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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 16 - Témoignages du 7 octobre 2014


OTTAWA, le mardi 7 octobre 2014

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été soumis le projet de loi S-6, Loi modifiant la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon et la Loi sur les eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut, se réunit aujourd'hui, à 17 h 1, pour procéder à l'examen du projet de loi.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la province de la Colombie-Britannique au Sénat et je suis le président du comité.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux honorables sénateurs, aux membres du public dans la salle et aux téléspectateurs qui nous regardent d'un peu partout au pays. Je rappelle aux téléspectateurs que les audiences du comité sont ouvertes au public et qu'elles sont aussi proposées en webémission sur le site web sen.parl.gc.ca. Vous trouverez de plus amples renseignements sur le calendrier de comparution des témoins sur le même site web sous la rubrique « Comités du Sénat ».

J'aimerais maintenant vous présenter le vice-président du comité, le sénateur Paul Massicotte, du Québec. Je vais demander aux autres sénateurs de se présenter.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, de l'Alberta.

[Français]

La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, de la province du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Black : Douglas Black, de l'Alberta.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Pierre-Hugues Boisvenu, de la province de Québec.

[Traduction]

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

La sénatrice Frum : Linda Frum, de l'Ontario.

Le président : J'aimerais aussi vous présenter les membres de notre équipe, tout d'abord notre greffière, Lynn Gordon, ensuite nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc.

Aujourd'hui, nous poursuivons notre examen du projet de loi S-6, Loi modifiant la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon et la Loi sur les eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut, qui a été déposé au Sénat et lu pour la première fois le 3 juin 2014.

Pour la première partie de notre réunion ce soir, nous sommes heureux d'accueillir à nouveau des hauts fonctionnaires qui ont participé à la préparation du projet de loi. Nous avons donc Tara Shannon, directrice, Politiques en matière de ressource et de programmes, Affaires du Nord, et Janice Traynor, analyste principale, Environnement et ressources renouvelables, Affaires du Nord, toutes deux d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, et Tom Isaac, avocat-conseil principal, du ministère de la Justice.

Je vous remercie sincèrement d'être avec nous ce soir. Vous avez une déclaration liminaire, je crois, et les sénateurs vous poseront ensuite des questions. Je vous cède la parole.

Tara Shannon, directrice, Politiques en matière de ressources et de programmes, Affaires du Nord, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : Merci, monsieur le président, et honorables sénateurs, de me donner cette possibilité de comparaître une fois encore afin de pouvoir vous aider à analyser le projet de loi S-6.

Je vais en profiter pour clarifier certains problèmes que d'autres témoins ont évoqués devant le comité. Concernant la LEESY, je voudrais aborder les points suivants : consultation; délégation de pouvoirs, instructions générales et exemptions par rapport à une nouvelle évaluation. Je voudrais aussi aborder brièvement deux points concernant la partie 2 du projet de loi relatif à la Loi sur les eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut, soit la détermination de la « fin d'un projet » relativement à un permis d'utilisation des eaux ainsi que la prolongation des délais.

Le ministère est d'avis que les consultations sur le projet de loi S-6 ont satisfait à toutes les obligations légales de consulter qui incombent au Canada. Les Premières Nations du Yukon, le gouvernement du Yukon et l'office d'évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon ont reçu plusieurs versions successives des ébauches de propositions et ont eu la possibilité de fournir des commentaires tant écrits que verbaux. Nous avons tenu compte de tous les commentaires et, s'il y avait lieu, nous avons intégré les changements avant de donner des réponses écrites expliquant notre position sur les questions soulevées.

S'il y a eu des désaccords sur certains points, cela ne revient pas à dire que la consultation était insuffisante; nous sommes d'avis que nous avons respecté notre obligation de consulter et avons fait les accommodations nécessaires s'il y avait lieu.

En décembre 2012, à l'issue de l'examen après cinq ans, de l'adoption de la nouvelle LCEE 2012 et de l'annonce du Plan d'action visant à améliorer les régimes de réglementation dans le Nord, le gouvernement du Yukon a suggéré des modifications supplémentaires à la LEESY afin d'assurer la cohérence entre les différents régimes, y compris l'instruction générale et l'autorisation de déléguer des pouvoirs au ministre territorial. Ces modifications n'ont pas été abordées dans le cadre de l'examen après cinq ans, mais Affaires autochtones et Développement du Nord Canada a bel et bien consulté les Premières Nations du Yukon à leur sujet en 2013 et 2014.

Le comité a entendu les Premières Nations du Yukon dire qu'autoriser le ministre à adresser une instruction générale à l'office d'évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon est contraire à la nature tripartite et à l'esprit de l'Accord-cadre définitif, lequel est à la base de la LEESY. S'il est vrai que la loi autoriserait le ministre à fournir une instruction générale après consultation de l'office, une telle instruction générale ne saperait pas son indépendance, puisqu'elle ne peut porter sur tout examen en cours ou achevé.

Je tiens à bien souligner que le fait d'autoriser le ministre à fournir une instruction générale ne retirerait aucun pouvoir à l'office. L'office pourra continuer à exécuter les fonctions liées à son mandat, c'est-à-dire faire fonction d'organisme consultatif qui mène des examens et formule des recommandations aux décisionnaires, lesquels peuvent ensuite accepter les recommandations de l'office, les rejeter ou les modifier.

