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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 16 - Témoignages du 23 avril 2015


OTTAWA, le jeudi 23 avril 2015

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 8 h 2, pour étudier, pour en faire rapport, la façon dont les mandats et les méthodes de l'UNHCR et de l'UNICEF ont évolué pour répondre aux besoins des enfants déplacés dans les situations de conflits contemporains, en prêtant une attention particulière à la crise qui secoue actuellement la Syrie.

La sénatrice Mobina S. B. Jaffer (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, bienvenue à la 29e réunion du Comité sénatorial permanent des droits de la personne de la deuxième session de la 41e législature.

[Français]

Le Sénat a confié à notre comité le mandat d'examiner les questions liées aux droits de la personne au Canada et à l'étranger.

Je m'appelle Mobina Jaffer, je suis la présidente de ce comité, et j'ai l'honneur de vous souhaiter la bienvenue à cette réunion.

[Traduction]

Avant de poursuivre, j'aimerais demander à mes collègues de se présenter, en commençant par la vice-présidente.

La sénatrice Ataullahjan : Salma Ataullahjan, de l'Ontario.

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de Toronto.

La sénatrice Nancy Ruth : Nancy Ruth, de Toronto.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.

La sénatrice Andreychuk : Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan.

La présidente : Le 6 mai 2014, le Sénat a adopté l'ordre de renvoi suivant : Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à étudier, pour en faire rapport, la façon dont les mandats et les méthodes du HCR et de l'UNICEF ont évolué pour répondre aux besoins des enfants déplacés dans les situations de conflits contemporains, en prêtant une attention particulière à la crise qui secoue actuellement la Syrie.

[Français]

Le conflit syrien a donné lieu à l'une des crises humanitaires et de réfugiés les plus effroyables de l'histoire moderne. Ce qui est particulièrement alarmant, ce sont les conséquences de cette situation sur les enfants.

On évalue à 3 millions le nombre d'enfants déplacés à l'intérieur des frontières syriennes, et à 1,2 million le nombre d'enfants réfugiés à l'étranger. Des millions d'enfants ne vont plus à l'école, sont séparés de leur famille et ont besoin de protection et de soins médicaux, tant physiques que psychologiques.

Les enfants déplacés sont aussi particulièrement menacés par la pauvreté, la maltraitance, la négligence, la violence, l'exploitation, le trafic, les mariages forcés et l'enrôlement contre leur gré dans des groupes armés.

[Traduction]

Le Canada est un important bailleur de fonds du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et du Fonds des Nations Unies pour l'enfance. Ces deux organismes travaillent sur le terrain et viennent au secours de millions de Syriens touchés par ce conflit.

Ces organismes ont dû recourir à leurs ressources limitées afin de répondre aux besoins humanitaires en évolution découlant d'un conflit contemporain prolongé. Par conséquent, leurs mandats et leurs méthodes ont dû évoluer également. Nous étudions donc l'évolution de ces mandats.

J'aimerais accueillir nos premiers témoins; ils comparaissent tous deux par vidéoconférence. Nous entendrons donc Mme Maggie Black, historienne de l'UNICEF, et M. Martin Barber, membre honoraire, Université d'Édimbourg et ancien directeur, Service de la lutte antimines des Nations Unies.

Nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous sommes reconnaissants de prendre le temps de nous parler de ces mandats. D'après ce que je comprends, vous livrerez chacun un exposé.

Monsieur Barber, pourriez-vous commencer?

Martin Barber, membre honoraire, Université d'Édimbourg et ancien directeur, Service de la lutte antimines des Nations Unies, à titre personnel : Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à vous parler aujourd'hui. Je devrais peut-être préciser que, au cours de ma carrière au sein de l'ONU, j'ai travaillé avec des réfugiés en Asie du Sud-Est et en Grande-Bretagne relativement à la coordination de l'aide humanitaire, à la fois sur le terrain et sur les questions stratégiques au siège des Nations Unies, à New York. J'ai également mené quelques activités de maintien de la paix, comme vous l'avez dit, c'est-à-dire dans le service de la lutte antimines.

J'ai eu le privilège de mener une carrière très diversifiée, et à l'issue de cette carrière, je me suis dit que je devrais en écrire une partie. J'ai donc récemment publié mes mémoires.

L'écriture de mes mémoires m'a poussé à mener une réflexion approfondie sur mes expériences. J'en ai tiré deux principales conclusions. La première, c'est que tous ceux qui étudient les situations d'urgence humanitaire ont leur propre point de vue, et très souvent, ce point de vue peut empêcher de voir ce qui se passe vraiment.

La deuxième, c'est que nous ne remettons pas souvent en question les choses au niveau institutionnel. Par exemple, si vous étiez en Syrie et que vous étiez témoin du nombre extraordinaire de différents organismes de l'ONU qui apparaissent pour vous aider de différentes façons, et du grand nombre d'ONG qui souhaitent vous aider, vous pourriez penser que la communauté internationale est plutôt dysfonctionnelle.

Je pense qu'il est important d'être prêts à remettre en question nos idées préconçues et nos perceptions. Dans cette perspective, je tenais à préciser que j'ai lu avec beaucoup d'intérêt la transcription de vos discussions avec M. Oestreich et M. McBride, car je crois qu'ils ont abordé un grand nombre de points très importants. J'aimerais donc faire valoir quatre points aujourd'hui.

Tout d'abord, dans les situations de conflit, les éléments primordiaux du corpus du droit international sont le droit international humanitaire, les Conventions de Genève de 1949 et les protocoles de 1977. En ce qui concerne l'aide humanitaire qui sera fournie par les organismes des Nations Unies et d'autres organismes internationaux, le principe humanitaire le plus important est l'impartialité. Je sais que la notion de neutralité a souvent été mentionnée lorsque vous avez parlé à ces deux messieurs, et c'est également important, mais dans le cadre de la prestation de l'aide internationale, on se concentre surtout sur l'impartialité. Cela signifie que les organismes des Nations Unies ne devraient pas fournir de l'aide aux gens qui vivent dans une région d'un pays s'ils ne peuvent pas fournir de l'aide aux gens qui vivent dans d'autres régions de ce pays. Je serai heureux d'approfondir ce point plus tard, si vous le souhaitez.

Deuxièmement, très souvent, les gens de la population du pays sont mieux placés pour fournir de l'aide à leurs compatriotes que les donateurs de l'extérieur. L'idéal serait que nous les appuyions plus souvent à cet égard.

Toutefois, récemment, ces efforts se sont heurtés à des exigences administratives compréhensibles auxquelles sont soumis les donateurs. Par exemple, il y a environ deux semaines, je parlais avec des membres de la diaspora syrienne au Royaume-Uni qui ont créé plusieurs organismes de secours qui peuvent facilement entrer dans le pays, mais ils ne peuvent pas obtenir de financement de sources gouvernementales, car ils ne peuvent pas présenter trois années de comptes vérifiés aux donateurs. Donc, parfois, il y a un manque de cohérence entre les règles visant à gérer nos fonds et les gens qui seraient les mieux placés pour les utiliser de manière efficace.

Troisièmement, comme vos derniers témoins vous l'ont dit, on a déployé des efforts considérables pour améliorer la coordination de l'action humanitaire internationale. Je crois que cela a produit plusieurs améliorations importantes, mais à mon avis, cela a aussi entraîné une conséquence imprévue importante, et c'est la tendance à politiser la prestation d'aide humanitaire de l'ONU.

La dernière fois, vous avez parlé de l'UNICEF et de la négociation d'un accès et d'ententes avec différentes parties prenantes au conflit. Toutefois, dans la plupart des crises contemporaines, l'UNICEF travaille au sein du Comité permanent interorganisations et sous la coordination globale du Coordonnateur des secours d'urgence. Le Coordonnateur des secours d'urgence se trouve à New York et relève directement du secrétaire général des Nations Unies. Il est raisonnable de penser que, ces dernières années, ce système est plus ouvert à l'approche politisée.

Enfin, à mon avis, le droit international des réfugiés, qui est très important pour les Syriens qui ont fui dans des pays voisins, ne remplit pas ses fonctions adéquatement. Je défends ce point de vue depuis maintenant 30 ans, et il y a 30 ans, mes collègues ne comprenaient pas ce que je disais et me répondaient que ce n'était pas vrai. Maintenant, lorsque je défends ce point de vue, les gens m'écoutent un peu plus attentivement.

Pour être plus précis, le protocole de 1967 a transformé le droit de chercher asile, un droit prévu par la Déclaration universelle des droits de l'homme, en droit de chercher asile dans le pays de son choix. Il me semble encore une fois que cette universalisation du droit de chercher asile, qui est très louable, a entraîné des conséquences fâcheuses et imprévues, et nous pouvons maintenant observer ses effets dans la région méditerranéenne. Une partie — et je répète qu'il s'agit seulement d'une partie — des raisons qui expliquent les difficultés éprouvées par l'Europe dans la gestion de cette crise, c'est que les réfugiés de n'importe quel pays du monde ont le droit de demander asile dans n'importe quel pays signataire de la convention.

Ces brefs commentaires raviveront peut-être votre réflexion.

La présidente : Nous vous remercions beaucoup de votre exposé.

Nous entendrons maintenant le prochain témoin, Mme Black.

Maggie Black, historienne de l'UNICEF, à titre personnel : Bonjour. Je suis ici, car je suis l'auteure de deux histoires de l'UNICEF, dont l'une a été publiée à l'occasion du 40e anniversaire de l'organisme et l'autre, à l'occasion de son 50e anniversaire. La deuxième a donc été publiée en 1996.

Je continue d'écrire pour l'UNICEF, et j'ai agi à titre de consultante jusqu'en 2011, mais je ne connais pas grand- chose au sujet de la crise en Syrie. Ce que je connais bien, c'est la genèse, si l'on peut dire, de l'UNICEF et son mandat humanitaire, le travail que l'organisme a accompli pendant des décennies lors de situations d'urgence internationales, que ce soit en cas de conflit ou de catastrophe naturelle, et les principes, l'expérience, et les autres éléments sur lesquels se fondent tous ses efforts. J'aimerais également formuler quelques observations sur la situation contemporaine en général et ces observations sont liées aux commentaires formulés par le témoin précédent.

J'aimerais tout d'abord parler un peu de la genèse du travail de l'UNICEF et de la façon dont l'organisme a rempli son mandat humanitaire au fil du temps.

L'UNICEF a été créé après la Seconde Guerre mondiale, car les États-Unis et les Alliés occidentaux ne continuaient pas de fournir de l'aide par le mécanisme de l'ONU — le premier mécanisme de l'ONU, c'est-à-dire l'administration des secours — aux pays de l'Europe de l'Est. Donc le résidu, si l'on peut dire, de l'UNRRA a été intégré à ce nouvel organisme, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance, l'ICEF. C'était un organisme temporaire qui servait à mener des opérations de secours d'urgence, à nourrir les enfants et à fournir des soins de santé dans les pays d'Europe de l'Est.

La notion de ce qu'on appelle la neutralité ou l'impartialité humanitaire est le fondement de l'UNICEF. Le premier directeur général et la résolution initiale sur laquelle se fonde l'organisme ont soutenu depuis le tout début qu'aucun enfant ne sera considéré comme étant un ennemi. Toute aide fournie devait être non discriminatoire, peu importe l'allégeance, et c'est le type de langage qu'on retrouvera plus tard dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. C'est très important. De plus, dès le début, l'UNICEF a travaillé avec les deux parties qui se livraient une guerre civile en Grèce, en Chine, au Nigeria, et cetera.

Étant donné qu'il considère que les enfants sont au-dessus des différends politiques — c'est un principe de l'existence de l'UNICEF —, l'UNICEF était, involontairement, un peu comme un cheval de Troie dans le système de l'ONU, car au début, il pouvait être utilisé pour contourner le principe de souveraineté. Cela signifiait qu'on pouvait alléguer que le dirigeant d'un pays comme le Nigeria devrait permettre, en pleine guerre civile — étant donné que la vie des enfants devait être protégée et sauvée —, à l'UNICEF, même s'il fait partie de l'ONU, de traverser les lignes ennemies pour distribuer de l'aide aux enfants de l'autre côté.

