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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 33 - Témoignages du 3 juin 2015


OTTAWA, le mercredi 3 juin 2015

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 13 h 45, pour poursuivre son étude de la teneur du projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 avril 2015 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Cet après-midi, honorables sénateurs, nous allons continuer notre étude de la teneur du projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 avril 2015 et mettant en œuvre d'autres mesures.

[Traduction]

Notre premier groupe de témoins de cet après-midi traitera de la section 3 de la partie 3, intitulée « Propriété intellectuelle », qui englobe les articles 44 à 72. Cette section commence à la page 48.

C'est avec grand plaisir que je souhaite la bienvenue à Jeffrey Astle, dernier président sortant, et Steven B. Garland, président sortant, de l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada.

On nous a envoyé les gros canons aujourd'hui. Monsieur Astle, je crois comprendre que vous avez un bref exposé à faire, après quoi nous passerons peut-être aux questions et aux réponses.

Avant de vous céder la parole, je ferais remarquer que les honorables sénateurs auront reçu certains mémoires écrits qui nous ont été envoyés, et je tiens à ce qu'ils figurent au compte rendu. L'un vient de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada et porte sur une grande partie du sujet dont M. Astle s'apprête à traiter. Un autre nous parvient de l'Association canadienne des employés professionnels et concerne la section 20 de la partie 3. Enfin, l'Association du Barreau canadien nous a fait parvenir certaines observations sur la section 15 au sujet des implications pour la protection des renseignements personnels. Ces trois mémoires écrits seront portés au dossier relatif au projet de loi que nous étudions.

Vous avez la parole, monsieur Astle.

[Français]

Jeffrey Astle, ancien président, Institut de la propriété intellectuelle du Canada : Bonjour à tous.

[Traduction]

Je m'appelle Jeffrey Astle et je témoigne au nom de l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada, ou IPIC. Je fais partie du conseil de direction de l'IPIC à titre de dernier président sortant. L'IPIC est l'association professionnelle canadienne des agents de brevets, des agents de marques de commerce et des avocats pratiquant dans tous les domaines du droit de la propriété intellectuelle ou de la PI.

Je suis avocat interne ainsi qu'agent de brevets et de marques de commerce, et je porte le titre de conseiller en matière de propriété intellectuelle chez Pratt & Whitney Canada, dont le siège social se trouve à Longueuil, au Québec. L'IPIC tient à remercier le comité de lui donner l'occasion de traiter du projet de loi C-59.

[Français]

Merci aux membres du comité de nous avoir invités aujourd'hui pour discuter du budget.

[Traduction]

Ce projet de loi propose des améliorations substantielles au cadre de PI du Canada, notamment en établissant un privilège qui protège les communications confidentielles entre les clients et leurs conseillers en matière de propriété intellectuelle contre la divulgation au cours de procédures judiciaires. C'est une mesure que l'IPIC préconise depuis plus de 15 ans.

Pour établir ses droits de brevet ou de marque de commerce, le client fait habituellement appel aux conseils et à l'aide d'agents de brevets et de marques de commerce, qui possèdent l'expertise nécessaire pour interpréter le contexte technique et juridique relatif à ses activités, pour examiner ses stratégies et ses objectifs d'affaires, et pour lui conseiller comment il peut utiliser ces droits pour atteindre ses objectifs. Ces professionnels ont les compétences nécessaires pour aider leurs clients à établir leurs droits de propriété intellectuelle.

Pour que le client puisse obtenir les meilleurs conseils possibles de son conseiller en matière de propriété intellectuelle, le client et le conseiller doivent pouvoir échanger librement au sujet de toutes les facettes des stratégies et des objectifs du client, du paysage de la concurrence et des défis, des stratégies que le client et le conseiller proposent afin d'utiliser les droits de propriété intellectuelle pour atteindre ces objectifs au regard de la concurrence et des défis, et de leurs stratégies sur la manière d'exercer ces droits à l'échelle internationale en préparant des demandes de brevet et de marque de commerce et en les défendant devant les offices de la propriété intellectuelle du Canada et d'autres pays.

Si ces échanges risquent d'être divulgués, cela décourage la communication libre entre le client et son conseiller en matière de propriété intellectuelle, ce qui nuit à la capacité de ce dernier de travailler efficacement. Les conseils qu'il prodigue sont donc loin d'être optimaux.

Au Canada, contrairement à d'autres pays comme le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, les communications confidentielles entre les clients et leurs conseillers en brevets ou en marques de commerce ne sont pas protégées contre les divulgations forcées en cour. Voilà qui désavantage les innovateurs canadiens qui cherchent à faire valoir leurs droits de propriété intellectuelle au cours de litiges au Canada ou dans d'autres pays, comme les États-Unis, où les tribunaux pourraient ordonner la divulgation de communications confidentielles parce qu'aucune protection n'est prévue à cet égard au Canada.

Les communications relatives aux brevets et aux marques de commerce qui se déroulent entre les clients et leurs conseillers en matière de propriété intellectuelle devraient bénéficier de la même protection que les échanges qui ont lieu aux fins de conseil dans d'autres domaines du droit. Dans les deux cas, il faut que la communication soit ouverte, libre et franche entre ceux qui ont besoin de conseils et ceux qui sont mieux à même de leur en prodiguer.

En comblant cette lacune, le projet de loi C-59 permet aux entrepreneurs canadiens de parler ouvertement avec leurs conseillers en matière de propriété intellectuelle pour obtenir les meilleurs conseils possibles afin de protéger leurs inventions ou leurs marques de commerce, sachant que ces conversations ne seront pas révélées à leurs concurrents au cours d'un procès ou d'un litige en cour. Les entreprises de toutes tailles peuvent maintenant examiner avec confiance la possibilité d'obtenir des droits de propriété intellectuelle, sachant que les renseignements stratégiques échangés à titre confidentiel avec leurs conseillers en matière de propriété intellectuelle seront protégés. Voilà qui permettra aux entreprises canadiennes d'être plus concurrentielles au Canada et à l'étranger.

Le projet de loi C-59 permet à l'Office de la propriété intellectuelle du Canada de prolonger les délais en cas de force majeure, ce qui aidera à éviter la perte non intentionnelle de droits de propriété intellectuelle, si une inondation ou une tempête de verglas empêche le dépôt des documents à l'office à la date prévue, par exemple. C'est une autre initiative que l'IPIC avait proposée au gouvernement, et nous sommes heureux de constater que le gouvernement fédéral a pris des mesures appropriées pour résoudre la question.

Ces améliorations ne coûteront pas un centime au gouvernement fédéral.

La protection des communications confidentielles cadre avec les initiatives prises à cet égard par un grand nombre d'importants partenaires commerciaux du Canada et des principales économies novatrices. Elle permet au Canada d'être sur un pied d'égalité avec ses homologues internationaux. Grâce à ces modifications, le Canada a pris des mesures importantes pour réformer son régime de propriété intellectuelle, s'employant à donner aux professionnels de la propriété intellectuelle des outils pour mieux servir et protéger les innovateurs. Je répondrai à vos questions avec plaisir. Merci.

Le président : Merci beaucoup. J'aimerais tout d'abord parler de la lettre de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, car c'est la seule qui porte sur la question qui nous intéresse aujourd'hui. La fédération laisse entendre qu'il faudrait procéder à d'autres consultations avant de faire entrer en vigueur la partie des modifications qui touche ce privilège particulier du client. Elle n'a pas demandé à comparaître, mais elle a envoyé une lettre à ce sujet.

Vous avez indiqué que votre groupe préconise ce privilège depuis 15 ans. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?

M. Astle : Il y a eu des consultations récemment, et je pense que la fédération a, comme nous, eu l'occasion de préparer une réponse. Mais comme nous en avons discuté juste avant la séance, j'ai pris part à des échanges et à des consultations auxquels la fédération a participé, du moins à ce que je sache, depuis 2004. Il y a eu énormément de discussions à ce sujet et les intéressés ont eu bien des occasions d'exprimer leur opinion.

Le président : Merci. Je pense qu'il importe que cela figure au compte rendu.

Le sénateur Wallace : Monsieur Astle, la protection offerte à ceux qui souhaitent retenir les services d'un agent et divulguer des renseignements confidentiels fait-elle actuellement l'objet d'une entente de confidentialité entre l'agent et le client?

M. Astle : Je ne dirais pas que c'est nécessairement toujours le cas. Peut-être que dans certains cabinets, les agents concluent une forme quelconque d'entente de confidentialité concernant ces discussions. Quoi qu'il en soit, nombre de professionnels sont certainement avocats, et conformément à ce qui est peut-être leur pratique habituelle, les échanges qui ont lieu lorsqu'ils entament des discussions quand un client cherche à obtenir des conseils juridiques ne sont pas nécessairement couverts par une entente de non-divulgation.

Le sénateur Wallace : Voilà qui m'étonne. Quiconque a une idée et veut la protéger hésiterait à en parler à d'autres personnes, parce que si cette idée s'ébruite, quelqu'un pourrait se l'approprier et la développer. Je m'étonne qu'un client voulant obtenir un brevet pour un dessin industriel ou que l'agent ne propose pas une entente de confidentialité pour être certain de pouvoir parler ouvertement de toutes les facettes de l'idée en sachant que les renseignements ne seront pas divulgués. Je trouve surprenant que ce ne soit pas une pratique normale chez les agents de brevets.

M. Astle : Je tiens à ce qu'il soit clair que je ne peux répondre au nom de tous ceux qui pratiquent. Par exemple, je sais que nous établissons des règles claires avec nos conseillers juridiques, nos avocats et nos agents dans le cadre de notre travail. Mais je ne peux parler au nom de tous.

Le sénateur Wallace : Je suppose que même quand une entente de confidentialité est signée entre le client et l'agent, cela ne protégerait pas nécessairement les renseignements en cas de procédures juridiques; le tribunal pourrait exiger leur divulgation, malgré l'entente de confidentialité. Je présume que c'est en pareil cas que cette modification protégerait les renseignements confidentiels pour qu'ils ne soient pas divulgués au cours de procédures juridiques. Ai-je raison?

M. Astle : Oui. Les tribunaux ont exigé la divulgation au Canada. En fait, des agents étrangers qui jouissaient clairement d'un privilège en ce qui concerne leurs discussions avec leurs clients ont déjà été obligés de divulguer ces communications devant les tribunaux canadiens. C'est également arrivé à des avocats canadiens, je suppose. Cela s'est effectivement produit. C'est très étrange. Cela touche non seulement les agents, mais aussi les avocats qui agissent à ce titre. Ils sont portés à croire que leurs communications sont confidentielles, alors que les tribunaux ont statué qu'elles ne l'étaient pas.

Le sénateur Wallace : Je suppose qu'il arrive que quelqu'un veuille déposer une marque de commerce au Canada, mais aussi l'appliquer aux États-Unis, dans d'autres pays ou à l'échelle internationale. En pareil cas, ce projet de loi offrirait-il une protection si l'information devait être divulguée à l'étranger? L'information ferait-elle l'objet d'une protection quelconque?

M. Astle : Je présume que la loi s'inscrirait dans un réseau. Tout dépend du pays concerné et des pratiques qui y ont cours. Mais dans des pays comme les États-Unis, du moins, il faudrait, pour que les tribunaux y reconnaissent le caractère confidentiel des communications, que ce privilège existe dans le pays où les communications se sont déroulées, comme le Canada.

Le sénateur Wallace : Le Canada a-t-il des ententes de réciprocité avec d'autres pays en ce qui concerne le dépôt de marques de commerce et l'échange de renseignements confidentiels? Par exemple, savez-vous s'il existe de telles ententes entre le Canada et les États-Unis si des marques de commerce sont déposées et que l'information est accessible dans les deux pays? Existe-t-il une certaine réciprocité pour assurer la protection de ces renseignements?

M. Astle : À ce que je sache, il n'y a pas de réciprocité. Selon le principe de courtoisie juridique, les tribunaux tiendront compte des concepts d'autres pays sur leur territoire et leur accorderont le même poids, mais je ne connais aucun traité en particulier qui porterait sur cette question.

[Français]

La sénatrice Chaput : Merci, monsieur le président. Dans cette section du projet de loi C-59 qui traite de la propriété intellectuelle, il y a la question de la protection de la communication et le privilège du secret professionnel. Si c'était possible, j'aimerais que vous me donniez des exemples qui me permettraient de comprendre la différence. Donnez-moi un exemple d'une situation qui était problématique avant l'arrivée du projet de loi C-59, et qui pourra être réglée une fois que le projet de loi sera adopté, de sorte qu'il n'y aura plus de problème. Pouvez-vous me donner un exemple de ce genre?

