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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 29 - Témoignages du 28 mai 2015


OTTAWA, le jeudi 28 mai 2015

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-46, Loi modifiant la Loi sur l'Office national de l'énergie et la Loi sur les opérations pétrolières au Canada, se réunit aujourd'hui, à 8 h 1, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à la présente réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la Colombie-Britannique au Sénat et je suis président du comité.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux honorables sénateurs, aux membres du public qui sont parmi nous et aux téléspectateurs de toutes les régions du pays qui suivent nos débats à la télévision. Je rappelle à ceux qui nous regardent que les séances du comité sont ouvertes au public et diffusées sur le Web à l'adresse sen.parl.gc.ca. Vous trouverez également sur ce site de plus amples renseignements sur la liste des témoins sous la rubrique « Comités du Sénat ».

Je demanderais maintenant aux sénateurs de bien vouloir se présenter. Je vous présente d'abord le sénateur Paul Massicotte, du Québec.

Le sénateur Massicotte : Bonjour.

Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, de l'Alberta.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le sénateur Black : Je suis désolé de mon retard. Doug Black, de l'Alberta. Je suis encore à l'heure de l'Alberta.

Le président : J'aimerais également présenter les membres de notre personnel, à savoir la greffière, Lynn Gordon, qui se trouve à ma gauche, et l'analyste de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks, qui est à ma droite.

Le projet de loi C-46, Loi modifiant la Loi sur l'Office national de l'énergie et la Loi sur les opérations pétrolières au Canada, qui porte le titre abrégé de « Loi sur la sûreté des pipelines », a été modifié et adopté à l'étape de la troisième lecture à la Chambre des communes le 6 mai 2015. Il a fait l'objet d'une première lecture au Sénat le 7 mai 2015 et a été renvoyé au comité le 14 mai.

Il s'agit aujourd'hui de la deuxième fois que nous nous réunissons pour examiner ce texte législatif. Je suis heureux de souhaiter la bienvenue aux témoins que nous entendrons durant la première partie de la séance, à savoir Robert Blakely, officier d'opération du Canada, Syndicats des métiers de la construction du Canada, qui s'est présenté ici en personne; et les deux représentants de l'Association canadienne de pipelines d'énergie qui s'adresseront à nous par vidéoconférence depuis Calgary, à savoir Brenda Kenny, présidente-directrice générale, et Jim Donihee, chef de l'exploitation.

Merci de participer à notre réunion d'aujourd'hui. Nous avons hâte d'entendre vos exposés, qui seront suivis d'une période de questions et réponses. Monsieur Blakely, la parole est à vous.

Robert Blakely, officier d'opération du Canada, Syndicats des métiers de la construction du Canada : Merci. J'ai retiré ma veste parce que j'étais tout simplement en train de me liquéfier. Je suis originaire de l'Alberta. Si l'on prenait toute l'humidité qu'il y avait ici et qu'on l'envoyait là-bas, on pourrait reverdir l'ensemble du territoire. C'est parfois stupéfiant.

Je tiens à vous remercier de me donner l'occasion d'être ici. Le secteur des pipelines revêt vraiment une grande importance pour l'industrie de la construction. Nous représentons quelque 500 000 hommes et femmes qui gagnent leur vie en construisant toutes sortes de choses. Seule une petite partie de nos membres travaillent à la construction de pipelines, mais au bout du compte, si le secteur des pipelines disparaissait, on constaterait qu'il s'agit de l'un des principaux catalyseurs des travaux de construction partout au pays.

Dans le cadre d'un projet comme celui du pipeline Énergie Est, on se propose de relier des milliers d'emplois bien rémunérés et hautement spécialisés en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba — on l'on produit également du pétrole — à des milliers d'emplois bien rémunérés et hautement spécialisés au sein de la société pétrolière Irving au Nouveau-Brunswick.

Le pipeline représente véritablement un intermédiaire entre ces emplois. En l'absence du pipeline et de la capacité de transporter le produit, nous n'avons aucune raison de construire les installations requises à un bout ou à l'autre de la canalisation. Les pipelines sont des systèmes de transmission — ils transmettent une matière de l'endroit où elle est extraite vers celui où elle est traitée, mais en ce qui nous concerne, ils transmettent des emplois d'un lieu d'extraction à un lieu de traitement. Il s'agit d'emplois hautement spécialisés qui seront occupés par des gens de métier. Les travaux de construction en tant que tels ne représentent qu'une partie de ce qu'un pipeline nous procure.

Je crois que ce que nous avons pu observer au cours des cinq ou six dernières années a révélé clairement que le fait de ne pas construire une importante infrastructure de pipelines avait pour effet de ralentir la croissance en Alberta. L'incapacité d'expédier le produit en Colombie-Britannique, à la raffinerie Ultramar de Lévis ou aux installations de Canaport au Nouveau-Brunswick nous empêche de créer un nombre considérable d'emplois qui pourraient autrement être créés. À la raffinerie de Petro-Canada à Montréal, on dispose de toutes les pièces requises pour la construction d'une unité de cokéfaction. On envisage d'entreprendre des travaux de construction d'une valeur d'à peu près 2 milliards de dollars qui permettront d'employer environ 7 000 personnes pendant 2 ans, d'embaucher des milliers de personnes qui seront chargées de l'entretien régulier des installations et d'embaucher une foule de personnes qui se rendront sur les lieux chaque fois que l'unité de cokéfaction devra être examinée, à savoir plus ou moins aux 16 mois. On ne construit pas cette unité parce qu'on est incapable de faire de l'argent en achetant au prix mondial du pétrole transporté par un bateau-citerne; il est possible de faire de l'argent grâce au brut de l'Ouest.

Nous sommes favorables au projet de loi. Nous pourrions ergoter sur deux ou trois détails, mais nous sommes favorables à la notion de pollueur-payeur. Nous comprenons et nous aimerions que vous compreniez que les pipelines constituent le moyen le plus sûr de transporter des hydrocarbures et des liquides volatils.

Je vis en Alberta, où vivent aussi mes enfants et mes petits-enfants. Là où j'habite, peu importe la direction dans laquelle on regarde, il y a un pipeline à cinq ou six kilomètres. Notre patelin n'est pas submergé par une matière visqueuse noire parce que les pipelines sont inefficaces ou non sécuritaires. Un chemin de fer traverse chaque grande ville du pays, et si vous vous penchez sur le nombre d'incidents ferroviaires qui se produisent, surtout ceux liés au transport d'hydrocarbures, vous constaterez que ce mode de transport présente des dangers plus considérables. La plupart des gens qui vivent dans une grande ville canadienne située près d'un chemin de fer sont susceptibles d'être touchés si quelque chose tourne mal et qu'une explosion se produit.

Il en va de nos emplois. Nous ne sommes pas prêts à brader l'environnement en l'échange de quelques chèques de paie. Nous voulons une réglementation rigoureuse qui crée des conditions favorables et qui sert bien les Canadiens.

J'ai eu le privilège de m'adresser à un comité de la Chambre des communes sur la question de la clarté du projet de loi. Un certain nombre de représentants de quelques établissements du secteur juridique et deux ou trois professeurs ont également discuté de cette question. Ils nous ont proposé de décomposer telle ou telle phrase et de déplacer telle ou telle virgule. Dans l'ensemble, nous sommes satisfaits du projet de loi. Au moment de l'analyser, vous pourriez décider de déplacer une virgule ou d'apporter d'autres modifications, mais, pour notre part, de façon générale, le projet de loi nous satisfait.

À notre avis, l'une des choses que vous devriez recommander à l'Office national de l'énergie, ce serait d'acquérir le meilleur soutien technique possible, compte tenu de son budget. Cet organisme fait un bon travail, mais son budget est quelque peu restreint. Il a besoin de soutien afin de disposer des bonnes personnes.

Le système de communications qui sera déployé en cas d'incident soulève quelques problèmes. Nous croyons qu'il est nécessaire de se pencher là-dessus.

La question du milliard, de même que le principe de responsabilité tiré de la common law et celui du pollueur- payeur, sont absolument admirables. Je vais m'arrêter avant que vous me demandiez de le faire.

J'ai un bref commentaire à faire sur une tout autre question. J'aimerais avoir l'occasion de le formuler à un moment où à un autre de la séance. Vous allez être appelés à voter sur le projet de loi C-377. Il s'agit d'un texte législatif qui a une incidence importante sur nous.

Le sénateur Black : Monsieur le président, je tiens simplement à signaler que je ne crois pas qu'il soit approprié de formuler des commentaires sur le projet de loi C-377 dans le cadre de la présente réunion.

Le président : Je crois que c'est juste.

M. Blakely : Dans ce cas, je vais me taire. Merci.

Le président : Merci. Je vais demander à Mme Kenny de nous présenter son exposé. Nous passerons ensuite à la période de questions.

Brenda Kenny, présidente-directrice générale, Association canadienne de pipelines d'énergie : Merci beaucoup. Nous vous sommes reconnaissants de nous donner l'occasion de nous adresser à vous. Jim et moi aurions aimé nous présenter en personne devant vous, mais quelques réunions stratégiques que nous tiendrons cette semaine à propos de l'accroissement de la sécurité nous empêchent de le faire. Cela dit, nous vous savons gré de nous permettre de témoigner par téléconférence.

L'Association canadienne de pipelines d'énergie — l'ACPE — est heureuse de discuter avec vous aujourd'hui du projet de loi modifiant la Loi sur l'Office national de l'énergie et la Loi sur les opérations pétrolières au Canada. Les membres de l'ACPE sont les grandes sociétés canadiennes qui transportent la majeure partie du pétrole et du gaz naturel au moyen du réseau canadien de pipelines qui s'étend sur quelque 115 000 kilomètres, dont plus de 66 000 relèvent de l'Office national de l'énergie. À l'échelle du pays, nous avons affaire à un certain nombre d'organismes de réglementation, mais, de toute évidence, l'organisme national joue un rôle crucial sur le plan de la réglementation.

En 2014, nous avons transporté collectivement 5,3 billions de pieds cubes de gaz naturel et 1,3 milliard de barils de produits pétroliers liquides. Il s'agit là d'une quantité faramineuse de produits énergétiques, et ils ont été transportés de façon extrêmement sûre. Notre taux de fiabilité est sans égal dans le monde. Nous nous concentrons vraiment là- dessus. Cela dit, il y a place à l'amélioration. Notre objectif est de réduire le nombre d'incidents à zéro, mais nous prenons très au sérieux notre rôle de gardiens d'une infrastructure nationale essentielle, et nous sommes très conscients du dévouement que cela exige et de l'importance que revête le fait de veiller à ce que ces autoroutes énergétiques soient sûres pour le public et l'environnement et d'accroître leurs retombées sociales au Canada. Il s'agit d'une tâche d'une importance capitale que nous assumons dans l'intérêt du public.

Bien entendu, il est important de souligner qu'une réglementation efficace et rigoureuse est un élément qui contribue à ce que tout cela fonctionne bien au Canada. Nous soutenons le projet de loi C-46 et considérons qu'il représente une étape importante en vue d'accroître la confiance du public à l'égard du secteur de pipelines et de ce qu'il procure aux Canadiens.

Nous sommes très enthousiastes de voir l'accent mis sur les activités de prévention des urgences, de préparation aux situations d'urgence et d'intervention en cas d'urgence, et nous sommes favorables aux amendements adoptés par la Chambre des communes de même qu'à l'ajout des gouvernements autochtones à la liste de ceux qui pourraient obtenir un remboursement aux fins de recouvrement des coûts.

Nous sommes d'accord avec le principe du pollueur-payeur. Nous le sommes depuis un bon moment, indépendamment des exigences législatives, et nous encourageons son intégration au texte législatif.

De plus, nous sommes encouragés par le nombre de consultations qui ont été menées. Nous croyons que cela en dit long sur le processus.

