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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 24 - Témoignages du 20 novembre 2014


OTTAWA, le jeudi 20 novembre 2014

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 28, pour étudier la teneur des éléments des sections 5, 7, 17, 20 et 24 de la partie 4 du projet de loi C-43, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures. SUJET : Section 24.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie. Je suis de la Nouvelle-Écosse, et je suis président du comité. J'invite mes collègues à se présenter. Commençons à ma droite.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

La sénatrice Seth : Asha Seth, de Toronto, en Ontario.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Chaput : Maria Chaput, du Manitoba.

[Traduction]

La sénatrice Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan.

La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario.

Le président : Merci, chers collègues. Bienvenue à nos invités. Je vais les présenter dans un instant et je les inviterai à faire leur exposé, mais je tiens à préciser au préalable qu'aujourd'hui, le comité fait l'étude préalable de la teneur de la section 24, à la partie 4 du projet de loi C-43. Cette section et cette partie contiennent des modifications de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

Le premier groupe de témoins, qui, je le rappelle à tous, dont la comparution doit se terminer au plus tard à 11 h 30, comprend, de Citoyenneté et Immigration Canada, Robert Judge, directeur des Politiques et programmes à l'intention des résidents temporaires, et, représentant Emploi et Développement social Canada, Alexis Conrad, directeur général, Programme des travailleurs étrangers temporaires, à la Direction générale des compétences et de l'emploi. Il est accompagné par Colin Spencer James, directeur des politiques et de la conception de programmes.

Bienvenue à vous tous. Je crois que M. Conrad va faire un exposé et que les trois témoins pourront ensuite répondre aux questions. Monsieur Conrad, je vous en prie.

Alexis Conrad, directeur général, Programme des travailleurs étrangers tenporaires, Direction générale des compétences et de l'emploi, Emploi et Développement social Canada : Merci au président et au comité de nous avoir donné l'occasion de comparaître aujourd'hui.

Je vais rapidement livrer mes observations liminaires pour faire en sorte que nous ayons assez de temps pour que les membres du comité puissent poser des questions, étant donné que la limite immuable est fixée à 11 h 30.

[Français]

Le 20 juin 2014, le gouvernement du Canada a annoncé la refonte du Programme des travailleurs étrangers temporaires comme réponse aux préoccupations croissantes liées à l'utilisation et à l'abus du programme. Ces réformes visent à ce que le programme puisse continuer d'œuvrer dans l'intérêt national.

[Traduction]

Les réformes du programme comprenaient la scission du Programme des travailleurs étrangers temporaires en deux programmes distincts : le Programme des travailleurs étrangers temporaires et le Programme de mobilité internationale. Le Programme de travailleurs étrangers temporaires désigne maintenant les volets qui nécessitent une étude d'impact sur le marché du travail pour qu'un travailleur étranger temporaire puisse entrer au Canada. Cette étude doit faire en sorte que l'embauche de travailleurs étrangers soit uniquement une mesure de dernier recours pour combler provisoirement des pénuries immédiates de travailleurs spécialisés et de main-d'œuvre.

Le nouveau Programme de mobilité internationale comprend les volets pour lesquels les étrangers ne sont pas assujettis à une étude d'impact sur le marché du travail, tels que les étrangers qui entrent au Canada aux termes d'un accord de libre-échange procurant des avantages réciproques et dont les avantages pour le Canada ont déjà été établis. Certains accords permettent aux étrangers qui occupent certains postes dans un des pays partenaires de travailler au Canada sans qu'une évaluation du marché du travail, comme l'étude d'impact, soit nécessaire et autorisent aussi les Canadiens de travailler à l'étranger avec des privilèges similaires.

Les réformes se fondent sur trois piliers : limitation de l'accès au Programme des travailleurs étrangers temporaires pour que les emplois soient offerts d'abord aux Canadiens; amélioration et enrichissement de l'information sur le marché du travail afin de renforcer l'évaluation; application plus rigoureuse de la réglementation et sanctions plus lourdes.

Collectivement, ces réformes établissent un juste équilibre qui permet d'assurer que le Programme des travailleurs étrangers temporaires est utilisé comme prévu, afin que les employeurs puissent répondre à leurs vrais besoins en main-d'œuvre lorsque des Canadiens ou résidents permanents qualifiés ne sont pas disponibles. De plus, ces réformes aideront à décourager les employeurs qui penseraient à transgresser les règles du programme au risque d'en subir les conséquences.

Des réformes au Programme de mobilité internationale ont également été annoncées; elles visent la mise en place d'un régime de conformité robuste qui permettra à Citoyenneté et Immigration Canada d'imposer des sanctions aux employeurs fautifs.

Afin d'appuyer la mise en œuvre des réformes, huit modifications sont prévues dans le projet de loi C-43 visant l'article 32 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

La première modification substituera à toute occurrence du terme « avis » celui d'« étude » afin de tenir compte du remplacement de l'avis relatif au marché du travail par l'étude d'impact sur le marché du travail.

La deuxième modification prévoit le pouvoir de prendre des règlements pour la collecte, la conservation et l'utilisation de numéros d'assurance sociale, qui seront utilisés pour l'administration du Programme de travailleurs étrangers temporaires et du Programme de mobilité internationale, notamment en ce qui concerne la vérification de la conformité des employeurs aux exigences du programme telles que les limites et les plans de transition.

La troisième modification appuiera la mise en place d'un régime de conformité plus robuste pour les deux programmes en permettant d'exiger, aux termes du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, que les tierces parties, telles que les institutions financières ou les entreprises de services de la paie, fournissent les documents nécessaires à l'examen de la conformité des employeurs aux règles du programme. Cela aidera le Programme de travailleurs étrangers temporaires et le Programme de mobilité internationale à effectuer la vérification des renseignements fournis par un employeur dans le cadre d'une inspection.

La quatrième modification prévoit l'autorisation d'établir et de publier une liste des noms et des adresses des employeurs déclarés coupables d'une infraction à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ou aux lois provinciales et territoriales régissant l'emploi et le recrutement. Les employeurs figurant sur cette liste seront exclus du Programme de travailleurs étrangers temporaires et du Programme de mobilité internationale en vertu des critères définis par règlement.

La cinquième modification permettra l'ajout de règlements autorisant Emploi et Développement social Canada à imposer aux employeurs des frais pour avantages. Les employeurs devront payer les frais afin d'obtenir le droit d'embaucher des travailleurs étrangers. Les détails des frais seront définis par règlement, mais il est prévu qu'ils s'élèveront à 100 $ par poste de travailleur étranger temporaire.

La sixième modification permettra l'ajout de dispositions réglementaires autorisant le prélèvement de nouveaux frais relatifs au régime de conformité qui s'appliquera aux employeurs ayant embauché des travailleurs étrangers qui ne sont pas assujettis aux exigences d'une étude d'impact sur le marché du travail.

La septième modification prévoit l'autorisation d'exiger des employeurs qui embauchent par l'intermédiaire du Programme de mobilité internationale à présenter l'offre d'emploi et toute information connexe directement à Citoyenneté et Immigration Canada par des moyens électroniques.

Enfin, la huitième modification prévoit le pouvoir de prendre des dispositions réglementaires autorisant Citoyenneté et Immigration Canada à échanger avec les provinces et les territoires des renseignements pour assurer la conformité et faire appliquer les dispositions de la loi.

Merci, monsieur le président. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup. Je vais donner la parole à mes collègues. Commençons par la sénatrice Cordy, qui sera suivie de la sénatrice Seidman.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup d'être parmi nous. Je m'intéresse à la hausse des frais des études d'impact sur le marché du travail, qui sont passés de 275 $ à 1 000 $. Le ministère a-t-il évalué les conséquences de cette mesure pour les employeurs qui demandent à engager des travailleurs étrangers?

M. Conrad : Merci, madame la sénatrice. Il vaut mieux commencer par expliquer rapidement que les frais ont progressé au rythme de l'augmentation des coûts de la prestation du programme. Beaucoup de modifications apportées au cours de la dernière année, notamment la portée plus grande des inspections et l'augmentation de leur nombre, ont alourdi pour le ministère les coûts de la prestation du programme. Le gouvernement voulait revoir les frais pour montrer que ce sont les employeurs et non les contribuables qui paient les coûts du programme.

Dans le recouvrement des coûts, nous sommes tenus de percevoir uniquement ce que nous consacrons vraiment au programme. Lorsque les frais ont été établis, ils ont été fixés par poste. Cela permet de protéger les petites entreprises contre des frais plus élevés, et les frais sont imposés par poste plutôt que par demande. Chose certaine, au début du processus d'établissement des frais, le gouvernement était très déterminé à cet égard.

Quel sera l'impact sur les employeurs? Nous discutons beaucoup avec les employeurs, évidemment. Je dirais que, généralement, l'impact sur les divers employeurs est très modeste, par rapport au coût réel de l'embauche d'un travailleur étranger, coût qui peut être très élevé, si on compare les frais à l'ensemble des dépenses à engager pour retenir les services d'un travailleur étranger, le faire venir et satisfaire à d'autres exigences du programme.

La sénatrice Cordy : Je m'étonne de vous entendre dire que cela protégerait les petites entreprises. Il me semble qu'une augmentation de 300 p. 100 doit peser lourd sur une petite entreprise.

C'est tout ou rien. J'ai été en contact avec un soignant. Les soignants sont visés par cette mesure. Celui qui a besoin d'engager un soignant doit payer ces frais de 1 000 $. La situation qu'on m'a présentée est celle de personnes âgées, à revenu fixe, qui cherchent une aide pour leur fils adulte. Cela s'est passé en Alberta. Elles ont essayé d'engager un Canadien mais n'y sont pas arrivées. Le couple a donc payé 1 000 $. Quelques jours avant l'arrivée prévue du soignant, le marché est tombé à l'eau. Au lieu de payer 1 000 $ pour la demande, il lui faut payer 1 000 $ encore une fois.

N'y a-t-il aucun dispositif en place pour régler ce genre de problème? Cela présente de graves difficultés pour ces gens — et je suis sûr qu'ils ne sont pas les seuls. Ce n'est pas une entreprise qui cherche un soignant. Ce n'est pas une entreprise qui veut engager une centaine d'employés. C'est quelqu'un qui cherche une aide pour son fils handicapé. C'est déjà cher, payer 1 000 $ une fois, mais devoir le faire une deuxième fois parce que le marché a échoué... A-t-on réfléchi à cette partie du programme?

M. Conrad : Il arrive parfois qu'un ressortissant étranger décide pour une raison ou une autre de ne pas venir au Canada. Du point de vue du ministère, du point de vue du Programme concernant les aides familiaux résidants... Vous savez certainement que le gouvernement a annoncé des modifications de ce programme. Nous n'avons jamais permis la substitution de noms.

L'évaluation d'une personne qui doit venir au Canada pour habiter chez quelqu'un est de loin la partie la plus coûteuse du programme. Il faut beaucoup de travail pour soumettre la personne à une vérification et pour nous assurer que celui qui l'engage a les moyens financiers de payer le salaire pendant deux ans. Nous sommes particulièrement inquiets lorsqu'une personne doit vivre chez son employeur. En fait, les coûts de l'évaluation de ces demandes sont probablement plus élevés.

Si nous n'avons pas permis la substitution de noms, c'est pour assurer l'intégrité du programme. Dans cette situation, c'est très difficile. Je le répète, je suis au courant de ce genre de problème qui se présente à l'occasion. Nous n'avons aucun système qui permet de rembourser l'argent, puisque le travail d'évaluation de la demande a été fait. Dans cette situation, celle des aides, il faut faire une nouvelle demande et réaliser une autre évaluation complète.

Ce que j'ai dit notamment tout à l'heure, c'est que, si on considère le total... Il faut dire que 1 000 $, c'est beaucoup d'argent, je ne vais pas vous contredire, mais par rapport à tous les coûts à absorber pour faire venir un travailleur étranger comme aide et le payer pendant toute la période, ces frais de 1 000 $ paraissent modestes par rapport aux autres coûts de l'employeur.

La sénatrice Cordy : Je comprends votre exemple. Vous avez comme position que l'usager doit payer, et je le comprends. Mais assurément, dans le cas où des personnes d'environ 75 ans doivent de nouveau payer 1 000 $ parce que le marché est tombé à l'eau, le gouvernement pourrait laisser une certaine marge de manœuvre, mais il n'y a aucun signe de cela dans ce que vous dites.