[Traduction]

M. Astle : Je n'ai pas pu entendre la question. Mon collègue peut peut-être donner une réponse.

Steven B. Garland, président sortant, Institut de la propriété intellectuelle du Canada : La sénatrice souhaite avoir des exemples illustrant la manière dont les nouvelles dispositions corrigeront un problème préexistant.

Par le passé, il est arrivé, dans un certain nombre d'affaires juridiques qui se sont déroulées au Canada, que les tribunaux demandent aux agents de brevets ou de marques de commerce canadiens de leur remettre leurs dossiers, lesquels contenaient des communications confidentielles avec leurs clients. Cela avait certaines implications dans le cadre des procédures en cours.

Comme mon collègue l'a souligné, certains avocats, dont les tribunaux avaient jugé qu'ils agissaient à titre d'agents de brevets et non à titre d'avocats, ont également été obligés de présenter les communications qu'ils avaient eues avec leurs clients. Il est arrivé que des communications confidentielles au cours desquelles quelqu'un prodiguait des conseils à ses clients au sujet des droits de marque de commerce ou de brevet ont dû être divulguées au cours d'un litige.

Cette disposition empêcherait la divulgation de ce genre de conseils, qui ont dû être dévoilés par le passé. Par conséquent, notre approche à l'égard de ces communications serait semblable à celle de l'Australie, de l'Angleterre et de la Nouvelle-Zélande, par exemple, au chapitre de la protection contre la divulgation forcée des renseignements.

[Français]

La sénatrice Chaput : Cela apporte de bons changements, et vous êtes d'accord avec cela?

[Traduction]

M. Garland : Absolument. L'IPIC, qui compte probablement près de 1 000 avocats qui travaillent dans le domaine des brevets et des marques de commerce, est tout à fait favorable à cette mesure, puisque c'est le titulaire des droits de propriété intellectuelle qui en profitera au bout du compte. C'est lui qui en bénéficiera réellement.

[Français]

La sénatrice Chaput : Est-ce que votre institut a fait part de ces besoins au gouvernement ou est-ce le gouvernement qui a proposé cette section du projet de loi?

[Traduction]

M. Astle : Nous discutions effectivement de la question avec lui depuis un certain temps. Nous en avons parlé entre nous et d'autres organisations juridiques en ont discuté pour appréhender le problème. Nous nous sommes adressés au gouvernement pour le convaincre de modifier la loi.

[Français]

La sénatrice Chaput : Est-ce qu'il y a d'autres changements que vous aimeriez voir ajoutés dans cette section au sujet de la propriété intellectuelle? Y a-t-il d'autres besoins que vous aviez cernés et qui n'ont pas été pris en compte?

[Traduction]

M. Astle : Je pense que les modifications comprises dans ce projet de loi correspondent à nos attentes. Reste à savoir comment les tribunaux interpréteront ces dispositions pour déterminer si elles sont adéquates. Mais de prime abord, elles semblent inclure ce que nous attendions en ce qui concerne les conseillers en matière de propriété intellectuelle et la confidentialité de leurs communications avec leurs clients.

Le président : Il serait intéressant pour nos téléspectateurs et pour les honorables sénateurs ici présents de comprendre comment on devient agent de brevets au Canada.

M. Astle : D'après mon expérience, on arrive par hasard dans le domaine, car c'est une profession que je ne connaissais même pas quand j'étais aux études. J'ai étudié en génie chimique. Je suis titulaire d'un baccalauréat et d'une maîtrise. J'ai choisi de fréquenter la faculté de droit, initialement dans le but de devenir avocat spécialisé dans les questions environnementales. Mais pendant mes études en droit, j'ai découvert le droit des brevets.

Au cours de ma formation en droit, j'ai étudié comme n'importe quel avocat le ferait. Après avoir quitté la faculté de droit, j'ai travaillé pour un cabinet de Toronto, où un agent de brevets m'a appris dans les détails comment analyser une invention et préparer une demande de brevets. J'ai pratiqué pendant de nombreuses années, approfondissant mes connaissances dans le domaine. Ce fut en quelque sorte un apprentissage au cours duquel j'ai appris à devenir un agent de brevets.

Une fois que j'ai été prêt, ce qui a pris quelque temps, je me suis préparé en vue des examens d'agent de brevets, administrés par l'Office de la propriété intellectuelle du Canada. J'ai réussi mes examens et j'ai enfin pu porter le titre d'agent. Je suis inscrit pour pratiquer à titre d'agent de brevets.

Ce métier exige beaucoup d'études. C'est un parcours difficile : les examens ne sont pas faciles à réussir. Le processus qu'il faut suivre pour s'inscrire à titre d'agent de brevets est très ardu.

Le président : Comme l'Office de la propriété intellectuelle du Canada relève du gouvernement fédéral, c'est ce dernier qui autorise les gens à porter le titre d'agent de brevets après avoir réussi les examens de qualification, comme vous l'avez expliqué. Est-ce exact?

M. Astle : L'office administre les examens, qui ont lieu chaque année. Il y a quatre examens de quatre heures en tout. Le processus dure une semaine. Une fois qu'on a réussi tous ces examens, on est inscrit au registre.

Le président : Vous possédez en prime une formation juridique, mais certains agents de brevets ne sont pas avocats, n'est-ce pas?

M. Astle : En effet.

Le président : Doivent-ils se soumettre au même processus de qualification?

M. Astle : Oui. Ils tendent à travailler pour un cabinet, où ils travaillent sous la houlette d'un agent pendant un certain temps pour apprendre comment préparer une demande, comprendre l'antériorité et rédiger les réclamations nécessaires pour protéger les innovations de leurs clients. Ils passent ensuite les examens également. Tout le monde doit se soumettre aux mêmes examens.

Le président : Merci de ces précisions.

Le sénateur Gerstein : Dois-je comprendre, monsieur Astle, que vous avez dit que tous les avocats ne sont pas agents de brevets et que tous les agents de brevets ne sont pas avocats?

M. Astle : Oui. J'ai dû imaginer le diagramme de Venn.

Le sénateur Gerstein : C'est ce que je pensais. Merci d'avoir éclairci de point.

Le président : La propriété intellectuelle englobe les dessins industriels, les brevets et les marques de commerce. Ces mesures s'appliquent-elles également aux dessins industriels ou concernent-elles seulement les agents de brevets et de marques de commerce?

M. Astle : La disposition relative aux brevets concerne la protection d'une invention. Elle n'a pas encore été interprétée, à l'évidence, mais il arrive souvent qu'un client s'adresse à un agent parce qu'il veut protéger son invention. Cette invention peut finalement être protégée à titre de dessin industriel, selon la nature du concept. Habituellement, quand le client fait appel à l'agent, il ne connaît pas bien les diverses formes de protection de la propriété intellectuelle qui s'offrent. Les choses se précisent au cours du processus.

Le sénateur Mockler : Certains me conseilleraient de ne pas m'engager dans cette voie avec ma prochaine question. Je connais les difficultés que nous éprouvons avec les bureaux de propriété intellectuelle en agriculture et en foresterie, qui sont, dans une certaine mesure, assez problématiques. Nous surveillons étroitement la question, car le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts a eu vent de bien des préoccupations sur le plan de la propriété intellectuelle.

Suite à ce que j'ai entendu quand la sénatrice Chaput est intervenue sur le fait qu'il faut solidifier vos prochaines démarches, comme vous l'avez souligné, j'aimerais savoir où nous en sommes au chapitre des brevets et de la propriété intellectuelle relatifs aux inventions qui concernent l'espace.

M. Astle : Pratt & Whitney ne s'occupe que d'aérospatiale et pas encore du domaine spatial. Je ne suis pas aussi bien informé que j'aimerais l'être pour répondre à votre question, mais je me doute que les entreprises qui travaillent au développement des technologies de l'espace tentent de protéger leurs inventions.

M. Garland : Je travaille dans un cabinet plutôt qu'au sein d'une entreprise. Nous représentons des clients dans ce domaine de la technologie, mais je ne peux traiter de la question pour des raisons de confidentialité.

Le président : Nous n'avons pas encore abordé la question.

Le sénateur Mockler : C'est peut-être là que nous pourrions clore le sujet.

Pour faire suite à ce que vous venez de dire, monsieur le président, j'indiquerais aux témoins que les partenaires que nous avons vus ont tendance à essayer d'instaurer un cadre. Ces partenaires sont le Canada, le Japon, la Russie et les États-Unis.

Comme vous ne possédez pas l'information ou l'expérience dans une certaine mesure, sauf en ce qui concerne l'industrie aérospatiale, j'aimerais que vous répondiez à la question que je viens de poser à la greffière et au président du comité. C'est la prochaine question à laquelle nous allons nous intéresser : l'espace et la propriété intellectuelle.

Le président : Nous pourrions sans doute aborder le sujet de façon générale. Comme M. Garland l'a fait remarquer, il ne peut divulguer d'information protégée par le secret professionnel ou de renseignements confidentiels. Si cela peut vous être utile, je pense qu'il a déjà dit, de façon générale, qu'il y a des initiatives de recherche-développement dans le domaine de l'espace et que les clients tentent de protéger certains de ces renseignements.

Le sénateur Mockler : La station spatiale internationale, ou SSI, constitue un cas type approprié pour examiner l'effet d'un cadre juridique en matière de droits de propriété intellectuelle dans l'espace. Je porte ce fait à votre attention, car notre pays se trouve à l'avant-garde en raison du bras qu'il a inventé. C'est l'emblème de l'industrie spatiale.

Le président : Merci beaucoup. Je pense que nous n'aurons pas besoin de réponse, puisqu'il a l'information qu'il réclamait.

Le sénateur Smith est vice-président du comité et vient de la région de Montréal.

Le sénateur L. Smith : Messieurs, je ne suis pas certain si vous avez déjà traité de la question, mais comment les brevets canadiens résistent-ils à la concurrence internationale? Quels problèmes se posent au chapitre du respect des brevets entre les divers pays? La presse fait état des problèmes qui surgissent à cet égard. Auriez-vous des observations ou des informations à nous communiquer pour nous aider à comprendre comment notre droit des brevets se compare à celui de certains pays développés du monde?

M. Astle : C'est une grande question. Tout d'abord, les brevets, par exemple, ne sont applicables que dans le pays qui les a délivrés. Les brevets canadiens ne s'appliquent donc qu'au Canada. Selon le pays où une entreprise souhaite obtenir une protection, elle peut, suite à une demande faite ici ou ailleurs, déposer des demandes semblables dans d'autres pays. Cette décision s'appuie essentiellement sur le coût de la démarche et du type de commerce qui a cours dans le pays par rapport aux intérêts de l'entreprise.

Comment notre situation se compare-t-elle à celle d'autres pays? Récemment, des modifications ont été apportées pour harmoniser les lois canadiennes avec certaines obligations issues de traités. D'autres modifications suivront. Je pense que c'est une cible en constant mouvement, mais le Canada avance dans la bonne direction et respecte de plus en plus ses obligations afin de suivre l'évolution du droit des marques de commerce, des traités relatifs au droit des brevets et des droits des dessins industriels sur la scène internationale.

Le sénateur L. Smith : Pourriez-vous nous donner un exemple de la manière dont nous avons modifié ou amélioré notre droit des brevets par rapport à ce qui se fait dans d'autres pays? Je ne cherche pas à paraître idiot, mais j'aimerais savoir où nous en sommes et où ils en sont. Quelles modifications ou améliorations importantes avons-nous apportées récemment pour nous porter au niveau supérieur?

M. Astle : J'essaie de penser à un bon exemple. Si nous parlons du droit des brevets...

Le sénateur L. Smith : Vous choisissez l'industrie pour nous donner un exemple concret, afin que nous puissions mieux comprendre. D'après ce que je comprends, chaque pays aurait sa propre loi sur les brevets. Au Canada, nous avons une loi sur les brevets pour l'entreprise ABC. L'entreprise ABC a plusieurs usines situées un peu partout dans le monde, peut-être dans cinq autres pays développés. Elle souhaite également obtenir un brevet dans ce pays.