Comme je l'ai dit, nos membres mettent l'accent d'abord et avant tout sur la sûreté des pipelines et la prévention de tous les incidents. Ce souci de la sûreté se manifeste dans l'ensemble du cycle de vie des pipelines. À coup sûr, à ce stade-ci de notre histoire, nous insistons énormément sur les nouvelles infrastructures, mais nous exploitons depuis de nombreuses décennies ces réseaux, et nous le faisons généralement sans que des incidents ne soient à déplorer. Quelques-uns sont survenus, mais au cours des 50 dernières années, nous avons assuré le transport de pratiquement toute l'énergie qui a été consommée, à l'exception de celle transmise par des fils.

Notre insistance continue sur la sûreté, sur les progrès technologiques et sur l'amélioration des modes d'exploitation et d'entretien de ces systèmes a abouti en 2013, par exemple, à un investissement collectif de plus de 1,4 milliard de dollars visant à garantir la sûreté de cette infrastructure nationale essentielle. En outre, les membres de l'industrie ont lancé de concert, sous la houlette de l'ACPE, un programme percutant visant à faire passer l'intégrité avant tout.

Notre conseil d'administration est composé de chefs de file de l'industrie qui se sont vu déléguer la responsabilité d'amener les entreprises — habituellement leur président lui-même — à prendre des mesures concrètes. Afin de réaliser l'objectif de « zéro incident », nous devrons mettre clairement l'accent sur les grandes priorités, et nous avons élaboré des lignes directrices nationales et sectorielles sur des questions décisives telles que l'intégrité des canalisations, la gestion des urgences, la gestion de la salle de contrôle et la mise en œuvre cette année des mesures de prévention des dégâts.

Le simple fait de mettre en place des documents d'orientation de ce genre ne suffit pas. Il faut que ces documents soient vérifiés par les sociétés qui les utilisent et des tierces parties. Notre conseil s'est récemment engagé à veiller à ce que ces documents fassent l'objet d'une vérification indépendante et à exiger que tous les membres de l'Association canadienne de pipelines d'énergie fassent l'objet d'une vérification pour qu'on puisse s'assurer qu'ils se sont engagés dans un processus d'amélioration continue absolu. Cela va au-delà de la conformité et au-delà des exigences réglementaires.

Nous sommes très heureux d'être les responsables de ce programme, d'aller de l'avant en nous appuyant sur une excellente réglementation, et même d'aller au-delà des exigences. Ainsi, nous avons également mis sur pied un comité consultatif externe composé d'une vaste gamme de représentants d'ONG, de Premières Nations, de groupes de propriétaires fonciers, du secteur agricole, de petites entreprises et d'organisations de travailleurs. Nous nous réjouissons à l'idée de pouvoir continuer à entendre leurs observations et leurs critiques.

Je me pencherai peut-être plus tard de façon plus approfondie sur la question capitale des facteurs humains. Au moment de faire des progrès en matière de sécurité, il est évidemment très important d'instaurer une culture axée sur la sûreté, et les efforts que l'ONE déploie à ce chapitre sont très complémentaires aux nôtres, dans la mesure où, il y a un an, il a publié un cadre sur la culture de la sécurité qui a suscité de vives réactions au sein de l'industrie. Je vous en dirai davantage à ce sujet un peu plus tard.

Dans le cadre de mes observations, j'aimerais insister sur les interventions en cas de déversement. Bien entendu, la prévention constitue notre première tâche, mais nous savons que l'examen des mesures d'intervention d'urgence suscite beaucoup d'intérêt à l'échelle du pays. Ainsi, l'un des premiers documents d'orientation qu'a élaborés notre industrie portait sur cette question, de même que sur les pratiques exemplaires adoptées partout dans le monde en ce qui a trait au commandement en cas d'incident. Les membres de l'industrie ont conclu un accord d'assistance mutuel en cas d'urgence, de sorte que, si jamais un incident grave se produit — nous faisons tout pour éviter cela, mais si jamais un tel incident devait survenir —, nous pourrons compter rapidement sur les ressources, l'expérience et l'expertise de tous les membres de l'industrie. Nous avons mené un exercice afin de mettre cela à l'essai.

En 2013, les sociétés de pipelines ont mené 313 exercices indépendants d'intervention en cas d'urgence dans toutes les régions du pays. Il s'agit d'un élément sur lequel on insiste énormément, mais il ne s'agit évidemment que d'un élément constitutif de la sûreté.

En terminant, j'aimerais rappeler que nous déployons des efforts complémentaires à la plupart des modifications apportées au projet de loi. Une réglementation judicieuse exige des dispositions législatives bien structurées et des outils réglementaires bien structurés, lesquels vont évidemment bien au-delà des seuls outils de conformité — ils doivent renforcer et encourager le leadership au sein de l'industrie et permettre la vérification de l'amélioration continue.

Nous sommes conscients du fait que l'ONE ira de l'avant cette année avec l'utilisation des meilleures technologies disponibles pour les pipelines sous réglementation fédérale et nous avons lancé un certain nombre d'activités en vue de montrer la voie à suivre en matière de technologie. Nous pourrons vous en parler si cela vous intéresse.

L'industrie est composée d'entreprises de pointe qui disposent d'une quantité appréciable de capitaux, et je crois que cela devrait rassurer les Canadiens puisque l'exploitation d'actifs d'une telle envergure dans l'intérêt de la population canadienne exige énormément d'investissements et d'expertise. En matière de sûreté, notre bilan est remarquable, et, comme je l'ai dit, il est sans égal dans le monde. Toutefois, nous devons continuer à investir des milliards de dollars, et nous devons être en mesure de recueillir ces fonds. C'est ce que font nos sociétés depuis 50 ans.

Quant à l'ONE, nous estimons qu'il a besoin d'un modèle de financement plus adéquat. Il a besoin d'une expertise de pointe qui lui permette de fonctionner efficacement, et nous sommes très favorables, par exemple, à ce qu'on accroisse sa capacité d'attirer et de maintenir en poste ses employés qui occupent des emplois spécialisés en leur offrant des salaires en tous points concurrentiels.

Enfin, toutes les exigences réglementaires découlant du projet de loi devront être axées sur des résultats spécifiques et être fondées sur les risques. Nous sommes d'avis qu'une démarche ascendante en matière de conformité ne nous permettrait pas de devenir des chefs de file à l'échelle mondiale en ce qui concerne ces systèmes complexes. Nous sommes heureux que la structure du texte législatif permette l'adoption d'une démarche axée sur les résultats et fondée sur les risques qui servira bien les intérêts qui sont chers aux Canadiens.

Je vais m'arrêter ici. J'ai hâte de discuter avec vous.

Le président : Merci, madame Kenny. Nous allons maintenant passer à la période de questions. Je cède d'abord la parole au vice-président, le sénateur Massicotte.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de votre présence très utile parmi nous ce matin.

Vous êtes tous deux très favorables au projet de loi et aux modifications proposées des lois en vigueur. Comme vous êtes des personnes très éclairées qui possèdent de solides connaissances, j'aimerais vous demander de nous aider à répliquer à des critiques qui ont été formulées ou qui le seront peut-être sous peu.

Un peu plus tard ce matin, nous entendrons les représentants d'un syndicat d'agriculteurs, l'UPA, qui nous feront part de leurs commentaires. Nous avons déjà reçu leur mémoire. Il s'agit d'un document d'une nature extrêmement technique. Madame Kenny, si vous le voulez bien, j'aimerais que vous m'aidiez à le comprendre. Pour l'essentiel, l'UPA remet en question certaines modifications proposées, par exemple celle selon laquelle on sera tenu responsable d'un remuement du sol occasionné à une profondeur supérieure à 30 centimètres. Comme certaines plantes plongent leurs racines à une profondeur supérieure à 30 centimètres, l'UPA s'interroge sur le bien-fondé de la modification, qui aura une incidence sur la production agricole, le choix de plantes, et cetera; avez-vous entendu parler de cela? Est-ce que cela pose un problème pour les sociétés de pipelines?

Mme Kenny : Je n'ai pas lu le mémoire de l'UPA. J'ai hâte d'entendre le témoignage que présenteront ses représentants aujourd'hui. Je pense qu'il est très important que cette organisation participe à la discussion.

Si je ne m'abuse, vous parlez de la question de la profondeur de culture au-delà de laquelle une consultation doit être menée. Il y a de nombreuses façons de faciliter une agriculture efficace sans recourir à des limites strictes, mais l'élément important tient au fait de déterminer si l'adoption d'une démarche systématique à l'égard de la culture poserait un quelconque risque pour les ressources en cause. Il est important d'examiner les exigences relatives aux croisements et les plans. Nos directives donnent essentiellement carte blanche en ce qui concerne les croisements de pipelines, pour autant qu'il s'agisse d'une culture de faible ampleur, mais nous sommes très conscients du fait qu'il faut que les gens puissent continuer de travailler sur leurs terres en toute sécurité. Prenez, par exemple, les pipelines de gaz naturel au Canada. À notre connaissance, à la lumière des documents dont nous disposons — et qui ne sont pas aussi exhaustifs que nous le souhaiterions —, il y a plus de 50 ans que nous exploitons des pipelines de gaz naturel partout au pays, et au cours de cette période, il n'est arrivé que deux fois que ces installations causent la mort d'un membre du public.

Dans chacun de ces deux cas, la victime avait malheureusement endommagé et fait exploser un gazoduc en utilisant une pelle rétrocaveuse. Si nous insistons sur la sécurité, notre objectif ne consiste pas à nuire à l'utilisation des terres. Ce que nous voulons, c'est que, par exemple, si un agriculteur souhaite installer un tuyau d'argile à une certaine profondeur dans le sol, il en discute d'abord avec nous de manière à ce que nous puissions lui indiquer précisément à quel endroit se trouve un pipeline et nous assurer que les travaux sont bien supervisés afin d'éviter un accident semblable à celui que j'ai décrit.

Jim, avez-vous quelque chose à ajouter à cela?

Jim Donihee, chef de l'exploitation, Association canadienne de pipelines d'énergie : Non, je pense que vous avez très bien donné suite aux préoccupations qui ont été soulevées.

Le sénateur Massicotte : S'agit-il d'un amendement que votre association a réclamé?

Mme Kenny : Non, je ne crois pas que nous ayons réclamé cet amendement. Je sais qu'il y a eu un intérêt, par exemple, à l'égard de l'épaisseur du sol au-delà de laquelle il n'est pas nécessaire de s'adresser à nous. Je pense que les choses vont presque dans la direction opposée. Auparavant, les dispositions relatives aux croisements étaient très strictes, de sorte que même le croisement le plus anodin exigeait un certain recours à la réglementation. À notre avis, ces dispositions doivent être supprimées. À ce jour, nous aimons le fait de pouvoir énoncer des directives selon lesquelles au-delà d'une certaine épaisseur de sol, les gens peuvent utiliser leurs terres comme ils le jugent approprié. Nous voulons vraiment assurer la sécurité des gens et collaborer avec eux à cette fin.

Le sénateur Massicotte : L'UPA mentionne également le fait que la convention qui a été conclue avec les membres de votre association en est une de non-responsabilité, de sorte que les gens ne sont pas tenus responsables des dommages, sauf s'ils sont attribuables à une négligence grave. Toutefois, une interprétation exacte du texte législatif révèle qu'ils seront dorénavant tenus responsables des dommages occasionnés à un pipeline, ce qui va à l'encontre de la pratique courante de la non-responsabilité sous réserve de négligence grave. Avez-vous entendu parler de cette modification? Est-ce vous qui l'avez réclamée?

Mme Kenny : Ce n'est pas nous qui l'avons réclamée. J'en ai entendu parler, mais je ne possède pas de précision à son sujet. En ce qui concerne l'adoption d'une démarche axée sur la prévention des dommages à l'égard de ces grands systèmes, je crois que l'élément important tient à ce que les gens doivent assumer la responsabilité de s'informer avant de creuser. Durant mes observations préliminaires, j'ai mentionné que notre quatrième document d'orientation — qui sera parachevé en 2015 — porte là-dessus, et que nous nous réjouissons à l'idée de consulter l'UPA et d'autres organisations sur cette question. Je pense que cela se fonde sur le fait que, partout au pays, de nombreux gouvernements ont reconnu qu'il s'agissait d'une question dont on n'avait pas tenu compte. En fait, en Ontario, jusqu'à tout récemment, aucune disposition législative n'exigeait que les gens s'informent avant de creuser à proximité de ces infrastructures. Comme je l'ai dit précédemment, bien que cela soit extrêmement rare, il est malheureusement possible qu'une personne cause par inadvertance des dommages considérables entraînant un décès ou des blessures graves.

