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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 19 - Témoignages du 24 juin 2014


OTTAWA, le mercredi 24 septembre 2014

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, pour étudier le projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie. Je viens de la Nouvelle-Écosse et je suis président du comité. J'aimerais commencer par demander à mes collègues de se présenter, à commencer par la personne à ma gauche.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto.

La sénatrice Chaput : Maria Chaput, sénatrice du Manitoba.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, Ontario.

La sénatrice Seth : Asha Seth, Toronto.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, Montréal, Québec.

Le président : Avant d'entrer dans le vif du sujet et d'accueillir notre témoin, il y a quelques choses que je dois faire.

Pour commencer, nous sommes ici pour étudier le projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues. Son titre abrégé est le suivant : Loi visant à protéger les Canadiens contre les drogues dangereuses ou Loi de Vanessa.

Je dois vous informer que j'ai reçu aujourd'hui un document officiel à joindre à la documentation des comités du Sénat. Il s'agit d'une déclaration écrite d'intérêt privé présentée par l'honorable sénatrice Pana Merchant dans le contexte de l'examen par le comité du projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues. Cette déclaration d'intérêt privé sera consignée au compte rendu de la réunion. La sénatrice se retire donc de ces audiences.

C'est avec grand plaisir que j'accueille le tout premier témoin à comparaître dans le cadre de notre étude sur ce projet de loi, Terence Young, député d'Oakville et fondateur de Drug Safety Canada. Il s'agit en fait de l'inspiration et du parrain de ce projet de loi à la Chambre des communes.

Terry, nous vous souhaitons la bienvenue. Je suis également très heureux de constater que votre épouse, Gloria, est assise parmi le public en cette occasion importante pour tout le monde. Je vous appelle officiellement M. Young, mais Terry, je vous invite à présenter votre exposé au comité; il sera suivi d'une période de questions. Je rappelle aux membres du comité que cette partie de la séance se terminera au plus tard à 17 heures.

Terence Young, député d'Oakville et fondateur de Drug Safety Canada : Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, de m'inviter ici aujourd'hui dans le cadre de votre étude du projet de loi C-17, Loi de Vanessa. C'est merveilleux que de siéger au Parlement en plein cœur d'un changement générationnel dans la sécurité des patients, et je crois que cela illustre très bien, dans notre Parlement et notre démocratie, que la mort évitable d'une jeune fille innocente de 15 ans peut mener à des modifications profondes du cadre réglementaire fédéral d'une manière non partisane, à supposer que ce projet de loi soit adopté au Sénat. Peu de pays au monde peuvent s'en vanter.

Il est peu commun qu'un projet de loi gouvernemental aussi détaillé soit adopté à l'unanimité dans l'autre chambre, et j'espère qu'il le sera aussi au Sénat.

J'appuie vivement le projet de loi dans sa forme actuelle et je suis convaincu que les juristes qui l'ont rédigé comprennent parfaitement les enjeux et l'intention et qu'ils ont examiné avec grande attention et rigueur chaque mot et chaque terme pour en comprendre le sens dans le contexte de la pratique juridique et des lois similaires.

La Loi de Vanessa touche les grandes questions de compétence fédérale, afin d'établir une structure très solide pour la réglementation qui nous permettra d'en réaliser l'objectif.

Certains éléments clés des pouvoirs que crée la Loi de Vanessa en matière de gestion des médicaments découlent de vos recommandations, dont les pouvoirs d'exiger des études post-approbation, des modifications à l'étiquetage ou une réévaluation de l'innocuité et de l'efficacité d'un médicament, ainsi que ceux de divulguer de l'information publique sur les risques et les avantages d'un médicament ou d'en rappeler. Pour ce qui est du pouvoir d'exiger des feuillets d'information à l'intention des patients et la déclaration des renseignements concernant les essais cliniques, c'est vous qui aviez recommandé que les résultats d'essais cliniques soient publiés, et le pouvoir d'exiger la production de feuillets d'information à l'intention des patients se trouve déjà dans la Loi sur les aliments et drogues.

Des réactions indésirables évitables aux médicaments tuent des patients chaque jour au Canada. Je suis parfois hanté par l'idée que d'autres enfants vont, comme des soldats quelques minutes avant l'armistice, mourir d'une réaction à un médicament quelques semaines ou jours à peine avant que les modifications contenues dans ce document ne soient mises en œuvre.

En fait, Vanessa est décédée le 19 mars 2000, quelques jours avant le cinquième et seul avertissement efficace que Santé Canada ait fait parvenir aux médecins. Tout cela pour dire que le plus tôt le projet de loi C-17 deviendra loi, le mieux ce sera.

En juillet 2012, GlaxoSmithKline a payé la plus lourde amende de l'histoire des États-Unis, soit 3 milliards de dollars, en règlement d'accusations de marketing illégal et d'omission de déclarer les risques pour la sécurité que posent trois de ses principaux médicaments : Paxil, Avandia et Wellbutrin. Des centaines de victimes innocentes sont décédées après avoir pris ces médicaments. Toutefois, personne n'a été emprisonné, et cette amende de 3 milliards de dollars ne représente que 10,8 p. cent des recettes que l'entreprise tire de ces trois médicaments, c'est donc un simple coût de fonctionnement.

Le British Medical Journal a fait état récemment du montant des peines civiles et pénales versées aux gouvernements d'État et fédéral des États-Unis par les grandes sociétés pharmaceutiques entre janvier 1991 et le 18 juillet 2012 : le total s'élève à 30,2 milliards de dollars. On parle ici des plus grandes sociétés pharmaceutiques : Novartis, Pfizer, Abbott Labs, Eli Lilly, TAP, Amgen, Serono, Merck, Purdue, Allergan, AstraZeneca, Bristol-Myers Squibb, Cephalon, Schering-Plough, Wyeth, Johnson&Johnson, Ortho-McNeil et les autres. Le Dr Sidney Wolfe du Public Citizen conclut sur ces mots : « ... il y a un manque pathologique d'intégrité institutionnelle chez beaucoup de fabricants de médicaments. »

Voici la promesse faite par GlaxoSmithKline en matière d'intégrité sur son site web canadien : « Nous veillerons à ce que le bien-être de nos patients et des consommateurs soit au cœur de toutes les décisions que nous prenons... » Pourtant, pas plus tard que vendredi dernier, GlaxoSmithKline PLC s'est fait imposer une amende record de 535 millions de dollars par le gouvernement chinois pour avoir corrompu des médecins afin qu'ils prescrivent ces médicaments, une pratique qui remplace le patient au cœur de toute décision par de l'argent bien froid.

Mark Reilly, ancien président de GlaxoSmithKline en Chine, a été condamné à la prison, mais il semble qu'il soit déjà rentré chez lui, en Angleterre.

Le PDG de GlaxoSmithKline, Andrew Witty, a dit ceci dans une déclaration officielle : « Nous avons appris et nous continuons d'apprendre de tout cela. »

C'est la situation de l'éthique dans le monde, dans l'industrie pharmaceutique. Aucun groupe qui prétend placer les patients en premier n'agirait de la sorte.

Je me réjouis de pouvoir dire que les sanctions prévues dans la Loi de Vanessa sont assez sévères pour empêcher ce genre de corruption et générer un changement générationnel pour les patients canadiens.

Pour conclure, je tiens à souligner dans mon exposé que les représentants de l'industrie qui ont témoigné dans l'autre chambre ont exprimé leur appui à la Loi de Vanessa. Pourtant, j'entends dire qu'ils essaient déjà d'affaiblir ce projet de loi avant même qu'il n'acquière force de loi en demandant que Santé Canada ne puisse plus prendre aucune mesure relativement à un médicament à moins que les risques pour les patients ne soient imminents. Cela ne ferait que laisser des médicaments dangereux plus longtemps sur le marché.

En 2003, j'ai contribué à faire retirer Serzone du marché, en raison du tort qu'il cause au foie pendant des semaines et des mois. Santé Canada pourrait s'attendre à ce que les sociétés pharmaceutiques prétendent que ces médicaments n'ont pas d'effets indésirables imminents parce que ces effets se manifestent avec le temps. Elles pourraient aussi affirmer que des suicides (comme celui de Sara Carlin, causé par le Paxil, ou celui de Brennan McCartney, causé par le Cipralex) n'étaient pas imminents, parce que seul un jeune sur 50 souffre d'acathisie et qu'ils ne se tuent pas tous, ce qui signifie qu'il ne s'agit pas d'un effet imminent. Elles pourraient également soutenir que les réactions indésirables rares aux médicaments, comme les crises cardiaques et les AVC chez les consommateurs de Vioxx, n'étaient pas imminentes parce qu'on n'a pas pu prouver le lien de cause à effet.

Honorables sénateurs, je tiens à dire pour le compte rendu que cette tentative transparente de compromettre le projet de loi est encore le produit du manque d'intégrité pathologique des grandes sociétés pharmaceutiques qu'on a pu observer encore et encore au fil du temps. Elles ne peuvent pas s'en empêcher. La Loi de Vanessa est la solution. Je vous prie d'adopter ce projet de loi avec empressement. Je vous remercie du rôle critique que vous jouez dans sa création.

Le président : Merci infiniment, je vais maintenant lancer la période des questions. La sénatrice Seidman est la marraine du projet de loi au Sénat, et le sénateur Eggleton a gentiment offert, à titre de vice-président, de lui laisser son tour de parole pour qu'elle puisse ouvrir le bal. Je vais donc donner la parole à la sénatrice Seidman.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup, monsieur Young. Il ne fait aucun doute que ce projet de loi était attendu depuis longtemps, depuis une cinquantaine d'années en fait, puisque la Loi sur les aliments et drogues n'a pas été modifiée depuis. C'est très long. Ce projet de loi, qui reçoit un très bon accueil de tous, comme vous l'avez dit, apporte des changements très importants pour la santé et la sécurité des Canadiens.

