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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 35 - Témoignages du 29 mai 2015


OTTAWA, le vendredi 29 mai 2015

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 8 h 29, pour étudier la teneur des éléments de la section 15 de la partie 3 du projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 avril 2015 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je suis Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse, président du comité. J'inviterais mes collègues à se présenter.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, Québec.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Frum : Linda Frum, de l'Ontario.

Le sénateur Ngo : Sénateur Ngo, de l'Ontario.

Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Campbell : Larry Campbell, de la Colombie-Britannique.

Le président : Merci beaucoup, chers collègues. Avant de présenter nos invités, je tiens à vous rappeler que nous sommes ici pour discuter de la teneur des éléments de la section 15 de la partie 3 du projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 avril 2015 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Nous avons deux groupes de témoins ce matin. Pour le premier groupe, qui terminera à 9 h 30 au plus tard, nous recevons, de l'Association canadienne des libertés civiles, Sukanya Pillay, avocate générale et directrice exécutive, et Brenda McPhail, directrice du projet sur la confidentialité, la technologie et la surveillance.

Je crois comprendre que Mme Pillay fera un exposé, mais ces deux dames pourront répondre à nos questions.

Sur ce, j'inviterais Mme Pillay à faire son exposé.

Sukanya Pillay, avocate générale et directrice exécutive, Association canadienne des libertés civiles : Merci au président et au comité de nous donner cette occasion de nous faire entendre.

L'ACLC a comparu à maintes reprises devant divers comités du Sénat, et nous sommes très heureux de pouvoir nous faire entendre aujourd'hui au sujet de la section 15 du projet de loi C-59.

L'ACLC est une organisation nationale sans but lucratif non gouvernementale et non partisane. Nous sommes soutenus par des milliers de Canadiens de tous les horizons de partout au pays. Depuis 1964, nous luttons pour la promotion des droits, des libertés et de la justice partout au Canada.

En ce qui concerne le projet de loi C-59 et la section qui nous occupe, nous croyons comprendre que les dispositions permettront une collecte plus étendue des données biométriques des personnes voyageant au Canada et qu'elles prévoient également la transmission électronique et la prise de décisions automatisées dans certaines circonstances. Nous avons comme principe que les considérations de protection des renseignements personnels doivent être prises en compte d'emblée, et plus particulièrement lorsqu'il est question d'élargir la collecte des données biométriques.

Nous savons qu'il existe déjà des risques associés à la collecte de données biométriques, et nous nous inquiétons de cet élargissement de la collecte de ces données sans une étude préalable des risques déjà cernés et les diverses évaluations des répercussions sur la vie privée qui ont déjà été réalisées.

Les principes de confidentialité doivent faire partie de ces principes de base, tels que le caractère nécessaire de cette collecte, la proportionnalité, l'accès aux données, leur utilisation — et par utilisation, j'entends également les dérivations. Permettez-moi également de clarifier que l'ACLC comprend tout à fait le besoin de vérifier l'identité des personnes à nos frontières. Toutefois, nos préoccupations portent sur d'autres aspects de ces contrôles, c'est-à-dire la confidentialité, notamment l'utilisation des données biométriques, et surtout l'élargissement de cette utilisation.

Par exemple, les données biométriques seront-elles stockées dans des bases de données centrales? C'est ce que nous avons cru comprendre, mais nous nous inquiétons de l'échange de cette information avec d'autres pays. Par exemple, nous avons déjà conclu des accords bilatéraux, notamment le Traité d'échange de renseignements Canada-États-Unis, entre autres. L'information recueillie par le Canada sera-t-elle facilement accessible et communiquée à ces autres pays, alors même que nous nous inquiétons de la protection de la vie privée?

