commentaires. Nous avons participé au fonds dès ses débuts, lorsqu'on tentait de déterminer la façon d'analyser la santé financière d'une Première Nation. Notre programme initial, qui est fondé sur les forces d'une Première Nation, mais surtout sur les forces des particuliers qui empruntent de l'argent, n'est pas vraiment différent de celui de nos collègues de la Banque Royale.

Comme à ce fonds s'ajoutait une réserve de 300 millions de dollars, il était important pour nous de savoir pourquoi. Cela offrait de nouvelles possibilités aux communautés qui, sinon, n'y auraient pas eu accès. Ç'a été un processus intéressant. Nous n'avons probablement eu qu'à endosser 70 prêts au fonds.

Comme M. Martell l'a fait remarquer, nous ne le faisons pas vraiment à cause de la garantie. En fait, nous, les banquiers, nous ne lui accordons aucune valeur de prêt. Cela ne représente que 10 p. 100 de la valeur globale du portefeuille, si tout devait clocher, ce qui n'arrivera pas.

Ce qu'il y a de bien dans tout cela, c'est que je perçois vraiment une amélioration de la capacité des communautés qui se servent du fonds. Je pense, comme Harry l'a dit, que c'est vraiment l'avantage qu'il procure à long terme.

Ce n'est pas tout : le fonds nous a permis d'être un peu plus créatifs. C'est de notoriété publique. Nous avons été en mesure de travailler avec quelques communautés du Québec et d'utiliser le fonds pour construire plus d'une maison à la fois, peut-être une vingtaine ou une trentaine du coup. Personne n'a plus à affronter le risque de construction. Nous savons tous ce que représente la construction d'une maison. On peut acheter un produit fini avec retouches.

Ç'a été un long processus. Pour officialiser notre accord de participation à l'emploi du fonds, on nous demande d'utiliser ses documents plutôt que ceux de la banque, ce qui est coûteux en temps et en argent. Ç'a donc été un peu difficile à organiser, mais, ce premier obstacle franchi, tout est bien allé. Je partage l'optimisme à long terme de Harry.

La sénatrice Raine : Certains de nos auditeurs pourraient ne pas comprendre tout à fait ce que vous voulez dire par l'augmentation des capacités d'une communauté. Pouvez-vous dire de quoi il s'agit, qui est si important?

M. Fay : Par exemple, quelqu'un s'adresse à nous pour obtenir un terrain; se construire une maison. Il doit s'adresser à quelqu'un sur le choix de l'emplacement et son arpentage. En quoi consiste l'inspection de cette maison, une fois construite? Quelle est la valeur de la maison? Comment allons-nous contrôler la qualité des maisons qu'on construit dans la communauté?

Sauf si un service possède les compétences voulues — et il en faut très peu — pour ce genre de dossier, ce sera difficile. Alors, cet afflux de dollars — et il y en a beaucoup — peut aider à la rédaction de politiques et à la formation des agents, qui en connaîtront un bout. Tout ce que le client sait, lui, c'est qu'il veut une maison. Il a un emploi qui rapporte tant de dollars par mois. Pour construire la maison à tel endroit, ce n'est pas si simple.

La sénatrice Raine : Alors la communauté, la Première Nation, le conseil de bande accède au financement pour mettre sur pied le service du logement?

M. Fay : Exact, compte tenu de toutes les subtilités.

M. Willmot : Rappelez-vous que ce service gère quotidiennement les opérations et pas seulement la construction et sa surveillance, mais la collecte des loyers, le lotissement, les infrastructures. En plus de diverses responsabilités, il serait aussi chargé de rendre le tout indépendant du chef et du conseil.

Le sénateur Enverga : Harry, tout à l'heure, vous avez dit qu'il suffisait pour nous d'être un peu patients. Que pouvons-nous faire pour accélérer le processus? Je sais que notre patience n'a pas flanché pendant toutes ces années. Faut-il beaucoup de marketing? Est-ce un problème de sensibilisation ou d'éducation? Comment pourrions-nous accélérer un peu le processus pour aider nos Premières Nations?

M. Fay : Je répondrai avec plaisir. Simplifiez le processus de demande pour les banques qui veulent devenir participantes autorisées au fonctionnement du Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières nations; ne les obligez pas à concevoir de nouveaux formulaires. Leur coût est énorme, en frais d'avocat, et cetera. Cela faciliterait les choses. Rationalisez le processus.

Tout d'abord, les banques prêtent de l'argent depuis une éternité; nous savons comment faire. Nous avons la documentation prête. Je pense qu'on pourrait comprimer les frais d'administration, ce qui favoriserait l'adhésion de plus de banques, qui profiteraient du fonds.

Ensuite, dans beaucoup de communautés, on a voulu obtenir le concours de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Pour la communauté, cela présente l'avantage que la SCHL se charge de 30 p. 100 de la perte, si un emprunteur manque à ses engagements hypothécaires, avant que la bande ne soit mise à contribution. Malheureusement, le coût est refilé à chaque membre de la bande sous la forme d'une prime d'assurance de la SCHL, qui s'ajoute au montant de l'hypothèque. Elle peut être invisible au client, parce que le coût est intégré au versement mensuel, mais, au bout de 25 ans d'amortissement, le total peut être considérable.

Personnellement, et mes confrères banquiers sont d'accord, si nous faisons notre travail en nous basant sur la capacité financière des emprunteurs et sur les cinq critères pour faire crédit, comme tous les banquiers, je crois que cette prime est peut-être exagérée, une dépense inutile. Ne mettons pas nécessairement toujours la SCHL dans le coup.