Je suis certaine que vous savez que notre comité vient de terminer une étude de deux ans sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada, et je peux vous dire que nous avons entendu parler de problèmes très graves en ce qui concerne la création de médicaments, le manque de suivi, les conséquences involontaires et les problèmes liés à la surveillance. Il me semble clair que ce projet de loi va permettre de remédier à des problèmes importants et nous aider à mieux protéger la population. Plus particulièrement, et vous voulez peut-être nous en parler, nous avons beaucoup entendu parler de sous-groupes de la population, comme les enfants et les personnes âgées, qui ne sont pas inclus dans les essais cliniques en général. Il y a donc tout lieu de s'interroger sur les effets des produits pharmaceutiques sur ordonnance lorsqu'ils les utilisent. J'aimerais savoir en quoi votre projet de loi va nous aider à cet égard, selon vous.

M. Young : Vous parler des sous-populations?

La sénatrice Seidman : Oui.

M. Young : De différentes façons, en fait. La première, et je crois que c'est un outil très puissant, c'est que le projet de loi permet au ministre d'exiger la déclaration de tous les essais cliniques. Cela signifie qu'on ne pourra plus mener une série d'essais cliniques susceptibles de prouver qu'un médicament ne fonctionne pas, qu'il fonctionne seulement qu'un peu ou qu'il cause du tort aux patients, puis détruire les résultats pour que personne ne puisse les trouver, puisque la loi exigera désormais que toutes les études soient déclarées et les données publiées, même si l'essai n'est pas terminé. C'est très important, parce que le truc en ce moment consiste à tout arrêter dès qu'un essai tourne mal et à obliger les chercheurs à signer une ordonnance imposant le secret et à s'engager à ne plus jamais en parler.

Cette transparence revêt donc une importance énorme. Tout ce qui ressort clairement d'essais cliniques, toutes les données probantes seront accessibles aux chercheurs, qui pourront consulter toutes les études possibles et prendre position clairement.

En outre, ce projet de loi donne au ministre le pouvoir de divulguer de l'information pour demander des renseignements sur les sous-populations. En effet, si le ministre constate que dans les faits, la société pharmaceutique ou les médecins, de leur propre chef, utilisent un médicament d'une façon non prévue sur l'étiquette qui pourrait causer du tort à une sous-population, comme les enfants, il pourra leur demander de conduire d'autres études et de transmettre l'information le plus rapidement possible au ministère.

La sénatrice Seidman : D'accord, cela montre assurément qu'il y a là des protections pour les groupes constamment à risque, parce qu'ils ne sont généralement pas inclus dans les essais cliniques.

M. Young : La ministre pourrait également ordonner à la société pharmaceutique de compiler tous les renseignements sur les usages d'un produit dans les sous-populations pour lesquels le médicament n'a pas été testé, par exemple les femmes enceintes, les personnes âgées ou les enfants.

La sénatrice Seidman : Très bien, merci beaucoup. C'est très apprécié.

Le président : D'accord. Nous allons maintenant donner la parole au sénateur Eggleton, vice-président du comité et critique de l'opposition sur le projet de loi au Sénat.

Le sénateur Eggleton : Je préfère dire que je suis porte-parole de l'opposition.

Je ne suis pas un critique du projet de loi, en ce sens que je pense qu'il constitue un bon départ. À mes yeux, la question est la suivante : devrait-il aller un peu plus loin? Y a-t-il des améliorations que nous devrions y apporter à ce stade-ci pour le rendre meilleur?

Cependant, je veux d'abord vous remercier d'être ici. La passion qui vous anime sans relâche, ce qui se comprend fort bien en raison de la perte de votre fille, a véritablement inspiré tout cela, ce qui est une bonne chose.

Je crois que ce comité partage beaucoup les préoccupations que vous exprimez depuis longtemps, compte tenu des études que nous avons réalisées sur les produits pharmaceutiques et des nombreuses recommandations que nous avons formulées. Nous aimons croire que nous avons joué un rôle instructif dans la création de ce projet de loi en cours de route.

Vous avez mentionné la question de la déclaration, qui est liée au volet transparence. Bien des gens qui ont comparu devant nous, de la profession médicale ou d'ailleurs, nous ont dit qu'ils avaient besoin de l'information pour mieux comprendre ce qu'ils doivent faire pour contribuer à la sécurité publique. Nous voulons que Santé Canada redouble d'ardeur pour assurer la sécurité publique elle aussi, ce qui doit nécessairement passer par plus d'ouverture et de transparence, à commencer par ce système de déclaration.

Mais à bien des endroits dans ce projet de loi, on retrouve le mot « peut » : le ministre peut faire ceci ou cela. J'ai entendu ce que vous avez dit au Sénat il y a une semaine, et la sénatrice Seidman vient de nous parler de l'intention. Mais pour l'essentiel, l'intention va se réaliser dans la réglementation plutôt que dans le projet de loi lui-même.

Dans ce contexte, comment pouvons-nous être sûrs que la réglementation sera à la hauteur? Soit dit en passant, pour qu'elle le soit, il nous faudra rien de moins qu'un système au moins aussi ouvert et transparent que celui des Européens, de l'Agence européenne, ou celui de la FDA aux États-Unis, celui qu'elle prévoit mettre en place. La FDA envisage elle-même des modifications à l'heure actuelle.

C'est mon point de référence. Comment pourrons-nous être certains, par le suivi de la réglementation, que nous sommes à la hauteur?

M. Young : Je peux essayer de répondre à cette question en vous donnant mon opinion, sénateur. Je l'ai déjà dit : il me semble très clair que les rédacteurs de ce projet de loi à Santé Canada, les mêmes personnes qui travailleront à rédiger les règlements en suite, comprennent le message. Ils comprennent l'intention, ils comprennent les besoins et ils comprennent les risques auxquels s'exposent les patients canadiens.

Quand j'ai vu les amendements que j'ai pu présenter au comité et qui ajoutaient tellement de transparence dans le projet de loi en ce qui concerne les essais cliniques, je dois vous dire que j'étais très enthousiaste. Je ne savais pas qu'ils étaient déjà prêts, mais je sais qu'il y a une personne à Santé Canada qui travaille à l'élaboration de ce projet de loi depuis 14 ans. Je suis persuadé qu'elles vont faire ce qu'il faut et préparer de bons règlements. Mais tout est dans les détails, il faut donc s'interroger sur l'intention et le degré de compétence des personnes. Je voulais demander au président, et c'est peut-être le bon moment de le faire... David Lee, de Santé Canada est ici, il a participé à la rédaction de ce projet de loi...

Le sénateur Eggleton : Je lui ai déjà parlé.

M. Young : Serait-il utile et approprié qu'il vienne s'asseoir à côté de moi?

Le président : Il va comparaître avec les autres fonctionnaires à la fin, et je pense qu'il a été très aimable de nous donner une explication détaillée à cet égard, que le sénateur Eggleton a entendue plus tôt. Bref, à moins que le sénateur Eggleton ne le juge absolument nécessaire pour l'instant, nous attendrions un peu normalement, jusqu'à ce que les audiences battent leur plein, où il pourra comparaître et répondre à la question.

Le sénateur Eggleton : J'ai eu une bonne conversation avec David Lee un peu plus tôt aujourd'hui. Le président était là aussi. Mais nous avons aussi toute une histoire avec Santé Canada — vous aussi, d'ailleurs —, et elle n'a pas toujours été rose. Nous n'avons pas toujours été impressionnés du travail des fonctionnaires. Nous avons vu les critiques du vérificateur général sur le nombre d'inspections réalisées ou le temps qu'ils mettent pour rédiger des rapports sur des sujets susceptibles de mettre la santé des gens en péril.

Je pense qu'il va vraiment falloir nous convaincre que le ministère va être à la hauteur, et c'est dans cet esprit que je vous ai posé la question, mais je vais y revenir quand nous allons recevoir les représentants de Santé Canada un peu plus tard au cours de ces audiences.

M. Young : Sénateur, je pourrais peut-être vous répondre brièvement.

Le sénateur Eggleton : Bien sûr.

M. Young : À titre de parlementaire, j'ai bien l'intention de suivre le processus comme un faucon, comme je l'ai fait jusqu'ici.

Le sénateur Eggleton : J'en suis persuadé. C'est bien. Je suis content que vous soyez là pour le faire.

Permettez-moi de vous poser une autre question sur les critiques formulées par le vérificateur général. Revenons un instant au fait que Santé Canada n'a pas respecté ses quotas d'inspection, entre autres, et que le ministère a dû encaisser des compressions budgétaires il y a quelques années. Si je ne me trompe pas, quelque 275 postes ont été éliminés à la division chargée de suivre ce genre de choses. Si les fonctionnaires avaient du mal à faire leur travail à ce moment-là, comment pourront-ils le faire compte tenu de la surcharge que le projet de loi C-17 va représenter?

M. Young : C'est une question intéressante, et je dois dire que je ne connaissais pas ces chiffres. Je ne les avais encore jamais entendus, mais je crois qu'on est porté à tenir pour acquis que quand on adopte un projet de loi, il va générer plus de travail. Le contraire est tout aussi probable dans ce cas-ci. J'ai ici des copies des communications entre Janssen Ortho et Santé Canada, au moment où Marta Caris en était directrice, après la mort de Vanessa, et où elle essayait de faire retirer le Prepulsid du marché, et la correspondance en question est épaisse comme ça. On voit bien que ces personnes ont passé des heures de part et d'autre pour rédiger chaque lettre et que le tout a duré des mois. C'est extrêmement énergivore pour un fonctionnaire.

Quand le pouvoir d'agir est là, il suffit d'envoyer une lettre et de faire un appel téléphonique. On prend le temps de s'asseoir pour dire : « Voici ce que nous voulons que vous fassiez », donc cela ne prend pas des mois. Je crois qu'il est très possible que l'octroi de ces pouvoirs aux experts de Santé Canada et au ministre leur fasse économiser du temps.

Le sénateur Eggleton : Oui, je crois que ce devrait être le cas. Je suis plutôt d'accord avec vous, mais vous savez, au sujet des rappels, on ne peut pas vraiment dire que le ministre n'avait pas de pouvoir pour gérer la situation. Il est vrai, techniquement, que le ministre doit négocier en ce moment, mais le ministre a d'autres pouvoirs. Il peut suspendre un permis d'activité, par exemple, ce qui est assez puissant. Il y a des choses qu'un ministre peut faire qui ont de l'impact, mais elles n'ont pas été faites.