Au cours des cinq dernières années, avons-nous modifié nos lois et nous sommes-nous améliorés suffisamment pour renforcer notre capacité de faire cela à l'échelle internationale?

M. Garland : Je peux peut-être répondre à votre question, monsieur le sénateur. Au cours des quatre ou cinq dernières années, rien de précis ou d'important n'a été accompli à cet égard. Toutefois, au cours des 10 à 15 dernières années, le Canada a fait du bon travail, à mon avis, pour harmoniser en grande partie, mais pas complètement, nos lois sur les brevets nationales et les lois sur les brevets d'autres pays.

Par exemple, plusieurs traités ont été signés pour permettre à une personne de faire une demande internationale qui, au bout du compte, pourra être traitée au Canada et dans des centaines d'autres territoires.

De plus, le Bureau des brevets a été très proactif au cours des trois ou quatre dernières années et a conclu des arrangements avec d'autres bureaux de brevets relativement à un processus appelé l'Autoroute du traitement des demandes de brevets, l'ATDB, ce qui signifie que si vous obtenez un brevet au Canada, il est possible d'obtenir, en relativement peu de temps, des brevets dans certains des autres pays qui participent à l'Autoroute du traitement des demandes de brevets. On a conclu des ententes avec d'autres bureaux de brevet dans le monde pour être en mesure d'utiliser les tâches qu'ils ont effectuées avant le Bureau des brevets du Canada pour accélérer l'obtention des brevets dans d'autres pays. Les différents bureaux de brevets dans le monde ont harmonisé et lié une grande partie de leurs processus. Je crois qu'il est juste de dire que le Bureau des brevets du Canada joue un rôle important à cet égard.

Le sénateur L. Smith : Je ne sais pas si vous avez déjà comparu devant notre comité, mais n'avons-nous pas parlé des changements apportés à la Loi sur les brevets dans les années 1990? D'importantes lois sur les brevets ont été créées à l'échelle internationale à ce moment-là, et elles sont devenues le fondement de la Loi sur les brevets actuelle.

M. Garland : Il s'agit du Traité de coopération en matière de brevets. C'est le traité international qui permet à une personne de présenter une seule demande; celle-ci est ensuite transmise à plusieurs bureaux de brevets nationaux.

Le sénateur L. Smith : Est-il juste de dire que c'est le fondement de la Loi sur les brevets actuelle? Les changements présentement apportés sont-ils plus superficiels, c'est-à-dire qu'on les ajoute à la loi fondamentale créée à l'époque?

M. Garland : Je ne dirais pas qu'ils sont superficiels. Le Traité de coopération en matière de brevets influence grandement la façon dont un Canadien ou un non-Canadien fait une demande de brevet dans la plupart des cas.

Le président : Comme vous pouvez le déduire à partir des questions du sénateur Smith, les membres de notre comité ont déjà examiné d'autres initiatives et d'autres changements relativement à la Loi sur les brevets.

Je me souviens du changement lié au premier déposant et ensuite, à la durée du brevet et à sa publication. Ce sont tous des changements graduels qui permettent au Canada de respecter ses obligations en vertu du traité international et envers d'autres pays.

Le sénateur L. Smith : Excusez-moi, monsieur le président et mesdames et messieurs les témoins, d'avoir utilisé le mot « superficiels ». Je n'avais pas l'intention de discréditer quoi que ce soit.

Le président : Vous avez remarqué qu'ils n'étaient pas d'accord avec vous.

Le sénateur L. Smith : Je sais, je m'en suis rendu compte.

Le président : Le seul autre point qui serait utile, c'est un autre volet de la propriété intellectuelle, c'est-à-dire le droit d'auteur. C'est un volet très important, et notre comité a mené certains travaux sur le droit d'auteur. Cette initiative liée aux communications privilégiées est-elle nécessaire ou souhaitable en ce qui concerne le droit d'auteur?

M. Astle : Cela ne fait pas partie du projet de loi. Je ne crois pas que c'est nécessaire dans le projet de loi. Le droit d'auteur existe lorsqu'une idée est concrétisée, une fois qu'elle a été créée et mise en œuvre. Quoi qu'il en soit, les conseils juridiques à cet égard sont habituellement donnés par un avocat, et je pense que ce serait l'approche privilégiée.

Le président : Merci. Étant donné qu'aucun autre sénateur n'a demandé la parole, je vous remercie, monsieur Astle et monsieur Garland, d'avoir comparu devant notre comité et de nous avoir aidés à comprendre ce volet intéressant de la propriété intellectuelle. Nous aimerions également vous féliciter d'avoir mis au point cette initiative de communications privilégiées que vous aviez hâte d'établir depuis un certain temps.

M. Garland : Merci.

M. Astle : Merci.

Le président : Je m'attends à ce que le projet de loi soit adopté. Je vous félicite à l'avance. Merci.

Notre prochain groupe de témoins parlera des articles 73 et 80, partie 3, section 4, Congé et prestations de soignant. C'est à la page 61 du projet de loi.

Nous sommes très heureux d'accueillir Nadine Henningsen, directrice générale de l'Association canadienne de soins et services à domicile.

Nous sommes très heureux de vous accueillir ici, car nous souhaitons entendre parler des gens qui sont touchés par les changements proposés à la loi. Pourriez-vous nous parler un peu de cette initiative et de votre évaluation de l'initiative?

Nadine Henningsen, directrice générale, Association canadienne de soins et services à domicile : En ma qualité de directrice administrative de l'Association canadienne de soins et services à domicile, j'aimerais vous remercier de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous et de représenter le point de vue des aidants familiaux et des soignants à domicile sur le projet de loi C-59, surtout en ce qui concerne les congés et les prestations de soignant.

L'Association canadienne de soins et services à domicile est un organisme national et sans but lucratif dont les membres se consacrent à l'excellence en matière de soins à domicile. Nos membres sont variés et ils viennent de toutes les provinces et de tous les territoires. L'un de nos objectifs est de veiller à ce que tous les Canadiens aient un accès équitable à des soins à domicile de grande qualité. Les soins prodigués aux personnes en fin de vie sont fondamentalement différents des soins prodigués dans d'autres contextes, et ce, de deux façons très importantes.

La mort est le résultat inévitable de toutes les maladies, et elle diffère seulement en ce qui concerne le moment, la prévisibilité et les symptômes. Les soins palliatifs visent à soulager la souffrance, afin d'améliorer la qualité de vie. Même si les soins palliatifs peuvent modifier la qualité de vie, la survie n'est pas l'objectif principal du traitement.

La mort et le processus qui y mène sont intimement liés à la prestation de soins par les aidants familiaux. L'imprévisibilité du moment de la mort et le fait que le soutien des aidants est essentiel pour permettre à une personne de choisir de décéder à la maison sont des différences importantes liées aux soins palliatifs.

Le décès à domicile est l'option privilégiée par la plupart des patients, et les aidants familiaux sont une partie essentielle de l'équipe de soins qui permet de concrétiser cette demande. Selon Statistique Canada, 13 p. 100 des Canadiens, ou 3,7 millions de Canadiens âgés de 15 ans et plus, ont indiqué avoir fourni des soins de fin de vie ou des soins palliatifs à un membre de la famille ou à un ami à un certain moment de leur vie.

Nous sommes encouragés par le projet de loi C-59 et la prolongation des prestations de soignant, car cela aura des effets importants sur les Canadiens qui sont à leur moment le plus vulnérable. La prolongation de ces prestations de 6 semaines à 26 semaines signifie qu'on reconnaît que les soignants ont besoin d'aide financière et qu'on répond à leurs besoins.

Toutefois, j'aimerais soulever un point pour veiller à ce que les résultats des prestations de soignant répondent à l'objectif de fournir un appui financier aux soignants.

Le critère d'admissibilité actuel, selon lequel le soignant doit fournir des soins et du soutien à un membre de la famille gravement malade qui risque de mourir en 26 semaines, ne reflète pas adéquatement la réalité des soins palliatifs. En effet, on envisage maintenant la prestation de soins palliatifs beaucoup plus tôt dans la progression de la maladie, préférablement au moment du diagnostic, mais à tout le moins lorsqu'on confirme que la maladie sera mortelle. Depuis 2002, l'Organisation mondiale de la Santé définit les soins palliatifs comme étant applicables aux patients souffrant d'une maladie pouvant causer la mort. Dans de nombreux programmes de soins palliatifs de partout au pays, lorsque les médecins déterminent si un patient requiert des soins palliatifs, ils doivent se demander si le patient décédera dans l'année suivante. Cette question représente le test décisif et permet à l'équipe de soins d'évaluer la gravité de la situation du patient. La période de six mois ou de 26 semaines représente malheureusement seulement une restriction d'admissibilité utilisée par les programmes de soins de santé, car ils n'ont pas les ressources suffisantes pour offrir des soins à tous ceux qui ont besoin de soins palliatifs. Pour veiller à ce que les prestations au soignant répondent aux besoins réels des aidants familiaux et de leurs proches mourants, nous recommandons que le critère d'admissibilité selon lequel le membre de la famille gravement malade doit courir un risque de décéder en 26 semaines soit modifié pour devenir un critère d'admissibilité selon lequel un membre de la famille gravement malade a reçu un diagnostic confirmant qu'il a besoin de soins palliatifs.

Même si cette modification ne répondra pas aux besoins de nombreux soignants qui fournissent des soins à leurs proches qui souffrent d'une maladie chronique ou épisodique et qui n'ont pas encore accepté un diagnostic de soins palliatifs, elle répondra à un plus large éventail de besoins en matière de soins que le font les critères actuels. La prolongation des prestations au soignant est une étape importante pour appuyer les aidants familiaux et les personnes en fin de vie. Nous avons hâte de travailler avec les gouvernements et les intervenants de partout au pays pour sensibiliser les gens à ces prestations, afin de veiller à ce que les Canadiens puissent avoir accès au soutien dont ils ont besoin lorsqu'ils en ont besoin.

Je vous remercie encore une fois d'avoir donné à mon organisme l'occasion de transmettre la voix et les besoins des aidants familiaux à votre comité. J'ai hâte de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup. En ce qui concerne l'amendement que vous avez proposé, avez-vous dit qu'au lieu d'un risque important de décès en 26 semaines, le critère devrait être qu'une personne doit avoir reçu un diagnostic qui confirme qu'elle a besoin de soins palliatifs?

Mme Henningsen : Oui.

Le président : S'agit-il d'un critère suffisamment objectif? Et si un médecin juge que la personne ne nécessite pas de soins palliatifs à ce moment-ci, mais peut-être plus tard? Allons-nous nous engager dans ce débat?

Mme Henningsen : Honnêtement, ce débat est en cours. Il est très difficile de déterminer exactement le moment où une personne décédera. Actuellement, un mouvement national encourage les médecins et les spécialistes à utiliser le critère selon lequel il faut déterminer si une personne décédera dans l'année. Cela semble placer les personnes en soins palliatifs. Toutefois, les prestations de soignant sont liées à un diagnostic de décès en 6 mois ou en 26 semaines. Il y a donc un déséquilibre entre la façon de poser les diagnostics et la façon d'avoir accès à ces prestations.

Le président : Puis-je en déduire que vous souhaitez que le Code canadien du travail soit modifié pour que le critère s'applique à un risque élevé de décès en 52 semaines?

Mme Henningsen : Oui, nous préférerions 52 semaines, mais ce que nous aimerions vraiment, c'est que le critère soit lié au diagnostic du médecin selon lequel une personne a besoin de soins palliatifs.

Le président : Je préférerais un critère objectif à un critère subjectif.

Mme Henningsen : Dans ce cas, je crois qu'une période de 52 semaines représenterait un critère qui correspondrait mieux aux outils et aux ressources fournis aux médecins, car ils prévoient une année; en effet, c'est à ce moment-là qu'une personne semble recevoir un diagnostic de soins palliatifs. À mon avis, une période de 52 semaines correspondrait mieux aux pratiques utilisées en ce moment.

La sénatrice Chaput : Comment les soins palliatifs sont-ils actuellement définis dans le milieu médical? Existe-t-il une autre définition que les 52 semaines dont nous parlions? Avez-vous une définition qu'on peut utiliser ou cela dépend-il de chaque cas?

