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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 25 - Témoignages du 10 mars 2015


OTTAWA, le mardi 10 mars 2015

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-40, Loi concernant le parc urbain national de la Rouge, se réunit aujourd'hui, à 17 h 3, pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la province de la Colombie-Britannique au Sénat et je préside le comité.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux honorables sénateurs, aux membres du public qui sont présents dans la salle, ainsi qu'aux téléspectateurs de partout au pays. Je rappelle à ceux qui suivent nos délibérations que les séances du comité sont ouvertes au public et qu'elles peuvent être visionnées sur le Web, à l'adresse sen.parl.gc.ca. Vous trouverez de plus amples renseignements sur l'horaire des témoins à la section « Comités du Sénat ».

Honorables sénateurs, le sénateur Enverga m'a remis une déclaration écrite d'intérêt privé à l'égard du projet de loi C-40, Loi concernant le parc urbain national de la Rouge. Conformément à l'article 15-7 du Règlement, cette déclaration sera consignée au procès-verbal des délibérations du comité. Si l'un de vous souhaite la consulter, vous pouvez communiquer avec la greffière.

Le sénateur Eggleton : C'est le parrain du projet de loi. Est-ce que cela change son statut?

Le président : Il n'est plus le parrain du projet de loi.

Le sénateur Eggleton : Qui est le parrain du projet de loi?

Le président : La sénatrice Eaton.

Le sénateur Eggleton : D'accord.

Le président : Je demanderais aux sénateurs assis à la table de se présenter. Je vais d'abord présenter le vice-président, le sénateur Paul Massicotte, du Québec.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Sibbeston : Nick Sibbeston, Territoires du Nord-Ouest.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le sénateur Black : Doug Black, Alberta.

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, Ontario.

Le président : J'aimerais présenter également les membres de notre personnel, en commençant par la greffière, Lynn Gordon, et notre analyste de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks.

Le projet de loi C-40, Loi concernant le parc urbain national de la Rouge a été présenté au nom de la ministre de l'Environnement à la Chambre des communes le 13 juin 2014. Il a été adopté par la Chambre des communes le 26 janvier 2015, et à la suite de la deuxième lecture au Sénat, il a été renvoyé à notre comité le 19 février.

J'ai le plaisir d'accueillir les témoins suivants qui comparaissent aujourd'hui : Ian Buchanan, gestionnaire des Services du patrimoine naturel et de la foresterie pour la Municipalité régionale de York; Éric Hébert-Daly et Alison Woodley, respectivement directeur et directrice nationale du Programme des parcs de la Société pour la nature et les parcs du Canada; ainsi que Jim Robb, directeur général des Friends of the Rouge Watershed.

Je remercie tout un chacun d'être ici. Monsieur Buchanan, vous pouvez commencer, vous serez suivi de M. Éric Hébert-Daly et de Mme Woodley, puis de M. Robb. Nous passerons ensuite à une période de questions. La parole est à vous, monsieur.

Ian Buchanan, gestionnaire, Services du patrimoine naturel et de la foresterie, Municipalité régionale de York : Bonjour et merci, monsieur le président. Honorables sénateurs, c'est pour moi un honneur d'être ici aujourd'hui pour vous présenter le point de vue de la Municipalité régionale de York sur le projet de loi C-40, Loi concernant le parc urbain national de la Rouge.

Je m'appelle Ian Buchanan. Je suis gestionnaire des Services du patrimoine naturel et de la foresterie pour la Municipalité régionale de York, des services qui relèvent de la direction générale de la promotion et de la protection de l'environnement, qui fait partie des Services de l'environnement.

J'aimerais d'abord féliciter le gouvernement du Canada pour son avant-gardisme, son leadership fort et l'innovation dont il fait preuve dans son engagement envers le projet de loi C-40, pour améliorer la gestion d'un parc unique, le premier du genre au Canada, le parc urbain national de la Rouge.

Je travaille comme écologue professionnel dans le bassin hydrographique de la Rouge et la région environnante depuis plus de 25 ans. J'ai travaillé pour le ministère des Ressources naturelles de l'Ontario, dans les régions de York et de Durham, comme écologue, superviseur et chef provincial de la gestion des poissons et de la faune de la RGA. J'ai travaillé pendant des décennies à la restauration du bassin hydrographique de la Rouge et je suis le parc de la Rouge depuis sa création. J'ai également présidé le comité du patrimoine naturel du parc de la Rouge, j'ai participé à la Rouge Park Alliance et je suis le représentant de la région de York à la table de concertation des propriétaires fonciers du parc urbain national de la Rouge.

Ma participation active aux décisions environnementales prises dans ce paysage en voie d'urbanisation me confère une expérience solide des cadres législatifs et politiques existants, des défis environnementaux qui se posent et de toute la complexité de la situation. Je connais également tout le potentiel de protection et de restauration de notre patrimoine naturel riche, dans le parc urbain national de la Rouge et aux alentours.

Le conseil de la région de York appuie depuis longtemps le parc de la Rouge et accueille avec beaucoup d'espoir le projet de loi C-40 et les mesures prises par Parcs Canada pour fonder la gestion du parc sur un modèle intégré de collaboration. Par ces mesures, Parcs Canada fait preuve de leadership environnemental et de sa compréhension approfondie et équilibrée des enjeux complexes qui ont freiné l'avancement du projet de parc par le passé.

Le conseil régional établit quatre priorités pour la création du parc urbain national de la Rouge. La première est de respecter la gestion de la croissance, d'assurer la croissance à long terme de collectivités viables, d'entreprises viables et des possibilités de développement économique.

La deuxième priorité est l'établissement d'infrastructures et la protection des infrastructures existantes et futures nécessaires pour offrir les services essentiels et favoriser une croissance durable.

La troisième priorité est l'agriculture. Trente-huit pour cent des terres de la région de York sont consacrées à l'agriculture. Il est fondamental de protéger l'agriculture et de créer de nouvelles possibilités pour les marchés urbains à proximité.

La quatrième priorité est la durabilité de l'environnement naturel. Soixante-neuf pour cent des terres situées dans la région de York sont visées par le Plan de la ceinture de verdure ou le Plan de conservation de la Moraine d'Oak Ridges, et 58 p. 100 sont régies selon des politiques environnementales ou agricoles restrictives. Il est primordial de protéger et de restaurer les habitats et la connectivité, comme en attestent notre plan officiel régional proactif et les politiques sur l'environnement naturel, de les harmoniser avec notre stratégie de verdissement et d'agir sur le terrain.

Je vais maintenant parler plus particulièrement de l'importance de gérer la croissance et de l'infrastructure pour assurer la viabilité des collectivités et la vitalité économique.

La région du Grand Toronto est celle qui connaît la croissance la plus rapide en Ontario, et on s'attend à ce que sa population atteigne les 8,9 millions d'habitants d'ici 2036. La région de York et nos neuf partenaires municipaux de la région font partie d'une région économique beaucoup plus vaste, où 6 millions de gens travaillent et interviennent; il y a 1,1 million de personnes qui vivent dans la région de York, et j'en fais partie. Selon la Loi de l'Ontario sur les zones de croissance, notre population va atteindre 1,8 million d'habitants d'ici 2041. À l'heure actuelle, presque le tiers des résidents de York habitent à Markham, tout près du parc. Le parc est pour ainsi dire dans la cour arrière de beaucoup de personnes.

Le parc urbain national de la Rouge a été créé dans une zone urbaine existante; 68 p. 100 du parc se trouve dans la région de York. Le parc représente 16 p. 100 des terres de la ville de Markham. Il s'étend du nord du lac Ontario, le long des rives de l'ancien lac Iroquois, dans une large bande qui longe la partie est de la ville de Toronto et de la région de York, jusqu'au sud de la ville de Whitchurch-Stouffville, sur la Moraine d'Oak Ridges.

Cette région revêt une importance stratégique pour l'habitat des poissons et de la faune et la connectivité écologique, mais également pour les zones urbaines et la circulation des biens et services d'est en ouest, qui dépend de l'infrastructure terrestre et souterraine.

En plus de nos investissements dans la restauration du patrimoine naturel, la région a investi des milliards de dollars dans l'infrastructure essentielle. Cela comprend des corridors de transport et le réseau d'eau potable et d'eaux usées, dont le système séparatif de York Durham et le réseau de collecte des eaux usées du sud-est, qui se trouvent sous le parc et à côté. Cette infrastructure et son entretien à long terme sont essentiels à la santé des collectivités, à la vitalité économique et font partie de l'équation pour assurer la durabilité environnementale.

Nous sommes très heureux qu'en plus de mesures de protection de l'environnement naturel, de la culture et de l'agriculture, il y ait des dispositions pour favoriser la croissance et protéger l'infrastructure actuelle et future, des dispositions qui sont bien claires dans le projet de loi C-40 et qu'on retrouve aussi dans le plan concept de 2012 pour le parc urbain national de la Rouge, dans les plans de transfert de terres, dans les protocoles d'entente et dans la dernière version du plan directeur provisoire.

Il est très encourageant que le projet de loi C-40 prévoie des directives claires sur les éléments essentiels. Je pense en particulier aux articles 4 et 6, qui prévoient la création et la gestion du parc, qui reconnaissent son emplacement unique et tiennent compte de ses multiples dimensions, dont le patrimoine naturel et culturel, l'agriculture et la santé des écosystèmes. Nous trouvons que c'est le juste équilibre. Parcs Canada, les municipalités et leurs partenaires s'engagent à protéger et à restaurer l'environnement naturel. La région de York a investi récemment 6,5 millions de dollars dans le parc pour l'aménagement de milieux humides, de prés, de forêts et de sentiers pour rapprocher les gens de la nature.

Les articles 8 à 11 mettent l'accent sur l'importance de la collaboration dans la prise de décisions au sein du comité consultatif et relativement au plan directeur. Les articles 12 et 16 permettent le déboisement et la disposition de terres pour l'entretien et l'aménagement d'infrastructures conformément aux exigences provinciales; aux plans officiels des municipalités; au plan directeur et aux stratégies de services et de transport.

Parcs Canada a fait ses preuves en gestion de l'environnement naturel grâce à son réseau de parcs reconnus dans le monde, à ses sites historiques et aux aires marines de conservation. Il y a maintenant plus de deux ans que Parcs Canada a pris la barre d'un parc à la dérive. Le manque de leadership et de ressources compromettait toute évolution du parc. Parcs Canada a investi des ressources et défini clairement le parc. Le ministère a commencé à bâtir une équipe compétente. Il a tissé des liens forts, a mobilisé les intervenants et s'est bien positionné pour comprendre la complexité des enjeux. Le plan directeur provisoire du parc urbain national de la Rouge présente bien le contexte en plus de proposer des principes, des stratégies et des objectifs rigoureux pour définir, gérer, protéger et restaurer le premier parc urbain national du Canada.

L'automne, la région de York a signé un protocole d'entente au sujet de l'assemblage des terres ciblées par le parc urbain national de la Rouge. La Toronto and Region Conservation Authority, la Municipalité régionale de Durham, la Ville de Markham, la Ville de Toronto et la Ville de Pickering ont toutes signé ce protocole d'entente et souhaitent que ce parc devienne réalité.

Pour terminer, le projet de loi C-40 prescrit des directives claires en plus de jeter des assises législatives solides pour la création du parc; il fixe un objectif de protection environnementale qui n'avait jamais été si fort dans l'histoire de la Rouge. Il favorise la protection et la restauration de l'environnement; il favorise l'agriculture, tout en permettant l'infrastructure et la gestion de la croissance.

Il s'agit d'un projet de loi sensible au contexte urbain, qui privilégie la collaboration et l'intégration. Le parc urbain national de la Rouge présente une occasion unique, et Parcs Canada est en bonne posture pour réaliser son potentiel extraordinaire. La santé des personnes et des collectivités fait partie intégrante de cet écosystème. Le juste équilibre des intérêts est gage de succès pour l'avenir de ce parc urbain unique en son genre, et il est temps pour nous d'aller de l'avant avec ce projet.

Éric Hébert-Daly, directeur, Société pour la nature et les parcs du Canada : Bonjour. Je vous remercie de me permettre de faire part au comité de nos réflexions sur le projet de loi C-40, Loi concernant le parc urbain national de la Rouge. Je m'appelle Éric Hébert-Daly et je suis directeur exécutif de la SNAP.

Depuis sa création, il y a une cinquantaine d'années, la SNAP a joué un rôle clé dans l'établissement de plus des deux tiers des aires protégées du Canada. Nous avons des sections dans 13 régions du pays, dans presque toutes les provinces et les territoires, dont la Wildlands League, à Toronto, et notre bureau national, à Ottawa. Nous avons plus de 60 000 partisans au pays et nous travaillons en collaboration avec les gouvernements, les membres de l'industrie, les Premières Nations et d'autres, pour conserver le patrimoine naturel du Canada.

Depuis cinq ans, la SNAP s'est réjouie du lancement de plusieurs nouveaux projets de parcs fédéraux, tout particulièrement de la Réserve du parc national Nahanni, en 2009, dont la superficie a sextuplé, et de l'Aire marine nationale de conservation Gwaii Haanas, en Colombie-Britannique, en 2010.

Nous sommes ici aujourd'hui pour discuter d'un type de parc très différent, de la création du premier parc urbain national du Canada dans la région du Grand Toronto. La SNAP appuie l'idée d'un parc urbain national de la Rouge depuis les tout débuts. Nous y voyons une occasion remarquable de mieux protéger une vallée naturelle très spéciale en plein cœur de la plus grande région urbaine du Canada et de rapprocher les gens de la nature.