M. Young : D'après ce que je comprends, si un ministre retire l'avis de conformité pour suspendre un permis, la mesure s'applique à tous les médicaments que l'entreprise vend sur le marché. C'est ce qu'on m'a dit. Ce serait la solution extrême, parce qu'il y a des gens qui consomment ces médicaments chaque jour, et ceux-ci les soulagent, calment la douleur, et cetera, ce serait donc pire que d'utiliser un instrument plus direct.

En revanche, grâce à la Loi de Vanessa, le ministre pourra prendre une décision sur un médicament en particulier en temps opportun.

Le sénateur Eggleton : Bonne réponse. Je vous remercie. Je suis persuadé que vous allez suivre également toute la question budgétaire. Je suis certain qu'ils ont des ressources.

M. Young : Vous pouvez en être sûr.

Le président : Merci. Je vais maintenant céder la parole à la sénatrice Seth, qui sera suivie par le sénateur Enverga.

La sénatrice Seth : Merci, monsieur le président, et merci de cette illustration, monsieur Young. Je sais que vous travaillez à cette question depuis longtemps, et j'en ferais autant à votre place. J'étais déjà au courant de la plupart des choses que vous avez dites dans vos réponses jusqu'ici.

Croyez-vous que le projet de loi C-17 confère au ministre le pouvoir d'ordonner un rappel? Êtes-vous d'accord avec cela?

M. Young : Avec le fait que le ministre devrait avoir ce pouvoir?

La sénatrice Seth : Oui, ce nouveau pouvoir ministériel.

M. Young : Absolument.

La sénatrice Seth : Croyez-vous qu'il y aurait une personne mieux placée pour assumer cette responsabilité sans influence politique? Croyez-vous que ce serait encore mieux?

M. Young : Je ne connais aucun ministre qui ferait une chose pareille sans recommandation claire des dirigeants de Santé Canada, l'organisme de réglementation qui a toute l'information, parce que c'est une chose très grave et qu'elle peut représenter un défi. C'est la chose à faire, et elle devrait être faite plus tôt, si on pense entre autres à l'exemple du médicament Vioxx, qui a été retiré volontairement du marché, d'après les sociétés pharmaceutiques. Elles ont toujours affirmé l'avoir retiré du marché volontairement, parce que si elles retirent un médicament des États-Unis, par exemple, alors les centaines d'autres pays où elles le vendent pourraient ne pas le remarquer, si bien qu'elles pourraient continuer de le commercialiser dans tous ces autres pays.

Cette mesure permet au ministre de prendre une décision pour protéger les Canadiens, après quoi si ces sociétés veulent mener une étude ou trouver une façon de prescrire un médicament en toute sécurité, elles peuvent toujours présenter l'information pertinente au ministre pour que le médicament soit remis en marché de façon limitée, avec un statut spécial ou pour un accès spécial.

La sénatrice Seth : Pouvez-vous nous expliquer comment le ministre aura ce pouvoir? Le processus de rappel s'enclenchera-t-il rapidement?

M. Young : À ma connaissance, Santé Canada a retiré un avis de conformité une seule fois. C'était pour un médicament du nom d'Adderall, qui créait de la dépendance chez les jeunes. Il s'agit en fait de speed. On l'utilise comme le Ritalin pour aider les jeunes à se concentrer à l'école, entre autres, et son avis de conformité a été retiré temporairement, après quoi les avertissements ont été bonifiés et la société a reçu l'autorisation de recommencer à le vendre, mais avec beaucoup de contraintes.

Je ne crois pas que ce pouvoir ait déjà été utilisé avant, mais le cas le plus connu est celui du thalidomide, dans les années 1960. J'essaie de me rappeler si son retrait du marché avait été imposé ou s'il avait été retiré volontairement, mais une femme, qui a plus tard reçu un prix du président Kennedy, avait refusé d'approuver le thalidomide pour la commercialisation aux États-Unis, ce qui avait évité que des bébés américains naissent avec des nageoires et meurent, entre autres.

Je suis donc persuadé, qu'un ministre n'exercerait ce pouvoir qu'après mûre réflexion.

La sénatrice Seth : Merci.

Le sénateur Enverga : Merci, monsieur le président, et merci à notre témoin. En fait, nous attendions ce projet de loi depuis très longtemps. C'est mon sentiment, parce que ma belle-mère s'est fait prescrire un médicament qui a immédiatement causé une défaillance interne chez elle, et j'espère que cela ne se reproduira plus grâce à cette loi.

Les grandes sociétés pharmaceutiques ont sûrement entendu parler du projet de loi que vous essayez de faire adopter. Vous ont-elles fait parvenir leurs réactions? Leurs dirigeants vous en ont-ils parlé?

M. Young : Oui, et je ris, parce que j'ai été sidéré de leurs réponses. Je participais à une réception avant que la Loi de Vanessa ne soit adoptée en troisième lecture à la Chambre, et ils sont venus me dire qu'ils voulaient que je sache qu'ils appuient vivement la Loi de Vanessa. J'ai souri et j'ai dit : « C'est très intéressant, parce que j'aimerais justement savoir pourquoi vous n'avez pas vous-mêmes mis en œuvre les mesures contenues dans cette loi au cours des 14 dernières années, parce qu'il n'y avait rien qui vous empêchait de prendre ces mesures pour accroître la sécurité des patients. »

Mais ils ont déclaré officiellement en séances de comité qu'ils appuient le projet de loi. Comme je l'ai dit dans mon exposé, ils travaillent déjà à en miner l'effet.

Le sénateur Enverga : Très bien. Merci.

M. Young : Si je peux me permettre d'ajouter une chose, monsieur, en réponse à la question de la sénatrice Seth, en vertu de ce projet de loi, la ministre a le pouvoir d'exiger des modifications à l'étiquette plutôt que d'ordonner le retrait du marché d'un médicament. Si l'étiquette trompe les médecins, qu'elle n'est pas claire, comme c'est le cas de la plupart d'entre elles, il faut bien le dire en toute honnêteté, elle peut ordonner qu'une lettre clairement rédigée soit envoyée à chaque médecin au Canada, à chaque professionnel de la santé pour les inciter à faire attention à ceci ou cela. On pourra ensuite vérifier si les médecins ont compris le message et changé leurs habitudes d'ordonnance. La ministre a le pouvoir de publier des annonces dans les journaux aussi, si elle le souhaite.

Le président : Merci. Eh bien, Terry, il y a beaucoup de choses dont j'aimerais pouvoir discuter avec vous aujourd'hui, mais vous êtes le premier témoin à comparaître dans le cadre de cette étude, et je suis le président du comité, donc je vais garder mes interrogations pour plus tard. Nous avons bien hâte d'en discuter au cours des prochaines séances, et notre étude va culminer avec la comparution de la ministre et de ses fonctionnaires. Nous verrons bien comment tout cela évolue.

Pour l'instant, encore une fois, au nom du comité, je tiens à souligner le rôle que vous avez joué dans le dépôt de ce projet de loi fort prometteur et tout le potentiel qu'il présente pour les Canadiens. Je ne peux aller plus loin aujourd'hui, parce que nous n'avons pas terminé nos audiences et que nous ne savons pas encore quelles seront nos recommandations.

Pour le moment, je souligne le rôle que vous avez joué pour faire avancer ce dossier jusqu'ici. Nous avons hâte de discuter de toutes ces choses avec vous.

Sur ce, je vous remercie d'avoir comparu devant nous aujourd'hui.

Chers collègues, nous recevons trois témoins pour la seconde partie de la séance. Si tout le monde est d'accord, je vais les inviter à prendre la parole dans l'ordre qu'ils figurent à l'ordre du jour d'aujourd'hui.

Avant de commencer, je dois demander une permission au comité. Nous avons reçu un mémoire d'un témoin aujourd'hui, qui n'est qu'en anglais. Nous sommes en train d'en faire des photocopies. Ai-je votre permission pour l'accepter aujourd'hui avant qu'il ne soit traduit?

Sénatrice Chaput?

La sénatrice Chaput : Oui.

Des voix : D'accord.

Le président : Merci, mesdames et messieurs les membres du comité. Dès que nous les recevrons, nous les ferons parvenir à tous les membres du comité.

Sur ce, je rappelle que nous étudions le projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues, dont le titre subsidiaire est le suivant : Loi visant à protéger les Canadiens contre les drogues dangereuses ou Loi de Vanessa.

Nous sommes très heureux de recevoir trois témoins aujourd'hui, qui représentent trois organisations importantes. Comme je l'ai indiqué, je vais les inviter à prendre la parole dans l'ordre qu'ils apparaissent à l'ordre du jour. Je vais les inviter à faire chacun leur tour un exposé, après quoi je vais laisser les sénateurs leur poser des questions. Quoi qu'il en soit, la réunion va se terminer au plus tard à 18 h 15 aujourd'hui.

Le premier témoin sera Alies Maybee, porte-parole des patients chez Patients Canada.

Alies Maybee, porte-parole des patients, Patients Canada : Merci beaucoup, honorables sénateurs et tous les autres.

Patients Canada a pour mission de présenter le point de vue des patients dans le domaine de la santé. Nous croyons que les personnes en général veulent prendre des décisions éclairées sur leur santé, ce qui n'est pas possible si l'on ne dispose pas d'information complète et de qualité.

Certains d'entre nous travaillent également, au sein de l'organisation et ailleurs, à essayer d'établir un partenariat avec les organismes de santé afin d'améliorer les soins de santé. Encore une fois, ce n'est pas possible si nous ne disposons pas d'information complète et de qualité. C'est un peu la constante, si l'on veut.

Au sujet du projet de loi C-17 lui-même, nous sommes très heureux de constater qu'il prévoit une surveillance accrue tout le long du cycle de vie d'un médicament, et nous appuyons vivement cet aspect du projet de loi. Nous appuyons également tous les efforts de transparence accrue qu'il contient.

Je conclurai en disant que nous aimerions que la transparence soit encore plus grande, cependant. L'utilisation du mot « peut » a déjà été soulevée et elle m'a frappé moi aussi, parce que je serais très déçue que le projet de loi laisse une trop grande marge de manœuvre pour les choses qui ne sont pas aussi transparentes que possible.

