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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 16 - Témoignages du 30 octobre 2014


OTTAWA, le jeudi 30 octobre 2014

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi S-202, Loi modifiant la Loi sur les réseaux de cartes de paiement (frais d'acceptation d'une carte de crédit), se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Le comité tient aujourd'hui sa cinquième séance consacrée au projet de loi S-202, Loi modifiant la Loi sur les réseaux de cartes de paiement (frais d'acceptation d'une carte de crédit), mesure qui a été présentée par notre estimée collègue, la sénatrice Ringuette.

Les honorables sénateurs se rappelleront que le comité a d'abord entendu le témoignage de la sénatrice Ringuette et de représentants du ministère des Finances, de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et du Bureau de la concurrence du Canada. À la deuxième séance, il a recueilli le témoignage d'un certain nombre d'usagers et ensuite celui des deux réseaux de cartes de paiement désignés dans la loi, Visa et MasterCard. Il a enfin entendu le point de vue de témoins représentant des commerçants et des consommateurs.

La séance de ce matin, chers collègues, se divise en deux parties. Dans le premier groupe, nous accueillons M. Darren Hannah, de l'Association des banquiers canadiens. Bienvenue une nouvelle fois. C'est toujours un plaisir de vous accueillir. M. Hannah est vice-président par intérim à la politique et aux opérations, et il dirige l'élaboration de la politique de l'ABC relative aux questions bancaires qui concernent les paiements au détail, les cartes de paiement, les paiements interbancaires et les enjeux émergents relatifs aux paiements.

D'AIMIA, nous recevons M. Vincent R. Timpano, président et chef de la direction, Canada, et vice-président général, ainsi que M. John Bragg, vice-président aux affaires gouvernementales et réglementaires. AIMIA est un chef de file mondial dans le domaine des produits de gestion de la fidélisation. La société, dont le siège social se trouve à Montréal, applique des programmes dans plus d'une vingtaine de pays. M. Timpano a déjà été président et chef de la direction chez Aéroplan.

Je cède maintenant la parole à M. Hannah, qui sera suivi de M. Timpano. Ils feront leurs déclarations liminaires.

Darren Hannah, vice-président par intérim, Politique et opérations, Association des banquiers canadiens : Bonjour. C'est un plaisir d'être parmi vous ce matin pour participer à l'étude que le comité est en train de réaliser sur le projet de loi S-202, qui propose de modifier la Loi sur les réseaux de cartes de paiement.

L'ABC représente 60 banques, soit des banques canadiennes ainsi que des filiales et des succursales de banques étrangères exerçant des activités au Canada. Nous sommes très fiers du classement des banques canadiennes comme les plus solides au monde pendant sept années de suite, selon le Forum économique mondial. Des banques solides et vigoureuses aident les familles à acheter une maison et à épargner pour la retraite, et les petites entreprises à croître et prospérer.

Les banques contribuent à la bonne santé économique du pays de diverses façons. Par exemple, elles emploient 280 000 personnes à l'échelle du Canada. Elles accordent du crédit à près de 1,6 million de PME. En 2013, les six plus grandes banques au Canada ont payé près de 8 milliards de dollars en impôts à tous les ordres de gouvernement. En 2013 également, les banques ont versé 13,5 milliards de dollars en revenu de dividendes à des millions de Canadiens, à travers les régimes de retraite, les REER et les actions. Bref, les banques stimulent l'économie, offrant à tous les Canadiens des avantages immédiats et futurs.

Les Canadiens ont confiance dans leurs banques et les apprécient. Notre plus récent sondage d'opinion montre que 81 p. 100 des Canadiens ont une impression favorable des banques au Canada et que 90 p. 100 ont une impression favorable de la banque avec laquelle ils traitent.

Ayant montré l'importance des banques pour la croissance économique du pays, je prendrai quelques minutes afin de présenter le point de vue du secteur bancaire au sujet du marché actuel des paiements au Canada.

Le Canada dispose d'un système de paiement très évolué, qui, depuis longtemps, offre aux consommateurs et aux entreprises une variété de produits de paiement à prix concurrentiels. Certes, les cartes de crédit sont au centre de nos discussions d'aujourd'hui, mais nous devons garder à l'esprit qu'il ne s'agit pas du seul type de paiement auquel les consommateurs et les détaillants peuvent recourir. En effet, l'argent comptant, les chèques, les cartes de débit, les paiements mobiles, de même que les modes de paiement non réglementés, tel PayPal, sont d'autres outils de paiement. Les détaillants peuvent choisir les méthodes de paiement qu'ils acceptent, et les consommateurs, les méthodes qui conviennent le mieux à leurs besoins.

Et les Canadiens adoptent volontiers les innovations en matière de paiement. Nos études montrent que les consommateurs apprécient les paiements sans contact et aiment l'idée de pouvoir utiliser leur téléphone intelligent, ou leur appareil mobile, pour payer les achats. Les cartes de crédit représentent une composante du large système de paiement. Elles sont sécuritaires, pratiques et utilisées tous les jours par des millions de Canadiens.

Le système actuel de paiement par cartes de crédit offre aux consommateurs et aux détaillants une grande valeur et ce, de nombreuses façons. Aussi bien les détaillants que les consommateurs bénéficient de transactions rapides, pratiques et sécurisées, qui permettent une réduction des files d'attente aux caisses. Si chaque transaction à un point de vente durait 30 secondes de plus, il en coûterait aux commerçants 27 millions d'heures de travail supplémentaires par année. Les détaillants n'ont pas besoin d'autant d'argent liquide sur place. Ainsi, les coûts de manipulation de l'argent liquide seront réduits, l'environnement sera plus sécuritaire pour eux et leurs employés, et le traitement de la caisse en fin de journée sera plus efficace. Les cartes de crédit permettent aux détaillants de recevoir un paiement garanti, sans devoir se soucier de la solvabilité du client, de l'insuffisance de fonds ou des retards de versement. Le détenteur de la carte reçoit un crédit sans intérêt pour une période pouvant aller jusqu'à 51 jours après la date de l'achat. De nombreux Canadiens profitent des récompenses et des avantages liés à leur carte de crédit, comme les points de voyage, l'assurance auto, l'assurance multirisque et les programmes de garantie prolongée.

Le processus de traitement des paiements sur carte de crédit n'est souvent pas bien compris. Comme vous le voyez dans l'illustration fournie, les émetteurs de cartes de crédit, soit les banques et autres institutions financières telles que les coopératives de crédit, ne sont qu'un acteur du système. D'autres acteurs complètent le processus de transaction dans le système des cartes de crédit et en partagent les coûts et les bénéfices.

En tant que sociétés émettrices de cartes de crédit, la relation principale des banques est avec leurs clients, soit les millions de Canadiens qui choisissent d'utiliser les cartes de crédit comme moyen de paiement pratique, qui offre tous les avantages que j'ai cités et bien d'autres. Les banques s'efforcent d'offrir les meilleurs produits et services à leurs clients. Et c'est bien sur cela que comptent les clients des institutions financières.

Dans la discussion qui a cours au sujet des changements proposés au marché des cartes de crédit, il est important de se rappeler les intérêts de toutes les parties, y compris les millions de Canadiens détenteurs de cartes de crédit. Nous n'appuyons pas le projet de loi S-202. Outre nos préoccupations au sujet de dispositions spécifiques et de la terminologie dans ce texte, la préoccupation globale est qu'il y aura toujours des conséquences non voulues lorsqu'une réglementation est imposée sur des marchés hautement concurrentiels qui fonctionnent bien.

Ces conséquences non voulues peuvent avoir un effet négatif sur les consommateurs. Prenons l'exemple de l'Australie. En 2003, la Réserve fédérale de l'Australie a réglementé les taux d'interchange sur les cartes et a permis ainsi aux commerçants d'imposer des frais supplémentaires aux clients qui paient avec une carte de crédit. Les commerçants ont vu leur commission interbancaire diminuer, mais ils n'ont pas passé ces économies à leurs clients sous forme de prix moins élevés. Là où les gouvernements sont intervenus sur le marché des cartes de crédit, les consommateurs ont vu leurs coûts augmenter et leurs avantages baisser.

Comme je l'ai souligné au début, le système bancaire canadien est le plus solide au monde. Cette force vient en partie de la multitude de choix et de la grande compétition qui profitent à tous les Canadiens. Nous encourageons le comité, dans son examen des dispositions du projet de loi S-202, à tenir bien compte de l'intérêt des millions de détenteurs de cartes de crédit au Canada.

Merci de nous avoir conviés aujourd'hui. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Vincent R. Timpano, président et chef de la direction, Canada et vice-président général, AIMIA : Je tiens à remercier le président et les autres membres du comité de nous avoir offert la possibilité de nous exprimer aujourd'hui. C'est la première fois que je comparais devant des instances parlementaires. Je suis heureux de pouvoir m'entretenir avec vous — et encore plus après ce qui s'est passé la semaine dernière.

La question abordée aujourd'hui est extrêmement importante pour notre entreprise et les cinq millions de Canadiens qui sont membres du programme Aéroplan. Je souhaite que notre participation d'aujourd'hui contribue à éclairer les délibérations du comité sur le projet de loi d'intérêt public S-202 du Sénat, plus particulièrement en ce qui concerne les conséquences nuisibles des changements proposés pour les consommateurs et le secteur de la fidélisation au Canada.

Beaucoup d'entre vous connaissent la marque Aéroplan et sont membres de longue date. Ce que vous ne savez pas nécessairement, c'est que notre société, AIMIA, possède et exploite Aéroplan, ainsi qu'un certain nombre d'autres programmes de fidélisation dans 20 pays du monde entier.

AIMIA, dont le siège social se trouve à Montréal, est une société cotée en bourse basée au Canada qui est considérée par beaucoup comme le chef de file mondial de la gestion de la fidélisation. Elle compte plus de 1 800 employés au Canada et plus de 4 300 dans le monde entier.

Même si AIMIA a un rayonnement international croissant, Aéroplan reste son programme phare qui sert d'ancrage à ses affaires. L'an dernier, Aéroplan a remis environ 2,3 millions de primes aux membres, dont plus de 1,6 million de primes aériennes avec Air Canada et les transporteurs Star Alliance, en plus des milliers de récompenses qui ne sont pas des services de transport aérien.

Aéroplan a un long et fructueux partenariat avec le secteur financier au Canada. En 1992, nous avons introduit la carte de crédit Aéro Or CIBC Visa, une carte de crédit avec récompenses régulière qui reste disponible aujourd'hui pour des millions de Canadiens. Au cours des deux dernières décennies, notre participation dans le secteur des paiements s'est étendue à American Express et, plus récemment, à TD Canada Trust. Ces relations ont contribué à faire croître et à améliorer le programme Aéroplan. Par exemple, le nouveau partenariat de TD a permis à AIMIA d'améliorer substantiellement le programme Aéroplan au bénéfice des membres.

Nous avons examiné le projet de loi S-202 pour en comprendre l'impact sur Aéroplan et ses membres. Nous savons que le coût d'acceptation des cartes de crédit pour les commerçants est une préoccupation majeure pour les décideurs politiques. Je ne suis pas ici pour contester ou remettre en question leurs déclarations. Je souhaite plutôt parler des conséquences du projet de loi S-202 pour les consommateurs canadiens et pour le secteur de la fidélisation.

Jusqu'à maintenant, on a eu tendance à considérer les répercussions sur les consommateurs comme un élément secondaire, qui vient après coup. Voilà qui est regrettable, car l'expérience, ailleurs, nous enseigne que ce sont eux qui seront les plus touchés par des coupes radicales dans les commissions interbancaires.

En Australie et aux États-Unis, ces coupes se sont traduites par une diminution des récompenses, des frais bancaires annuels plus élevés, une disponibilité réduite des cartes de crédit et l'élimination de produits intéressants pour les consommateurs tels que les comptes bancaires sans frais. En plus, les faits montrent que, peu importe ce qu'ils économisent en théorie sur les prix dans le commerce, les consommateurs perdent davantage par ailleurs, parce que les frais bancaires augmentent.

Dans le contexte canadien, le projet de loi S-202 aurait un profond impact négatif sur les consommateurs, en particulier sur les 14 millions de Canadiens qui participent à des programmes de fidélisation rattachés à des cartes de crédit.