Mme Henningsen : Cela dépend de chaque cas. Vraiment, on suggère aux médecins de se demander s'ils seraient surpris que le patient décède d'ici un an. C'est un bon critère que les médecins utilisent. On discute avec les membres de l'équipe de soins et l'aidant familial lorsque le malade décide que les traitements actifs seront interrompus. Ensuite, on passe aux soins palliatifs, c'est-à-dire à la gestion de la douleur et des symptômes.

La sénatrice Chaput : En ce moment, il n'y a aucune définition précise, à l'exception de ce que vous venez de nous dire?

Mme Henningsen : Oui. On ne peut pas définir le moment où une personne décédera. Souvent, une personne peut vivre deux ans après avoir reçu un diagnostic de soins palliatifs.

La sénatrice Chaput : Je vois. La prolongation de 26 à 52 semaines pourrait donc être insuffisante?

Mme Henningsen : C'est possible. Un programme national est actuellement présenté aux provinces et aux territoires, et il repose sur la notion selon laquelle une personne est en soins palliatifs lorsqu'elle reçoit un diagnostic de maladie mortelle. Dès le moment où un diagnostic de maladie mortelle est posé, nous devrions commencer la planification des soins avancés et des différents éléments liés aux soins palliatifs.

La gestion active de la douleur et des symptômes commence généralement après environ un an. Malheureusement, ce n'est pas très précis, et c'est un énorme défi auquel doivent faire face les médecins et les soignants, ainsi que le système de soins de santé partout au pays.

Le président : Votre association a-t-elle recommandé vivement cette initiative au gouvernement?

Mme Henningsen : Oui, vraiment. Les prestations au soignant sont l'un des éléments importants dont nous avons besoin, à notre avis, pour appuyer les aidants familiaux. Il s'agit de réduire leur fardeau financier. Souvent, comme vous le savez, lorsqu'une personne assume le rôle d'aidant familial, elle doit réduire ses heures de travail rémunéré, et elle doit dépenser de l'argent de sa propre poche. Nous avons, entre autres, activement encouragé le gouvernement à non seulement offrir les prestations au soignant, mais également à les prolonger.

Le président : Deux lois sont modifiées. La première est celle qui autorise les congés en vertu du Code canadien du travail. C'est une loi fédérale qui s'applique seulement aux employés des entreprises régies par le gouvernement fédéral. Quelle est la situation dans les provinces?

Mme Henningsen : Les provinces doivent aussi modifier leur propre code du travail. Avec l'arrivée du congé de huit semaines, toutes les provinces participent enfin à cette initiative. Je crois que l'Alberta s'y est jointe au cours des 18 derniers mois. Toutes les provinces participent maintenant à cette initiative et modifient le congé autorisé. Lorsque cela sera adopté, les provinces et les territoires devront également examiner leur code du travail.

Nous croyons qu'elles le feront, car nous savons que les provinces et les territoires reconnaissent le rôle des aidants familiaux et le fait qu'ils font partie intégrante de la capacité de gérer les coûts en matière de soins de santé. Nous croyons qu'il y aura un effet d'entraînement, mais ce ne sera pas si simple.

Le président : Prévoyez-vous que les autres provinces adopteront des dispositions similaires?

Mme Henningsen : Oui.

Le président : La deuxième loi que nous modifions est la Loi sur l'assurance-emploi. Le Code canadien du travail prévoit le congé nécessaire, et la Loi sur l'assurance-emploi fournit une certaine compensation. Est-ce exact?

Mme Henningsen : Oui.

Le président : C'est une augmentation importante de 6 semaines à 26 semaines de compensation. Est-ce dans la Loi sur l'assurance-emploi? Est-ce le bon endroit pour offrir ce type de programme?

Mme Henningsen : C'est un bon début. L'un des défis posés par le fait que ce programme est offert en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi, c'est qu'on n'atteint pas tous les soignants à temps partiel ou, par exemple, les soignants plus âgés sans emploi. Une série de soignants sont donc laissés de côté. Environ 6,1 millions de soignants combinent actuellement leur travail et leurs tâches de soignant. Nous atteindrons certainement la plus grande partie des soignants, et c'est un pas dans la bonne direction.

Le président : Fait-on quelque chose pour aider les autres soignants qui ne paient pas d'assurance-emploi et ne sont donc pas admissibles à une demande de prestations?

Mme Henningsen : Le gouvernement fédéral n'offre rien à cet égard, mais certains gouvernements provinciaux le font. Deux provinces offrent des prestations au soignant : le Manitoba et la Nouvelle-Écosse. Les soignants à un certain seuil financier reçoivent une allocation qui compense leur fardeau financier.

Le président : En général, vous appuyez cela; c'est un pas dans la bonne direction.

Mme Henningsen : Oui.

Le président : Merci. Étant donné qu'aucun autre honorable sénateur ne souhaite engager la discussion, nous vous remercions, madame Henningsen, de votre exposé au nom de l'Association canadienne de soins et services à domicile. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de comparaître pour nous expliquer votre position.

Mme Henningsen : Merci.

Le président : Le troisième et dernier groupe d'experts que nous recevons cet après-midi est lié aux congés de maladie et aux programmes d'invalidité, ainsi qu'aux articles 253 à 273 de la section 20 de la partie 3. Cette section commence à la page 147 du projet de loi.

Dans ce prochain groupe d'experts, nous sommes heureux d'accueillir les représentants de l'Alliance de la Fonction publique du Canada : Chris Aylward, vice-président exécutif national, et Liam McCarthy, coordonnateur des négociations de l'AFPC. Nous souhaitons également la bienvenue aux représentantes de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada : Debi Daviau, présidente, et Isabelle Roy, avocate générale.

Je crois comprendre que chaque organisation fera une brève déclaration préliminaire. Nous pourrions peut-être commencer par M. Aylward, puis passer à Mme Daviau.

Chris Aylward, vice-président exécutif national, Alliance de la Fonction publique du Canada : Je vous remercie, honorables sénateurs, de l'occasion qui m'est donnée de comparaître aujourd'hui pour discuter du projet de loi C-59. Je présenterai la position de notre syndicat sur le projet de loi, et notre coordonnateur des négociations, Liam McCarthy, m'aidera à répondre à vos questions. Je parlerai de la section 20 de la partie 3 du projet de loi, qui porte sur les congés de maladie et les programmes d'invalidité.

Depuis 2007, la Cour suprême du Canada a rendu un certain nombre de décisions importantes au sujet de la liberté d'association définie à l'article 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés. La cour a indiqué clairement que la Charte protège le droit à la libre négociation collective. Elle garantit aux travailleurs le droit de se regrouper, de présenter collectivement leurs revendications à l'employeur et d'en discuter sérieusement avec la partie patronale.

La cour a également imposé des obligations constitutionnelles aux gouvernements en tant qu'employeurs. À ce titre, les gouvernements doivent accepter de rencontrer les syndicats et de négocier de bonne foi. En outre, ils doivent s'abstenir d'adopter des lois qui exercent une ingérence substantielle dans la capacité d'un syndicat à négocier collectivement des questions liées au milieu de travail.

Les lois internationales relatives aux droits de la personne et au travail stipulent que la négociation collective fait partie intégrante de la liberté d'association, notamment la Convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical de l'Organisation internationale du travail.

En faisant fi de ces accords internationaux et de ces arrêts de la Cour suprême, le gouvernement fédéral continue de s'ingérer dans le processus de négociation collective de ses employés et d'entraver la capacité de leur syndicat de négocier librement. Malheureusement, le projet de loi C-59 n'est que la dernière des tactiques employées par le gouvernement pour bafouer les droits constitutionnels de ses employés.

En 2013, le projet de loi C-4, la loi d'exécution du budget, a sévèrement érodé les mécanismes de règlement des différends qui existaient depuis longtemps. Son adoption a eu pour effet de faire pencher la balance encore plus en faveur de l'employeur et du gouvernement, car la loi restreint les droits des personnes syndiquées et limite le rôle que jouent les commissions des relations de travail et les arbitres.

Peu de temps après l'adoption du projet de loi C-4, l'AFPC a entrepris de contester la loi devant les tribunaux.

Selon la section 20 du projet de loi C-59, le Conseil du Trésor peut modifier les dispositions sur les congés de maladie de nos conventions collectives et imposer unilatéralement un régime d'invalidité de courte durée hors du cadre des conventions collectives. Le projet de loi donnera au Conseil du Trésor pleins pouvoirs pour élaborer ces régimes et pour modifier les dispositions du régime actuel d'invalidité de longue durée. Il lui permettra également de modifier le nombre de crédits d'heures de congé de maladie auquel un employé a droit au cours d'une année financière et le nombre de ces crédits qui peuvent être reportés à la nouvelle année financière, sans tenir compte des dispositions de nos conventions collectives.

Environ une année avant le début des négociations entre l'AFPC et le Conseil du Trésor, le gouvernement a lancé sa campagne visant à éliminer les dispositions actuelles de nos conventions collectives sur les congés de maladie.

Il a commencé à rendre publiques des données sur l'utilisation des congés de maladie dans la fonction publique, qui ont été contestées plus tard par Statistique Canada et le directeur parlementaire du budget, afin de rallier l'opinion publique à sa position.

Puis le Conseil du Trésor a présenté directement à ses employés sa stratégie de mieux-être au travail et de productivité, et il a exposé le nouveau régime de congés de maladie, ce qui a amené ses employés à croire qu'il s'agissait d'un fait accompli.

Ensuite, pour financer le surplus budgétaire prévu, le gouvernement a annoncé, dans son dernier budget, 900 millions de dollars de prétendues économies réalisées grâce aux changements qu'il apporterait aux crédits de congés de maladie accumulés. À présent, le gouvernement achève son œuvre en usant de ses pouvoirs pour modifier unilatéralement nos conventions collectives.

Il est très clair que le gouvernement détermine à l'avance le résultat des négociations. Le gouvernement bafoue donc la Charte et s'en prend au droit à la libre négociation collective de nos membres. Le projet de loi viole l'alinéa 2d) de la Charte qui exige que la négociation collective soit un processus véritable. Nous croyons que le processus de négociation collective fonctionne lorsque les deux parties sont en mesure de négocier librement.

Dans le cadre de la dernière ronde de négociations avec le Conseil du Trésor, l'AFPC fait des propositions proactives pour améliorer la santé et le bien-être de ses membres au travail. Nous savons que le nombre de demandes de prestations d'invalidité de longue durée liées à des problèmes de santé mentale s'est accru considérablement et qu'il y a un lien direct entre l'utilisation des congés de maladie et cette croissance des demandes, étant donné que nos membres doivent écouler leurs crédits de congé avant de pouvoir toucher des prestations d'invalidité de longue durée.

Devant l'importance de cet enjeu, nous avons présenté une proposition au Conseil du Trésor, qui a accepté de travailler avec nous à la mise sur pied d'un groupe de travail mixte sur la santé mentale. Nous ne faisons que commencer à nous attaquer à ces problèmes, mais c'est un bon début. Toutefois, c'est là une autre raison pour laquelle la section 20 est aussi problématique. En effet, le fait de modifier unilatéralement la protection assurée par les congés de maladie ne fait qu'accroître le stress que nos membres vivent au travail. C'est une insulte pour les employés qui ont des problèmes de santé physique et mentale.

Nous demandons au comité d'envisager sérieusement de supprimer complètement la section 20 du projet de loi afin de faire respecter notre droit de négocier nos conventions collectives sans être menacé par des mesures législatives.

Le président : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à Mme Daviau.

Debi Daviau, présidente, Institut professionnel de la fonction publique du Canada : Merci beaucoup, chers sénateurs. Au risque de gaspiller un peu de temps, je souhaite remercier l'honorable sénatrice Bellemare des interventions opportunes qu'elle a effectuées dans le cadre de l'examen du projet de loi C-377. Lorsque les sénateurs avancent des arguments supplémentaires dans des dossiers à l'étude, nous leur en sommes très reconnaissants.

Je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant vous aujourd'hui au sujet de la section 20 du projet de loi C-59 et au nom des quelque 55 000 membres de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada.

La grande majorité des membres de l'institut sont des professionnels qui assurent la prestation de services publics dans des ministères et des organismes fédéraux, lesquels négocient actuellement des conventions collectives.

Les membres que je représente sont directement touchés par la section 20, qui accorde au Conseil du Trésor le pouvoir unilatéral d'imposer les conditions d'emploi liées aux congés de maladie qu'il veut, aux employés de l'administration publique centrale qu'il veut, quand et aussi longtemps qu'il veut. Nous croyons que la section 20 est inconstitutionnelle et fondamentalement viciée, et qu'en conséquence, elle devrait être complètement éliminée du projet de loi C-59.