C'est à peu près tout ce que je sens le besoin de dire pour l'instant. Merci beaucoup.

Le président : Merci infiniment. Je vais donner la parole à Janet Currie, qui représente le Psychiatric Medication Awareness Group.

Janet Currie, représentante, Psychiatric Medication Awareness Group : Je vous remercie beaucoup de m'avoir invitée à m'exprimer devant vous aujourd'hui.

J'aimerais rappeler les préoccupations de notre organisation concernant les médicaments sur ordonnance et les produits médicaux, c'est-à-dire la sécurité et la protection de la santé des Canadiens, l'efficacité et la transparence dans les décisions et l'information sur les éléments susceptibles de compromettre la sécurité. En ce sens, nous estimons que ce projet de loi constitue vraiment un bon départ afin d'établir un cadre pour nous attaquer aux problèmes à cet égard.

J'aimerais aborder rapidement quelques points qui me préoccupent. Nous croyons que l'idée de conférer au ministre Moore le pouvoir d'exiger des renseignements des fabricants sur un médicament lorsqu'il juge qu'il présente un risque pour la santé, ainsi que le pouvoir d'ordonner un rappel sont de bonnes mesures pour accroître la capacité d'intervention du ministre. Cependant, nous ne comprenons pas les critères qui serviront à évaluer les risques pour la santé humaine et nous aimerions qu'ils soient détaillés.

Dans les négociations et les discussions avec Santé Canada au fil du temps, les fonctionnaires n'ont pas réussi à nous décrire les signaux et la trajectoire décisionnelle pour évaluer les risques. Nous avons aussi l'impression que l'option de rappel, comme quelqu'un l'a déjà mentionné, est une solution extrême. Qu'arrivera-t-il s'il ressort des épreuves d'innocuité d'un médicament demandé par le ministre qu'il pourrait présenter des risques? Restera-t-il sur le marché ou sera-t-il rappelé? Je m'attends à ce que l'option de rappel ne s'applique qu'aux circonstances extrêmes. Nous avons besoin d'un plus large éventail de mesures intermédiaires pour que le ministre puisse suspendre peut-être temporairement une autorisation le temps de terminer les épreuves d'innocuité.

Il faut également se préparer à de la résistance de la part des sociétés pharmaceutiques à l'égard des options contenues dans ce projet de loi. J'aimerais avoir plus de détails sur le processus d'appel dont bénéficieront les sociétés pharmaceutiques et sur sa durée. Ensuite, le fait que le ministre puisse demander des épreuves d'innocuité selon ce projet de loi constitue un excellent premier pas. Cela s'applique aux habitudes de prescription divergentes des indications prévues sur l'étiquette, lorsqu'un médicament est déjà en marché et qu'il est prescrit pour toutes sortes d'utilisations. Là encore, toutefois, qu'entend-on par risque? Il y a beaucoup de questions à se poser sur les épreuves d'innocuité. Qui conduira ces épreuves? Qui élaborera les tests? Nous ne croyons pas que les sociétés pharmaceutiques qui produisent les produits en question devraient elles-mêmes superviser ou coordonner ces épreuves. Ce devrait plutôt être du ressort d'un organisme neutre à notre avis.

Nous aimerions également que les résultats de ces épreuves soient rendus publics ou à tout le moins, que le public, tout comme le ministre, y ait accès.

Le troisième élément que je veux soulever concerne les directives selon lesquelles des institutions devraient recueillir de l'information sur les réactions indésirables aux médicaments. En principe, nous voyons d'un bon œil que ces institutions le fassent. Cependant, pour que cet effort porte fruit, il faudra doter Santé Canada des ressources nécessaires pour recueillir l'information sur les réactions indésirables aux médicaments. Ce ne sera possible que si l'on nomme un champion au sein de chaque institution et qu'il y a des incitatifs pour pousser les professionnels de la santé à déclarer ces réactions. Je crains fort que Santé Canada n'ait pas à l'heure actuelle les ressources nécessaires pour cela. Je crains également que les intérêts propriétaires et commerciaux constituent des obstacles à la mise en œuvre de ce projet de loi.

En terminant, j'aimerais ajouter une dernière chose. Pour ce qui est de la capacité de mettre en œuvre le projet de loi, Santé Canada a vu ses ressources être réduites dans le domaine du respect des règles, de la surveillance des réactions indésirables et du repérage des signes. À moins d'accroître la capacité à cet égard, je suis très sceptique que le projet de loi soit efficacement mis en œuvre.

Je vous invite à souligner l'importance des ressources et à établir des repères pour vérifier si le projet de loi a l'effet escompté de protéger la santé et la sécurité des Canadiens.

J'ai quelques renseignements sur un médicament qui est actuellement interdit aux États-Unis, mais qui est de plus en plus prescrit à des fins autres que l'usage approuvé au Canada, selon ce que nous apprennent des recherches. J'aimerais savoir si ce sera l'un des premiers médicaments dont on évaluera l'innocuité. Je suis disposée à en discuter plus tard. Il nous faut des repères. Nous devons évaluer les effets du projet de loi pour déterminer s'il améliorera bel et bien la santé et la sécurité des Canadiens.

Le président : La parole est maintenant à Christine Janus, qui est membre du comité de direction de la Coalition pour de meilleurs médicaments.

Christine Janus, membre du comité de direction, Coalition pour de meilleurs médicaments : Merci, mesdames, messieurs les sénateurs, chers collègues. Je tiens à remercier le comité de nous avoir invités et d'avoir inclus les patients dans l'étude et les discussions sur le projet de loi. Nous félicitons les représentants de Santé Canada du travail qu'ils ont accompli et de la sagesse dont ils ont fait preuve en incluant les patients dans le processus. Je suis ici à titre de membre du comité de direction de la Coalition pour de meilleurs médicaments qui s'exprime au nom d'organismes de patients de partout au Canada.

La Coalition pour de meilleurs médicaments s'intéresse vivement aux politiques en matière de santé et souhaite faire participer les patients à leur élaboration; nous nous concentrons principalement sur les enjeux pharmaceutiques au Canada.

La Coalition pour de meilleurs médicaments est un membre actif de l'Alliance of Patient Organizations, qui nous permet d'avoir un aperçu des pratiques exemplaires ailleurs. Mes collègues de la Coalition pour de meilleurs médicaments ont étroitement participé au fil des ans à...

Le président : Pourriez-vous ralentir un peu votre cadence pour donner un certain répit aux interprètes s'il vous plaît?

Mme Janus : Oh, désolée. D'accord. Je vais aller plus lentement.

Le président : Je comprends que vous le faites en raison du temps, mais...

Mme Janus : D'accord. Mes collègues de la Coalition pour de meilleurs médicaments ont étroitement participé au fil des ans à des discussions et à des consultations avec Santé Canada au sujet de la mesure législative, parce que nous croyons qu'elle contient d'importantes mesures de protection pour les Canadiens. La Coalition pour de meilleurs médicaments appuie de tout cœur le projet de loi.

Je représente ici la Coalition pour de meilleurs médicaments, mais je suis également directrice générale et chef de la direction de l'Alliance canadienne des patients en dermatologie; il s'agit d'un organisme créé pour les patients par des patients qui offre des services de soutien, d'éducation et de défense aux 10 millions de Canadiens, bon an, mal an, qui ont des troubles dermatologiques. C'est un organisme-cadre qui regroupe plus de 20 organismes canadiens de soutien aux patients atteints des troubles dermatologiques précis.

Je suis également directrice générale et chef de la direction de l'Association canadienne des patients atteints de psoriasis, qui offre des services à environ un million de Canadiens atteints de psoriasis et de rhumatismes psoriasiques.

J'ai vécu la majeure partie de ma vie avec plusieurs troubles dermatologiques; dernièrement sont apparus deux nouveaux troubles dermatologiques relativement rares, qui sont également des troubles systémiques et inflammatoires. Je prends chaque jour un cocktail de médicaments, et je m'inquiète des interactions médicamenteuses et des réactions indésirables. Des membres de ma famille prennent aussi des médicaments pour divers troubles, et nous espérons que Santé Canada est vigilant et a le pouvoir de s'assurer de l'innocuité des médicaments offerts au Canada.

Au cours des huit dernières années, j'ai beaucoup appris sur le système de santé au Canada et ses limitations, et je me suis jointe à mes collègues pour défendre les intérêts des patients et trouver des solutions pour améliorer leur sécurité. Nous nous inquiétons grandement des limitations des autorités canadiennes en ce qui concerne la surveillance postcommercialisation.

La Coalition pour de meilleurs médicaments offre des services aux patients qui ont des troubles de santé modérés ou graves et qui ont souvent des troubles complexes et chroniques, de même que des maladies qui présentent un risque plus élevé de décès. Tous ces patients dépendent des médicaments, et il est essentiel que ces personnes aient confiance que l'innocuité de leurs médicaments est vérifiée et que c'est étroitement surveillé tout au long du cycle de vie de chaque médicament. Les renseignements relatifs aux médicaments nécessaires au maintien de la santé de ces patients, les interactions médicamenteuses et les effets indésirables doivent être communiqués clairement et en temps opportun en vue d'éviter des effets indésirables.

En dépit des risques inhérents à la prise de médicaments, à savoir que l'on comprend que chaque médicament peut avoir des effets secondaires, ces patients doivent avoir accès aux médicaments. Nous ne voulons donc pas que ce soit limité d'une quelconque façon. Par contre, ces patients doivent aussi être pleinement au courant des bienfaits et des risques pour être en mesure de prendre des décisions éclairées.