Les réductions importantes envisagées dans le projet de loi forceraient notre entreprise à reconfigurer fondamentalement ce qu'elle propose à ses clients. Les limites proposées sur les commissions interbancaires l'obligeraient à réduire considérablement les avantages pour tous les membres, et pas seulement pour les détenteurs de carte. L'impact possible sur le nombre d'adhérents aurait des répercussions profondes sur le programme Aéroplan pour les millions de Canadiens qui y attachent une grande valeur.

Essentiellement, la valeur des milles ou des points que nos membres ont accumulés et sur lesquels ils comptent serait diluée de façon radicale. Je connais nos membres, et je peux garantir au comité que ces cinq millions de Canadiens diraient leur façon de penser.

Pour notre société, il s'agit clairement d'une question d'ordre commercial. Ces dernières semaines, AIMIA a vu sa capitalisation boursière perdre 20 p. 100, soit près de 700 millions de dollars, en grande partie à cause des spéculations au sujet d'une intervention gouvernementale visant à réduire les commissions interbancaires. Voilà qui fait ressortir la gravité des conséquences de la réglementation pour nous et, par ricochet, pour ceux qui participent à Aéroplan.

Il importe de comprendre qui sont nos membres et la valeur que leur apportent les récompenses de fidélisation. Aujourd'hui, Aéroplan n'intéresse pas que les riches qui voyagent beaucoup, loin de là. Pour des millions de familles canadiennes, les récompenses de fidélisation sont un élément qui compte dans leur situation économique et dans leur quotidien. D'après nos recherches, 73 p. 100 des détenteurs de cartes de fidélisation ont touché une récompense au cours des cinq dernières années, et le tiers d'entre eux utilisent des points pour économiser de l'argent sur des articles courants comme les produits alimentaires et l'essence.

Notre entreprise est très consciente des préoccupations que les commerçants ont fait valoir au comité. Elle comprend qu'il faut y donner suite, mais il ne faut pas le faire au détriment des consommateurs et, par ricochet, au secteur de la fidélisation. D'après ce que nous savons, la proposition à l'étude au comité s'appliquerait au détriment des consommateurs. Que cela soit voulu ou non, telle sera la conséquence si le projet de loi S-202 est adopté et entre en vigueur.

Merci encore de m'avoir invité. J'ai hâte de répondre à vos questions.

Le président : Nous avons une longue liste de sénateurs qui ont des questions à poser.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : J'aimerais revenir à la question fondamentale, à savoir quel est le but d'une carte de crédit? À mon avis, la définition simple est le paiement d'un bien ou d'un service sans avoir à utiliser de la monnaie papier, dont on paie la facture à la fin du mois. C'est une question de faciliter les transactions et, également, de ne pas être obligé de passer à la banque régulièrement. Donc, il y a un objectif, un service qui est donné par la banque avec une carte de crédit. Par contre, l'assurance automobile, l'assurance médicale, l'assurance voyage, notre caméra, notre balayeuse et autres objets, je peux me les procurer sans avoir besoin de points. Quand je veux avoir un objet, j'ai tout simplement à aller l'acheter. Ma question s'adresse aux deux témoins : j'aimerais savoir comment se départage le fameux coût. La banque prend un certain montant, Visa ou MasterCard et Moneris prennent un certain montant, ainsi que tout le groupe Aéroplan, Air Miles, et cetera, qui prennent un certain montant. Quel est le pourcentage du pourcentage chargé au client lorsqu'il utilise sa carte de crédit? Que reçoit la banque sur le pourcentage? Combien reçoivent Visa, Moneris et Aéroplan?

[Traduction]

M. Timpano : Excusez-moi. Avec mon écouteur, j'ai raté une partie de votre entrée en matière. À propos de la part de la commission interbancaire qui revient à Aéroplan, je dois dire que ce programme ne participe pas directement au processus d'interchange. Nous ne retirons aucune recette de l'interchange.

Darren serait mieux placé que moi pour répondre à la question.

La sénatrice Hervieux-Payette : Ne me dites pas que vous me faites des cadeaux et que personne ne les paie. Si je reçois un appareil photo, une assurance pour un voyage ou ma voiture, tout cela tient au fait que je possède la carte. Qui paie? Qui reçoit un paiement? Offrez-vous ces services à la banque?

M. Timpano : Nous assurons des services à la banque, mais nous ne participons pas au processus d'interchange. La banque nous rémunère pour certains services, et cela nous permet de financer le programme Aéroplan. Par conséquent, tout ce qui a un effet sur les revenus de la banque — dont une partie peut provenir de l'interchange — peut avoir indirectement une incidence sur notre activité.

Il importe d'affirmer qu'Aéroplan n'a aucune part aux commissions interbancaires.

La sénatrice Hervieux-Payette : Vous faites partie de cet élément du pourcentage qui...

M. Timpano : Nous assurons un service à la banque grâce au programme, et elle paie ce service.

La sénatrice Hervieux-Payette : La banque pourra me répondre.

M. Timpano : Bien sûr.

M. Hannah : Je suis heureux que vous ayez posé la question et que vous l'ayez posée comme vous l'avez fait. Ce que vous avez dit est important : un certain nombre de parties sont en cause et, comme elles tirent toutes un avantage, elles paient toutes également.

Il faut payer les frais, gérer le compte, imprimer les cartes, transmettre le crédit, gérer les pertes et aussi payer les services des réseaux. Ceux-ci tirent des profits et paient également. Ils ont leurs propres frais associés à l'envoi des transactions pour approbation et autorisation. Les commerçants ont leurs frais à eux et leurs avantages. Ils obtiennent les avantages associés à la carte, ils peuvent vendre des produits et ils paient un certain montant à l'acquéreur pour l'acceptation des cartes. Quant à votre question précise sur la répartition, cela dépend des contrats et des cartes que les gens possèdent.

Chaque commerçant a un contrat avec un acquéreur. Chaque détenteur de carte a un choix entre différentes cartes, et il peut opter pour une carte qui comporte des frais annuels ou pas. Il peut y avoir un certain taux d'intérêt. Chaque émetteur propose une carte différente. Elle peut être associée à un programme de récompenses ou non. Le taux d'intérêt peut varier d'une carte à l'autre.

À dire vrai, il n'y a pas de formule unique de partage. Cela dépend de l'interaction entre les différents joueurs, qui tirent tous un profit et participent.

Toutes les parties tirent un avantage et paient. C'est là un point important.

La sénatrice Hervieux-Payette : Les pays qui ont réduit les commissions interbancaires doivent tout d'abord avoir le réseau, les machines à utiliser dans chaque restaurant ou magasin, puisqu'ils doivent avoir leur propre système.

Le détenteur perd-il l'assurance? La possibilité de voyager? Celle d'obtenir un appareil photo? Il y a là un certain coût. Peut-être paie-t-on AIMIA pour ces cadeaux, mais je voudrais savoir ce qui se passera. Que se passe-t-il dans les pays où les commissions interbancaires sont réduites radicalement, pas juste un peu, mais de façon très importante?

M. Hannah : Permettez-moi de dire un mot de l'Australie, car il s'agit d'un excellent exemple. Là-bas, le gouvernement est intervenu et il a décidé de réduire les commissions interbancaires et d'introduire des frais supplémentaires. Que s'est-il passé? Les commerçants ont vu leurs frais de service diminuer, mais rien ne montre que les prix à la consommation aient diminué.

Par conséquent, les consommateurs n'ont tiré aucun avantage de cette mesure. Les commerçants sont les seuls à avoir profité des mesures prises en Australie. De plus, pour compliquer encore la situation, les autorités ont décidé d'instaurer des frais supplémentaires. Dans ce cas, ce sont les commerçants qui ont tiré un avantage. La situation a dégénéré au point qu'ils imposaient des frais nettement supérieurs au coût d'acceptation, et le gouvernement a dû intervenir et modifier la réglementation pour régler le problème.

Le sénateur Black : Merci d'être parmi nous. Ces exposés ont été préparés de façon exceptionnelle. Comme l'étude de la transcription des délibérations permet de le constater, nous recueillons à ce sujet des points de vue de toutes sortes et divergents.

Monsieur Hannah, quel est le montant maximum que les banques tirent des frais d'acceptation? Pouvez-vous nous le dire?

M. Hannah : Je ne possède pas ce renseignement. Je reviens en arrière. Il y a deux points à souligner. Les frais d'acceptation sont versés aux acquéreurs, à ceux qui traitent les paiements, et non aux émetteurs. Les acquéreurs sont un groupe d'entités très divers. Telle entité appartient à une banque, telle autre appartient conjointement à une banque, mais ce n'est pas le cas de la totalité de ces entités. Elles sont en soi des entreprises. C'est à elles que vont les frais imposés aux commerçants.

Je suis ici pour représenter les banques en leur qualité d'émetteurs de cartes, car tel a toujours été notre point de vue.

Le sénateur Black : On nous a toujours dit au cours des témoignages qu'il y avait des frais d'acceptation à payer.

M. Hannah : Exact.

Le sénateur Black : Pour simplifier, mettons que ce soit 100 $. On nous dit que la majeure partie de cet argent est empochée par les banques à charte, celles qui émettent des cartes. On nous dit encore que MasterCard, Visa et d'autres reçoivent une rémunération. Mais la majeure partie de l'argent va aux banques à charte. C'est ce que disent les témoignages que le comité a recueillis. Êtes-vous en désaccord?

M. Hannah : Il doit s'agir des commissions interbancaires, n'est-ce pas?

Le sénateur Black : Exact.

M. Hannah : Il est certain que, parmi les coûts assumés par le commerçant, il y a des frais d'acceptation. Il y a plusieurs coûts, dont les commissions interbancaires, qui sont importantes, je l'avoue. La commission vient de l'acquéreur puis va à l'émetteur, qu'il s'agisse d'une banque, d'une coopérative de crédit ou de Desjardins, par exemple. La raison de tout cela? Il faut équilibrer les coûts et les avantages dans le système. Je crois que Visa et MasterCard...

Le sénateur Black : Combien d'argent va à la banque? Pourriez-vous nous donner un ordre de grandeur? Est-ce 1 milliard, est-ce 8 milliards de dollars par année?

M. Hannah : Je l'ignore. Je ne possède pas ce renseignement. Je ne sais pas à combien s'élève la valeur pécuniaire.

Le sénateur Black : Pouvez-vous nous procurer ce renseignement?

M. Hannah : Je n'ai pas cette information. Je ne sais tout simplement pas combien...

Le sénateur Black : Vous ne pourriez pas l'obtenir de vos membres?

M. Hannah : Non, je n'ai pas ce renseignement. C'est regrettable, mais je ne l'ai pas.

Le sénateur Black : Je vais terminer et je serai ensuite très heureux que mon collègue pose une question. Je suis avocat. Je ne tiens compte que des faits qui nous sont présentés.

Vous avez soutenu tous les deux que des frais plus élevés ne seraient pas à l'avantage des consommateurs et que, si nous réduisions ou recommandions de réduire les frais, ce ne serait pas avantageux pour eux.

Plus précisément, vous faites reposer votre position sur le fait que, selon vous, les prix à l'épicerie du quartier ne diminueraient pas. Les détaillants et les propriétaires d'entreprises nous ont constamment dit que, indépendamment du fait que les prix baissent ou non, une diminution de leur frais leur permettrait de rénover leurs établissements, d'engager plus de monde dans la collectivité locale, d'appuyer un plus grand nombre d'organismes locaux de bienfaisance, et d'avoir plus d'argent pour faciliter leurs activités.

Cela me semble logique. Qu'en pensez-vous?

M. Hannah : Je n'ai rien vu qui étaye leurs affirmations. Je n'ai vu aucune étude provenant d'Australie ou d'ailleurs qui montre que des mesures visant à réduire la commission interbancaire ou les frais imposés aux commerçants peuvent apporter un avantage direct aux consommateurs, sous la forme de prix plus bas, ou un avantage indirect, comme une amélioration de l'expérience des consommateurs.

Le sénateur Black : Ce sont les témoignages que nous avons entendus. Nous n'inventons rien. Ce sont des témoignages que nous avons entendus ici même.