Permettez-moi également de souligner clairement que la SNAP reconnaît depuis le départ que l'agriculture est et qu'elle restera un aspect important de ce parc. Nous croyons que l'agriculture peut contribuer à la conservation de la nature et que les grands projets de conservation peuvent également contribuer à l'agriculture, que les défenseurs de l'environnement comme nous et les agriculteurs ont un intérêt en commun, celui d'empêcher que ces terres ne fassent l'objet de développement urbain. Nous remarquons souvent que l'occasion de créer ce parc urbain national est attribuable au fait que les agriculteurs et leurs fermes ont gardé le développement urbain à distance et que les groupes communautaires locaux militent pour la protection de la Rouge depuis des dizaines d'années.

À notre avis, les deux plus grandes menaces à la santé écologique à long terme de la Rouge sont l'étalement urbain et le risque que le parc soit si populaire que l'affluence l'étouffe. Les agriculteurs ne sont pas l'ennemi de la conservation de la nature dans la vallée de la Rouge.

Depuis quelques mois, nous écoutons avec intérêt les débats sur le cadre de gestion qui convient au parc de la Rouge. Devrait-il mettre l'accent sur l'intégrité écologique ou la santé des écosystèmes? Nous croyons qu'il y a des arguments valables en faveur des deux modèles et que les deux pourraient fonctionner.

Depuis plusieurs années, Parcs Canada exprime une préférence pour que le parc urbain national de la Rouge soit géré selon un cadre axé sur la santé des écosystèmes plutôt que l'intégrité écologique, afin d'établir une distinction entre les parcs urbains nationaux et les autres parcs nationaux. Dans le but de trouver des solutions, nous avons préparé et soumis des recommandations constructives qui mettent l'accent sur la santé des écosystèmes, des recommandations que nous vous avons soumises pour le compte rendu.

Cependant, la SNAP estime qu'il y a un enjeu beaucoup plus fondamental à prendre en considération dans ce projet de loi. La conservation de la nature doit clairement être la priorité numéro un dans la gestion du parc. C'est l'essence même d'un parc. Il n'y a pas de parc sans conservation. Il y a quelque chose d'autre, peut-être une zone multifonctionnelle, mais les normes et directives internationales sur les aires protégées dictent que la conservation de la nature soit priorisée et que les lois fédérales et provinciales de l'Ontario régissant les parcs et les aires protégées respectent cette norme. Elles pourraient donc et devraient donc être respectées dans la loi concernant le parc de la Rouge aussi. Ce concept est pourtant absent du projet de loi dans sa forme actuelle, qui dicte simplement que le ministre doit tenir compte de la nature, de la flore et de la faune dans la gestion du parc.

Nous recommandons de modifier le projet de loi pour désigner clairement la conservation de la nature l'objectif supérieur de gestion de la Rouge. Ainsi, le libellé du projet de loi respecterait les normes internationales et canadiennes sur les aires protégées. Cet ajout donnerait aux gestionnaires du parc le mandat clair de protéger les valeurs naturelles actuelles et le contexte agricole du parc, ainsi que des outils forts pour les protéger. Cela rendrait Parcs Canada responsable d'améliorer la santé de l'écosystème au fil du temps, sans pour autant donner l'impression qu'il doit ultimement atteindre un objectif d'intégrité écologique total.

Il ne s'agit pas ici de distinguer les gagnants des perdants entre les agriculteurs et les écologistes. Il s'agit de donner aux gens le pouvoir de travailler ensemble en vue d'un objectif commun de protection des valeurs naturelles formidables de cet endroit très spécial, et je pense ici aux gestionnaires du parc, aux agriculteurs, aux membres de la collectivité, aux visiteurs du parc et aux organisations de conservation. Il s'agit de faire ce qu'il faut pour la Rouge et pour tous les autres parcs urbains nationaux qui pourraient éventuellement voir le jour. Il ne faut pas oublier que nous sommes en train de créer un précédent important avec le premier parc urbain national du Canada.

Nous proposons également plusieurs mesures pour renforcer le projet de loi, notamment de prescrire des exigences plus détaillées relativement au plan directeur; d'imposer le dépôt d'un rapport au Parlement sur l'état du parc tous les cinq ans, comme on l'exige pour les autres parcs nationaux, et de resserrer les critères relatifs à l'infrastructure publique. Nous pourrons détailler ces recommandations sur demande.

Bref, la SNAP exhorte les membres du comité à travailler ensemble pour renforcer le projet de loi afin que le parc urbain national de la Rouge protège efficacement ce trésor naturel à long terme, tout en favorisant une collectivité agricole saine et en encourageant les gens à se rapprocher de la nature. La modification la plus importante que vous pourriez apporter à ce projet de loi consisterait à renforcer l'article 6 pour prioriser la conservation de la nature dans la gestion du parc.

Je vous remercie de nous avoir permis de présenter notre point de vue. Je reste à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.

Jim Robb, directeur général, Friends of the Rouge Watershed : Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs. Pendant mon exposé, j'aimerais mentionner quelques éléments, donc j'espère que vous avez tous reçu ce document où figurent la carte et la lettre que nous vous avons écrite. Je vous remercie de me permettre de m'exprimer sur le projet de loi concernant le parc urbain national de la Rouge. Friends of the Rouge Watershed est un organisme à but non lucratif qui rassemble plus de 50 000 jeunes qui fréquentent des écoles de la ville, et qui viennent dans la vallée de la Rouge pour y planter des arbres et des fleurs sauvages, pour aménager des milieux humides et pour comprendre la relation entre les êtres humains et la nature.

Je travaille pour la protection de la Rouge depuis environ 29 ans. J'ai été président bénévole du mouvement Save the Rouge dans les années 1980, quand le premier projet de parc a été déposé à Ottawa. Ma collègue Gloria Reszler est également active dans ce mouvement depuis presque 30 ans, et les Friends of the Rouge Watershed militent bénévolement pour cette cause depuis presque 30 ans aussi.

L'histoire de la Rouge est l'histoire inspirante de l'édification d'une nation. C'est l'histoire de milliers de citoyens participant à des rencontres communautaires, à leur gouvernement régional, local et militant pour un projet merveilleux dans leur communauté.

Mais d'où vient cette possibilité? L'idée a germé dans les années 1970. À l'époque, le gouvernement fédéral et Transports Canada envisageaient un agrandissement substantiel de l'aéroport et cherchaient un autre emplacement à l'est de Toronto pour construire un deuxième aéroport. Il y avait aussi le projet de Mirabel, à Montréal.

Le gouvernement fédéral a donc exproprié environ 76 kilomètres carrés de terres au nord de Markham et de Pickering pour empêcher le développement urbain et éliminer cette possibilité. Le gouvernement fédéral au pouvoir à l'époque était libéral. Pour ne pas être en reste, le gouvernement provincial progressiste-conservateur de Bill Davis a exproprié environ 80 kilomètres carrés de terres.

Si vous regardez la carte que vous avez sous les yeux, les terres en vert qui restent sont des terres provinciales. Elles englobent presque toute la vallée de la Rouge. Elles bordent le lac et se composent essentiellement de terres d'accès public. Ce sont les terres provinciales. Les terres en bleu sont celles qui font partie du parc de la Rouge actuel, mais qui ne figurent pas dans la proposition fédérale.

Au Nord, les terres en vert pâle correspondent à la proposition fédérale d'agrandissement du parc au nord de Markham d'environ 20 kilomètres carrés. Les terres en jaune font partie de la ceinture de verdure provinciale de la Moraine d'Oak Ridges, au nord de Pickering; elles ne font pas partie du projet de parc, mais nous croyons qu'elles devraient en faire partie. Le secteur représenté par des rayures en noir et blanc comprend les terres que le ministre Flaherty avait ciblées afin de les réserver pour le futur aéroport de Pickering.

Nous avons aujourd'hui cette possibilité parce que les gouvernements ont empêché l'étalement urbain jusqu'à ces terres. Autrement, il y aurait déjà du développement urbain là-bas. Tant le gouvernement provincial progressiste-conservateur que le gouvernement libéral fédéral et les communautés sont intervenus à l'époque. Les communautés étaient contre, dont l'une de nos bienfaitrices, Lois James, membre de l'Ordre du Canada, qui est également l'une des bienfaitrices des Friends of the Rouge Watershed. Elle a 91 ans aujourd'hui. Pour protéger ces magnifiques espaces verts et terres agricoles, ils ont bloqué le projet d'aéroport. Il pourrait y avoir un petit aéroport construit là-bas dans l'avenir, mais ce ne sera peut-être pas nécessaire. Chose certaine, cette zone entourée en noir n'est certainement pas nécessaire. Elle comprend 35 kilomètres carrés; l'Aéroport international de Toronto a une superficie de 17,16 kilomètres carrés. L'aéroport de Buttonville, qui serait probablement l'aéroport régional le plus susceptible de devoir être remplacé, fait un peu plus d'un kilomètre carré. Notre proposition de parc de 100 kilomètres carrés n'empêche pas la construction d'un aéroport. Elle vise à protéger toutes les terres publiques de la ceinture de verdure du lac jusqu'à la moraine.

Lorsque les citoyens ont remporté la bataille dans le dossier de l'aéroport, et que le projet a été mis en veilleuse dans les années 1970, le groupe Save the Rouge Valley System s'est formé. Des dizaines, voire des centaines, de milliers de personnes ont assisté à ces réunions au cours des quatre dernières décennies.

Vers la fin des années 1980, je suis venu à Ottawa. Le gouvernement provincial songeait à vendre les terres en vert foncé à des promoteurs. Nous avons demandé au gouvernement Mulroney de nous aider à inciter la province à prendre la bonne décision. Et, surprise, le premier ministre Mulroney, en réponse aux pressions des honorables Pauline Browes, Jean Charest et David Crombie et d'une multitude de gens aux idées progressistes, a convaincu la province d'accepter 10 millions de dollars pour la création d'un parc. Le premier ministre Peterson — du gouvernement provincial libéral — y a réfléchi, a tenu des consultations et, en 1990, a annoncé la création du parc. En 1994, après un processus de planification multilatéral de quatre ans, Bob Rae, le premier ministre néo-démocrate de l'époque, a créé le parc de la Rouge. David Crombie a aidé à mettre tout cela en place.

Entre 1996 et 2001, sous le gouvernement Harris, on a mis au point un plan pour la région au nord de l'avenue Steeles, à la suite d'un processus de consultation auquel ont participé diverses parties prenantes. On a élaboré des politiques et établi un corridor écologique. Il fallait protéger, enrichir et rétablir le patrimoine du parc. L'intégrité écologique était au cœur des objectifs. C'était à l'époque du gouvernement progressiste-conservateur provincial.

En 2001, le premier ministre Mike Harris a annoncé le Plan de conservation de la moraine d'Oak Ridges, qui se trouve en amont de la rivière Rouge. La moraine d'Oak Ridges est représentée par la ligne bleue que vous apercevez sur la carte. Encore une fois, ce plan visait à préserver l'intégrité écologique et hydrologique de l'habitat. Protéger, rétablir et améliorer étaient le mantra de ces plans.

En 2002, David Collenette, du gouvernement fédéral, s'est présenté devant la rivière Rouge et a déclaré — c'était à l'époque du gouvernement Chrétien — que toutes les terres au-dessus de la ligne bleue, les terres en jaune jusqu'à Pickering, les terres en vert jusqu'à Markham ainsi qu'une partie qui relie le parc seraient désormais des espaces verts fédéraux permanents. Les panneaux étaient installés, mais la réglementation n'était pas encore en place.

Ce sont tous des processus de planification. En 2005, le premier ministre McGuinty a présenté le Plan de la ceinture de verdure. Ce plan accordait au parc de la Rouge le statut de parc provincial.

Encore une fois, on a tenu un long processus de consultation. En 2007, on a présenté le plan du bassin hydrographique de la Rouge. Lorsque les gens l'ont examiné la première fois, ils se sont demandé comment la région allait pouvoir se développer davantage. Les gens se disaient : « La région accueille de plus en plus de gens et devra assurément prendre de l'expansion. Toutefois, cette expansion ne sera pas sans causer des problèmes d'inondation et d'érosion. Nous allons polluer le lac, contaminer l'eau potable et détruire les plages. Nous aurons des milliards de dollars de passif ». Ils se sont dit qu'il valait mieux retourner à la case départ. Pour que la région puisse se développer davantage, il faut rétablir et mettre en valeur certaines des terres du parc de la Rouge afin de réduire le ruissellement, améliorer la qualité de l'eau, préserver la qualité de l'eau des Grands Lacs conformément à l'accord international et réduire le passif environnemental. Ce plan a été mis en place en 2007.

Ce plan avait pour objectif de protéger l'intégrité écologique et culturelle du parc. Je crois savoir que le ministre Duguid, du gouvernement provincial, vous a dit — et nous en sommes très heureux —, qu'ils possèdent toutes les terres de la vallée de la Rouge, qu'ils ont presque toutes les terres accessibles au public et qu'ils aimeraient vous les transférer parce qu'ils estiment que le parc national de la Rouge est une excellente idée. On pourrait en faire autant à Vancouver, à Halifax et à Calgary. Cela constitue un formidable précédent, mais nous devons adopter la bonne approche pour consolider la nation. Ne retournons pas 20 ans en arrière. Allons plutôt de l'avant avec ce cadre politique.