Pendant la brève période de temps dont je dispose aujourd'hui, je vais passer en revue les préoccupations de l'institut, qui sont exposées d'une manière plus détaillée dans le mémoire que nous avons remis au comité.

Premièrement, la section 20 est inconstitutionnelle. Pas plus tard que l'hiver dernier, la Cour suprême du Canada a déclaré que l'article 2d) de la Charte garantit le droit de grève des employés et leur droit à un processus véritable de négociation collective. La mesure législative proposée porte atteinte à ces deux droits en empêchant effectivement les employés de négocier réellement la résolution d'un important problème lié au milieu de travail et de faire la grève dans l'éventualité d'une absence de résolution du problème.

Le projet de loi C-59 fausse le jeu au détriment des syndicats à la table de négociation en accordant au Conseil du Trésor le pouvoir d'imposer unilatéralement certaines conditions d'emploi liées au seul problème fondamental que l'employeur a signalé au cours de la présente ronde de négociations, à savoir les congés de maladie. En tout temps, même au cours des négociations, le Conseil du Trésor peut décider de mettre en œuvre les conditions qui lui conviennent et supprimer simplement les dispositions relatives aux congés de maladie qui figurent dans les conventions collectives actuelles, c'est-à-dire les avantages que les syndicats ont négociés de bonne foi au fil des ans.

Deuxièmement, la section 20 est une insulte à la primauté du droit. La mesure législative proposée autorise également l'employeur à passer outre les dispositions législatives sur le gel que la Cour suprême du Canada a récemment mises en relief. Cette importante protection législative prévue par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique oblige l'employeur à respecter les conditions d'emploi une fois que le processus de négociation collective est en cours. La section 20 légalise en fait une pratique déloyale de travail de la part du Conseil du Trésor.

Ce qui est encore plus choquant, c'est que la section 20 est rédigée de manière à ce que les ordonnances du Conseil du Trésor relatives aux congés de maladie n'aient pas à respecter la Charte comme elles devraient normalement le faire en vertu de la Loi sur les textes réglementaires. Il s'agit ni plus ni moins d'un affront direct à la primauté du droit.

Troisièmement, la section 20 compromettra les services publics offerts aux Canadiens. Le plan que le gouvernement propose à propos des congés de maladie et des régimes d'invalidité nuit aux fonctionnaires, aux services publics et aux Canadiens. Dans bon nombre de cas, les fonctionnaires seront forcés de prendre des congés de maladie non payés ou de travailler en dépit de leur état de santé.

Qui plus est, aucun fait ne confirme l'affirmation du gouvernement selon laquelle cette approche permettra de réaliser des économies. Les prétendues économies de 900 millions de dollars mentionnés dans le budget de 2015 ne sont rien de plus qu'un exercice comptable artificiel et commode qui contribue à équilibrer un budget préélectoral sans permettre de réaliser de véritables économies. La volonté de radier des livres ce passif soi-disant non capitalisé au chapitre des congés de maladie accumulés ne tient pas compte du fait que, la plupart du temps, les fonctionnaires malades ne sont pas remplacés. Le surcroît de travail est simplement assumé par leurs vaillants collègues.

Pire encore, le gouvernement a manifestement négligé de rendre compte des coûts supplémentaires pour les contribuables qu'entraînera le passage à un régime privé qu'il propose.

En conclusion, au nom des 55 000 professionnels et scientifiques que l'IPFPC représente, je prie instamment le comité de défendre la crédibilité des pouvoirs législatifs du Parlement, qui doivent respecter la Charte canadienne des droits et libertés. La section 20 du projet de loi C-59 est inconstitutionnelle, et elle représente un affront à la primauté du droit. Je vous exhorte donc à la rejeter.

Merci.

Le président : Je remercie chacun de vous. Vous avez fait valoir clairement vos points de vue. Je vais maintenant passer aux sénateurs qui souhaitent participer aux séries de questions.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Merci, j'ai deux questions. La première a trait aux coûts liés à la section 20, aux mesures que le gouvernement devra mettre en œuvre pour apporter les changements demandés par le Secrétariat du Conseil du Trésor au régime des congés de maladie. Vous dites que cela coûte 900 millions de dollars au gouvernement ou qu'il y a dans le budget un passage qui émet l'hypothèse que cela coûtait 900 millions de dollars, et que cette hausse de revenus de 900 millions de dollars sera utilisée dans l'exercice de l'équilibre budgétaire. C'est ce que j'aimerais comprendre plus en détail.

[Traduction]

Mme Daviau : Je vous remercie de votre question. Il est clair que, dans le budget de cette année, le gouvernement compte épargner 900 millions de dollars et 250 millions de dollars de plus au cours des deux années qui suivront, soit un total de 1,4 milliard de dollars. La somme de 1,4 milliard de dollars que le gouvernement compte épargner correspond à la valeur comptable des congés de maladie accumulés par les fonctionnaires. La valeur de la totalité de ces congés de maladie accumulés s'élève en fait à 5,2 ou 5,3 milliards de dollars. Cependant, si le gouvernement décide de radier de ses livres ce passif non capitalisé, sa valeur comptable se chiffrera à 1,4 milliard de dollars.

Dans le cadre de la loi d'exécution du budget, le gouvernement a essentiellement proposé d'éliminer nos congés de maladie accumulés, qui font partie des dispositions négociées de nos conventions collectives, parce que la plupart des fonctionnaires ne sont pas remplacés lorsqu'ils sont malades — mis à part quelques exceptions notables comme les fonctionnaires qui travaillent dans les prisons ou dans certains milieux de la santé.

La banque de congés de maladie, si vous voulez, ne représente pas, en fait, un élément de passif pour le gouvernement, et son élimination n'entraînera pas le versement de sommes supplémentaires dans les coffres du gouvernement. La somme de 900 millions de dollars représente plus de la moitié du surplus budgétaire prévu par la loi d'exécution du budget du gouvernement, et c'est un montant qui n'existe pas. Il s'agit simplement d'un exercice comptable, d'un exercice comptable fictif, si vous voulez, qui n'accomplit pas véritablement ce que la loi tente de réaliser.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Mon autre question a trait à la rétroactivité. Y a-t-il des aspects rétroactifs à la section 20? En d'autres mots, y a-t-il des droits accumulés qui ne sont pas respectés ou est-ce que cela concerne seulement le futur?

[Traduction]

Mme Daviau : C'est assurément l'une de nos principales préoccupations, car ces mesures foulent aux pieds de nombreuses années de préséance, de droits négociés, d'ententes auxquelles nous sommes parvenues après avoir renoncé à d'autres avantages.

Par exemple, à l'époque où nous avons négocié les dispositions relatives aux congés de maladie et à leur accumulation, nous avons renoncé à d'autres choses en échange. Et maintenant, les avantages pour lesquels nous avons consenti à des compromis pourraient être éliminés unilatéralement. Les éléments les plus rétroactifs seraient les congés de maladie accumulés. Certains de nos membres ont parfois accumulé la valeur de nombreuses années de congés de maladie. Au moment de leur retraite, ils laisseront ces congés derrière eux. Ils ne peuvent pas les encaisser. Par conséquent, il ne s'agit pas vraiment d'un élément de passif pour le gouvernement. Néanmoins, ces congés sont des avantages que ces fonctionnaires ont gagnés et accumulés tout au long de leur carrière, et qui risquent maintenant d'être radiés des livres.

[Français]

La sénatrice Bellemare : C'est ce que j'essaie de comprendre. Dans le cas de la banque de congés de maladie, on sait que, parfois, lorsqu'ils approchent de la retraite, certains travailleurs partiront plus tôt en prenant les congés de maladie accumulés. La loi prévoit-elle la disparition des congés qui ont été accumulés dans le temps pour certains individus, ou y a-t-il des dispositions qui reconnaissent les gains et les droits antérieurs et qui en tiennent compte pour l'avenir? C'est ce que j'essaie de départager.

[Traduction]

Mme Daviau : Le montant correspondant au passif non capitalisé au chapitre des congés de maladie accumulés, qui est mentionné dans le projet de loi d'exécution du budget, représente la totalité des congés accumulés par la fonction publique. Cela signifie qu'ils planifient de supprimer la totalité des congés accumulés par les quelque 250 000 travailleurs de l'administration publique centrale.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Ma question est liée aux données sur les congés de maladie que j'ai déjà examinées, et j'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet. J'examinais les données sur les congés de maladie dans les secteurs privé et public. Généralement, le nombre de congés de maladie est plus élevé dans le secteur public que privé, et certains émettent l'hypothèse que cette disparité est liée à la façon dont les congés de maladie ont été négociés. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?

[Traduction]

Mme Daviau : Certes, les vraies données que Statistique Canada et le directeur parlementaire du budget nous ont communiquées indiquent une légère différence entre l'utilisation des congés de maladie dans le secteur public et leur utilisation dans le secteur privé. Nous croyons les arguments avancés par les analystes à cet égard, à savoir que la démographie du secteur public diffère de celle du secteur privé, car le secteur public emploie un certain nombre de travailleurs plus âgés. Il y a aussi des enjeux démographiques, comme la présence de femmes, de gens ayant des enfants, des familles. Tous ces facteurs contribuent davantage à l'utilisation des congés que, disons, les dispositions dont vous vous trouvez à bénéficier.

Nous croyons fermement que les 5,2 milliards de dollars de congés de maladie accumulés démontrent clairement que le système actuel n'a fait l'objet d'aucune utilisation abusive de la part des nombreux fonctionnaires qui s'en servent en ce moment. Je crois que les employés prennent en moyenne neuf jours de congé de maladie au lieu des 18 jours dont, par exemple, le ministre Clement a parlé à un moment donné. Les vraies statistiques montrent que l'utilisation des congés de maladie dans le secteur public diffère à peine de celle du secteur privé, même si nos congés de maladie sont financés de cette manière, par opposition au financement du secteur privé.

M. Aylward : Madame la sénatrice Bellemare, pour en revenir à votre question initiale, qui portait sur les coûts occasionnés par la section 20, je pense que la question n'est pas tellement de savoir combien il en coûtera au gouvernement, mais plutôt combien il en coûtera aux contribuables canadiens d'essayer de mettre en œuvre la section 20 et le régime d'invalidité à court terme, ainsi que de transférer à une entreprise du secteur privé ce qui était géré à l'interne.

En ce qui concerne la différence entre le secteur public et le secteur privé au chapitre des journées de congé de maladie utilisées, je ne vais pas répéter tout ce que Debi a déclaré. L'autre problème, c'est qu'un grand nombre d'employeurs du secteur privé n'offrent aucun congé de maladie. Il va de soi que cela constitue un problème.

[Français]

La sénatrice Chaput : Ma première question s'ajoute à celles de la sénatrice Bellemare. Je veux m'assurer d'avoir bien compris. C'est une question de clarification, par rapport à la rétroactivité. Si je comprends bien, la banque de congés de maladie, les journées qui avaient été accumulées parce qu'elles n'ont pas été utilisées, faisait possiblement partie de vos négociations à un moment donné, et vous aviez peut-être fait un compromis sur d'autres aspects pour conserver cette banque. Maintenant, ce projet de loi, les dispositions étant rétroactives, efface complètement cette banque de congés de maladie. Est-ce bien de cela qu'il s'agit?

[Traduction]

Mme Daviau : C'est exact. Je n'aurais pas su mieux dire. Honnêtement, le gouvernement n'a pas été très franc en ce qui concerne les chiffres, car il n'a comptabilisé que 900 millions de dollars en économies cette année, plus 250 millions de dollars pour les années subséquentes, alors on arrive à un résultat que personne ne comprend.

Ce que cela signifie — car nous représentons aussi des comptables agréés qui travaillent pour l'Agence du revenu du Canada —, c'est que cela correspond à la valeur comptable réelle de la banque de congés, si le gouvernement devait un jour comptabiliser le montant que représente cet engagement.

C'est une pratique comptable courante. Ce qui est digne de mention, c'est le moment que le gouvernement a choisi pour le faire.

[Français]

La sénatrice Chaput : En ce qui concerne les congés de maladie et leur utilisation par les membres des différentes associations, il y a sûrement des règles à respecter. Ces congés de maladie représentent un droit que les personnes peuvent utiliser lorsqu'elles sont malades. Ils ne peuvent être utilisés à aucun autre escient, n'est-ce pas?

