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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 14 - Témoignages du 26 mai 2015


OTTAWA, le mardi 26 mai 2015

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 36, pour examiner la teneur des éléments de la section 16 de la partie 3 projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 avril 2015 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Le sénateur Dennis Glen Patterson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, chers collègues. Je souhaite la bienvenue aux honorables sénateurs et à tous les membres du public présents dans la salle ou qui regardent cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC ou sur Internet.

Je m'appelle Dennis Patterson, je viens du Nunavut et c'est moi qui ai l'honneur de présider ce comité. Nous avons pour mandat d'examiner les mesures législatives et les questions qui touchent de façon générale les peuples autochtones du Canada. Ce matin, nous entendrons des témoignages conformément à un ordre de renvoi précis qui nous autorise à étudier, en vue d'en faire rapport, la teneur des éléments de la section 16 de la partie 3 du projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 avril 2015 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Nous entendrons aujourd'hui trois groupes de témoins. Durant la première heure, nous entendrons l'Administration financière des Premières nations, le Conseil de gestion financière des Premières Nations et la Commission de la fiscalité des premières nations. Nous aurons ensuite avec nous la Banque des Premières Nations du Canada. Enfin, nous entendrons les représentants d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada et du ministère de la Justice Canada.

Avant que nous n'entendions les témoignages, j'aimerais demander à mes collègues du comité de bien vouloir se présenter.

Le sénateur Moore : Bonjour à tous. Je suis Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Sénatrice Lovelace, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Ngo : Je suis le sénateur Ngo, de l'Ontario.

La sénatrice Raine : Sénatrice Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Ataullahjan : Je suis la sénatrice Salma Ataullahjan, de l'Ontario.

Le président : Merci. Les membres du comité se joignent à moi pour souhaiter la bienvenue aux témoins. Nous nous connaissons déjà et nous sommes heureux de vous revoir. Une fois de plus, merci d'être des nôtres et d'aider notre comité. Nous accueillons donc Ernest Daniels, président et directeur général de l'Administration financière des Premières nations; Harold Calla, président du conseil d'administration du Conseil de gestion financière des Premières Nations; et David Paul, vice-président de la Commission de la fiscalité des premières nations.

Merci de comparaître de nouveau. Nous nous réjouissons à l'avance d'entendre votre exposé, qui sera suivi des questions des sénateurs. Si je comprends bien, monsieur Calla, c'est vous qui parlez le premier. La parole est à vous.

Harold Calla, président du conseil d'administration, Conseil de gestion financière des Premières Nations : Merci, chers sénateurs, de nous recevoir aujourd'hui par cette journée très chaude et très ensoleillée à Ottawa.

Pour commencer, je tiens à remercier le Sénat du temps qu'il nous accorde pour examiner ce travail important sur lequel mes collègues et moi travaillons depuis de nombreuses années, mais avant, j'aimerais retourner en arrière pour décrire un peu le contexte.

Depuis ses tout débuts, cette initiative est dirigée par les Premières nations. Il ne faut jamais oublier que la protection et l'application des droits ancestraux et des droits issus de traités passe par les gouvernements des Premières Nations, que le Canada reconnaît comme étant représentés par leurs conseils de bande élus. La Loi sur la gestion financière des premières nations a été adoptée en 2005 avec l'appui de tous les partis, aussi bien à la Chambre des communes qu'au Sénat. C'était un projet piloté par les Premières Nations. À l'origine, les idées de ce projet de loi ont été promues par la Première Nation de Westbank dirigée, à l'époque, par le chef Robert Louie et Deanna Hamilton, la bande indienne de Kamloops et son chef, Manny Jules, et la Commission consultative de la fiscalité indienne. La nation Squamish et le chef de la bande de Kettle and Stony Point ont également participé à sa mise en œuvre de cette loi. Vingt ans ont passé depuis la conception de ce projet de loi qui découlait du désir des Premières Nations de protéger leur pouvoir d'imposition, d'accéder directement aux marchés des capitaux en tant que gouvernements, de renforcer la responsabilité et la gestion financière et d'appuyer le développement des capacités des Premières Nations dans ce domaine.

La loi a été bien accueillie par les Premières Nations du pays tout entier. Aujourd'hui, 160 Premières Nations y adhèrent. Le cadre de surveillance établi par cette loi a été vérifié par des agences de notation et des maisons de courtage des valeurs qui, après évaluation, ont accordé à l'Administration financière des Premières nations une cote de crédit de catégorie investissement. Les marchés des capitaux ont répondu à cette cote et en juin dernier, l'AFPN a rapidement vendu sa première débenture. Une deuxième débenture sera émise en juillet de cette année.

J'ai le plaisir de dire que les Premières Nations d'un océan aux deux autres s'adressent aux institutions créées en vertu de la Loi sur la gestion financière des premières nations pour la mise en œuvre de leurs objectifs sociaux et économiques. En permettant aux Premières Nations de gérer leurs finances et leur patrimoine, cette loi les aide à entrer dans le XXIe siècle, ce qui, je pense, est un pas important vers l'autonomie gouvernementale.

Nous croyons qu'il est d'une importance vitale que les gouvernements des Premières Nations soient reconnus comme tels afin de développer la capacité et la sécurité de fonctionner à ce titre. Comme vous le savez, les gouvernements doivent avoir une réponse à offrir à leurs électeurs. Le contexte dans lequel nous avons grandi — les fonds de transfert du ministère des Affaires indiennes — ne peut pas être un cadre financier durable. Nous l'avons prouvé. Nous entrons dans une nouvelle ère, une ère où les Premières Nations bénéficient des décisions de la Cour suprême et peuvent désormais faire ce qui leur était autrement impossible : participer aux activités économiques. Ces économies qui commencent à se développer vont générer des revenus de source autonome pour les Premières Nations. Je crois qu'il est important de prendre conscience qu'avec le temps, cette loi va faciliter la transition d'une économie dépendante vers une économie de plus en plus autonome.

Comme nous l'avons dit, la loi a été adoptée en 2005. Un rapport a été présenté au Parlement en 2012, et une partie des conclusions indiquaient qu'elle nécessitait de légères modifications. Il est important pour nous tous de comprendre qu'il s'agit de mesures législatives en évolution. De temps en temps, elle devra être révisée et des modifications devront être envisagées. À l'heure actuelle, nous avons quelques modifications d'ordre administratif à proposer, des modifications sur lesquelles nous travaillons avec le ministère depuis un bon bout de temps. Nous sommes heureux de voir que le gouvernement et le ministère ont présenté ce projet de loi. Nous pourrons ainsi, espérons-le, mettre en œuvre ces propositions avant l'automne.

Il importe aussi de souligner que ces propositions sont le fruit du travail soutenu que nous avons accompli avec nos membres. Vous avez tous pris connaissance du document qui a été envoyé à chacun. Nous avons publié de l'information sur chacun de nos sites web. Nous avons répondu aux questions des gens. Je pense que ce qui importe le plus de comprendre, c'est qu'un grand nombre de ces modifications découlent, en réalité, du dialogue que nous entretenons avec les Premières Nations depuis la date de l'adoption de la loi. Elles reflètent les préoccupations qui ont été exprimées, certaines par nos clients, et c'est dans cette perspective que j'aimerais que vous les examiniez.

Je pense qu'il est primordial de reconnaître que les Premières Nations vont devoir se donner les moyens de gérer leurs affaires. Elles vont devoir se donner les moyens de ne plus être traitées comme des organisations incompétentes.

Tout comme le font les autres ordres de gouvernement et les grandes entreprises, nous allons nous aussi devoir prendre des décisions : comment garantir notre dette, en établir le coût et la gérer dans le futur? Ces décisions, c'est en tant que gouvernement que nous voulons les prendre. La plus grande qualité de ce projet de loi, c'est que par l'intermédiaire de l'Administration financière des Premières nations, notre véhicule d'accès direct aux marchés des capitaux, nous avons la capacité de fonctionner comme un gouvernement, à la manière du gouvernement du Canada, des gouvernements des provinces et des administrations municipales.

Il y a place pour ce type d'emprunt par l'intermédiaire de l'Administration financière des Premières nations. Il y a également place pour les prêts commerciaux, mais à la différence des autres ordres de gouvernement, les Premières Nations ont la capacité de participer à l'économie générale. Les gouvernements provinciaux et les administrations municipales n'ont pas de droits ancestraux ou de titre aborigène. Nos conseils de bande — et c'est ce que j'avais à l'esprit en commençant mon exposé — ne font pas que gérer des programmes et des services. Ils gèrent les droits ancestraux et le titre aborigène tels qu'ils sont définis dans la Constitution et par diverses décisions des tribunaux de leurs circonscriptions. L'exécution de leur mandat inclut forcément la participation aux discussions sur l'activité économique.

Parfois, le fait qu'un projet aboutit ou tombe à l'eau dépend de la capacité à en assurer le financement. Il est essentiel que l'Administration financière des Premières nations puisse, le cas échéant, répondre aux demandes de financement visant à soutenir les objectifs sociaux et économiques des Premières Nations.

N'oublions pas qu'en tant qu'entité, l'Administration financière des Premières nations est régie par le groupe d'emprunt, c'est-à-dire par des Premières Nations qui s'unissent et s'engagent à recourir aux marchés des capitaux et à se prêter mutuellement assistance. C'est là, je crois, une différence importante et qu'il faut reconnaître. C'est à ces gouvernements qu'il incombe de décider, au moyen de la représentation, à quelles fins ils veulent utiliser cet outil.

Aujourd'hui, et probablement dans le futur aussi, vous entendrez des témoins dire que l'Administration financière des Premières nations est en train de se lancer dans une démarche davantage axée sur le risque. Je ne suis pas d'accord avec cette idée. Le Conseil de gestion financière des Premières Nations est très satisfait de la démarche entreprise avec la première débenture. Du fait que la loi confère à l'Administration financière des Premières nations le pouvoir d'intervenir en cas de défaut de paiement, nous avons toujours été extrêmement soucieux de bien comprendre comment le risque allait être géré.

Nous sommes très heureux du processus conçu par l'Administration financière des Premières nations, les agences de notation et les maisons de courtage de valeurs lors de l'émission de la première débenture. L'intégration d'un règlement sur les autres sources de revenus sera essentielle pour les Premières Nations de partout au pays, car même si beaucoup d'entre elles ne sont pas en position d'avoir un revenu imposable, elles ont tout de même des débouchés économiques. À mesure que ces sources génèrent des revenus, ces revenus peuvent être directement affectés à leurs objectifs sociaux et économiques.

Je pense que cette loi a de quoi nous réjouir. Comme je l'ai dit, plus de 160 Premières Nations et des représentants d'un bout à l'autre du pays y adhèrent déjà. Chaque jour, de plus en plus de Premières Nations souhaitent y participer, et cela est pour moi un exemple très clair que quand les Premières Nations représentent leurs intérêts et que le gouvernement y réagit — à preuve cette loi et les modifications qui y sont proposées —, de grandes choses peuvent être accomplies.

Monsieur le président, une tonne de documents ont été présentés, mais nous sommes ici pour répondre aux questions que vous voulez peut-être poser sur cette loi. Nous sommes heureux que le ministère et le gouvernement appuient ce projet de loi en ce moment. Je vais terminer là-dessus, monsieur le président.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Calla. Vos propos sont toujours très éloquents et très clairs, et je suis sûr de parler au nom de tous les membres du comité quand je dis que nous savourons chaque occasion où on nous apporte de bonnes nouvelles. Les vôtres semblent faire partie de cette catégorie.