M. Davis : Il ne faut pas perdre de vue le fait que l'individu doit répondre aux critères pour payer les intérêts de l'hypothèque. À la Banque TD, nous n'avons pas de programme comme ça. Nous sommes en train de l'analyser, nous essayons d'en faire l'analyse de rentabilisation et nous sommes très près d'aboutir. Mais, entre nous, nous prévoyons que ce n'est pas toutes les Premières Nations du pays qui pourront en profiter, parce que, malheureusement, dans certaines communautés, le taux de chômage peut atteindre 60 à 70 p. 100. On n'a pas le nombre critique d'emprunteurs qui peuvent effectivement payer les intérêts d'une hypothèque. Tout commence par l'individu, qui, normalement, doit avoir un emploi qui rapporte, soit dans sa propre entreprise, soit dans un emploi qu'il occupe à l'extérieur de la réserve où il vit. C'est donc absolument essentiel.

Nous devons nous assurer d'abord que les membres des Premières Nations participent à l'économie, qu'ils ont des emplois et qu'ils sont capables de payer les intérêts de leurs propres dettes.

Ensuite, cela revient à la raison de notre présence ici, trouver un moyen d'accélérer le processus. Comme Steve l'a dit, le terrain, au départ, doit être doté de services. Il incombe donc à la Première Nation d'avoir la capacité, les fonds et le financement pour investir dans les aqueducs, les égouts, ce genre d'infrastructures; les parcelles doivent pouvoir être dotées de services et quand Steve ou Joe s'adressent à la nation pour se construire une maison, elle peut localiser les parcelles.

M. Fay : Exact.

M. Davis : Je pense que ce sont certains des défis que nous avons constatés chez certains de nos clients. Ils se disent emballés. La reprise a été retardée, un retard qu'ils essaient de rattraper et ils veulent s'assurer que, en fait, les terrains sont prêts à être dotés de services et d'infrastructures.

Le président : Je pense que c'est la raison pour laquelle nous avons décidé que si nous allions étudier le bâtiment, nous aurions aussi à étudier les infrastructures, parce que les deux sont indissociables. Je vous remercie pour cette précision.

Sénateur Tannas.

Le sénateur Tannas : Je remercie les témoins d'être ici. Veuillez me pardonner mon retard. Je me suis déplacé avec les membres d'un autre comité et nous venons d'arriver à l'aéroport. Je me suis dépêché autant que j'ai pu. Ce n'était pas intentionnel.

Je suis emballé à l'idée qu'en faisant tout notre possible, notre contribution, qui est loin d'être la seule, est importante pour faciliter dans les Premières Nations l'accès à la propriété d'une maison à leurs membres qui vivent dans une réserve et qui travaillent.

Quand j'étais jeune marié, j'ai profité d'une mesure du premier ministre de l'Alberta de l'époque, Don Getty, qui a eu l'idée, pour les travailleurs de l'Alberta — les taux d'intérêt étaient alors élevés —, d'un prêt-subvention gouvernemental qui pouvait servir d'acompte à l'achat d'une maison. Croyez-vous qu'un programme semblable pourrait encourager les travailleurs de la communauté à déménager des logements qui appartiennent à la bande dans leur propre maison? Un prêt-subvention ou une subvention équivalant à l'acompte qu'on pourrait ensuite lier à une hypothèque ordinaire, normale pourrait y aider. Peut-être encore pourraient-ils acheter la maison de la bande, et l'argent échangé permettrait la construction d'une maison neuve. D'après vous, ces deux éventualités seraient-elles utiles?

M. Martell : Oui. Il y a eu un précédent. En 1968, ma famille est déménagée de la Nation de Waterhen Lake à Saskatoon. À l'époque, un programme fédéral a permis à mes parents d'obtenir un prêt-subvention de 6 000 $ qui leur a permis d'acheter une maison de 12 000 $, dans laquelle notre famille a vécu pendant environ 25 ans. Elle a remplacé, comme vous l'avez dit, notre maison dans une réserve, et nous avons ainsi pu faire des économies et, par le fait même, nous offrir l'instruction et d'autres choses. Cela a déjà existé.

Certaines Premières Nations offrent un programme semblable. Beaucoup de communautés cries de la baie James, dans le Nord du Québec, fournissent un certain nombre d'infrastructures aux particuliers qui veulent acheter leur propre maison. Elles s'occupent des coûts de construction de base, par exemple, des fondations, puis le particulier achète la maison qui s'ajoute à cela. C'est un stimulant très efficace de construction domiciliaire et d'accès à la propriété. Je pense que les Premières Nations et le gouvernement devraient y songer encore.

Le sénateur Tannas : Il est entendu que tout le monde sait que nous devons aboutir, ici, à un ensemble de mesures et non à une seule, mais celle-là en ferait-elle partie?

M. Willmot : C'est une excellente question. Le programme que vous décrivez existe aujourd'hui hors réserve. Je suis directeur de la société de développement Miziwe Biik. Nous gérons les dollars destinés à la construction de logements à Toronto. Nous avons géré un portefeuille d'environ 20 millions de dollars, il y a une dizaine d'années, grâce auquel nous avons construit un certain nombre de logements à loyer abordable. Nous en avons probablement construit près de 300 à Toronto.

De plus, nous avons mis de l'argent en réserve pour les nouvelles familles dont les revenus étaient inférieurs à un certain seuil. Il était à peine supérieur à 29 000 $. C'était un prêt-subvention que nous avons accordé aux membres de la communauté pour qu'ils accèdent à la propriété d'une maison à Toronto. Cela a donné de très bons résultats.

Je n'ai pas les chiffres sous les yeux, mais ce programme nous a permis de loger environ 45 familles. Dernièrement, nous avons renouvelé cette entente avec l'Ontario, et on nous a accordé 9 millions de dollars additionnels, il y a environ deux ans, pour poursuivre le programme. C'est une réussite totale. En fait, la semaine dernière, nous avons inauguré un autre logement à loyer abordable dans la ville.

Le sénateur Tannas : Avez-vous un rapport annuel ou un document que vous pourriez communiquer au comité et à notre greffière?

M. Willmot : Absolument. Et c'est seulement pour Toronto. Ce programme, à ce que je sache, est accessible partout au pays.