De plus, nous nous inquiétons non seulement de l'échange de renseignements même, mais également des répercussions du projet de loi C-51 qui, comme vous le savez, envisage d'élargir la collecte et l'échange de renseignements entre les ministères et organismes gouvernementaux, ainsi qu'avec des organismes et gouvernements étrangers, y compris des organismes nationaux et étrangers du secteur privé. Nous avons bel et bien des inquiétudes à ce sujet. Mais nous nous soucions également de la collecte d'information par des tierces parties, dont les centres de demande de visa, et des contrôles qui sont en place.

Comme vous le savez, la collecte de données biométriques est un processus très délicat sensible et potentiellement envahissant. Il existe déjà des technologies de balayage de l'iris, de reconnaissance faciale, de prise d'empreintes digitales, de reconnaissance de la voix et de la paume de la main, que l'on appelle la géométrie de la main.

Lorsque j'ai parlé de cette utilisation et des dérivations, je me demandais si les données biométriques seraient utilisées à des fins de surveillance massive.

Par le passé, devant un autre comité du Sénat, nous avons soulevé nos inquiétudes quant à la reddition de comptes parmi les organismes, notamment en ce qui concerne l'ASFC. Voilà un exemple d'une agence dont les mécanismes de reddition de comptes brillent par leur absence — si vous le permettez — et qui aura néanmoins accès à toutes ces données.

Enfin, je voudrais parler des questions d'équité et de discrimination. Les données biométriques ne sont pas sûres à 100 p. 100. Il existe effectivement des faux positifs et des faux négatifs. Ce peut être pire avec les personnes qui ont des invalidités, notamment qui ont de la difficulté à serrer la main ou à garder leur visage immobile. Cela peut poser problème.

Mais nous nous inquiétons également de l'incidence sur les demandeurs d'asile, notamment si l'accès aux données biométriques n'est pas strictement contrôlé. Les demandeurs d'asile pourraient-ils être mis en position de vulnérabilité lorsqu'ils fuient la persécution d'un autre pays et que nous ne contrôlons pas l'accès à cette information? Nous nous inquiétons également de la transmission électronique et de la prise de décisions automatisées et de leur incidence sur nos objectifs en matière d'immigration et sur nos engagements à l'égard des réfugiés. Ces objectifs et ces engagements sont énoncés dans le préambule de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

Voilà qui met fin à mon exposé. Je vous remercie une fois de plus de me donner l'occasion de comparaître avec ma collègue, Mme Brenda McPhail.

Le président : Merci beaucoup. Nous passons maintenant aux questions, en commençant par la sénatrice Seidman.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup de votre exposé, madame Pillay. Je comprends très bien que dès que l'on recueille des renseignements personnels, qu'il s'agisse de moyens de haute technologie, ou encore d'information de base, nous devons mettre de l'avant les questions de sécurité et de protection de la vie privée. Vous soulevez des questions que nous devons certainement poser aux représentants ministériels pour obtenir des éclaircissements.

Toutefois, je voudrais vous poser la question suivante : l'utilisation de données biométriques devient monnaie courante dans le monde entier. Un grand nombre de pays s'en servent déjà. Y a-t-il des leçons à tirer de l'expérience des autres pays avant de mettre en œuvre notre propre système?

Mme Pillay : Merci de la question, qui est fort pertinente. Je vais peut-être demander à ma collègue d'y répondre également.

Je reconnais que les données biométriques deviennent monnaie courante dans un grand nombre de pays. C'est la nouvelle norme. Même des pays en voie de développement commencent déjà à miser sur les données biométriques pour identifier leurs propres citoyens.

Mais je dirais que l'utilisation croissante des données et la désensibilisation conséquente des citoyens par rapport à leur prévalence ne diminuent en rien le risque pour la confidentialité. De nombreux États et acteurs vantent les avantages des données biométriques, mais cela ne diminue en rien les risques qui les accompagnent.