Toute instruction générale envoyée doit être conforme à la fois à la loi et aux ententes sur les revendications territoriales au Yukon. Comme l'a souligné le ministre Valcourt dans son témoignage devant le comité, l'article 4 de la loi prescrit que :

Les dispositions de tout accord définitif l'emportent sur les dispositions incompatibles de la présente loi.

Permettez-moi de donner le contexte de l'application de l'instruction générale : à ce jour, ce pouvoir a été exercé à quatre reprises sous le régime de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie dans les Territoires du Nord-Ouest. Chaque fois, l'instruction générale a été donnée à l'office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie de communiquer les attentes, à la lumière d'ententes sur des mesures transitoires avec les Premières Nations. Comme la preuve en a été donnée dans les Territoires du Nord-Ouest, une instruction générale peut clarifier les choses à la fois pour les offices, le gouvernement et les groupes autochtones.

Sur la question de la délégation, les modifications proposées à la LEESY autoriseraient le ministre à déléguer la totalité ou une partie de ses attributions au ministre territorial. La délégation ne modifierait en rien le cadre de cogestion établi dans l'Accord-cadre définitif. Elle va aussi dans le sens des objectifs du transfert des responsabilités, soit rapprocher les pouvoirs décisionnels du lieu où ils s'exercent.

Je le répète, toute délégation doit être conforme aux ententes sur les revendications territoriales actuelles, et le ministre fédéral doit en fournir un avis par écrit aux Premières Nations. Si, en vertu de la common law, une délégation proposée nécessitait une consultation avec les groupes autochtones, il est bien entendu qu'une telle consultation aurait lieu. Comme l'a fait observer le ministre durant sa comparution, aucune délégation n'est envisagée pour l'instant. J'ajoute que les domaines possibles de délégation sont peu nombreux, et que, comme nous l'avons dit clairement au cours des consultations, les instructions générales et les nominations à l'office ne seraient pas déléguées pour l'instant.

Des réserves ont également été exprimées au sujet de la clause 14, qui crée le nouveau paragraphe 49.1(1), soit la disposition voulant que des projets ne subissent une nouvelle évaluation en cas de renouvellement ou de modification que si, de l'avis du décisionnaire, le projet original a subi des changements importants. Il semble que certains y voyaient une question d'établissement de la portée temporelle, qui peut être tranchée par les politiques de l'office d'évaluation environnementale et socio-économique du Yukon. En fait, cette modification n'est pas en lien direct avec les pratiques d'établissement de la portée temporelle par l'office, même si elle est conforme à la notion que l'office pourrait établir la portée d'un projet de manière qu'il dépasse la durée d'une autorisation, si la situation s'y prêtait.

Cet article a été ajouté parce qu'il s'agit d'une bonne pratique d'évaluation environnementale. Comme il est prévu qu'une telle évaluation ait lieu à l'étape d'élaboration d'un projet, il n'y a aucune raison de procéder à une autre évaluation, à moins de changements importants dans les plans évalués à l'origine.

Cela est conforme à l'Accord-cadre définitif et en particulier, je le souligne, au paragraphe 12.4.1.1 qui précise que « les projets et les modifications apportées aux projets existants » sont assujettis au processus d'évaluation.

On observe des dispositions semblables dans d'autres lois sur l'évaluation environnementale, comme la Loi sur l'aménagement du territoire et l'évaluation des projets au Nunavut, que connaît bien le comité je crois, et le règlement d'application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale de 2012.

À la partie 2 du projet de loi, des changements autoriseraient entre autres l'office des eaux du Nunavut à délivrer, à sa discrétion, des permis d'utilisation des eaux de type A pour la durée utile du projet. Des questions ont été posées concernant la façon dont la fin d'un projet serait déterminée. Précisons donc que l'office procéderait au cas par cas. En collaboration avec ses partenaires, l'office pourrait établir les critères qu'il appliquerait à cet effet.

Je voudrais aussi clarifier en quelques mots la question de la prolongation des délais, puisque ce que propose le projet de loi a été mal compris. La Chambre des mines des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut a proposé que les modifications donnent à l'office des eaux du Nunavut le pouvoir de prolonger de 60 jours la durée d'un permis d'utilisation des eaux. Mais la disposition qui figure en fait dans le projet de loi S-6 autorise le ministre à prolonger le délai accordé à l'office pour réexaminer une demande de permis, et non la durée du permis lui-même. Cette disposition ne change en rien le pouvoir d'accorder des prolongations à la durée des permis d'utilisation des eaux prévue actuellement dans la loi.

Merci, monsieur le président. Mes collègues et moi serons heureux de répondre à toute question du comité.

Le président : Merci beaucoup de ces notes éclairantes. Je vais demander au vice-président du comité de commencer.

Le sénateur Massicotte : Merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Votre exposé était important, car comme vous le savez, nous avons des Premières Nations qui sont d'avis que le projet de loi va à l'encontre de leurs droits issus de traités et constitue un affront à l'accord existant. Il est clair dans votre esprit, selon votre interprétation de l'article 4 de la LEESY, que toutes les modifications proposées demeurent assujetties à l'article 4, ce qui veut dire clairement que s'il y a conflit entre les droits issus de traités et le projet de loi, même avec les modifications proposées, les droits issus de traités auront toujours prédominance sur la loi. Ai-je bien compris?

Mme Shannon : Oui, c'est exact. C'est notre interprétation.

Le sénateur Massicotte : C'est un élément très important pour eux. Comme vous le savez, on nous menaçait de poursuites si le projet de loi était adopté.