M. Hannah : Disent-ils simplement dans ces témoignages qu'ils pensent que c'est ce qui va se passer? Ou ont-ils pu signaler un autre pays ou une autre administration où on a pu constater ce qui se passait et voir quels étaient les effets de ces mesures? Pour ma part, je n'ai rien vu de tel. Honnêtement, sénateur, je n'ai jamais vu quelque témoignage d'un tiers qui donne à entendre que c'est ce qui se produit.

Le sénateur Black : Merci beaucoup.

Le sénateur Massicotte : Merci à vous trois d'être parmi nous. À ce propos, je suis sûr que les recherches ont été bien faites, et elles montrent qu'il n'y a eu aucun lien direct et immédiat avec un avantage pour le consommateur. On peut demander, et je le fais : « Et alors quoi? » Si vous faites confiance au marché et si vous croyez qu'il existe une concurrence suffisante, les avantages finiront par revenir à la partie qui les mérite. Ce pourrait être une rémunération suffisante de l'investissement pour le détaillant ou le consommateur. Cela ne me dérange pas.

J'accepte sans réserve tout ce que vous avez dit des avantages des cartes de crédit. Elles constituent un système de paiement très important dans notre économie. Elles sont très commodes et présentent des avantages immenses. Aucune difficulté à l'admettre. J'avoue qu'il y a une intense concurrence entre les émetteurs de cartes de crédit. Là n'est pas le problème.

La question est très technique, mais le Bureau de la concurrence a clairement expliqué que le problème, c'est que les commerçants sont coincés et obligés d'accepter Visa et MasterCard. Le problème, c'est qu'il existe un quasi-monopole. C'est là que la concurrence est insuffisante. Je suis profondément convaincu de la valeur du marché. Il est le moyen le plus efficace d'affectation des ressources. Mais le bon fonctionnement du marché suppose une concurrence suffisante. Dans ce secteur, elle ne l'est pas.

Si on tient compte du point de vue du Bureau de la concurrence, qui me semble bien fondé, quelle est la solution? Certains pays ont essayé de permettre au détaillant de majorer ses prix ou d'accorder des rabais. Vous avez parlé de l'Australie, où les résultats ne semblent pas avoir été concluants. Là où les cartes de crédit s'imposent, les commerçants doivent accepter la totalité des cartes. Ils ne peuvent pas faire d'exception et refuser telle ou telle carte. Vous devez soutenir que c'est par souci de commodité pour le consommateur. Quelle est la solution?

Si le statu quo n'est pas complètement acceptable, alors quelle est la solution du problème?

M. Hannah : Sénateur, je suis heureux que vous abordiez cette question. Il y a là quelques points, et je voudrais revenir sur chacun. Vous avez parlé du fait que les commerçants devraient avoir la possibilité d'offrir des rabais. Ils ont eu et conservent cette possibilité, s'ils veulent s'en prévaloir, mais il faut bien dire qu'ils ne le font pas. À mon sens, cela en dit long. C'est une bonne question à poser. Pourquoi ne se prévalent-ils pas de cette option?

Deuxièmement, je sais que le gouvernement a déjà pris des mesures à l'égard du code d'éthique des cartes de crédit et de débit. Selon moi, c'est un code très sage. Il fait en sorte que les commerçants, notamment les petits commerçants, ont des contrats clairs et transparents avec leurs acquéreurs. Les commerçants peuvent effectivement faire le tour des acquéreurs pour trouver celui qui leur offre la meilleure valeur, avec des conditions claires et un droit clair de dénonciation du contrat sans pénalité, si une augmentation non prévue ou inattendue se matérialise.

Un troisième point qu'il me semble important de faire valoir concerne votre question sur le choix. Voici un petit exemple fascinant. Je suis arrivé hier soir par avion, et je suis descendu dans un hôtel. Mon hôtel a décidé des types de paiement qu'il accepte ou ne peut pas accepter. Il n'accepte que la carte de crédit. Il est évident que c'est ce produit qui est, pour lui, le plus avantageux. Un certain choix est possible, à un certain niveau, si un produit est nettement supérieur à un autre. Je comprends l'intérêt de l'hôtelier. Pour lui, l'avantage du produit est que je peux simplement remettre ma clé et partir. Si j'ai pris quelque chose dans le minibar, c'est facturé. Si j'ai causé des dommages dans la chambre, c'est la même chose. La carte de crédit est nettement plus avantageuse que toute autre forme de paiement.

Le sénateur Massicotte : Là n'est pas la question. Vous voulez commenter brièvement?

M. Timpano : Nous n'avons concocté aucune solution. La question est compliquée. Nous comprenons qu'il s'agit là d'une question qui préoccupe les décideurs depuis un certain temps. Nous avons passé beaucoup de temps à essayer de comprendre le problème et les conséquences pour notre organisation, pour nos cinq millions de membres et, pour tout dire, les 14 millions de Canadiens qui participent à un programme de fidélisation des cartes de crédit.

Nous nous sommes surtout intéressés à ce que devait contenir une solution compte tenu de deux grands principes. Le premier, c'est que, selon nous, les consommateurs doivent être épargnés. Ce ne sont pas eux qui devraient être pénalisés par ce que je décrirais comme une réglementation excessive. Le deuxième principe, c'est que nous éprouvons de la sympathie pour les commerçants, qui souhaitent réduire leurs coûts et notamment pour les petits commerçants, qui n'ont pas les mêmes pouvoirs que les grands pour négocier. Nous souhaitons appliquer un principe qui permettrait de cibler les avantages de façon que le petit commerçant puisse en bénéficier.

Dans la mesure où il est possible de trouver une solution qui satisfait ces deux principes, et je sais que ce n'est pas facile, c'est à cette recherche que nous avons consacré du temps, et, selon nous, c'est de ce côté qu'il faut faire porter les efforts et l'énergie.

Le sénateur Massicotte : Je vais vous dire quelle a été la réaction à ces observations. Nous avons entendu de nombreux témoins. Les petites entreprises disent en somme, et la documentation le confirme, qu'elles n'ont aucun choix. Vous avez dit, je le sais, qu'elles ont un choix, mais, à leur avis, elles n'en ont aucun, compte tenu de la commodité des cartes de crédit, qu'elles ne nient pas. Vous revenez à cet argument. Je suis tout à fait convaincu. Mais, compte tenu de la commodité de la carte de crédit pour le consommateur, elles sont contraintes d'accepter les cartes MasterCard et Visa. Elles ne peuvent se maintenir en affaires sans les accepter.

Les entreprises sont donc en présence de ces grandes sociétés, appuyées surtout par les banques, parce que celles-ci sont les grandes bénéficiaires de ces frais, et elles disent n'avoir pas le choix. Elles doivent accepter. Quant à la formule des rabais, elles nous ont dit très clairement que la concurrence est très intense et que, comme vous l'avez dit tout à l'heure, les conditions fixées par les cartes de crédit sont différentes selon qu'on s'appelle Costco ou Walmart ou qu'on est une station d'essence. Elles n'ont donc pas le choix en ce sens que, si elles offrent un rabais ou ont le droit d'imposer des frais supplémentaires, la concurrence sera immédiatement telle que les consommateurs se détourneront. Elles n'ont pas la marge de manœuvre voulue sur le marché pour recourir à ces solutions. Elles sont vraiment coincées.

Les petites entreprises n'ont pas la marge de manœuvre ni la présence voulue sur le marché pour pouvoir dicter leurs conditions. Avec Visa ou MasterCard, c'est à prendre ou à laisser, au risque de perdre leur place sur le marché. Il y a donc un problème.

Cela n'enlève rien à tous les avantages des cartes de crédit. Il y a un problème, et il ne va pas se régler sans la participation des banques ou des coopératives de crédit.

Le président : Merci. Je vais vous inscrire pour le deuxième tour.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Ma question fait suite à celle du sénateur Black. Vous avez dit être incapable de nous donner le montant en milliard de dollars qui revenait aux banques dans le cadre des frais d'interchange. Connaissez-vous, par contre, le pourcentage de ces frais d'interchange qui va aux banques? Pas le montant total, mais le pourcentage?

[Traduction]

M. Hannah : En un mot, non. Je m'explique. La difficulté, c'est que la commission interbancaire varie — en fait, l'escompte du commerçant varie — selon le type de carte en cause et selon le commerçant. Différents commerçants ont des taux différents. Il existe des catégories spéciales, et certains commerçants négocient des ententes particulières. La carte peut être traitée de manières diverses. Le commerçant peut la traiter au moyen d'une puce classique, avec un NIP. On insère la carte, la transaction se fait et on fournit le NIP. Les commerçants peuvent utiliser la bande magnétique et demander une signature. Ils peuvent aussi employer la formule de paiement sans contact, « tapez et partez ». Ils peuvent aussi faire la transaction en ligne sans que la carte soit présente et même revenir à la bonne vieille méthode du bordereau avec papier carbone. Dans chaque cas, le prix est différent parce que le profil de risque varie. Voilà comment est conçue la structure de prix. Elle est conçue pour tenir compte du risque.

La réponse brève, c'est que cela dépend étroitement des modalités des transactions et de chaque commerçant.

La sénatrice Bellemare : Vous n'avez aucune idée de la moyenne.

M. Hannah : Je ne voudrais pas avancer de chiffre, madame la sénatrice. Vraiment pas.

[Français]

La sénatrice Bellemare : J'ai une préoccupation. On comprend un peu les préoccupations des institutions financières impliquées dans le processus des cartes de crédit. Avez-vous des commentaires à faire sur les effets que peuvent avoir les cartes de crédit sur les consommateurs à faibles revenus par rapport à ceux qui ont des revenus plus élevés?

Je sais que les consommateurs vont utiliser des points. Ils ont une stratégie de consommation lorsqu'ils paient par carte de crédit pour accumuler des points avec Aéroplan, par exemple, afin d'obtenir des voyages. Quand on examine cette situation dans son ensemble, on constate qu'il y a peut-être du financement qui se fait entre les classes de revenus. Je me demandais s'il y avait des effets de répartition du revenu.

En d'autres mots, à la base, quand un consommateur achète un bien, si on tient compte de tout, ce bien lui coûtera peut-être plus cher s'il fait partie des gens ayant un faible revenu, parce que, celui qui a un revenu plus élevé aura bénéficié de plus de cadeaux et de privilèges. Avez-vous étudié cet aspect du système?

[Traduction]

M. Hannah : J'ai deux points à souligner, madame la sénatrice, car vous avez abordé deux choses importantes. Je vais revenir à ce que j'ai dit tout à l'heure. Pour commencer, dans les pays qui sont intervenus de cette manière — principalement en Australie, qui est l'exemple par excellence —, le principal avantage qui devait revenir aux consommateurs, à revenu élevé comme à faible revenu, était une baisse des prix. Cela ne s'est pas concrétisé. Le deuxième point concerne la discussion qui revient beaucoup au sujet des coûts pour les différents consommateurs. Il s'agit, faute d'un meilleur terme, de l'interfinancement.

La réalité, c'est qu'il n'arrive jamais qu'il en coûte la même chose pour servir deux clients. Dans un magasin, si le client A met une heure à se décider et si le client B prend sa décision en cinq minutes, le coût du service n'est pas le même. Si l'un d'eux se rend au magasin en voiture tandis que l'autre emprunte les transports en commun, le coût du service n'est pas le même. Si l'un d'eux vient en semaine, lorsque le personnel est rémunéré à temps simple, et si l'autre vient en week-end, lorsqu'il est rémunéré à temps et demi, le prix est le même, mais le coût du service est différent. Si l'un va acheter un produit au centre-ville, où les loyers sont élevés et si l'autre achète le même produit en banlieue au même prix, le coût du service varie.

Il n'arrive jamais que le coût du service soit identique pour deux consommateurs; autrement, la structure des prix serait intenable. C'est un fait que, à cause de diverses caractéristiques de comportement, les consommateurs n'occasionnent pas tous les mêmes coûts de service.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Ce que je voulais dire, c'est qu'on voit parfois des reportages où des jeunes familles à faible revenu s'endettent avec des cartes de crédit, mais c'est un autre sujet, je l'admets.

Vous aviez un commentaire, monsieur Timpano?

[Traduction]

M. Timpano : Si je peux me permettre, vous avez parlé tout à l'heure de l'impact sur les consommateurs. En réalité, les faits montrent qu'il y a eu des répercussions sur les consommateurs à cause de la réglementation imposée en Australie.