M. Conrad : Il n'y a aucune marge de manœuvre. La loi nous oblige à imposer les frais pour chaque demande. Comme il faut faire une nouvelle demande parce que le travailleur étranger a changé, nous sommes obligés, aux termes de la loi, de percevoir les frais.

La sénatrice Cordy : Il est insensé d'imposer des difficultés semblables à des personnes âgées qui ont payé des impôts toute leur vie, mais je vous remercie.

Le président : Si je vous ai bien compris, monsieur Conrad, la loi vous oblige à agir de la sorte et vous n'avez aucune latitude à cet égard, peu importe les opinions qu'on peut avoir à ce sujet. C'est bien cela?

M. Conrad : C'est vrai, monsieur le président, nous ne pouvons pas annuler les frais.

La sénatrice Seidman : Je voudrais vous poser des questions à propos de certaines modifications. À propos de la première, vous dites que le terme « avis » sera remplacé par « étude ». Au lieu d'« avis relatif au marché du travail », nous avons « étude de l'impact sur le marché du travail ». Les critères seront différents, et l'étude sera beaucoup plus rigoureuse.

Pourriez-vous nous aider à comprendre ce processus dont, je crois, Emploi et Développement social se chargera?

Colin Spencer James, directeur, Politiques et conception de programme, Programme des travailleurs étrangers temporaires,, Direction générale des compétences et de l'emploi, Emploi et Développement social Canada : Un certain nombre de nouveaux changements ont été apportés au processus d'étude d'impact sur le marché du travail qui se distingue de l'avis relatif au marché du travail.

D'abord, nous allons utiliser des renseignements plus nombreux et de meilleure qualité sur le marché du travail pour réaliser ces études. Le processus est plus solide. Les agents consulteront une information plus abondante pour évaluer les demandes.

Nous avons de nouvelles exigences et demandons aux employeurs des engagements selon lesquels ils ne licencieront aucun Canadien dans ce processus ou à cause de l'embauche de travailleurs étrangers temporaires : aucune mise à pied de Canadiens, aucune réduction de leurs heures de travail.

Il y a une troisième modification. Alexis, vous souvenez-vous de ce que c'est?

M. Conrad : Nous exigeons aussi que les employeurs fournissent de l'information sur le nombre de Canadiens qui ont postulé, le nombre qui ont été reçus en entrevue, et ainsi de suite, pour que nous ayons l'assurance qu'ils ont vraiment envisagé d'engager des Canadiens avant que nous ne décidions de les autoriser à faire venir un ressortissant étranger.

La sénatrice Seidman : Les employeurs devront-ils donc prouver qu'ils ont annoncé le poste pour les Canadiens et qu'il n'y a pas eu de candidats ou qu'aucun candidat ne répondait aux exigences? Faudra-t-il produire des données ou suffira-t-il d'une affirmation, ou le processus sera-t-il théorique? Comment cela fonctionnera-t-il?

M. Conrad : Nous exigeons que les employeurs annoncent les postes pour les Canadiens en général pendant quatre semaines. Nous exigeons qu'ils annoncent les postes au Guichet emplois ou qu'ils aient recours à d'autres ressources adaptées à l'industrie, souvent un forum national. Nous devons nous assurer que le plus grand nombre possible de Canadiens sont au courant du poste à combler. Nous exigeons encore que les employeurs s'adressent aux groupes sous-représentés et produisent la preuve qu'ils ont contacté une collectivité autochtone ou des personnes handicapées, selon ce qui convient; et nous exigeons des données statistiques détaillées : combien de candidats ont postulé, combien ont été reçus en entrevue, combien d'offres d'emploi ont été faites.

Nous exigeons des employeurs qu'ils conservent des dossiers pour que, ultérieurement, s'ils veulent prendre connaissance des éléments de preuve pour s'assurer que les employeurs ont été honnêtes dans leurs demandes, les inspecteurs puissent vérifier si ce qui a été communiqué aux ministères dans le cadre de l'évaluation, lorsque la décision a été prise, était véridique. Lorsque les employeurs n'ont pas été tout à fait honnêtes, ils font l'objet de sanctions.

La sénatrice Seidman : Je veux être certaine de comprendre. En dehors des éléments de preuve que l'employeur produit, Emploi et Développement social Canada fait-il ses propres recherches, par exemple sur la vraie catégorie d'emploi — non pas l'emploi précis dans une entreprise donnée — et le caractère plus ou moins pressant des besoins? Les besoins dans cette catégorie sont-ils réels? Y a-t-il des problèmes de mobilité au Canada?

Je me demande dans quelle mesure vous vous fiez à l'employeur pour obtenir les informations nécessaires à votre évaluation et quelle est l'importance du travail que vous faites vous-mêmes pour parvenir à vraiment comprendre la situation dans notre pays, avec les pénuries et la nécessité de faire correspondre les emplois disponibles avec les gens qui cherchent du travail.

M. Conrad : Comme mon collègue l'a dit, l'un des éléments pris en compte dans l'augmentation des frais du ministère concerne le travail avec Statistique Canada, car il faut obtenir davantage de données d'enquête pour que nous connaissions le nombre de postes vacants et l'évolution des salaires.

Nous étudions ces choses-là en ce moment, et nous estimons que si nous avons davantage d'information, nos agents seront mieux outillés pour évaluer la situation et voir s'il est justifié de faire appel à un travailleur étranger à un moment, à un endroit et à un salaire donnés. À notre bureau régional et à l'administration centrale, nous faisons beaucoup de travail d'analyse de l'information sur le marché du travail pour arriver à comprendre comment le programme est utilisé, s'il y a une croissance dans certaines régions, s'il y a augmentation de la demande pour certains volets du programme ou des professions où cette augmentation est inattendue. Lorsque nous remarquons une hausse, nous faisons une analyse de sensibilité pour voir s'il y a une raison qui l'explique. Par exemple, les conditions du marché du travail ont-elles changé? Parfois, nous voyons le recours aux travailleurs étrangers augmenter, et parfois, c'est le contraire. Parfois, cela dépend de la situation macroéconomique, mais il peut arriver aussi, dans les petites localités, qu'un employeur ait soudain besoin de beaucoup plus de travailleurs ou au contraire fasse des mises à pied.

Nous observons ces faits attentivement et nous cherchons avec beaucoup de détermination à donner à nos agents le plus d'information pour qu'ils puissent prendre les décisions dans chaque cas, mais aussi pour que nous puissions bien gérer le programme, assurer la plus grande solidité possible dans la façon dont le programme est abordé et dans les conseils dispensés aux agents sur les modalités d'évaluation. C'est un point qui nous préoccupe beaucoup, et nous continuerons d'insister là-dessus.

La sénatrice Seidman : Il est très rassurant de savoir que vous ferez votre propre analyse du marché du travail et utiliserez des renseignements canadiens recueillis dans l'ensemble de notre pays.

Pourriez-vous nous aider à comprendre la raison d'être de la collecte, de la conservation, de l'utilisation des numéros d'assurance sociale?

M. James : Bien sûr. La collecte des numéros d'assurance sociale aide le programme sur deux plans. Cela nous aide à vérifier l'identité de quiconque fait appel au programme. Il s'agit de prévenir la fraude et d'éviter qu'on n'usurpe ou n'utilise l'identité de quelqu'un d'autre. Lorsqu'un employeur présentera une demande, nous pourrons vérifier qu'il est bien celui qu'il prétend être et qu'il a une entreprise légitime. Il s'agit donc de vérifier l'identité.

Deuxièmement, cette information nous aidera à repérer certains travailleurs étrangers, et nos agents chargés des inspections chez les employeurs pourront vérifier qui est là et s'assurer que l'employeur répond à certaines des exigences du programme, comme le plafonnement et la proportion de leur effectif qui peut se composer de travailleurs étrangers temporaires et à faible salaire, ou encore les efforts à déployer pour se doter d'une main-d'œuvre canadienne.

La sénatrice Seidman : Y a-t-il des numéros d'identité pour les travailleurs étrangers? Ont-ils des numéros d'assurance sociale temporaires?

M. James : Oui. Ils ont un numéro d'assurance sociale qui commence par neuf.

La sénatrice Seidman : Il y a donc un avantage à retirer de cette mesure. Je comprends.

La sénatrice Seth : Merci de votre exposé. Il s'agit d'une question complémentaire qui fait suite à celle que la sénatrice Cordy a posée au sujet de la majoration des frais, qui sont passés de 275 $ à 1 000 $ pour chaque travailleur étranger temporaire.

Estimez-vous que cela peut entraîner un changement, que les citoyens canadiens en deviendront plus intéressants que les travailleurs étrangers et que le taux national de chômage diminuera?

Le président : Monsieur Conrad, répondrez-vous à la première partie de l'intervention de la sénatrice? Elle a dit que les frais étaient passés de 250 $ à 1 000 $ pour chaque travailleur étranger temporaire. Auriez-vous l'obligeance de parler de cette question?

M. Conrad : Les frais s'établissaient à 275 $ en 2013 et les nouvelles mesures les ont fait passer à 1 000 $. Il s'agit de 1 000 $ par poste que l'employeur souhaite doter. Si un employeur demande à engager 10 travailleurs, il doit payer 10 fois ces frais.

Le président : Merci de cette précision. Je voulais que cela soit clair pour tout le monde.

La sénatrice Seth : Sera-t-il plus intéressant d'engager des Canadiens et le taux de chômage national diminuera-t-il?

M. Conrad : À la vérité, si les frais ont été mis en place, c'est simplement pour que le programme soit à la charge des employeurs plutôt qu'à celle des contribuables. Nous avons constaté que la majoration des frais avait eu deux conséquences. D'abord, nous recevions autrefois beaucoup de demandes qui étaient faites « au cas où » l'employeur aurait besoin de travailleurs étrangers. Nous passions beaucoup de temps à étudier des demandes qui n'aboutissaient pas à la venue de travailleurs étrangers au Canada. Du point de vue de l'étude des demandes et de la gestion du programme, il est préférable d'avoir affaire à un employeur qui veut vraiment faire venir des travailleurs. Nous avons vu des employeurs se retirer du programme pour cette raison, ce qui est probablement le plus gros changement.

Il ne fait pas de doute dans mon esprit, bien que ce ne fût pas là l'intention derrière l'augmentation des frais, que, parfois, les employeurs s'aperçoivent que leurs coûts ont augmenté, qu'ils cherchent davantage à trouver des travailleurs canadiens et qu'ils vont chercher à des endroits qu'ils auraient par ailleurs négligés. Tout cela parce que la dynamique des coûts a changé. Les exigences du programme les incitent fort à adopter cette orientation, mais je suis persuadé que, parfois, des employeurs ont pris conscience du fait que les coûts de l'embauche d'un travailleur étranger seront très élevés. Ils travailleront beaucoup plus fort en gestion des ressources humaines, ce qui leur permettra de trouver de la main-d'œuvre canadienne et ils n'auront pas à demander à faire venir des étrangers. La baisse du nombre de demandes tient à deux facteurs, à mon avis. L'un est que des employeurs ne se donnent plus la peine de présenter des demandes. L'autre est qu'ils ont décidé d'accroître leurs efforts sur le plan des ressources humaines, ce qui, il me semble, est l'objectif de tout le monde en matière de politique.

La sénatrice Seth : Actuellement, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et celui de l'Emploi et du Développement social peuvent diffuser sur un site web public la liste des employeurs qui violent les conditions du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Ils seront donc inscrits. La liste a été élargie. Pourriez-vous donner des exemples des infractions qui seraient visées par les nouvelles dispositions réglementaires?

M. James : La modification législative indique simplement le pouvoir qui permettra au ministère d'inscrire sur une liste rendue publique le nom des employeurs jugés coupables d'avoir enfreint une loi fédérale, provinciale ou territoriale en matière d'emploi ou de travail.

Le règlement expliquera en détail les conditions auxquelles les violations seront inscrites, les circonstances dans lesquelles cela se fera et combien de temps le nom de l'employeur restera sur la liste.