Le président : Je vais poser une question qui m'est venue à l'esprit concernant les revenus semblables à ceux de l'État, auxquels M. Martell a fait allusion, les revenus prévisibles. Nous avons observé que les Premières Nations ont droit à un financement de base pour les services qu'elles fournissent, et que ce financement, considérable, est tout à fait prévisible. On nous a souvent donné à entendre que ces sources de revenus de l'État pour le fonctionnement et l'entretien des programmes et des installations des bandes pourraient servir de caution au financement d'infrastructures, à la condition de pouvoir engager ces fonds pour plus d'un an à la fois. Est-ce que la question est venue sur le tapis?

Le comité doit décider s'il est possible, pour le gouvernement, de garantir des sommes d'argent plus qu'un an à la fois et si cela correspond à la responsabilité de surveillance du Parlement. D'après vous, si nous pouvions trouver une façon d'amener le gouvernement à prendre des engagements à plus long terme pour le financement des bandes, est-ce que cela pourrait dorer la pilule aux banques? Est-ce que cela améliorerait la situation? Je ne pense pas seulement aux maisons individuelles, mais à des éléments plus grands d'infrastructure dont les communautés ont besoin.

M. Willmot : C'est ce que j'appelle le modèle Kasabonika. La Nation de Kasabonika Lake, du Nord de l'Ontario n'est accessible que par avion. J'ignore à quelle date, mais il y a quelque temps, nous nous sommes concertés, Merv Dewasha, un bon ami à moi, Gord Peters, qui était alors chef régional de l'Ontario, et moi-même, pour essayer d'imaginer un modèle pour l'aider. Dès que les enfants devenaient des adolescents, il fallait les envoyer au sud, à Sioux Lookout, Kenora, Fort Frances, pour qu'ils complètent leur parcours scolaire, on ne les revoyait plus.

Le gouvernement fédéral était censé construire une école. Il a produit un important plan d'immobilisations, qui, habituellement, s'étale sur 10 ans. Il nous montrait que la construction de l'école de Kasabonika serait terminée cinq ans plus tard. Avec l'appui de notre chef régional et de Merv, nous avons trouvé des sources de revenus, à Kasabonika, pour nous permettre de la construire tout de suite. Nous l'avons construite cinq ans d'avance, étant entendu que lorsqu'arriverait la date des immobilisations, dans cinq ans, nous serions remboursés, et nous l'avons été.

Nous avons utilisé le même modèle pendant des années. En fait, la dernière école que la Banque Royale a construite en appliquant ce modèle était située à Fort Albany. C'était en 2006. On nous a dit, par la suite, que nous ne pouvions plus utiliser ce modèle. Il est sûr que je le préconiserais encore.

Nous savons aussi que des immobilisations se font chaque année. Nous ne comprenons donc pas pourquoi on ne crée pas un type de modèle de titrisation et pourquoi on ne profite pas de ce capital pour construire ces infrastructures, que ce soit des aqueducs, des égouts, des écoles ou des centres de soins. Voilà ce que nous avons besoin de construire aujourd'hui. Je ne vois aucun motif pour nous empêcher de titriser ces dépenses et construire d'avance ces ouvrages.

Le président : Est-ce que la Banque Royale du Canada a financé la construction de l'école de Kasabonika?

M. Willmot : Oui. Nous avons utilisé le modèle pendant des années, puis, du jour au lendemain, on nous a dit qu'on ne pouvait plus l'utiliser.

M. Martell : Nous continuons d'accorder des prêts grâce à un modèle semblable. Par exemple, certains de nos clients auraient une allocation pour une infrastructure quelconque telle qu'une école ou une clinique. On construit maintenant souvent des baraques de la GRC dans beaucoup de communautés. Parfois, le capital qui leur est offert par le bureau régional des Affaires autochtones et du Développement du Nord est étalé sur trois ans; effectivement, on pourrait construire le tiers de l'école la première année, l'autre tiers l'année suivante et ainsi de suite, ce qui est illogique. Effectivement, dans une communauté éloignée, on fait venir des équipes de construction pour édifier le tiers de l'école chaque année. Souvent, nous cherchons à obtenir des prêts pour la deuxième et la troisième année, pour que la construction se fasse toute la première année. Bien sûr, une partie de l'argent qui serait immobilisé doit servir à financer l'emprunt, ce qui nous ramène à la case de départ, mais, en construisant tout en un an, on comprime les coûts. Nous continuons d'agir de la sorte, mais nous sommes limités par l'horizon de cinq ans du plan d'immobilisations, parce que la Loi sur la gestion des finances publiques empêche le gouvernement fédéral d'agir à plus long terme.

En 2001-2002, nous avons travaillé avec le Conseil tribal Mushkegowuk dans le Nord de l'Ontario afin de réaliser exactement ce dont Harry a parlé. Nous avons examiné la situation des Premières Nations qui reçoivent les capitaux requis pour construire une maison par année pendant les 10 prochaines années. Cependant, elles ont besoin d'immenses capitaux en ce moment, étant donné que de nombreux jeunes gens sont sans logement. Les logements surpeuplés causent un grand nombre de problèmes en matière de santé, d'éducation, d'emploi et de stabilité.

Les Premières Nations ont cherché à obtenir un engagement sur 10 ans de la part du gouvernement fédéral et à titriser cette source de revenus à partir de zéro, ce qui serait tout à fait sensé dans un contexte où les taux d'intérêt sont faibles. Si vous parvenez à obtenir un engagement à plus long terme, seules les banques s'en mordront les doigts. Toutefois, les taux d'intérêt sont beaucoup trop faibles. Les Premières Nations pourraient emprunter des fonds à faible coût pour construire des infrastructures qui serviraient pendant longtemps, qui, dans le cas de grands projets, coûteraient moins cher et qui répondraient aux besoins sociaux.

Vous avez raison, en ce sens qu'il faudrait que le gouvernement modifie ses règles, car, en ce moment, il ne vous permet pas d'envisager un financement à plus long terme.