À propos du développement et de l'importance de la fidélisation au Canada, je voudrais signaler quelques faits qui ont leur importance. Neuf Canadiens sur dix participent à au moins un programme de fidélisation. Le ménage moyen participe à au moins huit programmes, et 56 p. 100 des Canadiens estiment que les récompenses offertes par les cartes de crédit font partie de leur quotidien. Soixante-treize pour cent d'entre eux ont pris une récompense au cours des cinq dernières années. Ce qui importe ici, c'est que moins des deux tiers ont opté pour des services de voyage. Les voyages ne sont pas seulement des voyages de luxe. Il s'agit de réduire les coûts des vacances des familles. Mais le tiers des détenteurs de carte ont profité de récompenses pour réduire les frais dans leur vie courante. Ils se servent de leurs points pour acheter de l'essence ou réduire le coût de leurs denrées alimentaires.

Il est important de renforcer la réglementation qui a un impact sur l'écosystème...

Le président : Merci, monsieur Timpano.

Le sénateur Tkachuk : À propos des cartes de crédit, avez-vous des données statistiques sur le pourcentage des transactions faites par Visa et MasterCard, qui sont les deux cartes de crédit principales dans les petites entreprises au Canada, par rapport à l'argent liquide, à d'autres types de modalités, aux chèques, au téléphone, et ainsi de suite? Quelle est la part des transactions effectuées par carte de crédit?

M. Hannah : Je ne les ai pas sous les yeux. Je peux vous les donner de mémoire, mais pardonnez-moi si je me trompe. Je peux certainement vous faire parvenir un complément d'information, si cela vous convient.

Le sénateur Tkachuk : Cela me va.

M. Hannah : Je crois qu'environ 20 p. 100 des transactions se font par carte de crédit.

Le sénateur Tkachuk : Vingt pour cent dans la plupart des entreprises?

M. Hannah : C'est le chiffre global. Il existe des différences marquées entre les divers secteurs, mais le pourcentage global est celui-là.

Le sénateur Tkachuk : Très bien. Entre les cartes de crédit elles-mêmes, entre Visa et MasterCard, y a-t-il une différence dans le pourcentage que leurs frais représentent sur le coût de service des détaillants? Je sais qu'il y en a une entre American Express et Visa, mais disons dans la gamme des cartes Visa, y en a-t-il certaines dont les coûts de transaction sont faibles, sans aucun programme de fidélisation, par exemple, y a-t-il des cartes qui sont seulement des cartes de crédit?

M. Hannah : Bien sûr. Il y a littéralement des centaines de cartes différentes. Certaines sont assorties de programmes de récompenses et d'autres non. Certaines se caractérisent par des frais annuels, d'autres ont des frais plus élevés ou pas de frais du tout. Il y a aussi des différences liées aux taux d'intérêt, qui peuvent être plus ou moins élevés ou faibles. Demandez-vous si, du point de vue des commerçants, tous paient le même montant indifféremment de la carte ou du commerçant?

Le sénateur Tkachuk : Non. Y a-t-il des cartes qui coûtent moins cher dans la gamme des cartes Visa?

M. Hannah : Oui.

Le sénateur Tkachuk : Moins cher jusqu'à quel point?

M. Hannah : Ce que le commerçant paie dépend de l'accord qu'il a conclu. Il y a une certaine fourchette. Les représentants de Visa et de MasterCard seraient mieux placés que moi pour parler de leurs commissions interbancaires, mais c'est un fait qu'il y a une certaine fourchette.

Le sénateur Tkachuk : Si on ajoute beaucoup d'éléments de marketing au coût de la carte, comme Aéroplan ou Air Miles, le pourcentage est habituellement plus élevé. Le coût de transaction est-il plus élevé pour ce type de carte que pour un autre?

M. Timpano : Puis-je apporter une précision? S'agit-il ici du taux de la commission interbancaire à la charge du commerçant ou des frais que...

Le sénateur Tkachuk : Du total des frais.

M. Timpano : ... que le consommateur paie?

Le sénateur Tkachuk : Je parle du consommateur.

M. Hannah : Les frais des consommateurs sont très différents.

Le sénateur Tkachuk : Exactement.

M. Hannah : Ce que le consommateur paie lui est indiqué dès le départ. Il peut y avoir des frais annuels pour certaines cartes. On peut avoir une carte avec ou sans frais annuels. Je ne peux pas donner de précisions sur la répartition. Il y a toute une variété de cartes. Il y a certainement des cartes sans frais qui ont des programmes de récompenses et d'autres cartes sans frais qui ne sont assorties d'aucun programme.

Le sénateur Tkachuk : J'ai bien des problèmes avec tout cela. Nous n'avons rien vu ou en tout cas je n'ai rien vu qui montre que les consommateurs retirent quelque avantage. Le projet de loi me pose bien des problèmes, car je conçois les cartes de crédit comme un intrant, au même titre que le loyer. Si on se lance en affaires, il faut payer un loyer. Certains paient un loyer élevé et d'autres un loyer plus modeste. C'est ce que cela coûte. On ne va pas dire au gouvernement qu'on paie trop cher de loyer et lui demander de forcer le propriétaire de l'immeuble à baisser ses loyers parce qu'ils sont trop élevés, n'est-ce pas? Il s'agit là d'une question dans laquelle le Bureau de la concurrence devrait peut-être intervenir, mais certainement pas le gouvernement. J'essaie de me convaincre que je suis dans la bonne voie et, tout comme Paul, j'ai parfois du mal.

Si les cartes de crédit ne représentent que 20 p. 100 des coûts en général, autrement dit si 80 p. 100 des clients utilisent une forme de paiement complètement différente, alors les détaillants touchent une marge bénéficiaire supplémentaire grâce aux clients qui n'utilisent pas la carte de crédit. On ne nous a présenté aucun fait à ce sujet, mais il doit sûrement y en avoir. Certains paient par chèque ou d'une autre manière. Il y a là des coûts, mais il y a aussi une marge bénéficiaire supplémentaire. Au fond, le coût pour le consommateur n'est pas de 2 p. 100. Le coût global des transactions des consommateurs est peut-être bien plus faible. Si seulement 20 p. 100 d'entre eux utilisent la carte de crédit, les coûts sont évidemment beaucoup plus bas. Ce que font les commerçants, c'est demander au gouvernement de les libérer du coût de leurs intrants au lieu de livrer concurrence sur le marché en faisant de la publicité pour inciter les consommateurs à recourir à une autre forme de paiement qui leur vaudrait une réduction de prix.

J'ai appris tout cela des promoteurs du projet de loi. J'ai pensé entrer un peu dans la mêlée, ce que je n'ai pas l'habitude de faire, comme vous le savez fort bien.

[Français]

Le sénateur Maltais : Le consommateur canadien est toujours à la recherche d'aubaines, de rabais ou de récompenses. Ceux qui ont mon âge se souviennent sûrement des fameux timbres Gold Star, avant que les cartes de crédit n'arrivent sur le marché. Gold Star ne faisait pas cela pour rien et devait avoir un revenu quelque part. Avec une valise de timbres Gold Star, vous pouviez acheter une grosse boîte de poudre à pâte, alors qu'une petite boîte aurait suffi pour les besoins d'une famille.

Maintenant, il y a les cartes de débit automatique. Les gens achètent des billets de loterie avec cela et en achètent même avec une carte de crédit. Si quelqu'un, après avoir acheté 10 billets de loterie avec sa carte de crédit, gagne 50 $, tant mieux, il pourra payer ses comptes.

Supposons, maintenant, qu'on enlève tout cela. Le consommateur se mettra sûrement à rechercher autre chose. Une partie de votre travail fait défaut sur un point, c'est-à-dire l'éducation. Les cartes de crédit ont leur nécessité pour les gens d'affaires, les voyageurs, les consommateurs, mais qu'il y ait une récompense ou non, si on a besoin d'un réfrigérateur, on va l'acheter, mais, pour autant qu'on puisse le payer, parce que si on le paie sur 10 mois, à l'échéance, on aura payé le prix d'un poêle en plus.

Le consommateur est continuellement à la recherche d'aubaines, de récompenses. Il est sûr que les entreprises comme la vôtre sont là pour cela. Cependant, dans le cadre de l'émission de ces cartes et de ces remises en bonis, une éducation est-elle faite auprès du consommateur moyen, pas pour celui qui s'en sert convenablement, mais pour celui qui a tendance à s'en servir trop souvent et pas nécessairement à bon escient?

[Traduction]

M. Hannah : Tout à fait. C'est une question dont nous sommes heureux de parler. L'information en matière financière est un enjeu important pour l'Association des banquiers canadiens. Nous avons dirigé votre programme à l'intention des étudiants pour les aider à apprendre comment gérer efficacement leur argent et le crédit. Nous avons lancé un nouveau programme à l'intention des aînés pour les sensibiliser aux questions financières et les informer sur le plan financier, en partenariat avec l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, l'ACFC. C'est une chose importante pour nous. Il faut reconnaître un certain crédit aux Canadiens, car environ 70 p. 100 d'entre eux acquittent leur solde chaque mois. Ils ne se font pas facturer de frais d'intérêts. La dette sur les cartes de crédit ne représente qu'environ 5 p. 100 de la dette globale du ménage canadien.

Les Canadiens utilisent leurs cartes de crédit avec beaucoup de sagesse. Ils gèrent bien leur argent. Pour notre part, nous avons essayé de les amener à se renseigner dans le domaine financier et de mettre l'information à la disposition des jeunes et des aînés.

La sénatrice Ringuette : Monsieur Hannah, bienvenue au comité encore une fois.

M. Hannah : Merci.

La sénatrice Ringuette : J'ai toujours hâte d'entendre le baratin que vous nous servez au lieu de répondre aux questions.

Le président : Le témoin est notre invité.

La sénatrice Ringuette : Oui. Des questions très importantes sont posées à répétition depuis 2007. Elles sont posées chaque fois que votre association comparaît devant le comité : combien de milliards de dollars les banques canadiennes engrangent-elles chaque année grâce aux commissions interbancaires? Quel est le pourcentage?

M. Hannah : Comme je l'ai dit tout à l'heure...

La sénatrice Ringuette : Vous ne savez jamais.

M. Hannah : Madame la sénatrice, comme je l'ai dit tout à l'heure, les frais de transaction dépendent de...

La sénatrice Ringuette : Nous ne demandons pas quels sont les coûts. Nous voulons connaître le profit net.

M. Hannah : Madame la sénatrice, comme je l'ai dit tout à l'heure...

Le président : Veuillez répondre, s'il vous plaît.

M. Hannah : Comme je l'ai dit tout à l'heure, la commission interbancaire varie selon les modalités de traitement de la transaction chez le commerçant. Elle dépend du commerçant et de la carte. Elle varie en fonction de tous ces facteurs. Y a-t-il déplacement d'argent? Bien sûr. Il y a un interchange. Tous ceux qui participent au système touchent des revenus puisque tous en tirent un bénéfice; mais ils assument tous des coûts aussi parce qu'ils retirent des avantages du système, et cela comprend les commerçants et les détenteurs de carte. Tous ont un rôle, y compris les réseaux. C'est un marché qui fonctionne bien ainsi. C'est comme cela que le marché fonctionne.

La sénatrice Ringuette : Monsieur Hannah, je constate que vous ne voulez pas répondre aux questions. J'ignore si vous possédez les réponses. Cela dit, nous sommes tous des consommateurs de produits financiers. Nous prenons connaissance de tout ce qui s'écrit sur le financement et l'activité bancaire. Nous savons tous que le ministre Oliver fait preuve de bonne volonté dans ce dossier.

Un article a paru à ce sujet le 26 octobre. Il disait que le ministère des Finances essayait d'en venir à une entente au sujet de ces frais exorbitants, qui ne sont pas acceptables dans l'Union européenne et qui ne devraient pas l'être au Canada non plus. Voici la dernière phrase de cet article :

« Quand quelqu'un vous donne un an pour trouver une solution et que vous n'y arrivez pas..., de souligner un haut dirigeant de banque, on peut dire que c'est une honte. »

Je cite là un haut dirigeant de banque, l'un des membres de votre association : « C'est une honte. »

Le président : Avez-vous une question à poser?