Un grand merci à vous et à vos collègues d'avoir pris le temps d'informer en privé les membres du comité sur ces modifications, à mesure de leur élaboration. Nous en sommes très reconnaissants. J'aimerais poser une première question.

Les modifications proposées sont des amendements de forme que vous connaissez bien, puisque vous travaillez avec la loi et êtes conscients de toutes ses complexités. Je sais que vous avez collaboré avec la Commission de la fiscalité des premières nations et avec d'autres intervenants clés. Ce projet de loi vous offre-t-il ce que vous vouliez? Répond-il aux besoins qui se sont précisés au cours des consultations que vous avez tenues, aux besoins dont vous avez parlé lorsque vous avez comparu devant ce comité l'an dernier? Je reconnais qu'il est appelé à évoluer. Comme vous l'avez dit, ce sont des mesures législatives en constante évolution. Mais est-ce que ce projet de loi satisfait vos objectifs qui étaient de le moderniser et le modifier de façon à ce qu'il réponde à vos besoins actuels?

M. Calla : Si vous me permettez de répondre à cela, monsieur le président, je dirai que oui. La Commission de la fiscalité des premières nations et son précurseur, la Commission consultative de la fiscalité indienne, ont 25 ans d'expérience dans ce genre de questions. Nous sommes très satisfaits des commentaires que nous recueillis tout au long des démarches effectuées auprès de leurs membres, lors de réunions et au moment de traiter avec des associations de taxe foncière. Nous sommes convaincus que ce projet de loi correspond vraiment à ce que nous avons demandé. Quoi qu'il en soit, ces modifications nous réjouissent encore plus que ne l'a fait le projet de loi à l'époque, autant que je me souvienne.

Est-ce que ça veut dire que nous avons terminé? Non. Je pense que nous n'aurons jamais vraiment fini de chercher des moyens d'élargir la portée de ces institutions en vue de soutenir les gouvernements des Premières Nations, mais nous sommes satisfaits de ces modifications. Il n'y a pas de surprise de ce côté, puisque nous avions déjà rencontré la plupart d'entre vous auparavant. Nous sommes heureux de constater que ce que nous avons demandé et ce dont nous avons convenu se reflètent dans ce que nous avons sous les yeux.

Le président : Très bien. Merci.

Le sénateur Moore : Encore une fois, merci messieurs de votre présence ici aujourd'hui. Monsieur Calla, quel était le montant de la première débenture émise en juin dernier?

M. Calla : C'était 90 millions de dollars.

Le sénateur Moore : Vous dites que les marchés financiers étaient heureux de participer. Est-ce que c'était des banques? Qui faisait ça? Qui travaillait avec vous au moment où vous l'avez émise?

M. Calla : Laissons Ernie répondre à cela.

Ernest R. Daniels, président et directeur général, Administration financière des Premières nations : En fait, nous avons travaillé avec un consortium formé de toutes les grandes banques, donc les six banques. Chaque banque a une division commerciale et une division investissements. Le consortium regroupait des banquiers des divisions investissements, et ces banquiers ont acheté le titre obligataire et pris le risque de le vendre à leurs clients. Tout s'est vendu en 30 minutes.

Le sénateur Moore : Trente minutes. Wow!

Qu'est-t-il arrivé avec l'argent? À quoi a-t-il servi?

M. Daniels : L'argent a été principalement investi dans les infrastructures. Un peu dans le développement économique, mais la majeure partie dans les infrastructures.

Le sénateur Moore : Comme?

M. Daniels : Comme le logement. Une collectivité de la Colombie-Britannique avait construit une piste d'athlétisme. Ils l'ont modernisée et ont aménagé des installations pour que les jeunes aient accès à des vestiaires. Dans l'électricité aussi. Une Première Nation du nord de la Colombie-Britannique avait un projet hydroélectrique.

Le sénateur Moore : Donc, en juillet de cette année, vous envisagez d'émettre une deuxième débenture. De quel ordre?

M. Daniels : Nous n'irons pas sur le marché à moins de 100 millions de dollars. Nous tablons sur 110 ou 115 millions.

Le sénateur Moore : Ces fonds seront affectés à quel type de dépenses? À quelle sorte de projets?

M. Daniels : En grande partie, encore aux infrastructures. Un élément de développement économique est en branle, en particulier dans les énergies de remplacement.

Le sénateur Moore : Très bien. Nous avons effectivement beaucoup entendu parler des besoins des Premières Nations en projets d'infrastructures. C'est tout pour le moment. Merci beaucoup.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Bienvenue à tous. Monsieur Calla, vous avez mentionné que cette loi serait révisée. Par qui? Par les Premières Nations ou...

M. Calla : Sénatrice, elle a été révisée par les Premières Nations, mais au fil des ans, elle sera continuellement révisée par nous, par le ministère et par vous.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Merci pour votre réponse.

Une autre question rapidement. Qu'en est-il des Premières Nations? Cette loi est-elle une bonne chose pour les Premières Nations gérées par des tiers et pour celles qui vivent en région éloignée?

M. Calla : Merci pour cette question tout à fait représentative de l'idée fausse que les gens se font de cette loi. Nous avons accordé la certification à une collectivité qui s'appelle St. Theresa Point, une très petite communauté desservie par un service de navette aérienne et qui bénéficie de cette loi. En ce moment, nous travaillons avec le ministère pour trouver une façon d'aider les Premières Nations gérées par des tiers en les amenant à obtenir leur certification et à s'engager dans le processus. Nous ne pouvons pas refaire le passé, mais nous pouvons, ouvrir une nouvelle voie pour l'avenir en offrant aux Premières Nations une meilleure gestion financière et de meilleures possibilités de développement. C'est ce que fait cette loi en grande partie. Par l'intermédiaire du Conseil de gestion financière des Premières Nations et de la Commission de la fiscalité, elle aide à développer une compréhension qui autrement n'existerait pas. Donc, oui, cette loi s'applique à tous. Toute Première Nation se trouvera un jour dans une situation où elle pourra utiliser ses sources de revenus pour emprunter de l'argent et répondre aux besoins de sa collectivité.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Merci pour votre réponse.

La sénatrice Raine : Pourriez-vous expliquer les différentes sources de revenus des Premières Nations? Je sais qu'il en existe plusieurs, mais se qualifient-elles toutes pour faire valoir leurs capacités financières?

M. Calla : Non, pas toutes. Évidemment, pour le moment, les systèmes de paiements de transfert du gouvernement fédéral ne font pas partie du plan de financement. La définition des recettes locales, qui sera élargie pour inclure les redevances et autres recettes générées par la gouvernance, les droits perçus sur les coûts de développement et autres recettes comparables pourront maintenant être utilisés pour démontrer les capacités financières. Bien sûr, l'imposition est le gros morceau.

Le règlement qui a été adopté relativement aux autres flux de rentrée permet également à l'administration financière d'utiliser certaines sources de revenus. Ces sources sont évaluées par une agence de notation et des maisons de courtage de valeurs. Je sais qu'il existe un courant qui semble suggérer que nous prenons des risques commerciaux sous le couvert de l'administration financière. Je pense qu'il faut comprendre que nous prêtons uniquement sur les sources de revenus existantes. Donc, si vous empruntez de l'argent et que vous voulez l'investir dans le développement économique, nous ne sommes pas nécessairement dépendants du succès de votre décision pour utiliser ce moyen d'amortir la dette.

Nous ne comptons pas sur cette source de revenus comme source de paiement. Je crois qu'il faut reconnaître cela. Dans le cadre du travail effectué par les agences de notation et les maisons de courtage de valeurs, par l'entremise de l'administration financière, à l'époque où la première obligation a été émise, chaque source de revenus a été examinée et je pense qu'aucune n'a obtenu une cote de solvabilité inférieure à B. Elles sont donc très bien cotées. Un grand nombre de ces flux de rentrée provient de sources de revenus d'autres ordres de gouvernement, fédéral ou provinciaux. Par exemple, dans certaines provinces, il y a un partage des revenus du jeu. Ce genre de choses devient finançable par emprunt. Dans les provinces qui ont conclu des arrangements, les ententes avec les différentes sociétés d'électricité sont aussi considérées comme des sources de revenus fiables. Voilà les types de revenus que le règlement relatif aux autres sources de revenus rend disponibles pour l'administration financière.

La sénatrice Raine : Si, par exemple, une entreprise d'électricité, de route ou de chemins de fer veut utiliser le territoire d'une Première Nation et payer un droit annuel, cela devient une source de revenus.

M. Calla : En effet.

La sénatrice Raine : Et si les parties établissent une certaine entente sur le partage des recettes, si elles touchent un montant forfaitaire, ce montant pourrait être investi et le produit de cet investissement deviendrait une source de revenus. Il pourrait aussi s'agir d'un paiement annuel. Cela tend donc à faire de leur revenu foncier un revenu à long terme qui peut être financé pour répondre aux besoins immédiats. Ai-je raison de dire que si une Première Nation touche un montant forfaitaire et qu'elle le dépense au complet dans les infrastructures, ce montant est dépensé et il n'en reste rien? Alors que si elle l'investit, elle peut emprunter de l'argent encore et encore?

M. Calla : Vous soulevez un point très intéressant. Quand on parle de la nécessité d'entrer dans l'ère moderne et de gérer ses propres affaires, c'est de cette façon qu'il faut gérer ses actifs et ses dettes. Nous savons tous que je n'ai pas économisé assez d'argent pour acheter ma maison. Il a fallu que je prenne une hypothèque. C'est ce que font la plupart des gens. Je n'étais pas prêt à attendre jusqu'à ce que j'aie amassé assez de sous pour acheter une maison. C'est la situation dans laquelle se trouvent beaucoup de collectivités des Premières Nations : elles ont besoin de concilier leurs sources de revenus et leurs besoins et de trouver une façon de répondre à ces besoins maintenant. Je crois que c'est ainsi que les choses vont évoluer, surtout avec les grands projets d'exploitation minière et d'énergies fossiles envisagés à la grandeur du Canada. Pour les collectivités des Premières Nations, les revenus que généreront les ententes sur les répercussions et les avantages seront très utiles à l'élaboration d'un plan d'immobilisations grâce auquel elles pourront déterminer leurs besoins de financement de même la façon de les gérer. Une part importante des activités du Conseil de gestion financière consiste à promouvoir cette conception des finances et à favoriser le développement de ce type de planification grâce à la certification que nous offrons en matière de système de gestion financière.

Voilà, madame la sénatrice, ce que nous voyons clairement dans notre boule de cristal pour l'avenir.

La sénatrice Raine : Merci.

M. Daniels : Sénatrice, permettez-moi d'ajouter que nous avons rencontré une des agences de notation il y a deux semaines. Après examen des Premières Nations faisant partie de la première et de la deuxième débenture, et après évaluation de leurs sources de revenus, on nous a dit que 75 p. 100 d'entre elles seraient mieux cotées que la plupart des gouvernements locaux et des villes, y compris Ottawa.

Le président : En ce qui concerne les revenus et les sources de revenus, il y a une modification à l'article 177 qui, je crois, élargit la définition des recettes locales pour inclure les paiements versés en remplacement de taxes. J'imagine qu'il s'agirait de subventions ou autres revenus comparables tenant lieu de taxes.

Pouvez-vous nous expliquer pourquoi on a senti le besoin de modifier et d'élargir la définition des recettes locales?