La sénatrice Seth : Croyez-vous qu'on pourrait mettre en place d'autres mesures réglementaires pour améliorer la situation et assurer le respect du programme?

M. James : Nous examinons constamment le programme pour voir s'il y a des rajustements ou des modifications à apporter pour l'améliorer, et nous continuerons à l'examiner. C'est là la modification réglementaire prévue pour l'exercice de ce pouvoir. En apportant cette modification réglementaire, nous nous interrogerons sur la portée à donner à cette modification.

La sénatrice Seth : D'accord. Merci.

La sénatrice Merchant : Merci beaucoup. Bienvenue à vous.

Monsieur Conrad, je voudrais discuter de la quatrième modification proposée, celle qui porte sur la constitution et la publication d'une liste qui indiquerait le nom et l'adresse des employeurs jugés coupables d'une infraction.

Quelle est précisément la raison d'être de cette liste? S'agit-il de mettre l'employeur dans l'embarras? Est-ce une sanction? Veut-on décourager d'autres travailleurs de se mettre au service de cet employeur? Pourquoi au juste proposez-vous cette mesure?

M. Conrad : Dans beaucoup de provinces, lorsqu'un employeur est jugé coupable d'infraction à une loi en matière d'emploi, cette information est généralement du domaine public. Certaines provinces publient la liste des employeurs fautifs.

Il y a deux raisons. D'abord la transparence. Deuxièmement, lorsque des employeurs ont enfreint des lois provinciales en matière d'emploi, nous ne sommes pas nécessairement convaincus qu'ils offrent un cadre sécuritaire pour un travailleur étranger temporaire. Il y a donc deux raisons. On empêche les employeurs déclarés coupables d'une infraction à une loi provinciale de recourir au programme, et on garantit la transparence, y compris pour les travailleurs étrangers. Lorsqu'un employeur ou un agent qui fait du recrutement à l'étranger approche des travailleurs pour leur offrir un emploi au Canada, ces travailleurs pourront prendre connaissance de cette information pour savoir s'ils veulent ou non aller travailler chez tel ou tel employeur. Cette mesure sert donc à deux fins.

La sénatrice Merchant : Merci. Vous ratissez très large. Vous tenez compte des infractions à des lois provinciales ou territoriales. Vous regroupez tout cela. Y a-t-il des infractions particulières? Avez-vous désigné certaines infractions qui présentent un intérêt particulier? Je me dis que nous devons avoir des dispositions pour protéger l'employeur également. C'est une chose très grave que d'inscrire le nom d'une personne sur une liste. Pourquoi ratissez-vous aussi large? Pourquoi ne pas repérer les infractions qui sont particulièrement odieuses pour vous concentrer là-dessus?

M. Conrad : En réalité, la modification législative prévoit un pouvoir habilitant. Avant le début du processus réglementaire, nous avons amorcé des discussions avec les provinces pour comprendre leurs normes et leurs lois en matière d'emploi et considérer les infractions aux dispositions fédérales. Nous voulions au bout du compte nous assurer que les outils retenus permettent de tenir compte des infractions qui, commises par un employeur, devraient empêcher celui-ci de se prévaloir du programme. Nous avons reçu et continuerons de recevoir une participation très constructive des provinces pour que nous puissions comprendre leurs propres processus et les types d'infractions qui donnent lieu à des condamnations ou à des sanctions de cette nature, et les distinguer de celles qui se situent au niveau administratif.

Au cours des semaines et des mois à venir, nous allons devoir élaborer un régime de réglementation équilibré qui distingue les infractions commises par les employeurs et de nature telle que personne ne pense qu'un travailleur étranger doive aller travailler chez eux, et les infractions qui ne nous semblent pas nécessairement assez graves et que la province gère par ses propres moyens.

C'est beaucoup de travail, mais les gouvernements provinciaux et le gouvernement du Canada estiment qu'il vaut la peine de s'atteler à cette tâche, car, lorsque des travailleurs viennent au Canada et se retrouvent en milieu de travail, il s'agit la plupart du temps d'un milieu de travail de ressort provincial. Les provinces elles-mêmes ont donc intérêt à ce que nous fassions les choses correctement.

La sénatrice Merchant : Enfin, la déclaration de culpabilité sera-t-elle prononcée par un tribunal ou bien est-ce que ce sera une décision administrative? Qui va décider si une personne est coupable d'une infraction?

M. Conrad : C'est l'une des choses dont nous devrons discuter avec les provinces, car l'imposition de sanctions aux employeurs obéit à des modalités différentes dans les diverses administrations. Comme vous le signalez fort justement, il y a parfois des sanctions de type administratif alors que, dans d'autres cas, ce sont des condamnations au pénal, ou bien les employeurs sont jugés coupables aux termes d'une loi provinciale en matière d'emploi.

Nous mettons l'accent sur les infractions graves, sur ce qui, de l'avis général, rend un milieu de travail dangereux, comme je l'ai dit, et sur les éléments dont les travailleurs doivent être au courant. Nous devons, exactement comme vous l'avez dit, trouver un juste milieu et nous assurer que les infractions dont un employeur est jugé coupable ont un lien avec le fonctionnement du régime provincial. Nous devons veiller en fin de compte à cibler les bons types d'infraction. Chose certaine, je m'attends à consacrer beaucoup de temps à ce travail au cours de la période qui vient.

La sénatrice Merchant : Vous n'avez pas répondu à ma question. Qui va se prononcer sur la culpabilité de l'employeur? Est-ce que ce sera une décision administrative ou une décision judiciaire?

M. Conrad : La déclaration de culpabilité dépendra du gouvernement dont relève la loi en cause. Dans bien des cas, il s'agit de la loi sur les normes en matière d'emploi. Il y a des infractions pénales prévues par la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et le Code canadien du travail. Il incombe au gouvernement responsable d'imposer des sanctions à l'employeur. Nous mettons l'accent sur la nature des sanctions à inscrire sur la liste et qui doivent empêcher l'employeur de recourir au programme.

Rien, dans ces dispositions, ne modifiera les responsabilités de quiconque. Il s'agit simplement de voir qui déclare l'employeur coupable et nous devons inscrire les infractions sur la liste.

J'espère avoir répondu à votre question cette fois, madame la sénatrice.

[Français]

La sénatrice Chaput : Ma première question fait suite aux questions de la sénatrice Merchant concernant votre quatrième modification.

Pour dresser la liste des noms des employeurs déclarés coupables d'infractions, il doit y avoir des critères et des barèmes d'évaluation. Est-ce que vous avez déjà commencé à dresser une première liste de ces critères pour déterminer quelle infraction serait suffisante pour qu'un employeur fasse partie d'une liste? Avez-vous déterminé pendant combien de temps le nom de l'employeur demeurerait sur la liste?

M. Conrad : On a déjà commencé, mais comme je l'ai dit plus tôt, cela représente beaucoup de travail. On a entamé les discussions avec les provinces et les territoires et avec nos collègues du gouvernement du Canada, mais c'est un processus complexe. Donc, oui, on a commencé, mais il y a beaucoup de travail à faire.

La sénatrice Chaput : D'après vous, puisque c'est difficile et qu'il y a beaucoup de travail, est-ce que vous croyez que cela est tout de même possible? Le cas échéant, combien de temps faudrait-il mettre avant d'obtenir l'ébauche d'une liste de critères qui serait satisfaisante pour les provinces, les territoires et pour le gouvernement fédéral?

M. Conrad : Je suis sûr que c'est possible. On a eu de bonnes discussions avec les provinces, qui pensent elles aussi que c'est important. Je ne sais pas exactement combien de temps il faudra mettre pour établir les conditions et les critères; ce sera fait dans le cadre du processus réglementaire. Cependant, cette initiative est certainement une priorité pour nous, ainsi que pour la plupart des provinces.

La sénatrice Chaput : À la suite de la décision d'inscrire un employeur à cette liste, dans votre esprit, est-ce que le nom y restera en permanence ou seulement pendant un certain temps? Avez-vous réfléchi à cet aspect de la question?

M. Conrad : On en a discuté, mais on n'a pas encore pris de décision. Certaines provinces ont décidé de laisser le nom de l'employeur sur la liste en permanence, à titre d'information publique, alors que dans d'autres provinces, les noms seront supprimés après une certaine période de temps.

On va en discuter à l'interne et avec les provinces afin de déterminer quelle est la meilleure façon de régler cette situation.

La sénatrice Chaput : Cela pourrait être différent dépendamment de la province ou du territoire?

M. Conrad : C'est différent selon les provinces, parce que, dans beaucoup de provinces, la liste des employeurs est déjà publiée. Pour notre part, nous devrons décider pendant combien de temps les noms resteront sur la liste.

La sénatrice Chaput : J'ai une autre question. Je sais que la sénatrice Seidman a déjà posé des questions à ce sujet, mais, dans votre deuxième modification, vous parlez de l'autorisation d'édicter des règlements pour la collecte, la conservation et l'utilisation du numéro d'assurance sociale, dans le but de développer le règlement qui permettra la mise en œuvre du programme.

Est-ce que vous abordez présentement ces trois questions, peut-être de façon plus générale, dans les règlements qui existent à l'heure actuelle à Emploi et Développement social Canada? Est-ce qu'on parle déjà de la collecte, de la conservation, et de l'utilisation des numéros d'assurance sociale?

M. Conrad : Si vous me demandez si on peut vérifier certains renseignements sans avoir le numéro d'assurance sociale, on peut maintenant le faire, mais cela représente beaucoup de travail, beaucoup d'efforts administratifs pour le ministère, ainsi que pour les employeurs.

Si on a la possibilité d'utiliser le numéro d'assurance sociale, cela aidera le ministère et les employeurs, parce que le processus est difficile et très complexe. Cela aide donc les deux parties.

La sénatrice Chaput : Est-ce que vous devez présentement obtenir l'autorisation de l'employeur avant de vous servir de son numéro d'assurance sociale?

M. Conrad : À l'heure actuelle, on n'a pas le droit d'utiliser le numéro au complet; on ne peut utiliser que certains renseignements. De plus, ce n'est pas nécessairement l'employeur qui peut nous donner l'autorisation, car c'est une question législative.

La sénatrice Chaput : À la suite de l'adoption de ce projet de loi, vous n'aurez pas besoin d'obtenir l'autorisation de l'employeur pour utiliser le numéro d'assurance sociale; ce sera donc automatique? Ce sera un fait accompli?

M. Conrad : C'est cela.

La sénatrice Chaput : Merci.

[Traduction]

Le président : Monsieur Conrad, je voudrais revenir à la partie centrale de votre réponse à la question de la sénatrice Chaput concernant la liste fédérale. D'après ce que j'ai cru comprendre, vous laissez entendre que, même si les provinces peuvent avoir des listes différentes en ce moment, on souhaite que la liste fédérale soit uniforme dans tout le Canada. Est-ce exact?

M. Conrad : En un sens, monsieur le président, je dois éviter de présumer des décisions qui seront prises dans le cadre du processus réglementaire.

Le président : Je comprends.

M. Conrad : Le gros problème, c'est que les régimes sont fort différents d'une province à l'autre. Les noms sont inscrits à la liste selon des modalités différentes. Je le répète, les noms sont toujours là uniquement à titre d'information. Et parfois, les noms figurent dans la liste pendant seulement une certaine période jusqu'à la fin de la sanction ou pendant une certaine période fixe.

Je ne dirais pas que la décision a été prise, mais il me semble que, du point de vue fédéral, il conviendrait probablement de traiter tous les employeurs de la même façon, où qu'ils se trouvent au Canada. Nous devrions donc prendre notre proposition sur la durée de l'inscription des employeurs à la liste, et cette période devrait être la même, peu importe où les employeurs se trouvent au Canada.

Le président : Sous réserve de l'information qui surgira au cours de l'élaboration du règlement et de ses applications, l'intention de départ est d'avoir une liste normalisée dans tout le Canada?

M. Conrad : On peut sans doute le dire.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Enverga : Merci de votre exposé. Lorsqu'un employeur dépose un contrat, sa durée est-elle limitée?

M. Conrad : Désolé, sénateur?

Le sénateur Enverga : Y a-t-il une limite à la durée du contrat? Supposons qu'on engage un travailleur étranger temporaire pour travailler dans son entreprise, y a-t-il une limite à la durée du contrat de ce travailleur?