La sénatrice Ringuette : Oui.

M. Hannah : Puis-je réagir à ce que vous avez dit?

La sénatrice Ringuette : Oui, et j'aurai ensuite une question à poser.

M. Hannah : Tirons les choses au clair. C'est un point important. L'ABC, l'Association des banquiers canadiens, n'est pas au courant des discussions qui ont cours entre les réseaux et le gouvernement à ce sujet, et elle n'y participe d'aucune manière. Pour des raisons commerciales et de concurrence, elle ne le peut pas et elle ne le fait pas.

Le président : Merci, monsieur Hannah. Quelle est votre question, madame la sénatrice Ringuette?

La sénatrice Ringuette : Monsieur le président, la prochaine fois, peut-être devrions-nous inviter les représentants de chacune des six grandes banques canadiennes. Nous obtiendrions peut-être des réponses.

Le président : À l'avenir. Avez-vous une question à poser?

La sénatrice Ringuette : J'ai une question à poser à M. Timpano. Plus tôt, au cours de nos audiences, un haut fonctionnaire du ministère des Finances nous a dit que les données du ministère montraient que seulement 13 p. 100 des Canadiens qui ont des cartes de crédit Visa ou MasterCard ont des cartes premières qui apportent des avantages comme Aéroplan. Ces données correspondent-elles aux vôtres?

M. Timpano : Je n'ai pas d'idée de la proportion que ces cartes représentent par rapport à l'ensemble du marché. C'est une question qu'il vaudrait mieux adresser aux réseaux.

La sénatrice Ringuette : Si telle est la réalité, et je n'ai aucune raison de douter de la parole du haut fonctionnaire du ministère des Finances, cela voudrait dire que 87 p. 100 des détenteurs canadiens d'autres cartes de crédit payent les programmes de récompense que vous offrez par l'entremise des banques.

M. Timpano : Tout ce que je peux dire, c'est que je sais qu'il existe sur le marché 14 millions de cartes de crédit avec programme de fidélisation. Si on considère le pourcentage par rapport à l'ensemble de la population, on peut dire qu'il y a une forte proportion de consommateurs qui participent à un programme quelconque de fidélisation, qu'ils aient une carte première ou qu'ils se situent dans le segment de masse fortuné ou le segment de masse.

La sénatrice Ringuette : Vous avez dit également avoir des activités dans d'autres pays.

M. Timpano : Effectivement.

La sénatrice Ringuette : En avez-vous en Europe?

M. Timpano : Oui.

La sénatrice Ringuette : Qu'allez-vous faire au sujet des programmes de récompense des cartes de crédit en juin 2015, lorsque la commission interbancaire sera de 0,3 p. 100 au lieu de 3 p. 100 comme au Canada?

M. Timpano : Nos activités en Europe sont bien différentes de celles que nous avons au Canada. Au Canada, nous avons une activité qui découle d'un programme de grands voyageurs qui rapporte des revenus grâce à ses rapports avec différents partenaires du secteur bancaire. Au Royaume-Uni, notre modèle d'entreprise est en fait un modèle inspiré du commerce au détail qui, à dire vrai, n'est pas très dépendant des cartes de crédit et des commissions interbancaires.

La sénatrice Ringuette : Peut-être devrez-vous modifier votre modèle, dans ce cas.

M. Timpano : Nous réexaminons constamment notre activité.

La sénatrice Hervieux-Payette : Monsieur Hannah, il y a quelques semaines, des témoins sont venus nous dire que Costco avait lancé une demande de propositions auprès de diverses banques et qu'elle avait fini par écarter American Express et traite maintenant avec Capital One. Nous connaissons la puissance de Costco, qui peut négocier un taux différent, ce dont profitent ses clients. C'est la règle du jeu, car il y a une très vive concurrence dans le secteur de l'alimentation. La marge bénéficiaire est d'environ 1 p. 100. Il va sans dire que, si on peut obtenir un demi-point, c'est déjà important. Capital One est-elle membre de votre association?

M. Hannah : Oui, Capital One fait partie de l'Association des banquiers canadiens.

La sénatrice Hervieux-Payette : Je sais qu'elle est constituée en société au Canada, mais où se trouve son siège social?

M. Hannah : Capital One est une banque dont le siège se trouve aux États-Unis.

La sénatrice Hervieux-Payette : Cela veut dire que le bénéfice ira à Capital One. Il sera probablement réduit, dans l'intérêt des clients, mais nous devons changer de carte de crédit. On achète son essence, on achète son épicerie, et on doit avoir une autre carte de crédit.

Dans ce cas, je dis simplement que non seulement nous sommes liés — et c'est ce qui préoccupe le sénateur Massicotte — à un nombre très limité de sociétés qui offrent ce service, mais aussi que, à cause de ce grand changement, les consommateurs peuvent aussi être placés dans l'impossibilité de choisir leur carte.

Je ne peux plus utiliser ma carte American Express chez Costco. Que se passera-t-il si nous continuons d'évoluer dans ce sens, car il semble que les commerçants ne peuvent pas refuser d'autres cartes?

M. Hannah : Je suis désolé, mais vous me perdez.

La sénatrice Hervieux-Payette : Si j'ai une carte TD, je ne peux pas faire mes courses chez Costco et payer par carte de crédit.

M. Hannah : La question est intéressante, mais cela montre la puissance de Costco, qui peut décider de la forme de paiement acceptée. Oui, Costco a conclu un accord avec American Express par le passé, mais elle vient d'en conclure un avec Capital One. Cela montre qu'il y a des négociations entre deux parties qui doivent s'entendre, et c'est ainsi que le marché doit fonctionner.

Le sénateur Black : J'ai une question éclair qui fait suite à ce que j'ai demandé tout à l'heure et à ce que la sénatrice Bellemare a voulu vérifier avec vous. Cela m'a rappelé un article du Financial Post publié le 28 octobre 2014 qui signalait « le montant estimatif de 6 à 7 milliards de dollars que paient maintenant les détaillants pour les transactions par carte de crédit ».

Pourriez-vous donner votre avis à ce sujet?

M. Hannah : En un mot, non. Car les frais payés par les détaillants sont versés aux acquéreurs. Je ne sais pas trop. Cela dépend du contrat conclu avec l'acquéreur.

Le sénateur Black : Vous n'allez rien dire de la portion que les banques à charte et les banques membres de votre association reçoivent de ces 6 ou 7 milliards de dollars par année, pour peu qu'une partie leur revienne?

M. Hannah : Je peux dire que les commissions interbancaires reviennent à la banque. Elle paie des frais d'évaluation, tout comme l'acquéreur, au réseau, et le commerçant paie des frais à l'acquéreur, et le détenteur de la carte peut payer des frais ou pas, selon la carte choisie.

Je peux certainement dire que tous paient des frais, tous ont des dépenses et tous ont des revenus. Je ne peux pas dire au juste quelle est la part de chacun ni quels sont les montants.

Le sénateur Massicotte : Nous avons discuté tout à l'heure du fait que les sociétés de cartes de crédit n'étaient pas parvenues à une conclusion avec le gouvernement fédéral sur une solution au problème soulevé par le Bureau de la concurrence. Les commerçants ont dit clairement qu'ils souhaitaient obtenir plus de souplesse, mais, en même temps, les petits commerçants disent ne pas pouvoir affronter la concurrence des Costco et Walmart, ni celle des accords spéciaux conclus avec MasterCard ou quelque autre réseau.

Convenez-vous que, peut-être, le gouvernement fédéral peut dire simplement qu'on ne peut régler le problème parce qu'il est trop complexe, mais qu'il veille à ce que les règles du jeu soient les mêmes pour tous et légifère pour que le total des frais soit le même pour tous les commerçants? Ainsi, personne ne serait désavantagé. Seriez-vous d'accord?

M. Hannah : Puis-je faire une observation? Je suis heureux que vous ayez soulevé ce point. En réalité, les petites entreprises ont commencé à utiliser leur force pour négocier de meilleurs accords. La FCEI, notamment, a conclu un accord grâce auquel ses membres peuvent se prévaloir de conditions spéciales convenues avec un acquéreur majeur. C'est ainsi que les membres de la FCEI obtiennent un escompte spécial. Un certain nombre de petites entreprises se sont regroupées pour essayer, toutes ensemble, d'obtenir un meilleur accord.

De plus, le gouvernement a déjà pris des mesures en ce sens grâce à un code de conduite pour les cartes de débit et de crédit. Ce code exige que les contrats soient clairs, que les conditions soient correctement énoncées de façon que les commerçants puissent comparer les acquéreurs et faire un choix éclairé. Je n'ai donc pas besoin d'un avocat pour lire le contrat et me l'expliquer dans une terminologie qui varie d'un contrat à l'autre. Je peux arriver à y voir clair et me retirer s'il s'y trouve un élément caché qui ne m'a pas été bien expliqué.

Le sénateur Massicotte : Seriez-vous d'accord pour que le gouvernement impose des frais uniformes pour toutes les parties, indifféremment de leur capacité d'obtenir un accord plus ou moins intéressant?

M. Hannah : Sénateur, mon instinct me dit que les contrôles de prix ont toujours des conséquences non souhaitées. Je ne suis jamais à l'aise dans ce contexte.

La sénatrice Ringuette : Monsieur Hannah, j'espère que vous pourrez répondre à la question que voici. Parmi les 60 banques qui sont membres de votre association... Chase, Global Payments et Moneris — parmi tous ces fournisseurs de technologie que vous appelez des acquéreurs — combien appartiennent à certains de vos membres?

M. Hannah : TD a son service interne d'acquisition. Moneris appartient conjointement à RBC et BMO. Chase a des rapports différents. Elle appartient à une banque américaine; elle n'appartient pas directement à Chase Canada. Global Payments est une entité entièrement différente; Square est également une entité entièrement différente, tout comme Avion. Il s'agit d'un marché mixte, formé d'éléments divers. Certaines entités sont associées à des institutions financières et d'autres pas. C'est un marché intéressant, dynamique, concurrentiel qui a une très importante composante technologique, pour en revenir à ce que vous avez dit.

La sénatrice Ringuette : Celles qui sont directement associées au secteur bancaire sont probablement les acquéreurs uniques pour leur institution bancaire. Monsieur le président, voilà qui renforce ma demande voulant que nous invitions les différents banquiers au comité.

Le président : Merci beaucoup de cette proposition.

Aux témoins, je dirai que c'est toujours un plaisir de les accueillir. Au nom du comité, je vous remercie d'avoir comparu aujourd'hui. Vous nous avez aidés dans nos délibérations.

Au cours de la deuxième heure de la séance d'aujourd'hui, nous entendrons deux universitaires dont les recherches ont porté sur les commissions interbancaires. Ils se sont intéressés plus particulièrement à l'amendement Durbin du Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act, qui a plafonné les commissions interbancaires pour les cartes de crédit.

De New York se joint à nous par vidéoconférence Julian Morris, vice-président à la recherche de la Reason Foundation. Cette fondation est un groupe de réflexion sans but lucratif installé à Washington et à Los Angeles. Il est également associé principal à l'International Center for Law and Economics et il est l'auteur d'un certain nombre d'articles savants.

D'Arlington, en Virginie, se joint également à nous par vidéoconférence Todd Zywicki, professeur de droit à la Fondation de l'Université George Mason, chercheur principal au Centre Mercatus de l'université et corédacteur de la publication américaine Supreme Court Economic Review.

M. Zywicki fera une déclaration liminaire, après quoi nous pourrons poser des questions aux deux témoins. Bienvenue. À vous la parole.

Todd J. Zywicki, professeur de droit, Fondation de l'Université George Mason, à titre personnel : Merci à vous, monsieur le président, ainsi qu'aux membres du comité. Je suis heureux de pouvoir témoigner par téléconférence au sujet du projet de loi S-202, qui propose de modifier la Loi sur les réseaux de cartes de paiement et d'imposer des limites aux commissions interbancaires établies par deux réseaux de paiement par carte de crédit, Visa et MasterCard.