Le ministre Duguid s'est adressé au gouvernement fédéral en lui disant qu'il avait signé un protocole d'entente en vertu duquel il devait respecter ou surpasser les politiques provinciales existantes. Cela fait suite au plan de gestion de 1994 mis en œuvre par le premier ministre Rae et amorcé par le premier ministre Peterson; au plan de gestion de 2001 appliqué par le premier ministre Mike Harris alors que Paul Callandra était le chef du cabinet du ministre des Affaires municipales, Steve Gilchrist; l'annonce de 2001 de David Collenette, qui n'a pas été officialisée; ainsi qu'au Plan de la ceinture de verdure de 2005 et au plan du bassin hydrographique de la Rouge de 2007. Le projet de loi C-40 ignore tout simplement ce cadre politique. Comment? Il ne fait aucunement mention des principes fondamentaux de protection, de rétablissement et de mise en valeur du patrimoine.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Admettons que vous avez une compagnie aérienne et que vous souhaitez transporter 50 passagers supplémentaires dans un avion qui en transporte 100. Vous devrez obtenir un permis. Les autorités vous diront que pour faire monter à bord 50 personnes additionnelles, vous devez renforcer les roues, le train d'atterrissage et les ailes, sans quoi l'avion va s'écraser. Dans le cas du bassin hydrographique de la Rouge, étant donné qu'il y a plus de gens qui s'y établissent, il y aura une augmentation du ruissellement en provenance des zones urbaines. Si nous ne faisons pas tout notre possible pour protéger, rétablir et mettre en valeur les terres publiques, nous nous exposerons à des poursuites judiciaires coûteuses.

Des grandes compagnies d'assurances — comme Munich — commencent à poursuivre des municipalités à cause d'un manque de diligence raisonnable. Dans sa forme actuelle, le projet de loi met de côté toute la diligence raisonnable dont on a fait preuve au cours des 10 à 15 dernières années au chapitre de la planification publique parce qu'il n'y est aucunement question de protéger, d'améliorer et de rétablir. On ne parle que de protection et de mise en valeur.

De plus, le projet de loi stipule que le ministre « prendra en considération » la protection et ainsi de suite. J'ai été un arbitre pendant plusieurs années au sein d'un tribunal de l'environnement pour le Commissaire aux mines et aux terres de l'Ontario, la Commission de l'escarpement du Niagara, la Commission des évaluations environnementales et l'Environmental Appeals Board. « Prendre en considération » n'a aucune valeur juridique. La prise en considération est ce que nous faisons partout. Que ce soit dans une mine à ciel ouvert ou dans un champ pétrolifère, c'est ce que nous faisons. Toutefois, lorsqu'il s'agit d'un parc, les normes doivent être plus élevées. Nous sommes en train de bâtir une nation. Nous avons l'occasion de favoriser la croissance et le développement économique. Évidemment, nous ferons des choses qui ne plairont pas aux environnementalistes mais, de façon générale, nous maintiendrons un équilibre. Nous protégerons cette précieuse parcelle de terre publique. Ce projet de loi doit être modifié.

J'ai vu une partie du libellé proposé par le ministre provincial Duguid, et il entend transférer les terres si ces amendements sont acceptés. J'encourage donc les sénateurs à adopter les amendements et à nous aider dans cette voie parce qu'il s'agit d'une grande initiative. Nous sommes très reconnaissants que le gouvernement fédéral ait proposé l'initiative du parc urbain national de la Rouge, mais tant qu'à faire quelque chose, faisons-le bien. Faisons-le pour les générations futures. Laissons-leur un héritage dont nous serons tous fiers. Et surtout, n'adoptons pas une mesure législative qui soit faible et pathétique pour un parc censé durer des siècles.

Le président : Merci. Nous allons enchaîner avec la période de questions. Pour commencer, je cède la parole au vice-président, le sénateur Massicotte.

Le sénateur Massicotte : J'aimerais remercier les témoins de leur présence. C'est une mesure législative très importante qui est proposée aujourd'hui, particulièrement pour la communauté voisine du parc. J'espère que M. Hébert-Daly ou M. Buchanan m'aideront à y voir plus clair. C'est peut-être une incompréhension de ma part, mais je remarque qu'on s'attarde énormément à l'emploi de certains termes. Quand je lis le projet de loi — et je pense que vous l'avez tous lu —, il me paraît clair que le parc urbain national de la Rouge a été créé afin de protéger et de mettre en valeur, pour les générations actuelles et futures, le paysage diversifié et le patrimoine naturel et culturel du parc. En fait, cela se trouve également dans le préambule. On vise à protéger le paysage naturel, culturel et agricole. De plus, quand on écoute les témoignages des représentants des parcs et du ministre, il est évident que l'intégrité écologique du parc est un aspect de la plus haute importance et qu'on s'engage à faire ce qu'il y a de mieux à cet égard.

M. Robb nous a donné son avis. Il a fait quelques propositions, tout comme le ministre. Monsieur Hébert-Daly, vous avez parlé de l'importance de la mise en valeur et de la préservation du patrimoine naturel.

Pourquoi s'obstine-t-on sur des mots quand l'intention est évidente? Aidez-moi à comprendre. En quoi ces mots font-ils une si grande différence?

M. Hébert-Daly : Je suis heureux de répondre à cette question. Selon moi, il y a une différence énorme entre ce que vous pourriez considérer comme étant un parc municipal et ce parc. Nous voudrions que le parc obtienne le statut de zone protégée aux termes des normes internationales. Pour ce faire, selon la définition qu'en donne l'Union internationale pour la conservation de la nature, la préservation de la nature devrait être son but premier. Si ce n'est pas le cas, il ne satisfait pas aux critères rigoureux de la définition d'une zone protégée en vertu des normes internationales.

C'est ce qui explique toute cette interrogation. Toutefois, cela n'empêche pas nécessairement qu'il y ait d'autres activités dans le parc, y compris des exploitations agricoles ou des sites culturels. Il faut tout de même que la mesure législative prévoie un cadre global qui guide les gestionnaires des parcs et leur donne les outils nécessaires pour qu'ils puissent se concentrer sur les objectifs visés.

Le sénateur Massicotte : Vous vous disputez quant à savoir qui est au premier but. Quelle est la priorité? Le ministre, ainsi que le comité du parc, ont indiqué clairement qu'il s'agissait d'un parc urbain. Vous ne pouvez pas dire qu'il suffit de faire comme avec le parc national de Banff, dont 96 p. 100 de la superficie est boisée, ni qu'il s'agit d'une zone d'importance écologique prioritaire. Non, c'est un territoire vivant; il y a des autoroutes et des pipelines qui le traversent.

M. Hébert-Daly : Absolument. Il n'y a pas de doute que c'est un parc vivant, mais on doit se fixer un objectif à atteindre. Si on a quatre objectifs concurrents auxquels on accorde la même priorité, on n'a pas de réel objectif qui oriente nos activités. À notre avis, en se concentrant sur une seule priorité, qui est tout d'abord de faire du parc une zone protégée, on peut ensuite se pencher sur les diverses utilisations du parc et on sera mieux à même de réaliser cet objectif. Si on a quatre priorités, on n'en a aucune.

Le sénateur Massicotte : Vos réponses et observations sont toutes très intéressantes, et votre intention semble être la même. Tout le monde ici s'attarde sur les mots comme une équipe d'avocats, mais certains disent que tout ce qui compte, c'est le plan de gestion. Si cela figure dans un plan de gestion, n'est-ce pas suffisant? Pourquoi?

M. Hébert-Daly : Je ne sais pas si je peux intervenir, mais...

Le président : Chacun d'entre vous devrait répondre.

Le sénateur Massicotte : Brièvement.

M. Hébert-Daly : La réponse courte, c'est que nous continuerons de travailler sur le plan de gestion et d'essayer de le renforcer le plus possible. Mais sans ce cadre global, on crée un mauvais précédent pour les futurs parcs urbains nationaux et on se retrouve avec un parc qui n'est pas une zone protégée en vertu des normes internationales.

M. Buchanan : Contrairement à ce que nous venons tout juste d'entendre, je pense que de faire de l'environnement la priorité du parc de la Rouge serait comme revenir 20 ans en arrière. Ce parc est l'aboutissement de dur labeur, d'activisme et d'efforts de protection de l'environnement. Il a fallu livrer de dures batailles. On a travaillé fort pour conserver les terres et, au bout du compte, on a obtenu quelque chose d'exceptionnel.

Le parc de la Rouge prend maintenant un nouveau tournant et, grâce à la collaboration, nous aboutirons à quelque chose d'extraordinaire. Il existe beaucoup d'autres mesures législatives, et c'est un élément important dont il faut également tenir compte. Il est question d'un cadre législatif qui ouvrira la voie à des solutions claires et conformes aux plans ou aux plans de gestion. On n'a qu'à regarder la Loi sur la ceinture de verdure, et non pas le plan du même nom, qui renferme 12 objectifs à l'égard de la ceinture de verdure, dont la protection de l'environnement, l'agriculture, et cetera. Il s'agit d'un excellent modèle pour ce paysage en voie d'urbanisation.

Dans le contexte d'un parc national en voie d'urbanisation, on doit évaluer ces choix difficiles au cas par cas, en tenant compte de ce qui convient le mieux à chacune des situations. Établir une ligne directrice globale ou mettre l'accent sur l'environnement ne ferait qu'alimenter un débat du passé.

Le sénateur Massicotte : Une dernière intervention. Je vous prierais d'être bref, monsieur Robb, sans quoi le président va m'expulser.

M. Robb : Merci beaucoup. Il faut donner à la nature une chance de refaire ses forces. On doit non seulement protéger l'environnement, mais aussi le restaurer, étant donné les nombreux dommages causés par le passé. Nous sommes tout à fait favorables à une agriculture durable dans le parc et nous l'avons toujours été. Nous avons eu amplement de force politique pour la partie inférieure du parc.

Le sénateur Massicotte : Vous souhaitez toujours des termes différents?

M. Robb : Oui, parce que sans « protéger » et « mettre en valeur »... ce sont les termes employés dans le projet de loi. Le gouvernement a accepté de respecter et de dépasser les politiques provinciales. Les politiques provinciales sont en place, et le gouvernement provincial a affirmé avec une grande conviction qu'il appuyait la création d'un parc national, mais qu'il n'allait pas transférer ses terres tant que le gouvernement ne tiendrait pas sa promesse de satisfaire aux politiques existantes ou de les surpasser. Les politiques visent clairement à protéger, mettre en valeur, améliorer et rétablir le patrimoine, et nous devons les respecter pour faire contrepoids ou plutôt, comme je le disais, neutraliser les pressions à l'égard du parc.

En ce qui concerne les infrastructures, sachez qu'elles se trouvent principalement en dehors du parc. La plupart des routes et des autoroutes ne font pas partie du parc, de sorte que sur la zone étudiée de 57 kilomètres carrés, il y a déjà des accords visant à isoler 7 kilomètres carrés environ d'infrastructures. Il restera quelques pipelines, mais les infrastructures seront, pour la plupart, exclues du parc. On a accordé de généreuses indemnités pour tenir compte de l'expansion, et les activités agricoles peuvent se poursuivre dans le parc.

À l'heure actuelle, 80 p. 100 des terres du parc sont exploitées en vertu d'un bail à ferme pour des cultures commerciales. À cet égard, nous devons mettre à l'essai et adopter des pratiques plus durables et novatrices en agriculture et faire en sorte que dame Nature et la population puissent bénéficier d'une plus grande superficie, parce que 80 p. 100 des terres font l'objet de baux dont les taux sont inférieurs aux taux en vigueur sur le marché et pour lesquels il n'y a pas d'appel d'offres.

Le sénateur Massicotte : Nous avons reçu une lettre du ministre provincial aujourd'hui. Dans sa lettre, il recommande des changements précis au libellé du projet de loi. Si ces modifications sont adoptées, il se ralliera à nous. Personnellement, je trouve que c'est très rusé de sa part. C'est une technique de négociation astucieuse. Il passe par nous pour imposer quelque chose au gouvernement fédéral, plutôt que de négocier directement avec lui. Je ne vais pas tomber dans le piège.

Cela dit, au bout du compte, si le gouvernement provincial n'est pas d'accord et que, par conséquent, la province ne cède pas ses terres — et il semble que nous allons manquer de temps —, que devrions-nous faire en tant que parlementaires? Devrions-nous nous voter en faveur du projet de loi ou le laisser mourir au Feuilleton?

M. Robb : Je veux que cette initiative aille de l'avant, mais je ne voudrais pas qu'on régresse. Nous sommes très heureux de pouvoir travailler avec des intervenants raisonnables afin de trouver des solutions avantageuses pour tout le monde.

Le sénateur Massicotte : Je veux bien, mais si ce n'est pas possible et que dans deux jours ou dans une semaine, nous devons décider de voter pour ou contre le projet de loi et que le gouvernement fédéral ne donne toujours pas son accord, que voulez-vous que nous fassions?

M. Robb : Le gouvernement fédéral est libre de créer un parc dans la partie au nord de Markham qui s'étend sur 18 à 19 kilomètres carrés et dont 90 p. 100 font l'objet de baux à ferme. Il est libre de le faire, et il y a des terres additionnelles à Pickering qui pourraient être ajoutées au parc, puis le gouvernement provincial pourrait...

