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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 28 - Témoignages du 5 mai 2015


OTTAWA, le mardi 5 mai 2015

Le Comité permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 38, pour étudier le développement des énergies renouvelables et non renouvelables dans les trois territoires du Nord, y compris le stockage, la distribution, la transmission et la consommation d'énergie, de même que les technologies émergentes.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la Colombie-Britannique au Sénat, et je préside ce comité.

Je souhaite la bienvenue à mes collègues sénateurs, à tous les membres du public présents dans la salle et aux téléspectateurs des quatre coins du pays qui nous regardent à la télévision. Je rappelle à tous ceux qui suivent les délibérations de notre comité que nos séances sont publiques et qu'elles sont également accessibles par webdiffusion sur le site web sen.parl.gc.ca. Vous trouverez également le calendrier de comparution des témoins sur notre site web, sous la rubrique « Comités du Sénat ».

Je vais maintenant demander aux sénateurs de se présenter, et je commencerai par le vice-président, le sénateur Paul Massicotte du Québec.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, Québec.

Le sénateur Black : Doug Black, de l'Alberta.

Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, de l'Alberta.

Le président : J'aimerais maintenant présenter notre personnel. Lynn Gordon est notre greffière, et Sam Banks et Marc LeBlanc sont nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement.

Le 4 mars 2014, le Sénat a autorisé le comité à entreprendre une étude sur le développement des énergies renouvelables et non renouvelables dans les trois territoires du Nord, y compris le stockage, la distribution, la transmission et la consommation d'énergie, de même que les technologies émergentes.

Aujourd'hui, c'est avec plaisir que je souhaite la bienvenue aux témoins de l'Alaska Energy Authority, qui comparaissent devant nous par vidéoconférence depuis Anchorage, en Alaska. Il s'agit de Sara Fisher-Goad, directrice exécutive, et de Sean Skaling, directeur, Programmes d'énergie et évaluations.

Je tiens à les remercier de participer à nos délibérations. Je suis désolé de commencer un peu plus tard que prévu, mais la séance du Sénat a fini plus tard qu'à l'habitude. Nous avons dû attendre que tout soit terminé et que la séance soit levée.

Nous sommes prêts à écouter votre exposé. Quand vous aurez fini, nous vous poserons des questions. Vous avez la parole.

Sara Fisher-Goad, directrice exécutive, Alaska Energy Authority : Merci, monsieur le président. Je m'appelle Sara Fisher-Goad et je suis directrice exécutive de l'Alaska Energy Authority. Je suis accompagnée de Sean Skaling, directeur, Programmes d'énergie et évaluations. M. Skaling dirige notre programme d'énergie renouvelable et le Emerging Energy Technology Fund.

Nous ferons un exposé conjoint.

Monsieur le président et chers membres du comité, nous tenons à vous exprimer nos sincères condoléances à la suite du décès du Président Nolin.

Nous sommes honorés de faire cet exposé au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles au nom de l'Alaska Energy Authority, l'AEA. L'Alaska a en effet de nombreux points communs avec les territoires canadiens voisins, avec lesquels l'AEA a établi de bonnes relations ainsi que des partenariats.

Nombre de difficultés auxquelles nous faisons face et de possibilités qui s'offrent à nous sont semblables à celles de nos voisins : nous nous efforçons de répondre aux besoins de petites collectivités éloignées les unes des autres, dont la charge électrique est très faible et qui sont aux prises avec des coûts énergétiques élevés.

L'Alaska Energy Authority travaille en étroite collaboration avec Ressources naturelles Canada et collabore à l'organisation de la conférence « Renewables in Remote Microgrids », qui se tiendra à Yellowknife en septembre prochain. Nous collaborons aussi à la production et à la transmission d'électricité ainsi qu'au développement des infrastructures de télécommunications dans le cadre du projet de corridor de développement économique entre le Yukon et le sud-est de l'Alaska. Gene Therriault, directeur à l'Alaska Energy Authority, est d'ailleurs à Whitehorse aujourd'hui et se prépare à rencontrer des fonctionnaires afin de poursuivre notre collaboration à ce projet. L'Alaska Energy Authority est une société d'État indépendante dont la mission est de réduire le coût de l'énergie en Alaska. Le présent exposé donne un aperçu de la situation énergétique actuelle dans notre État, de sa politique énergétique et du rôle joué par l'AEA dans la mise en œuvre des stratégies pour atteindre les objectifs de cette politique.

Les circonstances ont déterminé notre politique. Une grande majorité des collectivités de l'Alaska sont tributaires du gazole pour produire tant de la chaleur que de l'électricité. En 2008, le coût du pétrole a explosé dans l'État, et nos collectivités, aux prises avec des coûts de l'énergie croissants, ont connu des difficultés économiques. L'assemblée législative de l'Alaska a adopté une loi en matière de politique énergétique qui autorise l'AEA à mettre en œuvre des programmes et des projets visant un approvisionnement énergétique stable et abordable dans l'ensemble de l'État.

Je passe à la page 2 de notre exposé — dont vous avez, je crois, une copie devant vous —, qui présente la population et le revenu des ménages par région. En raison de la superficie et de la diversité de l'Alaska, nous avons divisé l'État en régions. Cela facilite notre planification énergétique et tient compte de la réalité stratégique, soit qu'un projet énergétique donné répond rarement aux besoins de l'ensemble de l'État. Nous avons donc mis en place divers programmes et projets pour résoudre cette difficulté.

Le Railbelt, situé au centre, est la région la plus densément peuplée de l'État. Elle comprend Fairbanks, au nord, Anchorage, au centre, la péninsule de Kenai, au sud, et Homer. Les régions de l'Alaska les plus similaires aux trois territoires canadiens compris dans votre étude sont les cinq dernières figurant dans ce tableau. Les populations de ces régions sont constituées de nombreuses petites localités autochtones à économie de subsistance, dont beaucoup comptent moins de 400 habitants.

La diapo 3 montre le pourcentage du revenu des ménages consacré au chauffage et à l'électricité par région. Ce tableau permet d'illustrer les difficultés auxquelles de nombreux résidants de l'Alaska font face. Encore une fois, les faibles charges et la distance entre les collectivités donnent souvent lieu à des coûts énergétiques élevés.

Le tableau de la diapo 4 montre la production d'électricité de l'Alaska par région. Lors de la préparation du tableau, nous avons comparé la production d'électricité des diverses régions de l'Alaska avec celle des Territoires du Nord-Ouest, du Yukon et du Nunavut. Il semble que le Nunavut produit 150 000 mégawattheures par an, le Yukon, 350 000 mégawattheures par an et les Territoires du Nord-Ouest, beaucoup plus, soit 700 000 mégawattheures par an.

La diapo 5 illustre l'évaluation de l'utilisation des ressources existantes de l'État pour la production d'électricité, réalisée par l'AEA. Nos régions les moins peuplées, soit celles du nord-ouest et du sud-ouest, ont un accès limité aux énergies renouvelables et n'ont actuellement aucun accès au gaz naturel. Le sud-est de l'Alaska produit de l'hydroélectricité.

De façon similaire, la diapo 6 illustre l'évaluation de l'utilisation des ressources existantes pour la production de chaleur. Vous pouvez constater une moindre diversité dans ce cas. En outre, le gaz naturel est essentiellement disponible dans la région d'Anchorage, dans le centre-sud de l'Alaska. Nous travaillons depuis deux ans à un projet de transport par camion de GNL à la région de Fairbanks. Les autres régions de l'État continueront d'être largement tributaires du gazole pour la production de chaleur. Encore une fois, dans le sud-est de l'Alaska, qui produit de l'hydroélectricité et qui jouit d'un climat beaucoup plus doux, on peut chauffer à l'électricité.

La diapo 7 donne un aperçu des prix de l'électricité dans les collectivités de l'Alaska ainsi que des coûts du chauffage. Dans ce cas, nous comparons la petite collectivité rurale de Nome à Anchorage, où l'on peut chauffer au gaz naturel.

La diapo 8 commence à présenter la politique énergétique de l'Alaska. Quand l'assemblée législative l'a adoptée en 2010, elle voulait que l'État demeure un chef de file de la production pétrolière et gazière, et qu'il diversifie les ressources énergétiques utilisées au sein de ses frontières pour devenir également un chef de file du développement des énergies renouvelables et de substitution. Cette politique était accompagnée d'un projet de loi omnibus sur l'énergie établissant plusieurs des programmes que nous administrons.

La diapo 9 indique que la politique énergétique de l'Alaska vise un approvisionnement énergétique abordable et fiable. L'accent est mis sur la réduction du coût ou sur un approvisionnement abordable, peu importe que la source d'énergie soit renouvelable ou qu'il s'agisse d'un carburant fossile.