Il est important que toute loi canadienne, y compris la Loi sur l'Office national de l'énergie, comporte un recours autre qu'une poursuite devant les tribunaux, par exemple, l'imposition d'une légère amende. À l'heure actuelle, l'énorme lacune à combler sur le plan de la prévention des dommages est liée à cela, à savoir au fait que je peux vous remettre une lettre ou intenter contre vous une poursuite pour négligence criminelle. Il est crucial que la réglementation offre une solution mitoyenne qui permette de dire : « Vous avez été prévenu trois fois du fait que vous deviez vous informer avant de creuser. Chaque fois que vous avez creusé, vous êtes passé près du pipeline. Nous vous imposons une amende de 2 000 $, en espérant que cela vous sensibilise à cet égard. » Il est capital que l'instauration des sanctions administratives pécuniaires aille de pair avec l'accroissement de l'ampleur des mesures et des outils auxquels l'ONE peut recourir, et je crois que c'est cela qui va se produire.

Le sénateur Black : Bonjour à vous, madame Kenny et monsieur Donihee. Je suis heureux que vous participiez à la réunion, et je suis conscient du fait qu'il est un peu plus de 6 heures du matin à Calgary. Merci beaucoup de votre participation.

J'ai deux ou trois questions à vous poser, si vous le permettez. Pourriez-vous formuler des commentaires à propos du seuil de 1 milliard de dollars?

Mme Kenny : Bien sûr. Cela ne nous pose aucun problème. À notre avis, il faut que le public puisse être certain que les grands exploitants disposent des ressources financières leur permettant de s'acquitter de leur engagement à rester sur le terrain et à assumer toutes leurs responsabilités jusqu'à la fin des travaux de remise en état. Je ne sais pas vraiment comment ce montant a été établi, mais nous n'avons jamais entendu parler d'un incident lié à un pipeline survenu en Amérique du Nord dans le cadre duquel ce seuil a été surpassé. Nous sommes à l'aise avec ce montant. Il s'agit d'un montant considérable, mais ce qui importe, c'est de susciter une solide confiance à l'égard du principe du pollueur-payeur, et nous sommes favorables à cela.

Le sénateur Black : Merci beaucoup, madame Kenny.

Pourriez-vous nous parler des investissements dans l'innovation que votre organisation ou vos membres font en vue de faire passer de 99 à 100 p. 100 votre efficacité en matière de sécurité?

Mme Kenny : Oui. Permettez-moi de vous dire, sénateur Black, que la réalisation de l'objectif de « zéro incident » repose sur les quatre piliers suivants : le leadership, lequel représente l'élément le plus important; les pratiques exemplaires, dont j'ai parlé plus tôt; la technologie, que vous venez d'évoquer; et enfin, une culture axée sur la sûreté. Une foule d'activités sont menées relativement à ces quatre éléments.

En ce qui a trait aux technologies, je vous dirai que celles que nous utilisons proviennent d'un ensemble de grands fournisseurs reconnus à l'échelle mondiale comme des experts en diverses matières, notamment l'inspection minutieuse de l'intérieur des pipelines ou la fabrication de pipelines de pointe. Par exemple, au Canada, l'usine d'EVRAZ, située à Regina, héberge le centre nord-américain de recherche et développement sur les technologies de pointe de soudage sur pipeline. Une annonce importante a été faite récemment; l'une de nos sociétés membres, à savoir Enbridge, a annoncé qu'elle s'associait à EVRAZ pour mener des recherches visant à faire progresser encore davantage cette technique de fabrication de pipelines.

En outre, des investissements substantiels ont été faits à divers égards, notamment la détection des fuites. Un centre de recherche établi en Alberta, C-FER, mènera un projet financé conjointement par Enbridge, TransCanada et Kinder en vue de faire progresser la technologie de détection des fuites de manière à ce que nous puissions déceler très rapidement les microfuites, ce qui est difficile en faire en l'absence de systèmes à fibre optique ou de dispositifs acoustiques.

Il s'agit là de technologies de pointe, et nos membres sont actifs. Dans le cadre du projet Canadian Pipeline Technology Collaborative, nous collaborons avec 15 grandes universités canadiennes en vue du déploiement et de la mise en œuvre de nouvelles technologies, de même qu'avec de nouveaux fournisseurs et des PME qui sont en mesure de nous fournir ces services.

Nous avons travaillé en collaboration avec Technologies du développement durable Canada, qui est présidé par Jim Balsillie et dispose d'un fonds de 1 milliard de dollars pour faire avancer le progrès technologique. Nous avons uni nos efforts en vue d'élaborer une analyse de rentabilisation concernant les facettes du progrès technologique lié aux pipelines qui seront les plus utiles dans l'avenir et les mesures que nous pourrions prendre pour régler certains problèmes très précis ou les percées technologiques qui pourraient être utilisées à cette fin.

J'espère que j'ai répondu à votre question. Je vous ai donné des exemples précis. Les investissements sont substantiels. Ils sont souvent faits par une entreprise donnée, et parfois, par des regroupements d'entreprises.

Le sénateur Black : Madame Kenny, vous avez fait un commentaire intéressant que j'ai peut-être mal interprété. Je vais donc vous donner l'occasion de me fournir des explications. Dois-je comprendre que vous croyez que des restrictions financières compromettent la capacité de l'ONE d'assumer ses fonctions?

Mme Kenny : Merci de cette question. Je n'irais jusqu'à dire que cela compromet ses capacités. Le problème tient non pas tant à une question de budget qu'à la marge de manœuvre dont dispose l'organisme — qui a le statut d'employeur distinct au titre de la loi fédérale — en matière de financement ou au fait de disposer d'une plus grande marge de manœuvre que celle accordée à un ministère donné. Je vais céder dans quelques instants la parole à M. Donihee, qui pourra vous répondre plus directement puisqu'il s'agit de son domaine d'expertise, mais pour ma part, je vous dirai que, à notre avis, il faut accorder à l'ONE une plus grande marge de manœuvre de manière à ce qu'il puisse aisément embaucher des employés et passer des marchés en vue de se doter de l'expertise de pointe dont il aura besoin pour s'adapter à une réglementation et à une méthode de gestion des risques de classe mondiale. À l'heure actuelle, la difficulté tient à la capacité d'attirer et de maintenir en poste des employés talentueux. Par exemple, 20 ingénieurs subalternes ne font pas le poids devant 2 ingénieurs chevronnés responsables de l'intégrité. Il s'agit non pas d'embaucher plus de personnes, mais d'être en mesure d'attirer des experts et de les maintenir en poste. L'ONE en a quelques-uns à son emploi, mais on peut prévoir, si l'on envisage une évolution des méthodes fondées sur les risques et axées sur les résultats, que le rôle de ces experts deviendra de plus en plus important.

M. Donihee : Plus tôt dans ma carrière, j'ai eu le privilège d'occuper le poste de chef de l'exploitation au sein de l'Office national de l'énergie. J'ai donc été appelé à composer avec cette difficulté et à en constater par moi-même l'existence. Je pense que Mme Kenny a bien décrit les choses en indiquant que l'ONE est un employeur distinct. J'éprouve le plus grand respect pour la structure de la fonction publique, mais je crois, comme il a été mentionné, que son problème tient non pas à son budget, mais à la manière dont il peut être utilisé, aux salaires qui peuvent être offerts et aux moyens qui peuvent être pris pour attirer et maintenir en poste les experts requis.

Comme vous pouvez l'imaginer, si vaste que soit l'industrie, les gens qui possèdent une grande expertise dans les domaines du génie et de la technologie permettant de faire progresser le secteur sont peu nombreux. L'ONE a parfois de la difficulté à maintenir en poste les employés qui possèdent les connaissances techniques requises pour assumer pleinement leur rôle.

Ainsi, nous sommes désireux de trouver une façon de collaborer de façon plus directe non seulement avec l'Office national de l'énergie du Canada, mais aussi avec tous les organismes de réglementation en vue de mettre à leur disposition des experts de l'industrie, et ce, sans jamais nous attendre à ce qu'ils fassent passer au second plan leur rôle de principaux décideurs en ce qui a trait aux mesures à prendre pour accroître la sécurité des Canadiens.

Le sénateur Mitchell : Merci à vous tous. Ma question fait suite à la réponse qui vient d'être fournie, mais je l'adresserai à M. Blakely, vu qu'il a lui aussi affirmé qu'il était très important que l'Office national de l'énergie du Canada puisse embaucher les meilleures personnes possible. Pourriez-vous nous fournir des précisions là-dessus?

M. Blakely : L'embauche d'un ingénieur subalterne ne permettra pas à l'ONE de combler ses besoins. Il doit trouver des gens qui possèdent une grande expertise. S'il est incapable de les embaucher parce qu'ils peuvent faire deux fois plus d'argent ailleurs, l'ONE accusera toujours un retard sur les autres. Comme Mme Kenny et M. Donihee, nous estimons que, si l'ONE doit être un organisme axé sur la collaboration et s'il doit travailler de concert avec les organismes de réglementation provinciaux, il doit tenir lieu de centre d'expertise, et si cela signifie qu'il doit payer davantage ces gens, qu'il le fasse.

Le sénateur Mitchell : Merci.

Madame Kenny, vous avez dit que les gens devaient téléphoner pour s'informer avant de creuser. En fait, il est de plus en plus courant que les gens doivent cliquer avant de creuser. Le taux s'élève jusqu'à 75 p. 100 à ce moment-ci. Une seule administration provinciale dispose d'une loi, à savoir l'Ontario. Je crois que vous avez fait allusion à cela. J'aimerais que vous me parliez du type de pression que votre organisation peut exercer directement sur les gouvernements provinciaux de manière à ce que, à l'instar de l'Ontario, ils adoptent des lois, ce qui semble être la solution ou une partie de la solution.

Mme Kenny : Chose certaine, nous encourageons fortement cela. Nous collaborons avec la Canadian Common Ground Alliance, organisation nationale qui s'occupe précisément de cette question. Nous conseillerions à tous les gouvernements provinciaux d'instaurer cela.

Par rapport au fait que la moitié de nos immobilisations se situent à l'échelon national, les changements envisagés en ce qui a trait à l'Office national de l'énergie et à sa capacité de recourir aux sanctions administratives pécuniaires pour encourager les gens à être attentifs, même dans les petites entreprises... parfois, une légère intervention ou le fait de rendre obligatoire un autre mécanisme en cas d'infraction, par exemple une formation de trois jours pendant laquelle la pelle reste dans la cour, peut suffire à attirer l'attention.

Nous croyons que cela doit se faire à grande échelle, voilà une des choses qu'il faut faire.

Le sénateur Mitchell : À la page 3 de votre lettre du 26 mai au sénateur Neufeld, vous mentionnez le fait qu'il y a 37 000 inspections de gestion de l'intégrité de l'équipement et 440 inspections de gestion de l'intégrité des installations et des tuyaux qui sont effectuées. L'expression « inspection de gestion de l'intégrité » donne une idée, mais pourriez-vous me dire ce que cela signifie exactement, car j'ai l'impression que c'est un terme rassurant?

Mme Kenny : Le programme Priorité intégrité de l'ACPE, qui a été le premier document d'orientation portant sur les choses à examiner, comporte beaucoup d'éléments. En réalité, ce n'est pas très différent d'une visite chez le médecin. Il faut parfois procéder à une inspection visuelle de choses comme les soupapes et le terrain.