Cela étant dit, l'autre point qui a été soulevé, et cela les ont déçues, c'est que dans leur esprit elles doivent être consultées et accommodées. Elles ont soulevé deux points, qui ont été confirmés par d'autres témoins, au sujet de deux modifications à la loi, l'une concernant les pouvoirs de délégation, et l'autre, le pouvoir du ministre de donner des instructions générales. Cela n'avait pas fait partie des délibérations du comité spécial. Les Premières Nations y voyaient une mesure autoritaire du ministre qui arrivait comme un cheveu sur la soupe.

Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous avez choisi cette option et pourquoi elle a été incluse après le processus?

Mme Shannon : Bien sûr. Comme les membres du comité le savent, les modifications proposées dans le projet de loi sont le fruit, en fait, de deux processus interreliés. Premièrement, il y a eu l'examen quinquennal entrepris par le gouvernement du Canada, le gouvernement du Yukon et les Premières Nations du Yukon. Deuxièmement, après cet examen, le gouvernement du Canada a mis en place le Plan d'action visant à améliorer les régimes de réglementation dans le Nord afin d'harmoniser ces régimes avec ceux du reste du pays, c'est-à-dire de les harmoniser avec ceux au sud du 60e parallèle à la suite des modifications apportées à la LCEE de 2012.

Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, dans la foulée des modifications apportées à la LCEE en 2012 et l'annonce de l'élargissement du plan d'action, le gouvernement du Yukon nous a soumis des propositions concernant notamment les instructions générales et la délégation de pouvoirs.

Nous les avons examinées et à notre point de vue, elles étaient conformes à ce que l'on trouve dans d'autres régimes de réglementation dans le Nord. Dans la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, par exemple, le ministre peut donner des instructions générales à tous les offices. On y trouve également une disposition qui autorise le ministre fédéral à déléguer des pouvoirs au ministre territorial. Nous avons proposé ces modifications dans le cadre du processus de consultations sur les modifications à apporter à la loi. Cela ne faisait pas partie de l'examen quinquennal, mais cela a fait partie des consultations considérables, à notre sens, qui ont été menées sur les modifications à apporter à la loi à la suite de l'examen quinquennal et de l'annonce du plan d'action.

Le sénateur Massicotte : Je veux qu'on soit clair. Après un examen de cinq ans sur la façon de modifier la loi existante, deux modifications supplémentaires ont été envisagées, sans doute avec raison. Par pure courtoisie, avez- vous appelé les Premières Nations pour leur dire : « Nous avons discuté pendant cinq ans, mais nous voulons maintenant, et c'est ce que nous allons faire, ajouter deux autres éléments dans le projet de loi ». Est-ce que vous avez fait cela et quelle a été leur réponse?

Mme Shannon : Nous avons soumis aux Premières Nations un avant-projet de loi qui comprenait des dispositions sur la délégation et les instructions générales. Nous avons mis en place un groupe de travail avec les Premières Nations. Le gouvernement du Yukon en faisait partie. Nous leur avons soumis ces modifications pour commentaires. Les Premières Nations nous ont répondu qu'elles n'approuvaient ni l'une ni l'autre de ces modifications. Toutefois, on ne nous a pas expliqué en quoi les modifications proposées étaient incompatibles avec leurs droits ancestraux ou issus de traités.

Le sénateur Massicotte : Au sujet de la délégation, vous avez indiqué clairement dans votre exposé qu'il n'est pas prévu pour l'instant de déléguer les nominations à l'office. « Pour l'instant », cela peut vouloir dire un jour, une heure, un mois ou une année. Cela veut dire que vous aurez le pouvoir de le faire lorsque le projet de loi sera adopté. Comment le projet de loi fonctionnerait-il si vous déléguiez vos pouvoirs au gouvernement local? Comment l'office fonctionnerait-il, étant donné que les Premières Nations ne sont pas tout à fait majoritaires? Pourriez-vous nous dire quel effet cela aurait sur la composition de l'office? Quelles en seraient les conséquences pour les Premières Nations et pourquoi les inquiétudes des Premières Nations ne seraient-elles pas valables dans ce cas à votre avis?

Mme Shannon : Nous répondrons que cela ne changerait pas la composition de l'office, puisque les Premières Nations du Yukon continueraient d'avoir le droit de proposer quatre candidats. Le gouvernement du Canada et celui du Yukon auraient le droit d'en proposer trois.

Le sénateur Massicotte : Est-ce sept en tout?

Mme Shannon : Oui.

Le sénateur Massicotte : Je pensais que les Premières Nations avaient un peu moins de la moitié des candidats. Vous dites qu'ils ont la majorité des candidats? Je croyais que c'était trois et non quatre.

Mme Shannon : Désolée, c'est l'inverse. Les Premières Nations conserveraient leurs trois candidats, le gouvernement du Yukon en aurait un, et le gouvernement du Canada en aurait deux, plus la présidence.

Le sénateur Massicotte : Pourriez-vous répéter le tout, s'il vous plaît? Ne serait-ce pas trois pour le territoire, un pour le fédéral, et trois pour les Premières Nations?

Tom Isaac, avocat-conseil principal, ministère de la Justice Canada : C'est cela.

Mme Shannon : C'est exact.

Le sénateur Massicotte : Ainsi, le gouvernement fédéral joue essentiellement un rôle d'arbitre. Si vous déléguez le pouvoir de nomination à l'office au gouvernement territorial, cela voudrait dire quatre sièges pour le territoire et trois pour les Premières Nations. On peut facilement comprendre pourquoi cela les irrite.