À la diapo 10, nous commençons à parler du rôle joué par l'AEA dans cette initiative. L'AEA est le principal acteur dans le domaine de l'énergie ainsi que le bureau de l'énergie de l'État d'Alaska. Nous coordonnons nos activités avec d'autres organismes gérant des programmes d'énergie. L'État compte sur nous pour coordonner une bonne partie des fonctions gouvernementales et des programmes d'énergie.

La diapo 11 présente la mission de l'AEA, qui est de réduire le coût de l'énergie en Alaska. L'AEA est une société publique indépendante de l'Alaska qui existe depuis près de 40 ans.

Elle finance et exploite des centrales, et gère des programmes à l'échelle de l'État. À ce titre, elle doit chercher à établir un équilibre entre l'aide et le financement accordés aux régions densément peuplées, où l'on peut construire des infrastructures énergétiques, et ceux octroyés aux autres régions.

La diapo 12 souligne que l'AEA a vraiment tenté de s'assurer de continuer à mettre l'accent sur les collectivités, et d'offrir une aide compatible avec la politique énergétique et les objectifs de l'État. Nous fournissons l'aide technique et avons contribué à diriger les activités de planification régionale et de gestion de projets. Nous aidons les petites, voire les grandes collectivités à chercher des synergies entre ces projets de planification et les sources de financement.

Comme je l'ai déjà dit, nous visons l'équilibre entre le développement d'infrastructures dans les régions densément peuplées et d'autres formes d'aide aux autres régions de l'État pour leur assurer un avenir énergétique durable.

La diapo 13 traite d'un des programmes qui ont été un pilier pour nos collectivités rurales, à savoir la mise à niveau des installations de stockage de carburant en vrac et des réseaux électriques ruraux. Beaucoup de collectivités de l'Alaska doivent assurer un approvisionnement en carburant à longueur d'année à leurs habitants, souvent du gazole qui sert au transport, au chauffage et à la production d'électricité. Nous avons prêté main-forte aux collectivités et pris l'initiative de construire des dépôts de stockage dans les petites collectivités rurales. Nous aidons aussi les collectivités rurales à mettre en place des réseaux électriques qui sont l'élément central d'un approvisionnement en électricité sûr et fiable.

La mise à niveau des réseaux a été principalement financée au moyen de subventions octroyées dans le cadre d'un programme fédéral et via un organisme fédéral appelé Denali Commission. Tout récemment, l'État de l'Alaska a pu nous accorder des fonds directement en vue de ces projets de mise à niveau. Il ne s'agit pas d'un programme de prêts aux collectivités à ce stade, mais essentiellement de subventions visant une mise à niveau.

Comme on peut le voir à la diapo 14, nous avons vérifié le coût d'un système de prêts et la répercussion d'un financement par emprunt partiel de ces projets sur les taux dans les petites collectivités. Dans le cas de certains petits projets, le coût serait considérable. En moyenne, les petites collectivités rurales dont les coûts de l'énergie sont généralement élevés connaîtraient une augmentation de quelque 19 cents le kilowattheure en raison de la gestion et du service de la dette découlant de ces réseaux électriques.

Les centrales consistent généralement en un groupe de trois ou quatre générateurs au gazole produisant l'électricité nécessaire à l'ensemble de la collectivité.

La diapo 15 traite du programme « Power Cost Equalization », que l'État de l'Alaska gère depuis 30 ans et qui consiste à fournir une aide financière et des subventions. L'État de l'Alaska a élaboré ce programme au moment où il réalisait des projets hydroélectriques dans des régions densément peuplées. N'étant pas nécessairement en mesure de réaliser des projets viables dans des régions peu peuplées, il voulait fournir une aide financière à ces collectivités pour y réduire le coût de l'énergie. Ainsi, les petites collectivités qui ne peuvent profiter d'infrastructures énergétiques reçoivent une aide dans le cadre de ce programme de subventions directes. Encore une fois, c'est un moyen de garantir l'équité entre nos régions densément peuplées et les petites collectivités rurales qui sont et seront toujours tributaires de systèmes au diesel pour la production d'électricité.

La diapo 16 mentionne deux objectifs spécifiques de notre politique énergétique que l'État de l'Alaska a considérés comme très importants et dont la mise en œuvre a été laborieuse pour l'AEA : l'État veut que 50 p. 100 de sa production d'électricité proviennent de sources renouvelables et de remplacement d'ici 2025, et que l'efficacité énergétique s'améliore de 15 p. 100 par habitant entre 2010 et 2020.

Monsieur le président, je cède maintenant la parole à M. Skaling qui parlera de certains programmes qu'il gère à l'Alaska Energy Authority.

Sean Skaling, directeur, Programmes d'énergie et évaluations, Alaska Energy Authority : Après avoir passé en revue les politiques de l'Alaska, voici un aperçu de ses programmes. Je commence par l'un des plus importants, le Renewable Energy Fund, dont il est question à la diapo 17.

Il s'agit d'un de nos principaux programmes. C'est un programme de subventions des énergies renouvelables qui a été lancé il y a environ huit ans. Jusqu'à présent, il a financé quelque 275 projets d'étude et, en fin de compte, de construction. Quelque 45 projets ont été menés à bien et fournissent de l'énergie, et l'on prévoit que de nombreux autres projets seront terminés d'ici la fin de l'année.

La diapo 18 donne des précisions sur le programme et indique notamment qu'il fait appel à un processus concurrentiel. Les candidats admissibles sont les collectivités, les services publics, les administrations locales et les producteurs d'électricité indépendants. Un processus d'évaluation technico-économique bien établi nous permet de recommander à l'assemblée législative les projets d'énergies renouvelables les plus efficaces qui nous ont été proposés dans le cadre du programme. À ce stade, nous mettons l'accent sur les technologies matures qui garantissent une production d'énergie à faible coût.

La diapositive suivante montre les économies annuelles de carburant diesel depuis le début du programme. Comme vous le voyez, le démarrage de la production d'énergie renouvelable a été lent les premières années en raison des phases de financement. En effet, nous avons commencé par financer des évaluations de faisabilité et des ressources; ce n'est qu'après que nous avons financé la conception finale et la construction.

À partir de 2013, les choses se sont accélérées et nous avons commencé à réaliser des économies de carburant considérables. Les économies réalisées sont principalement de carburant diesel, et nous avons traduit les économies d'autres carburants en équivalent gazole. Depuis la préparation de cette diapo, les chiffres de 2014 ont été mis à jour, et les nouveaux chiffres sont légèrement supérieurs à ceux que vous voyez : nous avons économisé l'équivalent d'un peu plus de plus de 15 millions de gallons de combustible grâce à ce programme.

J'aimerais également mentionner que le ratio avantages-coûts est d'environ 2,8. Les premiers projets achevés ont coûté quelque 300 millions de dollars dont environ 100 millions de dollars proviennent du programme et environ 200 millions de dollars sont des fonds de contrepartie; la valeur actualisée nette des gains, quant à elle, est d'un peu moins de 900 millions de dollars. Nous avons été réellement stupéfaits de constater l'importance des apprentissages tirés du programme par les organismes chargés des ressources, les services publics et les constructeurs.

La diapo 20 concerne nos programmes d'efficacité énergétique. Comme nous l'avons déjà mentionné, notre objectif est de réduire la consommation d'énergie par des mesures d'efficacité énergétique.

Pour y parvenir, l'Alaska Energy Authority mise sur trois programmes. Le premier est un programme de sensibilisation : il s'agit de sensibiliser les gens à ce qu'ils peuvent faire eux-mêmes. Un deuxième programme très populaire, le « Village Efficiency Program », finance tant des vérifications de l'efficacité énergétique que la mise en œuvre des mesures rentables qui auront été retenues dans les petits villages principalement autochtones de l'Alaska.

Le troisième est un programme dans le cadre duquel l'État contribue au financement de vérifications de l'efficacité énergétique d'immeubles commerciaux principalement situés dans les régions rurales de l'Alaska. En fin de compte, les améliorations sont apportées et financées par le propriétaire de l'immeuble. Nous coopérons étroitement avec l'Alaska Housing Finance Corporation, autre société d'État, qui a d'excellents programmes d'intempérisation et d'amélioration de l'efficacité énergétique des maisons résidentielles.

La diapo 21 présente un autre aspect de nos activités : l'offre de prêts pour soutenir les programmes.

Je passe à la diapo 22, qui traite du même sujet, soit du principal programme de prêts de l'Alaska Energy Authority qui peut contribuer au développement de projets énergétiques allant de l'efficacité énergétique au remplacement de groupes diesel électrogènes, en passant par des projets hydroélectriques, d'énergies renouvelables, de stockage, de transport, et cetera. Les projets les plus courants sont ceux de remplacement du gazole et les projets hydroélectriques.

Dans le cadre de notre portefeuille de programmes, nous offrons une formation aux Alaskiens pour les aider à mieux gérer et à soutenir les systèmes énergétiques de leur collectivité. À la diapo 24 figurent les types de formations offertes. Les principaux types sont la formation des exploitants d'installations de carburant en vrac, la formation des exploitants de centrales électriques, la formation avancée des exploitants de centrales électriques, et la formation sur l'égalisation des coûts de l'énergie pour aider les collectivités à profiter de ce programme.