David Paul, vice-président, Commission de la fiscalité des premières nations : Merci pour cette question. La définition de l'article 177 inclut deux sources de revenus additionnelles, les subventions tenant lieu de taxes, qui sont des paiements versées par toutes les parties, comme les gouvernements ou les sociétés d'État qui ne sont pas redevables de l'impôt envers un autre gouvernement. En vertu de la LGFPN, les paiements actuellement versés aux Premières Nations ne sont pas considérés comme des recettes locales.

La seconde source de revenus additionnelle incluse dans la définition concerne les redevances pouvant être perçues par les collectivités pour les services d'aqueduc, d'égouts, de collecte des ordures et autres types de frais semblables. Ces modifications établissent des règles de jeu équitables en matière de capacité fiscale pour les Premières Nations et des possibilités de générer des recettes comparables à celles des autres gouvernements locaux au Canada. Si les Premières Nations veulent se rapprocher de leurs infrastructures et combler l'écart économique qui les sépare du reste du Canada, ces sources de revenus doivent être incluses.

Le président : D'accord. Visiblement, comme l'a dit M. Daniels, les agences de notation semblent avoir été plutôt impressionnées par les sources de revenus qui sont à la disposition des Premières Nations en ce moment. Elles le seront encore plus par suite de ces modifications.

M. Paul : Oui, c'est certain.

Le président : Très bien.

La sénatrice Ataullahjan : En quoi les modifications proposées permettront-elles de réduire le fardeau administratif des Premières Nations participantes? De façon précise, quels sont les processus ou les exigences en matière de production de rapports qui sont simplifiés ou éliminés?

M. Calla : Puis-je commencer? Je suis sûr que mes deux collègues pourront compléter.

Je pense que le changement le plus important à survenir est la délégation au ministre de la capacité à ajouter des Premières Nations à l'annexe de la loi. Il existe actuellement un certain nombre de communautés qui aimeraient profiter de l'emprunt obligataire du mois de juillet, mais organiser une réunion du Cabinet pour inscrire une collectivité à l'annexe prend du temps, et cinq minutes de temps, c'est très précieux pour le Cabinet. Donc, selon moi, la plus grande nouveauté est que, après réception d'une résolution du conseil de bande précisant qu'une Première Nation souhaite adhérer à la loi, le ministre aura le pouvoir de l'inscrire sur la liste sans passer par une réunion du Cabinet.

Il importe aussi de comprendre qu'à l'époque où la loi a été élaborée, certaines collectivités voulaient s'assurer qu'elles ne seraient pas visées tant qu'elles n'avaient pas décidé elles-mêmes d'y adhérer. N'oublions pas que l'adhésion à cette loi est facultative. Le moyen pour elles d'obtenir cette certitude était d'exiger qu'une disposition soit prévue à cette fin. Aujourd'hui, certaines des collectivités qui, dans le temps, estimaient cette mesure nécessaire, sont devenues nos clientes et elles subissent les conséquences de cette disposition relative à la tenue d'une réunion du Cabinet. Cela va changer.

En ce qui concerne la transmission des préavis, je pense que de nombreux aspects système fiscal seront améliorés. Le système d'imposition fonctionnera beaucoup plus efficacement que par le passé. Imaginez que vous êtes assis dans une salle, que vous pouvez y apporter toute l'expérience existante et que vous essayez de réfléchir à tous les aspects d'une question. C'est inévitable, vous ne pouvez pas penser à tout. La mise en œuvre nous a montré que ces processus avaient besoin d'être améliorés. Il fallait trouver un moyen de les contourner, et les modifications proposées ici sont, je crois, le meilleur moyen d'obtenir les effets recherchés. Je pense que les processus de certification s'en trouveront améliorés et cela nous satisfait.

Mes collègues aimeraient peut-être aborder certains autres aspects.

M. Daniels : C'est vrai que le changement le plus important est la délégation de pouvoir au ministre, mais nous nous réjouissons aussi du fait que les modifications proposées clarifient certaines zones grises, ce qui est très utile par rapport aux différents aspects du processus d'octroi de crédit ou même du régime d'imposition foncière.

Le sénateur Moore : J'aimerais clarifier un point pour m'assurer de bien comprendre. Monsieur Daniels, l'Administration financière des Premières nations est l'organisme qui monte le dossier, va sur les marchés financiers et reçoit le produit de la vente des débentures. Monsieur Calla, votre organisation, le Conseil de gestion financière des Premières Nations, vise à fournir des conseils aux Premières Nations pour qu'elles soient en mesure d'être inscrites à l'annexe et participer à ce processus, c'est bien ça?

M. Calla : Vous avez raison à 95 p. 100. Nous devons certifier à une Première Nation qu'elle satisfait à nos normes de rendement financier, qu'elle adhère à la Loi sur la gestion financière et qu'elle est prête à demander une certification en matière de systèmes de gestion financière dans les 36 mois avant de pouvoir aller voir Ernie et lui demander d'être considérée comme un membre du groupe d'emprunt.

Le sénateur Moore : Si ma Première Nation ne figure pas sur la liste de l'annexe, puis-je quand même me présenter à l'Administration financière des Premières nations et demander du financement pour un projet?

M. Calla : Non.

Le sénateur Moore : Donc, si je veux participer à ce fonds, je dois être membre d'un groupe inscrit à l'annexe, c'est bien ça?

M. Calla : Exactement.

Le sénateur Moore : J'ai trouvé encourageant ce que vous avez mentionné un peu plus tôt au sujet de la participation d'une collectivité des Premières Nations éloignée. Comment en est-elle arrivée à participer? Ses représentants sont-ils venus vous voir, monsieur Calla, pour vous dire : « Écoutez, nous avons entendu parler de cela. Qu'est-ce qu'il faut faire pour pouvoir participer? » Notre comité a visité quelques-unes de ces Premières Nations isolées. Elles implorent de l'aide. Je ne sais pas si elles ont la capacité de faire de la gestion. Elles en ont la volonté, c'est certain, mais je ne crois pas qu'elles ont le savoir-faire. Comment peuvent-elles entrer en contact avec vous et votre organisme et intégrer ce système de manière à devenir de fiers participants à part entière?

M. Calla : Chaque année, une partie de notre plan d'entreprise reçoit l'approbation du ministre et les ressources que nous obtenons sont consacrées à la sensibilisation des collectivités. En fait, je devais être au Yukon aujourd'hui, pour rencontrer des communautés de là-bas. Des membres de notre équipe sont là en ce moment pour s'adresser à toutes les communautés dans le cadre d'une conférence sur la marche à suivre pour adhérer à la loi. Notre intervention auprès des collectivités et notre participation à des événements régionaux portent fruit. Nous serons à la conférence nationale et aux conférences provinciales de l'AAFA, l'Association des agents financiers autochtones du Canada. Nous organisons et accueillons aussi nos propres conférences. Nous répondons aux demandes qu'on nous adresse. Il y a beaucoup de bouche à oreille. Le « télégraphe mocassin », comme on dit, commence à fonctionner, ce qui fait que nous recevons des appels d'endroits d'où nous n'en aurions pas reçu autrement.

Les grands projets de mise en valeur des ressources dans ce pays attisent l'intérêt quant à la façon d'accéder à des capitaux, aux exigences requises et à tout ce qui a trait à cette loi. Nous utilisons ces moyens pour nous engager auprès des collectivités, mais pour commencer à travailler avec nous, il leur faut l'engagement du conseil de bande. La première chose que nous demandons est une résolution du conseil de bande nous invitant à entamer le processus de certification et d'élaboration de lois afin qu'au moment de nous engager sur cette voie, nous bénéficiions de la confiance et de l'appui du conseil de bande.

Le sénateur Moore : Des témoins ont déjà dit à ce comité que certains conseils ou bandes tiennent des élections tous les deux ans. Quand vous vous trouvez dans cette situation, quand vous avez ce pouvoir, quel type d'engagement recevez-vous qui vous assure qu'une élection subséquente ou un nouveau conseil de bande ne vous enlèvera pas ce pouvoir? Il vous faut la stabilité d'un engagement. Comment le garantissez-vous? Pouvez-vous faire voter une résolution qui perdurera même avec d'autres présidents et d'autres membres du conseil?

M. Calla : J'aimerais bien pouvoir le faire, mais c'est impossible. Il y a des hauts et des bas, surtout quand ces institutions démarrent. Nous avons eu des communautés qui n'ont duré que six semaines. Nous avons suivi certaines communautés pendant cinq ans alors qu'elles adhéraient à divers processus politiques. Une fois que vous êtes admis, vous y êtes, mais il faut du temps pour obtenir cet engagement.

Nous essayons de faire comprendre aux gens qu'il ne s'agit pas d'un processus politique. C'est un processus d'entreprise. C'est une façon de gérer les affaires. Voulez-vous être bien placé pour répondre aux demandes de vos électeurs d'une manière efficace? Pour cela, il faut s'engager. Habituellement, nous ne cherchons pas seulement l'engagement du chef et du conseil, mais à maintes occasions j'ai aussi présenté cette question à des réunions des membres des bandes. Plus nous pouvons persuader de monde dans une communauté et expliquer aux membres en quoi consiste ce processus, plus il y a de chance qu'aux prochaines élections, les raisons pour lesquelles ils se sont engagés avec nous perdurent.

M. Daniels : Une fois qu'une Première Nation emprunte aux termes du régime, nous mettons en œuvre un mécanisme d'interception aux volets de revenu. Autrement dit, c'est comme un coffret à cadenas pour lequel nous interceptons les revenus à la source. Ils sont versés dans un compte de fiducie sécurisé géré par un gardien responsable de rembourser la dette et de reverser le solde à la Première Nation. Ce système est irrévocable, alors il survit tous les changements de chefs et de membres du conseil. Ils ne peuvent rien y changer sans avoir obtenu notre consentement.

Le sénateur Moore : Je pense que ce serait l'une des conditions principales sur laquelle le consortium insisterait. Je me demandais simplement comment cela pourrait se faire. Merci.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Je voulais vous demander si tout le monde approuve cette loi de gestion. Est-ce que quelqu'un ou un organisme s'y oppose?

M. Calla : Madame la sénatrice, c'est une loi facultative. Oui, je suis sûr que certaines Premières Nations ne voient pas les avantages qu'elle leur apporte. Je suis sûr que certaines Premières Nations pensent que les droits aux Autochtones issus de traités n'ont pas été respectés, que les traités n'ont pas été réglés, que l'autonomie gouvernementale n'a pas été établie, que la Couronne fédérale n'accomplit pas son devoir de fiduciaire et que tout ce que vous faites pour distraire de ces enjeux n'est souvent pas bienvenu, je suppose. Mais plusieurs Premières Nations, en fait la plupart d'entre elles je vous dirais, en discernant des débouchés économiques au seuil de leur communauté, comprennent qu'elles ont besoin des outils que cette loi met à leur disposition pour aller de l'avant. Je crois que c'est l'aspect positif de tout cela. Je crois que c'est ce que nous pouvons retirer de cela. Selon moi, il faut maintenant que nous comprenions de quelle façon remettre les atouts économiques entre les mains de ceux qui n'en ont pas pour qu'ils puissent tirer avantage des dispositions de cette loi.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Dans ce cas, y aura-t-il Affaires indiennes? Non pas Affaires autochtones, mais Affaires indiennes. Cette entité continuera-t-elle à rembourser ou à financer quand cette loi sera en vigueur?