D'après mes propres recherches et celles de mes coauteurs, et forts des connaissances que nous avons sur les efforts déployés ailleurs dans le monde pour imposer des contrôles des prix, nous pouvons prédire que les conséquences probables de la loi seront les suivantes. D'abord, il y aura une augmentation des frais imposés aux consommateurs pour utiliser les cartes de crédit. Bien des gens, notamment chez les petits revenus et les personnes qui n'ont pas une bonne cote de solvabilité, perdront l'accès aux cartes de crédit. Il y aura une réduction des avantages liés aux cartes de crédit, comme les programmes de récompenses. Il y aura un énorme transfert de richesse vers les grands commerçants, qui ne répercuteront sur les consommateurs qu'une partie minime de la réduction inattendue des commissions interbancaires. Pour les petits commerçants, il y aura fort peu d'avantages, voire aucun, et on freinera l'innovation et l'amélioration de la sécurité des données concernant d'autres éléments du marché des cartes de crédit qui sont favorables aux consommateurs.

De plus, d'après ce que j'ai observé du système canadien, les effets préjudiciables sur les consommateurs seront probablement plus graves et nuisibles qu'ils ne l'ont été ailleurs dans le monde. Cela tient à la relation unique entre les cartes de crédit et les cartes de débit au Canada : pour faire des achats en ligne et à l'étranger, par exemple pour les voyages, les consommateurs peuvent utiliser plus efficacement les cartes de crédit que le réseau de paiement par carte de débit. Les contrôles de prix proposés feraient donc diminuer ces avantages.

Les cartes de paiement sont un mécanisme efficace, sans les inconvénients et les risques liés à l'argent comptant ou aux chèques. Les cartes de crédit sont particulièrement utiles pour les consommateurs et pour les commerçants : elles permettent aux consommateurs de faire des achats à crédit sans que les commerçants aient à assumer les coûts et les risques des opérations de crédit. Les commissions interbancaires représentent le mécanisme par lequel les réseaux de cartes de paiement peuvent établir l'équilibre entre les intérêts des consommateurs et ceux des commerçants de manière à maximiser la valeur obtenue par tous les intervenants du réseau.

Les résultats de l'analyse économique portant sur l'imposition externe de limites aux commissions interbancaires sont sans équivoque : il faut de l'argent pour exploiter le réseau de cartes de crédit, lequel est extraordinairement complexe, de portée mondiale, sûr et instantané. Cet argent peut venir des commerçants qui acceptent les cartes de crédit ou des consommateurs qui utilisent les cartes de crédit. Donc, quand le gouvernement intervient pour réduire le montant de la contribution des commerçants, les pertes de revenu se répercutent inévitablement sur les utilisateurs de cartes de crédit sous la forme de hausses de prix, de réduction de l'accès ou de diminution de l'innovation et de la qualité.

Comme l'a fait remarquer l'économiste Jean Tirole, qui a reçu tout récemment, en 2014, le prix Nobel d'économie, le partage des coûts entre les consommateurs et les commerçants sur toute la plateforme de paiement par carte est une chose extrêmement délicate, et remplacer les processus du marché par la planification centralisée des commissions interbancaires a peu de chances d'améliorer le bien-être des consommateurs.

Pensez aux effets économiques, aux États-Unis, de l'amendement Durbin à la loi Dodd-Frank, qui a imposé des limites aux commissions interbancaires sur les cartes de débit émises par des banques américaines détenant des actifs de plus de 10 milliards de dollars, mais pas sur les cartes émises par les petites banques, ni sur les cartes de crédit ou les cartes prépayées.

Comme M. Morris, Geoffrey Manne et moi-même l'avons montré dans un ouvrage publié au début de 1'année, 1'amendement Durbin a été désastreux pour les consommateurs des banques américaines. Les banques ont réagi à 1'adoption de cet amendement Durbin en réduisant considérablement 1'accès aux comptes de chèques gratuits. La proportion de la totalité des banques offrant des comptes de chèques gratuits est tombée d'environ 76 p. 100, en 2008, à 38 p. 100 l'année passée. De plus, les banques soumises à l'amendement Durbin ont augmenté le solde minimum requis pour les chèques gratuits et ont haussé les frais bancaires pour ceux qui ne sont pas admissibles aux chèques gratuits. Ces mesures de compensation ont rendu les comptes de banque plus coûteux, en particulier pour les consommateurs à faible revenu, et de nombreux ménages à faible revenu se sont tout simplement retirés complètement du système bancaire.

Ces effets se sont fait sentir seulement dans les banques soumises à l'amendement Durbin. Les petites banques qui n'y sont pas assujetties n'ont pas réduit l'accès aux comptes de chèques gratuits et n'ont pas haussé leurs frais. De plus, selon notre étude, au cours de l'année qui a suivi l'adoption de l'amendement Durbin, la réduction forcée des commissions interbancaires a profité aux grands commerçants comme Home Depot et Amazon.com et Walmart, qui ont profité d'importantes réductions des taux d'escompte. En revanche, la plupart des petits détaillants n'ont profité d'aucune réduction des escomptes applicables aux cartes de crédit, et les détaillants qui ont fait de nombreuses petites transactions ont en fait subi une augmentation des taux d'escompte en général, car les réseaux de cartes de paiement ont éliminé une grande partie des escomptes qu'elles offraient à l'industrie quand les frais étaient fondés sur le marché.

Enfin, alors que les clients des banques subissaient de fortes augmentations immédiates des frais, rien ne nous a permis de croire que les grands commerçants avaient répercuté sur les consommateurs les profits imprévus qu'ils avaient récoltés grâce à cette mesure de nature politique, que ce soit sous la forme de baisse des prix ou d'autres avantages.

En somme, d'après nous, une fois que tous les rajustements sont pris en compte, l'effet global de l'amendement Durbin sera un transfert annuel de 1 à 3 milliards de dollars des consommateurs à faible revenu aux grands détaillants. Les pays qui ont imposé un contrôle, dont l'Australie et l'Espagne, ont sans exception obtenu des résultats semblables : il y a eu augmentation des coûts et réduction de la qualité des cartes de paiement pour les consommateurs, et rien ne montre que les commerçants ont transféré les économies correspondantes aux consommateurs.

Dans une étude du marché canadien, Ian Lee, Geoffrey Manne, Julian Morris et moi-même avons constaté que les comptes bancaires au Canada sont plus coûteux et moins fonctionnels que ceux qui étaient offerts aux États-Unis avant que l'amendement Durbin n'entre en vigueur. Ces différences sont en grande partie le reflet des différences entre les systèmes de cartes de débit des deux pays, car le système Interac, créature d'un règlement gouvernemental qui comporte de fait une commission interbancaire nulle, force les consommateurs à assumer directement la totalité des coûts du système de cartes de débit du Canada.

Les consommateurs américains ont pu, dans une certaine mesure, atténuer les effets de distorsion de l'amendement Durbin en optant plutôt pour les transactions par cartes de crédit ou cartes prépayées. Au Canada, le monopole d'Interac signifie que les consommateurs canadiens auront moins la possibilité de contrebalancer les coûts supérieurs des cartes de crédit si le projet de loi est adopté. L'achat en ligne au moyen des cartes de débit est laborieux et difficile au Canada, et de nombreux sites Web, surtout ceux des petits commerçants, ne les acceptent pas. De plus, les cartes Interac sont rarement acceptées à 1'extérieur du Canada. La loi représentera donc des coûts particulièrement élevés pour les Canadiens qui veulent voyager à l'étranger, notamment aux États-Unis, et qui ont choisi d'avoir une carte de crédit en raison des coûts élevés.

Enfin, même l'amendement Durbin permet un assouplissement du mécanisme de base de contrôle des prix pour tenir compte tenu des pertes attribuables à la fraude et des investissements dans la protection contre la fraude. En revanche, la loi à l'étude impose des frais fixes de 0,5 p. 100, sans provision pour fraude. Faute de pouvoir recouvrer les pertes attribuables à la fraude et les investissements dans la protection contre la fraude, les émetteurs risquent de restreindre davantage l'utilisation des cartes de crédit pour des transactions présentant un risque de perte attribuable à la fraude supérieur à la moyenne, comme les transactions en ligne, ce qui aura des effets particulièrement préjudiciables sur les petits commerçants.

Enfin, la loi est aussi mal inspirée en ce sens qu'elle ne limite les frais que pour les réseaux Visa et MasterCard et qu'elle exclut les systèmes tripartites comme American Express, Discover et Diners Club. Ces systèmes tripartites n'ont pas officiellement de commissions interbancaires comme les systèmes quadripartites, mais leurs frais d'escompte des commerçants ont une fonction identique, celle d'établir un équilibre entre les intérêts des consommateurs et ceux des commerçants. Imposer des limites aux commissions interbancaires liées aux cartes émises par Visa et MasterCard, mais exclure les modèles tripartites donnera un avantage concurrentiel aux modèles tripartites.

L'expérience de l'Australie, qui a de la même façon exclu les modèles tripartites de l'application des limites de frais des cartes de crédit illustre bien les conséquences de ce traitement différent : depuis que la banque centrale d'Australie impose des limites aux frais de Visa et de MasterCard, la part du marché d'American Express et de Diners Club a augmenté de 46 p. 100. Cependant, American Express et Diners Club ont tendance à imposer des frais plus élevés aux commerçants et à s'adresser à des consommateurs aux revenus élevés. De nombreux consommateurs aux revenus élevés ont donc réussi à éviter de payer les frais élevés de Visa et MasterCard qui découlent des limites des commissions interbancaires, de sorte que les consommateurs à faible revenu doivent porter l'essentiel du fardeau.

Merci d'avoir pris le temps d'écouter mon témoignage. M. Morris et moi serons heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci de votre exposé. Monsieur Zywicki, j'ai pris connaissance de l'étude que vous avez réalisée avec Ian Lee, qui se trouve ici, à Ottawa à la Sprott School of Business. Pourriez-vous nous donner une idée de vos connaissances de la situation canadienne?

M. Zywicki : Pour préparer ce rapport avec M. Lee, ainsi qu'avec M. Morris et Geoffrey Manne, nous avons beaucoup étudié le marché canadien. Nous sommes arrivés à comprendre la relation entre les cartes de débit et les cartes de crédit, et nous avons continué à suivre l'évolution de la situation. Le rapport initial était directement axé sur le marché canadien et sur les répercussions de la réglementation qui était alors proposée.

Le sénateur Black : Merci, monsieur, de comparaître. Votre exposé a été extraordinairement utile, et il est évident que vous possédez des compétences considérables. Avant de passer aux questions qui découlent de votre témoignage, pouvez-vous me dire comment l'équipe de basket de George Mason s'en tire cette année?

M. Zywicki : Malheureusement pas aussi bien qu'à une certaine époque. C'est un sujet délicat.

Le sénateur Black : Désolé. Je suis un partisan.

Il nous semble que le Canada est un cas particulier, par rapport aux autres pays du G7, aux pays européens, à l'Australie et à d'autres pays, pour ce qui est des frais dont nous discutons ici. Je présume que vous serez d'accord. Ce semble être la réalité. Que recommanderiez-vous au comité sénatorial? Que devrions-nous faire? Certainement que l'une de vos recommandations pourrait être de ne rien faire.

M. Zywicki : La solution, ce serait d'intensifier la concurrence et, plus particulièrement, d'éliminer les restrictions qui pèsent sur la capacité de concurrencer du réseau Interac. La première étape consisterait à autoriser une concurrence plus ouverte, d'autoriser un plus grand nombre de joueurs à s'implanter sur ce marché. Essentiellement, il faut susciter une plus grande concurrence entre les cartes de débit et les cartes de crédit.

Le sénateur Black : Voilà qui est intéressant. Nous avons entendu des témoignages selon lesquels Visa et MasterCard détiennent plus de 80 p. 100 de cet aspect du marché. Vous nous dites que c'est là la cause profonde du problème.

M. Zywicki : Ce n'est pas du tout ce que je dis. Il s'agit plutôt du mode de fonctionnement des commissions interbancaires. Fondamentalement, la taille du marché ou la part de marché des réseaux importent peu. Les réseaux ne sont qu'une plateforme permettant le lien entre les commerçants et les consommateurs.