La diapo 25 présente le Emerging Energy Technology Fund, programme visant les technologies énergétiques émergentes. Comme le président a mentionné les énergies émergentes dans l'introduction, ce programme pourrait vous intéresser. Le fonds vise à favoriser et à soutenir le développement de technologies énergétiques émergentes qui ne sont pas encore commercialement viables, mais sont susceptibles de le devenir sur un horizon de cinq ans. Il s'agit de projets énergétiques allant du stockage au développement hydrocinétique, en passant par l'intégration d'énergies renouvelables aux petits réseaux éloignés.

Mme Fisher-Goad : Pour conclure, monsieur le président, je voudrais dire quelques mots sur les plans énergétiques de l'Alaska. Nous avons effectué une importante planification régionale pour le sud-est de l'État, laquelle a abouti à un plan intégré des ressources pour cette région. Nous avons également élaboré un tel plan pour la région Railbelt. Grâce à notre financement, nous poursuivons notre collaboration avec des organisations de développement économique régionales en vue d'élaborer des plans, de viser un développement régional et de fournir un soutien technique à l'élaboration de plans dans l'ensemble de l'État. Cette carte montre les différentes régions et les plans que nous envisageons. Comme je l'ai déjà mentionné, nous avons notamment effectué une planification régionale plutôt qu'à l'échelle de l'État parce qu'il n'y a pas de stratégie ou de structure universelle étant donné la diversité de l'Alaska. Ce qui pourrait convenir à la région du versant nord ou à l'Arctique du Nord-Ouest ne conviendra pas nécessairement au sud-est de l'Alaska ou aux îles Aléoutiennes. Nous continuons à collaborer aux activités de planification d'autres régions de l'État en conseillant ces dernières. Nous rencontrons les dirigeants régionaux chaque trimestre pour les aider à effectuer la planification et nous assurer que les projets évalués pourront être financés.

En plus des plans régionaux, nous avons établi une stratégie en matière d'énergie abordable, à savoir l'Alaska Affordable Energy Strategy. L'an dernier, l'Alaska a adopté une loi visant la collaboration continue avec les producteurs de pétrole de l'État afin de favoriser la construction d'un gazoduc de grand diamètre, principalement dans le but de générer des revenus et de valoriser d'importantes réserves de gaz naturel du versant nord. Un article de la loi prévoit que l'Alaska Energy Authority dirigera une structure de planification qui étudiera les énergies abordables pour les régions de l'État n'ayant pas nécessairement un accès direct au gazoduc du versant nord. Cela tient compte du fait que, même si le gaz naturel joue un rôle très important dans l'obtention d'une énergie bon marché, tous les résidants de l'Alaska n'y ont pas accès. Nous étudions une structure de planification et l'élaboration de projets qui permettraient de continuer à réduire le coût de l'énergie en Alaska sans nécessairement fournir du gaz naturel à toutes les régions de l'État.

Là-dessus, monsieur le président, nous avons conclu notre exposé et sommes bien entendu prêts à répondre à des questions. Merci.

Le président : Merci à tous deux. Commençons la période de questions.

Le sénateur Massicotte : Merci à tous deux d'être présents ici aujourd'hui. Votre expérience nous est précieuse. Nous apprécions le fait que vous nous l'ayez communiquée.

Voici une question importante pour commencer : si vous étiez président du Nord canadien et que vous deviez commencer à parler d'énergie abordable, comment vous organiseriez-vous? Quels enseignements nous recommandez-vous vivement de suivre pour atteindre le même objectif? Qu'avez-vous appris? Quels enseignements pouvez-vous nous communiquer?

Mme Fisher-Goad : Merci, sénateur. Je crois que la plus grande leçon à tirer de tout cela est qu'il y a à la fois un désir et un besoin de diversité, mais qu'il faut demeurer réaliste, et une chose que nous avons observée auprès des petites localités est qu'il est très important pour elles de conserver cette assise locale, pour s'assurer qu'il existe de bonnes infrastructures énergétiques de base. Pour nos localités, il s'agit d'un système énergétique de centrales au gazole et d'un système d'approvisionnement en carburant en vrac sans danger pour l'environnement et qui respecte l'intégrité de la chaîne du froid, ce qui permet d'assurer l'acheminement du carburant pour toute l'année. Ils demeureront les infrastructures de base pour un grand nombre de nos petites localités.

Nous souhaitons intégrer des énergies renouvelables là où c'est possible, mais il se peut que, pour certaines de ces localités, ces énergies ne soient pas la voie la plus économique. Nous devons aussi tenir compte de l'aspect humain, qui consiste à s'assurer que les petites localités assurent elles-mêmes l'exploitation et l'entretien de ces systèmes. Nous voulons nous assurer que ces derniers ne deviendront pas trop compliqués.

Le sénateur Massicotte : Merci. Je crois qu'environ 70 p. 100 de votre approvisionnement en énergie provient du diesel, et que vous souhaitez réduire ce pourcentage à 15 p. 100. Est-ce exact?

Mme Fisher-Goad : En effet, nous utilisons en Alaska une quantité considérable de combustibles fossiles. Dans le cas de l'électricité, notre objectif est d'utiliser plus d'énergies renouvelables afin de ramener à 50 p. 100 notre recours aux combustibles fossiles. Quelque 20 à 22 p. 100 de notre production d'énergie proviennent de sources renouvelables; à l'heure actuelle il s'agit principalement d'hydroélectricité. Essentiellement, le gouvernement nous a demandé de doubler la mesure dans laquelle nous recourons à des sources renouvelables pour produire de l'électricité.

Le sénateur Massicotte : Au regard de ces projets, comment mesurez-vous ce qui est bon? Vous pouvez justifier n'importe quoi si vous disposez de fonds et de subventions illimités, et il est facile d'obtenir de l'énergie à faible coût si cette dernière est subventionnée à 80 p. 100. Comment en mesurez-vous les avantages? En fait, du point de vue de la conservation, vous retirez six fois l'investissement en six ans, ce qui est bien. Qu'en est-il des nouveaux projets? Je crois comprendre que vous envisagez de recourir beaucoup plus à l'éolien et aux gaz d'enfouissement. Comment vous y prenez-vous pour distinguer ce qui est censé de ce qui ne l'est pas, eu égard à ces projets?

M. Skaling : Nous effectuons déjà une évaluation solide des programmes en matière d'énergies renouvelables, alors nous examinons comme cas de référence ce qui existe à l'heure actuelle, qu'il s'agisse de la production d'énergie à partir du gaz naturel ou de gazole, et nous comparons cela au modèle connu, comme un projet d'énergie éolienne, d'hydroélectricité ou de biomasse. Quels sont les coûts à débourser d'emblée et les coûts d'exploitation attendus pour tout le cycle de vie du projet? La majorité des projets bénéficiant du fonds comportent plus d'avantages que dans la situation actuelle. En d'autres mots, c'est moins cher, compte tenu du prix attendu du carburant dans l'avenir.

Tout au long du programme, nous examinons un certain nombre de variables, dont la rentabilité et la viabilité technique, et faisons ensuite des recommandations au regard des projets financés, en nous fondant sur d'autres éléments également; nous nous assurons que nous atteignons toutes les régions de l'État.

Le sénateur Black : Merci à vous deux, non seulement de votre disponibilité, mais aussi d'avoir effectué une préparation aussi considérable. Cela nous est très utile. J'aimerais que vous m'éclairiez sur quelques points. Est-il exact d'affirmer que, dans les grandes villes de l'Alaska, les résidences et les entreprises sont alimentées à l'électricité ou au gaz naturel? Dans les régions plus rurales, l'énergie provenant principalement du gazole. Est-ce exact?

Mme Fisher-Goad : Oui, c'est exact. Pour l'éclairage comme pour le chauffage, les localités rurales sont tributaires du gazole. Dans les régions plus densément peuplées, les sources d'énergie sont plus variées. Anchorage, par exemple, est approvisionnée en gaz naturel, qui est la principale source d'électricité. Cependant, nous disposons d'un projet hydroélectrique qui fournit plus de 10 p. 100 des ressources en électricité. Ce projet fournit 10 p. 100 de l'électricité nécessaire pour toute la région de la ceinture ferroviaire.

En ce qui a trait au chauffage, la situation est un peu différente dans la région de la ceinture ferroviaire. Dans le centre-sud, aux alentours d'Anchorage, on chauffe essentiellement au gaz naturel. Dans la région de la ceinture ferroviaire qui s'étend jusqu'à Fairbanks, il y a un peu de diversité. En ce qui a trait au chauffage, Fairbanks est largement tributaire du gazole à l'heure actuelle. Il y a une combinaison un peu différente dans cette municipalité, selon qu'il s'agit d'électricité ou de chauffage.