M. Conrad : Généralement, pour les travailleurs étrangers temporaires à faible salaire, dont la rémunération est inférieure au salaire médian dans une province donnée, nous limitons le contrat à un maximum d'un an. Après un an, l'employeur doit annoncer de nouveau le poste pour les Canadiens, s'adresser à différents groupes et reprendre tout le processus.

Pour les postes qui commandent une rémunération plus élevée, nous donnons généralement une approbation qui vaut pour un maximum de deux ans. Pour certains postes, la décision se prend parce que nous savons qu'il y a une période fixe de travail dans un laps de temps donné — ce peut être 23 mois ou plus — et que le travail prend fin, sans la perspective d'un autre poste par la suite. Nous faisons alors correspondre la période à la durée des besoins de l'employeur.

Dans la perspective générale du programme, on peut dire en gros que la période est de un an pour les postes à faible rémunération et de deux ans pour les postes mieux rémunérés. Mais je le répète, il arrive que l'employeur puisse établir que les besoins sont différents, et nous essayons alors de tenir compte des besoins de l'entreprise, à supposer qu'il n'y ait aucun impact négatif sur le marché du travail au Canada, et nous accordons une autorisation de plus de deux ans.

Le sénateur Enverga : À supposer que la période soit d'un maximum de deux ans et que l'employeur constate qu'il a toujours besoin du travailleur étranger temporaire après cette période, doit-il reprendre toutes les démarches et payer de nouveau 1 000 $?

M. Conrad : Oui, il devrait le faire. Nous n'autorisons pas les renouvellements; il nous faut une nouvelle demande. Souvent, l'employeur peut retenir le même travailleur étranger temporaire et faire sa demande avant la fin des deux ans parce que le travailleur est déjà sur place, que l'employeur s'aperçoit qu'il ne peut pas trouver un travailleur canadien et qu'il veut garder la même personne parce qu'elle a déjà reçu la formation dans son entreprise. En pareil cas, nous n'exigeons pas que l'employeur trouve un autre travailleur.

Nous exigeons que les employeurs reprennent les démarches parce que le marché du travail au Canada peut changer radicalement en deux ans. Au lieu de leur accorder un renouvellement, nous exigeons qu'ils essaient de nouveau de trouver un Canadien. S'ils n'y arrivent pas, ils peuvent demander à se prévaloir de nouveau du programme, mais nous nous assurerons qu'ils répondent à des critères rigoureux pour vérifier s'ils ont toujours besoin de leur travailleur étranger.

Il y a d'autres cas où un employeur obtient une autorisation d'un ou deux ans pour un travailleur étranger et que celui-ci satisfasse aux exigences pour devenir résident permanent. L'employeur peut alors décider de se prévaloir d'une des filières d'immigration pour engager le travailleur de façon permanente au lieu de recourir constamment à des travailleurs étrangers temporaires.

Le sénateur Enverga : Supposons qu'on veuille des travailleurs étrangers temporaires, qu'on ne puisse trouver personne d'autre et qu'on se soit conformé à toutes les règles. Les travailleurs seront-ils renvoyés chez eux, dans leur pays d'origine, quitte à revenir ensuite, ou peuvent-ils rester au Canada pendant la durée des démarches?

M. Conrad : Souvent, lorsqu'un employeur s'aperçoit que la période de deux ans est sur le point de se terminer, dans le cas d'un poste bien rémunéré, il peut présenter une nouvelle demande avant la fin de la période parce qu'il souhaite assurer la continuité dans l'emploi. Nous autorisons les employeurs à procéder de cette manière. Lorsqu'un employeur a besoin de façon durable d'un travailleur, nous n'avons aucun intérêt à le forcer à renvoyer la personne chez elle pour qu'elle revienne ensuite, puisqu'elle continuera à travailler. Nous essayons de répondre aux besoins de l'entreprise. L'activité de l'entreprise s'arrêtera s'il y a interruption dans l'emploi. Les employeurs qui ont régulièrement recours au programme sont habitués et savent pendant combien de temps ils doivent faire de la publicité, quels efforts ils doivent déployer, et ils essaieront de s'organiser pour assurer la continuité de l'emploi.

Le sénateur Enverga : Je sais que vous inscrivez des employeurs sur une liste noire. Ce sont les employeurs eux-mêmes qui sont sur cette liste ou ceux qui sont chargés de l'emploi, comme le propriétaire de l'entreprise?

M. Conrad : Dans nos régimes de sanctions, ce sont les employeurs qui sont inscrits. Il y a un lien avec le numéro d'entreprise à l'ARC. C'est le numéro utilisé lorsque les employeurs se prévalent du programme. La sanction, qui est maintenant une interdiction de participer au programme, s'applique à l'employeur.

Le sénateur Enverga : L'employeur, mais pas nécessairement la personne qui s'occupe des services d'emploi.

M. Conrad : Non, pas nécessairement.

Le sénateur Enverga : Il est toujours possible de créer une autre société et de refaire sans cesse la même chose. Êtes-vous à l'affût de ce genre de comportement?

M. Conrad : Oui, nous le sommes. C'est avec les employeurs que nous traitons, et non avec certains titulaires des postes. Nous passons beaucoup de temps à nous assurer que les employeurs ne trouvent pas des moyens innovateurs de contourner les exigences du programme et, à l'interne, nous sommes bien habitués à contrôler qui utilise le programme et à vérifier ce qui se passe, car nous ne voulons pas que certains trouvent des moyens innovateurs de contourner nos sanctions. C'est certainement une chose à laquelle nous accordons une grande attention. Et nous y consacrons maintenant beaucoup plus de temps.

Le président : À la vérité, monsieur Conrad, lorsqu'un employeur présente une demande, il y a une grande transparence grâce à l'information que vous avez sur son entreprise. Vous pouvez assurer un suivi.

M. Conrad : Effectivement.

La sénatrice Beyak : Vous n'ignorez pas, messieurs, que la pénurie de main-d'œuvre est plus marquée dans certains secteurs. Nous avons entendu le point de vue d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Le ministère a rédigé un rapport sur le Plan national d'action sur la main-d'œuvre. Rencontrez-vous régulièrement les représentants du ministère, et la loi et le règlement vous laissent-ils assez de latitude pour gérer les exceptions et les situations extrêmes dans certains secteurs?

M. Conrad : Je les rencontre très régulièrement, tant avec les employeurs qu'avec nos collègues fédéraux.

Le secteur agricole correspond à un volet différent du programme. Nous avons défini dans la loi la notion d'« agriculture primaire », et la définition correspond à la définition internationale. Les exigences du programme pour un employeur qui engage quelqu'un pour travailler dans l'exploitation agricole sont différentes de celles qui sont imposées à d'autres employeurs. Nous ne leur imposons pas de frais; nous établissons un barème salarial différent; certaines exigences du programme, comme le plafonnement, ne s'appliquent pas. Au fil du temps, le gouvernement a reconnu que la situation du travail dans le secteur agricole primaire était différente et que les défis y étaient importants. Il a donc tenu compte des particularités de ce secteur.

La sénatrice Beyak : Y a-t-il d'autres secteurs qui profitent d'un régime d'exception?

M. Conrad : La seule exception, en ce qui concerne les frais, est accordée au secteur agricole. Il en est ainsi depuis que les frais ont été mis en place. La plupart des travailleurs agricoles qui viennent au Canada le font au moyen du programme des travailleurs agricoles, qui est un partenariat bilatéral avec le Mexique et les États des Antilles pour gérer ces échanges.

Quant aux autres secteurs, on imagine sans mal qu'un grand nombre d'entre eux voudraient que nous leur épargnions les frais ou que nous leur accordions un traitement semblable. Le gouvernement a très clairement fait comprendre que, selon lui, le secteur agricole est différent, mais je passe mes semaines à m'entretenir avec les représentants de divers secteurs. Plus nous comprenons les besoins en main-d'œuvre et le mode de fonctionnement de différents secteurs, plus nous nous efforçons de faire en sorte que le programme s'applique correctement : d'abord, nous devons veiller à ce que les employeurs fassent tout leur possible pour engager des travailleurs canadiens, mais lorsqu'ils en arrivent à devoir faire appel à des travailleurs étrangers, nous nous assurons que le processus est compréhensible et tient compte du contexte de l'entreprise.

Le sénateur Wallace : Monsieur Conrad, les employeurs qui veulent se prévaloir du Programme des travailleurs étrangers temporaires devaient jusqu'à maintenant, comme vous l'avez dit, remplir l'avis relatif au marché du travail, qui sera désormais remplacé par l'étude d'impact sur le marché du travail, plus rigoureuse. J'en déduis que les critères se sont resserrés.

Pourriez-vous nous expliquer de façon un peu plus détaillée comment les critères sont renforcés par la nouvelle étude d'impact sur le marché du travail, par opposition à l'avis relatif au marché du travail?

M. Conrad : Comme nous l'avons vu tout à l'heure, nous apportons une meilleure information pour nos agents et notre programme, car il s'agit d'un élément fondamental si nous voulons comprendre ce qui se passe sur le marché du travail. Nous donnons aux agents l'accès à cette information pour qu'ils puissent, dans chaque cas, effectuer une vérification. Comme je l'ai dit, nous sommes très déterminés à forcer les employeurs à être très transparents non seulement en ce qui concerne leurs efforts de recrutement de Canadiens, mais aussi le succès qu'ils ont obtenu ou non et les raisons de leur échec. Comme je l'ai dit, nous voyons combien de CV les employeurs ont reçus, combien d'entrevues ils ont menées et combien d'offres d'emploi ils ont faites. C'est le type d'information qui, pour nous, est très important pour veiller à ce que les employeurs utilisent correctement le programme.

Chose certaine, nous étudions très attentivement l'information lorsqu'un employeur a reçu un grand nombre de candidatures pour des postes très généraux et n'a engagé personne. Nos agents sont alors bien placés pour retourner voir les employeurs et leur demander d'expliquer pourquoi personne n'a été engagé.

La terminologie a changé, l'avis relatif au marché du travail est devenu l'étude d'impact sur le marché du travail, mais nous avons aussi pris les outils dont nous nous étions dotés et nous les avons beaucoup enrichis pour installer des filtres plus solides de sorte que, en fin de compte, les employeurs aient accès à des travailleurs étrangers lorsqu'ils en ont besoin et que ceux qui n'en ont pas besoin et qui peuvent engager des Canadiens ne puissent obtenir la permission.

Le sénateur Wallace : Est-ce que les critères n'ont pas toujours été ceux-là? J'ai toujours cru que, aux termes du Programme de travailleurs étrangers temporaires, on avait toujours voulu que les Canadiens aient la priorité d'embauche. Vous m'étonnez en disant qu'aucune exigence n'était imposée aux employeurs pour qu'ils prouvent les démarches qu'ils avaient entreprises. Je crois comprendre qu'on resserre maintenant les critères, mais n'y avait-il pas et n'y a-t-il toujours pas des conditions rigoureuses en place exigeant que les employeurs prouvent qu'ils ont scruté à fond le marché local de l'emploi?

M. Conrad : Certains outils dont j'ai parlé sont en place depuis environ un an, en tout cas depuis avril 2013. Depuis ce moment-là, nous avons apporté de nombreuses séries de changements, toujours en vue de rendre l'application du programme plus rigoureuse. Vous avez raison : il y a toujours eu des exigences obligeant les entreprises à chercher activement des Canadiens. Ce que nous avons constaté avec le temps, c'est que certains employeurs faisaient le minimum. Nous avons donc relevé le minimum à bien des égards. Nous leur avons dit essentiellement : « Si vous voulez nous prouver qu'il n'y a pas de Canadiens disponibles, vous allez devoir faire beaucoup plus. »

Je dirai bien sincèrement que beaucoup d'employeurs ont toujours cherché très fort des travailleurs canadiens et n'ont fait appel au programme qu'en dernier recours et s'en sont servi correctement. Il y a eu ces 18 derniers mois de nombreux articles et reportages au sujet d'employeurs qui n'ont respecté que superficiellement certaines exigences du programme, et un grand nombre de modifications visent à faire en sorte que tous les employeurs se comportent correctement. Il ne s'agit certainement pas de dire que beaucoup d'employeurs ne se comportaient pas bien auparavant. Il s'agit de placer la barre nettement plus haute.