Le président : Vos observations sont très utiles.

Monsieur Willmot, vous a-t-on dit pourquoi le modèle Kasabonika a perdu la faveur du gouvernement?

M. Willmot : Eh bien, je ne sais pas s'il a perdu sa faveur. La raison qu'on m'a citée est que le gouvernement n'était pas en mesure de — quel est le terme que je cherche?

Mme Bear : Ses crédits annuels.

M. Willmot : Oui, ses crédits annuels. Le gouvernement n'était pas en mesure de garantir que les fonds continueraient d'être versés d'une année à l'autre. Par conséquent, ses initiatives ont disparu. Cette réponse ne nous a pas convaincus que ces fonds seraient même versés.

Le président : Eh bien, c'est une question à laquelle nous devrions réfléchir. Ce serait utile parce que le gouvernement verse chaque année des milliards de dollars. On ose espérer qu'il serait légèrement disposé à s'engager à le faire, mais laissez-nous nous occuper de cette question.

Le sénateur Enverga : Ma question donne suite à la question de notre président. En l'absence de cette garantie, avez- vous d'autres options? Quel genre de garantie suggérez-vous?

M. Willmot : Il ne s'agissait pas vraiment d'une garantie, mais plutôt d'une affectation de revenus déjà prévus dans le plan d'immobilisations. Nous ne cherchions pas à obtenir une garantie, mais plutôt cette affectation. En fait, vous pouvez appeler cela comme vous voulez. Nous jouons peut-être sur les mots, mais, au bout du compte, c'est ce qui a vraiment attiré notre attention.

Nous avions déjà repéré une source de revenus affectés. Lorsque notre client était en mesure de trouver les ressources requises pour assumer à l'avance les coûts financiers, nous pouvions compter sur le fait qu'à la fin des cinq années, cette source de revenus nous aurait remboursés. La collectivité passait ensuite au prochain projet.

Le sénateur Enverga : Quel succès cette approche a-t-elle remporté? S'agissait-il d'une vaste entreprise? Cette approche fonctionnait-elle dans chaque collectivité?

M. Willmot : Cette approche a été adoptée précisément pour les infrastructures, comme les écoles, les centres de santé, les routes, l'alimentation en électricité, les usines de traitement des eaux d'égout et l'alimentation en eau potable. Ces infrastructures figurent toutes dans le plan d'immobilisations. Voilà exactement les projets que nous avons entrepris.

Le sénateur Moore : Monsieur Davis, vous avez dit qu'il y avait deux questions que le comité devait se poser : où les lacunes à combler en matière d'infrastructures sont-elles les plus pressantes, et comment les institutions financières peuvent-elles commencer à intervenir, compte tenu du fait que nous avons besoin de gérer les risques?

Les quatre institutions ont parlé du travail que vous avez été en mesure d'accomplir et de l'aide que vous avez été en mesure d'apporter en raison des sources de revenus qui ont été repérées. Je me risquerais à dire que la plupart de ces cas sont survenus à des endroits où les Premières Nations exercent leurs propres activités économiques ou lorsque celles-ci se trouvent près d'une ville, d'une usine ou d'un lieu où est exercée une activité économique d'une sorte ou d'une autre qui leur donne une chance.

Nous avons visité de nombreuses réserves partout au Canada et, à mon avis, les lacunes les plus importantes et les plus criantes se trouvent dans les collectivités éloignées. Comment pouvons-nous combler ces lacunes? Comment les institutions financières peuvent-elles participer à cette entreprise?

Ces projets présentent manifestement des risques. Ces collectivités ne touchent pas des revenus comme ceux des gouvernements et ainsi de suite, mais elles ont assurément des besoins. Elles ont besoin d'égouts et d'eau potable. Dès le début, j'ai été profondément attristé d'observer de telles conditions dans un pays comme le Canada.

Je pense que nous pourrions vous aider à cerner les lacunes, mais comment procéderions-nous? Évitez-vous simplement d'étudier certains cas en raison des risques qu'ils présentent?

M. Davis : Voilà une excellente question. Lorsqu'on pense à l'AFPN, à certaines des collectivités auxquelles je faisais allusion quand je disais qu'elles n'attendaient pas nécessairement que le gouvernement finance les projets ou qu'il leur accorde des fonds pour financer des infrastructures, il est intéressant de constater que, de toute manière, ces collectivités sont en mesure de réaliser ces projets par elles-mêmes. Lorsque l'on examine la liste des collectivités qui émettent des obligations, on réalise qu'elles pourraient probablement obtenir des fonds auprès de n'importe laquelle de nos institutions sans avoir à franchir les étapes de ce processus. C'est une formidable nouvelle, et je les en félicite.

Il y a quelques façons de résoudre ce problème. L'une d'elles pourrait consister à accélérer le règlement de leurs revendications territoriales. Avant de venir ici, j'ai lu les comptes rendus de quelques-unes des audiences de votre comité, et je crois que le chef de la Première Nation de Peguis a parlé de la façon dont ils collaboraient avec BMO. Ils ont été en mesure d'utiliser une partie des fonds liés au règlement de leurs revendications territoriales pour tirer parti du financement de BMO et satisfaire ainsi certains de leurs besoins en matière d'infrastructure.

Nous savons que les revendications en souffrance représentent probablement plus de 4 ou 5 milliards de dollars à verser aux Premières Nations. Bon nombre de ces revendications sont probablement retenues dans divers ministères, en particulier le ministère de la Justice. Efforçons-nous d'accélérer le règlement à l'amiable de ces revendications afin que certaines de ces collectivités puissent sans doute tirer parti de ces fonds pour satisfaire quelques-uns de leurs besoins en matière d'infrastructure.