Nous n'avons pas parlé de cela; l'UNICEF ne l'a pas crié sur tous les toits, car autrement, cela pourrait être remis en question. D'une certaine façon, c'était une violation du principe de souveraineté. J'y reviendrai un peu plus tard.

Il est important de comprendre que même si, en principe, l'ONU pouvait seulement faire affaire avec des chefs de gouvernement reconnus et ne pouvait pas faire affaire avec des seigneurs de la guerre ou des indépendantistes, l'UNICEF était en mesure d'y arriver. En effet, l'organisme a travaillé de l'autre côté de la guerre du Vietnam; c'était l'organisme responsable de l'ONU, comme on le disait à l'époque, dans le cadre du programme d'aide au Cambodge en 1979. Cela s'est poursuivi jusqu'à la fin des années 1980.

Le deuxième élément important en ce qui concerne les origines et la création de l'UNICEF, c'est que c'était un organisme d'aide aux programmes de prestation d'aide matérielle et de livraison d'approvisionnements. Si on fait abstraction de la question de la participation du HCR, le Programme alimentaire mondial distribue également de la nourriture. À l'exception de ces organismes, l'UNICEF est le seul organisme de l'ONU de nature générale qui participe aux activités de développement qui, par leur nature, vise à distribuer du matériel d'aide.

Durant les premières années d'existence de l'UNICEF, on présumait que cela signifiait que l'organisme avait une vocation purement humanitaire. Il distribuait des biens, et c'était un type d'organisme de distribution.

Très rapidement, on s'est rendu compte qu'on pouvait également aider la condition humaine en général, par exemple par l'entremise des campagnes de lutte contre les maladies, qui ont caractérisé les années 1950, et les programmes d'alimentation. Lorsque la notion de l'aide au développement, de l'aide au monde postcolonial, a émergé, il est devenu évident que de l'aide matérielle pourrait être distribuée aux populations qui ne se trouvaient pas dans une situation d'urgence. Ce n'était pas une opération de secours, car ces gens souffraient, de façon générale, de problèmes de santé, de mauvaise alimentation, de sous-alimentation, de la famine, de problèmes d'approvisionnement en eau et en équipement sanitaire; bref, on retrouvait toute la gamme des problèmes liés à la misère sociale.

Le rôle qu'il joue en matière de distribution de l'aide matérielle est demeuré la principale caractéristique de l'organisme depuis qu'il a assumé, dans les années 1960, un rôle de développement. Et ce rôle de développement n'est pas un rôle économique; il s'agit manifestement d'un rôle social.

Par exemple, dans les années 1960, l'UNICEF a grandement contribué aux efforts déployés pour éradiquer la malaria. Lorsqu'on distribue de l'aide matérielle, on ne la distribue pas seulement au ministère en question, qu'il s'agisse du ministère de la Santé, de l'Agriculture ou de l'Éducation. Manifestement, il faut vérifier si l'aide se rend aux endroits prévus.

Par définition, on envoie un nombre considérable d'employés dans les bureaux sur le terrain dans les pays concernés. Des employés sont chargés de se rendre sur place pour favoriser le développement de programmes, de systèmes logistiques, de méthodes de transport et de chaînes d'approvisionnement, et de veiller à la protection des approvisionnements au bout de la chaîne et de tous les mécanismes qui permettent l'exécution des programmes d'aide et la distribution de l'aide matérielle.

Encore une fois, en règle générale, et non dans une situation d'urgence, mais dans un contexte de développement général, au sein du système de l'ONU, l'UNICEF a la caractéristique unique d'avoir des bureaux nationaux et des bureaux sous-nationaux dans un grand nombre de grands pays, par exemple le Nigeria, l'Inde ou le Brésil, dans lesquels ils mènent des activités concrètes. Ils ne mènent pas ces activités concrètes directement sur le terrain, mais au niveau d'un conseil de district en ce qui concerne les programmes de développement, la distribution de l'aide, la conception de programmes d'aide, le perfectionnement des compétences des membres du personnel, l'aide pour trouver les ONG appropriées et l'aide pour mettre sur pied les ONG qui peuvent accomplir le travail concret sur le terrain.

Ainsi, j'aimerais souligner que, au sein du système de l'ONU, nous aimons penser que les organismes de l'ONU sont similaires, mais ce n'est pas le cas. Certains d'entre eux offrent des services de consultation technique, comme des départements universitaires. Ils offrent une expertise très pointue. Ce sont des spécialistes des chiffres. Ils font toutes sortes de choses très utiles, mais l'UNICEF est unique, car il s'agit d'un organisme qui exécute les programmes de distribution de l'aide matérielle.

Lorsque nous fournissons de l'aide pendant une crise humanitaire, il y a habituellement un grand nombre de bureaux nationaux déjà établis sur le terrain. Dans un pays comme la Syrie, il ne s'agirait pas d'un gros bureau national, mais d'un bureau national employant plusieurs employés du pays — et pas seulement des employés internationaux — et des employés locaux.

Je me souviens que lorsqu'un énorme ouragan a inondé toute la côte du Myanmar, le gouvernement du pays a déclaré qu'aucun organisme d'aide ne pouvait entrer au pays. Toutefois, l'UNICEF est déjà présent sur le terrain. L'organisme disposait d'un grand nombre d'employés et d'une énorme capacité, et d'un réseau de contacts avec les ONG et les représentants des gouvernements.

Il faut reconnaître que même la capacité d'exécution de programmes, les connaissances ou d'autres compétences du PNUD ne se comparent pas à l'UNICEF.

J'aimerais également souligner que dans le cas de situations très délicates — manifestement, la Syrie est dans cette catégorie, ainsi qu'un grand nombre de situations urgentes récentes —, l'UNICEF a souvent des personnes sur le terrain qui réussissent à négocier avec les seigneurs de la guerre. Ces personnes ont réussi à convaincre des gens en Somalie, au Soudan et dans le Sud du Sénégal. J'ai d'ailleurs été témoin de leurs efforts dans le Sud du Sénégal. Ces gens ont réussi à convaincre les chefs des rebelles que les enfants devaient être sauvés, nourris et aidés, et que tout le monde pouvait participer à ces efforts.

Ce droit à la survie, comme vous dites, est un appel à la pitié et à la compassion. Cet appel, que les gens sur place savent et peuvent faire a constitué la contribution invisible de l'UNICEF à ses opérations de secours.

Je pense, et cela recoupe le témoignage précédent, que l'idée de rassembler toutes les organisations de l'ONU sous une même égide, que ce soit pour le développement ou l'aide humanitaire, comportait un grave danger. Et le témoin précédent a dit que l'aide militaire s'est politisée, à cause, en partie, de la coordination, qui a donné une dimension encore jamais vue aux opérations humanitaires. Ni pour moi ni pour beaucoup d'entre nous dans les opérations humanitaires ou celles de développement pour l'être humain, ce n'était imprévu : c'était totalement prévisible.

Le jour où le secrétaire général a publié son Agenda pour la paix, dans lequel on préconisait l'unification des opérations militaires, de l'effort humanitaire et de la coordination, dès ce moment-là, le principe central des opérations humanitaires — qui devraient toujours être indissociables de la neutralité, de l'impartialité, puisqu'elles visent seulement à aider les enfants, à sauver les enfants pour des motifs de compassion —, dès ce moment-là, ce principe a été contaminé.

Par la suite, nous avons vu le résultat dévastateur de l'emploi de vaccinateurs au Pakistan pour arriver jusqu'à Oussama Ben Laden : l'assassinat de 80 des nôtres.

Impossible de revenir en arrière, je le sais, de retourner à l'époque où un agent de l'UNICEF pouvait en appeler, pour cette seule organisation, aux meilleurs sentiments d'un seigneur de guerre, contre une promesse de discrétion, pour la livraison de trois camions de denrées, le lendemain, pour les enfants qui dépendent de lui.

Je regrette seulement que certains donneurs aient pensé que ce beau mécanisme de coordination était plus important que de permettre à l'individualité, à la créativité de s'exprimer. Si vous voulez, il faut même une structure légèrement anarchique pour donner lieu à la possibilité d'aider plus de gens.

Comme mes remarques sembleront peut-être provocatrices, je pense qu'il est mieux de m'arrêter ici.

La présidente : Merci beaucoup pour vos observations, madame Black.

Je vais poser la première question, si vous permettez. Monsieur Barber, vous avez parlé d'impartialité, et je vous saurais gré de nous en dire plus sur cette motion.

M. Barber : Oui. Merci beaucoup. J'ai été mêlé de très près au programme d'aide à l'Afghanistan. Si vous vous rappelez, pendant la guerre là-bas, dans les années 1980, l'ONU n'a pas fourni d'aide humanitaire dans ce pays, essentiellement faute de pouvoir le faire en toute impartialité. Ensuite, après les accords de Genève de 1988, Sadruddin Aga Khan, qui avait été nommé coordonnateur des opérations humanitaires en Afghanistan, a négocié ce qu'il a appelé le consensus humanitaire : le gouvernement, à Kaboul, autorisait les Nations Unies à accorder son assistance à toutes les régions du pays : depuis le Pakistan et l'Iran; depuis le nord, l'Union soviétique d'alors; ou depuis les villes contrôlées par l'État vers les zones rurales contrôlées par les moudjahiddin.

Après avoir négocié ces conditions avec le président, à Kaboul, Sadruddin a négocié les mêmes avec les chefs des partis d'opposition, les groupes de moudjahiddin. J'ai participé directement à la gestion de ces opérations pendant un certain nombre d'années et, jusqu'à l'effondrement du régime de Najibullah, à Kaboul, en 1992, ces accords ont assez bien fonctionné, et nous avons été en mesure d'accorder notre assistance à tous les côtés dans le conflit.

Vous pourrez dire que, en Syrie, la situation n'est pas la même, et vous aurez raison. Il n'y a pas deux situations pareilles. Mais si on considère celle de l'ONU en 2011-2012, ses organismes ont commencé à fournir de l'aide humanitaire dans les régions contrôlées par le gouvernement et, dans une certaine mesure, avec l'aide du Croissant- Rouge syro-arabe, à quelques autres parties du pays qui étaient accessibles à cette organisation. Mais l'ONU l'a fait dans l'hypothèse qu'elle pouvait négocier son accès à d'autres régions contrôlées par l'opposition.

Cette supposition s'est révélée erronée. En effet, le président el-Assad a, comme il est décrit dans les conventions de Genève, refusé arbitrairement d'accorder aux organismes de l'ONU l'autorisation de fournir une aide impartiale à tous les belligérants du pays.

Je pense que, dans ces circonstances, l'ONU et le Comité international de la Croix-Rouge, assujettis aux règles des conventions de Genève, auraient dû cesser leur aide humanitaire en Syrie. Cette affirmation peut sembler très étrange — que l'ONU décide de ne pas fournir une aide qui fait cruellement défaut —, mais je pense qu'il faut se rappeler que, en accordant son aide à un seul côté, on amplifie sa légitimité, en risquant de se faire accuser de l'aider, en nourrissant sa population, pendant qu'on néglige l'autre côté.

Bien sûr, aucun des organismes de l'ONU ne cherchait ce résultat, mais je pense qu'on n'aurait dû éviter de le produire, comme alors et comme cela arrive encore. Je crois que l'impartialité apparente de l'ONU en a pris pour son rhume dans le monde, pas seulement en Syrie.

La présidente : Merci beaucoup pour l'explication. La parole est maintenant à la vice-présidente, la sénatrice Ataullahjan.

Mme Black : Puis-je revenir un moment en arrière, madame la présidente. Je voudrais ajouter que l'UNICEF était présent en Afghanistan pendant toutes les années 1980, sous chacun des régimes, y compris pour des campagnes d'immunisation, derrière les deux fronts. Je tenais seulement à le souligner.

Il ne fait pas partie des Nations Unies de la façon qui a été décrite. Il en est séparé d'une façon qui n'a pas été décrite. Merci beaucoup.

La sénatrice Ataullahjan : Bonjour. Merci pour vos exposés.