Le sénateur Black : Comment les grandes entreprises en Alaska, celles de l'industrie minière, principalement, qui se trouvent évidemment en région éloignée, s'y prennent-elles généralement pour s'approvisionner en électricité, en énergie?

Mme Fisher-Goad : Pour nombre de ces municipalités, l'énergie provient du gazole. Aujourd'hui, dans le sud-est de l'Alaska, certaines mines sont alimentées en hydroélectricité par l'entremise de l'Alaska Electric Light and Power Company, qui est la compagnie de service public à Juno.

Le sénateur Black : Quel rôle le gouvernement fédéral joue-t-il en ce qui a trait à l'octroi de subventions et à l'élaboration de politiques en Alaska? Ce rôle consiste-t-il principalement à octroyer des fonds? Votre gouvernement fédéral octroie-t-il des fonds aux fins de la transition et de l'acquisition d'infrastructure?

Mme Fisher-Goad : Oui, il l'a fait par l'entremise de la commission Denali de 2000 à 2008 environ. Il continue d'octroyer du financement, mais il fournissait auparavant un financement considérable qui a été notre principale source pour une grande partie de l'infrastructure rurale : les parcs de stockage de carburant en vrac et les centrales. Le gouvernement fédéral a joué et continué de jouer un rôle considérable à cet égard. Ce rôle s'est atténué dernièrement. Le financement de l'État s'est avéré un peu plus important que celui du gouvernement fédéral qui, lui, finance certains programmes auxquels nous pouvons octroyer un financement de contrepartie pour le développement forestier dans nos programmes de bioénergie. Le gouvernement fédéral a récemment octroyé des subventions pour des projets de développement de l'énergie éolienne.

Pour ce qui est de l'efficacité énergétique, le State Energy Program mis sur pied par l'entremise du ministère américain de l'Énergie octroie un peu de financement que nous partageons avec notre homologue, l'Alaska Housing Finance Corporation.

Le sénateur Black : Estimez-vous la contribution du gouvernement fédéral importante?

Mme Fisher-Goad : Je dirais qu'elle est importante, oui.

Le sénateur Black : Quelle proportion des municipalités de l'Alaska est servie pas le réseau routier ou ferroviaire?

Mme Fisher-Goad : La région de la ceinture ferroviaire, la région autour d'Anchorage et qui s'étend jusqu'à Fairbanks; et puis jusqu'à Seward, toujours en Alaska. Je dirais que, pour répondre aux besoins de la population, près de 85 p. 100 des municipalités sont considérées comme rattachées au réseau routier. Certaines municipalités dites « rurales » sont aussi reliées au réseau routier, mais elles sont davantage rurales que certaines zones rattachées au réseau routier. Elles demeurent reculées.

Le sénateur Black : Merci, tout cela est très utile.

La sénatrice Seidman : Merci de vos interventions. Au début de 2014, les gouvernements de l'Alaska et du Yukon ont lancé conjointement un appel à propositions portant sur une étude de faisabilité relative à l'établissement de raccordements électriques et de canaux de télécommunications entre le sud-est de l'Alaska et le Yukon. Cette étude de faisabilité est-elle en cours? Quels avantages y aurait-il à relier les réseaux d'énergie de l'Alaska avec ceux du Yukon?

Mme Fisher-Goad : Cette initiative est en cours et Gene Therriault, notre directeur, est justement en route pour Whitehorse afin d'y rencontrer des représentants du gouvernement et des intervenants de l'industrie demain, pour discuter avec eux de la poursuite du projet. Il s'agit d'une analyse de la durabilité d'un couloir de développement économique entre Skagway et Whitehorse. Ce projet compte en outre un volet de télécommunications par fibre optique. Ces deux initiatives sont en cours et font actuellement l'objet d'un examen. Nous avons d'ailleurs hâte d'entendre le compte rendu de M. Therriault au sujet de la réunion de demain, en ce qui a trait aux progrès accomplis.

La sénatrice Seidman : L'étude de faisabilité est-elle bel et bien en cours ou est-il uniquement question de discussions pour l'instant?

Mme Fisher-Goad : Je crois que l'étude de faisabilité est en cours. Les gouvernements du Yukon et de l'Alaska ont chacun financé à hauteur de 150 000 $ la réalisation de ce projet. Je pense que ce qui a été proposé en février est une analyse de la faisabilité financière du projet. Ce dernier est en cours, et les fonds octroyés sont employés à cette fin.

La sénatrice Seidman : Pourriez-vous nous parler de cette idée consistant à obtenir certains avantages de la connexion des réseaux d'énergie du sud-est de l'Alaska et du Yukon?

Mme Fisher-Goad : Je crois comprendre qu'il y a deux scénarios à analyser. Il s'agissait notamment de mettre sur pied le West Creek Hydro Project, situé près de Skagway, qui exportera de l'énergie au Yukon durant l'hiver, puis permettra au Yukon d'acheminer à Skagway de l'énergie aux fins du secteur de la navigation de croisière.

Ils ont examiné la faisabilité financière et la durabilité de ces couloirs de télécommunication et d'énergie.

Le volet de télécommunications y était initialement rattaché, mais je crois qu'on a déterminé que les deux projets devaient avancer selon leur propre calendrier. Il semble que le gouvernement du Yukon examine en ce moment le tracé pour le sud-est de l'Alaska, mais qu'il étudie aussi un autre tracé vers Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest.

Puisqu'une réunion a lieu demain, je pense que la meilleure chose à faire serait probablement de dresser un bilan sur le statut du projet que nous pourrons soumettre au secrétaire de notre comité afin que ce dernier soit au fait des plus récents développements.

La Sénatrice Seidman : Ça serait vraiment utile. Au cours de nos audiences, nous avons entendu parler des énormes difficultés que comporte la production d'énergie durable, fiable et efficace dans le Nord. Comme vous avez beaucoup plus d'expérience que nous en la matière, avez-vous étudié d'autres pays nordiques pour trouver des exemples de mesures qui pourraient être mises en place dans le Nord? Le cas échéant, quelles étaient vos meilleures appréciations de ces exemples?

Mme Fisher-Goad : C'est une excellente question. Au moment où les Américains vont prendre la présidence du Conseil de l'Arctique ce mois-ci, nous avons examiné ces questions. L'Alaska Energy Authority a travaillé avec un organisme appelé l'Institute of the North, qui a travaillé à l'organisation d'un sommet sur l'énergie dans l'Arctique, l'Arctic Energy Summit. Cet événement d'envergure internationale aura lieu cet automne à Fairbanks, en Alaska. Je crois qu'il s'agit d'un sommet ou d'un atelier de deux ou trois jours qui permettra d'échanger de l'information sur certaines de ces questions avec d'autres localités du Nord.

Nous avons apprécié les échanges que nous avons eus et les rapports que nous avons établis avec de nombreux intervenants à Ressources naturelles Canada aux fins de la comparaison d'information. Ces intervenants m'ont donné un très beau compte rendu. Ils étaient d'ailleurs présents à un congrès à Anchorage il y a de cela plusieurs mois, congrès auquel M. Skaling et moi avons assisté. Nous sommes vraiment très heureux que des représentants de Ressources naturelles Canada aient été en mesure de se rendre à nos bureaux et de nous rencontrer. Nous avons pu échanger beaucoup d'information. Nous avons appris beaucoup de notre voisin le plus proche, qui est évidemment le Canada.

Le sénateur Mitchell : Merci à vous deux. Non seulement sommes-nous votre voisin le plus proche, mais en plus, vous vous exprimez dans les mêmes termes que nous, ce qui est une bonne chose, à moins que ce ne soit nous qui nous exprimons dans les mêmes termes que vous.

Je veux donner suite à la question du sénateur Black au sujet du niveau de financement par le gouvernement fédéral. Peut-être me faut-il plus d'éclaircissements sur les divers pôles ou sources de financement. Vous avez dit qu'il existe un fonds d'aide aux projets de mise en valeur des énergies renouvelables de 247 millions de dollars. Y a-t-il une portion de ce fonds qui provient du gouvernement fédéral? Laquelle?

Mme Fisher-Goad : Tout le financement provient de l'État de l'Alaska. Le gouvernement fédéral ne contribue pas au fonds. Je tiens cependant à préciser que, du fait de nos rapports avec la commission Denali, qui est un organisme fédéral, et par une grande partie des initiatives que nous avons menées avant que le programme soit codifié dans la loi en Alaska, nous avons pu élaborer un gabarit à partir duquel mettre sur pied notre programme. C'est ce qui s'est passé avec le fonds. Il y a d'abord eu un programme de jumelage et de partenariat avec le gouvernement fédéral visant à octroyer du financement, puis l'État de l'Alaska a décidé de fournir du financement additionnel.