Vous avez raison, en ce sens qu'on a toujours exigé que les employeurs annoncent les postes et cherchent des travailleurs canadiens. Ce que nous faisons, c'est simplement réagir à l'évolution du marché, à certains égards, et renforcer les exigences.

Le sénateur Wallace : Étant donné vos propos de tout à l'heure, je veux dire simplement que, d'après ce que j'ai compris, il n'y avait pas seulement, derrière ces propositions, une modification de la terminologie, mais aussi de vrais changements de fond, et que cela aura certainement des conséquences pour les employeurs canadiens. Ils devront s'adapter.

M. Conrad : Vous avez raison. Dans la modification proposée ici, il y a un aspect technique, et il y aura ensuite une modification de la réglementation simplement pour garantir que, dans ce que nous faisons, la terminologie est exacte; mais nous avons vu des derniers mois de nombreux exemples de changement liés à ces modifications. Nous avons ajouté ces changements. Nous observons de plus en plus de signes qui montrent que les employeurs font des efforts plus importants pour attirer des Canadiens et commencent vraiment à utiliser le programme en dernier recours. Il y a de nombreux exemples d'employeurs qui ont arrêté de recourir au programme.

Un article paru dans le Globe and Mail cette semaine ou la semaine dernière portait sur un employeur qui va chercher des jeunes à l'école secondaire ou au collège pour les engager et les former à l'interne. Par le passé, il employait 20 travailleurs étrangers. Mais cet employeur s'est aperçu que les règles avaient été tellement resserrées qu'il avait dû réagir. Nous sommes très heureux d'observer ce genre de chose sur le terrain.

Le sénateur Wallace : C'est encourageant. Merci.

La sénatrice Seidman : Votre troisième modification vient appuyer un régime de conformité plus robuste. Emploi et Développement social Canada dit qu'on estime actuellement que, chaque année, le quart des employeurs qui ont recours à des travailleurs étrangers temporaires seront soumis à une inspection. Comment cela se fera-t-il, selon vous? De quelle façon choisirez-vous les employeurs qui feront l'objet d'une inspection? Comment au juste se déroulera cette inspection?

M. Conrad : Madame la sénatrice, vous saurez comprendre ma réticence à expliquer un peu trop en public comment nous choisissons les employeurs, mais, de façon générale, nous prélevons un échantillon représentatif. Nous avons une ligne de dénonciation et nous recevons des plaintes ou des lettres disant que tel ou tel employeur ne se comporte pas correctement. Nous prenons ces plaintes au sérieux, nous en évaluons la crédibilité et nous soumettons les employeurs à une inspection lorsqu'il y a une plainte.

Nous avons également un système au moyen duquel nous faisons des inspections en fonction du risque dans des cas où il n'y a pas forcément eu une plainte précise, mais où tous les facteurs variables semblent indiquer qu'il y a lieu de vérifier ce que font les employeurs. Nous avons une autre catégorie d'inspections aléatoires et, de temps à autre, une entreprise surgit sur notre radar et nous la soumettons à une inspection. Il y a mélange entre ces deux types d'inspection, mais je ne saurais pas nécessairement préciser la proportion que chacun représente. Je dirais aussi qu'il se fait une importante analyse prédictive pour choisir les employeurs en fonction du risque : pour être honnête, je dois avouer que cela me dépasse largement.

Voilà une façon de cerner les employeurs qui, selon les allégations, ont triché et ceux qui nous semblent présenter un risque, mais nous prélevons aussi un échantillon aléatoire pour vérifier le comportement d'autres employeurs. L'information est saisie dans le système et sert à orienter par la suite les inspections faites en fonction du risque.

Comme vous le signalez, nous augmentons le nombre d'inspections en général de façon à vérifier chaque année le quart des employeurs qui ont recours au programme. Tous les signes indiquent qu'il y a plus d'inspections et un meilleur choix des employeurs à soumettre à une inspection. Parfois, nous nous rendons sur place et discutons avec l'employeur ou vérifions certains renseignements. Dans d'autres cas, nous examinons les documents sur papier ou les documents électroniques et nous décidons dans chaque cas de la meilleure façon de faire l'inspection.

La sénatrice Cordy : Je crois que nous sommes tous d'accord pour dire qu'il fallait apporter des changements au programme. Nous espérons simplement que ces changements sont les bons, car nous voulons que les Canadiens aient la priorité à l'embauche.

Combien de temps faut-il compter entre le moment où l'employeur présente sa demande et celui où il obtient l'autorisation d'engager un travailleur étranger?

M. Conrad : Un certain nombre de facteurs jouent. Il faut voir d'abord si l'employeur présente une demande de qualité. Nous n'acceptons pas les demandes incomplètes, mais certaines demandes sont meilleures que d'autres. Lorsque l'employeur est très clair et fournit tous les renseignements voulus, l'examen de la demande est plus rapide que si l'agent est obligé de demander un complément d'information. Le temps nécessaire peut donc varier.

Dans le cas d'une série de demandes qui portent sur des postes bien rémunérés ou qui sont sur notre liste de priorités, l'examen peut se faire en 10 jours ouvrables. Pour toutes les autres demandes, la durée moyenne de l'examen varie. Parfois, c'est très rapide. Pour les postes à doter pendant une brève période, par exemple lorsqu'il s'agit d'une personne qui vient travailler huit jours, il n'est pas utile que l'employeur attende 28 jours pour obtenir son approbation. Nous faisons donc un tri sur cette base.

La durée de l'examen des demandes varie dans tout le Canada. Nous nous concentrons beaucoup sur les secteurs prioritaires, mais, depuis quelques mois, les employeurs nous disent qu'ils commencent à s'apercevoir que l'examen est meilleur et plus rapide. Il faut quelques semaines au lieu de quelques mois. Cela ne veut pas dire que l'examen ne peut pas prendre plus de temps, parfois, mais nous constatons aussi que les employeurs s'aperçoivent que nous n'acceptons plus les demandes incomplètes. Ils réagissent en améliorant la qualité de leurs demandes.

La sénatrice Cordy : Comme vous devrez faire plus d'inspections, étant donné l'augmentation des frais de près de 300 p. 100, avez-vous engagé un plus grand nombre d'inspecteurs?

M. Conrad : Nous avons engagé davantage d'inspecteurs et nous sommes en train d'en engager d'autres. Le nombre d'inspecteurs nécessaire pour soumettre le quart des employeurs à une inspection dépend aussi du dénominateur, du nombre d'employeurs qui se prévaudront du programme. Nous avons engagé assez d'inspecteurs pour respecter la norme établie par le ministre et nous continuons d'en engager. Si le nombre d'employeurs qui utilisent le programme augmente, nous devrons nous adapter. Parfois, nous avons des agents qui ont plusieurs formations. Le ministère peut donc les déplacer d'un secteur à l'autre de façon à maintenir le bon nombre d'inspecteurs.

La sénatrice Chaput : Je crois comprendre pourquoi on veut donner au ministre le pouvoir d'obtenir le numéro d'assurance sociale. Je le comprends dans le cas des travailleurs étrangers, mais pourquoi cette exigence pour les résidents permanents?

M. James : La modification législative proposée prévoit expressément un nouveau pouvoir qui permettrait à Emploi et Développement social Canada de recueillir le numéro d'assurance sociale pour l'application du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Ce pouvoir existe déjà pour les volets des résidents permanents et certains volets du Programme de mobilité internationale, pouvoir que possède déjà Citoyenneté et Immigration Canada.

Robert, j'ignore s'il y a autre chose à ajouter à ce sujet.

Si nos agents peuvent voir et vérifier les numéros d'assurance sociale des travailleurs à l'effectif d'un employeur, ils pourront par exemple savoir qui sont les travailleurs étrangers. Il est assez peu important de savoir si telle ou telle personne est un résident permanent, mais en permettant au ministère de faire cette vérification, nous aurons toutes les mesures de protection en place pour garantir qu'il ne fait pas un usage abusif de cette information et ne la déplace pas.

Je ne suis pas sûr d'avoir répondu exactement à votre question, mais ce n'est pas l'intention des responsables du programme de recueillir le numéro d'assurance sociale de tous les Canadiens.

M. Conrad : Le problème tient en partie au fait que nous avons besoin d'information chez les employeurs pour savoir, comme mon collègue l'a dit, combien de Canadiens y travaillent. Nous avons besoin de ce renseignement pour voir si les employeurs ont menti dans leur formulaire de demande.

Il arrive aussi que nous exigions de l'information des employeurs pour connaître la rémunération offerte et nous assurer que les salaires sont du même ordre que la rémunération versée aux travailleurs canadiens. Il nous faut certains renseignements sur la rémunération de l'effectif existant pour nous assurer que le travailleur étranger est payé d'une manière conforme à cette réalité. Ce que nous voulons surtout, c'est savoir quels employés sont des travailleurs étrangers et vérifier qu'ils sont effectivement ceux qu'ils prétendent être.

Au départ, et je crois que nous en avons parlé tout à l'heure, nous voulons aussi nous assurer que le représentant de l'entreprise travaille pour cette entreprise. Nous nous inquiétons de la possibilité que quelqu'un nous fasse parvenir une demande alors qu'il n'est pas au service de l'entreprise. C'est là un signe. Mieux vaut en savoir davantage. Si nous pouvons connaître le numéro d'assurance sociale et confirmer que telle personne travaille pour telle entreprise, nous pouvons établir le lien entre employé et entreprise.

Le président : Merci beaucoup.

Pour la deuxième partie de la séance, honorables sénateurs, nous accueillons deux témoins. De l'Association du Barreau canadien, nous avons avec nous Gordon Maynard, président sortant, Section nationale du droit de l'immigration. Et, de Restaurants Canada, nous accueillons Joyce Reynolds, vice-présidente exécutive aux Affaires gouvernementales.

Madame Reynolds, je vais vous inviter à prendre la parole la première, et M. Maynard interviendra ensuite. Par après, mes collègues pourront poser des questions.

Joyce Reynolds, vice-présidente exécutive, Affaires gouvernementales, Restaurants Canada : Merci, monsieur le président. Je suis heureuse d'avoir l'occasion de parler de mesures d'exécution du budget qui ont des répercussions sur le Programme des travailleurs étrangers temporaires.

Pour commencer, je tiens à recommander publiquement que le qualificatif « temporaires » soit supprimé dans le titre Programme des travailleurs étrangers temporaires, pour que ce programme devienne une filière permettant d'accéder à la résidence permanente.

Ce programme est extrêmement important pour nos membres, notamment dans les villes et localités de l'Ouest du Canada, et dans d'autres zones touchées par de graves pénuries de main-d'œuvre. Cela dit, vous devez savoir que les travailleurs étrangers temporaires représentent un infime pourcentage de nos près de 1,2 million de travailleurs qui sont des Canadiens ou des immigrants reçus. Les travailleurs étrangers directs représentent environ 2 p. 100 de notre main-d'œuvre. La plupart d'entre eux se trouvent dans l'Ouest du Canada, et c'est l'Alberta qui en compte le plus grand nombre, et de loin. Sur le marché très actif de la main-d'œuvre en Alberta, le programme est indispensable; de lui dépend le maintien des activités de nombreux restaurants.

Restaurants Canada appuie les efforts renouvelés que le gouvernement déploie pour déceler les abus qu'on fait du programme et exiger des comptes des employeurs fautifs. Nous sommes depuis longtemps en faveur de peines et de sanctions plus sévères pour les rares employeurs qui enfreignent les règles puisqu'il s'agit de protéger l'intégrité à long terme du programme.

Dans un exposé que j'ai présenté au Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration en avril 2008 — nous portions alors le nom d'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires —, j'ai dit que nous soutenions la mise en place de mécanismes plus rigoureux de surveillance de la conformité dans le cadre de ce programme, et souhaitions voir une meilleure communication entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral à cet égard. J'ai ajouté que nous étions favorables à l'interdiction du recours au programme pour les employeurs qui contreviennent constamment ou systématiquement aux normes provinciales du travail ou aux dispositions de l'accord sur l'engagement de travailleurs étrangers temporaires. S'il y avait eu une meilleure surveillance de la conformité aux règles et à leur application, peut-être tout un secteur d'activité ne serait-il pas injustement calomnié et un programme nécessaire ne serait-il pas terni à cause des actes de quelques-uns.