Monsieur Barber, vous qui connaissez si bien les opérations de l'ONU, diriez-vous qu'il existe globalement de la coopération et de la cohésion entre l'UNICEF et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le HCR?

De plus, vu les événements récents, dans le monde et en Europe, pensez-vous que l'UNICEF et le HCR doivent changer leurs méthodes de fonctionnement? Leurs missions doivent-elles changer?

M. Barber : Inévitablement, la cohésion entre les deux varie en fonction de la situation. Comme vos témoins l'ont fait remarquer, à la dernière séance, les représentants de l'UNICEF jouissent d'une autorité désignée considérable pour la gestion de leurs programmes. Il est naturel que, dans certaines situations, la coordination, la coopération et la cohésion entre les organismes soient meilleures que dans d'autres.

En ce qui concerne les missions, je laisse à Mme Black le soin de parler de celle de l'UNICEF, mais, pour le HCR, cela revient à ce que je disais sur le droit international des réfugiés : peut-être que le prochain haut-commissaire pourrait se charger d'examiner d'une manière plus exhaustive les situations dans lesquelles se trouvent les réfugiés.

Il est intéressant de noter qu'il existe un haut-commissaire aux réfugiés mais pas aux situations des réfugiés. Il est absolument essentiel que les réfugiés aient un défenseur, parce qu'ils se sont soustraits à la protection de leur propre gouvernement. Le haut-commissaire aux réfugiés parle donc en leur nom. C'est indéniable. Mais nous omettons souvent d'examiner les conséquences de leurs mouvements pour les personnes laissées derrière, les habitants des camps de réfugiés, quand certains essaient de fuir plus loin, de traverser la Méditerranée, de se rendre en Europe, et cetera.

Ce sont des situations très complexes. Je dois dire que je voudrais qu'un haut-commissaire ou un autre représentant donne au monde un aperçu plus complet des conséquences, pour les tiers, des mouvements de réfugiés.

Voici, la première responsabilité du haut-commissaire, si vous voulez, est de s'assurer que personne n'est forcé de retourner dans son pays d'origine contre sa volonté. C'est comme au foot, au soccer, où les juges de ligne sifflent les hors-jeu, mais qu'aucun arbitre n'a une vue d'ensemble du terrain. Je voudrais qu'un haut-commissaire ou un autre responsable examine de façon générale les conséquences des déplacements de réfugiés.

La sénatrice Ataullahjan : Monsieur Barber, si vous pouviez modifier les méthodes de l'UNICEF, quelles seraient vos priorités?

M. Barber : Compte tenu des propos de Mme Black, je pense que nous sommes dans un dilemme, parce que, d'un côté, il est extrêmement difficile pour des pays en situation d'urgence de s'occuper séparément de 5 ou de 10 organismes de l'ONU et de centaines d'ONG, chacune ayant sa mission à remplir.

À un niveau, je tiendrais à une plus forte coordination et intégration dans le système de l'ONU. Mais cela revient, comme elle l'a dit et comme je l'ai aussi dit, à risquer de politiser l'aide.

Je pense qu'elle a très bien présenté l'argument pour un traitement différent de l'UNICEF par rapport au reste du système de l'ONU. Bien sûr, comme, on se le rappellera, l'UNICEF est chargé des enfants et aussi des mères et des enfants, certains pourraient dire que sa mission est partielle, qu'elle n'englobe pas toutes les victimes d'un conflit.

L'UNICEF a très souvent travaillé en partenariat avec le Programme alimentaire mondial, qui fournit de la nourriture. Dans ce cas, on a besoin de deux organisations. Qu'en est-il ensuite de l'asile? Devrait-il être accordé par le HCR ou l'OIM, l'Organisation internationale pour les migrations? On se bute donc au problème de ce que l'UNICEF et tous les autres devraient fournir. Il est très difficile de revenir en arrière, mais peut-être, grâce au Sommet humanitaire mondial qui aura lieu l'année prochaine, on pourra réfléchir de façon plus radicale à la meilleure méthode à suivre dorénavant.

J'hésiterais, personnellement, à faire des propositions précises sur la mission de l'UNICEF, mais je tenais seulement à faire remarquer dans quelles conditions il doit travailler actuellement.

La sénatrice Eaton : Merci beaucoup. Vous nous avez donné amplement matière à réflexion.

Monsieur Barber, lorsque nous parlons de l'ONU et de l'UNICEF, n'est-ce pas que leurs problèmes découlent du fait que ces organismes ont été créés il y a de nombreuses années, quand le monde était très différent? Et l'ONU, je me souviens, alors que j'étais enfant, avait une influence politique énorme. Il semble que, au cours de la dernière décennie, à peu près, elle en a beaucoup perdu, qu'on songe à elle presque en dernier recours ou après avoir hésité. Qu'en pensez- vous?

De plus, je pense que nous ne sommes pas habitués à la situation actuelle des réfugiés au Moyen-Orient, et l'Afrique du Nord semble s'inviter, vu les morts horribles survenues cette semaine. On peut comprendre les pays européens aux prises avec leurs propres problèmes de chômage et leurs malheurs économiques. Peuvent-ils accueillir de 50 000 à 60 000 personnes d'une culture peut-être très différente? Quel problème! Qu'en pensez-vous aussi? Vous avez aussi parlé d'asile, de son universalité et de ce que cela signifie.

M. Barber : En ce qui concerne l'influence politique des Nations Unies, j'étais à l'administration centrale de l'organisation pendant la plus grande partie du premier mandat de Kofi Annan, et je dois avouer que, à l'époque, j'ai senti qu'elle était considérable, tout comme la hauteur de sa réputation. C'était en partie attribuable à la fin de la guerre froide et, en partie, à la personnalité de Kofi Annan et à sa connaissance du système de l'ONU. Malheureusement, la guerre en Irak, en 2003, et les scandales ultérieurs lui ont fait perdre son lustre, un lustre qu'elle n'a pas vraiment retrouvé.

Les guerres en Irak et en Afghanistan n'ont pas seulement causé de gros problèmes à l'ONU; elles lui ont causé de terribles pertes de personnel, qui ont conduit à des consignes très rigoureuses de sécurité, ce qui signifie qu'il est beaucoup plus difficile pour le personnel international de l'ONU de se déplacer, de travailler et de rencontrer les gens dans beaucoup de situations dangereuses que nous connaissons maintenant. Dans certaines des pires situations, ces agents sont essentiellement confinés derrière une enceinte, et, d'après moi, ce confinement ne vaut pas la peine.

Relativement au régime d'asile et aux situations qui existent en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et en Europe, une prudence extrême s'impose, parce que ces situations très complexes convergent, chaque fois, vers des tragédies.

J'étais en Asie du Sud-Est, pendant la crise des boat people et, en consultant récemment les statistiques, je me suis rendu compte que le HCR estime que peut-être plus de 200 000 Vietnamiens sont morts noyés entre 1975 et 1995, en essayant de s'échapper de leur pays pour gagner l'un des pays voisins. Peut-être que 800 000 ont réussi. Ce qui veut dire qu'un Vietnamien sur cinq ou sur quatre y a laissé sa peau. La crise a duré de nombreuses années et c'était une simple crise, parce que les réfugiés venaient d'un seul pays. Maintenant, les réfugiés partent de plusieurs pays, et certains d'entre eux sont vraiment des réfugiés tandis que d'autres, visiblement, sont seulement des migrants économiques. Les deux catégories se retrouvent mêlées les unes aux autres dans les bateaux libyens, mais certains d'entre eux connaissent le même sort tragique dans la Méditerranée.

D'après moi, il faut que nous séparions ces deux questions, intellectuellement, dans notre planification et notre réflexion, que nous revenions aux sources des problèmes et voyions ce que nous pouvons faire, pour d'abord réguler la migration légale qui provient de certains des pays d'où les gens migrent illégalement, puis appuyer beaucoup mieux les réfugiés qui se trouvent en Jordanie, au Liban et en Turquie.

J'y pense tout d'un coup. Vous vous rendez compte que la plupart des principaux pays qui reçoivent les réfugiés, Jordanie, Liban, Pakistan, n'ont jamais signé les conventions de l'ONU sur les réfugiés. Peut-être que ce n'est pas rigoureusement pertinent pour la situation actuelle, mais les solutions à ces problèmes nous ne les trouverons vraiment jamais à partir de l'endroit où nous sommes; nous devrons nous rendre là-bas, où les réfugiés se trouvent, et commencer à y réfléchir là-bas.

La sénatrice Andreychuk : J'allais suivre le fil des observations de ma collègue Ataullahjan, mais la discussion semble avoir légèrement bifurqué, particulièrement en raison de vos réponses, monsieur Barber. Vous avez fait un certain nombre d'affirmations dans votre déclaration préliminaire, mais, maintenant, vous vous expliquez. Essentiellement, j'en déduis que nous vivons dans une société beaucoup plus complexe, beaucoup plus mobile. Au début, les réfugiés venaient de pays voisins, et nous donnions toute l'aide officieuse que nous pouvions donner. Nous l'avons officialisé dans une certaine mesure, mais, chaque fois, nous nous retrouvons en train de dire que c'est une situation unique, différente, plus complexe et que nous devons y trouver des réponses.

Il me semble qu'il n'existe pas de réponses simples à ces questions. Soit notre réaction convient aux mécanismes actuels, soit nous devons être capables de mieux prévoir et de chercher d'abord, comme vous l'avez fait remarquer, à prévenir, sans cesser, non plus, de réagir. Est-ce que les organismes devraient être plus souples? Je pense que c'est la qualité que nous recherchons dans cette étude.

J'aimerais vous entendre à ce sujet, si vous avez des observations à faire.

M. Barber : Je suis absolument d'accord. Vous décrivez très bien notre situation et la méthode que nous devons appliquer.

Mme Black souhaite peut-être intervenir elle aussi à propos de ces questions.

Mme Black : Oui. Je vous remercie, monsieur Barber.

J'aimerais revenir à la question de l'influence de l'ONU. En fait, l'ONU est la somme de ses parties, et son influence dépend grandement de la mesure dans laquelle ses grands donateurs font appel et veulent faire appel à ses services. Je conviens qu'elle a perdu une partie de son pouvoir depuis la guerre en Irak, pour toutes sortes de raisons. C'est peut- être en partie parce que les gens n'ont pas voulu faire appel à elle. Par exemple, la stratégie américaine est allée de l'avant sans le concours de l'ONU.

Il faut également tenir compte de la tendance à la mondialisation, à la réduction des services gouvernementaux et à la diminution du rôle rempli par la fonction publique. Cette tendance a légèrement fait obstacle au rôle de l'ONU sur le plan de l'aide internationale, que ce soit dans le contexte du développement, des réfugiés ou de l'aide humanitaire.

Je tiens à préciser que les fonds mondiaux d'envergure de Bill Gates et de Bill Clinton ont été créés dans cette période, depuis la mise en place des Objectifs du Millénaire pour le développement, qui a été un volet essentiel de l'ONU à compter de 2000, et qui a mis l'accent sur la pauvreté; ce n'est pas ce dont nous parlons ici. Or, les fonds de Clinton et de Gates ont été créés surtout dans le but d'offrir des traitements contre le VIH, la tuberculose, la malaria, et ainsi de suite — il s'agit donc encore une fois d'une aide matérielle. Je ne donne cet exemple que pour illustrer qu'il existe vraiment une différence, selon moi, entre les organismes de l'ONU qui conçoivent des lois internationales, qui apportent un savoir-faire technique, qui examinent les accords de coopération, et ainsi de suite, et les organismes qui peuvent livrer des marchandises sur le terrain, et qui en ont le mandat.

Pour ce qui est du mandat de l'UNICEF, je peux seulement dire que j'ignore comment on réussirait à mettre l'UNICEF sur pied aujourd'hui, et je pense que c'est à nos risques et périls que nous tenterions de revoir son mandat. J'espère que le mandat de l'UNICEF et des autres organismes humanitaires de l'ONU pourra être protégé en toutes circonstances, car ces organismes représentent vraiment le désir de la communauté internationale de faire le bien dans le monde et de sauver des vies. Je pense que leur feuille de route est tout à fait louable, même si nous sommes parfois désespérés et voudrions en faire plus. Il est vrai que le chaos peut s'installer en situation d'urgence humanitaire, mais c'est parce que la région a été complètement perturbée.