Mme Shannon : La délégation s'appliquerait au pouvoir de proposer des candidats et de les nommer. Le Canada conserverait le pouvoir de proposer ou de nommer une personne au sein de l'office.

Le sénateur Massicotte : Je comprends cela. Mais si on délègue ce pouvoir de nomination, cela pourrait être pour 5 ou 20 ans. Au bout du compte, le territoire aura quatre membres et les Premières Nations en auront trois. Je comprends pourquoi les Premières Nations y voient un problème.

M. Isaac : Monsieur le président, j'aimerais ajouter que l'Accord sur les revendications territoriales exige que quatre membres représentent le gouvernement, essentiellement, et que trois membres représentent les Premières Nations. Cet équilibre, qui a été établi dans l'Accord sur les revendications territoriales, ne changera pas. La composition du côté gouvernemental changerait si nous déléguions à un gouvernement territorial le pouvoir de désigner et le pouvoir de nommer. L'équilibre établi entre le gouvernement et les Premières Nations ne change pas.

Le sénateur Massicotte : Plutôt que d'être deux gouvernements et les Premières Nations. J'imagine qu'ils auront un intérêt unifié. Je vais permettre à d'autres personnes de poser des questions. J'interviendrai de nouveau si nous avons le temps.

La sénatrice Seidman : J'aimerais poser une autre question sur la délégation de pouvoirs, si vous me le permettez. J'aimerais obtenir des précisions parce que, madame Shannon vous avez dit que les domaines possibles de délégation sont peu nombreux. J'aimerais savoir quels pouvoirs pourraient être délégués et dans quelle circonstance cela pourrait se faire.

Mme Shannon : Il s'agit seulement des pouvoirs détenus par le ministre fédéral et, dans ce cas-ci, il s'agit du ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord canadien. Cela ne comprend pas, par exemple, la délégation de pouvoirs détenus par d'autres ministres, disons le ministre de l'Environnement.

Les attributions qui peuvent être déléguées sont celles qui concernent la nomination des membres du conseil et la capacité de donner des instructions générales — aux termes de la loi, ce sont seulement des attributions du ministre fédéral —; le pouvoir de proroger les délais sauf quand il s'agit du gouverneur en conseil, puisqu'il s'agit là du cabinet et que cela ne pourrait être délégué; les pouvoirs en matière d'évaluation environnementale, donc le pouvoir de demander l'évaluation d'une activité acceptée ou alors d'un projet nouveau ou existant dans un nombre limité de cas, et cela serait quand le ministre est un décisionnaire; le pouvoir de renouveler ou de modifier une autorisation sans effectuer de nouvelle évaluation, là où il ne s'agit pas de changements importants, ce qui est lié au nouvel article 49.1; et le pouvoir de demander ou d'approuver l'examen d'un plan, d'études ou des recherches menées par le comité exécutif.

Par ailleurs, il y a les deux pouvoirs que détient notre ministre concernant les groupes de discussions mixtes et les projets transfrontaliers, c'est-à-dire le pouvoir d'approuver une entente visant à coordonner l'examen d'un projet transfrontalier et le pouvoir de demander l'examen d'une activité menée à l'extérieur du Yukon, qui pourrait avoir des répercussions négatives importantes au Yukon.

Le sénateur Black : Monsieur Isaac, j'aimerais vous poser une question. Elle n'est pas liée directement au témoignage de Mme Shannon. J'aimerais savoir quelles seraient, à votre avis, les répercussions de tout litige engagé par l'une ou l'autre des bandes autochtones, comme elles ont promis de le faire ici dans leurs témoignages. Si les bandes obtenaient gain de cause, quelles seraient les répercussions sur ces modifications?

M. Isaac : À mon avis, dans son libellé actuel, le projet de loi est conforme à la loi, et toute contestation judiciaire échouerait. Je ne crois donc pas que cela ferait obstacle à l'adoption de ce projet de loi.

Le sénateur Black : Vous ne vous attendriez pas à des ordonnances d'injonction ou, si vous vous y attendiez, vous ne pensez pas qu'elles auraient gain de cause?

M. Isaac : C'est exact. Je ne peux pas avancer d'hypothèse quant aux litiges que les bandes pourraient soulever, mais nous sommes d'avis que le projet de loi est conforme à la loi et que toute contestation judiciaire échouerait.

Le sénateur Mitchell : Merci pour l'exposé. En fait, il est très bien argumenté. Si vous n'êtes pas un avocat, vous devriez l'être. Toutefois, j'aimerais obtenir plus de précisions concernant la délégation des pouvoirs du ministre ou sa capacité de garder son pouvoir en matière d'instructions générales. Ma première question est la suivante : si le ministre ne gardait pas ce pouvoir, celui-ci serait délégué au ministre des Territoires du Nord-Ouest de toute manière, n'est-ce pas? Quelqu'un va devoir détenir ce pouvoir et si ce transfert n'était pas prévu dans le projet de loi, le ministre fédéral le détiendrait de toute manière. Est-ce que cela ne reproduit ou ne renforce pas tout simplement ce qui existe justement à l'heure actuelle?

Mme Shannon : À l'heure actuelle, la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon, la LEESY, ne comprend pas d'instructions générales, alors ce projet de loi introduirait des instructions générales et permettrait au ministre de donner les instructions générales exécutoires à l'office d'évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon. Comme je l'ai dit, cela est conforme aux dispositions relatives aux instructions générales que l'on trouve dans les Territoires du Nord-Ouest. Vous avez raison de dire que si ce pouvoir n'est pas délégué, il continuera d'être détenu par notre ministre, et que ce pouvoir est seulement exercé s'il adresse une instruction générale obligatoire à l'office. J'aimerais également faire remarquer que, avant de fournir une instruction générale, la loi exige que le ministre consulte l'office d'évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon.