Le projet de loi C-17, la Loi de Vanessa, est certainement un pas dans la bonne direction. La Coalition pour de meilleurs médicaments appuie les modifications proposées à la loi et vous invite à aller de l'avant sans délai. Il est grand temps qu'une loi créée il y a près d'une quarantaine ou d'une cinquantaine d'années fasse son entrée dans l'ère moderne et reflète la complexité de notre époque. Il faut une meilleure surveillance postcommercialisation au Canada et un cadre réglementaire pour l'appuyer. Santé Canada a récemment fait de grands progrès avec MedEffet et d'autres initiatives, mais le ministère subit des contraintes qui réduisent son accès aux renseignements dont il a besoin. De plus, compte tenu du processus accéléré qui vient récemment d'être mis en place pour les produits biosimilaires et les produits biologiques ultérieurs, dont les exigences préalables à la commercialisation ont été réduites, nous avons besoin plus que jamais d'une surveillance postcommercialisation rigoureuse. Nos gouvernements doivent avoir la capacité de recueillir des informations sur l'innocuité et d'intervenir concrètement lorsque des problèmes sont décelés. Nous croyons qu'il est important de rendre obligatoire la déclaration d'effets indésirables ou d'incidents et d'imposer des sanctions plus sévères en cas de non-respect. Nous comprenons bien les pressions que subissent tous les intervenants, et nous sommes conscients qu'il y a des questions litigieuses, que nous espérons voir se régler. Cependant, nous croyons fermement qu'une approche qui vise la sécurité des patients avant toute autre chose est la bonne manière de procéder. En tant que porte-parole des patients canadiens, notre organisme avance que la sécurité des patients doit être la priorité. Nous appuyons l'adoption de la mesure législative sans délai. Le projet de loi est attendu depuis longtemps et représente une amélioration en vue de nous assurer de la sécurité des patients au Canada. Nous applaudissons le gouvernement d'avoir entendu l'appel des patients et nous répétons l'importance de continuer d'inclure les patients à chaque étape du processus réglementaire et de la mise en œuvre du projet de loi, ainsi que de manière régulière dans l'avenir. Notre organisme se réjouit de continuer de collaborer avec Santé Canada, et je vous remercie encore une fois de nous avoir donné l'occasion de faire entendre notre voix aujourd'hui dans le cadre de votre importante étude.

Le président : Passons aux questions. Nous avons convenu plus tôt de laisser la parole en premier à la marraine du projet de loi au Sénat, la sénatrice Seidman. Suivra ensuite le représentant de l'opposition au Sénat et le vice-président du comité, le sénateur Eggleton.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup de vos exposés. Si vous me le permettez, madame Maybee, vous avez soulevé deux ou trois points relativement au libellé, dont l'utilisation de « will » dans la version anglaise, comme l'a déjà mentionné le sénateur Eggleton. J'aimerais seulement vérifier si vous êtes au courant que le libellé utilisé dans les dispositions du projet de loi reprend ce qui se trouve dans la Loi sur les aliments et drogues et la Loi sur la salubrité des aliments au Canada et que cela n'a jamais empêché le ministre d'exercer les pouvoirs que les lois lui confèrent.

Mme Maybee : J'en suis consciente, et je crois que c'était le mot « peut » qui me dérangeait.

La sénatrice Seidman : Le mot « peut » est-il utilisé dans le projet de loi?

Mme Maybee : Oui. J'ai lu le projet de loi et j'ai remarqué qu'il y avait des parallèles. Je ne suis pas législatrice. En tant que profane, je peux vous dire que « peut » laisse sous-entendre qu'on peut faire quelque chose ou non. Nous avons besoin d'une plus grande transparence. Nous pouvons d'abord adopter le projet de loi avant de passer à quelque chose d'un peu plus rigoureux. Voilà ce que nous voulons. Il faut plus de transparence. Nous voulons que les citoyens soient mieux informés pour qu'ils puissent prendre des décisions éclairées. Je suis d'accord avec mes collègues; il s'agit d'un bon projet de loi.

La sénatrice Seidman : Merci. Je suis d'accord avec vous sur ce point. Pour continuer au sujet de ce qui vous dérange relativement à « peut » et à « shall » dans la version anglaise — je respecte entièrement votre opinion à ce sujet —, êtes- vous au courant que dans le projet de loi les nouveaux pouvoirs donnés aux ministres créeront des obligations qui prévoient très clairement que le ministre doit rendre accessible au public tout ordre concernant certains pouvoirs? Il y a, par exemple, l'obtention de renseignements, l'obligation d'ordonner le rappel d'un produit, l'obligation de modifier l'étiquette d'un produit, l'obligation d'effectuer une évaluation d'un produit et l'obligation d'exiger des essais, de nouveaux essais ou de plus amples études. Dans le projet de loi, ce sont des obligations du ministre. Bref, en ce qui concerne l'utilisation des mots « will » et « shall » dans la version anglaise — et je ne suis pas plus avocate que vous et je ne comprends donc peut-être pas toutes les répercussions de ces petits mots —, il n'en demeure pas moins que le projet de loi prévoit de nouveaux pouvoirs qui sont très clairement définis comme des obligations du ministre.

Mme Maybee : Oui. J'ai vu qu'il s'agissait d'obligations et qu'il y a d'autres obligations concernant la divulgation de renseignements. La manière d'y arriver m'intéresse également, parce qu'il arrive parfois que certains renseignements soient rendus publics, mais ils sont enfouis quelque part. Les gens ont de la difficulté à y avoir accès, ou la manière d'y arriver n'est pas nécessairement connue du public.

Encore une fois, en ma qualité de représentante de Patients Canada, j'aimerais que les renseignements soient clairs, facilement accessibles et assimilables. Ce serait bien aussi que le projet de loi soit traduit en langage simple pour que le reste des gens puissent le comprendre lorsqu'il deviendra loi, ce que je souhaite.

La sénatrice Seidman : Il ne fait aucun doute que notre principale préoccupation est la sécurité et la santé des Canadiens. Je sais que c'est votre cas. C'est primordial, et c'est l'objectif du projet de loi.

Mme Maybee : Merci de votre question.

La sénatrice Seidman : Madame Currie, vous avez fait allusion à une option extrême, et si je ne m'abuse l'option extrême est la situation qui prévaut actuellement.

Mme Currie : Je parlais de l'option d'avoir le pouvoir d'ordonner le rappel d'un médicament, ce qui est une réaction très forte à un problème d'innocuité. Ce que j'essayais de faire valoir, c'était que j'aimerais qu'il y ait une gradation des mesures, parce que cela fait penser à un juge qui vous condamne à l'emprisonnement à perpétuité, puis qui évalue, par exemple, divers niveaux de risques pour la sécurité.

En ce qui concerne l'utilisation non indiquée sur l'étiquette d'un médicament, je vous ai donné l'exemple d'un médicament pour lequel il serait nécessaire d'effectuer d'autres essais d'innocuité. Aucune décision n'a encore été prise, mais il y a suffisamment d'éléments pour exiger la tenue d'essais d'innocuité, soit un processus ardu. Le ministre n'ordonnerait pas cela à moins qu'il y ait de graves préoccupations. Par contre, le ministre ordonnerait-il le rappel du médicament sans avoir en main les données? Je m'inquiète des mesures temporaires; j'aimerais voir une gradation des mesures ou des pouvoirs pour ne pas rester là sans rien faire. Si vous avez une mesure extrême qui entraîne beaucoup de répercussions, les gens seront réticents à l'utiliser. Voilà ce qui m'inquiète.

La sénatrice Seidman : Vous faites une distinction entre ce qui prévaut actuellement, soit l'option extrême, qui est un rappel unilatéral, et la présente option.

Mme Currie : Non. J'avance que le rappel en tant qu'option extrême — je m'excuse de ne pas avoir trouvé une meilleure formulation — est une mesure extrême. Les fabricants n'accueillent pas favorablement les mesures extrêmes qui ont beaucoup de répercussions. J'aimerais qu'il y ait une gradation des mesures; ce seraient des mesures qui n'iraient pas jusqu'à cet extrême, mais qui protégeraient tout de même dans l'intervalle la santé et la sécurité des Canadiens.

La sénatrice Seidman : Au lieu de tout simplement ordonner le rappel d'un médicament?

Mme Currie : Oui. Je ne m'oppose pas à ce que le ministre ait un tel pouvoir. J'en suis ravie, mais je crois que c'est une mesure extrême.

Le sénateur Eggleton : Eh bien, je remercie nos trois témoins de leur présence. Madame Maybee, je suis d'accord que « peut » peut également vouloir dire « peut ne pas ». Il est vrai que le projet de loi prévoit de soi-disant obligations, mais le ministre a encore beaucoup de latitude pour faire des exceptions dans certains domaines. Nous devrons donc le garder en tête, et nous devrons avoir une meilleure compréhension du jargon juridique. Je suis d'accord avec vous.

Madame Currie, je vous ai citée la semaine dernière lors de mon discours à l'étape de la deuxième lecture. J'ai dit que vous pensiez que la divulgation était fondamentale. Cela concernait précisément les essais cliniques, mais je tiens seulement à m'assurer que ce que vous avez dit s'applique à l'ensemble de la question. Voici votre citation :

[...] comment les chercheurs [...] et le public peuvent évaluer l'innocuité et l'efficacité d'un médicament sans avoir pleinement accès aux données, à l'historique et aux résultats des essais cliniques.

J'en comprends que c'était un commentaire général, n'est-ce pas?

Mme Currie : Absolument. L'enregistrement des essais cliniques est important, mais il est tout aussi important de savoir si les essais cliniques sont terminés et d'en connaître les résultats. Comme vous n'êtes pas sans le savoir, beaucoup de recherches ont porté sur la question globale des résultats des essais cliniques, et la première fois que j'ai entendu ce qui suit, je n'en croyais pas mes oreilles. Je me dois de demander s'il est vrai qu'un fabricant n'a besoin que de deux essais cliniques positifs pour faire approuver un médicament. Le fabricant peut avoir réalisé 10 autres essais cliniques qui ont donné des résultats ambivalents ou négatifs, mais c'est correct, pourvu qu'il ait atteint le nombre minimal.

Prenons l'exemple du Prozac, qui sonnait le début de la révolution des antidépresseurs ISRS. De nombreux essais cliniques concernant ce médicament ont donné des résultats discutables ou ambivalents. C'est la même histoire pour de nombreux autres antidépresseurs. Beaucoup de choses ont été écrites sur la question. Il est très important de divulguer intégralement la liste des essais cliniques enregistrés et les résultats positifs et négatifs pour que le public y ait accès.