[Traduction]

Mme Daviau : C'est exact. C'est le travail de gestion que doit faire le gouvernement en ce moment, et c'est ce dont parlait mon collègue, Chris Aylward. Au gouvernement, certaines personnes doivent assurer la gestion des présences et veiller à ce que les employés malades soient remplacés au besoin.

Par exemple, si on juge qu'un employé abuse du régime, il y a déjà des mécanismes en place pour que la direction assure un suivi auprès de cette personne. Malgré les rumeurs, nos membres ne profitent jamais de ces congés à long terme seulement pour épuiser leur banque de congés en fin de carrière. C'est plutôt le contraire qui se produit. Les employés en fin de carrière se dévouent de plus en plus au travail qu'ils ont fait toute leur vie.

Le simple fait qu'il y ait 5,2 milliards de dollars en congés de maladie non utilisés suffit pour démontrer que les employés n'abusent pas du régime actuel.

[Français]

La sénatrice Chaput : La section 20 du projet de loi C-59 est celle que vous aimeriez voir retirée. Étiez-vous au courant des changements que le gouvernement voulait faire et qui sont inclus dans la section 20? Aviez-vous eu l'occasion d'en discuter avec des représentants du Conseil du Trésor?

[Traduction]

Mme Daviau : Non. Notre homologue du Conseil du Trésor nous a informés le jour même du dépôt de la loi de mise en œuvre du budget que c'est ce qu'elle contenait.

Nous savions bien sûr tout au long du processus de négociation que c'était une des priorités du Conseil du Trésor. Je crois que la plupart d'entre nous n'avions jamais imaginé que, pour arriver à ses fins, le gouvernement allait faire fi de tous les mécanismes et de toutes les lois assurant une négociation collective libre et équitable, alors c'est en effet surprenant.

Le président : Si je me souviens bien, quand les représentants du gouvernement sont venus témoigner, ils nous ont dit que la banque de congés de maladie faisait alors l'objet de négociations, et que le gouvernement avait déposé une offre à cet égard. Est-ce bien vrai?

Mme Daviau : L'offre consiste à éliminer complètement la banque de congés de maladie. Oui, le gouvernement a déposé une offre. Nous poursuivons les négociations et nous continuons à offrir des solutions de rechange afin de moderniser le régime de congés de maladie. Le gouvernement ne démord pas de sa solution et est prêt à changer les lois pour obtenir ce qu'il veut. C'est très malheureux, car il existe un processus reconnu à long terme pour mener à bien les négociations collectives, et il y a une foule de lois et de précédents qui dictent comment les choses doivent se dérouler pour arriver à une entente viable. Le gouvernement est prêt à tout — même à prendre des mesures illégales, selon nous — pour arriver à ses fins et bafouer nos droits à la négociation collective libre et équitable, qui est protégée par l'alinéa 2d) de la Charte des droits et libertés.

Le président : On ne vous a pas offert de remplacer la banque de congés de maladie par un certain nombre de jours de congé?

Mme Daviau : Non. Bien des choses se disent à propos d'une entente qui permettrait d'éviter l'élimination des banques de congés de maladie. La proposition actuelle, et elle a été modifiée en cours de route, prévoit quelque chose comme 10 cents le dollar, si je puis dire, pour l'utilisation des congés de maladie, avec possibilité d'atteindre un certain plafond durant les périodes moins rémunérées.

Mais encore là, c'est la solution de base qui pose problème. Le débat ne devrait pas être de savoir s'il faudrait garder ou non les banques de congé de maladie. Ce que nous voulons, c'est faire respecter notre droit à une négociation collective libre et équitable, et ce qui nous inquiète profondément, c'est l'habitude du gouvernement d'essayer de se soustraire à ce processus par l'entremise du budget, l'an passé avec le projet de loi C-4, la Loi sur le contrôle des dépenses, et maintenant avec le projet de loi C-59.

Liam McCarthy, coordonnateur des négociations de l'AFPC, Alliance de la Fonction publique du Canada : Je me permets d'ajouter qu'avant qu'on ne laisse tomber cette bombe, nous étions en pleine négociation, et l'employeur avait proposé une solution qui ne faisait qu'apporter des changements mineurs aux banques de congés existantes. Donc, comme Debi le mentionnait, il y avait toujours la possibilité d'instaurer un plafond de 80 ou 90 p. 100 dans le cadre du régime d'invalidité à court terme. Il existe des variations mineures de cette solution, mais la grande différence, c'est que le gouvernement a délaissé le processus de négociation qui lui permettait d'avancer ses idées pour améliorer le régime de congés de maladie, et qui nous permettait à nous de faire valoir nos positions sur la façon d'assurer un milieu de travail plus sain et, pour revenir à ce que Chris Aylward disait, d'apporter diverses améliorations pour remédier aux problèmes de santé mentale recensés. Mais maintenant, on aura beau en discuter et échanger des propositions, au bout du compte, le gouvernement pourra imposer ce que bon lui semble, pourvu que cette disposition soit adoptée. On voit bien qu'on s'éloigne du processus de négociation dans le cadre duquel le gouvernement n'a fait que modifier légèrement sa position depuis le début.

[Français]

La sénatrice Chaput : J'ai une autre question de clarification au sujet du processus de négociations. La banque de congés de maladie accumulés disparaît. Vous avez droit, chaque année, à tant de journées de congé de maladie, n'est-ce pas? Tant de jours par mois. Ces journées de congé de maladie, à compter de l'adoption du projet de loi, à la fin de l'année, si vous ne les avez pas utilisées, est-ce qu'elles disparaissent? De plus, vous n'aurez plus le droit de les accumuler.

[Traduction]

Mme Daviau : Selon la proposition actuelle, on nous offre si peu de jours qu'il est peu probable qu'un employé puisse les accumuler, pour être bien honnête. Si on pense aux fonctionnaires qui doivent subir des traitements régulièrement, comme les personnes atteintes d'un cancer qui sont en radiothérapie, c'est un congé de maladie pour chaque consultation. Il n'y a pas d'autre type de congé pour cela, alors les six jours de maladie sont vite passés. Si vous attrapez une bonne grippe, ou encore une bronchite ou une pneumonie, c'est six jours et c'est tout. Après, la proposition du gouvernement veut que nos membres soient en congé non payé pendant une semaine avant d'avoir droit à tout autre régime de congés de maladie. C'est donc dire que la grande majorité de nos membres seront contraints de prendre des congés de maladie non payés pendant l'année, ou de venir travailler malades, et c'est malheureusement l'option que bien des gens vont choisir, car ils ne peuvent pas se permettre de perdre leur salaire.

M. Aylward : Pour répondre à votre question, sénatrice, si le projet de loi C-59 est adopté, cela ne signifie pas nécessairement que tout est terminé. Je tiens à le préciser. Avec la section 20, le gouvernement veut essentiellement donner au Conseil du Trésor le droit unilatéral d'appliquer ce régime quand bon lui semblera sur une période de quatre ans. C'est important de le préciser. Si le projet de loi C-59 est adopté dans sa forme actuelle, rien n'arrivera aux banques de congés de maladie de nos membres tant que le Conseil du Trésor, ou le Cabinet, ne décidera pas d'aller de l'avant, car il faudrait que cela se fasse par décret. Ce ne sera pas automatique avec l'adoption du projet de loi.

Le sénateur L. Smith : J'ai une question ouverte pour nos invités. Est-ce que les négociations sont toujours en cours ou ont-elles été interrompues complètement?

M. Aylward : Elles sont toujours en cours. La reprise des négociations est prévue pour la semaine du 14 ou 15 juin.

Mme Daviau : Plusieurs dates sont prévues jusqu'à septembre. Les négociations n'ont pas été retardées, même si certaines dates ont été repoussées dans la semaine où le gouvernement a fait l'annonce de la loi de mise en œuvre du budget, car les représentants syndicaux ont été pris de court par cette annonce.

Le sénateur L. Smith : D'après la documentation que nous avons reçue, Robyn Benson, présidente nationale de l'AFPC, a confirmé que 60 p. 100 des employés n'avaient pas suffisamment de congés de maladie en banque pour tenir jusqu'au régime d'invalidité de longue durée s'ils devaient tomber gravement malades.

Mme Daviau : Ce chiffre ne vient pas de nous, mais du ministre Clement.

Le sénateur L. Smith : Avec le nouveau profil de votre effectif, est-il vrai que les employés sont nombreux à manquer de congés de maladie en attendant le régime d'invalidité de longue durée? Si c'est le cas, ne peut-on pas se demander si vos réticences à l'égard des changements que veut instaurer le gouvernement ne viennent pas du fait que vous voulez garder le régime qui est en place depuis assez longtemps, et que vous considérez comme un droit acquis? Je comprends cela. J'ai été syndiqué pendant neuf ans dans la Ligue canadienne de football, et à ce moment-là, nous n'avions pas grand-chose. Je comprends les difficultés auxquelles vous êtes confrontés.

Est-ce qu'une solution comme celle-là n'est pas la bienvenue quand un grand pourcentage d'employés n'ont pas suffisamment de congés de maladie accumulés? Est-ce que les négociations pourraient aboutir à quelque chose? Est-ce que vos deux positions sont à ce point opposées qu'il est impossible d'espérer une résolution?

Mme Daviau : Le Conseil du Trésor est très campé sur sa position. Nous le sommes beaucoup moins. Nous ne sommes pas fermés à l'idée de moderniser le régime de congés de maladie et de trouver des solutions à des problèmes qui existent réellement. Mais selon l'analyse de nos propres données, seulement 1 ou 2 p. 100 de nos membres pourraient manquer de congés de maladie en attendant d'être admissibles au régime d'invalidité de longue durée. On parle de 1 à 2 p. 100 de nos membres. Laissez-moi vous dire d'où vient ce chiffre de 60 p. 100, car je me suis informée à cet égard.

Supposons que six employés vont bénéficier du régime d'invalidité de longue durée, et rappelez-vous que seul un très faible pourcentage de l'effectif aura un jour besoin de ce régime. Donc, six employés ont besoin du régime d'invalidité de longue durée. Sur ces six employés, deux en moyenne auront suffisamment de congés pour faire le pont avec le régime d'invalidité de longue durée. C'est de là que provient cette idée que 60 p. 100 des employés n'ont pas assez de congés de maladie.

Sur ces 60 p. 100 qui manquent de congés, trois des quatre seront à portée de tir. Autrement dit, ils en auront assez s'ils additionnent les congés ou les crédits qu'on peut leur avancer; ils peuvent ainsi garder leur plein salaire jusqu'à l'entrée en vigueur du régime d'invalidité de longue durée. Seul un employé sur six pourrait devoir se passer de salaire ou recourir à l'assurance-emploi pendant quelques semaines avant de bénéficier du régime d'invalidité de longue durée.

Alors, en réalité, c'est 60 p. 100 de 5 p. 100 de nos membres. Sur ces 60 p. 100, les trois quarts auront suffisamment de congés en attendant, et un seul pourrait effectivement manquer de congés. On a de toute évidence joué avec les chiffres pour arriver à ce pourcentage. Dans les faits, 1 ou 2 p. 100 de nos membres de la fonction publique n'auront pas suffisamment de congés en banque pour se rendre au régime d'invalidité de longue durée.

Le sénateur L. Smith : Est-ce que cela ne signifie pas que la grande majorité de vos membres sont des employés de longue date?

Mme Daviau : C'est plutôt l'inverse.

Le sénateur L. Smith : Les congés de maladie s'accumulent avec l'ancienneté, au fil du temps. N'est-ce pas?

Mme Daviau : Non, ce n'est pas le cas. Un employé qui souffre d'une maladie chronique en début de carrière, ou les parents de jeunes enfants qui vont à la garderie et qui ramènent de nouvelles maladies à la maison chaque semaine... il y a une plus grande occurrence de maladie chez les jeunes employés, qui écoulent leurs congés plus rapidement. Pourquoi est-ce qu'on accumule plus de congés à mesure qu'on avance dans notre carrière? Habituellement, c'est à ce moment-là qu'on en a le plus besoin, et on se dit que c'est une bonne assurance à prendre, au cas où on tomberait gravement malade. Mais c'est aussi parce qu'on est beaucoup moins exposé à toutes sortes de maladies. Les enfants sont grands, on est au travail ou à la maison, alors les risques de contagion sont moindres.