En ce qui a trait à votre observation, bien que les sources de financement se soient taries récemment, les organismes gouvernementaux jouent encore un rôle très important dans le développement de nos programmes et de nous sources de financement. Il a été un peu plus question de gestion ou d'un programme de subvention des coûts énergétiques élevés pour certaines des municipalités rurales plus petites. L'Office of Indian Energy Policy and Programs, en particulier, qui relève du ministère de l'Énergie, a joué un rôle très important. Son financement ne cible aucun projet en particulier, mais l'organisme offre une assistance technique considérable à un grand nombre de villages aux quatre coins de l'Alaska.

Le sénateur Mitchell : Il semble clair que votre initiative est en grande partie motivée par des raisons économiques — que vous êtes à la recherche de moyens plus économiques de fournir de l'énergie. Est-il aussi vrai que l'inquiétude relative aux changements climatiques est aussi à l'origine de cette initiative?

Mme Fisher-Goad : Je dirais que notre principale motivation a toujours été le coût de l'énergie. En Alaska, nous sommes chanceux de pouvoir compter sur des projets axés sur les énergies renouvelables qui ont l'avantage de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Cependant, le coût de l'énergie, selon moi, est depuis toujours le principal moteur des politiques. Il se trouve que beaucoup de nos projets de longue haleine fondés sur les énergies renouvelables peuvent constituer une solution de rechange au diesel et fournir de l'énergie à faible coût, en plus de procurer l'avantage additionnel de générer moins d'émissions de carbone.

Le sénateur Mitchell : Monsieur Skaling, je crois vous avoir entendu dire qu'une part de votre succès est attribuable au fait que le coût de ces énergies renouvelables est concurrentiel. Est-ce sans compter les subventions? Est-ce que c'est tout simplement concurrentiel sur le plan du coût?

M. Skaling : Oui. Ce sont des comparaisons nettes. Quand nous examinons les coûts, nous ne tenons pas compte de source du financement. Nous déterminons combien il en coûtera de construire, disons, un projet d'énergie éolienne. Ça, c'est avant toute subvention. En fin de compte, le programme subventionne la construction d'infrastructures. Le financement de contrepartie varie réellement d'une municipalité et d'un bénéficiaire à l'autre, mais il arrive que la subvention atteigne près de 100 p. 100 de la valeur du projet. D'autres sont subventionnés à 50 p. 100 ou moins.

Le sénateur Mitchell : Dans votre présentation, il y a une photo de ce qui semble être le débit d'une rivière avec une turbine, celle de l'ORPC, dans la rivière Kvichak. Est-ce un projet expérimental? Comment cela fonctionne-t-il, au chapitre des coûts?

M. Skaling : C'est un dispositif hydrodynamique fabriqué par l'Ocean Renewable Power Company (ORPC) qui fait partie de l'Emerging Energy Technology Fund. Ce fonds vise à trouver une viabilité commerciale pour des notions non commerciales. C'est une photo qui date de l'an dernier; elle a été prise dans l'eau. La turbine a bel et bien été mise en place. Elle finit par couler au fond de l'eau et y demeure, produisant de l'électricité. De l'énergie a été produite l'été dernier grâce à cette turbine. On l'a retirée de l'eau pour l'hiver, et l'avons rééquipée pour la remettre dans l'eau cette année.

Nous y voyons toujours une technologie naissante. Bien qu'elle permette, techniquement, de produire de l'énergie, le coût ne justifie pas encore tout à fait qu'on y ait recourt. Elle fait encore l'objet de développements au moment où l'on se parle.

Le sénateur Mitchell : Sur la diapositive 19, il y a un diagramme très intéressant. Vous mentionnez deux choses qui font penser à l'énergie géothermique, et vous dites que la production d'énergie géothermique fait partie de vos objectifs. Y a-t-il un lien quelconque entre la récupération de chaleur et les thermopompes?

M. Skaling : Ce sont des technologies un peu différentes. La récupération de chaleur s'effectue généralement dans les centrales au gazole, qui émettent beaucoup de chaleur pour produire de l'électricité. Nous essayons de récupérer cette chaleur pour chauffer un immeuble situé à proximité afin de compenser le chauffage au diesel. Voilà en quoi consiste le programme.

Les thermopompes, quant à elles, sont des pompes géothermiques qui, essentiellement, capturent la chaleur latente dans le sol, en élèvent la valeur calorifique et l'utilisent pour chauffer des immeubles. Elles utilisent ainsi l'électricité beaucoup plus efficacement qu'en transformant simplement l'électricité en chaleur.

Le sénateur MacDonald : Il y a tellement de questions à poser, mais je vais tâcher de me limiter à une ou deux.

Ce qui m'intéresse, c'est l'utilisation des sources hydrothermales pour la production d'énergie. Vous avez une centrale de 730 kilowatts en activité depuis 2006, soit depuis près d'une décennie. Je remarque qu'il n'y a plus d'autres centrales qui produisent de l'énergie de cette façon. Quelle évaluation fait-on de ce projet sur une période de 10 ans? Est-il peu coûteux sur le plan énergétique? Pourquoi n'a-t-il pas été reproduit?

M. Skaling : Le programme géothermique comporte ses difficultés propres. Nous comptons un programme actif. Nous avons examiné plusieurs autres régions bénéficiant du Renewable Energy Fund et d'autres sources de financement. Le principal défi consiste à repérer la source géothermale près de la localité. Dès qu'il faut acheminer l'énergie très loin, le projet cesse d'être rentable. Nous avons aussi découvert que la prospection, en matière de géothermie, est très coûteuse.

Si nous avons examiné cette avenue, et il y a d'autres possibilités ailleurs, c'est la seule centrale qui produise de l'énergie pour l'instant. Quelques autres centrales sont encore en activité, cependant, et nous avons bon espoir qu'elles produiront un jour de l'énergie qui pourra être utilisée par les municipalités.

Le sénateur MacDonald : L'énergie ainsi produite est-elle coûteuse ou pas? Les installations demandent-elles beaucoup d'entretien?

M. Skaling : Je crois que vous faites allusion aux sources thermales de Chena.

Le sénateur MacDonald : C'est exact.

M. Skaling : Elles doivent rivaliser avec des coûts énergétiques élevés et, en toute franchise, j'ignore la valeur que l'on accorde à l'énergie qu'elles produisent.

Le sénateur MacDonald : Pouvez-vous nous parler des problèmes ou des restrictions que vous avez connus en Alaska lorsque vous avez tenté de produire de l'énergie éolienne? Y voyez-vous une solution viable à long terme pour le Nord?

M. Skaling : Nous comptons un certain nombre de projets d'énergie éolienne un peu partout en Alaska et, si vous examinez une carte montrant les sources d'énergie renouvelables en place, vous verrez qu'il y a des sources d'énergie éolienne à certains endroits bien précis. Vous verrez que, d'un bout à l'autre de la côte ouest de l'Alaska et des îles Aléoutiennes, où il y a de bons vents, l'éolien a été développé économiquement et efficacement.

Le problème, vous vous en doutez probablement, est le fait que le vent est intermittent, c'est-à-dire qu'il ne souffle pas toujours. Nous parlons toujours d'une certaine forme d'intégration de l'énergie éolienne à d'autres systèmes, des systèmes au diesel, le plus souvent, et les deux fonctionnent d'ailleurs assez bien en combinaison.

Nous avons un très bon exemple d'une combinaison d'énergie éolienne et d'hydroélectricité sur l'île Kodiak où, depuis le début de l'an dernier, on produit 99,6 p. 100 de l'énergie au moyen de l'hydrodynamique et de l'éolien; nous avons aussi une petite batterie de stockage pour combler l'écart, s'il y a lieu. Quand le vent tombe, il faut environ une minute pour activer la composante hydroélectrique, et la batterie suffit à combler l'écart. Ce système a connu un réel succès, et on est arrivé à dépendre presque exclusivement des énergies renouvelables.

Dans les localités rurales plus conventionnelles, cependant, le but est de coupler l'énergie éolienne avec les centrales au gazole. Si les vents sont bons, la rentabilité augmente dans le même sens que la taille des infrastructures, mais jusqu'à un certain niveau parce que, ensuite, l'argument économique ne tient plus. Voilà ce que nous avons exploré. Nous avons tenté de faire mieux, mais nous avons aussi pris conscience que, plus l'on met d'infrastructures en place, plus on risque de gaspiller une partie de ce vent, car la localité ne peut pas accepter cette énergie à ce moment-là, et qu'il semble y avoir une limite.

Il existe un type de développement privé dans le milieu insulaire rural, où l'on a entièrement remplacé le gazole par l'éolien, mais où l'on tolère de subir plus de pannes. Par le truchement de notre Emerging Energy Technology Fund, nous soutenons quelques bénéficiaires qui mettent à l'essai certaines batteries et certains radiateurs électriques dans les maisons pour, encore une fois, exploiter l'excédent d'énergie éolienne.

C'est une excellente question, et c'est un secteur où nous avons consacré beaucoup de temps et d'attention pour nous assurer que nous nous y prenons de la bonne façon.

Le sénateur MacDonald : C'est un projet en cours, il y a encore à faire.