Le sénateur Mitchell : Vous avez dressé la liste d'un certain nombre de catégories de pouvoirs qui peuvent être délégués, ce qui a été très utile. Vous avez mentionné le fait que le pouvoir d'instruction générale a été exercé à quatre reprises, je crois, dans le cas de la Loi sur la gestion des ressources de la Vallée du Mackenzie. Pourriez-vous nous donner un exemple précis du genre d'instruction générale que le ministre a exercé, plutôt que seulement une catégorie; serait-il possible de faire cela?

Mme Shannon : Oui. J'ai trois exemples devant les yeux.

Le ministre a fourni une instruction générale pour exiger que l'on donne avis aux Denesulines du Manitoba et de la Saskatchewan concernant les permis dans une région donnée. Ces groupes ont des revendications transfrontalières dans les Territoires du Nord-Ouest. Cette instruction disait en fait qu'il faut tenir compte des droits autochtones établis de ces groupes.

Le ministre a aussi adressé une instruction à l'office concernant ses obligations aux termes de l'Entente sur les mesures provisoires des Premières Nations du Deh Cho. Encore une fois, il s'agit d'un groupe autochtone qui n'a pas de règlement de revendications territoriales, donc l'instruction visait à préciser les obligations à respecter dans le cadre d'une entente sur des mesures provisoires, notamment celle de les consulter.

De la même manière, une instruction a été donnée pour veiller à ce que l'office assume ses fonctions et ses responsabilités en collaboration avec la Première Nation dénées de l'Akaitcho, qui est également une Première Nation sans règlement de revendications territoriales dans les Territoires du Nord-Ouest.

J'ai parlé de quatre cas, et je tiens à préciser que, dans le cas des Denesulines du Manitoba et de la Saskatchewan, étant donné qu'il s'agit de deux groupes transfrontaliers séparés, deux instructions générales auraient été adressées.

Le sénateur Mitchell : En réalité, dans chacun de ces trois ou quatre cas, les instructions du ministre défendaient les droits des Autochtones?

Mme Shannon : Oui, c'est exact.

Le sénateur Mitchell : Vous avez peut-être aussi parlé de ceci et que je l'ai tout simplement manqué. Si c'est le cas, veuillez m'en excuser. L'examen a généré 76 recommandations et, si j'ai bien compris, 73 d'entre elles ont été accueillies favorablement. D'une manière ou d'une autre, trois d'entre elles ne l'ont pas été, et nous en avons la liste. Vous avez probablement cette liste à portée de main.

Mme Shannon : Oui.

Le sénateur Mitchell : Pourriez-vous nous parler brièvement de ces trois recommandations et des problèmes qu'elles présentent, pour que nous puissions comprendre un peu quelles sont les conséquences de leur exclusion?

Mme Shannon : Bien sûr. Une des recommandations, c'était que les parties modifient la LEESY de manière à ce qu'elle fasse l'objet d'examens réguliers aux cinq ans. À l'époque, la position du gouvernement du Canada, c'était qu'il valait mieux ne pas exiger des examens réguliers aux cinq ans étant donné qu'une loi peut être examinée n'importe quand. Il a aussi fait valoir que, d'une certaine manière, le fait d'avoir une exigence réglementaire pourrait éliminer la possibilité de procéder à un examen plus tôt, si jamais on déterminait que ce serait utile.

Il y a eu des recommandations concernant le financement. Une recommandation demandait que l'on entreprenne un examen exhaustif du financement aux gouvernements pour qu'ils participent au processus de la LEESY. À ce moment- là, nous ne pouvions pas nous engager à augmenter le financement. Un financement est accordé aux Premières Nations pour qu'elles puissent participer au processus de la LEESY chaque année, et le montant accordé est révisé lorsque c'est nécessaire.

L'autre recommandation, c'était que les parties créent un forum pour leur permettre de travailler ensemble et d'élaborer des façons d'accroître la participation des Premières Nations pendant l'étape de la prise de décisions. Nous avons répondu que la loi, qui est basée sur l'accord, définit clairement les rôles et les responsabilités de chaque partie — soit le Gouvernement du Canada, le Gouvernement du Yukon et les Premières Nations — et que, par conséquent, d'autres modifications ou processus n'étaient pas nécessaires.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : J'aimerais d'abord vous remercier pour les renseignements que vous nous donnez, surtout relativement à la consultation, élément qui avait ressorti des témoignages de nos frères autochtones. Cette question me chicotait un peu. Je crois que vous avez bien cerné la façon dont ont eu lieu les consultations, et je vous en remercie.

Selon votre perception — du moins, c'est la mienne —, il semble que le désaccord avec les communautés autochtones soit lié à la délégation. Les gens trouvaient que, en déléguant à un gouvernement régional, provincial ou territorial, le niveau de satisfaction était plutôt mitigé. Ils auraient aimé que la délégation se rende presque au niveau des communautés autochtones.

Ce sujet a-t-il été abordé lors des consultations? A-t-on expliqué à ces gens l'importance de déléguer, à la première phase, au niveau régional, quitte à ce que la région procède ensuite à une redélégation? Le problème du niveau de délégation a-t-il été discuté?