Avant de céder la parole à ma collègue, je vous conseillerais d'étudier les inquiétudes soulevées par l'Union européenne concernant l'utilisation des données biométriques à ses frontières. Je sais que des tribunaux allemands ont remis en question la valeur ou, si vous préférez, la collecte abusive de données à des fins d'authentification. J'estime que le Canada peut en tirer d'importantes leçons pour s'assurer de mettre en place les mesures de protection nécessaires.

J'inviterais Brenda à intervenir, si elle le souhaite.

Brenda McPhail, directrice du projet sur la confidentialité, la technologie et la surveillance, Association canadienne des libertés civiles : Je confirme et répète que dans divers pays, bien que des données biométriques soient souvent utilisées à des fins d'identification, elles sont néanmoins considérées comme étant des données très personnelles et de nature délicate qui justifient les plus hautes normes de protection. C'est notamment le cas en Europe, en Israël et en Australie, et Sukanya vient de parler également de la France et de l'Allemagne. Divers pays se sont déjà attaqués à la question de l'identification biométrique, dans le cadre de programmes d'identification et d'affaires judiciaires, notamment en ce qui concerne les enquêtes criminelles. Et même lorsque les individus sont réputés avoir commis un acte criminel, les tribunaux reconnaissent que dans certains cas, la collecte et l'échange de données biométriques entre les ministères constituent une atteinte à la vie privée.

Le sénateur Lang : Je souhaite la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui. Je suis membre du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, où nous sommes en train de mettre la dernière touche à notre rapport sur l'ASFC. Ainsi, ces audiences sont un heureux hasard.

Je souhaite tout d'abord dire à nos témoins que tout au long de notre étude du projet de loi C-51, Loi antiterroriste — et je suis heureuse d'en faire l'annonce —, nous avons été rassurés par le ministre que des évaluations des répercussions sur la vie privée seraient réalisées, présentées et mises en œuvre dans les divers ministères pour ce qui est de l'échange de renseignements. Je voulais le signaler pour qu'il n'y ait pas de malentendu concernant le projet de loi C- 51 et son incidence sur les ministères. Je suis sûr que c'est une excellente nouvelle pour vous.

Je voulais également dire que dans le cadre de notre étude, nous avons appris que 40 000 ou 45 000 personnes ont été identifiées comme étant inadmissibles au Canada, mais s'y trouvent toujours d'une façon ou d'une autre. Nous ne savons pas qui elles sont, où elles sont, ce qu'elles font, combien d'entre elles ont depuis quitté le pays et combien d'entre elles y sont encore. Ces individus représentent un risque pour le grand public puisque certains d'entre eux se livrent à des activités criminelles et pourraient même avoir commis des crimes de guerre dans leur pays d'origine.

Ma question aux témoins qui, de toute évidence, ont bien étudié la loi — et je leur en suis reconnaissant —, est la suivante : étant donné la situation dans le monde à l'heure actuelle, pensez-vous que le Canada devrait mettre en place un système de contrôle des entrées et des sorties de tous les voyageurs de façon à savoir qui entre au pays et qui en repart, et à mieux administrer les frontières?

Mme Pillay : Merci de la question, sénateur Lang. J'ai cru comprendre que nous avons déjà des systèmes de contrôle des entrées et des sorties des visiteurs au Canada, ce qui ne pose pas problème. C'est une question prioritaire pour le Canada, le Parlement et le gouvernement, depuis la mise en œuvre du périmètre de sécurité Canada-États-Unis il y a quelques années. Et nous savons que les technologies de contrôle de ce type d'information progressent inexorablement.

Je vous suis également reconnaissant d'avoir parlé des évaluations des répercussions sur la vie privée. Mais nous estimons que les données biométriques ne sont pas une panacée, mais plutôt un simple outil. Et, comme tout outil, elles peuvent être utilisées à bon escient, au service du pays. Mais elles peuvent également être utilisées à mauvais escient, et ces abus peuvent avoir des conséquences graves, et pas seulement pour les personnes qui se trouvent légitimement au Canada, mais également pour d'autres pays qui pourraient avoir accès à ces informations et en abuser.