Le sénateur Massicotte : Devrions-nous voter pour le projet de loi, voter contre ou le laisser mourir?

M. Robb : Je pense que le projet de loi doit retourner à la Chambre pour révision.

Le sénateur Massicotte : Vous préconisez donc de le laisser mourir?

M. Robb : Je ne connais pas vos méthodes, mais le projet de loi n'assure pas les pouvoirs, les orientations et les priorités nécessaires pour jouer son rôle prévu pendant des siècles.

M. Hébert-Daly : Nous avons très clairement dit que nous estimions que c'était un très mauvais précédent et que nous recommanderions de ne pas l'adopter.

M. Buchanan : Nous recommanderions son adoption telle quelle. C'est exactement ce qu'a demandé l'alliance pour la Rouge. Nous avons demandé de l'aide, une orientation claire, l'intervention de gestionnaires compétents, dotés des ressources nécessaires pour nous aider, et c'est exactement ce que Parcs Canada et le gouvernement fédéral ont livré. Nous continuons à demander cet appui.

La sénatrice Eaton : Je reviens à plusieurs sujets que le sénateur Massicotte a entamés.

Monsieur Robb, j'ai ici deux citations : « Ce n'est pas un parc, c'est une ferme industrielle. L'intérêt de quelques-uns passe devant l'intérêt général et celui de l'environnement. » Vous parliez des agriculteurs, je suppose?

M. Robb : Je pense avoir dit quelque chose comme ça. La réalité, c'est maintenant. On cultive du maïs pour la production d'éthanol et du soja.

La sénatrice Eaton : C'est bien. C'est ce qu'ils veulent cultiver. Voici l'autre citation : « Il faudrait progressivement abandonner l'agriculture commerciale non durable qui se pratique sur les terres privées de tout l'Ontario. Cela ne devrait pas avoir lieu dans une précieuse prairie-parc ». Je suppose que nous connaissons vos sentiments à l'égard des agriculteurs, n'est-ce pas?

M. Robb : Non. L'un de nos fervents partisans est Russ Reeser, et la route...

La sénatrice Eaton : Ce sont deux citations.

M. Robb : La route porte son nom. Il était l'un des fervents partisans du parc. Je suppose, puisque nous y sommes, que nous préconisons une évolution. Sur les terres publiques, il est possible de faire la démonstration de techniques agricoles innovantes et d'aider à réduire les risques pour les agriculteurs, puis offrir ces techniques à d'autres agriculteurs. Dans le secteur privé, c'est différent. Je conçois absolument que l'agriculture soit un métier difficile. Elle nous nourrit. Je respecte ce travail. Je fais beaucoup de travaux semblables en plein air, je creuse des trous, je plante. Je respecte vraiment ce métier.

Je pense que, dans un parc, à long terme, nous pourrons opérer une transition vers un type différent d'agriculture. Nous pourrions avoir plus de vergers, d'exploitations agricoles libre-service ou bio. C'est ce que j'essayais de dire. Relativement au problème qui touche les insectes pollinisateurs et d'autres problèmes, la région ferait un excellent corridor, conformément à l'engagement du premier ministre Harper, pour le papillon monarque et d'autres pollinisateurs, où la réussite des cultures ne dépendrait pas des pesticides.

La sénatrice Eaton : Je siège au Comité de l'agriculture. J'ai participé à l'étude sur les abeilles.

Quand le sénateur Massicotte vous a demandé ce qui arriverait si le projet de loi n'était pas adopté, vous avez envisagé la possibilité, pour le l'État fédéral, de s'occuper de la partie nord et d'abandonner les terres provinciales à leur sort, mais, en Ontario, n'est-ce pas que ces terres sont protégées par la loi sur les ceintures de verdure?

M. Robb : Dans ce cas-ci, plusieurs textes s'appliquent : le plan pour la ceinture de verdure, la loi, le plan directeur pour le nord du bassin de la Rouge, rédigé pendant...

La sénatrice Eaton : La loi sur les ceintures de verdure mentionne-t-elle quelque part qu'une priorité est l'intégrité écologique?

M. Robb : C'est dans le plan pour la ceinture de verdure, et les plans du parc de la Rouge en parlent tout à fait; c'est dans leurs objectifs et leurs énoncés. Le plan pour la ceinture de verdure accorde aux plans du parc le statut de politique provinciale. À son paragraphe 3.2.6, vous y lirez essentiellement que les éléments les plus contraignants de ce plan ou du plan pour le nord du bassin de la Rouge s'appliqueront, lequel plan est l'immense cadeau du premier ministre Mike Harris au parc de la Rouge.

La sénatrice Eaton : Dans quelques années, si le projet de loi n'est pas adopté, le gouvernement de l'Ontario ne pourrait-il pas autoriser l'exploitation des granulats?

M. Robb : Tout peut arriver, mais je vous le dis, des milliers de citoyens seraient révoltés.

La sénatrice Eaton : Mais les lois de la province n'accordent pas cette protection, actuellement.

M. Robb : Elles le font. Dans le plan sur la ceinture de verdure, c'est sous la rubrique du système du patrimoine naturel de la ceinture verte. Le territoire est zoné. Dans le plan officiel de Markham, fait par Don Cousins, on situe là le corridor écologique pour se conformer au plan pour la ceinture de verdure. Il y a beaucoup de protection. Je serais complètement d'accord avec vous pour dire qu'un projet de loi bien conçu sur un parc national, comme les changements que nous proposons, offrirait une protection bien meilleure que celle de la province, mais ce projet de loi doit être du travail bien ficelé.

La sénatrice Eaton : J'en déduis, monsieur Hébert-Daly et madame Woodley, que vous pensez qu'un parc urbain établi au milieu d'une agglomération de 6 millions d'habitants devrait faire l'objet des mêmes restrictions que Banff ou Nahanni? Autrement dit, ce n'est pas un précédent en raison de sa situation très urbanisée...

M. Hébert-Daly : Absolument. Dès le début, nous avons très clairement dit que nous comprenions qu'il fallait une démarche différente, parce que nous ne voulons pas nécessairement créer une situation où...

La sénatrice Eaton : Je pense ne pas comprendre en quoi votre démarche est différente.

M. Hébert-Daly : C'est exactement ce que je veux dire. La priorité à la conservation de la nature ne signifie pas nécessairement qu'on n'a pas... Même à Banff, quand on y songe bien, on a pu faire traverser le parc par deux chaussées de la Transcanadienne, mais parce qu'on a pris au sérieux la conservation de la nature et qu'on a pu aménager des infrastructures comme des ponts pour permettre les déplacements de la faune. On a pu appliquer des mesures d'atténuation qui nous aideraient à atteindre nos objectifs.

La sénatrice Eaton : Je ne crois pas que le parc national de Banff, un endroit merveilleux où j'ai fait de la randonnée, soit comparable à la conurbation de Toronto.

Vous ne croyez pas que faire de l'agriculture, de l'environnement, du patrimoine et de la culture les quatre piliers de ce parc soit viable?

M. Hébert-Daly : La gestion ne peut pas se donner quatre priorités; c'est notre position.

La sénatrice Eaton : Je pense que quatre piliers puissants peuvent jouer leur rôle. Il faut tenir compte de chacun d'eux également.

M. Hébert-Daly : On peut absolument faire coexister ces pratiques et ces choses dans les limites du parc. Nous ne sommes pas complètement contre.

La sénatrice Eaton : Merci. Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur Buchanan?

M. Buchanan : Je pense que l'image des quatre piliers est bonne. J'ai travaillé dans l'aménagement des terres, pour la province et pour la région de York, où j'ai géré 5 300 acres de la forêt régionale de York. Nous visons la santé de l'environnement, la santé écologique. Nous considérons l'endroit, avec ses pistes, comme un lieu de rendez-vous. La gestion équilibrée de ce parc est un témoignage de ce qui peut bien fonctionner.

La sénatrice Eaton : Cela pourrait servir de modèle, n'est-ce pas, au parc Stanley, à un parc à Calgary, au centre-ville de Montréal? Je veux dire que c'est un milieu urbain.

Le sénateur Mitchell : Je me sens interpellé par l'argument selon lequel, pour une première tentative, il est sûr que nous n'aurions pas droit à l'erreur. Voyons cela d'un peu plus près.

L'argument est que, peut-être, un peu est mieux que rien. Ce n'est pas nécessairement vrai. Mais, avec ce petit peu, pourrait-on éviter maintenant des dommages peut-être irréversibles? Dans deux ans, nous pourrions nous reprendre, mieux comprendre les enjeux, mieux les cibler et remédier à la situation. Ce n'est pas comme si c'était coulé dans le béton. Peut-on éviter des dommages irréversibles en prenant maintenant une décision ou vaut-il la peine de prendre ce risque?

M. Robb : Je pense que ce qui est proposé maintenant nous ramène en arrière. Nous sommes prêts à être patients. Lois James a consacré 43 années à ce chantier. Moi-même, près de 30. Nous serons patients. Nous ne voulons pas essentiellement gaspiller les gains politiques chèrement payés par 25 années d'efforts collectifs acharnés ni réinventer la roue. Les plans actuels, les plans sur le bassin hydrographique reposent sur d'excellentes bases scientifiques. On y a investi beaucoup de beau travail. C'est une perte de temps et d'argent que de ramener en arrière ce cadre stratégique.

Si j'ai bien compris, la province propose un compromis. C'est une forme d'intégrité écologique. Devant vous, aujourd'hui, nous affirmons que nous préférerions parler de protection, d'amélioration et de restauration de l'intégrité écologique ainsi que des valeurs culturelles et pittoresques du parc. La province semble avoir monté un projet différent. Je l'ai vu et je pense que c'est un compromis raisonnable, qui permet d'avancer. Je le dis sans en avoir parlé encore à mon conseil d'administration sur l'éventuelle décision des Amis du bassin de la Rouge, mais ça m'a semblé un bon compromis.

Le sénateur Mitchell : Puis-je poser une autre question?

La SPPSNC ou monsieur Hébert-Daly, pensez-vous que c'est aussi un compromis raisonnable ou avez-vous eu le temps de vérifier?

M. Hébert-Daly : Je crains que cela m'ait échappé. Je ne peux donc pas en parler. Encore une fois, si cela privilégie la nature comme principe de gestion, honnêtement, il y a beaucoup d'autres petites choses que nous aimerions changer dans le projet de loi, mais ce serait suffisant pour éviter un précédent boiteux pour les futurs parcs nationaux.

Le sénateur Mitchell : Si vous avez la chance d'y jeter un coup d'œil, pourrez-vous nous faire signe pour nous dire que vous avez l'impression que cela capte l'élément essentiel dont vous parlez pour privilégier la nature, parce que cela semble s'équivaloir.

M. Hébert-Daly : En avez-vous un exemplaire? Je pourrais regarder maintenant.

Le sénateur Mitchell : En fait oui, nous en avons un. Puis-je?

M. Hébert-Daly : Serait-il acceptable que moi aussi je...

Le président : La greffière en tirera des exemplaires qu'elle distribuera.

Le sénateur Mitchell : C'est vraiment ce que j'essaie de voir : comment exprimer la nécessité de ce pour quoi vous avancez des arguments de poids? Ma dernière question serait : comment aménager un de ces parcs à Edmonton?

M. Hébert-Daly : Nous aimerions collaborer avec vous à ce projet.

Le sénateur Mitchell : Nous avons 55 kilomètres de parcs.

Le président : Avez-vous terminé?

Le sénateur Mitchell : Oui. Merci. Désolé.

La sénatrice Ringuette : C'est vraiment incroyable, mais je pense que ma première question serait : quand tous ces protocoles d'entente ont-ils été signés avec Parcs Canada pour mettre en branle ce processus? Il y a dix ans? Cinq ans? Trois ans?

M. Robb : Je vais essayer de répondre. L'alliance pour le parc de la Rouge était un comité consultatif multipartite préconisant la création du parc. Elle s'est aperçue qu'elle avait besoin d'une meilleure direction, d'un meilleur financement. Elle y a vu. Elle a travaillé très fort avec l'honorable Pauline Browes et le conseiller De Baeremaeker et beaucoup d'autres pour préconiser la création d'un parc national. En fait, quand nous sommes venus à Ottawa, en 1987 et avons déjeuné avec le Président de la Chambre des communes de l'époque, je pense que c'était l'honorable John Fraser, avec le premier ministre Mulroney et le ministre des Finances, nous préconisions un nouveau type de parc, mixte, à la fois provincial et national. Nous étions jeunes et remplis d'espoir. Nous avons fini par obtenir un parc créé par la province et dirigé par des représentants municipaux. Je me le représente comme une chenille qui cesse d'avancer si une ou deux de ses pattes ne veulent pas bouger. Nous espérions que Parcs Canada et le gouvernement fédéral la métamorphoseraient en papillon, mais ça ne s'est pas encore produit. Nous espérons toujours. Quant au protocole d'entente, il a été signé le 26 janvier 2013, par l'Ontario et le Canada. On y lit : « Parcs Canada travaillera avec l'Ontario pour élaborer des politiques écrites sur la création, la gestion et l'administration du parc, qui respecteront ou surpasseront les politiques provinciales... ».

Ensuite, on est passé au plan pour la ceinture de verdure, au plan sur la moraine d'Oak Ridges, au plan de croissance. C'était il y a deux ans.