M. Calla : Ceci n'a rien à voir avec Affaires indiennes. Affaires indiennes ne garantit pas ces prêts. Nous sommes une société de gestion collective, au même titre qu'une caisse populaire ou une coopérative. Nous nous réunissions et nous décidons d'aller ensemble emprunter de l'argent, et nous veillons à rembourser tout le prêt. Les institutions ont établi un système entre les parties pour aider les Premières Nations à confirmer qu'elles sont en mesure de respecter les obligations qu'elles ont les unes envers les autres.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Alors qu'arrive-t-il si l'on ne respecte pas l'obligation, si la communauté ne peut pas rembourser la dette ou s'il arrive une catastrophe?

M. Calla : En vertu de la loi, le Conseil de gestion financière peut intervenir pour aider cette Première Nation en lui fournissant le soutien nécessaire pour régler le problème, qui habituellement découle soit du fait que la communauté a mal administré son régime fiscal, soit qu'elle a sauté un versement pour une raison quelconque. En s'engageant dans ce processus, la communauté accepte le fait que nous pouvons intervenir pour fournir de l'aide afin que la situation revienne à la normale.

La sénatrice Lovelace Nicholas : D'accord, c'est bien. Merci.

Le président : Permettez-moi de vous interrompre. La sénatrice Lovelace Nicholas voulait savoir s'il y a des gens qui critiquent ou qui s'opposent à ce système. Nous cherchons toujours à équilibrer les points de vue de ce comité, alors je vais revenir à une observation qu'un banquier a faite devant nous dans le cadre de notre étude sur l'infrastructure des réserves, et il n'est pas nécessaire que je nomme cette personne. Ses observations ne concernaient pas cette loi, mais il a affirmé que le fait de combiner des recettes publiques avec des recettes commerciales et issues du développement économique pour les intégrer au modèle de fonds commun de l'Administration financière des Premières nations était problématique.

Selon le témoignage qu'il a présenté au comité :

Le danger d'un tel amalgame, c'est que le risque sous-jacent de chaque entité n'est pas reflété dans le taux d'emprunt ni dans les conditions du prêt. Dans ce genre de fonds commun, certains des participants affichent un risque de non-paiement beaucoup plus élevé que d'autres et, en raison de la responsabilité solidaire, ceux ayant une bonne cote de crédit pourraient finir par assumer les coûts de ceux qui ont une mauvaise cote de crédit dans le fonds commun.

Comment répondez-vous à ces préoccupations?

M. Calla : Je me ferai un plaisir de vous répondre, et je suis sûr qu'Ernie y ajoutera quelque chose. Tout d'abord, je vous dirai que je ne suis pas entièrement d'accord avec cette observation.

Je crois que le cadre que nous avons établi, les volets de revenu qui ont été examinés, tout cela ne reflète pas la crainte dont vous parlez dans vos observations. Quand on a émis la première débenture, chaque volet de revenu engagé — et la plupart d'entre eux l'étaient en vertu de l'autre règlement sur les volets de revenu — a été évalué par les agences de notation. La plupart d'entre eux étaient des volets de revenu A ou AA, si je me souviens bien, Ernie. L'évaluation la plus basse donnait un B, si je ne m'abuse.

Les volets de revenu qu'envisage l'administration financière ne reflètent pas cela. Je crois que la méthode que suit l'administration financière pour mesurer le montant de dette qu'un volet de revenu peut générer reflète ce risque. Par exemple, si j'ai un volet de revenu public, il me donnera un meilleur effet de levier que celui que génère ma propre entreprise. Ce facteur de risque se reflète déjà dans le montant de dette que vous pourrez acquérir avec un volet de revenu. Il y a tout un tableau. Si vous allez sur le site web de l'AFPN, et je le fais parce que je pourrais être un client, vous y verrez tout ce mécanisme.

N'oublions pas non plus que l'AFPN est régie par les membres emprunteurs. Vous y êtes admis par les collègues avec lesquels vous travaillez et par les Premières Nations qui font partie de votre fonds commun d'emprunt.

La gestion du risque s'effectue à ce niveau aussi. Elle se fait non seulement pendant le processus administratif, mais aussi à ce niveau. Le Conseil de gestion financière s'en occupe en exigeant de par la loi que pour chaque emprunt, la Première Nation obtienne un certificat de rendement financier. Elle doit pour cela présenter ses états financiers des cinq dernières années, et le conseil les compare à nos ratios financiers. Il nous a fallu beaucoup de temps et de consultation pour établir ces ratios.

Vous ne pouvez pas demander un emprunt à l'administration financière tant que vous ne respectez pas ces normes; donc à la longue, je ne vois pas là de risque. Mais surtout, je pense que les gouvernements des Premières Nations méritent de pouvoir choisir la façon d'augmenter leur dette. Je suis d'accord sur le fait que les banques commerciales ont un rôle à jouer, et je respecte ce rôle; si l'emprunt comporte un risque, elles doivent jouer leur rôle. Mais si ce risque est minime et si l'on a avantage à emprunter par l'intermédiaire de l'administration financière, pourquoi les Premières Nations ne pourraient-elles pas se prévaloir de cet avantage en assumant le coût de l'emprunt?

Comme je vous l'ai dit plus tôt, les communautés de la Colombie-Britannique qui avaient eu l'option d'acquérir un intérêt de 30 p. 100 sur un pipeline n'ont pas pu s'en prévaloir parce qu'elles n'ont pas réussi à en réunir le capital exigé. Quand elles se sont adressées aux marchés financiers pour demander cet argent, les marchés financiers ont répondu qu'elles obtiendraient ce prêt, mais avec un taux de rendement réglementaire de 11,25 p. 100, alors il ne restait rien pour les communautés. Elles auraient pu emprunter cette somme de l'administration financière à moins de 4 p. 100.

C'est le pouvoir que donne le fonds commun d'emprunt aux Premières Nations. Parlant de grands projets, il y aura diverses activités commerciales. Ce sont des activités que des banques pourraient financer, parce qu'elles seront dirigées par des personnes, par des entreprises.

Monsieur le président, chacun à son rôle à jouer à différents niveaux. Il est clair, et je l'ai appris en exerçant ma profession de comptable et en siégeant à des conseils d'administration, que la gestion de la trésorerie est une science en pleine évolution que l'on présente maintenant aux communautés des Premières Nations. Quel montant de dette devrait-on accumuler, comment la gérer, quels risques présente-t-elle, quel en est le taux d'intérêt à long terme?

Je comprends l'idée selon laquelle nous devrions jumeler les périodes courantes d'amortissement à ce que nous pensons être la structure de taux d'intérêt à court terme. Plusieurs entreprises dont j'ai fait partie saisissent les occasions qui s'offrent aujourd'hui avec des taux d'intérêt peu élevés et gèrent bien la situation. Oui, nous faisons tous face à un risque avec le taux d'intérêt; que vous empruntiez à une banque ou à l'administration financière, vous assumez toujours un risque.

Ce qui distingue un emprunt à l'administration financière, c'est que si l'on opte pour un taux fixe, on peut obtenir un prêt jusqu'à une durée de 30 ans. Certains ne le font pas. On voit souvent, surtout dans les circonstances actuelles, des entreprises dont la période d'amortissement ne correspond pas à la date d'échéance de la débenture, et elles refinancent continuellement. Cela pose un certain risque. Ne traitons pas les gouvernements des Premières Nations et leur capacité de gérer leurs affaires avec une attitude paternaliste. Feront-elles face à des difficultés? Mais bien sûr.

Le Canada devrait se regarder dans un miroir. La communauté bancaire elle-même, vous souvenez-vous de ce qu'on a appelé un « papier commercial adossé à des actifs »? La crise des marchés financiers de 2008? Nous n'allons pas reproduire ces situations, mais il me semble qu'on s'attend trop souvent à ce que la communauté des Premières Nations, qui évolue et qui atteint sa maturité, soit parfaite quand le reste du pays ne l'est pas.

Oui, il y a des risques, monsieur le président. Je suis d'accord qu'il y a des risques, mais gérons-les.

M. Daniels : Je tiens à affirmer que cette loi est excellente. Toutes les garanties en vigueur créées au cours de ces 20 dernières années ont été vérifiées par les agences de notation, par les commissions des valeurs et par les investisseurs. Les investisseurs n'y placeraient pas leur argent s'ils n'y voyaient pas d'avantage.

Les garanties que contient le système et les modifications qui y seront apportées ne peuvent qu'améliorer ce système, et je pense que c'est ce que nous visons. Les Premières Nations adhèrent volontairement à cela. Il y a trois ans, 70 Premières Nations y étaient inscrites, et aujourd'hui nous en avons 160. C'est toute une augmentation. Ce nombre augmente chaque mois.

La sénatrice Raine : Nous menons une étude sur l'infrastructure et sur le logement dans les réserves des Premières Nations. Nous savons qu'il est très difficile de réunir les énormes montants de capital nécessaires pour l'infrastructure, et le gouvernement fédéral est obligé de les fournir. Nous avons envisagé d'utiliser les garanties sur les prêts du ministère pour, en un sens si vous voulez bien, obliger les emprunteurs d'investir à long terme dans l'infrastructure.

Si l'on établissait des garanties de prêt pour un volet de revenu provenant d'AADNC, pourrions-nous l'utiliser sous forme d'emprunt par fonds commun?

M. Daniels : Oui.

M. Calla : Oui, c'est possible.

Le président : Ceci nous amène à la fin de cette partie. Je remercie profondément les témoins d'être revenus. Je ne sais pas combien de fois vous avez comparu devant nous, mais nous vous connaissons, et vous êtes les bienvenus.

Pour la deuxième partie de cette audience, j'ai le plaisir d'accueillir Keith Martell, président et chef de la direction de la Banque des Premières Nations du Canada. M. Martell a eu la bonté de se joindre à nous par vidéoconférence de Saskatoon. Nous vous remercions d'être revenu comparaître devant ce comité.

Vous avez la parole. Allez-y.

Keith Martell, président et chef de la direction, Banque des Premières Nations du Canada : Bonjour. Je suis très heureux de participer à la discussion d'aujourd'hui. Je voudrais vous parler de trois problèmes que je perçois dans les modifications proposées à la loi dont nous débattons aujourd'hui.

Tout d'abord, je tiens à réitérer mon soutien continu pour les éléments de cette loi qui permettent aux Premières Nations qui ont une capacité d'imposition de participer à un fonds commun d'emprunt pour obtenir des recettes publiques afin de financer l'infrastructure nécessaire pour soutenir la prestation de services à leurs contribuables.

Deuxièmement, je tiens à vous avertir que j'ai des préoccupations quant à l'utilisation d'autres revenus comme levier tel que le décrit la loi et à la conception de ce financement tel que le proposent les institutions financières.

Enfin, je tiens à vous présenter mes préoccupations quant à l'ingérence du gouvernement du Canada dans ce qui me semble être la prestation de services financiers aux Premières Nations par un marché libre à des fins commerciales.

Au sujet de mon premier problème : je suis d'accord que l'on crée des institutions financières pour établir un financement structuré du régime d'imposition chez les Premières Nations. Cette solution reproduit une réalisation déjà manifeste dans plusieurs provinces, surtout celle de l'administration financière municipale de la Colombie-Britannique. Ce modèle respecte les principes fondamentaux des saines pratiques de prêt tout en fournissant aux Premières Nations plus de certitude et de capacité pour financer l'infrastructure qui soutient la prestation de services aux contribuables.