La démographie nous montre que les pénuries de main-d'œuvre que nos membres connaissent dans l'Ouest du Canada s'étendront au reste du pays et s'aggraveront progressivement au fur et à mesure que la population active vieillit, car nos effectifs comprennent une forte proportion de jeunes. Actuellement, en effet, 40 p. 100 des travailleurs du secteur de la restauration sont âgés de 15 à 24 ans, mais ce groupe d'âge a atteint son pic démographique et est maintenant en déclin, avec une baisse abrupte de 300 000 prévue, puisque l'effectif de la catégorie passera de 4,6 millions de personnes en 2011 à 4,3 millions en 2021. Par conséquent, une source clé de travailleurs s'amenuise tandis que nos besoins en main-d'œuvre augmentent en flèche.

Nos membres ont réagi aux pénuries de main-d'œuvre en renforçant leurs stratégies de recrutement et de maintien en emploi et en cherchant davantage à attirer des groupes sous-représentés, comme les Autochtones et les personnes handicapées, et à leur proposer les accommodements voulus. Une enquête réalisée en 2013 auprès de nos membres a révélé l'ampleur des efforts déployés dans notre secteur d'activité pour engager des travailleurs appartenant à des groupes sous-représentés sur le marché du travail canadien. Par exemple, près de 76 p. 100 de ceux qui ont répondu au sondage engagent des membres des Premières Nations; 84 p. 100 engagent des immigrants arrivés récemment; 79 p. 100 embauchent des personnes qui ont un handicap ou des capacités différentes; 60 p. 100 engagent des assistés sociaux.

Nos membres bonifient également les salaires et les avantages. Nous contestons vigoureusement l'affirmation du gouvernement voulant que les augmentations de salaire dans le secteur des services de restauration en Alberta n'aient pas suivi l'évolution de l'ensemble de l'économie. Cela n'est pas confirmé par les données de l'Enquête sur la population active de Statistique Canada.

Préférant recruter au Canada, nos membres sont allés bien au-delà de l'affichage des postes pour essayer d'attirer des candidats. Ils ont notamment participé à des foires de l'emploi et communiqué avec des groupes communautaires et des organismes de services sociaux. Malgré tous ces efforts, la seule possibilité qui reste, pour les restaurants de certaines régions, est le programme des travailleurs étrangers.

Restaurants Canada a récemment consulté ses membres qui emploient des travailleurs étrangers pour connaître les répercussions que les restrictions imposées dans le programme auront sur leurs entreprises. La plus importante constatation, c'est que nos membres s'attendent à ce que, au fur et à mesure que les nouvelles règles s'appliqueront, ils devront réduire leurs heures d'ouverture, limiter leurs plans d'expansion et peut-être même mettre des travailleurs canadiens à pied lorsque les contrats des travailleurs étrangers se termineront et que ces travailleurs devront rentrer dans leur pays d'origine.

Il est clair que nos membres se sentent dans une situation absurde, devant la nécessité de remplacer les travailleurs étrangers qui partent, puisqu'ils sont nombreux à déclarer des postes non comblés et à signaler que leur personnel existant souffre d'épuisement professionnel. Ils commencent également à réduire leurs activités, puisqu'ils diminuent leurs dépenses en immobilisations et ne réalisent pas leurs plans d'expansion. Nous craignons de revenir à la situation du milieu des années 2000. À ce moment-là, l'industrie en Alberta se contractait, alors que la demande de nos services n'avait jamais été plus forte, parce qu'il manquait de travailleurs.

On peut comprendre que ces membres croient que les modifications apportées le 20 juin au programme des travailleurs étrangers sont une réaction beaucoup trop vive du gouvernement à des reportages des médias, à des insinuations, à des allégations sans preuves, plutôt qu'une politique élaborée à partir de faits établis. C'est pour cette raison que nous appuyons l'exécution d'enquêtes approfondies sur toutes les allégations d'abus du programme par des employeurs. Nous croyons que les employeurs relativement peu nombreux qui abusent du programme doivent répondre de leurs actes, de façon que tout le monde ne soit pas mis dans le même sac.

Nous avons cependant des inquiétudes au sujet des plans de réglementation du gouvernement qui visent à imposer des conséquences aux employeurs qui enfreignent les règles à cause d'erreurs commises de bonne foi. Cela est d'autant plus important qu'un certain nombre de nos membres disent avoir du mal à comprendre parfaitement les règles et règlements du programme, qui évoluent rapidement. En effet, 76 p. 100 de ceux qui ont répondu à notre enquête récente sur les travailleurs étrangers ont dit avoir du mal à obtenir des réponses concises et cohérentes de la part des agents de Service Canada lorsqu'ils leur posent des questions sur la façon de présenter une demande et de se conformer au programme. Si un employeur peut soutenir que ses manquements sont le résultat non voulu d'une action non permise, notamment lorsqu'ils n'ont pas pu compter sur des conseils clairs et sans ambiguïté, nous faisons valoir instamment qu'il ne devrait y avoir aucune conséquence, que l'erreur ait été divulguée volontairement ou qu'elle soit signalée au gouvernement.

Enfin, le pouvoir général qu'on accorde aux fonctionnaires du ministère de faire connaître publiquement le nom des employeurs fautifs sans motif démontré et sans appliquer les principes de la justice naturelle nous inspire des inquiétudes. Nous voulons nous assurer qu'il y aura une surveillance à cet égard et qu'un processus d'appel sera en place.

Quant aux frais pour avantages, je dirai que le Programme des travailleurs étrangers temporaires est déjà coûteux et que ces frais le rendront encore plus coûteux. Lorsque les frais aux usagers pour l'avis relatif au marché du travail ont été imposés, nos membres ont été disposés à aider à assumer les coûts du programme, d'autant plus qu'on leur a fait croire que cela permettrait d'apporter des améliorations qui accéléreraient le processus des demandes et des approbations. Ce qui s'est plutôt passé, c'est qu'ils ont payé des dizaines de milliers de dollars pour se retrouver avec un processus plus lourd qui, souvent, ne donnait ni résultat positif, ni permis de travail. En juin, les frais ont plus que triplé, ce qui a rendu le programme trop coûteux pour beaucoup de restaurateurs. Et pour aggraver encore les choses, le processus des demandes est encore plus lent.

Au lieu de ces frais supplémentaires, Restaurants Canada recommande que les demandeurs dont l'étude d'impact sur le marché du travail a été rejetée obtiennent un remboursement partiel des frais, étant donné que la partie des frais qui est affectée aux activités de conformité et d'exécution ne sera plus nécessaire.

Je conclus. Chez Restaurants Canada, nous sommes conscients du fait qu'il faut protéger l'intégrité du programme et veiller à ce que l'intention qui sous-tend le programme, soit que les Canadiens aient la priorité à l'embauche, soit respectée par tous ceux qui se prévalent du programme. Nous appuyons les mesures qui garantiront que les mécanismes voulus pour assurer la conformité et l'exécution sont en place et que ceux qui abusent du programme en sont exclus.

Le programme des travailleurs étrangers est essentiel au maintien de la rentabilité du secteur de la restauration au Canada, notamment dans les régions touchées par de graves pénuries de main-d'œuvre. Nous souhaitons travailler avec le gouvernement pour mettre en place des politiques propres à rétablir et à améliorer l'efficience, l'intégrité et la réputation de cet important programme.

Gordon Maynard, président sortant, Section nationale du droit de l'immigration, Association du Barreau canadien : D'abord, merci de ces observations, madame Reynolds. J'espère que, pendant la période réservée aux questions, nous aurons l'occasion de discuter davantage de cette réaction très excessive du gouvernement à l'égard du secteur de la restauration.

Le président : Nous nous occuperons des questions de la façon habituelle. Je vous en prie.

M. Maynard : Je m'appelle Gordon Maynard, et je suis un avocat spécialisé en immigration à Vancouver. Je suis avocat dans ce domaine depuis près de 25 ans. Je prends la parole au nom de l'Association du Barreau canadien. La Section nationale du droit de l'immigration regroupe des avocats de tout le Canada qui s'occupent uniquement du droit de l'immigration. L'ABC, organisation nationale, représente 37 000 avocats, notaires, étudiants et professeurs, et son mandat est de promouvoir des améliorations dans le droit et l'administration de la justice. C'est dans cet esprit que je présente les observations qui vont suivre sur la section 24 du projet de loi C-43.

Je vais parler surtout de la proposition prévoyant une nouvelle liste d'employeurs, ceux qui ont été trouvés coupables d'infractions désignées aux termes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ou de lois fédérales ou provinciales sur l'emploi ou le recrutement.

Je suis venu tôt aujourd'hui pour écouter ce que les représentants du ministère avaient à dire de ces dispositions. Trois fois, il a été dit que les employeurs figurant sur cette liste ne pourraient pas se prévaloir du programme des travailleurs étrangers. Je craignais que ce ne soit là la conséquence de l'inscription sur la liste.

Vous remarquerez que dans le projet de loi C-43, qui crée cette liste ou cette possibilité d'y être inscrit, on ne dit rien des conséquences. Pas un mot à ce sujet. Jusqu'à ces trois déclarations d'aujourd'hui, le gouvernement a été très vague au sujet des conséquences.

En évaluant la loi et la place que la nouvelle liste y occupe, nous sommes arrivés à la même conclusion, je le crains. L'objet de la liste n'est pas de protéger les travailleurs étrangers. Il ne s'agit pas non plus de faire savoir quels sont les employeurs qui enfreignent les lois fédérales ou provinciales du travail. Il s'agit plutôt d'empêcher des employeurs de se prévaloir du programme. Qu'on me permette d'expliquer comment cela fonctionne.

Nous avons déjà dans le règlement, depuis l'an dernier, une liste de conditions que tous les employeurs qui ont recours au programme des travailleurs étrangers doivent respecter. Ces dispositions ont été ajoutées au règlement l'an dernier. Il y a un certain nombre de conditions. Il faut payer les travailleurs conformément au contrat d'emploi. On ne peut modifier les conditions d'emploi.

L'une des conditions veut que, pendant la durée de l'emploi du travailleur étranger, l'employeur se conforme aux lois provinciales et fédérales sur l'emploi et le recrutement. C'est là une condition clairement énoncée, et elle s'applique à tous les employeurs qui ont recours à un travailleur étranger.

Si un agent du ministère a un motif de croire qu'il y a eu manquement à une condition, si l'employeur a enfreint des conditions par le passé ou s'il est simplement choisi au hasard, le ministère peut mener une enquête sur l'entreprise. C'est prévu dans le règlement.

Au cours de cette enquête, les fonctionnaires peuvent pénétrer dans les installations des entreprises et y mener une enquête sans mandat. Ils peuvent obliger les employeurs à produire tous les documents jugés pertinents. Ils peuvent obliger le propriétaire à se présenter et à répondre à des questions sur l'emploi de leurs travailleurs canadiens et étrangers.

Si, au terme de l'enquête, un fonctionnaire estime qu'une condition n'a pas été respectée, il peut inscrire l'employeur sur une liste en vertu du paragraphe 209.91(3) du règlement, qui prévoit cette liste. Cette liste est déjà prévue dans le règlement. L'employeur qui y figure ne peut se prévaloir du programme des travailleurs étrangers pendant deux ans, et cela vaut pour les permis de travail des travailleurs étrangers déjà à son service.

Vous pouvez imaginer les conséquences pour l'employeur qui est sous le coup de cette interdiction. Il peut s'agir d'un employeur de la Colombie-Britannique qui a des centaines d'employés et seulement un petit nombre de travailleurs étrangers. Il peut avoir des lieux de travail dans toute la province. Un manquement à une condition fait perdre l'accès à tous ses travailleurs étrangers, et certains d'entre eux peuvent être des vice-présidents de l'entreprise. Il peut s'agir de personnes mutées à l'intérieur de l'entreprise aux termes de l'ALENA. Ou encore de travailleurs du savoir spécialisés qui sont venus combler une pénurie. Et voici que l'employeur ne peut plus faire appel à eux. Les conséquences ne sont pas négligeables.