La sénatrice Ringuette : D'accord. Il y a deux ans. Ce n'était pas il y a 10 ans. Ni 20 ans. C'était il y a deux ans. La province et le gouvernement fédéral se sont entendus sur cette orientation minimale, du moins, la politique provinciale concernant un parc urbain.

M. Robb : C'est ce que l'accord dit.

La sénatrice Ringuette : Le problème c'est qu'est-il arrivé pour que le gouvernement fédéral, c'est-à-dire Parcs Canada, renie ce protocole d'entente? En ce qui concerne tout ce que nous avons entendu, je cite : « Nous allons négocier un bail de 25 ans avec les agriculteurs », fin de la citation et tout ça, je demande qu'on me fournisse une copie du bail projeté. Je ne l'ai jamais vu. Si Parcs Canada, par l'entremise du gouvernement fédéral, renie un protocole d'entente signé il y a deux ans avec une province à cause d'un problème, à quoi les autres parties prenantes peuvent-elles s'attendre?

M. Robb : Si vous me permettez de répondre, dans toute cette histoire, il est vraiment dommage, entre autres choses, que lorsque le ministre Kent est venu faire l'annonce, en 2012, en mai, je crois, et je ne peux vraiment rien lui reprocher, nous étions alors tous très heureux. Il a notamment annoncé la création, dans les semaines à venir, d'un comité multipartite pour s'occuper de certains des problèmes inévitables qui allaient surgir. Il existait alors déjà un comité multipartite constitué des municipalités et de quelques groupes d'écologistes, d'agriculteurs et ainsi de suite. Nous savions donc de quoi il s'agissait. Le comité annoncé n'a jamais été créé, et c'est bien dommage. Sinon et si les parties prenantes y avaient siégé, je sais que j'aurais pu parler de la santé du bassin et de ses valeurs naturelles; que les agriculteurs auraient parlé des terres agricoles productives et du point de vue économique. J'ai des atomes crochus avec beaucoup d'entre eux. Nous avons des points communs, mais comme nous ne sommes pas à la même table, sur la centaine de propos que je peux tenir, le seul qui soit controversé se retrouve infailliblement dans le journal. Vous savez de quoi il s'agit. Les agriculteurs pensent que je suis vraiment un mauvais sujet. Mais face à face, nous aurions trouvé ensemble des solutions avantageuses pour tout le monde.

C'est une promesse violée. L'autre point désolant est la question de respecter ou de surpasser les politiques provinciales. Nous étions en droit de croire en la sincérité des promesses fédérales. Elles ne se sont pas avérées.

La sénatrice Ringuette : Je vous comprends. Vous avez signé un contrat. L'autre partie l'a résilié. C'est la situation dans laquelle nous sommes. Je peux comprendre vos hésitations à vous engager davantage.

Monsieur Hébert-Daly?

M. Hébert-Daly : Je vous comprends et je suis d'accord. Je tiens cependant à dire que Parcs Canada n'a jamais coupé les ponts.

La sénatrice Ringuette : Avec les gens, individuellement.

M. Hébert-Daly : Oui. Vous noterez, dans les documents que nous avons déposés, que nous étions en rapport avec ce service depuis 2011 — le document que nous avons déposé date de 2012 — et j'ai particulièrement mis en relief ce problème particulier. Alors il est faux que les ponts aient été coupés. Seulement, à un certain moment, ça ne s'est pas concrétisé par une modification de la loi.

La sénatrice Ringuette : Ce projet de loi pose un problème. Il y est dit que le ministre « peut » constituer un comité des parties prenantes et d'autres organisations. Pourquoi n'est-il pas dit qu'il « doit » le faire, pour que tous ceux qui travaillent depuis des décennies à la création de ce parc aient un sentiment plus vif d'appartenance? Ce « peut » peut se comprendre n'importe comment. Si la loi disait « doit », elle créerait au moins une obligation.

Le président : Je vais demander des réponses rapides. Quand les réponses prennent trop de temps, nous enlevons du temps à des sénateurs qui ont des questions à poser. Veuillez répondre rapidement.

M. Buchanan : En réponse à votre première observation selon laquelle Parcs Canada n'a pas respecté la promesse faite à la province de l'Ontario, je dirais que d'après mes observations, Parcs Canada est très ouvert et transparent dans ses travaux avec la province. Il est faux de dire que Parcs Canada a manqué à sa promesse de se conformer à la loi ou même, d'en faire plus.

Tout cela vient de l'idée selon laquelle la loi fédérale est moins rigoureuse que la loi provinciale, et c'est faux. Les politiques du Plan de la ceinture de verdure sont en réalité plus normatives, et Parcs Canada essaie de réaliser son plan de gestion, qui comporte des objectifs en matière de rétablissement des ressources ainsi que des cibles relatives à la biodiversité, entre autres.

Il faut comparer des pommes avec des pommes, pour déterminer s'ils sont conformes à la loi ou s'ils en dépassent les exigences. Les dispositions de protection de la loi fédérale sont de loin supérieures à ce qui existe dans la loi provinciale. Je tiens à le préciser.

La sénatrice Ringuette : Je comprends...

Le président : Madame la sénatrice, il faut passer à autre chose. Je vous inscris pour le deuxième tour, si cela vous va.

Le sénateur Eggleton : À peu près toutes les personnes qui sont venues témoigner devant le comité veulent le parc urbain national de la Rouge. Tout le monde le veut, et au début, tout cela paraissait très bien. La province et le gouvernement fédéral semblaient s'entendre, et tout à coup, tout s'écroule.

Cependant, comme vous pouvez le voir sur la carte, le territoire provincial en représente une très grande partie. Pourquoi ne pas bien faire les choses en incluant tout cela?

Je pense que vous avez dit, monsieur Robb, qu'une bonne partie de la propriété fédérale, en vert clair, n'est pas ouverte au public.

M. Robb : Non. J'hésite à donner des chiffres, mais je dirais qu'il n'y a même pas 5 p. 100 du territoire qui est accessible au public, sous la forme de parcs ou de départs de sentiers — nulle part où il serait possible d'aller marcher. Il s'agit essentiellement de fermes et de résidences sur des terrains loués à bail. Que je sache, il n'y a rien.

La partie appartenant à la province comporte des points d'accès, dont le nouveau parc commémoratif Bob Hunter. Il y a un réseau de sentiers dans la vallée inférieure de la Rouge. Au lac Ontario, il y a la plage de la Rouge, le marais de la Rouge, et, donc, les terres de propriété provinciale englobent presque toute la vallée de la Rouge, la pièce centrale du parc, en quelque sorte. Sans les terres provinciales, il n'y a pas vraiment de parc.

Le sénateur Eggleton : Oui. Je pense que c'est important à souligner. Je dois dire que je suis content de voir la possibilité d'un certain mouvement entre les gouvernements provincial et fédéral, depuis le début de cet exercice. La lettre que M. Duguid a adressée au ministre de l'Environnement est utile. Monsieur Robb, vous avez fait des observations sur les trois modifications proposées, mais j'aimerais demander à M. Éric Hébert-Daly s'il a des choses à dire à ce sujet.

La première modification vise l'article 4. Il s'agit apparemment de remplacer le principe de l'intégrité écologique par l'objectif de « protéger, rétablir, améliorer et présenter le patrimoine naturel et culturel du parc ».

D'après ce que je comprends, selon le libellé actuel de l'article 6, le ministre « prend en considération » la protection des paysages naturels. Eh bien, « prendre en considération » signifie qu'on peut décider de ne pas le faire. Accorder la priorité à la protection, et tout cela, c'est obligatoire dans le plan de gestion d'un parc.

La dernière modification porte sur un élément que j'ai soulevé la dernière fois aussi : « Le ministre constitue un comité multipartite et un groupe d'experts scientifiques », et non « peut constituer un comité ». En ce moment, selon le libellé du projet de loi C-40, il peut choisir de le faire ou de ne pas le faire.

Avez-vous des observations à faire au sujet de ces trois modifications que la province a proposées au gouvernement fédéral? M. Robb a dit ce qu'il en pensait précédemment.

M. Hébert-Daly : Je vois ceci pour la première fois, alors c'est un peu difficile. Je ne sais pas si l'article 6 répondrait à la définition internationale d'une aire protégée, avec la modification proposée. Je commencerais par obtenir l'avis de personnes qui, légalement ou autrement, seraient en mesure de comprendre si c'est le cas avant de donner une opinion.

Le sénateur Eggleton : Mais diriez-vous que, pour que les gouvernements provincial et fédéral arrivent à s'entendre et pour que nous ayons enfin un parc national urbain, il faudrait absolument que...

Une voix : Oh, oh.

Le sénateur Eggleton : Pas Banff — un parc urbain. Je ne crois pas que vous compreniez vraiment ce que cela signifie.

La sénatrice Eaton : Oui, je le comprends.

Le sénateur Eggleton : Je pense qu'eux comprennent ce que cela signifie.

Oh, je vois que vous êtes la seule à savoir. D'accord.

De toute façon, j'espère que nous en arriverons à une combinaison des deux.

Le sénateur Black : J'aimerais vous dire quelque chose, et vous pourrez réagir si vous le voulez. Je vais commencer par vous remercier tous et vous dire le respect que j'ai pour chacun de vous et pour les positions solides que vous adoptez dans ce dossier, car d'après ce que je vois, nous sommes de bien des façons tout à fait d'accord, sans nous entendre sur les moyens. Nous convenons tous que c'est une bonne chose à faire. Il s'agit juste de nous entendre sur la façon de le faire.

Ce que j'entends — et je le comprends tout à fait —, c'est que nous voulons nous assurer dans la mesure du possible que l'environnement demeure prioritaire. Préserver le magnifique environnement naturel est prioritaire. Je comprends cela.

J'aimerais vous parler de mon expérience personnelle. Je déteste faire cela, mais à mon âge, c'est ce qui arrive. Je vis juste à l'extérieur du parc national de Banff, et j'ai souvent eu affaire avec les fonctionnaires qui y travaillent. Je pense qu'ils n'en reviendront pas, de ce que je vais dire à l'instant, et que vous allez trouver cela rassurant.

Les gens des parcs nationaux, qui gèrent nos parcs, au Canada — les mêmes qui vont gérer le parc urbain de la Rouge —, sont durs et impitoyables. Ils sont responsables, et c'est le résultat environnemental qui est au centre de leur attention. Je l'ai constaté, car j'ai agi pour de nombreux promoteurs, au fil des années, et nous avons toujours perdu.

M. Hébert-Daly : Pas toujours.

Le sénateur Mitchell : Les affaires ne s'en portent pas plus mal.

Le sénateur Black : Merci, sénateur Mitchell.

Si cela peut vous rassurer, avec nos amis qui s'occupent des parcs nationaux, les intérêts que vous soutenez avec tant de passion seront protégés et même plus. Et je pense que ce sera un gain formidable pour Toronto, pour la région du Grand Toronto et pour le Canada. D'après moi, dans deux ou trois ans, nous allons continuer de penser que c'était la bonne chose à faire, même si nous ne nous entendions pas sur la façon. C'est ce que je crois. Vous pouvez réagir si vous le souhaitez.

M. Hébert-Daly : Sénateur Black, je suis tout à fait d'accord. Parcs Canada est une agence fantastique, et nous ne dirons jamais le contraire.

Cependant, la loi leur donne le mandat de le faire dans ces parcs. C'est en partie la raison pour laquelle nous disons vouloir qu'ils aient le même mandat solide et actif, pour faire de même dans le parc urbain de la Rouge.

Le sénateur Black : Je comprends. Merci beaucoup.

M. Robb : Deux mois avant l'annonce de la création du parc national urbain de la Rouge, 180 millions de dollars ont été soustraits du budget scientifique d'Environnement Canada et de Parcs Canada. Deux mois plus tard, on annonçait 143,7 millions pour le parc de la Rouge, ainsi que 7,8 millions par année, je crois. Cela m'a fait sourire, car je me suis dit : « Mais nous avons besoin des scientifiques. » C'est là où j'ai réellement un problème avec cela. Il y a beaucoup de travail scientifique derrière le plan du bassin versant de la rivière Rouge.

Parcs Canada est une magnifique organisation. Je suis allé à d'autres parcs, et je ne cherche pas à faire du parc de la Rouge un parc semblable à Banff, mais quand il est question d'intégrité écologique, la Péninsule-Bruce et les Îles-du-Saint-Laurent l'ont. Il y a une collectivité de chalets, au parc national du Mont-Riding, alors je ne peux pas en parler.

Ce que je dis, c'est qu'il faut de solides dispositions législatives pour donner une chance à dame Nature de se défendre et, même, de se refaire une santé avec le temps. Compte tenu des changements dans nos pratiques des 100 dernières années, la Rouge nous offre une occasion incroyable.

Je connais très bien le parc et, franchement, il n'y a pas de développement urbain autour d'environ 60 p. 100 du parc. Il en est ainsi parce qu'il y a la moraine d'Oak Ridge, le Plan de la ceinture de verdure, avec ses terres agricoles et ses aires naturelles.

Si vous ne connaissez pas bien ce secteur comme je le connais, et si vous n'avez pas vu 22 autres parcs nationaux... Je suis revenu à la Rouge, ayant grandi à Scarborough, et c'est le secteur qui a la plus grande diversité biologique au Canada. C'est une riche combinaison. On y trouve une plus grande diversité que dans bien des parcs formidables que j'aime toujours, et qui se trouvent plus loin.