Ce qui est vraiment enthousiasmant, ce sont les nouvelles techniques d'inspection internes des lignes, techniques très avancées qui permettent d'examiner l'intérieur de la paroi d'acier des pipelines pour voir si la corrosion l'a amincie ou s'il y a de petites fissures qui pourraient justifier le remplacement d'une section de pipelines. Ces techniques sont continuellement améliorées. On m'a dit que le type de technologies qui existent aujourd'hui auraient permis de prévenir certains accidents survenus il y a cinq ans seulement. C'est vraiment enthousiasmant, un peu comme les percées dans le domaine de l'IRM, de la tomodensitométrie et de la chirurgie exploratoire qui permettent de sauver des vies.

Les chiffres en question ont trait à des mesures précises que les entreprises prennent sur le terrain pour donner suite à des choses ayant été portées à leur attention qui leur indiquent qu'elles feraient mieux d'approfondir l'examen.

Le sénateur Mitchell : Merci.

Le sénateur Patterson : Au sujet de l'allocation du financement et de la marge de manœuvre, abordées par le sénateur Black, il me semble que le problème soit de nature budgétaire et administrative et qu'il se situe en dehors de la portée du projet de loi. Est-ce que cette affirmation est exacte?

M. Donihee : Il se situe à l'extérieur de la portée du projet de loi en tant que tel, mais c'est une observation importante par rapport à la situation de l'ONE et à l'exécution de son mandat.

Le sénateur Patterson : Quelle serait la solution, dans ce cas? Se trouve-t-elle à l'ONE, à l'interne?

M. Donihee : Lorsque j'ai travaillé à l'ONE, celui-ci collaborait étroitement avec le Conseil du Trésor, et il y avait des mécanismes de planification dans la réglementation — c'est-à-dire dans la Loi sur la gestion des finances publiques — qui lui permettaient d'avoir plus de marge de manœuvre par rapport à l'utilisation de son financement. Le vrai problème, c'est que les salaires offerts au niveau d'entrée sont intéressants, mais, entre les années 7 à 10, la courbe s'aplatit. C'est à ce moment-là que le taux d'attrition devient élevé à l'Office national de l'énergie, comme M. Blakely l'a mentionné, et que les gens quittent l'office pour accepter un poste mieux payé ailleurs au sein de l'industrie, entre autres choses.

Le sénateur Patterson : Merci.

Mme Kenny : Si je puis rapidement ajouter quelque chose, ce que dit M. Donihee est tout à fait exact. En outre, pour avoir une approche prudente en matière d'expertise — et Jim a parlé de cela tout à l'heure —, l'ONE aurait la possibilité de collaborer davantage avec les gens qui composent le bassin d'expertise du Canada, de recourir à la vérification par des tiers et à d'autres moyens, pour veiller à ce que la passation de marchés ou le groupe de travail auquel participent des intervenants de l'industrie et d'autres personnes soit au-delà de tout reproche et tire parti de la meilleure expertise possible au Canada.

La sénatrice Ringuette : Ma question s'adresse à M. Blakely. Monsieur Blakely, j'apprécie votre soutien et le fait que vous êtes ici pour parler du projet de loi. Ce que nous avons entendu tout à l'heure est malheureux, mais, au cours d'une année donnée, quelle est l'ampleur de la formation sur les mesures de sécurité que vous offrez à vos membres?

M. Blakely : Au cours d'une journée donnée, lorsqu'un pipeline est en construction, les soudeurs qui vont faire le travail ont suivi une formation offerte par nous. Nous exploitons de nombreuses installations de formation à l'échelle du pays, environ 175. L'investissement dans les installations physiques est de 750 millions de dollars, et nous consacrons environ 300 millions de dollars par année à la formation.

Vous avez peut-être lu dans le journal récemment que TransCanada nous a donné quelques sections de tuyau. Nous en avons reçu huit ou neuf en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan — un peu partout au pays, partout où le pipeline Énergie Est va passer. Cela peut sembler ne pas être un don important, mais il s'agit de tuyaux qui valent environ 10 000 $ le pied. Ce ne sont pas des morceaux d'acier raboutés.

Dans les années 1950, nous aurions pu recruter une équipe de travail dans un bar, et nous aurions procédé à des inspections à l'aide de rayons gamma pour vérifier que le travail était suffisamment bien fait. Ce n'est plus comme cela aujourd'hui. Nos soudeurs sont très qualifiés. D'abord, il s'agit vraiment de soudeurs, de compagnons. Ils doivent obtenir une accréditation pour la pression et un permis de soudure — ils appellent cela des cartes, mais il s'agit d'un permis de soudure — en vertu du code de l'ASME ou du code des pipelines, d'un code quelconque relevant des normes canadiennes. Avant de pouvoir travailler sur le pipeline, ils doivent faire une soudure adéquate qui est vérifiée. Toutes les soudures qu'ils font sont vérifiées.

Les vérifications sont maintenant aussi complexes que l'IRM pour les personnes, avec les réseaux multiphases, les liquides pénétrants colorés, le contrôle magnétoscopique et l'ultracoustique dont Brenda a parlé. Lorsqu'ils creusent, ce sont nos membres qui inspectent la ligne et utilisent une jauge d'inspection intelligente à l'intérieur du pipeline. Nous devons investir énormément pour veiller à ce que les gens qui exploitent des pipelines aient accès aux personnes dont ils ont besoin pour faire le travail.

À titre d'exemple, nous coupons les bouts de tuyaux que TransCanada nous a donnés en petites sections longues comme cela environ — le tuyau mesure 40 pieds —, et nous formons une nouvelle génération de soudeurs à l'aide de ce tuyau qui nous a été donné. C'est très important.

La sénatrice Ringuette : Quel est le coût moyen de la formation par membre?

M. Blakely : Cela varie beaucoup. Pour ce qui est des soudeurs de pipeline, les derniers chiffres que j'ai à ma disposition — et je vais vérifier et vous communiquer l'information —, le coût est d'environ 18 000 $ par soudeur lorsque nous offrons un cours à six personnes. C'est le nombre maximal de soudeurs que nous pouvons former en même temps.

La sénatrice Ringuette : C'est un investissement très important de la part de votre organisation non seulement pour l'avenir de vos membres, mais aussi pour celui de l'industrie.

M. Blakely : Nous vivons ici aussi. Nous ne voulons pas qu'il y ait une explosion au milieu de la nuit.

La sénatrice Ringuette : Par rapport à ce qui s'est dit tout à l'heure concernant le fait d'aborder des sujets en dehors de la portée du projet de loi et de la qualification du personnel de l'Office national de l'énergie, prendriez-vous part à toute activité visant à accroître la capacité de ressources humaines de l'Office national de l'énergie?

M. Blakely : La réponse courte à cette question, c'est oui. Je pense que cela a été très bien résumé par l'ACPE. Le problème, ce n'est pas d'attirer des gens. C'est de les garder lorsque leur degré de compétence commence à être très élevé. C'est à ce moment-là qu'ils deviennent intéressants sur un autre marché. Malheureusement, la réglementation du Conseil du Trésor ne permet pas à l'ONE ni à deux ou trois autres organismes de réglementation, par exemple dans le domaine de la sûreté nucléaire, de les maintenir en poste plus longtemps, parce que quelqu'un d'autre leur offre plus d'argent. Soyez assurés que nous essayons de trouver un moyen de faire cela.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup à vous deux.

Madame Kenny, à deux ou trois reprises dans votre exposé, et aussi dans vos réponses aux questions, vous avez parlé de la culture de la sécurité et de choses importantes qui se passent chez vos membres sur ce plan. Dans le cadre de nos audiences, nous avons déjà abordé — avec l'ONE et RNCan — les vérifications et les inspections, par exemple. Vous avez parlé de manque de préparation et d'exercices d'intervention en cas d'urgence.

Vous nous avez un peu promis de nous donner des détails sur la culture de la sécurité. Pouvez-vous le faire?

Mme Kenny : Oui. Je vais dire quelques mots pour commencer, puis je vais céder la parole à M. Donihee, qui dirige cette initiative pour nous.

Simplement pour établir le contexte, je pense que la culture de sécurité est l'une de ces choses à l'égard desquelles les lois et les règlements sont certes très importants et très utiles, mais qui, au bout du compte, tiennent davantage au jugement posé au quotidien et aux centaines et aux milliers de choses qui se font sur le terrain ou dans les tours à bureaux pour favoriser la sécurité.

Une dernière chose importante à ce sujet, c'est la question de la compétence réglementaire. Aujourd'hui, nous ne pouvons plus présumer ne serait-ce qu'un instant que le rôle d'un bon organisme de réglementation consiste à reproduire ou à remplacer l'expertise et l'ampleur des connaissances de l'ensemble de l'industrie. Ce qu'il faut faire, pour assurer l'excellence de la réglementation, c'est d'offrir du soutien et des encouragements, d'assurer une surveillance et de vérifier l'existence d'un leadership, d'une forte culture de sécurité et d'un souci d'excellence qui permettent d'obtenir un bon rendement et des résultats.

M. Donihee : Pour ce qui est de la culture de la sécurité, cela tient vraiment à ce qui vient d'en haut, à l'engagement des dirigeants, qui doit être étendu à toute l'organisation, sur le plan de ce qui est fait concrètement. En juin dernier, l'ONE a publié son cadre relatif à la culture de sécurité, afin de définir les mécanismes de défense et les types de menaces qui pourraient affecter cette culture. L'ACPE a entrepris d'élaborer un sondage, pour commencer, qui sera présenté à chacune des entreprises membres cette année, et qui va nous permettre de jeter un coup d'œil sur la situation de tous les employés de l'industrie afin de poser un diagnostic relativement au ton qui est donné par les dirigeants à l'ensemble de leur organisation. Comme Mme Kenny l'a dit, cela va permettre aux PDG qui siègent au conseil d'administration de se regarder dans les yeux et de voir quelles sont les forces et les faiblesses de l'ensemble de l'industrie, d'apprendre les uns des autres et de veiller à ce que les meilleures pratiques soient reproduites et étendues à toute l'industrie, laquelle, comme M. Blakely l'a dit, s'est engagée inconditionnellement à ne pas mettre en danger les Canadiens et plutôt à les servir de façon très sûre, en étant durable.

La sénatrice Seidman : Merci. Vous avez répondu à la question du sénateur Black concernant le rôle de la R-D et à la quantité de R-D que vous faites pour innover dans le domaine de la prévention. Pouvez-vous nous donner des exemples ayant trait à la préparation et aux interventions en cas d'urgence?

Mme Kenny : Je vais répondre à cette question.

Il faut d'abord commencer par faire des études adéquates, et, à cette fin, nous avons collaboré avec les producteurs en amont dont nous transportons les produits dans nos pipelines. Nous nous sommes adressés à la Société royale du Canada, qui est rigoureusement indépendante, laquelle a maintenant un groupe d'experts qui examine ce qu'on sait en sciences sur le pétrole, advenant un déversement. Cela sera une contribution très importante pour nous permettre d'améliorer encore davantage nos pratiques.

Il y a aussi de nouvelles techniques d'assainissement. À titre d'exemple, si le pétrole s'infiltre dans le sol, on enlève temporairement ce sol et on procède à sa biorestauration, en faisant un gros tas de compost, si on veut, et on met les principes scientifiques à l'épreuve dans ce domaine. De nouvelles techniques pour mieux le faire continuent d'être mises au point.

Pour ce qui est des interventions en cas de déversement, c'est le rétablissement. C'est la rapidité avec laquelle on détecte une fuite. Ce sont les technologies de salle de contrôle. Ce sont les pratiques sur le terrain, mais combinées avec les technologies et avec la science, qui permettent de déterminer si on fait la bonne chose le plus rapidement possible.

Comme je le disais, la Société royale du Canada mène une étude approfondie. Nous nous attendons à recevoir les résultats plus tard au cours de l'année. Nous ne sommes pas du tout mis au courant des travaux, comme il se doit. Je pense que vous savez déjà probablement comment la société royale fonctionne, c'est-à-dire de façon très cloisonnée et indépendante. Je pense qu'il s'agit là d'un exemple d'initiative de la part de l'industrie, le fait qu'elle demande à un groupe respecté de lui fournir les réponses, sans lui cacher ce qu'il y a de négatif, de sorte qu'elle puisse prendre les mesures qui s'imposent.