Le seul incitatif, pour Visa et MasterCard, est la maximisation du volume des transactions. Les réseaux n'ont aucune raison de fixer les commissions trop haut ou trop bas. Ils sont portés à maximiser les gains du commerce qui se fait au moyen de leur plateforme. Lorsque je parle de concurrence, ce ne sont pas Visa ni MasterCard qui sont le problème. Je songe plutôt à la concurrence entre les cartes de crédit, les cartes de débit et d'autres modes de paiement. Il s'agit de faire d'Interac un concurrent plus solide. En un sens, il faut intensifier la concurrence entre les cartes de débit, les cartes de crédit et d'autres systèmes de paiement.

Julian Morris, vice-président, Recherche, Reason Foundation, à titre personnel : Je suis tout à fait d'accord avec Todd. Une partie du problème, c'est la définition du marché. Si on en retient une définition étroite, comme celui des cartes de crédit, ou encore plus étroite, comme celui des réseaux quadripartites, alors on peut dire que Visa et MasterCard détiennent une part importante du marché. Si on élargit la définition de façon à englober les cartes de débit, on a affaire à une réalité légèrement différente.

Évidemment, à la marge, il y a concurrence entre les cartes de débit et les cartes de crédit. Bien des gens, au Canada comme dans la plupart des régions du monde, utilisent la carte de crédit comme la carte de débit. Ils acquittent le solde à la fin de chaque mois. La carte de crédit est donc simplement un mode de paiement.

La question qui se pose est celle de savoir comment stimuler la concurrence dans le système des cartes de paiement. Revenons en arrière. On constate que le développement des réseaux de paiement a commencé aux États-Unis dans les années 1950 avec la carte de Diners Club. À l'époque, cette carte exigeait des commerçants des frais de 7 p. 100. Bien entendu, l'arrivée de la concurrence, d'abord American Express puis les banques qui ont créé les réseaux de paiement, a fait diminuer les frais.

On voit émerger en ce moment divers concurrents nouveaux sur le marché. Si on permet une concurrence ouverte sans restrictions sur les frais exigés par les sociétés, on assistera à une réduction radicale des frais dans l'ensemble, à la faveur de l'innovation. Si on impose des limites aux frais, on freine la concurrence.

Le sénateur Black : Très intéressant. En un mot, que recommandez-vous au comité?

M. Morris : J'arrêterais de mettre l'accent sur deux cartes seulement, comme on le fait dans le projet de loi S-202 pour examiner plus généralement tout le système de paiement. Ainsi, vous parviendrez à comprendre le processus dynamique et concurrentiel sur le marché, qui s'installe grâce à la libre concurrence.

J'examinerais en particulier les restrictions imposées à Interac. Dans notre rapport qui porte sur le système canadien des paiements, nous avons recommandé la suppression des restrictions imposées à Interac, qui empêchent le développement d'un système plus dynamique et ouvert. Voilà ce que je recommande.

La sénatrice Ringuette : Bienvenue, messieurs. Je travaille à cette question depuis plus de six ans. Malheureusement, je n'ai jamais entendu parler de vos études. Ce matin, j'ai demandé à la greffière du comité comment il se faisait que vous figuriez parmi les témoins. Elle m'a répondu que vous lui aviez demandé de comparaître.

Puis-je vous demander qui vous a indiqué comment appeler la greffière pour demander à comparaître?

M. Morris : L'initiative est venue de moi, mais un message électronique a été envoyé à l'International Center for Law and Economics par quelqu'un qui représente l'une des cartes de paiement, disant que ce témoignage serait peut-être utile. Sans surprise, ces gens avaient évidemment pris connaissance de nos travaux et estimaient utile que nos opinions soient présentées au comité. Merci beaucoup de nous avoir invités à témoigner.

La sénatrice Ringuette : Visa ou MasterCard vous ont demandé de comparaître. Est-ce exact?

Le président : Je voudrais intervenir. Madame la sénatrice, nous n'avons refusé aucun des témoins qui voulaient comparaître devant le comité, et cela vaut pour tous ceux dont vous souhaitiez la comparution.

La sénatrice Ringuette : Bien. Je ne remets pas cela en cause. Je veux savoir ce que les témoins ont à présenter.

M. Morris : Je précise qu'on ne m'a pas payé pour comparaître.

La sénatrice Ringuette : Je ne crois pas que le comité ait l'argent qu'il faudrait, du reste. Après les questions, quand on m'a dit que vous comparaîtriez, j'ai imprimé votre étude publiée en juin 2014. Je comprends que le système de débit au Canada, avec Interac, est très important pour tous les Canadiens, parce que les frais ne sont pas un pourcentage de la transaction, comme c'est le cas pour Visa, MasterCard et les cartes de débit aux États-Unis. Interac propose un prix fixe, et les commerçants canadiens sont très heureux de la situation actuelle. Cela dit, j'ai pris connaissance de votre étude et, bien entendu, j'ai suivi de très près l'application de l'amendement Durbin au fil du temps.

À la première page de votre étude, M. Zywicki est présenté comme membre de l'International Center for Law and Economics. L'ICLE, qui a financé cette étude, a reçu un soutien financier de MasterCard. Pouvez-vous nous parler du soutien financier reçu de MasterCard pour réaliser cette étude dont vous avez beaucoup parlé? Quel montant avez-vous reçu de MasterCard?

M. Zywicki : Pour ma part, je n'ai pas reçu de fonds directement de MasterCard. J'en ai reçu de l'International Center for Law and Economics. Je suis un chercheur principal de l'ICLE. Je ne suis pas le directeur. Je crois savoir que Geoffrey Manne, directeur de l'ICLE, a reçu des fonds de MasterCard. J'ai reçu les miens de l'International Centre for Law and Economics.

La sénatrice Ringuette : Pouvez-vous me dire combien l'International Centre for Law and Economics a reçu?

Le président : Je vais déclarer cette question irrecevable.

La sénatrice Ringuette : Cela me semble très important, monsieur le président.

Le président : Je suis sûr que nous avons reconnu le fait que le centre a reçu des fonds de MasterCard.

La sénatrice Ringuette : Je n'ai pas d'autres questions à poser à ces témoins.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Je vais poser la première question à M. Zywicki. En fait, je vais poser mes questions en même temps, ainsi vous pourrez réfléchir à la deuxième. La première question a trait à votre évaluation des effets des amendements de Durbin sur les transferts implicites de la subvention croisée entre les personnes à faibles revenus par opposition aux marchands. Je cite ce que vous avez dit :

[Traduction]

L'effet global de l'amendement Durbin sera un transfert annuel de 1 à 3 milliards de dollars des consommateurs à faible revenu aux grands commerçants.

[Français]

Est-ce que votre méthodologie de recherche vous permet de faire une estimation très approximative de ce que le projet de loi S-202 pourrait avoir comme conséquence au Canada à cet égard? Peut-être que ma question est trop spécifique, mais j'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.

Ma deuxième question s'adresse à M. Morris. Vous avez parlé de la nécessité d'examiner l'ensemble des modes de paiement dans une perspective beaucoup plus large. Je sais que c'est peut-être hors sujet, mais je ne peux m'empêcher de vous demander si, dans le cadre de vos études, vous incorporez comme mode de paiement les monnaies numériques comme le bitcoin? Cette monnaie fait actuellement l'objet d'une étude.

[Traduction]

Le président : Hors sujet, madame la sénatrice. Restons-en à la question à l'étude.

M. Zywicki : Je vais répondre à la première question. L'estimation de 1 à 3 milliards de dollars à laquelle nous sommes parvenus a été calculée à partir des données sur l'effet réel de l'amendement Durbin pendant sa première année d'application. Ce n'est pas une supposition ni une projection établie avant qu'il n'entre en vigueur; elle a été calculée d'après ce que nous avons constaté : les économies réalisées par les commerçants grâce à la réduction des commissions interbancaires et l'augmentation des frais bancaires pour les consommateurs, surtout les consommateurs à faible revenu.

Le calcul d'une estimation dépend beaucoup des circonstances locales, par exemple le degré de compétitivité sur les marchés bancaires par opposition aux marchés du commerce au détail, les autres options à la disposition des consommateurs, et ainsi de suite. Les études réalisées dans à peu près tous les pays, y compris ceux de l'Union européenne — étude qu'on doit à David Evans —, aux États-Unis et dans d'autres pays donnent à penser que, dans l'ensemble, la répercussion des hausses de coûts sur les consommateurs est plus importante, complète et rapide que la transmission des économies aux consommateurs du commerce au détail.

Il y a un important retard et un taux de transmission bien plus faible pour ces consommateurs. Pour chiffrer le phénomène, il faut tenir compte de facteurs comme l'importance réelle de la réduction des commissions interbancaires et sa proportion qui est répercutée sur les consommateurs. L'Australie avance qu'un montant important a été transmis aux consommateurs. L'Australie est peut-être un exemple de ce comportement, puisqu'on y a plafonné les taux des cartes de crédit. Il y a une forte augmentation des frais des cartes de crédit pour les consommateurs et, à ce jour, il n'y a toujours pas de preuve qu'ils ont pu profiter de façon mesurable de coûts plus faibles.

Je n'ai pas les données sous les yeux pour présenter une estimation. Il faudrait que je connaisse l'importance des coupes, le degré de compétitivité sur le marché et ce genre de chose. La règle générale veut que, pour les consommateurs, les coûts soient beaucoup plus importants que les économies.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Ce que vous présentez ici, pour les États-Unis, est une estimation des effets des impacts à court terme; il ne s'agit pas de l'effet final, n'est-ce pas?

[Traduction]

M. Zywicki : Tout ce que nous avons jusqu'à maintenant, ce sont les données sur le court terme. Il y a d'autres études, comme celle de David Evans, qui tiennent compte du long terme. Je ne me rappelle pas le chiffre exact, mais l'étude utilise ce qu'on appelle une analyse des événements sur les marchés boursiers. Julian pourra me rafraîchir la mémoire, mais je crois que David Evans estime que, sur la durée prévue de l'application de l'amendement Durbin, il y aura un transfert de 27 milliards de dollars vers les commerçants à cause de cet amendement, phénomène reflété dans la capitalisation boursière des sociétés après l'entrée en vigueur de l'amendement.

Le sénateur Massicotte : Je suis tout à fait au courant de l'amendement Durbin, mais je ne connais pas très bien les études comme la vôtre qui, essentiellement documentent les conséquences de cette disposition législative. Peut-être pourriez-vous me faire un résumé.

C'est évidemment une question vivement discutée chez vous. Je suis persuadé que, avant de décider d'intervenir comme il l'a fait, le gouvernement a dû commander des études ou consulter des intellectuels tel que vous qui lui ont dit que ce serait une bonne idée. Ai-je raison de le supposer? Le débat chez vous est-il très tranché ou les milieux intellectuels sont-ils d'avis que c'est une mauvaise mesure?

M. Zywicki : J'ignore si vous connaissez l'histoire de l'amendement Durbin, mais en vérité, la question n'a pas été très débattue. La cour de circuit du DC, la cour de circuit fédérale, souvent appelée le deuxième tribunal le plus élevé aux États-Unis, qui a récemment maintenu le règlement de la Réserve fédérale mettant en œuvre l'amendement Durbin, a dit à quel point le processus avait été peu soigné, à quel point cette disposition était mal rédigée, qu'elle était plus mal rédigée que d'autres lois mal rédigées.

La réalité, c'est qu'il y avait des propositions d'intervention modeste dans le système des cartes de paiement pour les cartes de crédit et les autres moyens semblables. L'amendement Durbin a été apporté à la dernière minute à la loi Dodd-Frank. Il a été adopté sans vraie discussion; il n'y a eu aucune audience, aucune estimation de son impact. En fait, Barney Frank, dont le nom se retrouve dans le titre de la loi Dodd-Frank, critique vivement l'amendement Durbin depuis son édiction. On aurait souhaité que le Congrès et le Sénat américains prennent autant de soin que le fait votre institution, et c'est tout à son honneur, puisqu'elle étudie la question depuis des années, mais la réalité, c'est que cette disposition qui sert des intérêts particuliers, a été ajoutée à la loi Dodd-Frank à la dernière minute, sans aucune étude sérieuse, malheureusement.

Le sénateur Massicotte : Je vous sais gré de ce que vous dites de la supériorité de notre Sénat sur le vôtre, mais, cela dit, permettez-moi de revenir en arrière. Après le fait, y a-t-il eu beaucoup d'études universitaires consacrées à la question? Les opinions sont-elles partagées ou dites-vous tous que c'est « une mauvaise chose »?