Nous n'essayons pas d'être idéalistes et d'en faire un parc Nahanni ou Klahanie. Sa richesse biologique doit compter sur un cadre législatif solide pour que le parc puisse tenir le coup contre les promoteurs et les personnes qui voudront inévitablement venir s'y essayer.

Je sais qu'en tant qu'arbitre, j'ai pris beaucoup de décisions qui n'ont jamais été révisées et qui n'ont jamais été infirmées par le cabinet ou par les tribunaux, et ce n'est pas parce que je suis bon, mais parce que j'avais de bonnes politiques, comme le plan de zonage de l'escarpement du Niagara de Bill Davis. Bill Davis l'a fait, et c'était très impopulaire, à l'époque. Très peu d'Ontariens diraient maintenant que nous avons été trop rigoureux. Il faut un plan rigoureux. Donnez-lui une chance de se défendre.

M. Buchanan : J'aime votre façon de présenter cela, monsieur. Dans le paysage urbain, quand vous essayez de faire la bonne chose, comme Parcs Canada le fait, si vous donnez la priorité à l'environnement, cela prolonge la discussion, et ce n'est pas toujours positif.

L'exemple que je peux donner est celui de l'engagement concernant l'agriculture. L'un des fondements de la restauration écologique est de régler le problème du drainage. Les agriculteurs ont dit qu'avec les baux à très long terme, la priorité est de rétablir le drainage, de sorte qu'ils puissent faire de l'agriculture de manière productive.

Par exemple, si la priorité écologique était là, nous aurions des débats sans fin sur la fragmentation de l'hydrologie du bassin versant. Ceci étant dit, il est possible, comme nous le faisons, de présenter un cadre de collaboration, avec des groupes comme Canards Illimités, qui ont de la crédibilité auprès des agriculteurs, qui savent travailler avec l'hydrologie existante, qui savent améliorer le drainage et trouver un juste équilibre. Cela ouvre la porte à des discussions productives, sans mener à des situations qui susciteront les débats et qui aboutiront sur d'autres tribunes.

On l'a fait dans le passé, et cela ne fonctionne pas.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie de vos présentations. Le comité a reçu de nombreuses lettres d'appui, et la plus récente que j'ai vue nous est parvenue le 2 mars, de la mairie de la ville de Markham.

Permettez-moi de vous lire la toute dernière phrase de la lettre :

Vous avez sous les yeux l'un des textes de loi les plus avant-gardistes de l'histoire récente du Canada, dans le domaine des parcs; le parc urbain national de la Rouge permettra aux gens de villes canadiennes de vivre l'expérience des parcs nationaux.

Dans la lettre, on parle très clairement de la façon dont ce projet de loi trouve l'équilibre entre la protection de l'environnement et la nature urbaine du parc. On nous a répété à maintes reprises que cela crée une situation vraiment nouvelle. C'est un parc urbain national aux caractéristiques un peu différentes, comme nous l'avons tous dit.

Compte tenu de cela — puisque la discussion se poursuit et que Parcs Canada continue de travailler en très étroite collaboration avec tous les intervenants —, monsieur Buchanan, vous avez dit dans votre exposé que York a signé le protocole d'entente l'automne dernier. L'Office de protection de la nature de Toronto et de la région, la Municipalité régionale de Durham, Toronto et Pickering ont tous signé le PE et sont impatients de voir le parc devenir réalité.

J'essaie de voir quel est le problème. Il me semble que le concept auquel Parcs Canada continue de travailler en collaboration et au sujet duquel la discussion se poursuit reçoit un soutien extraordinaire. Parcs Canada a une superbe réputation quand il s'agit de faire ce qu'ils doivent faire. Je trouve que c'est un peu difficile. Aidez-moi à comprendre.

M. Buchanan : Je pense que cela représente bien la cristallisation du sujet. Les gens, comme le maire Scarpitti, les municipalités et les résidants qui vivent là ont vécu la lutte relative à la Rouge des 20 dernières années. Beaucoup a été fait, mais cela a été difficile. C'est comme mourir à petit feu.

Pourquoi? À cause du débat au sujet de la restauration, de la façon de la réaliser, et de la façon de trouver l'équilibre avec l'agriculture. Chaque tentative pour faire avancer le dossier du parc a mené à un débat sans fin. C'était très improductif.

Les administrations municipales, les maires et leurs électeurs ont observé cela et ont trouvé cela irritant. Nous souhaitons ardemment un changement positif, et s'il faut revenir sans cesse sur la même question pendant encore six mois, un an, deux ans, ce sera comme si on plantait le dernier clou dans le cercueil du parc de la Rouge.

M. Robb : La collectivité se chamaille à ce sujet depuis des dizaines d'années. Il faut que je vous donne un exemple. Quand nous sommes allés au conseil de Scarborough, sur le territoire de Toronto, notre première bataille concernait une route dans l'axe nord-sud du parc, des habitations et un dépotoir de 18 millions de tonnes. Le conseil a voté pour, à 16 contre 1. Ils ont eu trois ou quatre séances. À la première, il y a eu 600 personnes présentes. Il y en a eu 1 000 à la deuxième puis 1 500 à la troisième. Et le conseil s'est dit en faveur à 16 contre 1.

J'ai travaillé avec le maire de Markham, Frank Scarpitti, pendant plus de 20 ans, et j'ai du respect pour lui et pour son adjoint, Jack Heath. Mais ce parc et la vision qui est proposée ne sont pas issus de la bureaucratie. Ce sont quelques politiciens particuliers, comme l'honorable Pauline Browes, qui sont intervenus à cette époque. Ce sont des personnes comme David Peterson, Ian Scott, Brian Mulroney, Jean Charest. Quelques personnes comprenaient cette vision et ont voulu la mettre en avant.

Vous entendez aujourd'hui des personnes qui ont toutes un rôle légitime à la table des intervenants, mais qui n'ont pas connu la vision de 30 ans passés. Les gens me félicitaient et me disaient que j'étais un gentil jeune homme idéaliste, mais qu'avoir un parc d'une telle beauté à proximité d'une ville de cette taille n'était pas réaliste. Les promoteurs et tous les autres vont finir par devoir ravaler leurs paroles. Nous vous donnons une vision sur 100 ans. C'est une vision axée sur l'édification du pays. Il faut le faire comme il faut, et il faut que ce soit solide. Je dirai seulement que notre vision a plutôt bien fonctionné, ces 30 dernières années. Elle nous a amenés ici. J'espérais que vous respecteriez cette vision communautaire.

Je ne fais que porter le message de ces milliers de personnes. Nous sommes ceux qui vont livrer des milliers de dépliants, qui frappent aux portes, qui vont dans des groupes religieux ou des assemblées communautaires. Nous avons acquis ce soutien parce que les gens aiment la Rouge. Pauline Browes m'a dit qu'elle a rencontré son mari et qu'elle a eu sa première sortie avec lui dans le parc de la Rouge. Tout le monde a une histoire à raconter. J'allais y nager. J'y ai attrapé un poisson.

À l'est de Toronto, plusieurs circonscriptions longent la Rouge et la population aime beaucoup cette région. Elle ne veut pas d'un parc tout juste correct. Elle veut un parc d'une grande qualité.

La sénatrice Seidman : Je dois dire qu'entendre M. Buchanan parler des obstacles qui se sont dressés sur notre chemin... et vous avez aussi indiqué que cela a été très difficile. Allons-nous nous battre pendant 100 ans avant de finalement laisser mourir le projet? Allons-nous décider que, quoique approximative, c'est une initiative fabuleuse que nous tenons et que Parcs Canada est l'entité qu'il faut pour veiller à ce que les choses se déroulent le mieux possible, à ce qu'un suivi adéquat soit fait et à ce qu'un dialogue productif soit engagé?

M. Robb : Une législation et des politiques déficientes mèneront à un parc décevant.

La sénatrice Seidman : Merci.

Le sénateur Eggleton : Ma question fait suite à celle de la sénatrice Seidman concernant les municipalités. Si je comprends bien, toutes les municipalités, comme tout le monde d'ailleurs, veulent un parc urbain national. Cependant, ce n'est pas nécessairement ce qu'expriment les conseils municipaux à l'égard du projet de loi C-40.

En fait, j'aimerais qu'on en parle, parce que deux maires, les maires de Richmond Hill et de Pickering, ont demandé que leur signature soit retirée d'une lettre sollicitant des appuis au projet de loi. J'ai la correspondance à cet égard. Le maire de Toronto a refusé de signer cette lettre. Si je ne m'abuse, quand le conseil a affirmé qu'il voulait un parc urbain national, ce n'était pas nécessairement l'avis de toutes les municipalités, à part peut-être pour la Municipalité régionale de York et pour Markham.

Monsieur Robb, pourrais-je avoir vos commentaires là-dessus?

M. Robb : Oui, je connais plusieurs de ces maires, et je leur parle de temps à autre. On peut effectivement affirmer que tout le monde souhaite réellement que cela fonctionne. On peut également affirmer que la municipalité a approuvé le transfert des terres qu'elle possède et aimerait que la province aille de l'avant. Tout cela est vrai.

J'en ai discuté avec certains d'entre eux, et ils veulent avant tout que les choses bougent. Ils n'ont pas examiné la législation et les politiques comme il se doit, contrairement à nous. En collaboration avec la SNAP et d'autres groupes, nous avons retenu les services d'un avocat spécialiste des questions environnementales, un des meilleurs, et il a conclu que la législation n'était pas assez rigoureuse.

Nous avons fait preuve de diligence raisonnable. Je connais le cadre de politique du parc de la Rouge comme le fond de ma poche. Je pourrais vous en citer des extraits mot pour mot. Ce cadre de politique n'est pas que le fruit de mes efforts, mais aussi de ceux de milliers de personnes au gouvernement, beaucoup d'acteurs politiques. On ne peut pas balayer tout ce travail du revers de la main, et c'est ce que fait ce projet de loi. Il vient effacer 25 années d'élaboration de politiques publiques dans le dossier de la Rouge.

M. Buchanan : Je ne sais pas qui a fini par signer la correspondance dont vous parlez, mais je sais que le président Wayne Emmerson l'a fait, comme vous l'avez mentionné, et la Ville de Markham. Je peux vous dire que différents rapports ont été soumis aux conseils, à la Ville de Toronto, à la région de York, à la Ville de Markham, et à ce que je sache, ils ont tous été bien accueillis, y compris le rapport du 10 février remis à la Ville de Toronto.

Les discussions se poursuivent, c'est vrai, et il faut qu'elles se poursuivent. Il n'est pas question de dissension à propos des méthodes employées par Parcs Canada.

Le sénateur Eggleton : Je n'ai pas eu connaissance de correspondance qui évoque que les conseils municipaux ont étudié le projet de loi C-40. Et vous?

M. Buchanan : Je n'ai pas vu de correspondance, mais je sais que des rapports ont été produits.

Le président : Sénateur MacDonald.

Le sénateur Eggleton : Cela ne veut pas dire qu'ils ont été adoptés.

Le sénateur MacDonald : Je veux revenir sur la question de l'intégrité écologique et des priorités environnementales. Corrigez-moi si je me trompe, mais je crois que la seule loi provinciale s'appliquant aux terres du gouvernement ontarien dans le parc de la Rouge proposé est la Loi sur la ceinture de verdure. Je pense bien que c'est cela.

Est-il question dans cette loi de l'intégrité écologique? Je ne vois cette mention nulle part.

M. Hébert-Daly : La mention est implicite, bien sûr, puisque les plans renvoient à la Loi sur la ceinture de verdure.

Le sénateur MacDonald : Mais la notion n'est pas inhérente au corps de la loi, cependant?

M. Hébert-Daly : Non.

M. Robb : Vous avez parlé du Plan de la ceinture de verdure, et je sais que vous faites référence aux terres provinciales, mais le premier énoncé de la Loi sur la conservation de la moraine d'Oak Ridges et du plan connexe, consiste, sur le plan des objectifs, à protéger l'intégrité écologique et hydrologique de la région de la moraine d'Oak Ridges.

C'est dans le plan de la moraine d'Oak Ridges, qui fait partie de la grande région du parc. Vous avez raison, le Plan de la ceinture de verdure s'applique aux terres provinciales. La Loi sur la ceinture de verdure ne fait peut-être pas mention de l'intégrité écologique, mais le plan, oui.

Le sénateur MacDonald : Mais la loi n'en fait pas mention. Pour ce qui est du protocole d'entente conclu avec le gouvernement de l'Ontario, dans le plus récent mémoire soumis par la Ville de Markham, vous dites que le gouvernement fédéral doit respecter son engagement de suivre ou de surpasser les exigences prévues par les politiques provinciales en donnant la priorité à l'intégrité écologique dans le cadre de la loi et le plan de gestion du parc national de la Rouge. Si on avait pris un tel engagement, pourquoi le protocole de 2013 n'en fait-il pas état? Cela n'est mentionné nulle part.

M. Robb : Le protocole d'entente est assez vaste. Il prévoit que Parcs Canada devra travailler avec l'Ontario pour élaborer...

Le sénateur MacDonald : Si le protocole est assez vaste, pourquoi n'en fait-il pas mention?

M. Robb : Eh bien, il y est question du Plan de la ceinture de verdure, du Plan de la moraine d'Oak Ridges. On en nomme quelques-uns. On cite également le Plan de croissance et le Grand projet, de même que des plans de développement économique et des plans de protection du paysage naturel et des terres agricoles.