Un autre exemple de solution, que mon collègue Keith vient de me mentionner, est l'autonomie gouvernementale, à laquelle j'ai fait allusion plus tôt. Visitez la Première Nation crie du Nord du Québec. C'est probablement la Première Nation la plus fructueuse du Canada, et elle est éloignée. Ses collectivités ne peuvent être atteintes que par avion et, malgré cela, elles sont en mesure de tirer parti de leurs propres accords, de leur nouvelle relation avec le gouvernement fédéral et des nouveaux arrangements qu'elles ont pris avec lui sur le plan financier afin de combler également ces lacunes.

Je recommande que vous accordiez aux Premières Nations l'autonomie gouvernementale, et que vous tentiez d'accélérer le règlement de revendications particulières, qui peuvent offrir des sources de financement supplémentaires aux Premières Nations.

Au cours de l'examen de certains des programmes actuellement en cours, envisagez la possibilité d'accroître le financement et de cibler les collectivités qui ont vraiment besoin de ces infrastructures.

Souvent, le processus de demande lié à certains de ces programmes est très détaillé. Je présume qu'avant que vous le réalisiez, certaines des collectivités qui ont vraiment besoin de cette aide échouent le processus et sont dans l'impossibilité de participer au programme, ce qui est vraiment malheureux. Pourquoi n'adoptez-vous pas une approche ciblée et ne vous dites-vous pas : « Voici les endroits où nous devons satisfaire à des besoins en matière d'infrastructure, et voici les capitaux que nous allons investir pour nous acquitter de cette tâche »? Je suppose que nous appuierions une telle initiative, que les institutions financières approuveraient cette approche.

Le sénateur Moore : Cela existe peut-être; un inventaire des revendications territoriales en souffrance a peut-être été dressé. Priez-les de régler ces revendications. Si une bande règle une revendication et reçoit telle ou telle somme d'argent, elle pourra s'adresser à l'une de vos institutions et présenter une demande en utilisant ces fonds. Comment envisagez-vous un tel scénario du point de vue des risques? Les Premières Nations ne recevront qu'un paiement forfaitaire, et c'est tout. Et, cet immeuble devra être géré très prudemment. Que faut-il faire de ce paiement? Faut-il utiliser cet argent? Faut-il l'investir et se servir des intérêts? Que faut-il faire?

M. Martell : Pour être franc, ce n'est pas tant le paiement forfaitaire associé au règlement de la revendication qui engendre une grande partie des résultats financiers vraiment positifs, que la relation financière qui en découle en réalité.

Par exemple, ce n'est pas tant l'importante somme qui a été versée aux Cris de la baie James dans le cadre du règlement, que l'arrangement fiscal qu'ils ont négocié avec les gouvernements du Québec et du Canada et qui leur permet, dans les faits, de recevoir une part des recettes substantielles générées par l'hydroélectricité du Nord du Québec. Par conséquent, ils réalisent des recettes annuelles, à l'instar de n'importe quel autre gouvernement, dans une région qui engendre de nombreux capitaux.

Le sénateur Moore : Je sais, mais il s'agit d'une région éloignée qui comporte des fondements économiques. Je pense plutôt à certains endroits où il n'y a rien. La possibilité d'extraire des ressources du sol existe, mais on ne peut pas construire des routes pour atteindre l'endroit.

M. Martell : Cette approche ne répondra pas aux besoins de toutes les collectivités.

Attawapiskat est l'une des collectivités qui ont fait les manchettes à de nombreuses reprises au cours des dernières années. À 90 kilomètres d'Attawapiskat, il y a une grande mine de diamants. Elle paie des redevances aux gouvernements de l'Ontario et du Canada pour les ressources qu'elle extrait dans le voisinage d'Attawapiskat.

De nombreuses exploitations des ressources sont en cours. Le Nord du Canada est notre meilleur marché. Nous possédons des succursales dans chaque territoire, et nous exerçons la plupart de nos activités au nord de Saskatoon et une grande partie d'entre elles au nord du 60e parallèle. Même si ces collectivités sont éloignées, elles bénéficient probablement de quelques-unes des meilleures occasions. Toutefois, pour que cela fonctionne, il faut qu'elles concluent un arrangement fiscal avec les gouvernements. Si vous examinez les Premières Nations autonomes des Territoires-du- Nord-Ouest et la situation du Nunavut qui est, en fait, administré par un gouvernement territorial autochtone, vous constaterez que cet arrangement leur permet d'exercer un certain contrôle sur leur propre destinée, de disposer de revenus réguliers semblables à ceux des gouvernements et de prendre les genres de mesures qui s'imposent.

Le sénateur Moore : Quelqu'un d'autre souhaite-t-il formuler des observations?

M. Fay : Oui, j'aimerais formuler des observations à ce sujet. Dans le passé, nous avons participé à quelques projets en collaboration avec des collectivités qui n'étaient pas nécessairement riches et qui pouvaient être reculées ou éloignées des villes, comme vous l'avez mentionné.

Le sénateur Moore : Des activités économiques.

M. Fay : En réalité, on doit s'assurer de commencer à travailler avec la collectivité dès le début de la rédaction de l'acte établissant la fiducie, c'est-à-dire le document qui oriente la façon dont l'argent sera dépensé, la somme qui sera mise de côté pour protéger la collectivité contre l'inflation, et le genre de portefeuille dans lequel l'argent sera investi. Ainsi, vous pourrez prévoir un rendement raisonnable pour le portefeuille. Ces fiducies peuvent être établies de manière à fournir une part des revenus. Il n'est pas difficile d'examiner ce document et de déterminer quel pourcentage de ces revenus peut être investi dans des immeubles comme des écoles ou d'autres infrastructures, à condition que cela soit défini dans l'acte établissant la fiducie, ou dans le livre de règlements, si vous voulez, et que vous fassiez confiance au fiduciaire ou à la société de fiducie. Par conséquent, il est possible de le faire.

En ce qui concerne l'argument de M. Davis, le fait d'accélérer le règlement des revendications territoriales des collectivités plus éloignées leur fournira des sources de revenus supplémentaires qui pourraient en fait les aider à parvenir au stade où elles devraient être. Nous avons fait affaire avec ces collectivités dans le passé.