Au Canada, de nombreuses Premières Nations retirent des recettes publiques de l'imposition d'impôts, de redevances et de baux immobiliers, mais à l'heure actuelle, elles ne peuvent pas utiliser ces recettes comme leviers de financement obligataire pour l'infrastructure nécessaire à la prestation continue de leurs services aux contribuables.

Pour régler ce problème, on a créé des institutions en vertu de la Loi sur la gestion financière des premières nations. Je suis profondément convaincu que ces institutions, conçues pour faciliter l'utilisation des recettes publiques comme leviers de financement public, sont nécessaires et que l'administration financière, le Conseil de gestion financière et la Commission de la fiscalité des premières nations assument ce rôle.

Quant aux modifications à apporter au projet de loi C-59 pour simplifier ce processus de financement des recettes publiques, je les appuie.

Deuxièmement, je souligne mon inquiétude face à l'inclusion d'autres revenus prévue dans la Loi sur la gestion financière des premières nations et face aux modifications que vous étudiez aujourd'hui.

Après avoir créé les institutions financières en vertu de la Loi sur la gestion financière des premières nations, on a étendu leurs mandats, et maintenant elles incluent vigoureusement dans leurs modèles d'emprunt tous les autres revenus, y compris ceux d'autres entreprises commerciales qu'exploitent les Premières Nations. Comme d'autres témoins l'ont fait remarquer, la grande majorité des premières débentures étaient liées à d'autres revenus prévus pour l'émission de la seconde débenture.

L'AFPN indique clairement que ces autres revenus comprennent des revenus provenant de partout — d'exploitations forestières, de la mise en valeur du pétrole et du gaz, de développements hydrauliques, de dépanneurs, d'hôtels et de maisons de jeu. La définition de l'AFPN ne vise pas uniquement les recettes publiques comme les impôts, les redevances et les profits générés par d'autres entreprises, mais aussi le rendement du capital-actions de ces sociétés.

En fait, l'AFPN institutionnalise les emprunts que font les Premières Nations à des fins commerciales en un modèle de financement public. Je crois que cela va causer un grave problème.

En fait, comme je l'ai mentionné, la plupart des revenus qui servent de leviers aux premières obligations de l'AFPN sont des revenus commerciaux. De plus, une grande partie des sommes empruntées ont servi à rembourser des dettes auprès de banques commerciales, et non à financer de nouveaux projets pour lesquels on ne réussissait pas à obtenir des capitaux.

L'AFPN parle souvent des grandes économies que font les Premières Nations en empruntant de l'AFPN. Elle cite constamment l'exemple d'une Première Nation qui économise 140 000 $ par mois sur ses coûts d'emprunt. Si vous examinez les détails de cet exemple, vous observerez que ces économies proviennent essentiellement du refinancement de cette communauté sur des prêts existants amortis sur des périodes de 5 et 10 ans pour les remplacer par un prêt de l'AFPN amorti sur une période de 30 ans. Par conséquent, la majeure partie de ces prétendues économies consiste en une réduction du principal remboursé au début de la période d'emprunt.

Cet exemple présente un autre problème. Bien que ce prêt s'amortisse sur une période de 30 ans, l'AFPN n'y a fixé un taux d'intérêt que pour 10 ans. Si dans 10 ans les taux d'intérêt sont plus élevés que les taux exceptionnellement bas que nous avons à l'heure actuelle, il restera un montant principal extrêmement élevé à rembourser à un taux d'intérêt beaucoup plus haut. Comme l'amortissement de ce prêt se fait sur une bien plus longue période, les frais de service de cette dette, c'est-à-dire l'intérêt payé sur le prêt, seront en fait beaucoup plus élevés.

En appuyant ces institutions financières et en acceptant d'autres revenus comme leviers, le gouvernement du Canada soutient l'augmentation de la dette globale des Premières Nations sans protéger leur capacité à long terme d'honorer cette dette.

Ce modèle enfreint aussi plusieurs principes fondamentaux de la finance en utilisant comme levier des revenus commerciaux très divers, avec le danger que présente l'amalgamation de volets de revenus autochtones très différents en un fonds commun d'emprunt. Le risque sous-jacent de chacune de ces entités ne se reflète pas dans le taux d'emprunt et dans les conditions du prêt.

Certains des participants affichent un risque de non-paiement beaucoup plus élevé que d'autres et, comme les débiteurs de l'AFPN assument une responsabilité solidaire face à ce lien, ceux qui ont une bonne cote de crédit pourraient finir par assumer les coûts de ceux qui ont une mauvaise cote de crédit dans le fonds commun.

Deuxièmement, la période du prêt ne correspond peut-être pas au cycle de vie des biens financés. La première émission des débentures de l'AFPN a servi à rembourser un financement commercial octroyé avec différentes périodes d'amortissement en fonction de l'utilisation des fonds. On a refinancé tous ces prêts commerciaux sur une période de 30 ans, sans penser à faire correspondre le cycle de vie des biens générant un revenu aux conditions du prêt.

Troisièmement, on a évalué la capacité qu'ont les Premières Nations de rembourser la dette en une période où les taux d'intérêt étaient plus bas que jamais. Ce fait est d'autant plus important que l'AFPN n'a fixé les taux d'intérêt de ses obligations que pour une période de 10 ans, alors que l'amortissement de ses prêts est souvent prévu pour une période de plus de 30 ans. Personne ne semble avoir pensé à la manière dont les Premières Nations, ou en fait l'AFPN, pourront honorer cette dette si les taux d'intérêt passent à la hausse.

À l'encontre des recettes fiscales, cette Première Nation n'a que très peu, ou même aucune capacité de hausser ses profits commerciaux pour honorer des taux d'intérêt plus élevés.

Si le fonds commun d'emprunt de l'AFPN ne réussit pas à honorer la dette, il se passera deux choses. D'abord, il sera certainement plus difficile, même pour la Première Nation qui a le meilleur crédit, d'obtenir un financement obligataire. Deuxièmement, toutes les parties du fonds commun qui devront assumer le coût de la perte chercheront à blâmer quelqu'un. Le gouvernement du Canada se trouvera au milieu du désastre pour rétablir la situation, et par conséquent, il hésitera beaucoup plus à participer à l'avenir au financement d'une initiative ou d'un projet de développement économique autochtone.

Enfin, je tiens à dire au comité que les banques font beaucoup d'efforts pour financer les entreprises commerciales des communautés autochtones et que, par conséquent, il n'est pas bon d'institutionnaliser tous les services financiers des Premières Nations. Notre banque a été fondée de manière à se concentrer sur les communautés autochtones, et bien qu'à mon avis notre concentration et notre propriété nous procurent un certain avantage, les autres banques sont très concurrentielles. Elles ont créé des équipes chargées de se concentrer sur ce marché et elles apprennent rapidement à répondre aux besoins de leur clientèle des Premières Nations. Il existe un marché libre d'octroi de prêts commerciaux aux Premières Nations.

Il existe aussi plusieurs grands projets commerciaux très prospères dirigés par des Premières Nations qui ont obtenu un financement obligataire sécurisé et bien négocié pour des développements hydrauliques, pour la mise en valeur de ressources et pour d'autres entreprises d'envergure.

Ces deux dernières années, j'ai participé personnellement à trois grands projets de financement obligataire — un développement hydraulique, une ligne de transport d'électricité et un hôtel-maison de jeu. Je ne vous cite que quelques-uns des financements bien structurés et sagement négociés avec des Premières Nations un peu partout au pays. L'expansion du mandat des institutions financières n'est pas le premier exemple d'une situation où le gouvernement du Canada pense en savoir plus que le marché libre. La garantie que le Canada accorde implicitement aux obligations de l'AFPN, le fait qu'il paie présentement tous les frais d'exploitation des institutions financières et qu'on s'attende à ce qu'il continue à le faire pendant encore assez longtemps et l'octroi d'un fonds de stabilisation de 10 millions de dollars à ces institutions indiquent que le Canada fait directement concurrence au marché libre des services financiers.

En conclusion, je dirai qu'étant donné que les modifications à la section 16 font partie d'un projet de loi d'exécution globale du budget, qui sera sans aucun doute adopté très bientôt, je ne pense pas du tout que le comité sera en mesure de régler le problème de l'expansion du mandat des institutions financières qui utilisent d'autres revenus des Premières Nations comme leviers d'emprunt.

Il semble bien qu'il soit trop tard pour agir. Je suis simplement heureux de pouvoir répondre à nouveau à vos questions et de vous présenter mes préoccupations de manière officielle. Nous verrons comment la situation évoluera avec le temps. Pour le bien de cette Première Nation à laquelle je suis profondément attaché, j'espère que je me trompe sur les aspects négatifs de cette loi. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Martell, de nous avoir présenté cet important point de vue. Je voudrais tout d'abord vous poser une question au sujet de votre position. Vous avez dit au début que vous appuyez les modifications, et ensuite vous avez expliqué que vous vous inquiétez des risques que causerait l'amalgamation de volets de revenu plus risqués dans le fonds commun.

J'ai deux ou trois questions à vous poser. D'abord, en appuyant les modifications et en nous disant qu'elles seront adoptées dans le cadre de l'exécution du budget du gouvernement majoritaire, vous nous dites en réalité : « Faites bien attention, vous tous. Les autorités de gestion financière des Premières Nations devront faire très attention de ne pas se créer d'ennuis en produisant de mauvais résultats »? Est-ce réellement ce que vous nous dites aujourd'hui, qu'à l'avenir nous allons devoir gérer cela avec beaucoup de prudence?

M. Martell : Permettez que je clarifie le premier point. Je suis favorable aux modifications qui ont trait à l'imposition des revenus des Premières Nations. Ce sont des revenus qui représentent un mode de financement structuré comme celui d'un gouvernement. Beaucoup de ces modifications portent là-dessus et, franchement, elles peuvent placer les institutions financières en meilleure situation d'accomplir cette tâche. J'appuie ces modifications.

Certaines modifications portent aussi sur d'autres revenus, et, comme je l'ai déclaré très précisément à un certain nombre de reprises, je suis inquiet qu'on cherche à tirer profit de ces revenus.

Vous avez raison, il faut avancer les yeux ouverts. On dit que les institutions financières ne tirent profit que des revenus existants et que, en tant que banquiers commerciaux, nous ne nous contentons pas de garantir un emprunt quand c'est un nouvel emprunt. Il s'agit d'une sorte d'idée fausse des institutions financières, selon laquelle les banques commerciales ne prêteraient qu'à des entreprises de démarrage et que c'est ce qui crée le risque.

Toutes les entreprises qui ont des activités courantes et des entrées de revenus courants sont en fait de nouvelles entreprises chaque année. En tant que banque commerciale, nous garantissons effectivement ces consommateurs chaque année. Nous faisons des examens annuels. Quand une entreprise est en difficulté ou qu'elle a des problèmes, nous faisons un examen provisoire tous les mois. Nous garantissons ces crédits régulièrement. Pour que l'Administration financière des Premières nations puisse affirmer qu'elle n'utilise que des revenus existants, il faudrait qu'elle ait dit à BlackBerry il y a 10 ans : « On ne tiendra compte que des revenus existants et on leur prêtera de l'argent pendant 30 ans. » Les revenus de BlackBerry, que je sache, sont nettement moindres qu'il y a 10 ans. Dans le monde de l'Administration financière des Premières nations, où ils ne sont pas des banquiers commerciaux, on considère que les revenus existants existeront pour toujours, et ce n'est tout simplement pas vrai.