Le sénateur Eggleton : J'aimerais revenir sur les questions de la sénatrice Seidman et vos commentaires sur l'outil pour ordonner le rappel d'un produit.

Vous proposez une gradation des mesures, parce que vous dites que certains seraient réticents à utiliser le processus. Selon ce que je comprends du projet de loi, le ministre doit croire qu'il y a un risque grave et imminent, et je conviens que c'est un peu excessif. Vous avancez que certains y seraient réticents. Croyez-vous que cette réticence puisse aussi être liée à la nature très procédurière des sociétés pharmaceutiques?

J'ai fait remarquer qu'Eli Lilly poursuit le Canada pour 500 millions de dollars, parce que l'entreprise prétend que le Canada a enfreint son engagement à l'égard des investisseurs étrangers aux termes de l'Accord de libre-échange nord- américain en autorisant des tribunaux canadiens à invalider les brevets pour deux des médicaments de la société pharmaceutique. Ce n'est pas tout à fait la même chose qu'un rappel, mais cela démontre néanmoins que si une société pharmaceutique risque de perdre des ventes, elle peut rapidement se tourner vers les tribunaux, même si les sociétés pharmaceutiques ne gagnent pas à tout coup, mais elles ont les moyens de le faire, comme nous le savons très bien. Cela pourrait avoir comme effet de refroidir les ardeurs de tout ministre qui songerait à avoir recours à un tel outil. Cela fait-il partie de ce qui vous préoccupe?

Mme Currie : Absolument. Voilà pourquoi j'ai dit que j'aimerais avoir des détails dans le projet de loi en ce qui concerne la procédure d'appel que les sociétés pharmaceutiques auront. Si l'on discute d'un rappel ou qu'un ministre ordonne un rappel, il doit certainement y avoir une procédure d'appel.

Nous avons appris des précédentes procédures d'appel, même en ce qui concerne des modifications à l'étiquette d'un produit, que le ministre a le pouvoir de demander de telles modifications. Par contre, quelle sera la procédure d'appel et combien de temps durera-t-elle? Je serais extrêmement surprise qu'une procédure d'appel soit prévue dans le règlement. Dans le cas d'un médicament critiqué au sujet duquel des problèmes d'innocuité ont été rapportés, combien de temps la procédure d'appel durera-t-elle et combien d'autres Canadiens s'exposeront-ils à des risques durant cette procédure?

Je suis d'accord avec vous au sujet de la nature procédurière des sociétés pharmaceutiques; il faut comprendre le fonctionnement de la procédure d'appel et la manière dont le tout peut évoluer.

Le sénateur Eggleton : À la fin de votre exposé, vous avez parlé des risques et notamment des risques concernant les utilisations non indiquées sur l'étiquette. Je crois vous avoir entendu dire que vous aviez un exemple. Pourriez-vous nous en parler?

Mme Currie : Oui. Puis-je parler brièvement du médicament appelé dompéridone? Des essais ont été effectués sur le produit qui a été approuvé comme antiémétique. Il est donc parfois utilisé en oncologie. Ce médicament a une utilisation non indiquée sur l'étiquette : il stimule la lactation. Parmi les femmes qui allaitent, ce médicament est très répandu. Des travaux en Colombie-Britannique démontrent une augmentation exponentielle de l'utilisation et de la prescription de ce médicament à forte dose chez les femmes qui sont en bonne santé et qui ont mené des bébés à terme. On doit se demander la raison pour laquelle ces femmes utilisent ce médicament.

Toute utilisation de dompéridone est interdite aux États-Unis, et ce, depuis plusieurs années. J'ai ici un rapport scientifique qui démontre sans l'ombre d'un doute qu'il y a un consensus. Les études permettent de déterminer sans équivoque que le médicament produit — et c'est du jargon scientifique — une inhibition marquée des canaux hERG et une prolongation du potentiel d'action. C'est l'allongement de l'intervalle QT, ce qui était, il me semble, un facteur dans le décès de Vanessa Young. Ce médicament est donné à des femmes en bonne santé qui viennent d'accoucher, et c'est directement transmis au bébé.

Bref, cela concerne des anomalies cardiaques. Ce serait un médicament que j'ajouterais sur ma liste pour réaliser des études sur son innocuité ou même ordonner son rappel, parce que ce médicament est interdit aux États-Unis.

Le sénateur Eggleton : Mais ce n'est pas le cas ici, n'est-ce pas?

Mme Currie : Ce n'est pas le cas ici, et j'aimerais savoir pourquoi. Je répète qu'une recherche en Colombie- Britannique démontre que l'utilisation de ce médicament est en croissance. Ce qui m'inquiète, c'est que c'est transmis à des nouveau-nés.

Le sénateur Eggleton : Cela démontre peut-être que Santé Canada est réticente à en ordonner le rappel, étant donné que le ministère ne fait absolument rien à l'heure actuelle à ce sujet.

Mme Currie : C'est une option extrême. Disons que Santé Canada remettait en question l'innocuité de ce médicament et qu'il ordonne la tenue d'essais d'innocuité. Je m'inquiéterais quand même des personnes qui procéderaient à ces essais, du temps que cela prendrait et des mesures de conformité.

Le sénateur Eggleton : D'accord.

Mme Currie : Toutefois, durant les essais d'innocuité, ne devrions-nous pas suspendre l'utilisation du médicament? C'est ce que je me demande.

Le sénateur Eggleton : Suspendre son utilisation.

Mme Currie : À cette étape, au lieu de retirer le médicament du marché, on pourrait temporairement suspendre son utilisation.

Le sénateur Eggleton : D'accord. Merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Chaput : Ma première question s'adresse à Mme Maybee. Vous y avez répondu en partie lorsque vous avez répondu aux questions de la sénatrice Seidman. J'aimerais toutefois clarifier un point.

Vous représentez des patients, et vous avez comme grande préoccupation de vous assurer qu'ils reçoivent de l'information exacte, complète et aussi de l'information qu'ils peuvent comprendre. Le projet de loi C-17 peut-il vous donner plus de transparence dans le cadre de cette préoccupation pour que vous puissiez recevoir une meilleure information?

Mme Maybee : Je pense que oui. Je vais poursuivre en anglais.

[Traduction]

Je crois que le projet de loi est un pas dans cette direction, et nous ne pouvons pas toujours gagner chaque bataille tout le temps. Le projet de loi est un progrès, et nous offre, comme mes collègues l'ont avancé, une base très solide sur laquelle nous appuyer pour aller de l'avant. Mon idéal serait que tous les renseignements dont nous avons discuté au sujet des médicaments et des interactions médicamenteuses indésirables, par exemple, soient accessibles au public, et ce, dans un format facilement assimilable. Ce n'est peut-être pas ce qui se passera au début, et j'en suis consciente, mais nous devons aller de l'avant, et je crois que le projet de loi nous le permettra.

[Français]

La sénatrice Chaput : Madame Currie, j'aimerais soulever deux points. Vous avez mentionné que vous aimeriez voir des critères qui seraient utilisés pour identifier les risques et faire un rappel. Pouvez-vous nous donner des exemples de ces critères? Souvent, on les retrouve soit dans un règlement ou dans une mise en application.

Mme Currie : Pour identifier le risque?

La sénatrice Chaput : Oui, et ensuite faire le rappel.

Mme Currie : La tâche est difficile. Il faut considérer les différents témoignages et des données de sources variées. De mon point de vue, il manque, à Santé Canada, en ce moment, le système pour identifier le risque. La tâche est difficile, parce qu'il faut considérer beaucoup de choses : combien de morts, combien de blessures, quels types de problèmes. Il faut considérer plusieurs choses avant de prendre la décision.

La sénatrice Chaput : Ce n'est pas le cas présentement?

Mme Currie : À mon avis, non. Il est difficile de demander à Santé Canada de confirmer son processus de prise de décisions.

La sénatrice Chaput : Ma prochaine question porte sur Santé Canada. Elle est un peu directe. À votre avis, Santé Canada dispose-t-il des ressources suffisantes, ou les ressources devraient-elles ou pourraient-elles être utilisées différemment?

Mme Currie : Je crois que beaucoup de ressources sont consacrées aux approbations de médicaments.

La sénatrice Chaput : Les approbations?

Mme Currie : Les approbations de médicaments et la rapidité du processus. Il faudrait transférer des ressources pour suivre le problème et les effets négatifs, par exemple. Il faut, à mon avis, transférer certaines ressources.

La sénatrice Chaput : Madame Janus, j'ai une dernière question. Je crois que nous sommes tous d'accord pour dire que le projet de loi C-17 va dans la bonne direction.

Est-ce qu'il y a des éléments que vous auriez aimé retrouver dans ce projet de loi et qui n'y sont pas? Pouvez-vous me donner un exemple, s'il y a lieu?

[Traduction]

Mme Janus : Comme mes collègues l'ont déjà mentionné, je suis d'accord pour dire que le projet de loi est un pas dans la bonne direction, mais nous aurions aimé que ce soit rédigé en langage simple. Nous aimerions que le libellé soit plus ferme, au lieu d'utiliser « peut » ou « will » dans la version anglaise. Cependant, nous craignons que si nous proposons d'autres modifications cela ralentisse le processus, et nous voulons nous assurer de faire adopter le projet de loi que nous pourrons ensuite améliorer au fil des ans.

La sénatrice Chaput : Et rédiger un autre projet de loi?

Mme Janus : Exactement, ou présenter des modifications.

La sénatrice Chaput : Merci.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci de vos exposés très intéressants et très réfléchis. Je suis toujours surprise de tout ce dont je n'avais pas tenu compte et que nos témoins soulèvent. Cela me fait réfléchir, et je vous en remercie.

J'ai deux ou trois questions, dont une qui porte sur la déclaration des effets indésirables des médicaments. Madame Currie, je crois que vous vouliez qu'on affecte plus de ressources à cet aspect. Pourquoi?

Mme Currie : Santé Canada a fait un projet pilote il y a quelques années et demandait aux hôpitaux et aux établissements de santé de déclarer les problèmes liés aux instruments médicaux. Le coordonnateur du projet pilote était très enthousiaste et avait des champions dans chaque établissement en vue d'encourager les gens à déclarer les problèmes, parce que les données nous démontrent que les professionnels de la santé n'aiment pas le faire. Ils ne veulent pas le faire, et cela prend du temps. Bref, si la loi impose la déclaration de problèmes ou si vous l'exigez, le taux de respect sera faible.