M. Willmot : Si vous me le permettez, j'aimerais faire écho à ce qui vient d'être dit. Je suis entièrement d'accord avec Steve. Cependant, lorsqu'on parle de tirer parti de la fiducie elle-même, cela me rend un peu nerveux. Chaque Première Nation définit ses attentes par rapport à ces fonds. La plupart des collectivités avec lesquelles nous traitons cherchent à préserver ces capitaux. Par conséquent, nous parlons de tirer parti des revenus que ces fiducies généreront, et non pas vraiment de ces fiducies elles-mêmes.

La sénatrice Raine : Cette séance nous a été vraiment profitable.

J'ai posé cette question à de nombreuses reprises, alors j'espère que vous ferez preuve de patience envers moi. J'aimerais en particulier la poser à M. Martell parce qu'il a joué un rôle — je suppose que vous avez tous joué un rôle — dans l'octroi de prêts dans des régions reculées du Nord du Canada.

Êtes-vous forcé de faire inspecter les bâtiments et de vous assurer qu'ils respectent le Code canadien du bâtiment avant de prêter des fonds? J'ai acquis la conviction que le code du bâtiment est conçu pour construire des bâtiments dans le Sud, et que ces habitations ne fonctionnent pas nécessairement dans le Nord. Elles développent toutes sortes de problèmes et ne durent pas très longtemps. Serait-il possible de concevoir une quelconque façon de permettre la construction de maisons plus traditionnelles? Je songe aux genres d'habitations qui résisteront au climat de ces régions éloignées et à des matériaux de construction qui sont plus faciles à obtenir que ceux qui rentrent dans ces petites boîtes couvertes d'un vinyle qui se désagrège.

M. Martell : Oui, c'est un véritable problème. La maison dans laquelle mon père vit depuis longtemps est simplement catastrophique. Elle a été bâtie sous la supervision d'Affaires indiennes à l'époque. L'alimentation en électricité court à environ un pied de profondeur — et je ne plaisante pas — sous le sable ou le sol, depuis un coffret de branchement à côté de la maison. Cela entraîne donc deux problèmes réels.

Tout d'abord, aucun code du bâtiment n'a été respecté au cours de la construction de bon nombre de ces anciennes habitations et, par conséquent, leur durée de vie est bien moins longue qu'elle ne devrait l'être parce qu'elles ont été construites d'après des normes grandement inférieures.

Il faut aussi envisager de régionaliser le code et de veiller à ce qu'il soit approprié. Dans le Nord de la Saskatchewan, un conseil tribal était responsable de quatre ou cinq collectivités. De graves problèmes de moisissure noire étaient observés dans les habitations de la moitié d'entre elles, mais pas dans celles de l'autre moitié. Le conseil tribal a déclaré que c'était logique parce que les habitants des collectivités touchées faisaient bouillir de nombreux aliments, ce qui créait beaucoup d'humidité dans leur demeure. Il a affirmé l'avoir su dès le début, mais avoir néanmoins fait construire toutes les habitations de la même manière.

Vous devez demander aux habitants locaux ce qui conviendra là-bas, puis modifier le code du bâtiment en conséquence. Il est possible de construire des habitations à bas prix, mais elles ne dureront pas très longtemps. D'après mon expérience de bâtisseur de quelques maisons, je peux vous dire que si vous dépensez un peu plus d'argent pendant la construction de la maison et prenez les mesures qui s'imposent, elle durera et vous servira beaucoup plus longtemps. Nous constatons trop souvent que les Premières Nations arrivent à peine à réunir les ressources nécessaires pour bâtir une maison. Elles construisent l'habitation qu'elles ont les moyens de construire, mais celle-ci ne dure pas, et elles continuent de faire face au même problème.

La sénatrice Raine : Si vous examinez les habitations des quatre coins du pays, vous constaterez que des maisons construites sans code il y a 120 ou 150 ans sont toujours debout.

M. Martell : C'est vrai.

La sénatrice Raine : Par conséquent, nous ne concevons pas ce code correctement. J'espère seulement que vous continuerez de faire preuve d'ouverture d'esprit et que vous vous efforcerez de trouver quelques solutions novatrices, car il n'est pas logique de construire des maisons sans porche où l'on passe directement de la salle de séjour à un endroit où le vent souffle, et la température est de moins 40 degrés Celsius.

M. Martell : Je suis d'accord avec vous.

M. Willmot : Je dirais que le programme de prêts résidentiels aux Autochtones des réserves prévoit des normes semblables que nous souhaitons voir respecter. Je crois vraiment que c'est là où le Fonds d'aide au logement du marché pour les Premières Nations apporte un soutien supplémentaire, en établissant des administrations qui surveillent ce processus et qui permettent aux collectivités de construire des habitations qui dureront plus de 30 ans, et même 20 ans dans certains cas. En ce qui concerne l'argument que vous faisiez valoir, certaines collectivités vivent des situations très tristes. Elles disposent de très peu de ressources pour satisfaire à ces besoins et pour gérer le processus.

Le président : Je crois que la sénatrice Greene Raine vous a aussi demandé si vous exigez des inspections. Je ne suis pas certain que vous ayez répondu à cette question.

M. Fay : Oui, dans le cadre du programme de prêts pour des logements dans les réserves — et c'est probablement très semblable à ce qui se passe pour vous —, il est très difficile pour nous de charger un inspecteur précis de s'occuper de cette tâche. Par conséquent, quand nous tenons des discussions au sujet du programme de prêts pour des logements dans les réserves, nous demandons : « Quel est le nom de l'inspecteur de votre région qui est approuvé par la SCHL? » En fait, nous demandons à cet inspecteur de faire les quatre ou cinq inspections que nous exigeons au cours de la construction.