Le président : Je vous remercie. Je voudrais vous poser une autre question à ce sujet. L'Administration financière des Premières nations et les représentants de l'application de la Loi sur la gestion financière, les représentants du conseil d'administration, nous ont dit qu'ils appliquaient une procédure très rigoureuse pour certifier la solvabilité des Premières Nations inscrites dans l'annexe. Ils remontent les cinq dernières années et exigent les états financiers de ces exercices, qui sont analysés en détail. Les marchés, les agences de notation de crédit leur ont dit que les cotes qu'ils accordent généralement sont A ou AA. C'est donc impressionnant comparativement aux autres organismes d'emprunt.

Ils disent : « Nous appliquons une procédure rigoureuse. La certification n'est pas facile à obtenir. Donc ça réduit le risque de défaut de paiement, qui est toujours une source d'inquiétude. » Êtes-vous d'avis que la procédure de certification est effectivement rigoureuse?

M. Martell : Nous avons examiné la procédure et nous pensons qu'elle est effectivement rigoureuse. Il y a beaucoup de mécanismes de contrôle qui, en fait, n'existent plus dans les banques commerciales.

Ce qui me préoccupe, c'est l'idée qu'un jour égale toujours, c'est-à-dire que, une fois la certification obtenue, plus rien ne changera jamais. Comme on l'a vu tout à l'heure en réponse à une question, le leadership change régulièrement, et cela entraîne souvent un changement de gestion. On ne peut pas certifier une collectivité une fois pour toutes en faisant comme si ceux qui font marcher ces systèmes ne changeront pas.

J'ai toute confiance dans le fait que les gouvernements autochtones continueront de faire ce qu'il faut, mais, les gens qui vont et qui viennent n'ont pas les mêmes capacités. Par exemple, si l'une des personnes clés que nous retenons parmi nos clients s'en va, nous devons absolument garantir de nouveau ce client parce que les circonstances peuvent changer.

Le sénateur Moore : Merci d'être venu nous voir, monsieur Martell. À la page 3 de vos commentaires, vous dites que le risque de défaut de paiement est très différent d'un participant à l'autre dans le fonds commun d'emprunt, de sorte que les bons dossiers de crédit pourraient finir par assumer le coût de service de la dette des mauvais dossiers.

Vous dites aussi qu'on n'a guère tenu compte de la durée des actifs productifs à l'égard de l'échéance du prêt et vous avez parlé de remboursements échelonnés sur 30 ans pour financer des projets d'infrastructure dont le règlement est prévu sur 10 ans.

La première débenture s'élevait à 90 millions de dollars. Savez-vous quelle portion de cette somme a servi à refinancer les projets en cours comparativement aux nouveaux projets?

M. Martell : L'AFPN n'a pas divulgué cette information, mais beaucoup des consommateurs qui ont emprunté à l'AFPN affichent leurs états financiers sur le site web du gouvernement du Canada. On a vu beaucoup de déplacement de la dette commerciale en cours. Notre propre banque n'a pas eu beaucoup de remboursement de la dette de la part de l'AFPN jusqu'ici, mais nous savons que d'autres banques ont été largement remboursées de leur dette commerciale par les emprunts de l'AFPN. Ce sont les Premières Nations qui avaient emprunté en hypothéquant des revenus commerciaux.

Le sénateur Moore : D'accord.

M. Martell : Il y a eu ré-emprunt de la part de l'AFPN. Cela a permis de rembourser ces dettes commerciales. Cela a parfois servi à des projets d'infrastructure. D'autres fois, à simplement refinancer la dette commerciale en cours.

Le sénateur Moore : Quel pourcentage a servi au refinancement?

M. Martell : C'est difficile à dire. Il faudrait assembler tous les emprunteurs. C'est vraiment quelque chose que l'AFPN devrait divulguer. S'ils refinancent simplement la dette commerciale à l'aide des garanties du gouvernement, voilà une autre idée fausse. Une des réponses données à une question posée auparavant était que les Affaires indiennes ne garantissent pas l'AFPN. Quand on lit les cotes accordées par les agences de notation, on constate qu'il est très probable, franchement, que le gouvernement du Canada soit derrière l'obligation, et c'est un gros avantage qui leur permet d'obtenir leur cote dans la catégorie des investissements.

Le sénateur Moore : Que voulez-vous dire par « très probable »? Est-ce qu'il y a un document écrit?

M. Martell : C'est écrit dans le rapport de l'agence de notation. On y parle d'une très forte probabilité, ce qui est considéré dans les définitions de l'agence comme une probabilité de 51 à 71 p. 100 qu'il s'agit d'une obligation garantie par le gouvernement du Canada.

Le sénateur Moore : Voilà une affirmation très grave. Est-ce qu'il ne faudrait pas avoir un document écrit avant qu'on puisse en tenir compte dans le processus de notation?

M. Martell : C'est écrit dans le rapport de l'agence. Si on lit le rapport du secteur de la notation, on voit qu'ils tiennent compte d'un certain nombre de considérations. C'est le gouvernement qui édicte les lois. Le gouvernement du Canada finance l'AFPN, le Conseil de gestion financière des Premières Nations et la Commission de la fiscalité des premières nations, et, selon l'agence, il est peu probable que le gouvernement du Canada renie ce genre de structure une fois qu'elle est en place.

Le sénateur Moore : Vous dites qu'on ne tient guère compte de la durée des actifs productifs pour déterminer l'échéance du prêt. Je suppose qu'il faut se demander comment vous savez ça? Vous avez dit que votre banque n'a pas eu beaucoup de ce genre de cas de refinancement de prêt. Comment savez-vous ce qui se fait par ailleurs et dans quelle proportion réelle? Dans quelle mesure n'a-t-on pas tenu compte de cet élément? Est-ce que vous savez ça?

M. Martell : Je me suis intéressé à deux ou trois Premières Nations qui ont effectivement utilisé les emprunts de l'AFPN pour refinancer la dette en cours, et la plupart du temps, la dette commerciale remboursée était une dette commerciale amortie sur cinq ou dix ans. Dans le secteur bancaire commercial, on envisage toujours la période d'amortissement en fonction de la durée des actifs et de la sécurité des sources de revenus. On tient compte de toutes sortes de facteurs pour déterminer la période d'amortissement.

Par exemple, une partie du système de financement par obligations dont j'ai parlé est le développement hydroélectrique. J'ai eu affaire à une Première Nation de l'Ontario qui a acheté un gros pourcentage d'un projet hydroélectrique, et elle avait des obligations qui ont été amorties sur une période de 17 ans, ce qui traduisait le seuil de tolérance au risque de la collectivité et le pouvoir des accords d'approvisionnement conclus avec l'entreprise. Ça leur a permis d'obtenir du financement à très faible coût, en fait à un coût inférieur à ce qu'offre l'AFPN, et sur une période de 17 ans parce que le risque correspondait à l'échéance du projet.

Alors que, en fait, dans le modèle de l'AFPN, tous les risques sont mis sur le même plan, qu'il s'agisse, comme je l'ai dit, d'un dépanneur, d'une entreprise forestière, d'un établissement de jeu ou d'un projet hydroélectrique : tout entre dans la même obligation sur 30 ans, ce qui tient effectivement compte de toutes ces choses et tente d'utiliser des pratiques de prêt structurées pour éliminer les risques associés aux sources de revenus des intéressés, et, franchement, c'est exactement ce qui s'est passé avec le papier commercial adossé à des actifs quand ils ont essayé de tenir compte de toutes sortes de sources de revenus...

Le sénateur Moore : Oui, je me souviens.

M. Martell : ... et d'écarter le risque de financement et de dire que tout est parfait.

Le sénateur Moore : Oui, c'était, je crois, 32 milliards de dollars d'inopposabilité. Vous avez donné cet exemple, mais c'est tout de même une affirmation très générale : on n'a guère tenu compte de la correspondance entre le risque et l'échéance du prêt. Comment le savez-vous? Ce sont des gens responsables, qui essaient de faire leur travail, et pourtant vous ne pensez pas qu'ils aient correctement tenu compte de ce facteur?

M. Martell : Si j'avais un ensemble de sources de revenus différentes qui nous serviraient à prêter de l'argent à la Banque des Premières Nations, si j'avais des clients qui soient des entreprises d'hydroélectricité ou d'exploitation forestière, des dépanneurs, des entreprises de forage pétrolier et gazier, et cetera, j'examinerai chacun d'eux et m'attendrais à une large répartition des périodes d'amortissement en fonction des risques associés à ces revenus, des actifs acquis et de la capacité de ces revenus à assurer un remboursement. Je m'attendrais à une répartition plutôt large des périodes d'amortissement.

Le sénateur Moore : D'accord.

M. Martell : Alors que l'AFPN, si vous examinez ce qu'elle fait, les sources de revenus sont diverses, et pourtant ça finit toujours par une période d'amortissement de 30 ans, ce qui est quand même inquiétant du point de vue d'un banquier commercial. Les dépanneurs sont un bon exemple. Si un dépanneur ouvre en face d'un autre, le premier risque de perdre la moitié de ses revenus du jour au lendemain. Comment justifier qu'il y aura des revenus sur 30 ans? L'exploitation forestière est un autre bon exemple. Tous ceux qui ont travaillé dans ce domaine savent que la foresterie suit des cycles définis. La foresterie en 2014 n'est pas ce qu'elle était en 2007. Les banques déterminent des périodes d'amortissement en fonction du caractère cyclique de ces revenus. Quand on dit que tout a été couvert et qu'on a une période d'amortissement de 30 ans pour tout, je crois qu'il faut se poser des questions.

La sénatrice Raine : Pour faire suite à ce propos, dans ce cas, est-ce que vous recommanderiez de séparer les revenus gouvernementaux, les revenus propres, d'autres revenus, et cetera pour l'amortissement?

M. Martell : À vrai dire, étant donné la façon dont les institutions financières sont structurées, la loi que vous leur avez donnée et la garantie implicite que vous avez donnée aux agences de notation, comme je l'ai dit, je crois que le train est déjà parti.

En fait, ce que je préconise, c'est une divulgation honnête et sincère des risques. Comme d'autres l'ont dit, les Premières Nations ont le droit d'obtenir ce genre de prêts, et nous avons vu certaines d'entre elles obtenir un financement par obligations à partir de leur propre capacité. On a vu des Premières Nations se regrouper. Il y a un groupe de Premières Nations qui investissent conjointement dans des entreprises forestières et qui empruntent ensemble en fonction des risques propres à ce secteur.

Nous soutenons l'AFPN. Si elle veille à ce que tout le monde soit conscient de la situation, je ne crois pas qu'il y ait grand-chose à divulguer. Il faut d'abord que le gouvernement explique clairement aux agences de notation qu'il ne s'agit pas d'une obligation garantie par le gouvernement. Peut-être que ça va réinsérer le financement qu'ils pourront obtenir dans une structure de tarifs plus appropriée et adaptée aux risques associés aux actifs correspondants.