M. Zywicki : La réalité, dans la façon dont le débat s'est déroulé aux États-Unis, en Australie et en Espagne, et la même chose s'est produite à bien des endroits... Il y a eu plusieurs études aux États-Unis, et elles montrent toutes que les frais à charge des consommateurs augmentent, un point c'est tout. L'estimation peut se faire de différentes manières.

Il y a un certain débat au sujet de l'ampleur de la répercussion des coûts et des économies. Une étude réalisée aux États-Unis et que j'ai critiquée prétend qu'il y a répercussion dans le commerce de détail, mais je ne crois pas que cette étude soit méthodologiquement solide.

La plupart des études publiées critiquent l'amendement Durbin et elles montrent toutes que l'amendement a fait augmenter les frais bancaires.

Le sénateur Massicotte : Votre collègue approuve-t-il ce résumé?

M. Morris : Oui, c'est un résumé très exact. À l'évidence, il existe des études qui prétendent montrer les avantages de l'amendement Durbin pour ce qui est de la répercussion des avantages par les détaillants, mais une évaluation juste et indépendante permettrait de conclure que ces études n'ont pas une méthodologie très solide, le plus souvent, et que, pour le moment, il n'y a pas de preuve appréciable du fait que les avantages sont transmis au consommateur. Par contre, il y a une foule de preuves qui montrent que les coûts augmentent.

Certains prétendent aussi que l'augmentation des frais bancaires s'est produite avant la mise en œuvre de l'amendement Durbin, ce qui est vrai, mais si elle s'est produite avant sa mise en œuvre, elle a eu lieu immédiatement après son adoption. Nous le montrons clairement dans notre étude.

Il y a un relèvement rapide des frais bancaires immédiatement après l'adoption de l'amendement, ce qui montre très clairement qu'il s'agit d'une conséquence de l'amendement. Et, en moyenne, les consommateurs doivent payer entre 50 et 100 $ de plus par année pour avoir des comptes bancaires aux États-Unis, et c'est à cause de l'amendement. Cela constitue une partie appréciable des coûts de l'amendement Durbin pour les consommateurs à faible revenu.

Le sénateur Massicotte : Je ne doute pas de l'exactitude de vos affirmations. Parlons de théorie économique. On dirait que les commerçants sont de grands gagnants dans tout changement des frais à cet égard. Si vous pouvez présumer qu'il existe une concurrence suffisante chez les commerçants qui utilisent les cartes de crédit, et je suppose que cette concurrence doit exister dans la plupart des secteurs, dans un pays comme le vôtre, pourquoi serions-nous très troublés lorsque cet excès, lorsque ce profit s'accumule à court terme?

Si la concurrence est suffisante, le consommateur va finir par en profiter, car il y a quelqu'un qui exploitera cet avantage. C'est comme une augmentation dans la structure de coûts. Pourquoi présumer que ce ne sera pas le cas? Dites-vous qu'il n'y a pas assez de concurrence dans le commerce de détail? La plupart des études doivent montrer que vous avez un secteur du commerce de détail où la concurrence est très vive.

M. Zywicki : Au fond, cela varie beaucoup d'un pays à l'autre. Vous avez posé exactement la bonne question, sénateur. D'abord, il faut s'interroger sur la structure de la concurrence sur le marché bancaire, essentiellement, et sur la structure de la concurrence sur le marché du commerce au détail pour voir dans quelle mesure les avantages sont transmis d'un côté ou de l'autre.

Il y a cependant une deuxième question, car, à mon sens, le problème ne se résume pas à cela. Cela concerne aussi l'accès aux services financiers pour les consommateurs, au moins aux États-Unis, à cause de l'amendement Durbin. Le vrai drame de cet amendement, ce n'est pas seulement que les consommateurs paient des frais bancaires plus élevés, mais aussi que les consommateurs à faible revenu se font complètement expulser du système bancaire. Dans la mesure où on transfère les coûts des cartes de crédit, par exemple, la conséquence sera que des consommateurs qui auraient eu des cartes de crédit n'en auront pas. Ils vont devoir trouver un autre moyen d'obtenir du crédit, par exemple.

En ce sens, ce n'est pas qu'une question de distribution de la richesse. Il y a aussi des effets systémiques qui touchent surtout les consommateurs à faible revenu et leur accès à certains systèmes de paiement, par exemple. Il y a donc un autre facteur, en dehors des efforts pour manipuler les chiffres sur la répercussion des avantages entre les deux éléments.

Le sénateur Massicotte : Aux États-Unis, vous avez beaucoup plus de banques que le Canada. Si vous pouvez présumer qu'elles doivent affronter une concurrence, les gains d'efficience ne vont-ils pas finir par revenir aux consommateurs et aux autres joueurs sur le marché?

M. Zywicki : Il y aura un certain retard, mais cette transmission se fera dans une certaine mesure. Ce que nous ignorons, car cela dépendra beaucoup de facteurs propres à chaque pays, c'est dans quelle mesure cette transmission se fera, au bout du compte. Voilà pourquoi, par exemple, l'estimation que David Evans a faite au moyen d'une « analyse des événements sur le marché » tente de tenir compte de toutes ces conséquences à long terme.

Au fond, son étude dit que la seule façon dont les profits des commerçants pourraient normalement augmenter, à long terme, serait que les commerçants conservent un fort pourcentage des économies de coûts. Donc, le fait qu'il y ait une augmentation estimée à 27 milliards de dollars de la capitalisation des commerçants touchés par l'amendement Durbin donne à penser qu'ils auront une large part des avantages à long terme.

Bien entendu, c'est une estimation. Et il est certain qu'une partie des avantages sera transmise. Cela dépend beaucoup de la dynamique du marché local. L'une des questions qu'on devrait poser au Canada est celle des taux de transmission qui se concrétiseront, avant de soutenir que ce type de mesure peut apporter un plus grand bien-être au consommateur.

M. Morris : Il semble que nous discutions ici du moment où les coûts nets de la loi diminueront. C'est une hypothèse valable.

Avec le temps, les coûts nets de cette loi qui tiennent à la transmission des avantages fléchiront. Par contre, les coûts qui découlent de la diminution de la concurrence sur le marché des cartes de paiement ne disparaîtront pas. Cela n'a pas été pris en considération dans l'analyse de David Evans. On m'a demandé si nous avions tenu compte de nouvelles formes de paiement comme le bitcoin, par exemple. Nous n'avons pas abordé expressément la façon dont le bitcoin peut jouer dans notre analyse, mais nous avons postulé que, si on veut encourager l'implantation de ces nouveaux systèmes de paiement, on ne veut pas abaisser le prix de ce qui peut être disponible à court terme et que ces systèmes de paiement concurrencent. Si on le fait et s'il y a des frais initiaux de démarrage importants pour le développement du système de paiement, on ralentit l'implantation du système de paiement en faisant diminuer le montant qu'on peut exiger pour ce système.

Le sénateur Massicotte : Vous soulevez là un très bon point. Selon ma conception, si la concurrence règne sur le marché, et c'est évidemment la supposition majeure qu'on fait sur un marché capitaliste, les coûts finissent par se répercuter. Il faut faire une étude cas par cas et se demander si le système bancaire est concurrentiel, si le secteur du commerce au détail est concurrentiel. S'ils le sont, les coûts et les avantages finissent par se répercuter. Vous dites que, dans certains cas, la concurrence n'est pas forcément suffisante, selon l'endroit ou les caractéristiques du secteur. Je résume bien?

M. Zywicki : Oui, c'est exact. Je voudrais revenir plus longuement sur une chose que M. Morris a dite : il y a des éléments qui ne sont pas rattachés au prix, comme les investissements dans les mesures de sécurité et dans l'innovation, autant d'éléments dont les consommateurs profitent sur le marché des cartes de paiement.

M. Morris : L'une des motivations derrière l'évolution de la structure de prix dans les réseaux de paiement a été la volonté d'expansion, en un sens. Les unes après les autres, les études ont montré que l'expansion des paiements électroniques a des avantages : baisse des coûts, recul de la fraude, diminution de la fraude fiscale. À titre de représentants des contribuables canadiens, vous vous intéressez sans doute à la capacité de suivre et de retracer les paiements, capacité qui apporte à l'ensemble du système un avantage important sous l'angle de la lutte contre la fraude fiscale.

C'est donc une bonne chose d'amener de plus en plus de gens à faire leurs paiements par voie électronique. Une question se pose : comment y arriver? Notre analyse donne à penser que, en imposant des contrôles de prix, on exclut des consommateurs du système de paiements électroniques. Ce n'est sûrement pas une bonne chose.

Le président : Je signale aux témoins que les questions sont terminées, mais je voudrais demander à chacun d'eux s'ils ont des observations à formuler pour conclure ou des remarques à faire sans que ce soit pour répondre à une question.

M. Zywicki : Je voudrais simplement m'expliquer plus longuement. M. Morris a fait valoir un excellent point à la fin, et je voudrais apporter des précisions. Il a dit que l'adoption des paiements électroniques par la société apporte des avantages d'ordre social. Cela se rapporte à ce que j'ai dit tout à l'heure des contrôles des prix, qui réduisent l'accès aux paiements électroniques pour de nombreux consommateurs. Ces contrôles les chassent du marché, ce qui non seulement leur nuit, mais a aussi, comme M. Morris vient de le dire, des coûts sociaux. On estime que le passage à un système de paiement complètement électronique permettrait de réaliser des économies de 1, 3 ou 5 p. 100 du PIB dans de nombreux pays. Sans oublier les autres avantages dont M. Morris a parlé. Et c'est de ce côté que se manifestent les effets d'un plafonnement des commissions interbancaires.

Le président : Merci. Monsieur Morris, une conclusion?

M. Morris : Je voudrais simplement insister sur le fait que l'expansion des paiements électroniques apporte des avantages. Elle intensifie la concurrence et permet aux producteurs et aux consommateurs de profiter de la « longue traîne », c'est-à-dire la disponibilité de biens pour une minorité de consommateurs, la capacité de les leur fournir.

Aux États-Unis, au Royaume-Uni et ailleurs, on a vu s'élargir l'accès à cette « longue traîne », à ces produits minoritaires, grâce au commerce électronique. Cela s'est moins vu au Canada et cela tient peut-être en partie, mais non en totalité, à la difficulté de faire des paiements électroniques au moyen de cartes de débit au Canada, mode qui demeure une source dominante de paiements parce que les commerçants préfèrent ce genre de système. Je n'écarte pas l'idée qu'il soit possible de créer un mécanisme de paiement moins coûteux qui serait utilisable en ligne, mais les chances que ce mécanisme apparaisse augmenteront si on permet la libre concurrence au lieu de la faire diminuer.

Le président : Merci. La sénatrice Ringuette a demandé à faire une brève mise au point avant la fin de la séance. Je voudrais savoir si c'est une clarification qui porte sur vos propos.

La sénatrice Ringuette : Non, il s'agit d'une précision qui concerne l'étude qui a été présentée au cours de la séance.

Le président : Nous verrons à ce que tous ceux qui sont présents reçoivent un exemplaire de ce texte.

La sénatrice Ringuette : J'attire leur attention sur la page 24, où il est dit que toutes les données utilisées pour réaliser l'étude sont extraites des transactions de MasterCard.

Le président : Il en sera pris note.

Le sénateur Massicotte : Le témoin hoche la tête. Il a probablement quelque chose à dire.

Le président : Avez-vous une réflexion à faire à ce sujet? Je vous en prie.

M. Morris : Une simple précision. Ce ne sont pas toutes les données de l'étude qui sont venues de MasterCard. L'entreprise nous a remis une série de données qui nous ont permis d'estimer le taux de transmission des coûts et avantages. Ce sont les seules données que nous avons reçues et avons pu utiliser pour évaluer la mesure dans laquelle le consommateur a profité de l'amendement Durbin. Toutes les autres données étaient du domaine public.

Le président : Merci de cette précision au sujet de la mise au point.

Au nom des membres du comité, je tiens à remercier chaleureusement les témoins de leur participation à nos travaux. Ils ont été très utiles pour nos délibérations. Merci. La séance est terminée.

(La séance est levée.)


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