Nous devrions bel et bien coordonner nos interventions humanitaires, mais pas au risque d'empêcher un organisme de faire de son mieux et d'employer les personnes les plus compétentes de la meilleure façon possible. Comme vous l'avez dit, il faut une combinaison de flexibilité, qui est une qualité fort importante, de mandats de protection de la population, et de coordination globale, dans laquelle ces efforts peuvent s'inscrire.

J'ai une dernière remarque, pour l'instant. Dans les conflits extrêmement complexes, on dit souvent que l'aide humanitaire nuit en quelque sorte à la situation, puisqu'elle se porte à la défense d'un régime, ou pose des gestes voulant dire qu'un groupe donné doit être maintenu en place alors que la capitulation serait préférable. Je dois toutefois défendre le principe de la protection et du soutien de tous les humains, où qu'ils soient dans le monde — les enfants, les femmes et les autres. Les parties belligérantes se font la guerre jusqu'à ce qu'elles décident du contraire, et non pas parce que des organismes humanitaires essaient de sauver la vie des civils.

Je supplie donc les gens d'appuyer les opérations d'aide humanitaire en Syrie, peu importe la complexité de la situation. Contrairement à ce qui n'est peut-être pas publicisé, je crois qu'un certain nombre d'organisations feront leur possible pour ouvrir des corridors entre les lignes de front afin d'essayer d'administrer des vaccins aux deux parties. Voilà qui peut favoriser une attitude amicale et contribuer à créer un environnement propice à une solution préférable au conflit, même si ce rôle n'est pas visible.

Je vous supplie de continuer d'appuyer les mandats humanitaires de l'UNICEF et des autres organismes.

La sénatrice Eaton : Madame Black, je salue vos propos, car je pense que nous sommes tous d'accord avec vous.

Que pensez-vous des fondations de Clinton et de Gates? Font-elles appel à l'UNICEF, ou ont-elles un mécanisme distinct? Dans l'affirmative, pourquoi avoir créé un autre système?

Mme Black : Je vais m'attarder à la Fondation Gates, qui s'adonne principalement au contrôle du paludisme, au traitement du VIH, au traitement antirétroviral et aux programmes pour l'eau et l'assainissement. Voilà ce que j'en comprends. Je ne pense pas qu'elle empêche que des fonds soient versés à l'UNICEF, dont les ressources se portent très bien, que je sache.

Je crois savoir que la fondation et les programmes sur le terrain — elle possède des bureaux dans certains pays, passe par des réseaux de ministères de la Santé, et ainsi de suite — ont été mis en place à l'image de l'Organisation mondiale de la santé, ou OMS. Or, puisque l'OMS n'est pas principalement une organisation d'exécution de programmes, la fondation ne croyait pas que celle-ci aurait des réseaux convenables sur le terrain pour acheminer l'aide.

Je crois savoir que la fondation a choisi des pays recevant peu de soins de santé autres que l'appui de l'UNICEF aux cliniques de santé de la mère et de l'enfant, et ainsi de suite. Le système de santé avait besoin d'un coup de pouce, plus particulièrement dans le cas du paludisme et du VIH.

Je dirais qu'il faut laisser les différentes organisations cibler ces problèmes et essayer de faire leur part. Il suffit de visiter un pays en développement pour constater à quel point ils sont vastes et ont un territoire énorme, à quel point la situation est complexe et difficile, et à quel point les différents réseaux ont besoin d'aide. Il y a amplement d'espace pour tout le monde. Même si une coordination est préférable, je dirais que la contribution de la fondation a été nettement au-delà de la capacité de l'ONU.

La sénatrice Andreychuk : J'ai deux questions, la première à l'intention de M. Barber, et l'autre, de Mme Black.

Monsieur Barber, vous avez dit que la coordination est difficile entre les organismes de l'ONU. Si ma mémoire est bonne, ce sont les gouvernements nationaux qui, au moyen de l'Assemblée générale et du Conseil de sécurité de l'ONU, demandaient que les organismes de l'ONU soient plus efficaces lorsqu'ils travaillent ensemble. L'objectif n'était rien d'autre qu'un gain en efficacité et en productivité.

Ne s'agit-il pas du rôle global concernant le droit d'asile? Comme vous l'avez dit avec raison, le Haut Commissariat des Nations Unies s'occupe des réfugiés, mais ne revient-il pas à l'Assemblée générale, à l'ONU et aux gouvernements nationaux composant l'ONU d'assumer ce rôle de surveillance générale? Je pense que ce sont eux qui devraient cerner les problèmes.

Si nous prenons ce qui se passe dans la région méditerranéenne, nous constatons les endroits où les gouvernements commencent à assumer leurs responsabilités et à identifier les problèmes — ce sont évidemment ceux qui sont les plus touchés. Ils commencent à dire que le problème va au-delà du pays qui accueille les demandeurs d'asile.

Il me semble qu'il existe bel et bien un mécanisme de surveillance globale, mais qu'il n'est tout simplement pas utilisé à l'heure actuelle. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Madame Black, après avoir travaillé avec des représentants de l'UNICEF sur le terrain, je crois savoir que l'impartialité et la neutralité sont des concepts fort importants, mais les droits des enfants aussi. Comme vous l'avez dit, il ne s'agit pas de choisir l'un ou l'autre. Il faut essayer d'aider le plus de gens possible sur le terrain, et il ne faut laisser aucun enfant en danger parce que la situation ne correspondrait pas parfaitement à la définition ou au mandat.

J'ai vu des travailleurs de l'UNICEF essayer d'orienter les efforts dans le cadre de leurs mandats, mais leur responsabilité première sur le terrain a toujours été de protéger les enfants, où qu'ils soient et quelle que soit la situation. Ils risquent toutefois d'outrepasser leur mandat en choisissant de favoriser les enfants. C'est ce que j'ai constaté.

Voilà ce sur quoi certaines de nos discussions ont porté, je crois. Comment nous assurer que nous continuons d'aider les travailleurs à optimiser les efforts qu'ils déploient pour porter secours aux gens sur le terrain? Monsieur Barber?

M. Barber : Merci beaucoup. Vous avez bien sûr tout à fait raison de dire que l'Assemblée générale examine chaque année les mécanismes de coordination entre les systèmes d'aide humanitaire d'urgence de l'ONU. Cet examen est réalisé à la suite d'un rapport qui a été déposé par le secrétaire général, mais rédigé par le coordonnateur des secours d'urgence du Bureau de la coordination des affaires humanitaires, ou BCAH, et les autres organismes. Il s'agit bel et bien d'un mécanisme de surveillance générale des ententes de coordination.

Il existe également un mécanisme au sein du Conseil de sécurité, et j'ai justement participé à la rédaction du premier rapport du secrétaire général sur la protection des civils touchés par les conflits armés. Le dialogue est lancé et se poursuit entre le coordonnateur des secours d'urgence et les autres volets du mécanisme d'aide humanitaire de l'ONU et du Conseil de sécurité. L'objectif est de veiller à ce que le Conseil de sécurité assume sa responsabilité quant au maintien de la paix et de la sécurité, et quant à la création d'un contexte sécuritaire dans lequel les organisations humanitaires peuvent fonctionner.

Dans chaque cas, il existe un lien fort complexe entre le rôle du gouvernement national de la région, le rôle possible du Conseil de sécurité, puis le rôle d'une approche coordonnée par la famille onusienne.

Un secteur pourrait selon moi être amélioré si les États membres étaient prêts à s'y attarder. En fait, lorsque le Comité permanent interorganisations a été créé, il a réuni des organismes de l'ONU, des ONG, des organismes de coordination des ONG, de même que la Croix-Rouge et les Sociétés du Croissant-Rouge. C'est l'Assemblée générale qui l'a mis sur pied en 1991.

Par contre, l'ONU n'avait prévu aucune disposition pour coordonner cet effort avec des organismes d'aide bilatérale. Par exemple, l'Office d'aide humanitaire de la Commission européenne ECHO, l'Agence américaine pour le développement international USAID, ou l'Agence canadienne de développement international ne font pas partie de cette entente de coordination. Je crois personnellement qu'il serait avantageux de privilégier une coordination plus systématique des différents efforts multilatéraux et non gouvernementaux, et certains efforts bilatéraux dans le domaine humanitaire. Ce n'est qu'une façon de possiblement améliorer les mécanismes de coordination.

Mme Black : En effet, je pense qu'il ne fait aucun doute que le personnel de l'UNICEF sur le terrain doit fondamentalement insister sur la situation des enfants. Dans certains milieux, nous ne parlons pas souvent des droits, même si nous savons que l'ensemble de nos efforts découle de la Convention relative aux droits de l'enfant. Vous le comprendriez si vous parliez des droits des enfants à quelqu'un en Somalie, en Syrie ou dans un milieu en plein conflit — et même sans grand conflit; ce discours ne semble pas très positif. Les droits sont fortement contestés et sont considérés comme un concept typiquement occidental. Même si la convention est ratifiée par presque tout le monde, la population et les gouvernements ne comprennent souvent pas bien ce qu'elle signifie.

Plutôt que de lancer une discussion sur les droits lorsque nous sommes sur le terrain pour essayer de porter secours à une région en grand conflit, il est vraiment préférable de s'attarder aux besoins et aux nécessités vitales de l'humanité, de la vie humaine et de la survie.

Il convient d'ajouter que l'UNICEF cible bel et bien les enfants, principalement, et cible par conséquent la maternité et les femmes aussi, de même que les familles puisque personne ne peut aider un enfant sans aider sa famille. L'UNICEF a d'ailleurs pris les devants du dossier des réseaux d'aqueduc et d'égout au sein du système de l'ONU, dans le cas de divers systèmes historiques. Certains pourraient se demander quel est le lien entre l'enfant et ces efforts. Un certain nombre de divisions de l'UNICEF s'attardent à ces questions, puisque la vie des enfants sera menacée si personne n'améliore la santé publique ou la nutrition. En fait, notre mandat va au-delà de l'aide immédiate à l'enfant.

Voilà pourquoi, comme je l'ai souligné au début, on a presque l'impression que l'engagement et le mandat de l'UNICEF à l'égard de l'enfant constituent une sorte de cheval de Troie qui permet de se faufiler et de demander à travailler dans des situations où il pourrait être impossible d'agir autrement et où les Nations Unies elles-mêmes peuvent être rejetées parce que le gouvernement refuse de les laisser entrer. Ce sont là des situations très difficiles et complexes.

Gardez à l'esprit que l'UNICEF cherche non seulement à aider l'enfant, mais aussi à améliorer son environnement et tout ce qui a un rapport avec lui.

La sénatrice Nancy Ruth : J'ai une question pour chacun d'entre vous.

Monsieur Barber, vos observations sur le droit international des réfugiés m'ont intéressée, et je me demande si vous pourriez m'expliquer comment le droit de chercher asile s'est muté en droit de chercher asile où que ce soit, et me dire ce que vous voudriez faire à ce sujet maintenant.

M. Barber : Vous vous souviendrez que la Convention relative au statut des réfugiés de 1951, qui constitue le fondement du droit international des réfugiés moderne, était limitée au chapitre du temps et de l'espace, puisqu'elle ne s'appliquait qu'à l'Europe et aux événements ayant eu lieu avant 1951.

Le protocole de 1967 a essentiellement éliminé ces restrictions d'espace et de temps.

Pour expliquer ce qui se passe le plus souvent dans les faits, prenons l'exemple de la crise afghane. Des millions de réfugiés ont fui dans les pays voisins du Pakistan et de l'Iran. Pendant des années, ceux qui se rendaient en Europe ou en Amérique du Nord procédaient majoritairement en toute légalité : ils allaient y étudier, ils y étaient acceptés dans le cadre d'une initiative de réunion des familles ou de réinstallation, ou parce que le HCR avait décidé qu'ils avaient besoin d'une aide et de soins particuliers.