Le président : J'ai deux ou trois questions à poser rapidement, puis le sénateur Massicotte en aura quelques-unes à poser lui-même. Il ne nous reste que cinq minutes.

Madame Kenny, lorsque les représentants de l'ONE sont venus témoigner, ils nous ont dit qu'ils ont effectué six vérifications l'an dernier, ce qui correspondait, je crois, à deux fois plus que l'année d'avant, ainsi qu'à 230 inspections, ce qui était à peu près le même nombre. Selon vous, pour 99 ou 100 entreprises, est-ce que six vérifications suffisent? Si on divise le nombre d'entreprises par le nombre de vérifications, on constate qu'une entreprise donnée va faire l'objet d'une vérification une fois tous les 17 ans. Et que dire de ces 230 inspections, lorsque je pense au fait qu'il y a 73 000 kilomètres de tuyau et toutes les installations connexes? Je ne sais pas ce qui serait suffisant, mais est-ce que ça l'est?

Mme Kenny : C'est une excellente question. D'abord, je voudrais dire que l'ACPE ne représente que 12 grandes entreprises. Ces entreprises possèdent 115 000 kilomètres de pipeline au Canada, et nos membres ont fait l'objet de certaines de ces vérifications très exhaustives.

Il faudrait que vous posiez la question à l'ONE, sénateur, en ce qui concerne l'éventail des entreprises visées. L'office régit beaucoup d'entreprises qui, franchement, ne font l'objet d'une vérification qu'en raison d'un hasard dû à la géographie ou parce que, malheureusement, leur pipeline traverse une frontière, et ce qui est visé par la réglementation, ce n'est en fait qu'un pipeline d'un kilomètre de long. Je ne pense pas que la population canadienne doive se préoccuper du fait qu'il y ait ou non une vérification détaillée de ce kilomètre de pipeline. Je pense que les gens se concentrent sur les grands systèmes de transmission, et ceux-ci font l'objet de vérifications adéquates.

Je dirais aussi, pour en revenir à une approche davantage axée sur le rendement et plus progressiste en matière de leadership réglementaire de calibre mondial, qu'il faut compter sur la vérification par des tiers. Il faut compter sur les vérifications qui se font au sein de ces entreprises, tout comme les organismes de réglementation des valeurs mobilières exigent des vérifications régulières et l'approbation de celles-ci par la direction, mais comptent sur le fait qu'il y a des cabinets comme KPMG et Deloitte pour aider ces entreprises à s'assurer que leurs livres sont bien tenus. Les organismes de réglementation des valeurs mobilières n'interviennent pas chaque fois pour faire la comptabilité dans le cadre de toutes ces vérifications.

C'est une combinaison de façons d'envisager la vérification, et il faut que les vérifications soient fondées sur les risques. Lorsque les vérificateurs font une vérification, celle-ci est exhaustive, et elle devrait viser ce qui, selon eux, leur permettra d'apprendre le plus de choses.

Le président : Merci. Ma prochaine question — et je vais être bref — est la suivante : je peux comprendre que l'embauche de travailleurs et le fait de leur offrir suffisamment d'argent puissent poser problème. Je sais que ce problème existe dans le secteur du pétrole et du gaz. La Commission des hydrocarbures était financée par les frais payés par l'industrie, en tout cas lorsque j'ai quitté la Colombie-Britannique, et, en réalité, nous avions prévu une disposition spéciale dans les conventions collectives pour qu'elle puisse offrir les salaires en vigueur dans l'industrie, de manière à pouvoir garder ses professionnels. Seriez-vous prêts à accepter des frais liés aux pipelines que vous représentez pour permettre à l'ONE d'embaucher les gens dont il a besoin et de les maintenir en poste?

Mme Kenny : Oui, sénateur, nous serions prêts à accepter cela, et, en réalité, c'est déjà le cas. Actuellement, la majeure partie du budget de l'ONE a fait l'objet d'une récupération de coûts complète auprès du secteur des pipelines par l'intermédiaire d'un crédit unique, et cela se fait de façon indépendante. Nous ne participons pas à la décision concernant le nombre ni ne contestons la façon dont l'argent est dépensé, en aucun cas. Nous sommes en faveur du recouvrement des coûts, et, même si cet argent vient des poches de nos entreprises, nous sommes en faveur d'un accroissement des investissements. Comme je le disais, idéalement, il ne s'agit pas d'une carte blanche. C'est quelque chose de ciblé : avez-vous les compétences dont vous avez besoin, et est-ce que c'est fondé sur le rendement? On n'a pas besoin de 1 000 ingénieurs. Il faut 50 ou 100 experts, et il faut s'appuyer sur une démarche systématique de gestion du risque favorisant l'expertise à l'échelle du pays.

Le sénateur Massicotte : J'aimerais avoir le point de vue de l'association des pipelines sur un point technique : le paragraphe 48.12(12) du projet de loi dit essentiellement que les poursuites en recouvrement de dommages doivent avoir lieu dans les trois ans, mais au maximum six ans après la date du rejet. Les pipelines couvent beaucoup de territoire. Je pense à beaucoup de champs d'agriculteurs qui sont vastes. Il se pourrait qu'une fuite ait lieu sans qu'elle ne soit remarquée pendant six ans.

Pourquoi instaurer cette nouvelle prescription? Habituellement, c'est à partir du moment de l'avis ou à partir du moment où les dommages ont lieu. Pourquoi cette prescription? Je sais que la Quebec Farmers' Association est préoccupée par cela. Pouvez-vous dire quelque chose là-dessus?

Mme Kenny : Je ne connais pas vraiment la justification de cette prescription. Je pense que nous serions en faveur de celle-ci si la modification consistait à remplacer le moment du début de la fuite par le moment où elle est connue. Je pense que c'est probablement l'intention de toute façon. Il est approprié qu'il y ait une prescription, mais nous ne verrions pas de problème à ce que des rajustements soient apportés pour garantir que les conséquences sont pleinement prises en compte.

M. Blakely : Normalement, en droit, la période de prescription est déterminée par la possibilité de découvrir la preuve. Il s'agit du moment où on a su ou aurait dû savoir que les dommages ont eu lieu.

Le président : Merci beaucoup à tous d'avoir présenté d'excellents exposés, d'avoir posé de très bonnes questions et d'avoir fourni de très bonnes réponses aussi. Merci d'avoir pris le temps de participer à la séance malgré votre horaire chargé. La journée a commencé tôt pour vous ce matin à Calgary. Bonne fin de journée.

[Français]

Le sénateur Paul J. Massicotte (vice-président) occupe le fauteuil.

Le vice-président : Bienvenue à cette rencontre du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-46, Loi modifiant la Loi sur l'Office national de l'énergie et la Loi sur les opérations pétrolières au Canada.

[Traduction]

Nous souhaitons maintenant la bienvenue à nos prochains témoins. M. Martin Olszynski témoigne par vidéoconférence depuis Calgary.

[Français]

Également, de l'Union des producteurs agricoles, nous recevons Martin Caron, deuxième vice-président général, Stéphane Forest, avocat à la Direction des affaires juridiques, et Isabelle Bouffard, coordonnatrice en économie et commerce à la Direction des recherches et politiques.

Je vous remercie tous d'être parmi nous aujourd'hui. Nous allons commencer avec M. Olszynski, et ensuite nous passerons à la période des questions.

[Traduction]

Martin Olszynski, à titre personnel : Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Mon exposé d'aujourd'hui porte sur ce qu'on appelle les dispositions relatives aux dommages à l'environnement du projet de loi C-46 dans certains documents d'information du gouvernement. Je vais commencer par vous présenter une brève introduction sur les dommages à l'environnement, leur nature et leur évaluation. Je vais ensuite décrire leur rôle et la façon dont ils sont traités dans le projet de loi C-46. Enfin, je vais formuler deux recommandations pour l'amélioration du projet de loi. Mes notes et mon exposé d'aujourd'hui suivent à peu près le mémoire que j'ai soumis au comité la semaine dernière.

En termes simples, les dommages à l'environnement peuvent être considérés comme étant la compensation financière attribuée à l'égard de la perte de certains actifs environnementaux publics et des services écosystémiques qu'il procure, comme l'assainissement de l'eau ou l'atténuation des inondations, par exemple le fait d'incendier par négligence une étendue de terre forestière dans laquelle du carbone est stocké. Il peut y avoir dégradation d'une zone humide qui purifiait l'eau et modérait les fluctuations extrêmes de débit, ou encore la pollution d'une zone côtière, comme le golfe du Mexique à la suite de l'éruption de Deepwater Horizon, soutenant toutes sortes d'activités économiques, dont la pêche et le tourisme.

Les économistes des ressources et de l'environnement divisent ce type de dommages en deux sortes de valeurs : les valeurs d'usage et les valeurs de non-usage. Les valeurs d'usage sont associées à l'utilisation directe de l'environnement, comme la pêche et la baignade dans un lac et la marche en forêt, ou à des utilisations commerciales comme l'exploitation forestière ou l'agriculture. Les valeurs de non-usage sont liées à la conscience de la pérennité de l'environnement ou à la nécessité de laisser des ressources environnementales aux générations futures.

Comme les membres du comité peuvent l'imaginer, l'évaluation des dommages à l'environnement, ou ce que j'appelle l'EDE, peut être une tâche complexe et ardue. On fait d'abord appel à diverses disciplines scientifiques, par exemple l'écologie, la toxicologie et l'hydrologie, afin de déterminer l'étendue des dommages, avant d'employer la science économique et les techniques d'évaluation environnementale pour transposer ces préjudices en termes financiers. Les membres du comité devraient cependant noter que l'établissement de la valeur environnementale directe se fait de moins en moins et que les dommages à l'environnement sont plutôt déterminés en fonction du coût de rétablissement de l'environnement endommagé et des divers services qu'il fournissait.

Je vais maintenant parler du projet de loi C-46. Les dommages à l'environnement y jouent deux rôles distincts. Ils jouent un rôle en matière de détermination des peines, ainsi qu'un rôle lié à la responsabilité civile.

Pour ce qui est de la détermination des peines, lorsqu'un exploitant contrevient à la Loi sur l'Office national de l'énergie, le nouvel article 132 demande au juge qui prononce la peine de tenir compte du fait que l'infraction a causé des dommages ou a créé un risque de dommages à l'environnement, ce qui, aux termes du paragraphe 132(4), comprend la perte des valeurs d'usage et de non-usage. Avec cet amendement, la Loi sur l'Office national de l'énergie intègre un groupe d'environ 10 autres lois environnementales fédérales prévoyant des dispositions semblables en matière de détermination des peines adoptées depuis 2009. Bien que peu détaillée, cette formulation a l'avantage d'être simple et complète.

Les autres dispositions sur les dommages à l'environnement, nettement plus obscures, s'appliquent dans le contexte de la responsabilité civile. Le nouveau paragraphe 48.12(1) concerne trois chefs de dommage en cas de déversement : a) des pertes ou dommages subis par toute personne; b) les frais engagés pour le nettoyage; et, enfin, c) la perte de valeur de non-usage liée aux ressources publiques touchées par le rejet.

Autrement dit, cette partie du projet de loi ne fait pas véritablement mention des « dommages à l'environnement ». C'est plutôt leur possibilité qui est, en partie du moins, sous-entendue à l'alinéa c) : « la perte de la valeur de non-usage liée aux ressources publiques ».

Les valeurs d'usage ne sont pas explicitement mentionnées, bien que, comme je l'expliquerai dans un instant, certaines d'entre elles peuvent être prévues à l'alinéa a).

Je recommande premièrement que la troisième catégorie de perte en matière de responsabilité civile soit modifiée de manière à faire mention seulement des « dommages à l'environnement », par exemple tous les dommages environnementaux résultant de rejets, avec un paragraphe supplémentaire définissant les « dommages à l'environnement », tels qu'ils sont définis dans les dispositions sur la détermination des peines, c'est-à-dire les pertes de valeur d'usage et de non-usage. Cela simplifierait l'article et en assurerait l'exhaustivité.