J'ai récemment consulté le site web de l'AFPN. Je n'y ai guère trouvé de divulgation spécifique de la responsabilité solidaire des Premières Nations. Les Premières Nations doivent comprendre que, s'il y a des lacunes dans le système, elles doivent les combler. Si, pour une raison ou une autre, votre voisin décide de faire faillite et de ne plus faire de paiements, la boîte postale scellée, c'est bien joli, mais si rien n'y entre, il n'y a rien à en tirer. En fait, si votre voisin cesse de payer parce que les activités de son exploitation forestière sont en baisse, vous, en tant que Première Nation, le chef, vous devez prélever dans la cagnotte et commencer à payer. Les revenus des établissements de jeu, des entreprises d'hydroélectricité ou des entreprises d'exploitation des ressources doivent servir à combler les manquements des autres emprunteurs. C'est quelque chose qui n'est pas suffisamment divulgué de façon spécifique. J'ai parlé avec des représentants de Premières Nations qui en sont aux stades avancés de la certification auprès du Conseil de gestion financière des Premières Nations et qui ne comprennent toujours pas qu'ils ont une responsabilité solidaire avec les autres emprunteurs.

La concurrence ne me dérange pas, mais je ne veux pas être en concurrence avec un organisme soutenu par le gouvernement qui ne communique pas les risques aux emprunteurs qui se joignent au fonds commun.

Le président : Monsieur Martell, j'ai jeté un coup d'œil sur vos états financiers pour l'année 2014, et je constate qu'il s'agit d'une banque autochtone. Peut-être n'ai-je pas bien lu, mais il me semble que beaucoup des prêts que vous avez accordés devaient servir à des hypothèques personnelles et pas tellement à des gouvernements autochtones. Est-ce que je me trompe? Y a-t-il place dans le monde des banques pour le financement des gouvernements autochtones au-delà de ce qu'il est actuellement?

M. Martell : Excusez-moi, c'est sans doute une erreur de lecture de nos états financiers. Environ 90 p. 100 de nos revenus sont liés à des gouvernements autochtones et à des entités appartenant à des Autochtones. Environ 43 p. 100 de nos revenus et du volume de nos prêts sont des prêts directs à des gouvernements autochtones. Ce sont les marges de crédit qui les aident à offrir des programmes et services. Il s'agit de financement pour le développement d'infrastructures ou de programmes scolaires ou de financement temporaire. Par ailleurs, 25 p. 100 de nos revenus sont liés à des entreprises appartenant à des Autochtones. Il s'agit d'entreprises appartenant à des Inuits ou des Premières Nations, donc d'entreprises leur appartenant intégralement, d'où viennent la plupart des sources d'autres revenus. C'est en concurrence directe avec ce que fait l'AFPN. Aucun de nos clients n'a encore remboursé son prêt par le biais de l'AFPN. Tout indique que ça se produira dans certains cas. Nous sommes un peu surpris de constater que certains cas, peut-être en cours de discussion avec l'AFPN, sont parmi ceux qui nous ont demandé le plus de gestion.

Nous respectons les droits des gouvernements autochtones. Nous respectons les gouvernements autochtones. Nos clients propriétaires sont à 80 p. 100 des groupes autochtones, mais nous respectons aussi le fait qu'ils doivent collaborer avec leur banque commerciale pour assurer une gestion régulière de leur dette, et ce n'est pas différent des autres situations. Les entreprises commerciales et les gouvernements doivent communiquer régulièrement avec les porteurs d'obligations pour s'assurer régulièrement que la relation est saine. C'est ce que nous faisons avec nos clients. C'est en concurrence directe avec nous.

Le président : Monsieur Martell, je suis content que vous ayez pu expliquer ce que vous faites dans ce domaine et dissiper ce malentendu de ma part. Je vous remercie.

Au nom des membres du Comité, je tiens à vous remercier de vous être libéré pour venir nous voir et faire une critique constructive du projet de loi. Vos commentaires ont été très utiles. Au nom de tous, merci encore.

M. Martell : Je vous en prie.

Le président : Chers collègues, nous allons maintenant entendre les témoins du dernier groupe. Nous avons donc, d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, directeur général de la Direction générale des politiques et de la coordination, et Eiad El Fateh, analyste en matière de politiques, de la Direction du développement des politiques. Nous avons également, du ministère de la Justice, Jeffrey Clark, conseiller juridique.

Merci à tous d'être ici aujourd'hui. Je crois savoir, monsieur Clarke, que c'est vous qui commencerez. Je vous en prie.

Allan Clarke, directeur général, Direction générale des politiques et de la coordination, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : Merci beaucoup. Je suis ici pour vous parler des modifications proposées dans la Loi sur la gestion financière des Premières Nations. Il s'agit d'une loi optionnelle adoptée avec l'appui de tous les partis et entrée en vigueur en 2006. Elle confère aux Premières Nations des pouvoirs financiers semblables à ceux d'autres paliers de gouvernement local en matière de taxation foncière, de gestion financière et d'accès à du capital.

La loi prévoit un certain nombre d'éléments. Le premier est un rigoureux système de taxation des propriétés commerciales et résidentielles, des règles de gestion financière garantissant que les revenus sont gérés avec prudence, et l'accès à du capital pour financer de grands projets grâce à l'émission d'obligations, dans le même genre que les systèmes de fonds communs d'emprunt que peuvent utiliser les municipalités de provinces comme la Colombie-Britannique, l'Alberta et l'Ontario.

Durant ses neuf années de fonctionnement, la loi a donné d'excellents résultats. Jusqu'ici, 158 Premières Nations ont adopté la loi, et 82 exercent leurs compétences en matière de taxation foncière. Le rendement financier de 52 Premières Nations a été certifié par le Conseil de gestion financière des Premières Nations, et 14 ont obtenu 90 millions de dollars sur les marchés de capitaux grâce à la première émission d'obligations du système en juin 2014.

Ces fonds permettent aux Premières Nations d'investir dans des projets d'infrastructure, par exemple des logements, et dans d'autres projets dans leurs collectivités. La prochaine émission d'obligations devrait avoir lieu plus tard cette année, à raison d'environ 100 millions de dollars. Les obligations suivantes seront émises dans les prochaines années.

La loi a donné de très bons résultats, mais les améliorations administratives que nous proposons permettront d'améliorer encore l'efficacité du système. Les modifications proposées donneront lieu à trois grandes catégories d'améliorations administratives.

Premièrement, elles simplifient la procédure d'inscription de nouvelles Premières Nations et suppriment certains obstacles subjectifs à la participation. Par exemple, la loi prévoit actuellement une procédure de décret pour inscrire une Première Nation à l'annexe. Pour accélérer cette procédure, le paragraphe 177(2) du projet de loi prévoit une ordonnance ministérielle.

Deuxièmement, elles réduisent la bureaucratie et aligneront le système sur les normes provinciales. Elles font passer la période de préavis public minimal des règlements sur la taxation foncière de 60 à 30 jours, compte tenu des normes provinciales en vigueur.

Troisièmement, elles accroissent la confiance des investisseurs en clarifiant le mandat des institutions et les obligations des Premières Nations en vertu de la loi. Elles clarifient, par exemple, le pouvoir du Conseil de gestion financière des Premières Nations de révoquer une certification si la Première Nation en question ne respecte pas les normes du Conseil. Les trois institutions créées par la loi, soit la Commission de la fiscalité des premières nations, le Conseil de gestion financière des Premières Nations et l'Administration financière des Premières nations, sont favorables aux améliorations proposées.

Au cours de l'année écoulée, un groupe de travail composé de fonctionnaires du ministère et de représentants des institutions a examiné et élaboré des propositions à l'intention du ministre, et les améliorations proposées sont le fruit de ce travail.

Des représentants des trois institutions ont comparu à un certain nombre de reprises devant le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord pour y défendre ces modifications.

Les modifications ont également reçu l'appui de toutes sortes d'autres protagonistes, dont le Conseil national de développement économique des Autochtones, l'Association des administrateurs fiscaux des Premières Nations, l'Association canadienne de taxe foncière et l'Association canadienne de pipelines d'énergie, qui s'y sont tous déclarés favorables.

Quant aux avantages tangibles prévus, les améliorations proposées devraient faciliter la promotion de l'autosuffisance des Premières Nations et accélérer le développement économique dans les réserves, ce qui devrait donner lieu à des résultats tangibles et mesurables. Nous escomptons que, grâce à ces changements, le nombre de Premières Nations participantes augmentera de 50 p. 100 d'ici cinq ans, pour dépasser les 230. Cela mettrait les instruments et les avantages de la loi à la disposition d'un plus grand nombre de Premières Nations.

Nous prévoyons que les recettes fiscales annuelles recueillies grâce à ce système doubleront presque pour passer de 42 à 70 millions de dollars.

Enfin, nous prévoyons que le montant actuel d'emprunt certifié, soit 240 millions de dollars, passera à 1 million de dollars. Ce serait un bon en avant dans la compensation de la demande de transferts fédéraux pour financer des projets d'immobilisations dans les collectivités autochtones. Au total, les modifications proposées permettraient de multiplier le nombre des Premières Nations qui se servent de ce système et se dotent d'une plus grande indépendance financière.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Clarke.

Permettez que je commence. Les modifications que nous examinons aujourd'hui et qui font partie de la loi budgétaire découlent d'un examen législatif effectué en 2012, je crois, mais vous êtes allé plus loin et vous avez invité les principaux protagonistes à participer.

Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur cette participation. Vous avez parlé d'un groupe de travail composé de représentants du ministère et des institutions. Qu'ont-ils ajouté à l'examen législatif? Pourriez-vous nous parler de ce processus consultatif?

M. Clarke : Nous sommes partis de l'examen législatif de 2012 et nous ne sommes pas allés au-delà. Mais nous avons examiné les recommandations qui en découlaient et nous les avons désagrégées en commençant par celles que nous estimions vraiment d'ordre administratif et susceptibles d'améliorer le fonctionnement du système, de réduire une partie de la bureaucratie et d'éliminer les délais inutiles.

Nous avons également examiné les modifications qui auraient le plus d'impact sur l'argumentaire et le fond du système ou peut-être le mandat de l'institution ou encore l'ampleur et la portée du système. Nous les avons mises de côté pour les approfondir car elles exigent probablement plus de réflexion, d'analyse et de participation.

Mais nous avons le sentiment que les changements proposés dans le projet de loi budgétaire s'alignent sur le mandat actuel des institutions et les objectifs du système et qu'ils sont donc plutôt d'ordre administratif.

Le président : Je vous remercie.

La sénatrice Raine : Merci d'être venu nous voir aujourd'hui. Vous avez parlé de l'accès aux marchés de capitaux pour financer de grands projets comme de l'un des objectifs de l'émission d'obligations, comme c'est le cas des systèmes de fonds communs d'emprunt dont se servent les municipalités dans des provinces comme la C.-B., l'Alberta et l'Ontario. Pourriez-vous nous éclairer un peu : y a-t-il des différences entre le système de fonds commun d'emprunt utilisé par l'Administration financière des Premières nations et, par exemple, le système de l'Administration financière des municipalités en Colombie-Britannique?

M. Clarke : Lorsque le système a été mis en place et développé jusqu'à 2005, on s'est servi du modèle de l'Administration financière des municipalités de la C.-B. Enfin, ceux qui ont élaboré ce système se sont largement inspirés de ce modèle et de son fonctionnement. L'une des principales différences entre ce système et les systèmes provinciaux est qu'il est strictement optionnel. Alors que toutes les municipalités des provinces concernées doivent faire partie du fonds commun d'emprunt, les Premières Nations ont le choix de décider de participer ou non. C'est une différence importante et probablement celle qui a le plus d'importance, je crois, entre le système découlant de la Loi sur la gestion financière des Premières Nations et les systèmes en vigueur dans les municipalités. Pour ce qui est du fonctionnement et des garde-fous, ils sont à peu près semblables.