Cependant, nous avons depuis observé qu'un nombre croissant d'Afghans qui n'acceptent pas d'être réfugiés au Pakistan ou en Iran font appel à des trafiquants de personnes et des passeurs pour se rendre en Europe et y demander l'asile. En raison de la nature du protocole de 1967, des avocats ont pu faire valoir que ces demandes devraient être examinées par les autorités des pays européens respectifs et évaluées selon leur mérite, sans tenir compte de la manière dont l'intéressé est arrivé au pays.

Ici encore, cela peut sembler dur, mais je considère personnellement que ces pratiques ont eu pour effet de favoriser l'instauration de systèmes inhumains, des systèmes où des gens sont régulièrement détenus pendant longtemps et où on ne croit pas leurs histoires. Et quand on les croit, on leur dit que ce n'est pas cela qui fait d'eux des réfugiés et on les renvoie. Les autorités ont mis en place des systèmes très stressants et préjudiciables pour toutes les personnes concernées.

Je crois comprendre que les discussions qui ont déjà lieu en vue du Sommet humanitaire mondial ont eu l'effet secondaire intéressant d'inciter les gens à discuter de l'importance de la législation régionale pour composer avec les déplacements dans au moins deux régions.

Vous vous souviendrez peut-être qu'il existe déjà une convention sur les réfugiés africains. Conclu en 1969, cet accord appelé Convention de l'OUA porte sur des aspects précis de la situation des réfugiés en Afrique. Il me semble que ce modèle pourrait être avantageusement utilisé dans d'autres régions du monde pour y préciser la responsabilité des États quand vient le temps d'offrir l'asile à des gens victimes de persécution ou de conflit dans des pays voisins, comme ils le font régulièrement.

Cela ne veut absolument pas dire que si, par exemple, un Syrien vit au Canada pour y étudier ou pour faire quelque chose comme cela, et que la situation change en Syrie, le gouvernement du Canada pourrait le renvoyer de force en Syrie, en Jordanie ou au Liban. Le principe de non-refus doit être universel et doit continuer de l'être. Mais le droit de demander l'asile dans un pays qui ne fait pas partie de sa région devrait, selon moi, se limiter aux situations dans lesquelles l'intéressé quitte cette région pour demander asile ailleurs.

Comme c'est le cas pour les Syriens, si des dispositions sont en place en Turquie, au Liban et en Jordanie, je dirais qu'il faudrait aider ceux qui recourent aux services de passeurs pour se rendre en Europe en traversant la Méditerranée ou des frontières terrestres à retourner dans ces pays pour y présenter une demande. Ces personnes passent essentiellement devant les autres. Non seulement elles mettent leur vie en péril en utilisant des passeurs illégaux, mais elles dissuadent les gouvernements européens de se montrer plus généreux dans les offres qu'ils font pour la réinstallation des réfugiés syriens qui feraient des demandes à partir des camps de Jordanie, du Liban ou de la Turquie.

J'aimerais que ce système soit remanié pour que le principe de non-refoulement reste entièrement universel, mais que la capacité de chercher asile à l'extérieur de la région où l'on vit puisse être limitée s'il est possible de se réinstaller à l'intérieur de cette région.

Le sénatrice Nancy Ruth : Si un pays comme le Canada acceptait d'accueillir 10 000 réfugiés syriens, que répondriez- vous à cela?

M. Barber : C'est absolument merveilleux. Je pense que c'est formidable, et il devrait en accueillir davantage dans les circonstances. Mais les réfugiés devraient être choisis en fonction de critères que vous et le HCR auriez établis et devraient venir des camps situés en Turquie, en Jordanie et au Liban. Il ne faudrait pas qu'il s'agisse de gens qui parviennent par eux-mêmes au Canda en recourant à des moyens illégaux afin de passer devant les autres.

La présidente : Il nous reste quelques minutes.

Je me suis rendue dans la région près de la frontière entre la Turquie et la Syrie. J'ai remarqué que même si les principes humanitaires exigent qu'on fournisse de l'aide en fonction des besoins, il arrive souvent que les niveaux d'aide dépendent plutôt de la catégorie de personnes concernée, les réfugiés, les gens déplacés à l'intérieur du pays ou les Palestiniens, par exemple. S'il s'agit de Palestiniens, c'est l'Administration des Nations Unies pour le secours et la reconstruction, ou UNRRA, qui s'en occupe. C'est très compliqué.

J'aimerais que vous me disiez tous les deux ce que l'UNICEF et le HCR pourraient faire de plus en faisant en sorte que l'aide atteigne les enfants plus vulnérables, sans égard aux mandats des organisations, à l'affectation des fonds et aux autres obstacles. Je commencerais par vous, madame Black.

Mme Black : Je dirais qu'il est toujours plus difficile d'atteindre les gens qui sont dans la situation la plus précaire. Ils se trouvent dans cette situation parce qu'ils sont très difficiles à atteindre et sont les plus vulnérables.

En ce qui concerne les politiques, je pense que tout le monde devrait accepter que c'est une question de nécessité. J'ignore ce que vous pourriez faire sur le plan des politiques. Il faut recourir aux services de diplomates, de fonctionnaires locaux ou de toute personne à qui on peut faire appel pour tenter d'accéder aux régions concernées, parce qu'elles sont habituellement peu sécuritaires ou sous le contrôle de milices parallèles.

Votre seule possibilité consiste à entreprendre des négociations discrètes et subtiles sur place. Bien entendu, il est déjà arrivé que le concours de l'armée permette aux secours d'arriver, par exemple quand les Kurdes ont traversé la frontière de l'Irak en 1991. Il arrive que les forces armées occidentales viennent prêter main-forte, mais sans soutien militaire, on ne peut que s'en remettre aux arguments et à la diplomatie. Je pense que nous devons appuyer les organisations qui comptent dans leurs rangs des gens qui peuvent faciliter ce genre d'activité.

M. Barber : C'est exact. J'ajouterais qu'il est vraiment difficile de composer avec des groupes de gens qui se réunissent pour exécuter des mandats différents ou pour former divers organismes. C'est un problème d'ordre pratique dans plusieurs situations. Je pense que la seule chose que je peux proposer, c'est une collaboration intense entre les organisations qui remplissent différents mandats. Ce problème est aussi lié à celui de l'affectation des fonds fournis par divers donateurs, qui fait qu'un groupe dispose de beaucoup d'argent et que l'escarcelle d'un autre est vide.

Des démarches très productives et positives ont été prises, selon moi, avec l'établissement du Fonds central d'intervention d'urgence en 2005-2006. Cette initiative a vraiment contribué à atténuer le genre de problème que vous évoquez. Sans avoir disparu, le problème est certainement beaucoup moins grave qu'il ne l'était avant 2005.

La présidente : Je vous remercie beaucoup tous les deux. Nous avons certainement apprécié vos témoignages, qui nous ont beaucoup appris. Nous espérons travailler de nouveau avec vous dans l'avenir.

Notre prochain témoin sera M. Zaid Al-Rawni, d'Islamic Relief Canada. Je crois comprendre que vous avez un exposé à faire en premier. Je vous demanderai de faire cet exposé, et nous vous souhaitons la bienvenue parmi nous aujourd'hui.

Zaid Al-Rawni, président-directeur général, Islamic Relief Canada : Merci de m'avoir invité à comparaître devant le comité et de me donner l'occasion de vous aider à répondre à votre question. Je n'ai pas travaillé avec l'UNICEF ou le HCR à quelque titre que ce soit; mon témoignage pourrait donc vous aider à comprendre le contexte général.

Je vous parlerai d'abord d'Islamic Relief Canada pour vous expliquer qui nous sommes, ce que nous faisons et comment ce que nous pourrions dire pourrait vous aider, puis je vous ferai part de certains des défis que nous rencontrons en Syrie et dans les pays voisins.

Islamic Relief est une ONG indépendante sise au Canada, mais qui compte des groupes affiliés aux quatre coins du monde. Collectivement, ces groupes affiliés constituent probablement le plus grand organisme islamique de développement, lequel se spécialise dans l'aide d'urgence de façon générale. Ainsi, si une crise comme un séisme, une inondation ou une catastrophe d'origine humaine survient dans le monde, Islamic Relief tente d'y réagir conformément au mandat humanitaire, qui repose notamment sur les principes d'impartialité, de neutralité et d'indépendance.

Islamic Relief offre de l'aide sans discrimination. J'ai travaillé à Haïti, aux Philippines et au Soudan du Sud, aidant tous ceux qui ont besoin de notre aide. Il n'y a pas d'objectif explicite; il s'agit simplement d'une organisation humanitaire qui offre de l'aide là où les besoins se font sentir. Pendant l'été, j'ai été dans le Nord de l'Irak où, après l'expansion de l'EIIL à l'extérieur de la Syrie et la capitulation de l'armée irakienne, de nombreux yézidis et chrétiens ont été chassés de chez eux. Islamic Relief a offert du soutien à ces communautés, ainsi qu'aux sunnites et aux chiites, qui ont également connu quelques difficultés.

Voilà, en bref, ce que nous sommes. Nous avons d'importantes activités, et le financement que nous récoltons au Canada vient principalement de particuliers et de donateurs privés. Nous fréquentons les mosquées locales du Canada et sollicitons des fonds auprès de la congrégation en expliquant ce que nous faisons, qui nous aidons et pour quelle raison nous le faisons. Nos démarches suscitent généralement une réaction favorable, et notre campagne a obtenu une contribution substantielle en Syrie. Nous dépensons ensuite nos fonds en Syrie, en Jordanie, au Liban et dans le Nord de l'Irak pour aider les réfugiés syriens.

En ce qui concerne la question de l'impartialité, le droit humanitaire international exige que nous négociions avec les gens. Nous devons parfois le faire avec des personnes douteuses, ce qui ne signifie pas que nous les appuyons; nous tentons simplement d'atteindre les personnes dans le besoin. Malheureusement, dans les régions géographiques où nous avons pu agir, nous n'avons pu intervenir que dans les zones qui ne sont pas contrôlées par le gouvernement syrien, car il n'a accordé des permis qu'à 15 ONG internationales.

C'est ce qui s'est passé l'an dernier, et une fois les permis accordés, il faut surmonter quelques obstacles supplémentaires pour pouvoir offrir de l'aide efficacement ou atteindre les gens dans le besoin.

Dans d'autres régions de la Syrie, nous tendons à intervenir dans les zones qui ne sont pas contrôlées par l'EIIL. Nous avons tendance à aller dans les régions contrôlées par l'armée syrienne, des organisations kurdes et d'autres groupes semblables.

À l'extérieur de la Syrie, le plus gros problème vient de la présence d'un nombre considérable de réfugiés en Jordanie. Nous connaissons tous le camp de Zaatari, qui en abrite quelques-uns, mais la majorité des réfugiés vivent dans des familles et des communautés d'accueil dans des installations de fortune. C'est également le cas en Turquie et au Liban. Dans ce dernier pays, il n'y a pas de région officielle, de camp de réfugiés ou de camp Zaatari. Les difficultés que doivent affronter les réfugiés syriens sont très graves.

Puis, il y a les conditions dans lesquelles vivent les enfants, plus particulièrement. Islamic Relief a tendance à adopter une approche holistique; nous intervenons de la façon la plus holistique possible. Notre mandat ne consiste pas uniquement à aider les enfants, comme UNICEF ou Aide à l'enfance; il consiste à apporter une aide humanitaire générale.

Nous savons que l'éducation... Par exemple, 10 p. 100 des enfants en Jordanie sont des réfugiés syriens, et au Liban, c'est le quart. En Syrie, les PDI, les personnes déplacées à l'intérieur, ont un accès limité à l'éducation. D'ailleurs, l'accès à l'éducation est probablement le plus grand défi auquel ces enfants sont confrontés et nous tentons de les aider, tout comme d'autres ONG et organismes des Nations Unies. C'est difficile.

On dit que, en Jordanie et au Liban, les enseignants mettent les bouchées doubles; ils enseignent aux enfants des collectivités d'accueil pendant le jour, puis aux réfugiés syriens le soir. Au Liban, le curriculum s'enseigne en arabe, en anglais et en français. C'est donc beaucoup plus difficile pour les enfants syriens de suivre les cours, de réussir les examens, de se développer et de grandir, car en Syrie, l'enseignement se fait uniquement en arabe.