[Traduction]

Mme Shannon : Je dirais que les consultations ont surtout été axées sur la délégation au gouvernement du Yukon — l'opposition à la notion.

Il faudrait que je revoie mes notes. Je crois que certains groupes ont peut-être recommandé de déléguer directement aux Premières Nations, ou ont demandé pourquoi ne pas faire cela. Tout au long des consultations, nous leur avons expliqué que toute délégation devra être conforme aux principes du transfert des responsabilités. Les conversations ont été axées sur la nature très limitée des pouvoirs de délégation et sur la comparaison de ces pouvoirs avec ceux des Territoires du Nord-Ouest, où des dispositions similaires existent. Notre ministre a pu déléguer des pouvoirs de délégation plus vastes.

Nous avons donc mis l'accent sur les pouvoirs qui pourraient être délégués et ceux qui ne le pourraient pas, dans une tentative de notre part pour décrire plus précisément l'intention ou les intentions possibles qui motiveraient une disposition prévoyant la délégation.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Selon vous, de par votre implication dans le processus de négociation ou de consultation, est- ce un irritant qui peut représenter une contrainte majeure à la réussite de l'application de la loi, ou restera-t-il des exercices de « concertation » à faire avec les communautés pour qu'elles acceptent le niveau de délégation sur lequel le projet de loi fera atterrir les responsabilités?

[Traduction]

Mme Shannon : Personnellement, je ne crois pas que cela devrait faire obstacle à la mise en œuvre des modifications à la loi, étant donné qu'aucune délégation n'est contemplée à l'heure actuelle.

Pour comprendre la position du ministre ou du gouvernement du Canada sur la question de la délégation, il est important de regarder l'approche que le ministre a adoptée récemment dans les Territoires du Nord-Ouest. Il aurait pu déléguer les pouvoirs en matière d'instruction générale et de nomination des membres du conseil, mais il ne l'a pas fait. D'ailleurs cela a été souligné à de nombreuses reprises tout au long du processus de consultation.

La sénatrice Ringuette : Dans votre exposé d'aujourd'hui, vous avez dit — et ma citation est tirée de la page 7 :

Comme il est prévu qu'une telle évaluation ait lieu à l'étape d'élaboration d'un projet, il n'y a aucune raison de procéder à une autre évaluation, à moins de changements importants dans les plans évalués à l'origine.

Qu'entendez-vous par « changements importants »? Qui a le pouvoir de décider s'il s'agit d'un « changement important » ou d'un changement mineur?

Mme Shannon : Je vais me tourner vers le praticien EE qui est à mes côtés. En fait, on détermine s'il s'agit d'un « changement important » en fonction d'un projet et de ce qui avait été évalué au moment de l'évaluation environnementale originale.

La sénatrice Ringuette : Oui, mais qui a le pouvoir de dire qu'il s'agit d'un « changement important » de la proposition de développement?

Mme Shannon : Il appartiendrait à ce que la loi appelle le « décisionnaire ». Un « décisionnaire » est l'autorité responsable ou l'organisme de réglementation.

Étant donné que, à certains moments, plus d'un décisionnaire peut prendre part à un projet, nous avons inclus dans la loi une disposition stipulant que si le projet relève de plus d'un décisionnaire — et les Premières Nations peuvent être des décisionnaires quand le projet concerne leurs terres — les décisionnaires doivent se consulter. Toutefois, un consensus n'est pas exigé. Par conséquent, si un décisionnaire détermine qu'il y a eu des changements importants qui justifient une nouvelle évaluation, une nouvelle évaluation sera effectuée.

La sénatrice Ringuette : Pour toutes les décisions relatives aux projets?

Mme Shannon : Oui. Le projet ferait l'objet une nouvelle évaluation.

La sénatrice Ringuette : Je me souviens qu'un de nos témoins, un représentant de l'office des eaux du Yukon, a dit que, dans un de ces projets, l'exigence en matière d'utilisation de l'eau est passée de cinq à dix ans. La période d'utilisation de l'eau a doublé : s'agit-il d'un « changement important »?

Mme Shannon : Tout dépend du projet et aussi de la décision du décisionnaire.

Un des meilleurs exemples que nous pouvons vous donner est le suivant. Si, dans le cas d'un projet de mine existante, on propose de changer l'emplacement du bassin de décantation, d'après moi, un tel changement serait déterminé comme étant un « changement important ». Dans ce cas-là, le projet serait obligé de faire l'objet d'une nouvelle évaluation.

Le sénateur Wallace : Madame Shannon, une des améliorations réglementaires envisagées par le projet de loi S-6 serait de permettre à des règlements sur le recouvrement des coûts d'être édictés de manière à ce que le recouvrement des coûts soit supporté par les promoteurs. Nous avons entendu des représentants de l'Association canadienne des producteurs pétroliers. Ils nous ont fait part de leurs préoccupations à l'égard de ces dispositions.

Pourriez-vous nous décrire la nature des coûts qui pourraient être recouvrés?

Mme Shannon : Les dispositions constituent le pouvoir de réglementation en matière de recouvrement des coûts.

Les coûts qui seraient recouvrés sont très limités. Les dispositions permettent de recouvrer les frais engagés par l'office pour évaluer une demande, comme les audiences, les déplacements et les services de traduction. Cela ne comprendrait pas les frais engagés au niveau des bureaux désignés, qui, comme vous le savez, constituent le niveau d'évaluation le plus bas dans le cas du Yukon. À mon avis, depuis que la loi est entrée en vigueur en 2003, plus de 1 800 projets ont été évalués au niveau des bureaux désignés comparativement à sept, au niveau du comité exécutif.