Quelle est la place de la nouvelle liste? On y inscrira les employeurs jugés coupables d'avoir enfreint une loi provinciale ou fédérale en matière d'emploi. Il faut aussi que l'employeur ait eu un travailleur étranger par le passé, qu'il en ait un en poste ou qu'il demande à en engager un. Il se retrouve sur la liste.

Il y a également un pouvoir complémentaire, prévu à l'article 309 du projet de loi C-43, qui permet d'exiger que l'employeur fournisse au ministère de l'information sur tous ses travailleurs étrangers. Si le ministère appelle, il faut lui communiquer cette information.

Désormais, le ministère a une liste d'employeurs qui ont commis des infractions à des lois provinciales. Il est informé du fait que les employeurs ont des travailleurs étrangers. Il est maintenant en mesure de soupçonner qu'il y a manquement à une condition relativement au respect de la loi provinciale ou bien il a la preuve qu'il y a eu un manquement par le passé. Cela lui donne le droit de faire une inspection, d'exiger la production de documents, de poser des questions auxquelles l'employeur est tenu de répondre, ce qui aboutit à la conclusion que l'employeur enfreint une condition et ne peut donc plus se prévaloir du programme. Voilà, selon moi, la raison d'être de cette liste.

Cela soulève des questions, comme il est expliqué dans le document de l'ABC. Qui est inscrit sur la liste? On dit dans la loi que ce sont les employeurs déclarés coupables d'une infraction. Qu'est-ce que cela veut dire? S'agit-il d'un manquement sur le plan administratif? Un fonctionnaire provincial peut-il donner une contravention pour un manquement de nature administrative à la sécurité dans un milieu de travail?

Le président : Monsieur Maynard, vous dépassez le temps de parole qui vous a été accordé. Auriez-vous l'obligeance de conclure?

M. Maynard : Certainement.

En ce qui concerne l'inscription sur la liste, nous estimons que l'emploi de l'expression « déclaré coupable » doit être réservé aux arrêts judiciaires, compte tenu des conséquences subies par l'employeur. Nous croyons également qu'il ne devrait pas être possible d'inscrire un employeur sur la liste pour quelque manquement à une loi provinciale ou fédérale en matière d'emploi. Il devrait y avoir des infractions désignées. Le gouvernement devrait cerner avec grand soin les infractions qui justifieront une inscription sur la liste et rendre cette information publique.

Telles sont nos recommandations. Il s'agit d'une question fort complexe. Il y a là bien plus que ce qu'on dit. Un examen très critique s'impose. Je serai heureux de répondre à vos questions. Merci de m'avoir invité.

Le président : Merci beaucoup. Je suis maintenant prêt à passer aux questions. Je rappelle à tous que la séance doit se terminer au plus tard à 12 h 30.

La sénatrice Merchant : Je déduis de vos propos, monsieur Maynard, que vous déplorez l'absence de tout recours. Qui peut savoir ce qui amène un inspecteur à désigner un employeur d'une certaine manière? Devrait-on exiger que les fonctionnaires aient un mandat pour obtenir cette information? Peuvent-ils entrer simplement chez l'employeur à leur guise?

M. Maynard : En ce moment, les fonctionnaires peuvent entrer chez l'employeur et faire une inspection, exiger la production de documents et obliger l'employeur à se présenter dans les bureaux du gouvernement et à répondre à des questions, tout cela sans mandat. Tout ce qu'il faut, c'est une raison de soupçonner qu'il y a eu manquement à une condition par le passé. Cela leur permet d'aller de l'avant. Ils peuvent aussi choisir des employeurs au hasard.

L'ABC estime que c'est une protection insuffisante et qu'il n'y a pas de limite raisonnable pour justifier ce genre d'intervention. En l'absence de loi raisonnable pour encadrer ces inspections, les fonctionnaires devraient être tenus de se procurer un mandat. Merci.

La sénatrice Cordy : Madame Reynolds, j'ai trouvé intéressantes vos observations sur le processus et le temps qu'il exige. J'ai demandé aux témoins précédents combien de temps il fallait compter entre le moment du dépôt de la demande et l'approbation d'engager un employé étranger temporaire, et je me suis fait répondre que, à moins de circonstances particulières, il fallait 10 jours ouvrables.

À propos des nouveaux frais qui, comme vous l'avez dit, ont été multipliés par près de 300 p. 100, j'ai voulu savoir si cela simplifierait le processus. Vous dites que, depuis la hausse, depuis juillet, le processus est en fait plus lourd qu'il ne l'était auparavant. Si j'étais un propriétaire d'entreprise, un employeur, je supposerais que, si mes frais augmentent de 300 p. 100, le service s'améliorera de 300 p. 100 ou, certainement, s'améliorera un peu.

Mme Reynolds : En Alberta, où se trouvent la majeure partie de nos membres qui se prévalent du Programme des travailleurs étrangers temporaires, l'étude des demandes peut prendre des mois.

Autre chose : le formulaire de demande a changé trois fois depuis juin. On présente une demande en payant les frais de 1 000 $. S'il y a un problème mineur dans la demande, on se la fait renvoyer. Il faut alors présenter une nouvelle demande et il faut payer de nouveau les 1 000 $. On ne peut même pas utiliser la même demande. Il faut utiliser un formulaire différent et reprendre tout le processus.

La situation était assez difficile lorsque les frais s'élevaient à 275 $. C'est devenu insupportable. Vous avez parlé d'un couple âgé qui ne peut plus se permettre de recourir au programme. L'exploitant d'un petit restaurant à Cold Lake, en Alberta, trouve les frais très élevés également.

La sénatrice Cordy : Nous ne parlons pas ici de multinationales qui peuvent se permettre de payer ces 1 000 $. Il s'agit habituellement de petites entreprises et, dans le cas dont j'ai entendu parler, d'une aide pour le fils adulte handicapé d'un couple.

Je m'intéresse aussi aux recours, dans le cas des listes d'employeurs. Je me méfie toujours lorsqu'un gouvernement dresse des listes.

Monsieur Maynard, vous avez dit qu'il existe déjà une disposition dans la loi prévoyant que, si quelqu'un enfreint un accord, il ne peut engager, pendant deux ans, un travailleur étranger temporaire. Pourtant, quand j'ai demandé si cette liste serait longue, on a laissé entendre qu'elle n'avait à peu près pas de limite. C'est une liste qui pourrait être interminable.

Un problème connexe, c'est qu'il ne me semble exister aucun recours. Si on est inscrit sur la liste, on ne peut rien faire. Qui décide d'inscrire un employeur sur la liste? Ce sont les questions qui me préoccupent vivement.

M. Maynard : En ce qui concerne la liste qui existe déjà, l'employeur y est inscrit pendant deux ans, un point c'est tout. C'est obligatoire. S'il est constaté, à la faveur d'une enquête, que l'employeur n'a pas respecté une condition d'emploi, il est inscrit sur la liste. Aucune latitude à cet égard.

Oui, cette liste m'inquiète beaucoup, mais il n'y a rien dans la loi, dans le règlement ou le projet de loi C-43 qui dise que le fait d'être inscrit sur la liste entraîne l'impossibilité de faire appel à des travailleurs étrangers. Cela n'est prévu que pour l'autre liste. C'est la seule façon dont on peut se faire interdire l'accès aux travailleurs étrangers. C'est donc avec une vive inquiétude que j'ai entendu les représentants du ministère dire trois fois que le fait d'être sur la liste de ceux qui ont enfreint des dispositions provinciales entraînera l'impossibilité de se prévaloir du programme. Cela veut dire qu'il y aura un lien avec la liste prévue à l'article 209.91.

La sénatrice Cordy : Et il n'y aura aucun recours? Madame Reynolds, est-ce bien ce que vous laissez entendre?

Mme Reynolds : C'est ce qui m'inquiète. Nous ignorons ce que seront les recours.

Je dois signaler, à propos de cette liste, que seulement quatre restaurants y figurent. Nous avons entendu dans les médias toutes sortes d'allégations au sujet d'abus et la réputation de notre secteur d'activité a été salie. Il y a quatre restaurants sur la liste.

M. Maynard : Si je peux me permettre, je voudrais apporter une précision au sujet des 10 jours dont il a été question dans une réponse.

Les représentants du gouvernement ont dit que les délais d'examen seraient de 10 jours pour les travailleurs qui doivent toucher un salaire élevé. Par salaire élevé, ils veulent dire que la rémunération se situe dans les 10 p. 100 supérieurs de la moyenne provinciale. Dans le cas de la Colombie-Britannique, le salaire est d'environ 27 $ l'heure, mais cela n'est pas basé sur ce que l'employeur dit qu'il va payer, mais sur ce qu'EDSC considère comme le salaire qui a cours pour le poste, ce qui est bien plus bas. Il y a donc seulement une dizaine de professions, dans toute la liste des professions connues des Canadiens, pour lesquelles les délais seraient de 10 jours. Mais ces délais ne sont qu'une illusion. Ils n'existent pas. Pour la grande majorité des employeurs, il faut compter de deux à trois mois pour obtenir une étude d'impact sur le marché du travail. Et cela, c'est après la parution des annonces de postes.

La sénatrice Cordy : Très bien. Merci beaucoup.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup. Nous avons passé beaucoup de temps ce matin, avec les témoins précédents qui représentaient le gouvernement et avec vous, à discuter du Programme des travailleurs étrangers temporaires, mais nous savons que le projet de loi sépare le programme actuel en deux : le Programme des travailleurs étrangers temporaires et le Programme de mobilité internationale.

Nous n'avons pas beaucoup parlé du Programme de mobilité internationale, qui n'est pas assujetti à l'étude d'impact sur le marché du travail. Je crois comprendre qu'il vise expressément les étrangers qui viennent au Canada aux termes de l'accord de libre-échange.

Avez-vous, l'un ou l'autre, quelque chose à dire sur la proportion des travailleurs étrangers, par exemple, qui relèvent de cette partie du programme, c'est-à-dire le Programme de mobilité internationale? Monsieur Maynard, peut-être?

M. Maynard : Oui, le programme des travailleurs étrangers est maintenant limité aux travailleurs visés par une étude d'impact sur le marché du travail. Ils constituent la petite minorité des travailleurs étrangers au Canada. La plupart des autres travailleurs étrangers, la grande majorité d'entre eux, sont assujettis au Programme de mobilité internationale. Il y a par exemple les programmes d'échanges internationaux pour les étudiants. Nous avons des programmes d'échanges et d'autres dispositions qui permettent à des étudiants canadiens d'aller en France, par exemple, et à des étudiants français de venir au Canada. Ils peuvent obtenir un permis de travail d'un ou deux ans et travailler là où ils veulent. Il n'y a dans ces cas aucune étude d'impact sur le marché du travail. Les étudiants ont la liberté de travailler. Ils sont beaucoup plus nombreux au Canada que les travailleurs pour lesquels il faut faire une étude d'impact sur le marché du travail.

La sénatrice Seidman : Vous auriez des chiffres à nous donner, par hasard, sur les proportions réelles de ces catégories?

M. Maynard : Je ne veux pas donner de chiffres de mémoire, mais lorsqu'il a présenté les modifications en juin dernier, le gouvernement a publié un document intitulé Réforme globale du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Dans les premières parties du document, et il vaut largement la peine de les consulter, on précise ces chiffres. Ils sont renversants.

La sénatrice Seidman : D'accord. Merci. Pourriez-vous nous donner des exemples des types de permis de travail délivrés en vertu de cette partie du programme, du Programme de mobilité internationale?

M. Maynard : Aux termes du Programme de mobilité internationale, on peut avoir tous les types de permis de travail qui existent, en dehors de ceux qui sont délivrés après une étude d'impact sur le marché du travail. Cela comprend les permis de travail délivrés en vertu de traités comme l'ALENA ou de tout autre accord de libre-échange que nous avons avec le Chili, le Pérou, la Colombie et d'autres pays. En général, cela englobe les permis de travail pour les mutations à l'intérieur de sociétés, lorsque des sociétés déplacent des cadres supérieurs et des dirigeants de l'étranger vers le Canada pour une affectation temporaire chez nous; les permis de travail pour les conjoints ou les autorisations de travailler qui accompagnent le statut d'étudiant au Canada; les programmes d'Expérience internationale Canada, aux termes desquels des jeunes gens reçoivent un permis de travail pour venir passer un an ou deux au Canada. Tout cela est encadré par le Programme de mobilité internationale.