Ce n'est qu'un des défis qu'ils doivent relever.

L'autre problème, ce sont les difficultés qu'éprouvent les familles et collectivités d'accueil. Au Liban et en Jordanie, les gens — les pères et les mères — n'ont pas le droit de travailler. Cela a donc un impact sur toute la famille, y compris les enfants. C'est très compliqué pour les familles en Jordanie et au Liban. Inutile de vous dire que c'est probablement les enfants dans les villes et les personnes déplacées à l'intérieur qui sont les plus durement touchés.

C'est là un aperçu des défis que nous devons relever et avec lesquels les réfugiés et les PDI en Syrie doivent composer.

Avant de terminer, j'ajouterais que ce qui inquiète le plus Islamic Relief Canada, et ce qui inquiète les ONG en général — la communauté humanitaire —, c'est la durée de ce conflit. Il s'agit d'un conflit essentiellement politique. Ce n'est pas le résultat d'un désastre, où il est possible d'atténuer les conséquences, et ce n'est pas une situation où le système subit un dur coup, puis c'est terminé. C'est le genre de crise politique qui s'étire et qui oppose deux parties.

Puis, il y a les éléments internationaux qui viennent nourrir les hostilités à l'échelle locale et qui rendent l'intervention humanitaire très délicate. Il n'y a aucune intervention humanitaire simple; tout est très complexe en Syrie, en Turquie, au Liban et en Jordanie, bref, dans toute la région. Il est très difficile pour nos équipes sur le terrain et pour nous, en tant qu'organisme, d'intervenir, car la situation est si politique et tendue, sans oublier les nombreux éléments qui viennent attiser les tensions.

Je suis convaincu également que d'autres témoins vous ont souligné que, en raison de la complexité et la nature non conventionnelle de cette crise, il est très difficile d'intervenir de façon adéquate et de donner aux enfants ce à quoi ils ont droit.

La présidente : Merci beaucoup pour cet exposé. Je vais poser la première question. De nombreux organismes travaillent avec différents groupes — le régime Assad, les rebelles à l'extérieur et aux frontières — afin d'apporter une aide. Nous étudions les mandants de l'UNICEF et du HCR. Il serait utile pour nous de connaître votre opinion sur la façon dont ces mandats sont remplis sur le terrain et d'en apprendre davantage sur votre collaboration avec ces organismes dans la prestation d'aide humanitaire.

M. Al-Rawni : Sur le terrain, les organismes comme le nôtre travaillent avec les organismes des Nations Unies à différents niveaux, et c'est principalement le BCAH qui coordonne les activités. Habituellement, lorsqu'une crise se produit, une grande réunion est organisée où les intervenants font le point sur les activités qu'ils mènent et tentent de coordonner leurs efforts.

Lorsque j'étais au Darfour, en 2004, j'ai rapidement remarqué que deux, trois ou quatre organismes faisaient exactement la même chose; ils offraient exactement les mêmes services. Dans un même camp, quatre organismes fournissaient de l'eau, mais personne ne fournissait de nourriture ou des services d'éducation. Tout était mal coordonné.

Mais, à force de discussions, nous, les organismes des Nations Unies et ceux qui ne relèvent pas des Nations Unies avons réussi à mieux coordonner nos efforts et répartir les responsabilités afin d'aider le plus de personnes possible, de la meilleure façon possible.

L'autre problème — et certains de mes collègues, les témoins précédents, en ont parlé —, c'est que les gens ont tendance à se concentrer sur les régions facilement accessibles. Les régions les plus difficiles d'accès sont celles où parfois les organismes des Nations Unies ne peuvent pas se rendre ou ne veulent pas se rendre. Parfois, ils n'y ont pas accès en raison des acteurs locaux.

Donc, lorsque nous collaborons avec les organismes des Nations Unies, comme le HCR, UNICEF ou le Programme alimentaire mondial, nous leur disons dans quelles régions nous avons réussi à pénétrer. Ce sont parfois des régions où ils n'ont pas réussi à se rendre. Ils utilisent alors nos équipes ou celles auxquelles Islamic Relief Canada a accès pour apporter de l'aide dans ces régions.

C'est le genre de collaboration que nous avons, par l'entremise du BCAH.

La présidente : Lorsque j'étais au Darfour, les Nations Unies nous interdisaient de nous rendre dans certaines régions, mais de petites ONG prenaient le risque de s'y rendre. Les Nations Unies ont établi des protocoles. Je ne les critique pas; je dis simplement qu'il y avait certaines régions où les Nations Unies ne pouvaient pas se rendre.

Est-ce dans ces régions que vous vous rendez — pas seulement Islamic Relief Canada, mais aussi les autres ONG plus petites — pour apporter de l'aide humanitaire et trouver du soutien? Comment faites-vous pour choisir dans quelle région intervenir?

M. Al-Rawni : Je suis désolé si je répète ce que d'autres témoins ont dit, mais l'ONU n'a plus la même influence. L'organisation semble être moins impartiale. Auparavant, disons à l'époque où deux superpuissances mondiales s'affrontaient pour voir laquelle allait dominer le monde, il était sage de convenir que l'ONU était une organisation sécuritaire qu'il ne fallait pas contrecarrer.

Depuis l'effondrement de l'URSS, il ne reste plus qu'une superpuissance mondiale dominante. Peut-être accorde-t- on moins d'importance à l'impartialité de l'ONU. Mais, surtout, les acteurs locaux, sur le terrain, ont l'impression que les Nations Unies suivent un programme, notamment les organismes humanitaires de l'ONU — je ne parle pas ici des autres organismes de l'organisation, seulement des organismes humanitaires — qui sont moins impartiaux.

Donc, l'ONU est maintenant moins encline à prendre des risques que de petits organismes comme le nôtre, ou de gros organismes, comme MSF, qui prend des risques, fait preuve d'audace et se rend dans les régions où personne ne veut aller. Les organismes comme Islamic Relief, MSF et d'autres sont plus enclins à prendre des risques.

C'est un autre avantage. Nous sommes un organisme occidental. Nous avons des bureaux au Canada, aux États- Unis, à Londres et à Bruxelles, notamment, mais pas en Orient. Nous sommes également un organisme musulman. Dans certaines régions, comme en Somalie, au Darfour, en Syrie et en Afghanistan, grâce au dialogue, nous arrivons parfois à négocier un meilleur accès que d'autres organismes.

Mais, ce n'est pas toujours le cas. Le groupe al Shabaab, en Somalie, nous a forcés à quitter le pays après quelques années. Nous avons éprouvé des difficultés dans d'autres régions également, mais, parfois, nous arrivons à pénétrer plus profondément. Lorsque ça se produit, nous en profitons et utilisons tous les moyens possibles pour accéder aux régions non touchées.

Donc, oui, nous arrivons à pénétrer plus profondément dans certaines régions, mais il reste encore des régions difficiles d'accès pour de petits organismes comme le nôtre ou des organismes plus audacieux.

La sénatrice Ataullahjan : Selon vous, les ONG ou les organismes comme le vôtre sont-ils parfois mieux outillés pour intervenir lors de crises, notamment au Moyen-Orient? Vous comprenez la culture et vous savez ce qui est indiqué et comment approcher les gens. À votre avis, cela vous donne-t-il un avantage par rapport aux autres organismes?

Al-Rawni : Tout dépend des circonstances. Oui, nous sommes plus flexibles et moins bureaucratiques que les organismes des Nations Unies. Cela ne fait aucun doute. Personne ne peut nier que les petits organismes et les ONG, et même Islamic Relief Canada, notamment, sont plus flexibles. Nous pouvons nous adapter beaucoup plus rapidement. Notre personnel est moins nombreux. Notre organisme, par exemple, peut adopter une nouvelle politique interne et intervenir plus rapidement.

Dans certains cas, comme en Syrie, cette souplesse, cette flexibilité et cette capacité d'adaptation sont des atouts et nous procurent un avantage.

Dans d'autres cas, les grands organismes des Nations Unies sont plus utiles. Cette grande bureaucratie peut être utile. On a besoin d'un organisme qui dispose de plusieurs avions et qui peut faire des chutes de nourriture ou d'un organisme capable d'envoyer 15 ou 16 véhicules à quatre roues motrices dans une région difficile d'accès pour des régions géographiques, et non de sécurité.

Donc, tout dépend des circonstances. Ce n'est pas l'un ou l'autre. Au Moyen-Orient, compte tenu de la complexité de la situation et des lignes de fautes qui changent continuellement, nous avons effectivement un léger avantage.

La sénatrice Ataullahjan : Selon vous, le HCR est-il aussi sensible à la culture qu'il devrait l'être?

M. Al-Rawni : C'est une question intéressante. J'ignore quoi vous répondre. Ceux qui ont bénéficié des services du HCR seraient mieux placés pour vous répondre. Je ne saurais vous dire.

Le sénateur Eggleton : D'abord, avant de lever la séance, j'aimerais discuter avec le comité d'un rapport sur le sujet. Si nous pouvions prévoir suffisamment de temps après le témoignage de M. Al-Rawni, je n'aurais besoin que de quelques minutes.

La présidente : Nous pourrions en discuter en privé après le témoignage.

Le sénateur Eggleton : Non. J'aimerais mieux en discuter en comité.

D'abord, monsieur Al-Rawni, je vous remercie pour ce que vous faites. Vous contribuez à améliorer une situation qui semble s'empirer, mais chaque geste compte, et vous intervenez à partir du Canada, ce qui est bien.

Quel est le niveau d'aide et de collaboration offert par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux? Vous offrent-ils de l'aide en matière de coordination? Avez-vous de bonnes relations à cet égard avec les gouvernements?

M. Al-Rawni : Vous voulez dire le gouvernement du Canada?

Le sénateur Eggleton : Oui, mais aussi les gouvernements provinciaux, s'il y a lieu. Peut-être que ces derniers ne jouent aucun rôle à ce chapitre.

M. Al-Rawni : Nous exécutons notre mandat principalement à l'étranger. Donc, nous communiquons régulièrement avec l'ARC, notamment, ainsi qu'avec nos donateurs pour les informer des activités que nous menons à l'étranger.

En 2012, le gouvernement nous a octroyé un soutien financier considérable pour nos activités en Somalie, surtout pour notre projet de livraison de nourriture après la famine. Nous n'avons pas eu vraiment de collaboration avec les gouvernements provinciaux. Nous avons participé à des événements en compagnie de représentants des gouvernements provinciaux, mais nous n'avons eu aucune interaction officielle.

Le sénateur Eggleton : Mais, vous ne rencontrez aucun obstacle de la part du gouvernement?

M. Al-Rawni : Non.

Le sénateur Eggleton : Selon vous, le gouvernement du Canada devrait-il en faire davantage — pas seulement pour vos activités, mais en général — par rapport à la situation des réfugiés syriens?

M. Al-Rawni : C'est une question importante. Le problème dominant dans cette crise en Syrie, c'est que 12 millions de personnes ont quitté leur domicile. Il y a les personnes déplacées à l'intérieur dont certaines vivent sous des couvertures et des branches, comme on le fait avec les Scouts lors des week-ends de survie. Mais, c'est comme ça qu'elles vivent pendant des mois, voire des années. Ce sont des conditions difficiles. Puis, il y a les tragédies qui surviennent en Méditerranée où des milliers de personnes se noient impatientes de fuir leur pays.

La solution serait peut-être de créer des zones plus sécuritaires dans les pays adjacents où se trouvent la plupart des collectivités d'accueil, et c'est habituellement le cas. Il règne en Europe et dans d'autres parties du monde une certaine agitation par rapport au nombre de réfugiés de la Syrie et d'autres régions du monde qui afflue vers ces pays. Habituellement, la plupart des réfugiés trouvent refuge dans les pays voisins, sur lesquels pèsent des contraintes énormes. En Jordanie, le gouvernement a récemment cessé d'offrir des services. Auparavant, il offrait gratuitement des services aux réfugiés syriens, notamment des services médicaux, ce qui représentait un fardeau considérable pour le pays. C'est la même chose au Liban, où la population a augmenté du tiers au cours des quatre dernières années en raison du nombre de réfugiés syriens qui a afflué au pays. Les autorités libanaises estiment que le pays n'est pas en mesure d'absorber cet afflux énorme. Voilà un autre aspect qui démontre qu'il est essentiel d'aider les collectivités d'accueil et les gouvernements locaux à composer avec certaines de ces difficultés.