Dans le cadre des consultations que nous avons menées, non seulement au Yukon, mais aussi au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest, nous avons entendu des représentants de l'industrie parler de leurs préoccupations relativement à l'augmentation du coût de faire des affaires dans le Nord. Ils nous ont demandé de ne pas établir de règlements qui seraient un obstacle aux investissements. À cet égard, notre réponse a été de dire que ce n'était pas l'intention du gouvernement du Canada de mettre en œuvre des règlements qui feraient obstacle aux investissements, et que nous allions travailler en étroite collaboration avec l'industrie, les Premières Nations et d'autres intervenants tout au long du processus d'élaboration des règlements pour veiller à ce que le système qui sera mis en place soit dans l'intérêt de tous les intervenants.

Le sénateur Wallace : Est-ce que les frais qui seraient envisagés dans ces règlements comprendraient les frais que l'office pourrait engager pour embaucher des témoins experts?

Mme Shannon : Oui.

Le sénateur Wallace : Les frais encourus par les témoins qui pourraient vouloir comparaître devant l'office, notamment les frais de déplacement et ce genre de choses?

Mme Shannon : Oui. Ce sont des coûts de ce genre qui seraient envisagés.

Le sénateur Wallace : Pourriez-vous nous donner une idée de l'ampleur de ces coûts? Les gens de l'industrie souhaitent minimiser les coûts parce qu'ils exploitent une entreprise, ce que je comprends tout à fait. S'agirait-il de coûts qui pourraient être importants relativement à l'envergure des projets entrepris?

Mme Shannon : Je n'ai pas de données concernant les coûts, mais nous pourrions nous engager à les obtenir. L'ampleur des coûts dépendrait de la taille de l'entreprise qui propose un projet. Si une petite entreprise proposait un grand projet, les coûts associés aux audiences de l'office pourraient être démesurément élevés pour elle, comparativement à une grande entreprise qui proposerait le même genre de projet.

Le sénateur Wallace : De toute évidence, c'est le cas. Certaines entreprises ont plus de ressources financières que d'autres. Compte tenu de mon expérience, je voulais simplement avoir une idée de l'ampleur de ces coûts, quelle que soit la capacité du promoteur de les supporter. Pourriez-vous nous en donner une idée?

Mme Shannon : Je ferais remarquer que le recouvrement des coûts s'applique seulement aux examens, qui constituent le plus haut niveau. Jusqu'à présent, aucun examen n'a été effectué au Yukon. Le coût moyen de mettre en place une commission d'examen dans le Nord va de 500 000 $ à 2 millions de dollars par projet. La part que les promoteurs seraient tenus de payer serait moins élevée que le coût total, et elle dépendrait de ce qui se trouve dans le règlement.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Isaac, quand vous négociez quoi que ce soit avec qui que ce soit d'autre, les résultats dépendront toujours de votre position de négociation, de votre position de force ou de votre obligation de négocier. Sans entrer dans une grande discussion sur les questions juridiques, quand des représentants des Premières Nations ont comparu devant nous, compte tenu des décisions récentes qui ont été rendues par les tribunaux, ils nous ont dit qu'ils estiment que vous avez l'obligation de les consulter et de tenir compte de leurs préoccupations. Dans votre exposé, vous avez clairement dit que vous avez une obligation en matière de consultation et, si vous acceptez de le faire, en matière d'accommodement relativement à leurs préoccupations. Parlez-moi de ces deux obligations. Les représentants des Premières Nations étaient convaincus d'avoir raison. Pourriez-vous nous parler de cela? De toute évidence, cela aurait déterminé la marge de manœuvre dont vous disposiez pour tenir compte de leurs préoccupations relatives à la délégation et aux instructions générales. Pourriez-vous me dire quelle était votre attitude au moment de les consulter?

M. Isaac : Nous croyons que le processus de consultation que nous avons entrepris dans le cadre de ces amendements correspondait à l'obligation que la Couronne a de consulter les Premières Nations, afin de leur présenter concrètement les mesures que nous avions l'intention de prendre, les motifs qui les justifiaient et le libellé de la mesure législative proposée, de leur donner l'occasion de présenter leurs points de vue à cet égard, de procéder à un examen complet et équitable de ces points de vue et, si nous pensions que ces opinions étaient convaincantes, compte tenu des politiques et des droits des Autochtones, d'apporter les ajustements nécessaires.

Si, au cours de notre analyse, nous parvenions à la conclusion que les ajustements qu'ils proposaient ne respectaient pas nos politiques ou les droits dont ils jouissent et que, par conséquent, ils n'étaient pas nécessaires, nous ne les apportions pas, et nous leur expliquions les raisons pour lesquelles ils n'étaient pas apportés.

Nous ne croyons pas que cette consultation nous oblige légalement à accommoder les Premières Nations. Nous considérons plutôt que le processus de consultation prévoit un moyen raisonnable, concret et équitable de présenter notre proposition, de leur permettre d'exposer leurs opinions à son sujet, d'examiner de bonne foi ces points de vue, et d'apporter des changements lorsqu'ils nous semblent soit appropriés sur le plan politique, soit conformes à leurs revendications territoriales ou leurs droits.