Comme le sait sans doute le comité, cette disposition est tirée presque textuellement du projet de loi C-22, Loi sur la sûreté et la sécurité en matière énergétique. Ce projet de loi apportait des modifications semblables à la Loi sur les opérations pétrolières au Canada, la LOPC. Or, cette mesure législative contenait déjà une définition de l'expression « perte ou dommages réels ». D'après ma lecture du projet de loi C-46, cette définition n'a pas été reprise, et même si elle l'était, je suis d'avis que d'importantes lacunes subsisteraient. Je pourrais vous donner des exemples après mon exposé, si cela vous intéresse.

Je recommande deuxièmement que le gouverneur en conseil soit tenu de — ou peut-être de façon plus réaliste soit autorisé à — prendre un règlement établissant un processus d'EDE. Ce processus devrait donner lieu à une présomption réfutable de validité pour toute instance à l'égard de tels dommages, que ce soit devant la cour ou le Tribunal d'indemnisation en matière de pipelines.

Comme je l'ai indiqué plus tôt, l'EDE est une activité complexe et ardue. Une réglementation préciserait les choses pour toutes les parties et réduirait les litiges inutiles. C'est précisément pour ces raisons que les lois américaines équivalentes, la Comprehensive Environmental Response, Compensation and Liability Act et la Oil Pollution Act, comportent de telles dispositions et que des processus ont été prescrits pour ce que l'on appelle là-bas, la Natural Resource Damage Assessment, la NRDA.

Je tiens aussi à traiter de la nature préventive du projet de loi. Comme je l'ai souligné déjà, à l'heure actuelle, environ 10 lois fédérales comportent des dispositions sur les dommages à l'environnement, et il y a maintenant 10 ans que les gouvernements peuvent intenter des poursuites à l'égard de ce type de dommages, suivant une décision de la Cour suprême du Canada. Or, je n'ai connaissance d'aucun cas où le gouvernement fédéral ait effectivement eu l'intention d'intenter de telles poursuites. Peut-être d'autres témoins pourront-ils donner des explications sur cet état de fait. Quoi qu'il en soit, cette situation mine grandement les régimes de responsabilité juridique que l'on souhaite établir avec des mesures législatives comme le projet de loi C-46.

La prise de règlements, qui, idéalement, devrait être appliquée à tous les régimes d'EDE fédéraux dont j'ai parlé, devrait permettre de corriger cette situation dans une certaine mesure. Voilà ma déclaration officielle.

[Français]

Martin Caron, deuxième vice-président général, Union des producteurs agricoles : L'Union des producteurs agricoles tient à remercier le comité de lui permettre de présenter des éléments clés concernant le projet de loi C-46.

Je suis deuxième vice-président de l'Union des producteurs agricoles, mais avant toute chose, je suis producteur laitier, céréalier et forestier dans la région de Louiseville, en Mauricie. Un oléoduc passe sur mes terres, et il a été construit dans les années 1980.

Nous souhaitons rappeler que l'Union des producteurs agricoles représente 42 000 agriculteurs et agricultrices au Québec. Ces derniers ont investi 717 millions de dollars dans l'économie régionale québécoise en 2013. De plus, il faut ajouter que 35 000 producteurs forestiers récoltent de la matière ligneuse pour une valeur annuelle de plus de 250 millions de dollars, ce qui génère un revenu de 2,5 milliards de dollars.

Ce projet de loi propose des modifications importantes à la Loi sur l'Office national de l'énergie et à la Loi sur les opérations pétrolières au Canada. Dans le cadre de ce mémoire, l'intervention de l'Union des producteurs agricoles ciblera les changements proposés à la Loi sur l'Office national de l'énergie.

Au cours des dernières années, plusieurs oléoducs ont été construits au Québec et d'autres projets sont prévus. Ces projets ont tous un point en commun : ils touchent toujours les entreprises agricoles et forestières. L'acceptabilité sociale est un enjeu incontournable pour les compagnies pipelinières. Dans ce contexte, les commentaires de la part de personnes qui sont directement touchées par de telles infrastructures devraient être analysés avec attention.

La présentation se fera en deux temps. Dans un premier temps, nous allons mentionner les modifications que l'union appuie et, dans un deuxième temps, nous proposerons des modifications.

J'enchaîne avec les nouvelles dispositions du projet de loi à conserver. Concernant la responsabilité des compagnies, le projet de loi prévoit que, advenant un rejet non intentionnel ou non contrôlé, les compagnies auront la responsabilité de payer le premier milliard de dollars de dommages et elles devront obtenir ces ressources financières. Également, il est prévu que, s'il y a des rejets causés par la faute où la négligence de la compagnie, cette dernière sera responsable de l'entièreté des dommages, et ce, au-delà du milliard de dollars prévu. L'union salue cette nouvelle disposition et, dans un même propos, je vous dirais que l'union salue aussi le nouveau pouvoir de l'office relativement à l'oléoduc abandonné à la cessation d'exploitation.

Nous passons immédiatement aux choses que nous voudrions voir modifiées. En ce qui concerne la définition du remuement du sol, que l'on retrouve à l'article 2 du projet de loi, elle préoccupe grandement les producteurs agricoles et forestiers. La lecture de l'alinéa b) de cet article laisse croire qu'une plante qui possède un système racinaire de plus de 45 centimètres de profondeur ne pourra plus être cultivée au-dessus de l'oléoduc. La luzerne est caractérisée par une racine pivotante forte pouvant descendre à plus de six mètres. On sait qu'en moyenne, c'est environ de deux à trois mètres. Cette plante est cultivée sur de grandes superficies au Québec et dans les autres provinces canadiennes afin d'alimenter le cheptel bovin et laitier et les autres ruminants. Ainsi, le libellé proposé causera un problème important aux producteurs agricoles, alors qu'en réalité, le problème n'existe pas, puisque la luzerne a toujours été cultivée au- dessus des oléoducs. L'union considère que ce paragraphe devrait être retiré du projet de loi.

Je suis producteur agricole et, depuis les années 1980, nous semons de la luzerne, parce que nous avons un troupeau laitier.

Notre demande principale concerne le paragraphe c) de l'article 2 du projet de loi. L'union ne comprend pas pourquoi la profondeur des autres activités — 30 centimètres — apparaît maintenant dans la loi. Selon l'union, la profondeur du remuement du sol permis sans autorisation ne devrait se retrouver ni dans la loi ni dans un règlement, mais être déterminée plutôt par l'office au cas par cas lors de l'autorisation du projet, afin de prendre en compte les particularités régionales et des projets.

Un autre élément à modifier porte sur les responsabilités lors des travaux. L'article 48.12 est clair. Advenant qu'un producteur agricole ou forestier cause un bris à un oléoduc lors de ses activités, il sera responsable des dommages qui seront causés par cette faute. L'union considère que ce nouvel article va à l'encontre des dispositions présentement prévues à l'alinéa 86(2)d) qui indique que l'accord d'acquisition de servitude doit spécifiquement prévoir une clause mentionnant que le propriétaire ne peut être poursuivi par la compagnie, sauf dans un cas de faute lourde ou intentionnelle. Or, ce nouvel article ne distingue pas les types de responsabilité.

Si on ajoute la possibilité de devoir payer des dommages causés par une fuite sur un oléoduc, cela imposerait aux producteurs agricoles et forestiers de plus lourdes obligations lors du passage d'un oléoduc sur leurs terres, ce qui est inacceptable. Cela détériorerait l'acceptabilité des nouveaux projets d'oléoduc. À ce sujet, l'union recommande de modifier le paragraphe 48.12(1) en prévoyant une exemption pour exclure la solidarité pour le propriétaire comme il est précisé à l'alinéa 86(2)d).

Un autre élément concerne le temps consacré à obtenir les autorisations. Comme il est nécessaire d'obtenir des autorisations pour travaux agricoles afin de circuler sur la servitude ou dans les zones de sécurité, l'union demande que ce temps supplémentaire soit considéré comme un dommage indemnisant au sens de l'alinéa 86(2)c) de la loi, afin que les propriétaires puissent obtenir un dédommagement pour la charge de travail additionnelle et le désagrément dans le contexte où la profondeur de remuement du sol permis sans autorisation demeure à 30 centimètres.

Quant à la prescription des dommages, le futur paragraphe 48.12(12) inquiète l'union, notamment dans le cas du pipeline abandonné. Advenant qu'un producteur agricole constate qu'un pipeline abandonné est perforé et laisse échapper des contaminants, mais que cet événement date de plusieurs années, il n'y aurait pas de recours. L'union considère que cet article doit être modifié par l'ajout du mot « constatation ». L'article pourrait se lire comme suit :

Les poursuites en recouvrement de créances fondées sur le présent article se prescrivent par trois ans après la date de la constatation des pertes, dommages ou frais et par six ans après la date de la constatation du rejet.

En matière d'obligations financières, il est prévu au futur paragraphe 48.13(1) que la compagnie serait tenue de disposer de ressources financières d'une somme d'un milliard de dollars. Afin de s'assurer que les sommes soient disponibles en cas de déversement, l'union recommande de minimiser le nombre d'outils financiers utilisés par les compagnies pour garantir ces sommes.

Également, l'union aimerait savoir ce que veut dire le mot « compagnie ». Dans le futur paragraphe 48.13(1), s'agit-il de la maison mère, comme TransCanada, ou de ses filiales, comme le projet d'oléoduc Énergie Est? Si le mot « compagnie » fait référence à la filiale, l'union est à l'aise avec cette proposition. Toutefois, si le terme désigne la maison mère, cela est insuffisant et ne permettrait pas de sécuriser les producteurs agricoles et forestiers. L'union demande de clarifier rapidement cet élément.

En terminant, s'agissant des délais liés au comité d'arbitrage, l'union constate que l'ensemble des délais prévus pour l'utilisation du comité d'arbitrage est très long. Au total, 30 mois se seront écoulés entre la signification de l'avis et le dépôt de la décision du comité. Ces délais pourraient être réduits, et il en va de la crédibilité de cette démarche.

Je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

Le président : Merci beaucoup à vous deux d'avoir présenté un exposé. Nous allons maintenant passer aux questions, et les premières questions seront posées par le vice-président, le sénateur Massicotte.

Le sénateur Massicotte : Je vais peut-être commencer par vous, M. Olszynski, par rapport à votre observation concernant l'amélioration du libellé de la loi en vigueur au chapitre des dommages à l'environnement. Avez-vous eu l'occasion d'écouter le témoignage de M. Labonté, de Ressources naturelles, lorsque nous lui avons posé la question précise de savoir pourquoi nous n'avons pas conservé l'expression générale « dommages à l'environnement »? Avez- vous eu l'occasion d'entendre sa réponse?

M. Olszynski : Ce témoignage a-t-il eu lieu ce matin?

Le sénateur Massicotte : C'était mardi dernier, je crois.

M. Olszynski : Non, désolé, je n'ai pas eu l'occasion de l'entendre. J'ai un peu suivi l'étude du projet de loi, mais j'aimerais beaucoup savoir quelle a été sa réponse.

Le sénateur Massicotte : Je pense qu'il y a un enregistrement qui est accessible ou qui devrait l'être sous peu. Si vous pouviez jeter un coup d'œil là-dessus, je vous en serais reconnaissant. Essentiellement, il a répondu que nous avons supprimé les expressions de ce genre parce que c'était l'ancienne façon de désigner les choses et que nous voulions assurer la cohérence avec d'autres lois, ce qui fait que nous utilisons maintenant cette autre expression, pour répondre à ce que vous avez dit, la deuxième de ces paragraphes. Vous pourriez peut-être jeter un coup d'œil là-dessus.