Nos membres sont tellement dévoués à leur travail qu'on ne pourrait pas les payer assez cher pour qu'ils manquent une journée de travail. Ils ont vraiment à cœur de mener à bien leurs projets.

Non, je ne crois pas que ce genre de modernisation soit la bienvenue, mais je crois qu'il est réaliste d'espérer une certaine refonte, et nous sommes très ouverts à la possibilité d'apporter des changements au régime actuel pour tenir compte des réalités d'aujourd'hui.

Le sénateur L. Smith : J'essaie simplement de comprendre, parce qu'on lit dans les journaux que la fonction publique se fait vieillissante et qu'elle n'aura plus du tout le même visage dans quelques années, en raison de l'attrition et des départs à la retraite, entre autres. Si j'ai bien compris, vous dites que les fonctionnaires bénéficient tous du même niveau de protection en ce qui concerne les congés de maladie, qu'ils aient 5 ans ou 25 ans d'ancienneté?

Mme Daviau : Oui, ils obtiennent tous le même nombre de congés par année. Évidemment, plus les années passent, plus les congés peuvent s'accumuler. Je veux seulement dire que ce n'est pas une règle. Rien ne dit que les employés de longue date ont beaucoup de congés, et que les plus jeunes n'en ont pas. Les gens qui ont accumulé un grand nombre de congés sont ceux qui ont eu la bonne fortune de ne pas tomber malades tout au long de leur carrière ou qui n'ont pas été aux prises avec des maladies chroniques ou d'autres ennuis. Certaines personnes sont plus à risque de développer des problèmes de santé vers la fin de leur carrière. Cela vient avec l'âge. Mais je veux éviter de tomber dans les généralités, car nous devons nous assurer que l'ensemble de nos membres est traité adéquatement et que nos jeunes employés ne se plaignent pas plus que les plus vieux de leur régime de congés de maladie.

Le sénateur L. Smith : Est-ce que ce sont les congés de maladie qui posent problème? J'essaie de comprendre ce qui se passe. Est-ce le régime de congés qui vous inquiète, ou la question constitutionnelle? Monsieur Aylward, vous avez été assez catégorique concernant la question constitutionnelle.

À quoi faut-il s'attaquer pour arriver à une entente? Je veux aller au fond des choses pour être bien certain de comprendre ce qui est en jeu, du point de vue d'un observateur extérieur.

M. Aylward : Ce qui est en jeu maintenant, c'est le respect de la Charte; c'est notre droit à la négociation collective libre et équitable, comme le prévoit la Charte des droits et libertés. La section 20 nous prive essentiellement de ce droit. La section 20 accorde au Cabinet le pouvoir unilatéral de modifier et de mettre en œuvre nos conventions collectives actuelles. Je le répète, cette façon de faire est sans contredit un affront à la Charte. Le cœur du problème avec la section 20, c'est qu'on fait totalement fi de la Charte. Je demanderais également à M. McCarthy de répondre à votre question précédente, s'il vous plaît.

M. McCarthy : Pour ce qui est de déterminer si le gouvernement fait preuve de bienveillance envers ses employés en quelque sorte en présentant ses propositions sur les congés de maladie, les gens connaissent les solutions de rechange. Notre syndicat, qui représente plus de 100 000 membres, mène un processus de demande de revendications. En tant que personne qui recueille tout cela et des centaines de propositions, je peux vous dire que nous n'en avons reçu aucune consistant à passer à un processus de régime d'invalidité de courte durée. L'idée d'un tel écart n'est pas en train de se répandre.

Debi a déjà souligné que le régime inclut d'autres mesures, comme l'avancement de crédits. En toute honnêteté, dans le cadre de notre processus, nous procédons de bonne foi. Nous examinons toutes les propositions de l'employeur, comme je l'ai dit, en fonction de l'amélioration des conditions de nos membres. Telle mesure contribuera-t-elle à leur bien-être dans nos lieux de travail? Cela signifie-t-il que des gens tomberont malades parce qu'au Bureau des passeports, ils seront servis par un employé malade qui éternue devant eux? C'est ce que nous examinons très sérieusement. Pour l'essentiel, nous étudions toutes les propositions de l'employeur en nous demandant si elles feraient en sorte que les employés seraient davantage portés à rentrer au travail même s'ils sont malades. Sa proposition comprend-elle un incitatif économique pour les employés qui entrent au travail malades? Nous examinons sa proposition, surtout pour ce qui est d'avoir quelques jours par année — je pense que c'est jusqu'à six jours —, qui sont suivis d'une période d'attente d'une semaine avant de bénéficier de l'ICD. Si un employé n'a utilisé aucun crédit cette année-là, il fait le pont avec l'ICD. Si jamais la personne a la grippe, il se peut qu'elle aille au travail, de sorte que, la prochaine fois qu'elle aura une maladie contagieuse durant l'année — et si elle a de jeunes enfants, cela se produit souvent—, elle n'aura pas à choisir entre recevoir son chèque de paye et aller travailler malade. C'est ce que nous examinons en profondeur pour chacune des propositions, mais ce sont les négociations normales. L'employeur propose des concessions; nous proposons des améliorations. Ce qui se passe dans le cas de la section 20, c'est qu'on intègre une disposition qui fait en sorte que ce que nous disons au cours des négociations n'a aucune importance, en fait. Vous pouvez vous imaginer à quoi peut ressembler une négociation de contrat si l'une des parties, après avoir discuté avec vous, a le pouvoir de décider de l'issue des négociations de toute façon. On ne parle plus vraiment de négociations à ce moment-là.

Mme Daviau : Je veux ajouter quelque chose, car je ne veux pas que vous ayez l'impression que les congés de maladie ne sont pas importants pour nous; au contraire, ils le sont. C'est un enjeu fondamental des négociations. Or, si nous sommes ici, et si nous sommes prêts à intenter des poursuites, c'est que c'est inconstitutionnel. Comme si les règles du jeu n'étaient pas déjà suffisamment difficiles lorsque nous négocions avec le gouvernement, qui a le pouvoir de modifier les lois au besoin — alors c'était déjà très difficile lorsque le gouvernement respectait le processus légitime de négociations collectives —, les modifications proposées dans le cadre du projet de loi C-59 et celles qui ont déjà été mises en œuvre au moyen du projet de loi C-4 changent complètement les règles du jeu. Il est impossible de s'entendre sur une convention collective dans ce contexte.

Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est pour vous dire que si ces droits sont inscrits dans la Charte, c'est parce qu'on a jugé important de donner aux travailleurs les moyens de se défendre, de se tenir debout, de négocier une convention collective pour le bien commun. Dans le secteur public, nous avons pu négocier des conditions d'emploi raisonnables que nous voulons protéger, mais nous n'avons jamais eu de pouvoir à la table de négociation. Le pouvoir a toujours été entre les mains de l'employeur. Ce que nous demandons, et ce que nous demandons à votre comité, c'est de comprendre que le projet de loi C-59 nous empêche de conclure librement et équitablement une convention collective, comme le prévoit la Charte des droits et libertés. Certains des éléments qui figurent dans le projet de loi pour faire en sorte que cela n'ait pas à subir le test d'autres dispositions de la Charte des droits et libertés font ressortir simplement le fait que le gouvernement veut pouvoir faire ce qu'il veut et faire fi non seulement du processus, mais des dispositions qui protègent ce processus de négociation depuis aussi longtemps que n'importe qui ici peut se rappeler.

La question des congés de maladie constitue une question vraiment fondamentale, mais c'est plus que cela. Il s'agit du droit à la négociation collective garanti par la Constitution. Compte tenu de ce droit et de notre accès équitable à ce processus, nous serons capables d'entreprendre le type de discussions ou le type de contestations que vous soulevez aujourd'hui. Comment régler, moderniser, améliorer les choses d'une façon qui est également juste pour les contribuables? C'est le type de discussions que nous avons dans le cadre des négociations collectives. Ce n'est pas le type de choses qui sont normalement imposées par voie législative.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Je voulais simplement être certaine d'avoir bien compris ce que M. Aylward a dit par rapport au fait que les 900 millions de dollars prévus dans le budget sont déjà utilisés dans le budget. D'autre part, vous dites que vous êtes toujours en train de négocier. Il y a une contradiction que je ne comprends pas. Je ne sais pas si vous pouvez éclairer ma lanterne.

[Traduction]

M. Aylward : Je suis d'accord avec vous. C'est très contradictoire de la part du président du Conseil du Trésor de dire au ministre des Finances que les changements apportés au régime des congés de maladie permettront d'économiser 900 millions de dollars alors que nous sommes toujours en négociations, en ayant bon espoir que nous pouvons obtenir des améliorations dans nos lieux de travail et nous assurer que ce sont des lieux sains. Pourtant, le président du Conseil du Trésor a cru bon de dire au ministre des Finances qu'on peut inclure 900 millions de dollars dans le budget parce que ce sont les économies que nous ferons. Je suis d'accord avec vous; c'est une énorme contradiction.

Mme Daviau : J'ajouterais que c'est contraire à la Charte des droits et libertés.

Le président : Vous avez tous parlé de l'article 2, le droit à la négociation collective dans la Charte des droits et libertés. Vous avez également parlé du projet de loi C-4 d'il y a deux ans, le projet de loi d'exécution du budget. Monsieur Aylward, vous avez mentionné que vous avez fait une contestation judiciaire. Était-ce pour contester cet article ou pour inclure dans le processus judiciaire l'article de la Charte?

M. Aylward : Non, pour l'essentiel, nous avons contesté le projet de loi C-4 en fonction des dispositions qu'il contenait concernant nos droits de négociation, la Charte et cela. En particulier, en ce qui concerne ce qu'a dit la Cour suprême au sujet des dispositions du projet de loi 5 sur la négociation dans la cause de la Fédération du travail de la Saskatchewan qui a été portée devant la Cour suprême; la Cour suprême a jugé que la négociation est un droit garanti par la Charte.

Le président : Comment s'est terminée la contestation judiciaire? Est-elle toujours en cours?

M. Aylward : Oui.

Mme Daviau : On en est encore aux premières étapes. Pour répondre à votre question, il s'agit du même article de la Charte, mais les arguments sont complètement différents.

Le président : Je comprends, mais d'autres causes et d'autres situations peuvent vous aider à déterminer si les arguments que vous faites valoir sont solides.

Mme Daviau : La cause concernant la Fédération du travail de la Saskatchewan a été entendue par la Cour suprême il y a quelques mois et a créé des précédents très importants sur l'alinéa 2d) de la Charte, et c'est celle-là qui établit des précédents à cet égard.

Le président : C'est utile.

Le sénateur Mockler : J'ai deux ou trois questions qui visent seulement à faire quelques précisions. Madame Daviau, vous avez dit que vous étiez d'accord en ce qui concerne la modernisation. Pouvez-vous expliquer au comité ce que vous entendez par là?

Mme Daviau : Par exemple, récemment, un certain nombre de modifications qui nous touchent ont été apportées à des lois. Les modifications relatives aux pensions constituent un bon exemple de dispositions majeures concernant le changement de la date du départ à la retraite, de même que le taux de cotisation des employés. Nous n'avons pas contesté ces modifications. Nous ne sommes pas en train de les contester devant les tribunaux, et nous n'avons pas comparu devant des comités du Sénat ou de la Chambre des communes sur le sujet. Pourquoi? Parce qu'on sait que les gens vivent plus longtemps, que les coûts de ces régimes s'étendent sur une plus longue période et que toutes sortes de découvertes médicales contribuent à prolonger la vie des gens. Dans bien des cas, on est totalement ouvert à examiner ce qui a changé au fil des ans et ce qui doit être modifié dans les conventions collectives ou d'autres politiques en fonction de la situation actuelle.

Dans le cas du congé de maladie, par exemple, j'ai dit que 1 à 2 p. 100 de nos membres, ce qui représente suffisamment d'employés pour que la question me tienne à cœur, n'ont pas accès au congé de maladie, ou plutôt aux prestations d'invalidité de longue durée à plein salaire. Bien entendu, nous sommes disposés à envisager des améliorations du système, et même des compromis pour une situation qui représenterait mieux l'ensemble de nos membres.