Le sénateur Massicotte : Vous vous rendez compte que les tribunaux ont rendu récemment des décisions qui traitent durement le gouvernement — non seulement le vôtre, mais aussi ceux des dernières décennies — et qui indiquent que les personnes ayant mené ces consultations n'étaient pas vraiment à l'écoute. Les consultations ont un caractère paternaliste et sont menées par des personnes qui ont le pouvoir de dire oui ou non. Affirmez-vous que, dans le cas présent, nous avons changé notre attitude et que nous avons activement tenté d'accommoder les Premières Nations, mais que leurs arguments n'avaient pas de sens?

M. Isaac : Je ne dirais pas qu'ils n'avaient pas de sens, mais je dirais que, selon nous, les mesures que nous présentions et le raisonnement sur lesquelles elles reposaient cadraient avec les revendications territoriales et nos tentatives d'améliorer la mesure législative. Lorsque les Premières Nations n'étaient pas d'accord avec nous, nous étions d'avis que soit leur désaccord n'était pas fondé sur une décision politique valable, soit leur point de vue était incorrect puisqu'il ne respectait pas l'entente sur les revendications. Nous avons minutieusement noté toutes les propositions que les Premières Nations nous ont présentées, et nous les avons sérieusement prises en considération. Nous les avons accommodées dans certains cas, mais ne l'avons pas fait dans d'autres. Et, lorsque nous refusions de le faire, nous leur expliquions notre raisonnement.

Le président : Je vous remercie d'avoir répondu à toutes nos questions. Vous avez très bien répondu à chacune d'elles.

Chers sénateurs, nous avons entendu divers témoins parler de la mesure législative proposée, et nous avons reçu un certain nombre de mémoires. Nous sommes maintenant parvenus à l'étape où nous devons passer en revue le projet de loi article par article.

Avant de commencer, je rappelle à tous les honorables sénateurs assis à la table de demander des précisions si, à un moment ou à un autre, ils ne savent pas avec certitude à quel stade du processus nous en sommes. Notre talentueuse greffière et moi, le président du comité, ferons tout en notre pouvoir pour nous assurer que tous les sénateurs qui souhaitent prendre la parole ont l'occasion de le faire. Cependant, pour ce faire, je devrai compter sur votre collaboration. Je demanderai à chacun de vous d'être aussi concis et brefs que possible. Enfin, je souhaite rappeler aux sénateurs que, si jamais le résultat d'un vote oral ou à main levée semble incertain, la façon la plus propre de procéder est de demander un vote par appel nominal, qui donne des résultats clairs. Les sénateurs assis à la table ont-ils des questions? Dans la négative, je crois que nous pouvons aller de l'avant.

Plaît-il au comité de procéder à l'étude article par article du projet de loi S-6, Loi modifiant la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon et la Loi sur les eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut?

Des voix : D'accord.

Le président : La proposition est adoptée.

L'étude du titre est-elle réservée?

Des voix : D'accord.

Le président : La proposition est adoptée.

L'étude de l'article 1, le titre abrégé, est-elle réservée?

Des voix : D'accord.

Le président : La proposition est adoptée.

Pour gagner du temps, je demande aux membres s'ils consentent à grouper les articles du projet de loi en fonction des parties du projet de loi où elles se trouvent.

Des voix : D'accord.

Le président : Dans l'affirmative, j'annoncerai soigneusement les articles qui font partie du groupe que nous examinons. D'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : La proposition est adoptée.

La partie 1 du projet de loi, qui traite des modifications à apporter à la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon et qui comprend les pages 1 à 17 et les articles 2 à 40, est-elle adoptée?

Des voix : D'accord.

Le président : La partie 1 est adoptée.

La partie 2 du projet de loi, qui traite des modifications à apporter à la Loi sur les eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut et qui comprend les pages 17 à 29 et les articles 41 à 55, est-elle adoptée?

Des voix : D'accord.

Le président : La partie 2 est adoptée.

L'entrée en vigueur, indiquée à l'article 56, est-elle adoptée?

Des voix : D'accord.

Le président : L'entrée en vigueur est adoptée.

L'article 1, le titre abrégé, est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 1 est adopté.

Le titre du projet de loi est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Le titre du projet de loi est adopté.

Le projet de loi est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Le projet de loi est adopté.

J'ai préparé des observations que j'aimerais lire afin qu'elles figurent dans le compte rendu et qu'elles soient annexées au projet de loi. Nous allons les distribuer. Les observations sont imprimées en anglais et en français, mais je lirai, pour le compte rendu, la version anglaise :

The committee notes the concerns raised around the issue of delegation of authority and urges the government to ensure that any delegation of authority to the territorial government be in keeping with the Umbrella Final Agreement signed with the Yukon First Nations.

Aimeriez-vous que les observations soient également lues en français?

Le sénateur Massicotte : Je peux m'acquitter de cette tâche, si vous le voulez.

Le président : C'est la raison pour laquelle vous êtes payé.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Le comité prend acte des préoccupations liées à la délégation d'attribution et il recommande au gouvernement de veiller à ce que toute délégation d'attribution au gouvernement territorial soit conforme à l'accord-cadre définitif conclu avec les Premières Nations du Yukon.

[Traduction]

Le président : Les membres du comité souhaitent-ils discuter de ces observations? Désirent-ils envisager de les annexer au rapport?

Le sénateur Black : D'accord.

Le président : La proposition est adoptée.

Plaît-il au comité que je fasse rapport du projet de loi et des observations annexées au Sénat?

Des voix : D'accord.

Le président : La proposition est adoptée.

J'ai maintenant la permission de lever la séance. Merci beaucoup.

(La séance est levée.)


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