Pour rejoindre ce que vous avez dit au sujet de la variabilité de la qualité d'un bout à l'autre du Canada, comme le fait de ne pas construire un porche là où il serait nécessaire de couper l'air froid, si nous pouvions veiller à ce que les inspecteurs de la SCHL, sur lesquels nous comptons, aient un ensemble de normes visant à répondre aux besoins du climat particulier où ces communautés sont situées, ce serait un bon point de départ. Voilà comment nous faisons les choses en ce moment.

Le sénateur Tannas : Avez-vous de l'expérience avec des coopératives d'habitation dans l'ensemble du pays? Quand 20 personnes se mettent ensemble pour construire un ensemble d'habitations collectives, et qu'ils s'engagent tous les uns auprès des autres concernant ce qu'ils font, en général, les gouvernements aident à garantir un prêt et tous les membres paient alors leur contribution à l'hypothèque collective. Ces personnes ne sont pas assujetties à la Loi sur les propriétaires et les locataires. Je ne parle pas de celles qui sont dans les réserves. Elles sont exemptes de la Loi sur les propriétaires et les locataires; cela veut dire que si jamais il y a des profiteurs parmi elles, elles peuvent le renvoyer rapidement de la coopérative et régler le problème. Serait-il utile de procéder de cette manière, ou n'avez-vous jamais vu quelque chose de ce genre dans les réserves?

Mme Bear : Non.

M. Davis : Je n'en ai jamais entendu parler.

M. Fay : Non.

Le sénateur Tannas : Diriez-vous qu'il s'agirait d'un modèle à envisager?

M. Fay : Personnellement, je ne sais pas si je connais assez bien le sujet pour vous donner une réponse utile.

Le sénateur Tannas : Je sais que cela fonctionne bien dans des places comme Banff, où il y a une pénurie de terres. Il ne faudrait pas avoir de longs processus d'éviction; le gouvernement fédéral ne le permettrait pas. Pensez-y, si vous le voulez bien, et si jamais vous voyez quelque chose, je vous demanderais de nous en faire part.

M. Fay : Je pourrais faire cela.

Le sénateur Tannas : Merci.

Le sénateur Moore : Monsieur Fay, vous avez mentionné que votre banque demande à l'entrepreneur ou au conseil de la bande de vous donner le nom de leur inspecteur en bâtiment qui est approuvé de la SCHL?

M. Fay : Oui.

Le sénateur Moore : Nous avons entendu des histoires d'horreur au sujet du fait que la SCHL prête de l'argent sans faire beaucoup d'inspections, sinon de dire : « Informez-moi quand les fondations auront été jetées, quand les murs auront été élevés et quand le toit aura été posé », au lieu de s'informer des matériaux, de la construction et de la conception, comme la sénatrice Greene Raine y a fait allusion. Par conséquent, depuis combien de temps, est-ce que votre banque fait cela, et comment savez-vous si des inspections ont réellement été effectuées? Envoyez-vous parfois des gens sur place pour faire des contrôles au hasard?

M. Fay : Je peux vous dire que je parcours presque continuellement le Canada pour parler à presque tous nos clients. Je vois donc les maisons qui ont été construites. En général, je suis satisfait de ce que je vois.

Notre programme existe depuis un certain temps.

Le sénateur Moore : Depuis combien de temps au juste?

M. Fay : Depuis 1992. Toutefois, il a réellement pris son essor il y a 10 ans, environ. On n'y avait pas beaucoup recours. Maintenant, un peu plus de 80 communautés y adhèrent.

D'après ce que je vois, les logements récents ne sont pas si mal, du moins, à mon avis; je ne m'y connais pas beaucoup en matière de construction. Je suis un banquier, alors je dois compter sur les experts, et c'est pour cela que j'ai répondu de cette manière plus tôt au sujet de la SCHL. Ce sont eux les experts. Par conséquent, si nous décidons de resserrer les normes dans l'objectif de recevoir un avis plus indépendant concernant la qualité des logements construits, il serait bien de les resserrer en amont, étant donné qu'il est difficile pour nous de simplement demander à un inspecteur différent de faire le travail.

En passant, nous faisons les inspections quand il s'agit d'une infrastructure. Nous avons suffisamment d'experts pour les envoyer faire le travail au moment de la construction, mais, dans ces cas-là, il s'agit d'un projet d'envergure. Pour une maison résidentielle, nous comptons simplement sur l'inspecteur de la SCHL. À tort ou à raison, voilà ce que nous faisons.

Le sénateur Moore : Est-ce que quelqu'un d'autre aimerait dire quelque chose à ce sujet, ou faites-vous tous à peu près la même chose?

Keith, vous avez parlé de la maison dans laquelle vos parents ont vécu ou ont été obligés de vivre. Maintenant, vous savez pourquoi ils l'ont achetée pour un montant de 12 000 $. Des choses injustes ont été faites. Que faites-vous pour éviter que cela se reproduise dans le cas des prêts que vous accordez aujourd'hui?

M. Martell : Tout comme ce que fait Stephen, nous devons avoir recours aux ressources locales. Bon nombre de conseils tribaux avec lesquels nous avons travaillé avaient droit à des services d'ingénierie centralisés, sous leur supervision, et nous savions que nous pouvions compter sur eux. Beaucoup de ces services ont été réduits parce que les organisations régionales — notamment les conseils tribaux et les organisations provinciales et territoriales — ont fait l'objet de compressions considérables au cours des dernières années étant donné que les communautés des Premières Nations ont besoin de fonds. Le gouvernement fédéral exerce donc une pression sur les organisations provinciales et territoriales pour qu'elles utilisent le financement qui, autrefois, servait à fournir des services centraux dans les communautés, pour financer plutôt l'éducation, les soins de santé et l'aide sociale. Cela laisse beaucoup de ces collectivités sans services centralisés d'aucune sorte. Elles doivent compter davantage sur des services acquis. Ceux qui les fournissent viennent de loin et possèdent moins de connaissances relatives à la localité, ce qui constitue un gros problème, selon moi.

Le sénateur Moore : D'accord, merci.