M. Skaling : Oui, c'est à suivre en effet. Il est probablement juste de dire que, plusieurs de ces projets permettent de remplacer avantageusement le gazole. Au fur et à mesure que vous repoussez cette marge, c'est là que vous entrez dans la partie « à suivre ».

Le sénateur MacDonald : Merci.

Le sénateur Massicotte : Pour ce qui est des éoliennes, celles-ci sont-elles très grandes? Quelles sont vos conditions de givrage? Cela vous cause-t-il des problèmes? Quelle est la densité de population dans cette région?

M. Skaling : Sénateur, cela varie d'une municipalité à l'autre. Nos plus grandes éoliennes produisent un peu plus d'un mégawatt, juste à l'extérieur d'Anchorage et, sur l'île Kodiak, il y a des éoliennes qui produisent 1,5 mégawatt. On en compte six sur cette île et il y en a 11 à Anchorage. Ce n'est pas la norme, cependant. Une éolienne typique produit plutôt 100 kilowatts. Le modèle Northwind 100 est répandu en l'Alaska. Souvent, dans une municipalité, on en voit deux et même une rangée de cinq ou six éoliennes.

Et puis, des éoliennes de 900 kilowatts ont été installées de façon rentable dans d'autres régions et le marché commence à offrir de plus en plus de technologies offrant des puissances qui se situent entre 100 kilowatts et 1 mégawatt.

Le président : Si je comprends bien, votre agence est un organisme gouvernemental indépendant, mais financé par le gouvernement; est-ce exact?

Mme Fisher-Goad : C'est exact, monsieur le président.

Le président : Je crois vous avoir entendu dire que 70 p. 100 de l'électricité produite en Alaska provient du gazole. Parliez-vous de gazole ordinaire ou d'hydrocarbures, parmi lesquels il y a le gaz naturel?

Mme Fisher-Goad : Monsieur le président, je voulais en fait parler d'hydrocarbures. La majeure partie serait en fait constituée de gaz naturel, parce que c'est là où se trouve la plus grande partie de la charge. Nous utilisons aussi le charbon. La Golden Valley Electric Association, qui dessert la région de Fairbanks, comble une part considérable de ses besoins en énergie grâce au charbon.

Le président : Recourez-vous à des producteurs d'énergie indépendants, au secteur privé, plutôt qu'à une société d'État, pour la construction de centrales?

Mme Fisher-Goad : Monsieur le président, l'Alaska Energy Authority est essentiellement un organisme coopératif œuvrant dans l'électricité. Nous comptons des fournisseurs de services publics appartenant aux municipalités. La majorité d'entre eux sont en fait intégrés verticalement. Nous avons aussi quelques producteurs d'énergie indépendants qui produisent et vendent de l'énergie. Le Fire Island Wind Project a été lancé à l'initiative d'une société autochtone de l'Alaska. C'est un producteur d'énergie autonome qui vend à l'une des coopératives énergétiques locales. Les producteurs d'énergie réalisent des progrès en Alaska, et ils sont de plus en plus nombreux à chercher à mettre des projets en œuvre.

En fait, on a adopté des lois afin de résoudre certaines questions en matière de politiques ainsi que les problèmes constatés. Il y a des tensions entre les coopératives et les fournisseurs de services publics, d'une part, et les producteurs d'énergie indépendants, d'autre part. Encore une fois, il y a des avancées, mais les producteurs d'énergie indépendants ne sont pas nombreux en Alaska.

Le président : Vous estimez qu'environ 85 p. 100 des collectivités de l'Alaska sont reliées par des routes. Parlez-vous de routes praticables en toutes saisons, ou incluez-vous des routes d'hiver dans votre estimation? Pouvez-vous me dire quelle est la différence? Je vais vous donner un exemple.

Le Nunavut est un immense territoire faiblement peuplé, comptant de nombreux villages isolés. Il n'y a qu'une quinzaine de kilomètres de route et ce, seulement aux alentours d'Iqaluit. Le reste du territoire est desservi par mer durant l'été. Avez-vous beaucoup de collectivités dans cette situation?

Mme Fisher-Goad : Monsieur le président, les 85 p. 100 ne s'appliquent pas au nombre de collectivités reliées, c'est le pourcentage de la population qui est desservie par des routes, la plupart se trouvant dans la zone ferroviaire du Railbelt.

Dans le sud-est de l'Alaska, la situation est particulière puisqu'un grand nombre de collectivités y sont desservies par voie maritime. Il n'y a pas de routes, mais des traversiers. C'est un contexte quelque peu différent. La majeure partie de notre réseau routier se déploie dans les environs du Railbelt.

Le président : Dans les régions vraiment reculées, non desservies par la route, mais uniquement par mer, est-ce que les collectivités produisent de l'énergie éolienne?

Mme Fisher-Goad : Oui, dans le sud-ouest de l'Alaska, à Bethel, par exemple, dans la région de Kuskokwim, nous avons des installations éoliennes. Une autre collectivité en produit également, bien qu'aucune route ne la relie à la zone ferroviaire. Ces collectivités sont reliées au reste des États-Unis via le Canada. Il y a quelques petites routes locales, mais elles ne sont pas reliées au réseau du Railbelt.

Le président : Ces régions sont-elles desservies par traversiers à longueur d'année?

Mme Fisher-Goad : En été, il y a souvent un service de barges sur les rivières, et c'est généralement à ce moment que la plupart des collectivités sont ravitaillées en combustible. Il existe également d'autres réseaux de communication entre les collectivités, par exemple, les routes de glace aménagées sur les rivières. Il existe quelques options saisonnières de transport. La zone industrielle du Versant nord, où se trouvent nos gisements de pétrole et de gaz, est évidemment desservie par une route reliée au Railbelt.

Le président : Vous avez dit que l'intention du législateur est de s'assurer que d'ici 2015, la moitié de la production énergétique de l'État provienne de sources renouvelables ou d'autres sources de remplacement. C'est dans 10 ans.

Cet objectif sera-t-il difficile à atteindre ou avez-vous fait des études qui vous confirment que vous réussirez?

Mme Fisher-Goad : Étant donné la nature de la majeure partie de l'électricité produite dans le Railbelt, nous pensons que pour atteindre cet objectif, nous aurions vraiment besoin d'un gros projet hydroélectrique qui approvisionnerait, par exemple, la région du Railbelt. Dans le passé, nous avons reçu des fonds pour examiner cette possibilité et nous continuons de penser que le projet Susitna-Watana nous permettrait de desservir la région du Railbelt. L'État de l'Alaska éprouve actuellement des difficultés financières attribuables à la chute des prix du pétrole. Les recettes de l'État, en grande partie générées par l'activité pétrolière, ont considérablement diminué. Le projet a donc été retardé. Nous comptions sur ce projet pour atteindre notre objectif d'ici 2025. Il est encore possible qu'il se concrétise. Pour l'heure, nous ne sommes pas en mesure de déposer une demande de permis auprès de notre commission fédérale de réglementation de l'énergie. À défaut d'un projet d'envergure dans le Railbelt, nous ne pensons pas pouvoir atteindre cet objectif de 50 p. 100 d'ici 2025.

Le président : Je pense que 29 p. 100 de votre énergie provient de sources renouvelables; si mes chiffres sont exacts, cela veut donc dire que vous devrez augmenter votre production de 21 p. 100. Combien de mégawatts cela représenterait-il?

Mme Fisher-Goad : Monsieur le président, je vais devoir vous revenir à ce sujet. Je crois que l'État a une capacité totale de près de 900 mégawatts. En matière de capacité, le projet Susitna-Watana représentait une augmentation de la production annuelle d'énergie électrique de 2 800 gigawatts/heure. Il est un peu difficile de transposer la capacité en production énergétique, mais ce projet nous permettrait, à lui seul, d'atteindre notre objectif.

Le président : Je vous remercie beaucoup tous les deux. Merci d'avoir répondu à nos questions. Il y a eu d'excellentes questions et d'excellentes réponses.

M. Skaling : Merci.

Mme Fisher-Goad : Merci beaucoup.

Le président : Nous poursuivons notre étude sur le développement des énergies renouvelables et non renouvelables dans les trois territoires du Nord.

Pour cette deuxième partie de notre réunion, j'ai le plaisir d'accueillir M. Floyd Roland, maire de la ville d'Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest. Monsieur le maire Roland, je vous remercie de vous joindre à nous aujourd'hui par voie de vidéoconférence. Veuillez nous excuser pour notre léger retard, mais la séance au Sénat a été plus longue que d'habitude. Nous n'y pouvons rien.

Monsieur, vous avez la parole. Je pense que vous avez préparé un bref exposé, après quoi nous passerons à la période des questions, si cela vous convient.