À moins d'avoir des ressources dans les établissements pour inciter les gens à déclarer les problèmes, vous n'obtiendrez pas de bons résultats. Cela prend du temps, de l'énergie, du réseautage; il faut assurer une surveillance et un suivi; établir des liens; traiter et interpréter les données; et comprendre leur signification.

J'ai travaillé avec la personne qui coordonnait ce projet pilote. Santé Canada n'a même pas été capable d'accorder des ressources pour effectuer une évaluation adéquate du projet. Comme c'était un bon projet, je dois avouer avoir été très surprise de l'approche minimaliste que Santé Canada a adoptée pour compiler certaines données.

Je m'inquiète de l'adoption d'une cadre plus robuste si les établissements sont vos principales sources de données sur les effets indésirables des médicaments.

J'ai oublié de dire dans mon exposé que je m'inquiète de l'absence dans le projet de loi de la déclaration par les consommateurs d'effets indésirables des médicaments. C'est une grave omission, et j'espère que vous y remédierez, parce que la déclaration par les consommateurs d'effets indésirables des médicaments est très différente de ce que font les établissements. C'est hautement qualitatif à bien des égards, et ces déclarations servent souvent de systèmes d'alerte précoce relativement aux problèmes liés aux médicaments.

Les autorités sanitaires n'avaient pas remarqué dans leurs énormes bases de données les problèmes de dépendance et de sevrage liés aux médicaments psychiatriques. Ces problèmes ont été constatés grâce à l'émission Panorama de la BBC, parce que beaucoup de gens ont appelé pour raconter leurs expériences personnelles, si bien que les autorités n'ont eu d'autres choix que d'y prêter attention.

Je ne sais pas si c'est une omission délibérée dans le projet de loi ou si ce n'est pas considéré comme nécessaire de l'inclure, mais son absence me préoccupe.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci de votre réponse. Je m'attends évidemment à ce que nos professionnels de la santé s'en chargent, sans qu'il y ait une personne sur place pour leur dire de le faire.

J'ai été consternée d'apprendre que bon nombre d'établissements ne réalisent pas d'analyses des effets indésirables, parce que dans les établissements où j'ai travaillé, nous devions déclarer les effets indésirables des médicaments. Cela faisait partie de notre devoir de le faire. Je préférerais que la charge revienne aux professionnels de la santé. C'est une partie très importante de notre travail. Si ce n'est pas fait, je crois que nous serions en droit de nous attendre à ce que les organisations professionnelles concernées surveillent un tel aspect, au lieu de nous dire que nous devrions y affecter plus de ressources, mais c'est tout simplement un élément que je voulais vous faire remarquer.

Vous avez également tous soulevé un autre bon point au sujet des détails des critères, et je crois que c'est très important à savoir. D'après mon expérience limitée des études de projets de loi, c'est généralement après l'adoption du projet de loi que les règlements sont mis en œuvre. J'attends avec intérêt les détails des critères.

Je vous saurais gré de bien vouloir faire parvenir au comité les critères que vous aimeriez voir, et nous pourrons ensuite les transmettre au ministre. Je vous en serais reconnaissante. Je crois que toute suggestion nous serait utile à ce sujet.

Je vous remercie encore une fois de vos commentaires très utiles.

Le sénateur Enverga : Merci à tous de vos exposés. Je sais que vos organismes représentent des patients, comme le Psychiatric Medication Awareness Group, la Coalition pour de meilleurs médicaments et Patients Canada.

Dans votre travail et votre expérience avec les patients, vos organismes ont-ils déjà présenté des recommandations visant à demander la modification d'une étiquette ou des directives plus claires? Avez-vous déjà appelé Santé Canada pour demander au ministère d'ordonner le rappel d'un médicament, parce qu'il n'était pas bon pour vos patients? L'avez-vous déjà fait? À votre avis, le projet de loi C-17 vous aidera-t-il à défendre les intérêts de vos patients?

Mme Currie : J'ai fait deux mandats et j'ai siégé cinq ans au Comité consultatif d'experts sur la vigilance des produits de santé, et c'était l'un des mandats de notre comité. Donc, en tant que représentante de mon organisme et de PharmaWatch Canada, je faisais de telles recommandations en permanence.

J'ai également produit des documents stratégiques pour le Centre d'excellence pour la santé des femmes de la Colombie-Britannique et l'Action pour la protection de la santé des femmes dans lesquels j'expliquais la présence de problèmes en ce qui concerne les prescriptions de médicaments psychiatriques. Par exemple, il y a des problèmes liés à des antipsychotiques qui sont prescrits à des fins non indiquées sur l'étiquette à des aînés atteints de démence.

J'administre aussi un site web qui publie de telles recommandations.

Selon moi, l'un des gros problèmes est que de nombreuses gens viennent me voir en privé, même si ce n'est pas mon travail, pour me demander ce qu'ils doivent faire avec leur mère âgée qui prend 22 médicaments. Pour être bien franche, après avoir travaillé longtemps dans le milieu, vous commencez à comprendre que les deux premiers médicaments étaient peut-être médicalement nécessaires, mais bon nombre des médicaments qui se sont ajoutés au fil du temps servent à pallier les effets secondaires des premiers médicaments.

Par exemple, vous avez des nausées en raison de votre médicament antiparkinsonien. Vous prenez donc un antiémétique, ce qui cause d'autres problèmes. Vous devez donc prendre un autre médicament, puis vous devenez contrarié et anxieux. Prenons l'exemple des aînés. Que faire de cette information? Au Canada, nous avons également besoin d'un système pour aider les gens à réduire progressivement et efficacement leur consommation de médicaments non nécessaires.

Le sénateur Enverga : Vous avez donc présenté des recommandations, n'est-ce pas?

Mme Currie : Oui.

Le sénateur Enverga : Vous avez dit avoir déjà présenté des recommandations. Pourriez-vous nous en parler davantage? Y a-t-on donné suite?

Mme Currie : Eh bien, j'ai fortement recommandé au gouvernement de la Colombie-Britannique d'élaborer un tel système. J'ai présenté mes recommandations au comité consultatif d'experts.

J'aimerais souligner que le comité consultatif d'experts est un excellent endroit pour la mise en œuvre, le suivi et la surveillance du projet de loi. Ce comité multidisciplinaire est composé de consommateurs, de chercheurs et de médecins. Ce comité est pratiquement inactif. Cela fait deux ans qu'il ne s'est pas réuni.

Le sénateur Enverga : Lorsque vous côtoyiez des patients, vous êtes-vous déjà dit que des médicaments leur causaient du tort? Nous voulons que Santé Canada se penche sur la question. Est-ce le cas?

Mme Janus : À ma connaissance, notre organisme ne l'a pas fait. Le problème, c'est qu'il y a un sentiment d'impuissance chez les patients. Les gens ne viennent pas vous voir pour vous dire que le problème est tel ou tel médicament.

Étant donné qu'un grand nombre de gens prennent un cocktail de médicaments, les patients ne peuvent pas vraiment dire le médicament qui cause des problèmes et ne savent pas où trouver l'information en langage simple qui leur donnera des renseignements avant de consulter un spécialiste. Il y a trop d'information qui est contradictoire et qui n'est pas très claire sur Internet. Si les patients avaient accès à de l'information en langage simple par l'entremise de leur médecin ou d'un site de confiance, ce serait d'une grande aide.

Mme Maybee : Notre organisme n'a pas fait de pression pour précisément demander des modifications concernant des médicaments, parce que nous avons un mandat plus général. Je suis au courant que des membres de notre organisme ont fait part de leurs inquiétudes au sujet des cocktails de médicaments et ont créé des sites Web personnels pour aborder la question des interactions médicamenteuses, étant donné qu'il n'y a rien à ce sujet. Lorsque des citoyens prennent des initiatives à la place du gouvernement, c'est clair qu'il y a des lacunes.

Mme Currie : C'est en fait risqué. J'ai conçu des méthodes de sevrage progressif pour les gens qui prennent des médicaments psychiatriques. Cela prend parfois de deux à trois ans, et je collabore toujours avec le médecin traitant. C'est un domaine qui comporte des risques. Il y a d'énormes lacunes. Je ne sous-entends pas que le projet de loi les corrigera, mais j'avance que ce sont des lacunes qui continueront d'exister même après l'adoption du projet de loi.

Le président : Je crois que nous rédigerons très bientôt des documents qui traiteront de bon nombre de ces éléments, sénateur.

La sénatrice Seth : Merci de vos exposés très intéressants.

Croyez-vous que l'article 21.8 du projet de loi concernant la déclaration obligatoire des réactions indésirables ou des incidents liés à un instrument médical va à l'encontre de la protection des patients ou de la protection de leurs renseignements personnels en matière de santé? Le cas échéant, comment pouvons-nous nous assurer de protéger les renseignements personnels des patients?

Mme Currie : De quel article s'agit-il?

La sénatrice Seth : L'article 21.8.

Le sénateur Eggleton : « Tout établissement de soins de santé désigné par règlement est tenu de fournir au ministre, selon les modalités réglementaires — de temps ou autres... » Est-ce bien cet article dont il est question? D'accord.

Mme Currie : Pouvez-vous lire l'article?

Le président : L'article 21.8 dit :

Tout établissement de soins de santé désigné par règlement est tenu de fournir au ministre, selon les modalités réglementaires — de temps ou autres —, les renseignements réglementaires qui relèvent de lui concernant les réactions indésirables graves à une drogue mettant en cause un produit thérapeutique ou les incidents liés à un instrument médical et mettant en cause un tel produit.

Mme Currie : Il s'agit de données anonymisées, selon ce que j'en comprends. C'est exactement le même type de déclarations que les sociétés pharmaceutiques font actuellement. Les sociétés pharmaceutiques fournissent la majorité des données sur les réactions indésirables à Santé Canada. C'est une manière additionnelle de recueillir des données qui seront toutes anonymisées. L'information envoyée à Santé Canada ne contiendrait aucun renseignement sur les patients. Je présume que les formulaires de déclaration seront également anonymisés d'une certaine manière.