M. Olszynski : Je vais certainement le faire. Je peux assurer un suivi et jeter un coup d'œil sur ce qui a été proposé. Pour être franc avec vous, j'ai de la difficulté à comprendre qu'il y ait deux approches, une dans les dispositions de détermination des peines, et l'autre pour la responsabilité civile. Je pense que la chose est désignée de la même façon, comme dans les documents d'information. Ceux-ci parlent de la possibilité de dommages à l'environnement. Voilà une façon claire de parler de ce dont il est question ici. Je pense que, s'ils lisaient cette partie de la loi et voyaient qu'il y est question de la perte de valeur de non-usage d'une ressource publique, beaucoup de gens seraient confus. Certaines personnes qui connaissent le domaine sauront tout de suite de quoi il s'agit, mais, comme je l'ai dit aussi, c'est restrictif. Il y a environ 10 lois en vigueur actuellement contenant des dispositions de détermination des peines qui parlent de dommages à l'environnement ou qui disent simplement que des dommages sont possibles, mais qui définissent ensuite ces dommages selon qu'il s'agit de valeur d'usage ou de non-usage. Dans les dispositions relatives à la responsabilité civile du projet de loi, il n'est question que de valeur de non-usage. À mon avis, ce serait très difficile.

Comme je l'ai dit dans mon témoignage devant le comité permanent de la Chambre, je crois que le problème tient peut-être en partie au fait que ce libellé a été choisi parce que, dans le contexte de la Loi sur la sûreté et la sécurité en matière énergétique, il y a déjà des mentions ou une définition de « pertes réelles » — appellées « dommages réels » dans la LOPC, et l'idée était peut-être que les deux lois se compléteraient. Cependant, cette définition ne figure pas dans la Loi sur l'ONE. Elle n'a pas été reprise. Je pense qu'il serait beaucoup plus simple et beaucoup plus transparent de dire qu'il s'agit de dommages à l'environnement, et que ceux-ci incluent les valeurs d'usage et de non-usage, compte tenu surtout du fait, je crois, que, s'il y a une préoccupation quelconque, elle concerne peut-être l'idée que certains chefs de dommage puissent être comptés deux fois. Ma réponse à cela, c'est que les dommages à l'environnement seront limités aux gouvernements. Seuls les gouvernements pourront les réclamer. De toute façon, lorsqu'un propriétaire ou un particulier quelconque subit une perte, il s'agit de dommages distincts. Ce dont nous parlons, lorsqu'il est question de valeur d'usage et de valeur de non-usage récupérable par le gouvernement, ce sont de valeurs environnementales publiques que personne d'autre ne serait en mesure de réclamer de toute façon.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Monsieur Caron, vous soulevez de très bons commentaires. Quant à votre souci au sujet des racines qui excèdent 30 centimètres, je ne pense pas que vous étiez présent, mais nous en avons demandé à l'Association canadienne des pipelines d'énergie la raison d'être, à savoir s'ils en avaient fait la demande. En ce qui concerne vos autres commentaires, au sujet de l'article 48.12, ils ne sont pas au courant de la demande; ils sont flexibles. Alors, pourquoi ce nouveau projet de loi, cette contrainte de 30 centimètres pour les racines? Est-ce quelque chose de nouveau?

M. Caron : Je vais demander à Isabelle de répondre.

Isabelle Bouffard, coordonnatrice économie et commerce, Direction recherches et politiques agricoles, Union des producteurs agricoles : La question que vous posez, c'est à savoir pourquoi cela apparaît dans le nouveau projet de loi? On ne le sait pas. Je vous dirais que cela a été une surprise, parce que les 30 centimètres se rapportent aux travaux en général, et c'est quelque chose qui apparaissait dans la réglementation. Quant à l'exigence de 45 centimètres, je ne sais pas d'où elle vient, mais, à notre avis, elle est inutile. Sur une emprise de pipeline, on ne peut pas faire pousser n'importe quoi. On ne laisse pas pousser des arbres. La compagnie, dans ces documents juridiques, dans sa servitude, prévoit qu'il y a certaines utilisations et non-utilisations. Il ne peut pas y avoir de plantes envahissantes qui vont briser les pipelines.

Cela inquiète beaucoup les producteurs agricoles — principalement ceux qui font pousser du foin —, car il s'agit de plantes qu'ils ont toujours fait pousser au-dessus des pipelines. On ne comprend pas pourquoi ils introduisent cette exigence à ce stade-ci. Peut-être qu'ils ne comprenaient pas le système racinaire du foin ou de la luzerne. Voilà la réponse que je peux vous donner.

M. Caron : Si je peux me permettre, quand je vous ai dit qu'il y a un pipeline qui passe sur mes terres, ils passent presque au milieu de mes champs. Je n'imagine pas arrêter de faire pousser la luzerne afin de laisser un espace, puis recommencer plus loin. Cela a été construit dans les années 1980, et depuis ce temps, j'ai toujours fait pousser de la luzerne sur ce terrain sans problème.

Le sénateur Massicotte : Votre opinion au sujet de l'article 48.12 est claire. Il est vrai que le libellé laisse croire que s'il y a une fuite et qu'elle est découverte plus de six ans plus tard, il n'y a pas de recours possible. Tantôt, nous avons reçu un commentaire juridique selon lequel le Code civil, la common law indique très clairement que le temps est calculé à partir du moment où on a découvert le dommage comme tel. Du côté juridique, est-ce votre opinion?

M. Caron : Je vais laisser la parole à maître Forest.

Stéphane Forest, avocat, Direction des affaires juridiques, Union des producteurs agricoles : Il est certain qu'il y a de la jurisprudence qui détermine quand commence la prescription. Ici, nous avons un texte de loi fédérale qui aura préséance sur les dispositions usuelles du Code civil dans la province de Québec. Une interprétation devra être donnée, à savoir si ce sont les règles usuelles du début de la prescription qui s'appliquent ou les règles impératives qui seront désormais édictées au 12e paragraphe de l'article 48.12. Cela crée une incertitude juridique qui fait en sorte qu'il y a une perte de droit possible, alors que l'ajout d'un mot, la constatation du dommage, permettra simplement de couvrir l'époque entre la fuite et la constatation de la fuite.

Nous nous prémunissons pour nous protéger, parce que ce sont souvent les producteurs agricoles qui seront victimes de ces rejets non intentionnels dont on parle à cet article, puisque le pipeline passe chez eux. À ce moment-là, il ne faudrait pas qu'ils perdent des droits à cause d'un problème d'interprétation juridique lié à cette disposition de droit fédéral. On parle du partage des compétences et des problèmes constitutionnels que cela peut causer, et de l'application des dispositions en matière de responsabilité civile usuelle au Québec.

Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup pour votre présentation.

[Traduction]

Ma question s'adresse à M. Olszynski. Je suis très intéressé par les questions que le sénateur Massicotte vous a posées et la réponse de M. Labonté qu'il a évoquée, par rapport au problème que vous avez soulevé. Je ne suis pas convaincu que M. Labonté a donné cette réponse exacte. Ce qu'il a dit, c'est que le libellé est différent parce que, selon lui, le projet de loi doit être mis à jour et inclure les définitions courantes; vous, vous dites plutôt que les rédacteurs n'ont pas repris les définitions du projet de loi C-22.

Le projet de loi C-22 n'est pas un vieux projet de loi; il est assez actuel. Il ne semble pas probable que la réponse, c'est que le nouveau projet de loi, le projet de loi C-46, doit être mis à jour s'il n'est pas mis à jour par renvoi au projet de loi C-22.

Est-ce que vous comprenez quoi que ce soit dans ce que je viens de dire?

M. Olszynski : Je comprends votre question. Les projets de loi C-22 et C-46 modernisent les dispositions relatives à la responsabilité en cas de déversement dans le contexte fédéral. Ce qu'il est important de comprendre, c'est que, avant ces deux projets de loi, il y avait des dispositions à ce chapitre dans la LOPC, mais pas dans la Loi sur l'Office national de l'énergie. Donc, lorsque le projet de loi C-22 a été présenté, il venait reprendre et compléter des dispositions passablement désuètes et dépassées. Ensuite, cette même architecture est appliquée dans le projet de loi à l'étude, mais il n'y a rien qui puisse servir de fondement.

Il est parfaitement compréhensible qu'on ait pu ne pas reconnaître le fait qu'on ne peut pas rajuster la Loi sur l'Office national de l'énergie de la même façon que la LOPC, car la LOPC contient déjà un mécanisme de responsabilité.

Quant au point soulevé — que je présente dans mon mémoire officiel —, même si ce n'était pas le cas — alors mes observations renvoient aussi à la Loi sur la sûreté et la sécurité en matière énergétique. Je ne comprends pas pourquoi il y aurait cette référence obscure aux seules valeurs de non-usage d'une ressource publique alors que ce qui serait souhaité, c'est d'obtenir une indemnisation pour les valeurs d'usage et les valeurs de non-usage. Pour que ce soit clair, récemment, les valeurs de non-usage sont en fait devenues secondaires; ce sont habituellement les valeurs d'usage qui jouent le rôle le plus important pour ce qui est d'obtenir l'indemnisation.

Si nous envisageons l'environnement comme une forme de capital, et que, avec le capital humain et toutes les choses de ce genre, ce capital engendre le mieux-être économique, alors la clé, c'est vraiment de mettre l'accent non pas sur ces valeurs de non-usage plutôt ésotériques tenant à ce que les gens ressentent par rapport aux poissons, aux baleines ou à quoi que ce soit d'autre, mais plutôt sur les conséquences économiques des dommages à l'environnement qui dégradent le mieux-être économique et qui lui nuisent.

Le sénateur Mitchell : Merci. Je pense que c'était peut-être dans vos observations, mais, chose certaine, c'était dans la version longue du mémoire que vous nous avez présenté : vous avez affirmé explicitement ou implicitement que le vide laissé par le défaut de structurer la transition et les définitions pleinement et adéquatement pourrait avoir une incidence sur les droits d'utilisation des Autochtones, lorsqu'il est question de chasse, de pêche et d'autres activités — pas nécessairement des utilisations exclusivement autochtones, mais assurément des droits autochtones — qui sont prévues de façon plus explicite dans d'autres lois.

M. Olszynski : C'est assurément le cas. Ce sont des exemples de valeurs d'usage. Il s'agit d'usages directs — la pêche, la cueillette, toutes ces choses —, et ils demeurent visés, car ils étaient déjà mentionnés dans la LOPC. Ils étaient visés par la définition de « perte ou dommages réels ». Il s'agit du paragraphe 24(3) de la LOPC :

[...] la perte d'un revenu, y compris un revenu futur, et, à l'égard des peuples autochtones du Canada, la perte de possibilité de chasse, de pêche ou de cueillette.

Pour ma part — à moins que quelqu'un puisse me dire où cela se trouve —, je ne vois pas cette disposition dans les modifications apportées à la Loi sur l'Office national de l'énergie. Par conséquent, ces valeurs d'utilisation pour les Autochtones, et pour tout Canadien comptant sur la pêche, l'écotourisme ou tout autre type d'utilisation de l'environnement générant une activité économique — je ne vois pas comment ces pertes pourraient être visées par le projet de loi.

Le sénateur Mitchell : D'accord. Merci. Ma prochaine question s'adresse à M. Caron.

[Français]

Monsieur Caron, j'ai une question sur la compensation concernant l'utilisation de votre terrain par les compagnies de pipeline. Est-ce qu'il y a des indications, dans les conversations que vous avez au sujet de ce projet de loi, que vous recevrez une compensation financière pour cette nouvelle utilisation de votre terrain?

[Traduction]

Je parle de la réglementation concernant la profondeur des racines. Est-il possible que vous receviez de la part des sociétés de pipelines une indemnisation que vous ne receviez pas jusqu'à maintenant parce que vous étiez en mesure d'exploiter les terres où passent les pipelines?

M. Caron : Je vais commencer par M. Forest, puis je vais compléter la réponse.

[Français]

M. Forest : Effectivement, à l'heure actuelle, à son article 86, la loi prévoit l'obligation pour la compagnie de pipeline d'indemniser tous les dommages. Le problème réel avec la luzerne et les autorisations, c'est la nécessité de devoir constamment téléphoner à la compagnie pipelinière pour lui dire que nous allons semer de la luzerne et que nous allons faire des travaux de sous-sol à 30 centimètres. Il s'agit de quelques pouces pour les plus anciens d'entre nous à cette table. Dans le passé, nous avions une plus grande marge de manœuvre avant de devoir téléphoner à la compagnie pipelinière. Vous imaginez le nombre de fois que nous devrons obtenir des autorisations, courir après notre autorisation, alors que, présentement, la loi n'oblige rien de cela. C'est le projet de loi, en fonction de l'ordonnance de l'ONE, qui le détermine, ou les accords que nous signons en vertu de l'article 86.