Maintenant, j'aimerais inviter ma collègue à se prononcer brièvement sur le contrôle des entrées et des sorties.

Mme McPhail : Je pense que les inquiétudes concernant les programmes de contrôle des entrées et des sorties portent sur les passeports améliorés sur le plan biométrique, qui sont en voie de devenir une norme internationale. Le problème, c'est qu'il y a trop d'occurrences de faux négatifs et de faux positifs. Nous ne sommes pas convaincus que l'ajout de nouvelles mesures de vérification de la légitimité des voyageurs aux frontières va régler le problème des voyageurs qui arrivent sans documents, car il est très probable que ces personnes sont entrées au pays illégalement. Les processus qui s'appliquent à tous les voyageurs légitimes peuvent être efficaces ou non pour intercepter les voyageurs illégitimes. Parallèlement, ils pénalisent les gens qui voyagent légitimement au Canada, notamment les immigrants, les travailleurs étrangers temporaires et les étudiants, qui sont déjà contrôlés en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, et tout particulièrement pour ce qui est des réfugiés et des immigrants qui viennent au Canada dans l'intention d'apporter leur contribution et de devenir des membres à part entière de notre communauté et de notre société.

Le sénateur Lang : Aux fins du compte rendu, je souhaite préciser qu'il n'existe actuellement pas de système de contrôle des sorties, ce qui devrait grandement nous inquiéter. Mais nous pourrons y revenir plus tard.

En ce qui concerne le contrôle des voyageurs, sous le système actuel, il est malheureusement de plus en plus évident que certaines personnes exploitent les faiblesses du système pour falsifier des documents ou utiliser le passeport d'une autre personne afin d'entrer au pays. Ne seriez-vous pas d'accord pour dire que pour éviter ce genre d'abus, nous devrions employer les technologies les plus modernes, y compris les données biométriques, afin de faire tout en notre pouvoir pour empêcher les gens malveillants d'entrer au Canada pour causer du tort? C'est après tout pourquoi nous avons des frontières.

Mme Pillay : Merci, sénateur Lang. Je vais répéter ce que j'ai dit au début de la séance, à savoir que nous ne remettons pas en question l'importance de bien identifier les gens aux frontières ou l'utilité des données biométriques. Toutefois, comme vous l'avez dit vous-même, encore faut-il que des mesures de protection appropriées soient en place, ce qui est particulièrement important. Les mesures de protection doivent viser non seulement l'accès à l'information et le stockage des données, mais également leur utilisation par des tierces parties.

Mme McPhail : Il faut savoir également que les données biométriques fonctionnent particulièrement bien pour l'authentification de l'identité. C'est incontestable, et nous ne le nions pas. Mais les données biométriques ne nous disent rien sur l'intention des personnes qui viennent au Canada. Ainsi, même le meilleur programme biométrique au monde ne nous permettra pas de savoir qui entre au Canada avec l'intention de causer du tort.

Entre-temps, un grand nombre de personnes bien intentionnées verront leurs données personnelles enregistrées et potentiellement communiquées à d'autres. Et c'est dans ces cas-là qu'il faut se demander si le risque pour le Canada est proportionnel à ces mesures de vérification biométrique massive.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci de votre exposé. J'aimerais vous présenter la question sous un autre angle. Je sais qu'aujourd'hui, lorsque l'on vérifie des passeports et d'autres documents, des erreurs sont commises et des gens sont détenus du simple fait d'avoir le même nom qu'une autre personne figurant sur la liste d'interdiction de vol. Ne pensez- vous pas que les données biométriques seraient un bon moyen d'empêcher ce genre d'incident regrettable?

Si nous améliorons la technologie, nous offrirons une sécurité accrue aux voyageurs qui ne souhaitent pas que leur identité soit remise en question pour rien. Qu'en pensez-vous?