La sénatrice Seth : Les données seraient-elles également anonymes dans le cas des instruments médicaux?

Mme Currie : Oui, elles le seraient dans ce cas-là aussi. D'autant plus que les données seraient regroupées, faute de quoi on ne serait pas capable de déceler des modèles récurrents. Si on n'examine pas l'ensemble des chiffres, des prévalences et des pourcentages, on n'aura probablement aucun moyen de discerner des tendances. Il faudrait donc que le tout soit regroupé.

La sénatrice Seth : Je voulais savoir comment les autres réagiraient face à cette mesure. Nous n'avons pas besoin de donner le nom des gens. Il s'agira uniquement d'une personne A ou B; ces données ne seront donc pas divulguées par souci de protection des renseignements personnels.

Mme Currie : C'est exact.

Le président : Avant de céder la parole au sénateur Eggleton pour une dernière question, j'aimerais aborder avec vous, madame Currie, les questions qui ont été soulevées par rapport au libellé. Puisque nous avons ici des représentants de Santé Canada, lesquels témoigneront à la toute fin, une fois que nous aurons réuni toutes les questions que nous voulons leur poser, j'aimerais qu'on s'attarde sur la problématique que pose le terme « peut ».

Cela revient à la préoccupation que vous avez exprimée, laquelle comporte deux aspects : d'une part, le rappel serait trop dramatique, trop immédiat; d'autre part, il y a lieu de se demander si la ministre se donnerait la peine de s'occuper de ces questions, si je vous ai bien comprise. Voilà donc les deux aspects du problème.

Si vous me le permettez, je voudrais ajouter que le terme « peut » évoque une notion d'autorité. Ce verbe insinue qu'on autorise quelque chose, sans toutefois imposer une contrainte au sens absolu. Relativement à l'observation faite par la sénatrice Seth, prenons l'exemple d'un stimulateur cardiaque et supposons qu'il y ait des problèmes associés au produit après sa mise en marché. On ne peut pas tout simplement retirer ces instruments médicaux et tourner la page; il faut qu'il y ait une démarche à suivre. En tout cas, nous veillerons à ce que cette question soit abordée avant la fin de notre étude, parce que vous avez fait là une observation très importante.

D'une part, le terme « peut » laisse planer des doutes et, d'autre part, il accorde un pouvoir assorti d'un degré de souplesse.

Mme Currie : Je n'y vois pas d'inconvénient.

Le président : Au bout du compte, c'est la vie humaine qui est au cœur de la question, n'est-ce pas? L'important, c'est d'obtenir un projet de loi qui garantit que c'est bien le cas. Nous ne manquerons pas de soulever cette question auprès des fonctionnaires avant la fin de notre étude.

Mme Currie : Je comprends l'importance juridique du terme. Ce n'est pas le mot « peut » qui me posait problème, mais bien la gamme d'options.

Le président : Je vous remercie. Votre contribution est très importante pour nous. Je voulais m'assurer qu'on vous avait bien comprise. Au final, on obtiendra une réponse à cette question.

Le sénateur Eggleton : J'aimerais m'attarder sur la question de savoir en quoi consiste un établissement de soins de santé désigné. Madame Currie, vous en avez déjà parlé, mais j'invite les autres aussi à se prononcer là-dessus.

Cette expression n'est pas définie dans le projet de loi; elle sera donc précisée dans le règlement. La plupart des gens semblent penser que cela désigne un hôpital. Pourtant, il pourrait aussi s'agir d'une clinique ou d'un autre établissement. En revanche, cette expression ne semble pas englober les médecins, car on craint qu'une telle tâche leur impose un fardeau.

Le but ici, c'est d'obtenir plus de rapports sur les réactions indésirables aux médicaments, ce qui n'est pas le cas dans l'état actuel des choses.

Vous dites que le projet de loi s'en remet trop largement à cette source d'information. J'en déduis donc que vous faites allusion aux hôpitaux. Vous avez parlé des consommateurs, mais on ne pourrait pas les obliger à déclarer ces incidents. Comment vous y prendrez-vous? L'une ou l'autre d'entre vous a-t-elle des idées sur ce qu'il faudrait ajouter à la définition d'« établissement de soins de santé », une fois que nous en serons à l'étape de la réglementation?

Mme Maybee : Permettez-moi d'intervenir brièvement. On peut observer des réactions indésirables aux médicaments dans le cadre des établissements de soins de longue durée, lesquels ne sont pas des hôpitaux. On peut également en observer dans le cadre des soins communautaires, des soins à domicile. Je préconise une approche un peu plus large de sorte que les établissements de soins de santé ne signifient pas uniquement les hôpitaux.

Mme Janus : Je suis d'accord.

Quant à votre question de savoir comment on s'y prendrait pour recueillir des renseignements auprès des consommateurs ou des patients, je pense que les patients canadiens seraient en fait heureux d'avoir l'occasion de fournir des renseignements. S'il y avait un forum ou un site web où ils pouvaient signaler leurs problèmes, vous recevriez probablement plus d'information que nécessaire. Ensuite, quelqu'un aurait à les lire, ce qui nous ramène à la question des ressources, mais je crois que les Canadiens seraient partants.

Mme Currie : D'après mes entretiens avec les fonctionnaires de Santé Canada, je pense que l'intention du ministère est d'amener tout un éventail d'établissements à déclarer ces incidents. Donc, là encore, je pense que c'est un bon système. J'aime bien le système de signalement. À mon avis, l'initiative sur les instruments médicaux, qui était la première de son genre au Canada dans le domaine de la sécurité des instruments médicaux, était un excellent projet pilote de petite envergure. Je suppose que le ministère compte poursuivre sur cette lancée, et l'inclusion d'une gamme d'établissements — centres de soins de longue durée, cliniques communautaires, cliniques familiales — est un excellent point.

Si j'éprouve une réserve ou une crainte quant à la déclaration par les consommateurs, ce n'est pas parce que je pense que les gens n'embarqueront pas. Ce qui m'inquiète, c'est que ce n'est pas prévu dans le projet de loi. Cette option sera- t-elle larguée? Je me pose la question. Allons-nous abandonner cette méthode, ou allons-nous la remplacer par la déclaration des établissements? C'est ce que je me demande. J'ignore vraiment la réponse.

Le sénateur Eggleton : Les consommateurs ne disposent pas de moyen convivial et facile d'accès pour déclarer des incidents.

Mme Currie : En fait, je crois que les gens peuvent téléphoner à quatre bureaux régionaux.

Le sénateur Eggleton : Des bureaux de Santé Canada?

Mme Currie : Oui. Il s'agit de bureaux auprès desquels on peut déclarer les réactions indésirables aux médicaments. Je suppose qu'ils bénéficient toujours d'un financement. Ce sont d'excellents centres. Les employés qui reçoivent les appels font un travail remarquable et ils sont très à l'écoute des consommateurs. Il y a également des forums de déclaration en ligne, mais à mon avis, ils sont moins conviviaux pour les consommateurs. Le hic, c'est que personne n'en a entendu parler.

Le sénateur Eggleton : Effectivement, je n'étais pas au courant; sinon, je ne vous aurais pas posé la question.

Mme Currie : Je n'ai reçu que des commentaires positifs de la part de gens qui ont signalé un incident par téléphone ou en ligne, mais combien d'entre vous l'ont déjà fait? Je suis sûre que bien des personnes ici présentes ont déjà eu une certaine réaction à un produit. L'avez-vous déclarée? Certains médicaments s'accompagnent d'une notice qui indique le numéro de téléphone à appeler pour déclarer un incident. Ce n'est pas dans nos habitudes de le faire, et il va falloir du temps avant que nous en soyons là. Je crois que le projet de loi pourrait aider à promouvoir cette habitude, et c'est ce dont nous avons besoin.

Mme Janus : J'ai une autre observation à faire. Les notices sont écrites en tout petits caractères, et c'est pourquoi la plupart des patients ne les lisent pas. Je voudrais également revenir sur l'affirmation selon laquelle c'est aux médecins de remplir ce rôle. Comme vous l'avez dit, sénateur, cela fait — et devrait faire — partie de leur travail. Mais n'oublions pas la pénurie de spécialistes et la surcharge à laquelle ils font face. Je sais bien ce qui se passe dans le domaine de la dermatologie; en effet, certains dermatologues n'acceptent pas de cas compliqués, faute de temps. Si on leur fait porter la responsabilité d'effectuer ce travail, je trouve que ce serait inquiétant.

Le sénateur Eggleton : D'accord, vous avez soulevé de bons points. Merci.

Le président : Merci infiniment. En fait, pour revenir à la question de la définition d'établissement de soins de santé, je crois que cette expression a été délibérément incluse dans le libellé afin de permettre une application au-delà du milieu hospitalier. Sachez que le tout sera défini avec plus de précision.

En ce qui concerne la déclaration des réactions indésirables aux médicaments, le comité a déjà étudié la question en détail. Il a fait des recommandations à ce sujet, et il en fera d'autres, parce que le but est de faciliter la collecte d'information, et ce, de manière utile, sans forcément la rendre obligatoire sur le plan juridique. Il s'agit là de questions très importantes qui feront manifestement partie de l'étude en cours.

J'ai trouvé très intéressant d'apprendre que vous estimez, toutes les trois, que le projet de loi est un bon point de départ à cet égard. D'ailleurs, comme certains de mes collègues l'ont déjà dit, vous représentez des organisations qui possèdent beaucoup d'expérience en la matière, qui travaillent avec les patients et qui connaissent les problèmes concrets liés à l'utilisation des instruments médicaux et des produits pharmaceutiques. Voilà pourquoi votre contribution est d'une très grande importance pour nous. Vous avez soulevé des questions qui s'imposaient de toute évidence, notamment celle concernant la réglementation. Nous clarifierons l'interprétation de certaines questions clés que vous avez soulevées aujourd'hui.

Cela étant dit, au nom du comité, je vous remercie infiniment d'avoir témoigné aujourd'hui. Sur ce, je déclare la séance levée.

(La séance est levée.)


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