Mme Bouffard : Je pourrais renchérir là-dessus. Notre terre, nous en avons besoin pour travailler. Les producteurs en ont besoin pour travailler. Quand on fait pousser du foin, c'est pour le donner aux vaches. Si je ne peux pas faire pousser de foin, il faut que j'en achète. Oui, les compagnies vont compenser, mais cela demeure un problème. S'agissant d'acceptabilité sociale, cela devient un enjeu fort important dans les dossiers de construction de pipelines et de relations avec les gens qui subissent directement les problèmes. Un tel élément pourrait causer des frictions. On en a toujours fait pousser. C'est quelque chose qu'il faut enlever. Il ne suffit pas de dire que nous serons compensés; le problème demeure, ensuite, de trouver quelqu'un qui veut vendre du foin. Il y a une complexité derrière tout cela. Nous utilisons le terrain, nous en prenons soin, mais c'est notre travail. La question n'est pas aussi simple qu'elle le semble; elle plus complexe.

La sénatrice Ringuette : Évidemment, au Québec comme au Nouveau-Brunswick, nous ne sommes pas au Texas pour ce qui est de la température. Je présume que, lorsqu'il est question de l'enfouissement de ces oléoducs, on doit tenir compte du facteur du gel, et qu'ils seront enfouis à au moins six pieds de profondeur, dans le cas des oléoducs qui sont enfouis, contrairement à ceux qui sont hors terre. Moi aussi, je ne comprends pas la logique de vous demander un plan de 30 centimètres. Au niveau technique, les personnes qui ont écrit ce projet de loi ont besoin de retourner sur le chantier.

J'ai deux questions pour vous. Je viens du Nouveau-Brunswick; étant donné l'intérêt manifesté par de nombreuses personnes de l'industrie et de la population générale de la province pour la construction d'oléoducs vers l'est, qui demandera probablement la participation d'une grande partie de vos membres — je connais le terrain —, est-ce que vous avez été consultés au sujet de ce projet de loi? Pas uniquement en ce qui concerne les aspects techniques juridiques, mais dans le but d'enrichir votre participation future au projet vers l'est? Est-ce que vous avez été consultés?

M. Caron : La première réponse qui me vient à l'esprit, c'est non, nous n'avons pas été consultés.

La sénatrice Ringuette : Vous n'avez pas été consultés. Par la suite, si vous apportez des arguments, vous serez pointés du doigt et traités de mauvais agriculteurs du Québec! Bon.

Le deuxième élément que vous soulevez porte sur les obligations financières et les nouvelles responsabilités en cas d'incident créé par l'un de vos membres sur son terrain. Est-ce que vous avez examiné les coûts de cette nouvelle exigence en ce qui concerne l'assurance responsabilité?

Mme Bouffard : Par rapport au futur paragraphe 48.12(1), je vous dirais que nous n'avons pas examiné cet élément. Il faudrait voir, mais il serait possible d'obtenir, à terme, des assurances qui seraient augmentées. Est-ce que je me trompe en disant cela?

M. Forest : En matière d'assurance, c'est la notion d'assurabilité.

La sénatrice Ringuette : Et de risque.

M. Forest : Et de risque. Chaque risque a un coût, et le libellé du nouvel article nous met maintenant à risque pour l'ensemble des types de faute en droit civil québécois, de la faute simple jusqu'à la faute intentionnelle. Il est donc naturel que les assureurs, voyant ce nouveau risque, aient l'idée de nous proposer une augmentation des primes. Ça ne pourrait être l'inverse, puisqu'il y a une augmentation des risques. C'est une réponse générale. Nous n'avons pas évalué les coûts, parce que nous ne savons pas comment les choses se dérouleront, mais nous faisons face à une responsabilité supplémentaire si l'article n'est pas modifié. Il y aurait donc une conséquence financière pour chacune des fermes qui doit être assurée.

La sénatrice Ringuette : J'espère que mes collègues autour de la table ont bel et bien compris les enjeux et vos demandes de clarification et de modifications au projet, non pas uniquement en matière de coûts financiers et de coûts de production — farfelus, à mon avis —, mais aussi par rapport au processus participatif qui sera nécessaire si nous voulons mettre en place une industrie viable et efficace. Merci d'être ici, et j'espère que les gens du ministère sont à l'écoute.

[Traduction]

Le sénateur Patterson : Monsieur Olszynski, en ce qui concerne l'exposé que vous avez présenté sur la question des dommages à l'environnement, vous avez dit que vous seriez en mesure de donner des exemples de lacunes. Pouvez-vous nous en donner, s'il vous plaît?

M. Olszynski : Oui. Merci beaucoup de votre question. Si je ne l'ai pas encore dit, je veux dire que je suis très heureux de témoigner devant le comité et très reconnaissant des questions qui m'ont été posées. Il est clair que vous examinez le sujet avec beaucoup d'attention, et je vous en suis très reconnaissant.

Je parle de cela au second paragraphe de la page 4 de mon mémoire officiel. Un exemple, ce sont les zones humides. Nous parlons des champs des agriculteurs aujourd'hui, alors c'est très pertinent. S'il y a déversement du contenu d'un pipeline, évidemment, cela va endommager le champ où passe le pipeline, et l'agriculteur demandera une indemnisation. Le projet de loi prévoit les pertes de revenus subies par l'agriculteur. Supposons qu'une zone humide importante est liée à un cours d'eau qui, au bout du compte, approvisionne une municipalité, par exemple. Un bilan économique officiel ou habituel n'indiquerait pas nécessairement une perte dans ce cas-ci, mais il y en a bel et bien une. Les zones humides fournissent des services. Elles purifient l'eau et régulent le débit. Si ces valeurs ou ces services sont dégradés à cause d'un déversement, d'après mon interprétation de la version actuelle du projet de loi, il ne serait pas possible de demander une indemnisation pour ces valeurs d'usage qui ne sont pas incluses dans le bilan économique des propriétaires de terres et d'autres particuliers.

Pour vous donner une idée de l'importance que ce genre de choses peut revêtir, il y a quelques années, l'État de New York a fait face à un choix, après que l'EPA a resserré ses critères de qualité de l'eau. Essentiellement, le gouvernement pensait devoir construire de nouvelles installations au coût de 5 milliards de dollars. Ce qui est arrivé, c'est que quelqu'un a fait un travail créatif et a reconnu le fait que le bassin versant des monts Catskill, d'où vient l'eau de New York — même si des travaux de rétablissement des terres humides et autres choses de ce genre ont été réalisés pour le cinquième du coût —, cette usine de traitement de l'eau naturelle pouvait faire tout le travail nécessaire pour le cinquième du coût de construction d'une usine ordinaire. Les bénéfices pour la société et pour les collectivités sont clairs dans ce cas-ci, mais ceux-ci ne sont pas souvent pris en compte dans les méthodes de comptabilité économique en vigueur.

C'est là que je vois une lacune dans la version actuelle du projet de loi, et je crois que celle-ci devrait être comblée.

Le sénateur Patterson : Merci.

Le sénateur MacDonald : Monsieur Caron, je dois avouer que, à ma connaissance, c'est la première fois que le sujet est abordé. Je trouve cela assez intrigant. Je sais que les agriculteurs sont des gens plutôt pragmatiques, qui cherchent des solutions pratiques. Avez-vous discuté de cela avec d'autres organisations agricoles du pays? Est-ce qu'un consensus a été trouvé à l'échelle du pays, étant donné que pipeline va traverser le pays?

M. Caron : C'est une bonne question. Mme Bouffard va commencer, puis je vais compléter.

[Français]

Mme Bouffard : Simplement pour être certaine — vous parlez du projet de loi —, est-ce que les autres organisations d'agriculteurs au Canada ont examiné le projet de loi? C'était là votre question?

[Traduction]

Le sénateur MacDonald : Non, je parle du problème que vous avez soulevé concernant la profondeur des racines des plantes cultivées au-dessus des pipelines.

[Français]

Mme Bouffard : Pour les plantes et tout cela?

[Traduction]

Le sénateur MacDonald : Oui.

[Français]

Mme Bouffard : Nous sommes membres de la Fédération canadienne de l'agriculture. Chaque province y est représentée, et il y a un comité sur les pipelines. Cet élément a été discuté. Je ne peux pas parler en son nom, n'étant pas leur représentante, mais lorsque ce type de chose se présente, cela crée des incongruités, et tous les producteurs agricoles du Canada ont le réflexe de se demander pourquoi cela apparaît maintenant, alors que ce n'y était pas auparavant. Si vous consultiez les producteurs des autres provinces, vous auriez le même son de cloche. Lorsque nous en avons discuté au comité — comme je vous l'ai dit, je ne suis pas la représentante de la FCA — il s'agissait d'un élément que les membres trouvaient problématique.

M. Caron : Je voudrais compléter la réponse, et je me répète peut-être. Le pipeline passe chez moi, et je cultive de la luzerne depuis nombre d'années. Au travail du sol, on parlait du 30 centimètres. À l'occasion, on va plus en profondeur, et je n'ai jamais eu de problème pour passer une sous-soleuse un peu plus en profondeur sur mes terres. Parfois, c'est nécessaire, sinon on cause des problèmes au niveau de l'environnement, de l'érosion et de la compaction du sol. Le sol est mon premier outil en tant que producteur agricole pour pouvoir produire et vivre. Il faut donc qu'on m'en laisse l'utilisation, et c'est dans les règles de l'art de ce côté-là.

Le sénateur Massicotte : J'ai une question technique, bien que le point ait peut-être été soulevé au départ. Je suis d'accord avec le paragraphe 48.12(1), qui est très large, pour définir les démarches qui vous tiennent responsables. Je comprends votre souci à cet égard, car il peut en découler une nouvelle responsabilité.

Cependant, lorsque je lis vos propos au sujet de l'alinéa 86(2)d) qui stipule que, quand une compagnie de pipeline achète votre terrain, l'entente doit clairement indiquer que vous n'êtes pas tenu responsable, sauf pour des conséquences grossières, et cetera. Il aurait été plus clair si le mot « nonobstant » avait été inclus à l'article 48; que nonobstant cela, l'article 86 s'applique. Je pense que la compagnie de pipelines n'a pas le choix que de satisfaire à l'article 86 lorsqu'il y a une entente d'acquisition. Si l'entente d'acquisition indique clairement que vous n'êtes pas tenu responsable des dommages, je suppose que cela prendra peut-être plus d'importance que l'article 48. Je sais qu'il aurait été souhaitable d'inclure le terme « nonobstant », mais il est fort probable que vous êtes protégé de toute façon. On aurait pu espérer plus de clarté. D'un point de vue juridique, monsieur Forest, êtes-vous d'accord?

M. Forest : Ce que vous nous mentionnez est très intéressant, parce que nous avons eu cette réflexion. Lorsqu'on examine la garantie contractuelle qui doit être donnée par la compagnie de pipeline à l'alinéa 86(2)d), effectivement, on pourrait arriver à votre conclusion. Vous le faites vous-même en soulignant qu'il manque un « nonobstant » et un lien avec l'autre article. Il pourrait arriver des situations où le rejet non intentionnel serait causé par la compagnie de pipeline, et il y aurait une distinction entre la disposition du contrat — qui nous « protégerait », entre guillemets — et l'article de loi qui vient d'être adopté, qui est beaucoup plus large, parce qu'il couvre toutes les fautes. Pourquoi au Canada, à l'heure actuelle, en matière d'acceptabilité sociale des pipelines, doit-on subir cette problématique juridique qui peut être simplement résolue par l'ajustement de quelques mots? Vous avez proposé, dans votre question, une façon de régler ce problème.

[Traduction]

Le président : Merci. Cela met fin à nos questions. Je tiens à remercier les deux groupes d'avoir présenté un exposé. Les exposés étaient très bons, comme les questions et les réponses. Merci de votre participation. La séance est levée.

(La séance est levée.)


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