Il y a ensuite la question de l'augmentation du nombre de personnes autorisées à présenter une demande d'asile au Canada. Cela pourrait être une solution, mais je ne suis certainement pas un spécialiste. Il s'agit simplement d'une réponse d'ordre très général sur ce qui pourrait être utile dans cette situation. Je pense toutefois que la principale difficulté est liée à l'aide offerte. Je ne sais pas si la Turquie a demandé de l'aide, mais des pays adjacents — la Jordanie, l'Irak et le Liban — l'ont fait. À cela s'ajoute la Turquie, si son gouvernement en a fait la demande.

Le sénateur Eggleton : En ce qui concerne l'aide offerte aux gens qui se trouvent dans les camps de réfugiés ou dans des collectivités au Liban, en Jordanie, en Turquie, et cetera, une des principales difficultés qui revient constamment par rapport aux enfants est la question de l'éducation et le désir de ne pas sacrifier une génération. En éducation, le problème c'est que l'accès semble être limité au primaire ou peut-être à l'enseignement secondaire, et l'accès à l'enseignement postsecondaire semble impossible, de sorte que beaucoup de gens perdent espoir. Il y a par conséquent un risque de perdre une génération.

Cette guerre persiste déjà depuis un certain nombre d'années. Rien ne permet de savoir quand elle se terminera. Elle pourrait se poursuivre pendant de nombreuses années, ce qui exacerbera le problème de la génération perdue.

À votre avis, que devrait faire le gouvernement canadien — ou les gouvernements des pays occidentaux en général — à cet égard?

M. Al-Rawni : Cela nous ramène encore une fois à l'aide aux collectivités d'accueil. À titre d'exemple, une des recommandations du gouvernement du Royaume-Uni était de promouvoir l'idée du recours aux doubles quarts dans les écoles. On ne peut construire plus d'écoles, plus d'établissements d'enseignement, parce qu'on ne sait pas pendant combien de temps ces enfants demeureront au pays. À cela s'ajoute le manque de financement. Il n'y a pas de financement pour ce genre de choses. Donc, l'idée est d'avoir un quart de jour et un quart de soir dans les écoles, d'accroître le nombre d'enseignants, d'accroître les ressources offertes aux enfants — des stylos, des crayons, et cetera — et de leur donner accès à ces installations fondamentales. L'enseignement primaire est essentiel, et l'enseignement postsecondaire est aussi extrêmement important.

De nombreuses études — nous avons mené il y a quelques années une étude en collaboration avec l'Unicef, Aide à l'enfance Canada et Islamic Relief Canada — révèlent que négliger l'enseignement primaire à cet âge entraîne des conséquences catastrophiques pendant de nombreuses années, pendant des décennies. Il est essentiel de chercher, de trouver et de financer des solutions novatrices pour nous assurer que les enfants ne sont pas négligés, particulièrement les enfants d'âge primaire. Nous ne devrions en aucun cas nous retrouver avec des enfants qui ne peuvent ni lire ni écrire parce qu'ils n'ont pas eu accès à l'enseignement primaire.

Le sénateur Eggleton : J'ai une autre question à ce sujet, car j'entends ce que vous dites par rapport à l'aide que le gouvernement canadien et d'autres gouvernements doivent offrir pour faciliter ce genre de choses. Prenons le Liban, par exemple, où les réfugiés sont intégrés à la collectivité. Je crois comprendre qu'il existe des restrictions juridiques, des règlements gouvernementaux, relativement à leur accès aux divers niveaux d'enseignement et qu'ils ne peuvent obtenir l'enseignement dont ils ont vraiment besoin. Comment pourrait-on régler ce problème?

M. Al-Rawni : Le recours à des fournisseurs de services privés et le financement à cet égard. Les réfugiés n'ont manifestement pas les moyens de s'offrir l'enseignement privé. Les règles s'appliquent à l'enseignement public et aux établissements publics. Cela ne concerne pas seulement l'éducation. Le gouvernement libanais est très nerveux, étant donné ce qui s'est produit dans le passé avec des groupes de réfugiés. Des personnes qui se sont réfugiées aux pays pour un an, deux ans ou trois ans, font maintenant partie de la société libanaise, 50, 60 ou 70 ans plus tard. On trouve en périphérie de Beyrouth deux des camps les plus importants et d'autres camps d'abris temporaires mis en place pour les réfugiés palestiniens dans les années 1940, 1950 et 1960. Ces camps sont maintenant des établissements permanents. On peut presque comprendre la nervosité des autorités. Vous avez raison : il faut trouver des solutions créatives pour combattre cette réticence. La mise en place d'établissements d'enseignement privés pourrait être une option.

Le sénateur Tannas : Merci d'être ici aujourd'hui. C'est peut-être plus par curiosité qu'autre chose, mais je sais que, au Canada et probablement partout en Amérique du Nord, voire ailleurs, on observe chez les donateurs une tendance de plus en plus marquée à demander l'affectation de fonds à des fins particulières. Les gens veulent pouvoir déterminer à quoi servira leur argent.

Premièrement, je me demande si c'est la même chose au sein de la communauté islamique, si on observe une telle augmentation. Deuxièmement, selon vous, le phénomène de l'affectation réservée des fonds nuit-il à l'utilisation judicieuse des ressources sur le terrain dans les régions en difficulté, ou êtes-vous préoccupé par la possibilité que cela devienne bientôt un problème?

M. Al-Rawni : Je suis seulement au courant de ce qu'il en est pour nos donateurs et les tendances au sein de notre organisme, mais les gens ont certainement tendance à dire qu'ils veulent que leur argent soit consacré à un endroit précis. Dans certains cas, des gens viennent nous présenter un projet et il s'agit parfois de gens de la diaspora qui ont des connaissances précises, pertinentes et utiles sur la région. Prenons la Syrie à titre d'exemple. Les gens connaissent le terrain, les difficultés et les lacunes. Lorsqu'ils viennent nous voir, ils nous disent qu'étant donné que nous sommes un organisme caritatif, ils veulent nous donner 100 000 $ pour une fin précise.

Islamic Relief Canada n'accepte pas ce genre de demande. Dans de tels cas, nous présentons à ces gens les évaluations des besoins réalisées par nos équipes. Nous leur parlons des besoins qui ont été déterminés et leur disons que s'ils veulent que leur argent soit réservé à des projets en Syrie, nous les informons des projets que nous finançons. Ensuite, nous leur disons que s'ils souhaitent poursuivre leur collaboration avec nous, nous leur présenterons un rapport à la fin du projet pour qu'ils sachent comment leur argent a été utilisé.

Toutefois, nous n'accepterions pas le premier type de demande, où une personne dirait qu'elle veut que nous nous occupions d'un aspect précis. Non. Nous comprenons que les gens réagissent à ce qu'ils voient sur leurs écrans et à ce qu'ils lisent dans les journaux. Cela ne pose pas problème. Les reportages dans les médias nous aident parfois dans nos campagnes de financement. Lorsque les mauvaises nouvelles font les manchettes, les gens veulent contribuer. Il existe à l'échelle mondiale une bonté innée — universelle — qui pousse les gens à réagir et à venir au secours des autres. À certains égards, c'est ce que nous ferons.

Par rapport à votre deuxième question, quant à savoir si cela nuit à notre travail, tous les organismes caritatifs, les ONG et les agences auront tendance à demander des dons et à indiquer qu'elles se chargeront du reste. Cependant, lorsqu'on sollicite des dons auprès de donateurs privés, la réalité c'est qu'il faut respecter les souhaits des donateurs privés. On ne peut affirmer avec arrogance : « Écoutez, vous ne savez pas ce qui se passe. J'ai vécu au Darfour. Je sais exactement ce qu'il faut faire. Voici ce qu'il en est. » C'est un dialogue; il faut faire preuve d'humilité et avoir la capacité de discuter, d'essayer de convaincre la personne que ce qu'elle propose n'est pas l'idéal et de chercher à savoir si les fonds pourraient être utilisés à d'autres fins.

En général, lorsque nous discutons avec des gens de situations où il y aurait, par exemple, trop de financement pour des projets au Liban — ce n'est jamais arrivé, mais supposons simplement que ce soit le cas... Dans le Nord du Liban, notre équipe fonctionne au maximum de sa capacité et nous n'avons plus de place. Donc, dans de tels cas, nous remercions les gens, puis nous leur disons que leur aide pourrait être utile pour un projet d'aide aux réfugiés syriens en Jordanie, un projet qui suscite beaucoup d'enthousiasme et qui présente divers avantages. Lorsque le dialogue est entamé, la réponse est positive. C'est l'élément essentiel.

La sénatrice Eaton : Actuellement, les pays hôtes à proximité de la Syrie — le Liban, la Jordanie et même la Turquie, je suppose — jouent un rôle plus important. Est-ce parce que beaucoup de réfugiés ne se retrouvent pas dans des camps et s'établissent plutôt dans les villes elles-mêmes? Est-ce que cela témoigne du degré d'efficacité du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés? Que pensent les responsables du HCR du rôle accru des pays hôtes?

M. Al-Rawni : Je vais parler de la situation en Jordanie. Le HCR y a établi le camp de Zaatari, qui accueille un grand nombre de familles, mais ce n'est pas là que se trouvent la plupart des familles de réfugiés; elles se retrouvent en majorité dans des collectivités et des villages d'accueil. Les gens travaillent au noir, ils font tout ce qu'ils peuvent; ils louent des choses, utilisent leurs épargnes et trouvent des solutions de rechange. C'est simplement parce que l'ampleur de la situation a surpris tout le monde. Personne ne s'attendait à cela. Je me rappelle de conversations que j'ai eues avec des collègues d'Oxfam, il y a environ un an et demi ou deux ans, et ils semblaient s'entendre pour dire que la crise en Syrie serait comme celle de la Libye. Il y aurait les étapes initiales, puis ce serait rapidement terminé. Ils estimaient qu'ils n'avaient pas à intervenir et qu'il n'y avait là pour eux aucun mandat. Maintenant, Oxfam a une présence considérable dans l'ensemble de la région, car la durée de la situation a surpris tout le monde. La durée, les conséquences et les besoins en matière d'aide humanitaire ont surpris tout le monde.

La raison pour laquelle les pays hôtes accueillent autant de gens est une question de géographie. C'est d'abord vers ces endroits que les gens se tournent pour se sentir en sécurité. La principale raison pour laquelle les gens fuient leur foyer est la sécurité. C'est le premier élément de la hiérarchie des besoins de Maslow. C'est une question de sentiment de sécurité. Les gens se disent qu'ils doivent se sentir en sécurité, qu'ils doivent avoir un plus grand sentiment de sécurité que ce qu'ils ont actuellement. Alors, ils fuient, et ils s'arrêtent au premier endroit où ils se sentent plus en sécurité. Puis, ils commencent à composer avec la situation de l'endroit où ils se trouvent.

La sénatrice Eaton : Votre organisme est une œuvre de secours islamique, ce qui est formidable, parce que je sais l'importance qu'occupe la charité dans la foi islamique. Toutefois, vous êtes aussi divisés, car il y a des musulmans chiites et des musulmans sunnites. Cela a-t-il une incidence sur vous? Pouvez-vous aller n'importe où? Est-ce très difficile pour vous de demeurer neutre? Comment composez-vous avec cela?

M. Al-Rawni : Dans les régions où le sectarisme ne pose pas problème, nous composons avec la situation de fait tout à fait normale et naturelle. Par contre, dans les régions où le sectarisme pose problème, c'est difficile, mais cela ne nous empêche pas pour autant de faire notre travail. Au sein de notre organisme, nous avons...