La sénatrice Raine : On vient de nous dire, par exemple, que la différenciation entre les revenus propres et autres revenus et les recettes fiscales serait une bonne chose. Qu'en pensez-vous?

M. Clarke : Le système est semblable aux systèmes provinciaux, mais il y a une distinction importante entre ce que les revenus des Premières Nations en tant que gouvernements locaux et les revenus des administrations municipales. Le montant des taxes foncières perçues par les Premières Nations est bien moindre que celui des municipalités qui comptent principalement sur ces taxes et d'autres types de frais. Dans le cas des Premières Nations, le montant des taxes foncières est relativement modeste par rapport à celui d'autres administrations locales, mais elles bénéficient également d'autres sources de revenus stables par ailleurs. Elles ont par exemple accès aux revenus découlant d'ententes à long terme avec le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et municipaux, de contrats d'achat à long terme avec des sociétés d'énergie provinciales, d'ententes de partage de revenus d'établissements de jeux et d'entreprises d'exploitation de ressources, et de baux et contrats à long terme, ainsi qu'aux revenus d'intérêt produits par des dépôts à long terme de ressources communautaires, et enfin aux revenus produits par les activités de développement économique liées à l'accès aux ressources, à l'exploitation des parcs et des marinas ou d'autres types d'infrastructure, outre certaines entités autochtones ayant un statut semblable à celui d'une société d'État. Il y a donc une grande différence entre les types de revenus propres dont disposent les Premières Nations et les autres revenus auxquels les municipalités pourraient avoir accès.

La sénatrice Raine : Croyez-vous sincèrement que la validité de ces autres revenus serait correctement analysée par les acquéreurs d'obligations?

M. Clarke : Le système comprend un certain nombre de garde-fous. Je prends des précautions parce que je ne veux pas réagir trop directement à ce qu'a dit M. Martell. Il n'est pas tout à fait exact de dire que toutes les autres sources de revenus font partie de ce système. Il a parlé, par exemple, des revenus d'un dépanneur. Ça ne fait pas partie de ce système. Ça ne fait pas partie des types de revenus que ce système ferait entrer en ligne de compte. Ce système tient compte de revenus découlant de sources très stables. On va par exemple vérifier des choses comme le contrat d'achat à long terme d'un organisme provincial responsable de la production électrique. On pourrait être en train de comparer des pommes et des oranges ici, car on ne tient pas compte de l'ensemble des sources de revenus. Il s'agit de structures très définies, prévisibles, durables et stables.

Le système est par ailleurs protégé par des garde-fous, par exemple la certification du Conseil de gestion financière, qui garantit que les Premières Nations respectent certaines normes en matière de systèmes et de rendement financiers. On bâtit des garde-fous autour de l'aptitude des Premières Nations à gérer leurs revenus et leurs finances. Il y a aussi que l'Administration financière des Premières nations, dont vous avez entendu le témoignage ce matin, a des relations avec les marchés de capitaux et les agences de notation qui veillent à la stabilité et à la viabilité des sources de revenus au regard desquelles les prêts sont accordés.

La sénatrice Raine : Merci.

Le président : À ce sujet, on nous a dit ce matin que les agents de notation qui vérifient les emprunts par le biais de l'Administration financière des Premières nations aurait indiqué dans leurs rapports qu'il était probable que le gouvernement garantisse ces prêts en cas de défaut de paiement, que le gouvernement finance la Commission de la fiscalité des premières nations et l'Administration financière des Premières nations, que c'est une loi fédérale qui crée ces institutions, et cetera. Pourtant, les représentants de la commission, du conseil et de l'administration ont répété que « non, non, il ne s'agit pas de prêts garantis par le ministre ou le ministère et qu'ils relèvent de leur compétence en dehors du gouvernement ». Dans quelle mesure, d'après vous, le gouvernement couvre-t-il, directement ou indirectement, ce genre de prêts?

M. Clarke : J'aimerais d'abord clarifier quelque chose. Il n'y a pas de responsabilité supplémentaire du côté du gouvernement du Canada du point de vue de l'octroi de ces prêts. Il est vrai, en effet, que la responsabilité en incombe aux Premières Nations qui empruntent dans le cadre de ce système.

Comme je l'ai déjà dit, il existe un certain nombre de garde-fous permettant de protéger l'intégrité de ce mode d'emprunt, et j'ai parlé de certains aspects du travail des institutions. Il y a aussi un certain nombre d'autres structures, comme le fonds de prévoyance créé par les Premières Nations. Il est alimenté par les Premières Nations participantes, et, en cause de défaut de paiement, on peut y puiser pour rembourser un investisseur. Il y a aussi le fonds de rehaussement de crédit, qui est une garantie de plus financée par le gouvernement fédéral. Il est réapprovisionné par les membres du fonds commun d'emprunt s'il doit servir à rembourser des dettes. Il existe également un organisme d'intervention. En cas de défaut de paiement, le Conseil de gestion financière peut intervenir au même titre qu'un fiduciaire en cas de faillite pour contrôler les sources de revenus d'une Première Nation en défaut de paiement. Il existe donc un certain nombre de mécanismes déjà en place pour garantir l'intégrité du système, et le gouvernement fédéral n'assume pas de responsabilité supplémentaire.

C'est évidemment une loi fédérale, mais ça ne veut pas dire que le gouvernement fédéral est responsable des dettes impayées associées au système.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Nous vous souhaitons la bienvenue ici, ce matin.

La Loi sur la gestion financière des Premières Nations approuve cette modification. Keith Martell, de la Banque des Premières Nations du Canada, a laissé entendre que ce serait un échec. Ma question est donc celle-ci : est-ce que les Premières Nations sont le seul groupe qui doit passer par tout ce système pour emprunter de l'argent pour ses projets?

M. Clarke : Ce système est inspiré du système en vigueur pour les municipalités. Le modèle explicite est le système de l'Administration financière des municipalités de la Colombie-Britannique. Il est donc assorti des mêmes garde-fous que les systèmes provinciaux du même genre.

Pour l'essentiel, les Premières Nations n'ont pas nécessairement tous les instruments mis à la disposition des administrations municipales. La plupart des Premières Nations relèvent de la Loi sur les Indiens, et celle-ci ne leur reconnaît pas de compétences dans certains domaines importants pour, notamment, le développement économique.

Cette loi crée donc un système qui permet aux Premières Nations d'affirmer leur compétence en matière de taxation foncière et d'administration financière et elle prévoit également un mécanisme permettant de recueillir des fonds sur les marchés de capitaux. C'est fondamentalement un moyen pour les Premières Nations de fonctionner, à l'égard des marchés de capitaux, comme n'importe quelle administration locale, et le système est tout à fait semblable aux systèmes en vigueur dans les provinces.

Le président : Je crois ne pas me tromper en disant que M. Martell était convaincu que cette loi risque d'aller à l'échec. Je vous remercie.

Le sénateur Moore : Merci aux témoins d'être venus nous voir.

Monsieur Clarke, j'aimerais revenir sur les résultats significatifs de la loi selon vous. Au deuxième point de votre exposé, vous dites que 158 Premières Nations ont adopté la loi et que le rendement financier de 52 d'entre elles a été certifié par le Conseil de gestion financière des Premières Nations.

Je pensais que, quand une Première Nation indique son désir de participer, ses affaires étaient mises en ordre et qu'elle était certifiée. Je pensais que les 158 Premières Nations participantes étaient certifiées. Je suis donc surpris d'entendre que 52 seulement le sont. Vous dites aussi que 14 d'entre elles ont recueilli 90 millions de dollars sur la première obligation émise en juin de l'année dernière. Je pensais que les fonds étaient adossés aux ressources des 158 Premières Nations participantes.

L'Administration financière des Premières nations rend-elle compte tous les ans au ministère afin que vous puissiez savoir ce qu'on fait de ces fonds obligataires? J'aimerais avoir une ventilation de l'utilisation de ces fonds entre le refinancement de la dette en cours et les nouveaux projets d'infrastructure et économiques. Il n'a pas été question de refinancement quand j'ai posé la question à M. Daniels. Il a parlé de quelques nouveaux projets d'infrastructure et économiques, mais rien de l'ordre du refinancement de la dette en cours ou de la proportion des 90 millions qui y aurait été consacrée. Avez-vous ces détails?

M. Clarke : J'ai quelques éléments d'information. Pour ce qui est du premier point, pour faire partie du système, les 158 Premières Nations doivent d'abord faire connaître leur désir d'être inscrites à l'annexe de la loi. C'est la première étape du processus d'accès aux divers volets du système.

Certaines veulent seulement obtenir le pouvoir d'imposer des taxes foncières et ne veulent pas nécessairement faire partie du fonds commun d'emprunt pour le moment. Elles le voudront peut-être plus tard. La certification du Conseil de gestion financière des Premières Nations est nécessaire pour faire partie du fonds commun d'emprunt. Cinquante-deux des 158 Premières Nations inscrites sont déjà certifiées par le Conseil de gestion financière des Premières Nations, tandis que d'autres ont entamé le processus. C'est progressif : on n'obtient pas la certification en claquant des doigts. Il faut un certain temps.

Le sénateur Moore : Très bien. Parlons de la prochaine émission de débenture de 100 millions de dollars. Le nombre maximum de Premières Nations qui pourraient y participer est de 52. Je ne sais pas combien elles étaient au total la dernière fois, mais seulement 14 veulent y participer.

Veut-on dire que seulement 14 ont la capacité de participer parmi les 52? Qui décide? Les agences de notation? Le conseil de gestion? Avez-vous un rôle à jouer?

M. Clarke : Non, pas nous. Pour l'essentiel, ces trois institutions fonctionnent tout à fait indépendamment du gouvernement. Ce sont des modèles de gouvernance partagée dans le cas du Conseil de gestion financière des Premières Nations et de la Commission de la fiscalité des premières nations, mais, dans le cas de l'Administration financière des Premières nations, la gestion et le contrôle sont exercés par les membres du fonds commun d'emprunt eux-mêmes.

Nous n'intervenons en rien dans la façon dont l'Administration financière des Premières nations émet des obligations, mais elle s'y prend de la même façon que les autres émetteurs d'obligations sur les marchés de capitaux.

Le sénateur Moore : Avez-vous une réponse à ma question sur la répartition des 90 millions de dollars entre le refinancement de la dette en cours et les nouveaux projets d'infrastructure et économiques?

M. Clarke : Oui, je peux vous donner une liste de projets financés par la débenture de 90 millions.

Le sénateur Moore : Vous pouvez peut-être nous donner cette liste, mais avez-vous une idée du ratio? Est-ce que c'est moitié-moitié? Pouvez-vous nous dire ça, puis envoyer les détails au greffier?

M. Clarke : Je vous enverrai ces détails, mais il semble que la proportion soit de moins de la moitié de l'argent pour le refinancement, probablement plus près du quart, peut-être, selon ces chiffres.

Le sénateur Moore : Merci beaucoup.

Le président : Chers collègues, comme il n'y a plus de question, j'aimerais remercier les témoins de leur visite en dehors du programme habituel, à la fin de notre réunion. Vous pouvez vous retirer.

Chers collègues, je vous prie de rester pour une réunion à huis clos de cinq minutes tout au plus avant de lever la séance. Donc, avec votre indulgence, si vous pouvez quitter la salle, êtes-vous d'accord pour que le personnel reste?

Des voix : D'accord.

Le président : Le personnel restera donc. La réunion à huis clos aura lieu sous peu.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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