Ce en quoi nous ne croyons pas, c'est la solution proposée par le Conseil du Trésor, qui est essentiellement prévue pour n'importe quand et n'importe où dans le projet de loi d'exécution du budget. Ce qui nous inquiète, c'est que ce n'est pas ainsi qu'il faut moderniser le régime de congé de maladie de la fonction publique. Il s'agit plutôt d'une solution idéologique permettant de mettre de l'argent dans les coffres du secteur privé.

Nous avons toujours pu négocier efficacement ces ententes de modernisation de façon à parvenir à un compromis et à conclure divers accords. Nous n'avons jamais eu affaire à ce genre de projet de loi, qui nous impose littéralement une solution prédéterminée, puis nous demande d'essayer de conclure une convention intéressante à la table.

Vous avez demandé si les négociations sont encore sérieuses malgré tout. La réponse est oui, puisque nous souhaitons encore ardemment conclure une convention collective de façon libre et équitable. Nous espérons en notre âme et conscience être en mesure de le faire malgré les obstacles qui découlent justement du projet de loi C-59. J'espère que votre comité s'attardera sérieusement au projet de loi d'exécution du budget afin d'en supprimer les dispositions les plus aberrantes.

Le sénateur Mockler : Le président a posé une question sur la section 4, que vous contestez, et je crois que vous avez donné des exemples sur la Saskatchewan. Contestez-vous la section 20 aussi?

M. Aylward : Tout à fait. En passant, c'est le projet de loi C-4 que nous avons remis en question. Nous allons bel et bien contester par tous les moyens à notre disposition, puisque nous sommes contre la section 20. Comme je l'ai dit très clairement, nous considérons que ces dispositions représentent une atteinte directe à la Charte et à notre droit à la libre négociation collective.

Le sénateur Mockler : Madame Daviau, vous dites à la page 2 que les dispositions pipent indûment les dés à la table de négociation, ce qui est contraire à un processus de négociation collective équitable.

Est-il vrai que vos syndicats affirment publiquement avoir signé un engagement de solidarité selon lequel ils ne feront aucune concession à la table de négociation?

Mme Daviau : Nous avons signé un pacte de solidarité qui porte sur la manière dont nous allons collaborer. Son contenu ne dit pas que nous ne devons faire aucune concession à la table de négociation. C'est un pacte privé que nous avons conclu entre nous.

Cela dit, ce que nous avons déclaré publiquement et à l'intention du Conseil du Trésor, c'est que le régime d'assurance-invalidité de courte durée qu'il propose représente une concession énorme aux yeux de nos membres. Nous croyons que ce n'est pas dans l'intérêt non plus du gouvernement fédéral et du public. Vous pouvez donc être certains que nous rejetons cette solution.

Nous voulons discuter avec le gouvernement afin de trouver de véritables solutions aux problèmes réels, mais nous n'en avons pas encore eu l'occasion.

Le sénateur Mockler : Vous affirmez avoir signé une entente de solidarité. Pourriez-vous nous dire ce qu'elle contient?

Mme Daviau : Nous avons convenu de travailler en collaboration. En bref, le gouvernement nous a soumis une trousse omnipotente qu'il compte imposer à chaque syndicat — qui porte sur le régime salarial, le congé de maladie et d'autres mesures qui font souvent partie de nos conventions collectives. Nous avons donc jugé que, pour nous protéger et éviter qu'un syndicat ne prenne des mesures qui pourraient avoir une incidence négative sur un autre, nous devions signer un pacte nous incitant à collaborer, à échanger et à discuter des solutions communes aux problèmes courants que nous rencontrons dans le cadre des négociations ou non, en tant que groupe de syndicats du secteur public fédéral.

Notre pacte porte sur notre regroupement de syndicats, et sur la façon dont nous pouvons travailler plus efficacement en synergie.

M. Aylward : Les travailleurs de la fonction publique fédérale sont représentés par 17 agents négociateurs. Il arrivait souvent auparavant dans les rondes de négociation qu'un agent négociateur fasse une concession, puis que cela devienne la norme. C'était comme des négociations types.

L'objectif de la signature du pacte était de mieux nous préparer à la présente ronde de négociations. Nous voulions que les 17 agents négociateurs échangent réellement pendant cette ronde pour éviter que le gouvernement ne divise pour mieux régner.

Mme Daviau : Ces syndicats représentent tant les travailleurs à l'entretien des bateaux des chantiers navals que les médecins de Santé Canada et de la Défense nationale. Un large éventail de groupes professionnels sont représentés.

Puisque l'Alliance de la Fonction publique du Canada, ou AFPC, représente aussi un groupe diversifié de travailleurs, je suis persuadée qu'elle trouve parfois difficile de s'organiser même à l'interne en raison des nombreuses divergences. Le pacte portait donc sur la façon dont nous pouvions nous organiser ensemble, compte tenu des différences majeures entre les groupes professionnels que nous représentons.

Le président : Pourriez-vous préciser quelles sont les 17 unités de négociation au sein de l'AFPC?

M. Aylward : Non; nous avons plutôt dit qu'il y a 17 agents négociateurs. L'AFPC en est un, et l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada en est un autre. Il y en a donc 17.

Mme Daviau : Certains d'entre nous n'ont qu'une table de négociation, et d'autres en ont plusieurs. Vous trouverez peut-être utile de savoir que nous avons passé 200 jours à la table. C'est le chiffre du ministre Clement. Il y a en fait 27 tables de négociation différentes dans la fonction publique fédérale. Si vous divisez ces 200 jours par 27, cela donne moins de 10 jours par table.

M. Aylward : Aussi, l'AFPC représente la vaste majorité des travailleurs. Une seule unité de négociation peut représenter 90 000 employés.

L'AFPC compte cinq tables de négociation. À titre d'agent négociateur, nous avons cinq tables de négociation avec le Conseil du Trésor, et chacune s'est réunie à cinq occasions. Nos rencontres durent du mardi au vendredi, mais généralement, nous ne voyons pas les représentants du Conseil du Trésor plus de deux ou trois heures pendant cette période.

Le président : Les termes « tables » et « unités » sont-ils interchangeables?

M. Aylward : Oui.

Le sénateur Mockler : J'aimerais tirer les choses au clair puisqu'une certaine confusion règne. Vous dites avoir conclu un pacte de solidarité suivant lequel vous ne devez faire aucune concession à la table de négociation.

Mme Daviau : C'est vous qui le dites.

Le sénateur Mockler : C'est ce que j'ai dit. En signant un tel pacte de solidarité, n'avez-vous pas compromis toute négociation équitable avec l'employeur?

Mme Daviau : Et pourquoi en serait-il ainsi? Les négociateurs du Conseil du Trésor collaborent tous ensemble de façon à soumettre la même trousse à chacune des 27 tables. Nous faisons essentiellement la même chose. Les 27 tables collaborent pour répondre la même chose à la trousse.

Le sénateur Mockler : Merci.

Mme Daviau : Nous adoptons une attitude défensive, en quelque sorte.

Le sénateur Wallace : Madame Daviau, j'ai cru vous entendre dire tout à l'heure que votre objection ne porte vraiment pas sur le congé de maladie ou les programmes d'invalidité. Elle est plutôt attribuable au fait que la section 20 du projet de loi C-59 impose une condition au processus de négociation collective. Voilà vraiment le cœur du problème. Vous dites être prête à contester les dispositions devant les tribunaux.

Est-ce exact? Nous ne parlons pas ici de la teneur des dispositions pour savoir si les modifications proposées amélioreront ou empireront la situation en cas de congé de maladie et d'invalidité. Ce n'est pas ce qui vous pose problème, mais plutôt l'imposition de restrictions au processus de négociation collective, n'est-ce pas?

Mme Daviau : C'est vrai. Mais comme je l'ai dit plus tôt, comprenez bien que la proposition sur le congé de maladie nous pose problème aussi. Nous sommes tout à fait disposés à nous asseoir à la table de négociation pour travailler sérieusement avec l'employeur dans le cadre d'un processus équitable. Ce n'est toutefois pas la raison de notre présence. Si nous sommes ici, c'est parce qu'il n'est jamais arrivé en 50 ou 60 années de négociations de nous retrouver dans une situation où le gouvernement croit bon de ne pas suivre la procédure pour parvenir à un résultat, et qu'il décide plutôt de prédéterminer l'issue des négociations en modifiant la loi. Voilà pourquoi la situation est si exceptionnelle. Ce n'est pas attribuable à l'objet des négociations.

Le sénateur Wallace : Je peux comprendre que ce ne soit pas une question sans importance à vos yeux. Je comprends parfaitement.

Cela reste à déterminer.

Si nous revenons à la teneur du projet de loi, le ministre est d'avis que le texte apporte une amélioration substantielle au congé de maladie et aux programmes d'invalidité, ce qui est dans l'intérêt des employés. C'est ce que le ministre pense.

Mme Daviau : Si c'est vrai, le ministre peut soumettre sa proposition à la table de négociation et discuter avec les syndicats qui représentent les travailleurs. Nos membres peuvent se prononcer sur les conventions collectives. Ce n'est pas tout. Depuis l'adoption du projet de loi C-4 modernisant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, l'employeur a désormais le droit d'imposer un vote à nos membres. Il pourrait donc nous dire en tout temps : « Vous ne savez pas ce que vos membres veulent, mais nous le savons puisque nous avons recueilli les commentaires de nos employés. Étant donné que nous savons ce qu'ils veulent, nous allons demander à vos membres s'ils acceptent nos propositions. » L'employeur a maintenant le droit d'agir ainsi en tout temps.

Le sénateur Wallace : Je comprends.

Mme Daviau : C'est la raison invoquée pour expliquer le besoin d'adopter des dispositions législatives visant à précipiter les choses, plutôt que de passer par les processus de négociation collective déjà en place — la négociation à la table, la conciliation, le droit de soumettre la proposition finale à nos membres, le droit de grève ou d'exercer des pressions au travail, et ainsi de suite. Tous ces éléments sont enchâssés dans la loi. Rien ne justifie de les éliminer pour permettre au gouvernement de faire ce qu'il tente d'accomplir, à savoir moderniser le régime de congés de maladie des employés de la fonction publique.

Le sénateur Wallace : Je comprends vos préoccupations relatives à la procédure. C'est on ne peut plus clair. Mais pour ce qui est du fond, ne convenez-vous pas que les modifications concrètes proposées ayant trait au congé de maladie et aux programmes d'invalidité pourraient bien améliorer le régime actuel?

Mme Daviau : Non, je ne suis pas du tout d'accord.

Le sénateur Wallace : Je croyais que vous ne vouliez pas vous prononcer là-dessus.

Mme Daviau : Pas devant votre comité. Si vous voulez parler franchement et que vous me posez la question, je dirai ne pas croire que la solution actuellement proposée par le gouvernement aux tables de négociations — et celle qu'il menace d'imposer au moyen du projet de loi d'exécution du budget — soit idéale pour nos membres, pour la fonction publique ou pour les Canadiens.

M. Aylward : Si nous examinons la proposition de plus près, nous constatons que le gouvernement souhaite essentiellement que ses employés aillent travailler lorsqu'ils sont malades, ou qu'ils restent à la maison et perdent de l'argent. Nous n'y voyons vraiment aucune amélioration du régime de congés de maladie.

Le sénateur Wallace : Je comprends, et les ministres voient les choses quelque peu différemment.

Mme Daviau : Nous sommes habitués.

Le président : Nous remercions les représentants de l'Alliance de la Fonction publique du Canada et de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada. Vous nous avez expliqué vos préoccupations principales et secondaires, ce qui nous est fort utile. Merci d'avoir pris le temps de venir comparaître.

Mme Daviau : Nous vous remercions de nous avoir accueillis.

Le président : La séance tire à sa fin, mais je tenais à rappeler aux sénateurs que nous nous reverrons ce soir pour examiner la section 18 de la partie 3 du projet de loi, qui se rapporte à la Loi sur l'abolition du registre des armes d'épaule. La commissaire à l'information comparaîtra environ une demi-heure, après quoi les représentants de la GRC expliqueront leur point de vue.

Je présume que c'est ce qui marquera la fin des témoignages de l'extérieur relativement au projet de loi C-59.

Nous recevrons demain les présidents des comités auxquels nous avons renvoyé des parties du projet de loi, qui viendront nous expliquer leur analyse. Voilà qui devrait conclure notre étude du projet de loi C-59. Nous tenterons ensuite de préparer le rapport en attendant l'arrivée du projet de loi. C'est tout pour cet après-midi.

(La séance est levée.)


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