Le sénateur MacDonald : Je dois dire que je fais aussi pleinement confiance à Parcs Canada. J'ai grandi à Louisbourg, où Parcs Canada gère et administre quelque 10 000 acres de terres depuis le milieu des années 1960. À Cap-Breton seulement, il y a trois parcs nationaux. J'admets que je ne comprends pas vraiment d'où viennent les doutes qui ont été exprimés à cette table concernant la compétence de Parcs Canada en matière de gestion écologique et environnementale.

M. Robb : Nous n'avons pas de reproche à faire à Parcs Canada et nous ne voulons pas nuire à sa réputation. Nous sommes préoccupés par les grandes compressions imposées aux scientifiques de l'environnement — à Environnement Canada et à Parcs Canada —, mais nous ne nions pas qu'à long terme Parcs Canada pourrait gérer le parc d'excellente façon. Nous pensons seulement qu'il faut lui donner comme outils une législation et un cadre de politique rigoureux.

C'est un milieu très difficile. Il faudra satisfaire à de multiples besoins concurrents, et c'est pourquoi un solide cadre de politique est nécessaire pour trouver des solutions. À long terme, mère nature pourrait aider à résoudre certaines situations.

Le sénateur MacDonald : Parcs Canada ne pourra pas remédier à cela tant qu'on ne lui aura pas permis de prendre les choses en main et donné certaines directives.

Une dernière question à propos de mère Nature : vous avez dit qu'on avait pu vous citer hors contexte en ce qui concerne les terres agricoles.

M. Robb : Non, je voulais plutôt dire qu'on peut dire 99 choses raisonnables, et la seule affirmation qu'on aimerait pouvoir effacer, la plus enflammée, c'est celle qui va se retrouver dans les médias.

Le sénateur MacDonald : Jetons un coup d'œil à certaines des choses que vous avez mentionnées : les cultures commerciales non rentables devraient être abandonnées graduellement. C'est ce qu'on fait sur les terres privées à la grandeur de l'Ontario. Cela n'a pas sa place sur les précieuses terres des parcs.

M. Robb : Je maintiens ce que j'ai dit. À mon avis, dans un parc, nous pouvons avoir de meilleures pratiques agricoles, mais je ne dis pas qu'il faut le faire tout de suite. Les agriculteurs investissent dans de l'équipement et des processus dispendieux; ce sont de grands engagements financiers. Nous devons donc faire la transition de manière juste et rationnelle.

Le sénateur MacDonald : Ne comprenez-vous pas pourquoi les agriculteurs se sentent peut-être menacés par une telle déclaration?

M. Robb : Je comprends. Voilà pourquoi j'aurais souhaité que le comité consultatif soit... J'ai fait une visite avec des agriculteurs qui m'ont dit : « Eh bien, vous avez ni cornes ni queue. Vous êtes en fait une personne assez raisonnable; nous pensons que nous pourrions arriver à nous entendre avec vous. »

J'ai collaboré avec des agriculteurs au fil des ans, et j'en connais un grand nombre. C'est ce qui est malheureux lorsque ces choses sont utilisées dans des intérêts politiques. La joute entre les agriculteurs et les environnementalistes est une pomme de discorde, alors que ce ne devrait pas l'être, parce que nous pouvons nous entendre, mais nous avons besoin d'un bon cadre législatif.

Le sénateur MacDonald : Je ne vois pas cela ainsi. Il y a beaucoup de terres agricoles dans le territoire proposé.

M. Robb : En effet.

Le sénateur MacDonald : Selon certains commentaires que j'ai vus, vous souhaitez que beaucoup de terres agricoles soient retirées des mains des agriculteurs.

M. Robb : Eh bien, tout d'abord, ce sont des terres publiques depuis 40 ans. Ensuite, bon nombre de ces agriculteurs n'habitent même pas à proximité de l'endroit. Ils vivent à 30 ou 40 kilomètres de là.

Voici comment fonctionne la culture de grains comme le soja et le maïs. L'agriculteur peut cultiver 10 kilomètres carrés, et des terres agricoles peuvent s'étendre sur 40 kilomètres. Voilà pourquoi il faut connaître le contexte. La majorité des terres agricoles dans la région du Grand Toronto qui se trouvent à l'extérieur des terres publiques appartiennent en fait à des promoteurs. Ces terres continuent d'être cultivées, mais elles sont en attente. Les promoteurs profitent d'un allégement fiscal et laissent donc des agriculteurs cultiver leurs terres. Ils demandent de 40 à 50 $ l'acre aux agriculteurs, ce qui permet de payer les frais d'administration. Ce n'est pas la valeur sur le marché.

Nous avons une situation dans le secteur de la Rouge où nous avons des terres qui ne font pas l'objet d'un processus d'appel d'offres concurrentiel; la valeur de ces terres est de loin inférieure au marché. C'est 50 $ l'acre, alors qu'ailleurs c'est 150 $. Le Toronto Sun a publié un article le printemps dernier à ce sujet; l'auteur disait que c'était le « paradis des locataires » et rapportait combien de fonctionnaires louaient ces terres, parce qu'il n'y avait pas de processus de distribution équitable en place.

Je n'habite pas dans le parc. J'habite à environ 15 kilomètres au cœur de Scarborough. Je n'ai pas de terres dans les environs du parc, mais je connais le contexte. Il faut apporter des modifications. Seriez-vous prêts à dire que 80 p. 100 d'un parc national devrait se composer à très long terme de terres privées subventionnées et louées? Est-ce dans cette direction que nous nous dirigeons au Canada, à savoir que 80 p. 100 des parcs publics se composeront de terres privées louées? Je ne le pense pas.

Nous devons régler ces questions. Nous devons être justes. Pour les agriculteurs patrimoniaux qui sont expropriés — et il y en reste encore quelques-uns —, pour ces personnes, nous devons être plus que justes, parce que l'expropriation est un processus désagréable.

Cependant, pour ce qui est des gens qui habitent à 50 kilomètres de là à Port Perry ou à Green Bank et qui possèdent 100 acres où ils cultivent du soja, nous pourrions essayer de trouver d'autres options. Quelqu'un aimerait-il y créer un verger? Quelqu'un aimerait-il avoir une ferme biologique? Il y a peut-être d'autres options.

Le sénateur MacDonald : Je vous citais. J'aimerais seulement finir de vous citer. Je crois que nous sommes tous les deux d'accord à ce sujet, mais vous avez aussi dit qu'il y a une raison pour laquelle nous avons besoin des gens de Parcs Canada. Ce sont des écologues. Je suis d'accord avec vous sur ce point.

M. Robb : C'était le cas jusqu'en mars 2012.

Le sénateur MacDonald : Je suis encore d'accord avec vous.

Le président : Sénatrice Eaton, vous aviez une question complémentaire.

La sénatrice Eaton : En ce qui concerne la première question du sénateur MacDonald sur l'intégrité écologique, cela s'applique-t-il à un parc urbain, selon vous?

M. Robb : Voici ce que nous avons proposé...

La sénatrice Eaton : L'expression « intégrité écologique ».

M. Robb : Voici ce que nous avons proposé. Nous sommes partis d'une approche qui rappelle le zonage. Nous disons qu'il faut scientifiquement définir un système durable concernant le patrimoine naturel qui protégera et qui améliorera les paysages et qui créera des sentiers pour les gens. Ensuite, vous établissez un objectif ambitieux concernant l'intégrité écologique de ce territoire. Pour ce qui est du reste du parc, où il y a des exploitations agricoles, des hameaux, les entrées du parc, des gîtes touristiques et peut-être quelques petites installations et des restaurants, vous le faites en ayant l'objectif de réaliser un gain net sur le plan de la santé du bassin hydrographique et de l'écosystème. Bref, c'est du zonage.

La sénatrice Eaton : Pour revenir à la définition de « l'intégrité écologique », je me suis fait expliquer que cela signifie de laisser la nature suivre son cours. S'il y a un feu de forêt à Banff, nous ne l'éteignons pas nécessairement. Il en va de même dans le cas d'une inondation.

M. Robb : C'est très malheureux. Quelqu'un a choisi d'utiliser cet aspect pour essayer de faire croître l'opposition. Il y a beaucoup de parcs nationaux où nous ne laissons pas les forêts brûler. Par contre, nous laissons les feux de forêt aller dans les parcs où le feu fait partie intégrante du processus de régénération. Par exemple, nous le faisons dans les parcs du Nord où pousse du pin gris.

La sénatrice Eaton : Je le comprends.

M. Robb : Nous ne laissons pas les forêts brûler à Banff ou dans la péninsule Bruce. Ces parcs veillent quand même à l'intégrité écologique. Au parc de Pointe-Pelée, nous ne laissons pas aller les feux de forêt ou les inondations sans réagir. Ces parcs veillent à l'intégrité écologique.

La sénatrice Eaton : Il faudrait donc avoir une autre définition. Vous dites que certains parcs veillent grandement à l'intégrité écologique, tandis que d'autres font moins bonne figure à ce sujet.

M. Robb : Non.

La sénatrice Eaton : Vous devez définir les termes.

M. Robb : Permettez-moi de le faire. Disons que vous êtes à l'université. Pour un cours donné, vous espérez avoir un B-, mais vous aurez probablement un C-ou peut-être un D.

La sénatrice Eaton : Revenez à l'intégrité.

Une voix : Oh, oh!

La sénatrice Eaton : Il ne répond pas.

Le président : Sénateur Eggleton, attendez un instant.

Le sénateur Eggleton : Elle manque de respect à l'égard du témoin. Selon moi, vous devriez la remettre à l'ordre pour avoir fait cela.

M. Robb : Je peux répondre à la question. Je m'excuse, monsieur le président.

Le président : Nous aurons une question et une réponse. C'est ce que je veux.

M. Robb : Pour ce qui est de l'intégrité écologique, vous espérez avoir un A ou un A+, et vous faites de votre mieux. Même si vous obtenez un B+ ou un A-, vous faites de votre mieux. C'est ce qu'il en sera pour le parc de la Rouge, et les générations futures et les gens qui vous succéderont diront que c'est du bon travail. Si vous dites que, pour un parc donné, vous espérez avoir un C+, parce que c'est un parc très difficile en raison de sa situation, vous aurez un D ou un E, et les générations futures se demanderont ce qui vous a passé par la tête.

Le président : Merci.

La sénatrice Eaton : Il ne répondra pas à ma question. Merci.

M. Robb : Je m'excuse. J'ai essayé.

Le sénateur Massicotte : Évidemment, vous êtes tous très sincères. Vous avez de bonnes intentions, et nous vous en sommes reconnaissants. Le sénateur Black a fait le même commentaire. Tout le monde souhaite ce qu'il y a de mieux pour le parc. C'est excellent. Malheureusement, nous définissons tous nos priorités différemment, à savoir ce qui vient en premier et en deuxième.

Monsieur Robb, vous semblez dire que, si le comité consultatif avait été mis sur pied ou que le plan de gestion avait été divulgué ou qu'il avait fait l'objet de discussions, cela aurait peut-être permis de régler les problèmes. Est-ce le cas?

M. Robb : Il subsisterait quand même des aspects pour lesquels les décideurs devraient trouver des solutions grâce à leur expertise, mais je crois que nous aurions ainsi été beaucoup plus près. Il y aurait eu moins de méfiance, lorsque j'ai fait cette déclaration incendiaire; c'est ainsi qu'ils pensent que je pense. Ce n'est pas entièrement vrai. Je crois vraiment qu'il existe des solutions où tout le monde y gagne.

Le sénateur Massicotte : Si les mécanismes avaient été plus avancés, cette méfiance concernant le choix des mots aurait peut-être disparu, n'est-ce pas?

M. Robb : Cela ne disparaîtra jamais, mais je peux vous donner deux ou trois exemples. Le parc de la Rouge n'est pas un cas unique. La création du parc de l'île Bowen ne s'est pas faite sans heurts. J'ai discuté avec des gens là-bas. Il y a des problèmes à Kootenay. L'un des problèmes est le système. Nous demandons à des gens qui arrivent dans un nouveau territoire de comprendre immédiatement 30 ans de connaissances collectives et de rédiger des mesures législatives et des politiques à cet égard. C'est très difficile. C'est pratiquement une mission impossible. C'est cliché. Le propriétaire de ranch de Kootenay disait la même chose que je dis à Toronto. La personne qui promène son chien sur l'île Bowen disait la même chose que je dis à Toronto.

Il faut passer du temps dans une collectivité pour bien saisir la situation et rédiger des lois à ce sujet. Voilà ce que nous disons. Acceptez ce qui a déjà été fait durant plus de 25 ans de planification publique et n'essayez pas d'imposer la vision déconnectée d'Ottawa.

Le sénateur Massicotte : Tout le monde est sincère. Nous avons entendu des témoins avant vous et nous avons eu une présentation détaillée, qui se trouve sur notre site web. Les témoins ont en fait dit que ce qui est proposé dans le projet de loi est supérieur à la ceinture de verdure provinciale.

M. Robb : Je sais.

Le sénateur Massicotte : Je suis reconnaissant que vous soyez tous très sincères. Nous avons des opinions différentes, mais personne n'essaie d'induire l'autre en erreur. Il y a donc une sincère différence d'opinions entre les vôtres et celles d'autres personnes.