Le sénateur Enverga : Avez-vous déjà travaillé avec une Première Nation qui souhaitait établir un partenariat avec une municipalité? Est-ce qu'un partenariat de ce genre fonctionne bien? Comment fonctionne-t-il? Recommanderiez- vous d'établir des partenariats entre les Premières Nations et les municipalités?

M. Fay : Je peux répondre à cette question, en partie. Un de mes clients actuels aimerait bien former un partenariat, mais pas avec une municipalité. Il parle d'établir un partenariat tripartite avec les gouvernements fédéral et provincial et la Première Nation.

Beaucoup de Premières Nations ont des revenus autonomes — pas toutes, mais certaines d'entre elles ont de très bons revenus. C'est avantageux pour le gouvernement provincial et aussi pour le gouvernement fédéral. Si la province a moins de dépenses, peut-être qu'elle pourra étendre l'infrastructure dans la communauté, et la communauté n'aura peut-être qu'à emprunter un montant équivalent au tiers des coûts.

À mon avis, il s'agit d'une voie de l'avenir. Vous pourriez l'appeler un P3, si vous le voulez; je sais qu'un client en particulier s'y intéresse beaucoup et que c'est une option qui pourrait être envisagée — pas un partenariat avec une municipalité à proprement parler, mais certainement avec la province.

M. Davis : Je trouve cela intéressant, parce que, autrefois, je travaillais pour le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Je suis certain que M. Martell aurait quelque chose à dire concernant l'idée de construire des réserves urbaines.

Il y a 10 ou 12 ans, nous avons commencé à voir des gens réellement accepter l'idée de voir des Premières Nations s'établir, pas nécessairement à l'intérieur des limites de la ville de Saskatoon, Regina ou Winnipeg, mais en milieu urbain : selon ce modèle, les Premières Nations utiliseraient l'argent obtenu dans le cadre de leurs revendications territoriales pour acheter une terre dans un milieu urbain, pour ensuite la transformer en réserve urbaine. Au départ, nous avons entendu des réactions virulentes de la part des municipalités. Elles ne voyaient pas ces projets d'un bon œil. Elles considéraient que cela fournirait un avantage injuste aux Premières Nations, ce que je ne comprends pas du tout. À mon avis, quand la Première Nation a essayé de négocier les ententes de services nécessaires avec les municipalités, les négociations ont été difficiles.

De nos jours, je crois que les problèmes des Autochtones constituent le dossier du jour, n'est-ce pas? Voilà le dossier du jour. Le fait est que nous avons obtenu d'excellents résultats devant les tribunaux. Si vous exploitez des ressources au pays, il y a une toute nouvelle façon de faire des affaires. Le premier ministre parle de projets d'exploitation des ressources de l'ordre de 650 milliards de dollars au cours des 10 ou 20 prochaines années. J'ose dire que tous ces projets nécessiteront la participation des Premières Nations.

Les dirigeants municipaux intelligents sont ceux qui commencent à comprendre les avantages de collaborer avec les Premières Nations, et certains d'entre eux se chargent d'en parler. Par exemple, j'ai assisté à l'Assemblée générale annuelle de la Nation métisse de l'Ontario, qui a été tenue à Thunder Bay, et le maire de Thunder Bay, qui n'est pas un Métis, s'est levé pour dire que, essentiellement, Thunder Bay était une communauté autochtone. Je n'ai pas nécessairement des connaissances poussées en histoire, mais je ne pense pas que le maire aurait dit la même chose il y a 15 ans.

À mon avis, nous assistons à un léger changement d'attitude. Par exemple, je suis certain que la Première Nation de Tsawwassen, qui a signé une entente sur des revendications territoriales dans la région urbaine de Delta, commence aussi à collaborer étroitement avec des municipalités. D'après moi, cela se fait de plus en plus, et les municipalités n'ont pas aussi peur de ce qui motive les Premières Nations à vouloir faire certaines choses à l'intérieur des villes.

M. Martell : Nous avons vu deux exemples de ce genre. Une Première Nation cherchait à construire une école adjacente à une collectivité qui ne faisait pas partie des Premières Nations. Au lieu de construire une plus grande école, elle a établi une relation de partage avec la collectivité. Elle assume une responsabilité partielle des écoles dans la municipalité, et la municipalité assume une responsabilité partielle de l'école dans la réserve. Les membres des Premières Nations partagent les écoles avec les gens de la collectivité, ce qui est un bon exemple de partenariat.

Une autre Première Nation voulait construire une usine de traitement de l'eau, tandis que la municipalité voisine voulait remplacer son usine de traitement de l'eau, qui était très vieille. Au lieu de construire deux usines, la Première Nation en a construit une, et elle vend maintenant son eau à la municipalité.

Je pourrais vous donner beaucoup d'exemples, mais la proximité est un élément important. Pour de tels partenariats, la Première Nation doit être située près d'une collectivité non autochtone. À notre avis, les villes et les villages commencent à s'intéresser de plus en plus à l'idée d'inclure la population autochtone au lieu de l'exclure.

Le président : Très bien.

Au nom du comité, j'aimerais remercier les témoins. Je peux vous dire que, ayant visité un certain nombre de communautés des Premières Nations et ayant été témoins de problèmes bien réels, mais aussi de réussites, qui nous ont remonté le moral, nous avons entendu de bonnes choses au sujet des institutions bancaires. Nous n'avons pas toujours entendu de bonnes choses au sujet du gouvernement du Canada, mais nous avons entendu des choses très positives au sujet des institutions bancaires. Je suis certain que je parle au nom du comité.

Nous avions vraiment hâte de vous entendre, et vous avez dépassé nos attentes. Nous avons appris bien des choses. Je vous remercie encore une fois d'avoir comparu à court préavis, et je vous félicite d'avoir compris les avantages de faire des affaires avec les communautés autochtones, comme M. Davis l'a dit.

Au nom du comité, merci beaucoup d'avoir comparu. Vous nous avez bien aidés.

(La séance est levée.)


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