Floyd Roland, maire, Ville d'Inuvik, Territoire du Nord-Ouest : Oui, cela me convient. Je vous remercie, monsieur le président. Nous sommes en train de finaliser deux ou trois choses ici. Je tiens à remercier le comité sénatorial de consulter les résidants du Nord, qui sont les principaux intéressés ici. Au cours de ma vie politique passée, j'ai souvent dit que l'Arctique était la porte arrière du Canada, mais à en juger par ce qui se passe ici, je dirais que notre région est devenue la porte avant.

Lorsque nous nous sommes penchés sur les secteurs de l'environnement et de l'énergie, notre collectivité a élaboré une stratégie visant à stimuler la croissance économique d'Inuvik. Cette stratégie englobe les ressources naturelles, les sciences nordiques, le tourisme, sans oublier les arts et l'artisanat, la cuisine locale, les petites entreprises et l'entrepreneuriat.

Dans une région aussi éloignée que la nôtre, notre problème — comme celui de toutes les régions éloignées, surtout des trois territoires —, ce sont les frais que nous devons engager pour faire des affaires, maintenir une entreprise et favoriser le développement.

Lorsque nous faisons affaire avec les gouvernements — je parle surtout des gouvernements territoriaux, puisqu'ils sont les principaux prestataires de services aux collectivités du Grand Nord —, nous nous retrouvons souvent dans la situation suivante : nos entreprises doivent trouver de nouvelles façons de faire, tout en se pliant aux exigences qui leur sont imposées, c'est-à-dire assurer des services d'une qualité égale à celle que nous souhaiterions obtenir ici, dans les Territoires du Nord-Ouest. Dans le secteur des ressources naturelles, nous espérons évidemment participer, comme nous l'avons déjà fait, aux activités pétrolières et gazières dans le delta de Beaufort. Ces dernières années, l'extraction du minerai a été un élément important de l'économie du sud des Territoires du Nord-Ouest, les diamants représentant actuellement une part importante de l'économie de cette région. Mais dans ce contexte, comme nous sommes tributaires de ressources non renouvelables et de projets d'envergure, le ralentissement économique a de lourdes conséquences sur nos collectivités.

Depuis l'époque du gazoduc de la vallée du MacKenzie, qui avait le soutien de bon nombre d'entre nous, jusqu'à aujourd'hui, nous avons dû nous chercher d'autres ressources et d'autres débouchés pour assurer la croissance de l'économie des Territoires du Nord-Ouest et de nos collectivités.

Aujourd'hui, j'essaie moi-même de trouver des moyens d'aider les régions éloignées du Canada et de l'Arctique, compte tenu du vif intérêt que suscite l'Arctique, des défis posés par la fonte des glaces de mer ainsi que des possibilités qui ne cessent de se présenter en raison des changements climatiques.

Il est clair que les ressources sont toujours présentes ici. L'ancien ministère AINC, aujourd'hui appelé Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, a produit un certain nombre de rapports. À titre d'exemple, un rapport de mars 2009 évalue le potentiel pétrolier et gazier total récupérable uniquement pour cette région, de la mer de Beaufort au delta du MacKenzie. Seulement pour la mer de Beaufort, on parle de près de 4 millions de barils de pétrole; de 1,2 million de barils dans le delta du MacKenzie; de milliards de pieds cubes de gaz naturel; de 23 milliards de pieds cubes dans le delta Beaufort et de 21,9 milliards de pieds cubes de gaz naturel dans le delta du MacKenzie.

Tout au long de son évolution, le gouvernement des T.N-O. a accompli beaucoup de travail et il poursuit ses efforts dans le but de faire avancer ses programmes et d'obliger les entreprises qui souhaitent faire du développement dans le Nord à déposer des rapports. Il y a du travail à faire, cela va sans dire, mais je crois que les efforts doivent dorénavant se concentrer sur des « projets d'une ampleur adaptée aux collectivités éloignées », comme je l'ai dit dans le cadre de diverses conférences auxquelles j'ai participé, tant avec le gouvernement des T.N.-O. qu'à l'occasion du forum canado-américain sur le pétrole et le gaz qui s'est déroulé à Yellowknife à la fin de 2014.

Comme nous sommes au cœur de nombreux débats sur les mégaprojets comme le gazoduc du MacKenzie, notre problème, c'est que nous sommes toujours tributaires des multinationales qui décident d'aller de l'avant avec leur projet ou non. Quand vient le temps de prendre une décision sur des projets comme le gazoduc du MacKenzie, une installation de GNL ou la construction d'un port, les collectivités du Nord ne sont pas vraiment invitées à participer aux discussions sur ces projets.

J'ai participé à des discussions au sujet de la mise en œuvre de « projets adaptés » grâce à la technologie dont nous disposons aujourd'hui, plus précisément de la technologie de transformation du gaz en liquides. Auparavant, c'étaient les gros joueurs, comme les pétrolières SAS et Shell, qui possédaient cette technologie et qui ont exécuté des projets de production d'environ 50 000 barils par jour, un volume similaire à celui d'un projet gazier sur le Mackenzie. Un projet de cette envergure exclurait notre participation parce que, encore une fois, nous ne serions pas invités à la table avec les autres joueurs. Nous pourrions seulement participer à des discussions parallèles concernant une partie des retombées.

Par exemple, dans le cadre de ses discussions sur les retombées socioéconomiques avec les promoteurs du gazoduc du Mackenzie, le gouvernement des Territoire du Nord-Ouest a établi un mécanisme prévoyant que, si le gazoduc traverse votre collectivité, vous pourrez y puiser du gaz naturel pour répondre aux besoins de votre collectivité.

Ce qui nous a forcé la main, entre autres, c'est que nous avons déjà été approvisionnés en gaz naturel par une source locale, située à 50 kilomètres de notre localité. Cette source est maintenant envahie par l'eau et nous faisons maintenant venir le propane de l'Alberta et le mélangeons à de l'air — c'est ce qu'on appelle du gaz naturel synthétique — afin d'alimenter notre source de chauffage.

Cela a également incité la compagnie d'électricité — dont l'actionnaire est le gouvernement des Territoire du Nord-Ouest — à chercher des solutions de remplacement. Pendant un temps, elle est revenue au diésel et aujourd'hui, elle compense ou supplémente avec du GNL livré par FortisBC. Dans ce contexte, nous constatons que les promoteurs de n'importe lequel de ces projets de développement sont toujours les entreprises qui ont mis l'infrastructure en place. C'est le problème auquel nous serons confrontés aussi longtemps que nous ne commencerons pas à tirer profit de la technologie dont nous disposons actuellement. Voilà pourquoi je souhaite que nous nous concentrions sur la technologie de transformation du gaz en liquides.

Grâce à cette technologie, il serait plus facile de gérer la capacité des petites collectivités et les coûts. Par exemple, au lieu de payer 16 milliards de dollars pour le gazoduc du MacKenzie, des intervenants du secteur nous ont parlé d'une usine qui serait exploitable dans notre région et capable de fournir du combustible provenant des sources que nous avons déjà indiquées, à un coût variant entre 100 et 400 millions de dollars. Ces chiffres proviennent de vérifications antérieures et d'entretiens que j'ai eus sur les possibilités de transformer le gaz en liquides.

Au lieu de transporter du diésel, un combustible que le gouvernement continue à utiliser dans nos collectivités les plus éloignées parce que le GNL, le GNS et d'autres produits du même genre ne seront plus disponibles ni abordables dans une région où tout est cher, je pense qu'au moment où le Sénat et les gouvernements amorcent leur étude sur des solutions possibles, nous devons nous pencher sur la technologie à notre disposition. Nous devons nous demander quels projets pourraient être mis en œuvre, en tenant compte des réalités de l'Arctique, de nos collectivités et de la technologie que le secteur est en train de mettre au point et qu'il continuera de perfectionner.

Je vais m'en tenir à cela. Je pourrais évidemment vous donner beaucoup plus de détails. Mais pour en débattre, je vous laisse la parole, monsieur le président. Merci.

Le président : Je vous remercie, monsieur. Nous allons maintenant passer aux questions.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de vous joindre à nous aujourd'hui. Votre participation est grandement appréciée.

Pour résumer votre propos, vous nous dites que la technologie a beaucoup évolué. Que notre façon d'évaluer les projets dans le passé est aujourd'hui dépassée et que nous devrions réévaluer tous ces projets afin de trouver quelque chose de plus facile à réaliser, parce qu'il n'est plus pertinent de procéder comme nous le faisions dans le passé. Ai-je bien résumé votre exposé?

M. Roland : Je précise que certains de ces anciens projets, mis en œuvre au moyen de l'ancienne technologie, sont encore viables. Par contre, à cause du climat qui prévaut autour des installations pétrolifères et gazières, par exemple dans le delta du Mackenzie, la décision de produire 21 milliards de pieds cubes ne joue pas en faveur d'une région aussi éloignée que la nôtre. Parallèlement, tout en essayant d'assurer le développement durable des collectivités, de respecter la souveraineté dans l'Arctique et de bâtir un avenir viable, nous continuons d'exploiter des ressources qui sont éloignées de nous et ne cessent de profiter à des entreprises qui ne favorisent pas beaucoup le développement de l'Arctique.