Mme Pillay : Merci, sénatrice Stewart Olsen. Nous sommes d'accord avec vous lorsque vous dites que les données biométriques constituent effectivement un bon outil d'authentification de l'identité. Mais là n'est pas notre inquiétude. Nous nous inquiétons plutôt au sujet des atteintes à la vie privée qui pourraient en découler et qui n'ont pas été examinées attentivement : les risques inhérents à la technologie biométrique, les risques qu'a mentionnés ma collègue, tels que les faux positifs et les faux négatifs, mais également les risques pour les demandeurs d'asile qui — et c'est reconnu depuis l'époque de Raoul Wallenberg à partir de 1945 — voyagent munis de faux papiers afin d'échapper à la persécution. Nous ne voudrions pas que ces gens qui fuient la persécution soient exposés à nouveau à cette situation.

Voilà donc un aspect de la question. Mais il y a un problème plus vaste, et c'est le risque d'atteinte à la vie privée que représentent les données biométriques. Une fois de plus, nous ne nions pas l'utilité des données biométriques. Nous n'avons pas demandé l'interdiction de ces données. Nous savons qu'elles peuvent être très utiles dans l'authentification de l'identité. Ce que nous disons, et nous avons déjà rédigé de nombreux rapports sur cette question, c'est que la loi prévoit une plus grande utilisation des données biométriques sans avoir au préalable étudié les risques qu'elles comportent, sans avoir évalué leur incidence sur la vie privée, sans avoir tenu compte des études déjà réalisées et sans avoir intégré le tout à la loi.

Nous voulons avoir l'assurance que des protocoles de protection de la confidentialité seront mis en place. On ne peut pas nous demander de tout simplement avoir bon espoir que ces règlements seront adoptés après la mise en œuvre du projet de loi C-59.

La sénatrice Stewart Olsen : Je comprends ce que vous dites, et je suis très heureuse qu'il existe des organisations qui nous rappellent à l'ordre.

Le sénateur Lang vient de mentionner que le ministère a indiqué qu'il mènera une évaluation du risque conjointement avec le commissaire à la protection de la vie privée. Cela montre bien que nous partageons vos préoccupations. Lorsque nous agissons, nous voulons bien faire les choses, et j'espère que vous vous en souviendrez.

Le président : Personne ne semble vouloir intervenir.

Le sénateur Campbell : Merci beaucoup d'être venues. Pourriez-vous me donner des exemples concrets dont les données biométriques peuvent être utilisées à mauvais escient?

Mme Pillay : Oui, il y en a beaucoup. Ma collègue ici est d'ailleurs experte en la matière. Mais avant de lui céder la parole, je peux vous donner un exemple de mon cru. Par exemple, on peut utiliser des technologies de reconnaissance faciale pour mener de vastes campagnes de surveillance massive de la société. L'utilisation de données biométriques nous permet de suivre en temps réel les mouvements des citoyens. Lorsqu'on les combine à d'autres technologies, par exemple les GPS, des abus pourraient survenir lorsqu'on utilise les signaux des téléphones cellulaires pour suivre les mouvements de leurs utilisateurs. Mais il s'agit là d'un dispositif physique que l'on peut laisser à la maison. Par contre, on ne peut pas laisser son visage à la maison. Il y a donc là un potentiel d'abus avec les données biométriques.

Brenda, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme McPhail : Les possibilités d'abus sont d'autant plus nombreuses si les informations recueillies sont très délicates. Quand vous recueillez beaucoup de données biométriques, la base de données est une cible très attrayante pour les pirates car, comme l'a dit ma collègue, on ne peut pas changer grand-chose à son visage. Et on ne peut pas changer ses empreintes digitales.

Si on recueillait les empreintes digitales de beaucoup de gens, les risques d'usurpation d'identité et de préjudice pour ces personnes seraient extrêmement grands. Plus on a de données dans un seul endroit, plus cette base de données est attrayante pour ceux qui veulent faire du tort.