La sénatrice Seidman : Cela correspondrait-il à une liste particulière de métiers ou de professions?

M. Maynard : Cela dépend de la catégorie. La plupart des étudiants qui viennent chez nous occupent des emplois peu spécialisés. Ils ne viennent pas pour occuper des postes professionnels. Les personnes mutées à l'intérieur d'une société doivent être de hauts dirigeants, des cadres supérieurs ou des personnes qui ont des connaissances spécialisées. Ces gens-là sont donc généralement à un niveau supérieur. L'ALENA prévoit une catégorie de professionnels qui permet de faire venir des ingénieurs, des architectes, des professeurs d'université; elle comprend une cinquantaine de professions. Il y a donc une certaine diversité de professions.

La sénatrice Seidman : D'accord. Merci. Ces renseignements sont très utiles. Merci beaucoup.

M. Maynard : Désolé. Si je peux me permettre, je précise que le projet de loi, la liste, tout cela s'applique à tous les travailleurs, qu'ils fassent l'objet d'une étude d'impact sur le marché ou qu'ils soient visés par le Programme de mobilité internationale.

La sénatrice Seidman : D'accord. Merci.

Le sénateur Enverga : Merci de vos exposés.

J'ai trouvé frappant qu'on s'inquiète de la liste que le gouvernement mettra en place. Vous avez dit en quelque sorte que seulement quatre employeurs sont inscrits sur la liste. N'êtes-vous pas d'avis que le gouvernement a fait preuve d'une grande diligence en veillant à ce que les employeurs au comportement vraiment déplorable soient inscrits sur la liste, ou se montre-t-il conciliant? Comment considérez-vous l'attitude du gouvernement en ce moment? Prend-il de grandes précautions avant d'inscrire qui que ce soit sur la liste?

Mme Reynolds : À notre avis, il y a eu beaucoup d'allégations sans fondement au sujet de notre secteur d'activité. Il y a là beaucoup de faits anecdotiques : « Mon gamin a fait une demande d'emploi dans un restaurant et n'a pas été pris. Par conséquent, l'employeur néglige les Canadiens. »

En fait, nos entreprises sont ouvertes 24 heures par jour et 7 jours par semaine. Elles ont besoin d'employés pour travailler tard le soir et en week-end. Nous avons des gens qui demandent des emplois, mais qui ne sont disponibles qu'en week-end et de telle heure à telle heure. Désolée, mais elles ne vont pas engager ces candidats, parce qu'elles ont besoin de gens qui seront au poste de 9 heures à 2 heures. Tous n'ont pas les aptitudes voulues pour travailler dans notre secteur d'activité.

Même si vous considérez...

Le président : Je me permets de vous interrompre. Ces restaurateurs ne sont pas sur la liste. Le sénateur a demandé précisément des chiffres et a attiré votre attention sur le fait qu'il y a seulement quatre restaurateurs sur la liste. Il vous a posé une question sur les chiffres et ne vous a pas demandé de vous lancer dans un discours.

Mme Reynolds : En regard de certaines allégations lancées très publiquement, il y a un autre point de vue, celui des employeurs. Mais les employeurs ne peuvent pas parler de leurs problèmes de personnel dans les médias. Lorsque les fonctionnaires font enquête, ils constatent que certaines allégations ne sont pas nécessairement fondées. Il y a eu énormément d'allégations au sujet de notre secteur d'activité.

J'ignore la réponse à votre question, mais j'ai l'impression que, lorsque les fonctionnaires font des enquêtes approfondies, ils constatent que les reportages des médias n'ont pas beaucoup de fondement.

Le sénateur Enverga : À votre point de vue, monsieur Maynard, le gouvernement fait-il preuve de diligence en veillant à ce que seules les entreprises au comportement vraiment déplorable soient inscrites sur la liste, de sorte qu'il n'y aurait pas vraiment à craindre que toutes les entreprises ne s'y retrouvent?

M. Maynard : Je ne crois pas que le gouvernement ait encore appuyé sur l'accélérateur. Le processus d'identification des employeurs et de leur inscription sur la liste n'a pas commencé.

Le président : Cela me semble tenir de la spéculation, mais il est pris note de votre opinion.

M. Maynard : Les dispositions législatives sont en place depuis un an seulement.

Le président : Le règlement n'a pas encore été élaboré. Nous spéculons beaucoup, au-delà de la question dont nous sommes saisis.

Le sénateur Enverga : Sur un autre plan, je songeais aux allégations voulant que votre secteur n'ait pas engagé de Canadiens. Vous dites que vous engagez vraiment des Canadiens. Mais compte tenu de toutes les publicités, de tout le marketing que fait votre secteur, pourquoi ne pouvez-vous pas vous présenter sous un autre jour? Vous avez fait de l'excellent marketing pour vendre des hamburgers ou tout autre aliment. Pourquoi n'est-il pas possible d'adapter ces efforts de marketing et d'engager plus de monde?

Mme Reynolds : Je ne suis pas d'accord avec vous, en ce sens que nos membres ont fait beaucoup d'annonces dans les médias et déployé de grands efforts de marketing. Ils ont participé à des foires de l'emploi dans tout le pays. Ils ont essayé d'attirer des chômeurs de régions comme l'Ontario, où des jeunes cherchent des emplois, et de voir s'ils veulent venir à des endroits éloignés, en Alberta et en Saskatchewan. Je dirais qu'ils ont consacré à ces efforts des ressources énormes.

Ce qui va donner aux restaurants un avantage concurrentiel dans les années à venir, ce sera leurs pratiques en matière de ressources humaines. Ils consacrent beaucoup plus de ressources au recrutement et au maintien en emploi des travailleurs. Ils reconnaissent qu'ils auront un avantage concurrentiel s'ils peuvent attirer des travailleurs et les garder à leur service. Je dirais que des efforts et des ressources énormes sont mobilisés autour de cet objectif.

Il n'est pas aussi facile qu'il semble d'aller dans les rues de Toronto et de convaincre un jeune chômeur de venir travailler dans certaines localités éloignées en Alberta. Les restaurateurs ont essayé. Ils ont appliqué des programmes pour essayer de faire venir des gens, mais l'un de leurs problèmes, c'est qu'il y a des entreprises du secteur des ressources qui peuvent toujours offrir un salaire plus élevé. Elles viennent les recruter derrière les comptoirs, à l'intérieur même des restaurants. Elles ont les ressources nécessaires pour le faire. Les restaurateurs engagent des dépenses pour recruter des gens et les amener en Alberta, et ils les perdent ensuite, après avoir payé leur transport en Alberta, au profit d'autres secteurs d'activité avec lesquels ils ne sont pas concurrentiels.

Le sénateur Enverga : Savez-vous quelles sont les pertes de votre secteur d'activités attribuables aux modifications récentes? Quelles sont les pertes d'opportunité auxquelles vous faites allusion?

Mme Reynolds : Nous sommes maintenant en train d'essayer de mesurer cela. L'une des difficultés, c'est que les changements sont progressifs. Au fur et à mesure que les permis des travailleurs étrangers arrivent à expiration et que ces travailleurs sont renvoyés chez eux, les entreprises manquent de plus en plus de personnel. Nous savons qu'une foule de plans d'expansion ont été mis en veilleuse. Nous savons que des entrepreneurs ont renoncé à des contrats de franchise parce que, faute de travailleurs, ils ne peuvent pas ouvrir d'autres établissements. Toutefois, nous n'avons pas pu mesurer exactement l'impact.

Le président : Monsieur Maynard, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Maynard : Vous dites que les changements sont progressifs, qu'on attend que les permis de travail arrivent à expiration. Les modifications ont été apportées en juin. De nombreux restaurants qui ont des travailleurs étrangers avaient toujours des employés dotés d'un permis de travail valable pour un an ou peut-être deux. Jusqu'à ce que ces permis de travail arrivent à expiration, nous ne pourrons pas constater l'impact des modifications.

L'une des principales modifications qui touchent particulièrement le secteur de la restauration, c'est que le gouvernement limite à 10 p. 100 la proportion des travailleurs étrangers qui occupent des postes faiblement rémunérés. Et les emplois en restauration sont généralement considérés comme faiblement rémunérés. Si un restaurant emploie 35 Canadiens et a six cuisiniers étrangers parce qu'il s'agit d'un établissement ethnique, il sera désormais limité à trois cuisiniers étrangers. Des propriétaires de restaurant me disent qu'ils ne peuvent pas mener leur exploitation de cette manière, mais on ne s'en apercevra pas avant un an.

La sénatrice Chaput : Devrait-il y avoir un recours pour les employeurs qui se trouvent sur la liste ou finiront par s'y trouver?

M. Maynard : Tout à fait. Si vous me posez la question, je dis qu'il faut absolument des recours.

La sénatrice Chaput : Je vous demande votre avis.

Mme Reynolds : Il doit y avoir des recours, mais nous tenons à ce que les employeurs qui abusent du programme en soient exclus. Cela ne fait aucun doute. Car leur comportement détruit la réputation de tout de notre secteur et du programme. Nous tenons à ce que ceux qui se rendent coupables d'une infraction soient exclus du système.

Il y a autre chose qu'on ne comprend pas, à propos du Programme des travailleurs étrangers temporaires, et c'est que les travailleurs venus de l'étranger sont protégés comme les autres par les normes en matière d'emploi qui ont cours dans toutes les provinces du Canada. Cela, vraiment, n'a pas changé. Nous avons toujours dit qu'il fallait travailler en plus étroite collaboration avec les gouvernements provinciaux, car si certains employeurs dérogent constamment aux normes en matière d'emploi, le gouvernement fédéral doit le savoir.

À notre point de vue, une meilleure coordination à cet égard ne fait pas problème, mais nous craignons qu'un manquement très mineur en matière de salubrité des aliments n'empêche des employeurs d'obtenir des travailleurs étrangers. Cela nous inquiète.

M. Maynard : Je tiens à être clair dans ma réponse au sujet des recours, car j'accepte votre position aussi.

Si un employeur, fondamentalement, abuse de ses travailleurs étrangers, s'il ne leur verse pas le salaire dicté par EDSC, s'il leur fait faire des heures supplémentaires sans les rémunérer en conséquence, s'il ne leur accorde pas les conditions de travail convenues, alors il y a abus, et cet employeur ne devrait pas pouvoir engager des travailleurs étrangers.

Ce qui me préoccupe, ce sont les succursales isolées qui ne respectent pas les normes. Le châtiment doit être proportionnel au crime. Malheureusement, avec le système en place, les conséquences d'un manquement à une condition sont les mêmes, qu'il y ait 90 employés en cause ou un seul.

Le président : Chers collègues, je vais résumer en quelques mots et je voudrais que les sénateurs restent ensuite pour que nous puissions rédiger les instructions au sujet de notre séance de la semaine prochaine.

Au préalable, je tiens à dire que les deux témoins ont été très clairs au sujet des préoccupations qui les animent.

Madame Reynolds, je pense que nous sommes tous de tout cœur avec vous quand vous dites que la gestion des ressources humaines dans votre secteur d'activité doit être de la plus grande qualité et que cela fera probablement beaucoup pour que le secteur règle lui-même les problèmes relatifs aux nombreuses préoccupations que vous et le grand public éprouvez, quoi que ce puisse être d'un point de vue légèrement différent.

Monsieur Maynard, il est certain que les problèmes que vous avez signalés à propos de la réglementation, si le projet de loi d'exécution du budget est effectivement adopté, sont ceux qui détermineront la mesure dans laquelle vos préoccupations sont fondées du point de vue du champ d'application. Nous espérons, cela ne fait aucun doute, que les dispositions seront interprétées de façon à ne pas nuire inutilement à l'emploi et aux employeurs au Canada, du point de vue des problèmes généraux, mais il faut aussi veiller par ailleurs à prévenir le plus possible les problèmes que vous avez résumés dans vos dernières observations.

Je tiens à vous remercier de la façon dont vous avez défini les problèmes qui vous préoccupent. Je puis vous donner l'assurance que nous les avons entendus. Merci à vous.

Là-dessus, je suspends la séance et je demande à ce qu'on libère la salle pour que le comité puisse continuer à siéger brièvement à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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