La nouvelle technologie se prête davantage à des projets adaptés à des régions éloignées de l'Arctique, comme celle où j'habite. Par exemple, au lieu d'envisager un projet capable de produire 50 000 barils par jour, un volume qui dépasse largement notre capacité, je pense qu'une installation pouvant produire entre 1 000 et 3 000 barils par jour nous permettrait de remplacer la totalité des produits diésel provenant du Sud canadien. Le produit serait transformé ici, ce qui contribuerait à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. À titre de comparaison, une installation de transformation du gaz en liquides permettrait de réduire de 40 p. 100 les émissions de gaz à effet de serre par rapport au diésel que nous continuons d'importer d'autres endroits du Canada.

La technologie a progressé et les prix sont devenus beaucoup plus intéressants, au point que nous pouvons maintenant mettre en place une véritable plateforme économique qui profiterait aux habitants du Nord et au Canada et assurerait leur développement durable, en particulier dans les endroits éloignés.

Le sénateur Black : Monsieur le maire, merci beaucoup pour votre contribution. Je me réjouis de votre engagement à faire ce qui doit être fait. J'aimerais aller un peu plus loin parce que je trouve que vous avez lancé d'excellentes idées, mais j'ai un peu perdu le fil de votre exposé.

Que nous proposez-vous de faire pour favoriser la mise en valeur et la distribution de l'énergie dans le Nord. Je ne parle pas d'exploration ni de production. Que proposez-vous exactement?

M. Roland : Pour vous donner un exemple, lorsque j'ai coprésidé le symposium sur le pétrole et le gaz de l'Arctique qui a eu lieu à Calgary en avril dernier, j'ai abordé la question de la réduction de la taille de certains projets en utilisant l'exemple de la transformation du gaz en liquides. Le travail est déjà fait. Nous avons les gisements, assez intéressants pour attirer des multinationales. À l'époque, les pétrolières Imperial, ConocoPhillips et Shell ont proposé la construction du pipeline. C'est un projet de trop grande envergure.

Ce que je propose, et qui profiterait au Nord, ce serait d'aller de l'avant avec une partie des travaux de base et de faire la démonstration que cette technologie peut être viable dans l'Arctique.

À Montréal, lors d'une rencontre sur le potentiel de l'Arctique, j'ai abordé la question de la transformation de gaz en liquides. Immédiatement après mon exposé, un homme de Calgary est venu me voir, un partenaire canadien d'une entreprise de Houston ou d'une autre ville américaine engagée dans la transformation gaz-liquide. Cette entreprise envisage la construction d'une usine dans l'Arctique, du moins l'envisageait à ce moment-là, capable de produire 500 barils par jour. Dans le Sud des États-Unis, ils disent qu'une usine d'une capacité de 500 barils par jour pourrait coûter 35 millions de dollars, ce qui équivaut à environ 32 cents le litre de diésel. Par comparaison, vous seriez probablement obligés de multiplier ce coût au moins par deux pour assurer le développement dans l'Arctique, pour englober le coût du transport, de la main-d'œuvre et des matériaux.

Le sénateur Black : Puis-je vous interrompre, j'aimerais soulever un point. Selon vous, d'où proviendrait le gaz?

M. Roland : En fait, les réserves prouvées que nous avons dans le delta du MacKenzie, à proximité de notre localité, représentent trois mille milliards de pieds cubes de gaz.

Le sénateur : D'accord, je comprends cela, mais...

M. Roland : Le site qui m'intéresse se trouve à proximité de la route actuellement en construction entre Inuvik et Tuk. Il est assez important pour être utilisé pour un projet capable d'approvisionner une usine de transformation de gaz en liquides et aussi d'assurer le réapprovisionnement en gaz naturel. Si nous appliquons le scénario mis en œuvre avec brio par l'Alberta, à partir d'un puits vous pouvez bâtir une industrie et renforcer cette province ainsi que le reste du pays.

Le sénateur Black : J'aimerais revenir à l'essentiel. Cette idée me plaît. Elle est extraordinaire et novatrice, mais le gaz appartient à d'autres entités. Le gaz est cédé à bail à ExxonMobil, ConocoPhillips et d'autres pétrolières. Dites-moi comment nous allons obtenir ce gaz, à moins que ces pétrolières deviennent des partenaires dans des projets.

M. Roland : En fait, j'ai établi un contact avec la compagnie qui possède un puits appelé M18. Il ne s'agit pas des groupes ConocoPhillips, Imperial ou Shell, mais de Devon. Pour l'heure, tous les actifs situés dans l'Arctique sont considérés comme étant inutilisés aussi longtemps qu'un projet de développement ne sera pas mis en œuvre. La compagnie que nous avons contactée est installée sur une terre inuvialuit, et je sais que les Inuvialuit ont eu des discussions avec Devon au sujet du site M18. Ce serait le premier volet : leur permettre d'être l'incubateur d'une industrie naissante de transformation du gaz en liquides. L'exploitation de ce gisement se poursuivrait au fur et à mesure que l'entreprise commencerait à tirer profit de ce puits. Ce site pourrait avoir une superficie d'une douzaine de kilomètres à proximité de la route, ce qui permettrait d'y accéder à longueur d'année et de réduire les coûts de construction. Nous devons remercier le Canada pour cela, car les travaux de construction de la route sont en cours.

Le sénateur Black : Je vous remercie monsieur.

Le président : J'ai quelques questions à poser concernant le point soulevé par le sénateur Black. M18 appartient à Devon. À quelle distance d'Inuvik ce site se trouve-t-il?

M. Roland : Je ne peux pas vous dire avec exactitude à combien de kilomètres il se trouve, mais je dirais à environ 18 ou 20 kilomètres de Tuk. Par la route actuellement en construction, ce serait environ 130 kilomètres. En fait, de notre installation actuelle, appelée Ikhil, nous avons un pipeline de 50 kilomètres jusqu'à Ikhil. Pour faire un calcul rapide, un trajet de quelque 70 kilomètres nous mènerait à ce site.

D'après des données fournies par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, il ne serait pas nécessaire, pour ce projet, d'avancer un gros montant supplémentaire parce que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, selon les calculs établis pour cette région, dépense entre 150 et 200 millions de dollars pour fournir à la région une diversité de combustibles. D'après les discussions que j'ai eues, il serait possible de financer une usine de transformation de gaz en liquides, d'une capacité d'environ 3 000 barils par jour, pour environ 400 millions de dollars, si le gouvernement s'engage à acheter ce produit, ce qui permettrait de réduire le coût de production et de lui vendre un produit plus propre que celui qu'il achète aujourd'hui.

J'ajouterais que ce secteur n'en est qu'à ses balbutiements. Nous en sommes à l'étape où les gouvernements hésitent à se lancer dans une nouvelle technologie, même si la transformation du gaz en liquides se fait déjà depuis des décennies. Ce secteur est nouveau au sens où les usines sont modulées pour produire un millier de barils par jour, voire 500, comme l'envisage une compagnie qui a fait des démarches auprès de moi.

Le président : Je comprends ce qu'est la transformation de gaz en liquides, et je sais que c'est une technologie assez récente. Votre puits est envahi par l'eau, si j'ai bien compris. Pourquoi ne vous contentez-vous pas de faire venir du gaz naturel à Inuvik au lieu de chercher à le transformer en liquide. Comme il s'agit d'une technologie tellement nouvelle, ne sera-t-il pas difficile de convaincre une entreprise de se lancer dans un endroit aussi éloigné du Nord?

M. Roland : L'une des raisons, lorsque le puits a été envahi par l'eau, c'est que la compagnie continue d'acheminer du gaz naturel de synthèse, comme on l'appelle, et que nous utilisons encore Ikhil comme réserve. Il y a donc encore du gaz là-bas. Le défi est le suivant : si vous voulez simplement assurer le réapprovisionnement en gaz naturel, ce ne serait pas avantageux sur le plan économique en raison de la faible base de consommateurs. Sans la participation du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest dans le système, c'est difficile.

C'est pour cette raison que je me tourne vers la transformation du gaz en liquides, car cette capacité nous permettrait de remplacer tous les combustibles transportés par barge sur le fleuve MacKenzie par un combustible qui pourrait être produit chez nous au moyen de technologies actuellement utilisées aux États-Unis et dans d'autres pays. Je crois que nous avons des économies d'échelle qui démontrent que cela est possible. Nous pourrions ainsi créer une industrie locale durable et réduire le coût de la vie, tout en atteignant certains des objectifs canadiens de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Le président : Vous avez de bonnes idées. Nous vous remercions de nous avoir consacré votre temps et de nous avoir transmis toute cette information. Je vous remercie pour vos réponses.

M. Roland : Merci beaucoup.

Le président : Nous allons maintenant mettre fin à nos travaux.

(La séance est levée.)


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