M. Robb : Je suis d'accord. Certains de vos autres témoins ont passé du temps dans le milieu. Alan Wells a été un excellent président de l'Alliance du parc de la Rouge durant cinq ans. Larry Noonan a réalisé de grandes choses quant à la forêt Altona en périphérie du parc. Ils ont un aperçu de l'éléphant. Je fais valoir que les gens qui travaillent à ce dossier depuis 30 ans et qui ont participé à des milliers de séances communautaires ont une vue d'ensemble de l'éléphant.

Le sénateur Massicotte : Permettez-moi de vous poser des questions précises, et j'aimerais avoir des réponses très précises. Dans les amendements proposés par le ministre ontarien, au sixième paragraphe, il a en gros dit qu'il veut mettre la priorité sur la protection et le rétablissement de l'écosystème du parc. Monsieur Robb, qu'est-ce que veut dire « rétablissement »? Faut-il revenir à ce qu'il y avait il y a 500 ou 1 000 ans ou à la période glaciaire?

M. Robb : C'est une excellente question. Non. En fait, l'un des premiers explorateurs à se rendre dans le sud de l'Ontario en 1500 a décrit cette magnifique... Je vous recommande de lire The Once and Future Great Lakes Country. C'est écrit par John Riley, un scientifique de Conservation de la nature Canada.

Le sénateur Massicotte : Vous avez parlé du libellé. Qu'est-ce que le libellé veut dire? Le libellé parle du rétablissement de l'écosystème.

M. Robb : Cela signifie qu'il faut élargir les zones tampons autour du bassin hydrographique et des rivières en vue d'éviter que le ruissellement et les inondations polluent les aires en aval, les droits riverains des gens, le lac, les plages et l'eau potable. Comme il y aura du développement, nous devons prendre des mesures compensatoires pour protéger la santé de la nature et la rendre plus forte. Cela signifie que le parc ne sera plus constitué à long terme de 80 p. 100 de terres privées louées; ce sera peut-être 50 p. 100.

Le sénateur Massicotte : Vous vous tournez vers le projet de loi pour vous orienter. Si vous examinez le projet de loi, cet aspect fait maintenant partie du projet de loi; c'est le rétablissement de l'écosystème, à savoir le rétablissement et non le développement partiel.

M. Robb : J'en ai vu une copie, et il est en fait question de protection, d'amélioration et de rétablissement.

Le sénateur Massicotte : Je vais vous le lire. Cela donne priorité à la protection, à l'amélioration, au rétablissement, à la santé, à la diversité et à la durabilité de l'écosystème du parc.

M. Robb : Le paragraphe dit aussi : « et ses valeurs agricoles ».

Le sénateur Massicotte : Et au bassin hydrographique.

J'aimerais faire valoir un autre point. Monsieur Hébert-Daly, au paragraphe 6, vous voulez que les choses soient très propres. Vous voulez une priorité et non quatre. Par contre, si je comprends bien ce paragraphe, vous avez sept priorités. Nous ne sommes pas plus avancés.

M. Hébert-Daly : Voilà pourquoi je m'abstiens de tout commentaire à ce sujet avant d'y avoir réfléchi plus amplement.

Le sénateur Massicotte : C'était ma question.

Le sénateur Mitchell : Certaines des questions, pour ne pas dire la majorité, semblent sous-entendre que les partisans d'une définition plus précise des priorités quant au parc ont tort. Vous avez fait des consultations et de la planification durant des années, et des milliers de personnes y ont participé. À mon avis, il serait tout à fait facile pour le gouvernement fédéral d'accepter un libellé plus fort, à savoir un libellé qui ne serait pas incompatible avec ce qu'il fait concernant d'autres parcs dans des domaines raisonnables. Je sais que vous n'êtes pas ici à titre de politicologues, mais la sénatrice Eaton me pousse à tenir des propos provocateurs. Selon vous, pourquoi le gouvernement fédéral ne décide-t-il pas tout simplement de vous donner raison, de bien faire les choses et de renforcer le projet de loi?

M. Robb : Lorsque vous avez de tels enjeux, les gens viennent vous voir. Le député local dira peut-être : « Je ne m'opposerai pas au parc, si vous vous occupez de l'agriculture et de l'infrastructure, parce que j'ai ces deux problèmes. » En fait, le programme conservateur en 2010, soit avant les élections, faisait grand bruit de l'annonce du parc de la Rouge, mais il était précisément écrit que nous veillerions aux intérêts concernant l'agriculture et l'infrastructure. Ce sont des intérêts légitimes, mais il arrive d'aller trop loin pour défendre les intérêts d'une minorité, ce qui inclut parfois des gens comme moi qui se font entendre et qui convainquent beaucoup de personnes d'assister aux séances. Voilà pourquoi il faut regarder à long terme. Nous devons penser à long terme aux millions de gens.

Un quatre-centième des terres du sud de l'Ontario sont des parcs nationaux. En Alberta, c'est 9,5 p. 100. Au Manitoba et en Nouvelle-Écosse, c'est environ 2,5 p. 100. Un quatre-centième de nos terres est protégé. Le sud de l'Ontario est la région qui a la plus grande richesse écologique. On y retrouve le tiers des espèces en péril au Canada, le tiers de la population canadienne et un quatre-centième des parcs nationaux canadiens.

Nous avons ce cadeau qui a été créé dans la douleur. Le gouvernement fédéral libéral et le gouvernement provincial progressiste-conservateur ont exproprié ces terres, mais nous avons au final un cadeau pour les générations futures. Bref, ne coiffez pas ce cadeau d'une boucle lâche. Coiffez-le d'une boucle serrée. Cette boucle serrée prend la forme d'une mesure législative solide et d'une politique solide.

Alison Woodley, directrice nationale, Programme des parcs, Société pour la nature et les parcs du Canada : Je ne peux pas répondre précisément à votre question, sénateur Mitchell, mais j'aimerais pouvoir lire un court paragraphe qui explique ce que la Société pour la nature et les parcs du Canada essaye de faire valoir. Nous avons beaucoup parlé de la norme internationale pour une aire protégée, et l'essence de cette norme est de faire de la conservation de la nature une priorité. J'aimerais donc vous lire comment l'UICN définit une aire protégée.

Pour l'UICN, seules les aires dont le principal objectif est de conserver la nature peuvent être considérées comme des aires protégées; cela peut inclure de nombreuses aires qui ont aussi d'autres buts de même importance, mais en cas de conflit, la conservation de la nature sera prioritaire.

L'IUCN est l'organe international qui établit les normes de conservation pour les aires protégées, les normes qui correspondent à la définition d'une aire protégée. Dans le plan de gestion, Parcs Canada a énoncé qu'il s'agira d'une aire protégée de l'IUCN. Il est acceptable d'avoir de multiples piliers mais, ce qui est préoccupant, c'est la question de savoir comment l'organisme prendra des décisions lorsque ces piliers entreront en conflit et quel mandat lui sera confié pour prendre des décisions?

Il n'est pas question de rejeter un pilier sous prétexte que sa valeur est moindre, mais plutôt de pouvoir prendre des décisions qui feront en sorte que cet endroit ne soit pas morcelé au fil du temps et dégradé à cause des pressions exercées par des visiteurs. Il y a six millions de personnes dans la région entourant ce parc. C'est d'autant plus important qu'il y ait une loi solide et claire énonçant les mesures à prendre lorsque les activités des visiteurs exercent des pressions sur le parc et la façon de composer avec les pressions internes et externes que les gestionnaires devront gérer.

Au bout du compte, nous nous préoccupons de confier un type de mandat équivalent à Parcs Canada et de lui permettre de gérer ce parc en collaboration avec les agriculteurs et d'autres personnes.

M. Hébert-Daly : En fait, le projet de loi contient des éléments très solides qui exigent la collaboration des parties. C'est, en fait, une section très importante de la mesure législative que M. Buchanan a soulignée comme étant un point fort et c'est ainsi que nous la percevons nous aussi. La collaboration demandée est nécessaire et primordiale pour assurer la viabilité du parc à long terme.

M. Buchanan : Je voulais simplement demander si le risque résidait dans le fait qu'il n'y a pas de parcs nationaux agricoles et que le nouveau modèle de parc urbain national de la Rouge est viable au plan agricole, et pas seulement pour la forme. Je suis écologiste et j'ai beaucoup appris à travailler avec les agriculteurs. Au lieu d'arriver avec une règle et d'imposer certains choix parce que l'environnement est prioritaire, on privilégie un cadre équilibré, assorti des autres éléments de la politique, qui contient les termes que vous avez employés. Ces mots apparaissent dans l'ébauche du plan de gestion en ce qui touche la protection, le rétablissement, et cetera.

Aussitôt que vous trouvez une faille dans cet équilibre, vous proposez un effet de levier qui ne profite pas au parc, et notre expérience nous a appris que c'était le cas dans le parc de la Rouge.

Le sénateur Mitchell : Revenons à ce qui explique peut-être cet état de choses. Si vous utilisez des mots comme « rétablir et rehausser » — des mots essentiels, selon moi —, il est évident que pour un gouvernement obsessionnellement défavorable à des dépenses que certains d'entre nous estiment nécessaires, ces mots équivalent à des coûts.

Est-ce vraiment le cas? Faudra-t-il vraiment engager des dépenses pour le rehausser et le renforcer?

M. Robb : Vous pouvez récupérer une partie des 143 millions de dollars si vous donnez les terres au nord de Pickering.

Une voix : Vous ne devriez pas dire cela.

Une voix : Attention à ce que vous dites. Attention à ne pas souhaiter n'importe quoi.

M. Robb : Mais je suis honnête, et nous préférerions qu'une partie de cet argent soit placée dans un fonds fiduciaire, car le financement est dépensé trop rapidement — je crois que 17 millions de dollars ont été consacrés à l'arpentage. Lorsque David Crombie nous a posé des questions au sujet du parc en 1994, le gouvernement fédéral et la province avaient fourni 10 millions de dollars chacun. Le financement provincial a été écoulé très rapidement. Nous avons dit à David Crombie « S'il vous plaît, prenez les 10 millions de dollars du gouvernement fédéral, placez-les dans un fonds fiduciaire, dans un fonds de placement éthique qui génère des revenus et servez-vous des intérêts pour financer le parc. »

En fait, nous sommes des conservateurs avec un petit « c », des défenseurs de l'environnement, et nous voulons les terres plus que l'argent. Pour répondre à votre question, l'organisme Friends of the Rouge Watershed dispose d'un très petit budget, mais nous recevons des dons d'entreprises ainsi que du financement municipal, fédéral — le gouvernement fédéral a été un important partenaire — et provincial.

Nous avons dû soumissionner pour avoir des choses à planter dans le parc et nous avons fait une offre au quart de la valeur estimée, alors nous sommes un groupe sans but lucratif. Nous emmenons des enfants dans le parc; nous plantons des arbres; nous leur enseignons des choses concernant la nature; nous travaillons avec les collectivités.

Une des raisons pour lesquelles je me suis engagé auprès de l'organisme Friends of the Rouge Watershed est que, lorsque nous avons rencontré David Peterson, il était aussi sceptique à cet égard. Il a dit : « Nous n'avons pas beaucoup d'argent dans l'armoire. Cela pourrait représenter une dépense importante ». Nous lui avons répondu : « Il y a des milliers de personnes qui veulent aider le parc. Nous allons mettre la main à la pâte, coordonner des bénévoles et vous aider à faire des choses. » Alors lorsque j'ai quitté la commission des évaluations environnementales, j'ai senti qu'il fallait que je retourne aider les autres avec ce projet; nous avons donc coordonné 51 000 bénévoles afin de mettre des copeaux de bois dans les sentiers, de planter des arbres, de ramasser des détritus et de faire des choses.

Parcs Canada apportera le professionnalisme dont nous avons besoin à ce projet avec des gardes de parc et tout, mais on tient à en conserver l'aspect participation communautaire. Cela nous permettra de limiter nos dépenses.

Le président : Merci, sénateur Mitchell.

Je n'ai pas vraiment de question à poser, mais vous m'avez dit qu'il y a des choses que vous aimeriez pouvoir rendre. Je ne dirais pas au gouvernement fédéral de reprendre une partie de l'argent. Pour être bien honnête, je vis en Colombie-Britannique et, si le gouvernement offrait du financement et que je disais « Vous savez quoi? Nous ne voulons pas de cet argent », je me ferais lyncher par mes amis dans l'arrière-salle.

Nous avons ici la possibilité de créer le premier parc national urbain au Canada, de concert avec le gouvernement fédéral qui, comme vous le dites, investit des sommes importantes dans ce projet. Nous avons un parc. Parcs Canada est réputé dans le monde entier pour le travail qu'il accomplit. Quiconque est allé dans l'un de nos parcs le sait pertinemment. Il fait un très bon travail.

Pour un projet de cette envergure, rien ne sert de se lancer dans des calculs hypothétiques; s'il est entrepris, je vous garantis que dans une décennie ou moins, tout sera oublié et tout le monde sera heureux du résultat. En fait, il faudrait moins d'une décennie.

Au Canada, bien des localités aimeraient probablement avoir un parc comme celui qui est proposé et, si j'en juge par ce que vous m'avez dit, vous y travaillez depuis les années 1980 — depuis les années 1980, mon Dieu, et vous êtes enfin en train d'y arrivez. Mettons le projet en chantier. Créons un parc. Créons un parc national urbain et faisons ce qu'il faut pour le gérer.

Cela étant dit, vous n'avez pas à répondre à ce commentaire. C'est simplement une déclaration de la présidence. J'exerce ma prérogative de le faire et je déclare que la séance est levée.

(La séance est levée.)


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