La sénatrice Eaton : Donc, les deux côtés vous acceptent?

M. Al-Rawni : Les deux côtés nous acceptent, en général. Dans le monde, les sunnites représentent la majorité des musulmans, soit 90 p. 100. La proportion de chiites est de 10 p. 100. Nous aidons des noms musulmans, des athées, des animistes, des bouddhistes, tous ceux qui ont besoin de notre aide. Notre organisme n'est pas vraiment centré sur une religion, encore moins sur un groupe sectaire d'une religion. Toutefois, ce qui est intéressant par rapport à la situation en Syrie, c'est que le clivage politique semble être fondé sur l'appartenance sectaire. Sur le plan politique, la situation est plus complexe que sur le plan sectaire. Cela ne nous pose pas problème. Je dirais, encore une fois, que notre organisme compte des sunnites, des chiites, des chrétiens et des athées. Il est fondé sur la valeur islamique de la générosité. Ils sont les bienvenus à participer à notre mission pour aider les gens dans le besoin. Nous sommes intervenus, je crois, après le tremblement de terre en Iran, en 2006. Nous étions les bienvenus, et la participation de notre organisme n'a jamais posé problème. Nous sommes intervenus au Liban. En raison des crises précédentes, il y avait là des communautés chiites, et cela n'a pas posé problème. Nous sommes intervenus au Pakistan, où l'on trouve surtout des communautés sunnites. Personne n'a dit : « Attendez un instant; dites-moi d'abord qui vous êtes. Êtes-vous sunnite? Êtes-vous chiite? » Toutefois, lorsqu'on est sur le terrain et à long terme, les gens cherchent un écusson; ils veulent savoir quel organisme on représente. Cela complique la tâche de notre personnel sur le terrain. Certains ont eu des problèmes. Donc, ils s'y rendent en équipe de deux : un sunnite et un chiite. Ils fournissent le nécessaire, en personne. Si la personne qui pose la question est d'une faction donnée, celui qui est membre de cette faction répond. Il faut faire preuve de créativité.

Dans l'ensemble, c'est triste qu'il y ait autant de sectarisme. Il y en a en Irlande du Nord. Il y en a un peu partout dans le monde. C'est inutile et malsain pour les communautés, mais cela ne nous a jamais empêchés de fournir de l'aide humanitaire.

La sénatrice Andreychuk : Nous parlions de l'ampleur des problèmes humanitaires en Syrie, et vous nous avez expliqué pourquoi la situation est ce qu'elle est. J'ai notamment entendu que bon nombre de Syriens, réfugiés surtout en Jordanie, vont et viennent dans l'espoir que le conflit soit réglé. Pour une raison ou une autre, dans ce conflit, il y a plus de gens qui espèrent encore retourner chez eux. Ils ne vont pas dans les camps en pensant que c'est une solution permanente et en souhaitant se réinstaller ailleurs. Est-ce aussi ce que vous avez constaté?

M. Al-Rawni : Je n'ai encore rencontré personne dans mes voyages dans le Nord de l'Irak ou ailleurs qui disait : « Oui, c'est maintenant chez moi. Que Dieu soit loué. » Non, tout le monde garde espoir et attend. Les gens ont des entreprises ou des fermes. La vie de réfugié n'est pas de tout repos. C'est une vie tragique et misérable, si je puis dire. Ce n'est pas un choix. La Syrie était un pays à revenu moyen avant cette crise. Elle n'était pas un des pays les plus pauvres du monde. C'était un pays à revenu moyen qui ne s'en sortait pas trop mal. Les gens avaient en majorité des emplois. Ils connaissaient leur lot de difficultés, comme tout le monde, mais ils travaillaient. Ils avaient leur dignité et jouissaient d'une certaine sécurité. Ils avaient ce que les gens recherchent pour avoir une vie agréable. Je suis tout à fait d'accord avec vous; la majorité des gens espèrent la fin du conflit. Tous les Syriens à qui j'ai parlé veulent qu'on mette un terme à la guerre aujourd'hui et qu'on adopte une résolution. Selon eux, il le faut coûte que coûte. Malheureusement, les circonstances, les parties qui campent sur leurs positions et la situation mondiale et régionale rendent probablement la situation plus complexe que la majorité des Syriens le voudraient. Je confirme que tout le monde veut retourner à la maison pour s'occuper de leur ferme ou de leur entreprise.

La sénatrice Nancy Ruth : Merci d'être ici. On vous a demandé si votre organisme et les gens qui travaillent avec vous étaient plus sensibles aux réalités culturelles que le HCR ou l'UNICEF. La question m'a laissée perplexe, parce que je crois comprendre, compte tenu en particulier de votre réponse au sénateur Tannas, que vous adoptez pratiquement des projets dans une région et qu'il peut y avoir du personnel local. Je crois également comprendre que l'UNICEF et le HCR font également appel à du personnel local. Il y en a peut-être certains provenant du Canada, comme vous ou d'autres, qui ne sont pas des nationaux. Votre organisme humanitaire est-il beaucoup plus sensible aux réalités culturelles que les organismes de l'ONU?

M. Al-Rawni : Nous sommes probablement perçus différemment. La majorité des organismes de l'ONU essaient de tenir compte des différences culturelles lorsqu'ils sont sur le terrain. Je n'ai pas du moins l'impression que ces organismes font exprès de ne pas en tenir compte. Cependant, la population locale perçoit peut-être l'organisme onusien d'une certaine manière et notre organisme d'une autre. Voilà où se situe peut-être la différence. Cela découle probablement des circonstances géopolitiques. La participation des organismes onusiens en Afghanistan et en Irak et les relations qu'ils entretiennent avec les militaires d'un pays ou d'un autre expliquent peut-être pourquoi de telles perceptions existent.

La sénatrice Nancy Ruth : Cela pourrait s'avérer un problème de taille pour ces organismes, parce que cela pourrait miner leur efficacité, n'est-ce pas?

M. Al-Rawni : C'est certes un défi pour eux. Ce l'est pour nous tous. Fournir de l'aide humanitaire est très difficile, parce qu'il faut surmonter une foule d'obstacles. Nous voulons aider. Nous savons que les besoins sont là, mais il y a énormément d'obstacles qui se dressent devant nous et qui peuvent même parfois nous empêcher de venir en aide aux gens. Il faut respecter les réalités culturelles, comprendre le contexte, bien connaître le terrain, et tout le reste. Viennent ensuite les lois mondiales, la manière de fonctionner, les lois antiterroristes et ainsi de suite. Nous sommes confrontés aux mêmes difficultés que les organismes de l'ONU quand vient le temps de fournir de l'aide humanitaire. Avons-nous plus de facilité à avoir accès à certaines régions? Notre présence est-elle plus rapidement acceptée? Je crois que c'est étrange de parler d'acceptation, mais les gens sont-ils plus enclins à collaborer avec nous? Sont-ils moins méfiants? Baissent-ils leur garde? C'est probablement le cas, mais nous devons aussi surmonter une deuxième série de défis dont les organismes de l'ONU n'ont même pas à se soucier. Au final, il s'agit de fournir de l'aide humanitaire. Tout le monde doit composer avec son propre lot de difficultés. Les organismes de l'ONU et les petits organismes ont leurs propres défis à surmonter. Les organismes de taille moyenne, comme le nôtre, Oxfam, Aide à l'enfance et l'UNICEF, ont leurs propres défis. Au bout du compte, nous sommes tous sur le même pied d'égalité. Qui est le mieux placé pour fournir de l'aide? Je reviens à ma première réponse, c'est-à-dire que tout dépend des circonstances. Dans certains cas, nos organismes sont probablement beaucoup plus aptes à fournir de l'aide, tandis que les organismes de l'ONU sont probablement beaucoup mieux placés pour le faire dans d'autres circonstances.

La présidente : Merci beaucoup d'avoir répondu à nos questions et d'avoir été des nôtres. Votre témoignage nous aidera dans nos travaux. Une question a été posée au sujet de la Turquie. Je viens de revenir de la Turquie, où se trouvent deux millions de réfugiés. Les autorités turques dépensent 30 millions de dollars par mois, et elles ont besoin d'aide.

M. Al-Rawni : Je vous souhaite bon succès dans vos travaux. J'ai hâte de lire votre rapport.

La présidente : Passons à une question d'ordre administratif. Le sénateur Eggleton a une question.

Le sénateur Eggleton : Voici mon commentaire. Nous avons entendu d'excellents témoignages durant notre étude. Je crois que nous avons maintenant une très bonne idée des conditions terribles dans lesquelles vivent les réfugiés syriens. Je souligne en particulier ce qu'on nous a dit concernant les enfants. Ils sont nombreux à avoir été déplacés, et ils seront aussi nombreux à connaître un avenir très difficile; on assiste peut-être à la naissance d'une génération perdue. Je crois qu'il est temps de produire notre rapport. Le temps presse, parce que la session tire à sa fin.

La crise ne va pas en s'améliorant. Divers organismes font de leur mieux, comme celui dont nous venons d'entendre parler. D'après moi, si nous pouvons faire quelque chose d'utile à ce sujet grâce à nos recommandations qui s'adresseraient principalement au gouvernement canadien, étant donné que nous faisons partie du Parlement du Canada, il est maintenant temps de le faire. Il est maintenant temps de rédiger notre rapport et de le soumettre au Sénat avant la fin de la session.

Il est question ici d'une crise. Je crois que nous le savons tous. Il est temps de rédiger le rapport.

La sénatrice Andreychuk : Je suis d'accord. Je crois que nous avons entendu d'excellents témoignages. Je félicite donc le comité directeur et les recherchistes de les avoir trouvés, parce que les témoins ont traité des sujets qu'il fallait.

Je suis inquiète, parce qu'un nouveau directeur du HCR arrivera en poste en juin, et nous pourrions dire quelque chose d'utile à ce propos. Si nous pouvions déposer notre rapport, ce serait utile.

Il faut aussi penser que les élections s'en viennent, c'est inévitable, tout comme les problèmes et les retards que cela occasionne, et si nous ne déposons pas le rapport avant de partir en juin, les témoignages de nos excellents témoins ne seront plus d'actualité. Je crois qu'il serait extrêmement utile de faire tout ce que nous pouvons pour accélérer la rédaction du rapport. Je crois que nous avons traité des problèmes majeurs. Je suis d'accord avec le sénateur Eggleton.

La présidente : Merci beaucoup à tous les deux. Je vous confirme que le comité directeur est aussi anxieux que vous. Nous ressentons cette pression plus que le reste du comité.

Nous nous sommes rencontrés hier, et les analystes ont constaté certaines lacunes. L'un des gros problèmes, c'est que nous espérions accueillir des représentants du BCAH et de l'OIM, mais les organismes ont refusé notre invitation. Nous espérons encore recevoir quelque chose, parce que nous avons besoin de certains renseignements du BCAH. Dès que nous les aurons — nous espérons entendre les derniers témoins d'ici le 7 —, les analystes travailleront d'arrache- pied pour remettre le rapport le plus tôt possible. Au nom des membres du comité directeur, je peux vous assurer que nous avons aussi hâte que vous de déposer le rapport. Nous travaillons certes en ce sens. Avec un peu de chance, dès que nous aurons entendu nos derniers témoins, nous vous présenterons quelque chose grâce à l'aide des analystes, qui travaillent tous les deux sans relâche.

Le sénateur Eggleton : Je comprends tout cela, mais je crois que nous devrions déposer sans faute le rapport au Sénat avant la fin de la session. Je crois que cela devient la priorité.

La présidente : Sénateur, nous vous avons entendu. Je vous répète que c'est également notre objectif.

Le sénateur Eggleton : Je sais, mais...

La présidente : Nous ne nous traînons pas les pieds; je vous l'assure.

Le sénateur Eggleton : Je veux que le rapport se concrétise. Je veux que nous rédigions un rapport, puis que nous le déposions au Sénat avant la fin de la session.

La présidente : C'est noté.

La sénatrice Eaton : Nous savons qu'autrement ce sera à recommencer. Nous avons donc la ferme intention de le faire.

La présidente : Merci beaucoup. Nous avons terminé.

(La séance est levée.)


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