Il n'y a pas que les particuliers qui sont à risque; des groupes de citoyens, d'immigrants, de réfugiés ou de visiteurs au Canada seraient aussi à risque si on recueillait ces informations.

Mme Pillay : Comme l'a dit Brenda, les risques de piratage sont exacerbés par le fait que la base de données centralisée ne servira pas qu'à notre pays, mais aussi à d'autres. Nous avons indiqué qu'il est risqué de permettre à d'autres pays d'accéder à ces données puisque les normes relatives à la vie privée ne sont pas les mêmes partout dans le monde.

Le sénateur Campbell : Il y a une chose que je n'ai pas comprise. Je vous ai demandé quelles sortes d'abus pourraient se produire, et vous m'avez répondu qu'on pourrait pirater le système. Oui, et c'est vrai pour toutes les bases de données. N'importe quelle base de données peut être piratée.

Je voulais savoir comment, par exemple, quelqu'un d'autre pourrait prendre mes traits faciaux ou comment on pourrait suivre ma trace à partir de mon visage, que Dieu m'en garde. Je suis un peu vieux jeu.

Je n'étais pas là quand on a commencé à se servir des empreintes digitales.

Le sénateur Lang : Ou presque.

Le sénateur Campbell : J'y étais presque. Au fil des ans, c'est devenu la norme d'excellence. Les empreintes digitales sont devenues la norme d'excellence. Ici, on a tout simplement appliqué le modèle des empreintes digitales à des méthodes plus actuelles, plus modernes, dont la reconnaissance du visage, de l'iris et des empreintes palmaires.

J'aimerais savoir quels genres d'abus pourraient se produire.

Mme Pillay : Je comprends votre question. Je vais essayer de préciser votre réponse. Les données biométriques sont très délicates et fournissent des renseignements très personnels, ce qui augmente le risque.

Vous vous demandez quelles sortes d'abus pourraient se produire. On pourrait se servir de ces renseignements à des fins autres que celles pour lesquelles ils ont été recueillis, soit confirmer l'identité. On pourrait s'en servir à des fins de surveillance, et Brenda pourra vous en dire plus long à ce sujet.

Ces informations peuvent aussi être volées. Si on vous vole votre carte de crédit, vous pouvez la récupérer, mais si les empreintes digitales ou l'image de mon iris se retrouvent entre les mains de gens mal intentionnés, il sera difficile de me donner une nouvelle identité.

Ma collègue peut vous l'expliquer mieux que moi. Ce n'est pas aussi farfelu qu'on pourrait le croire. La possibilité existe.

Un cas bien connu est celui de l'attentat à la bombe de Madrid. On a établi une fausse concordance entre des empreintes digitales, ce qui a été très préjudiciable pour la personne dont on a prétendu être sur place au moment de l'attentat.

Aimeriez-vous répondre aussi, Brenda?

Mme McPhail : Concrètement, quand il s'agit de reconnaissance faciale, il n'y a pas que le secteur public, mais aussi un grand nombre d'entreprises privées qui ont accès à la technologie des caméras et aux réseaux et algorithmes permettant la reconnaissance faciale. En théorie, celui qui dispose de vos données faciales, s'il est très astucieux et a un bon réseau, pourrait vous suivre chaque fois que vous allez au centre commercial, que vous allez à la banque ou que vous retirez de l'argent à un guichet automatique.

Une bonne partie de l'infrastructure de caméra de surveillance qui est en place, soi-disant aux fins de protection et de sécurité, peut actuellement nous permettre de recueillir les mêmes types de données; on peut supposer que si quelqu'un avait un modèle de votre visage, il lui serait tout à fait possible de s'en servir pour suivre une vaste gamme de vos activités quotidiennes sur une longue période de temps.

Le sénateur Campbell : Que pensez-vous de ce qu'on a fait au lendemain de l'émeute qui est survenue après la finale de hockey à Vancouver : on a cherché parmi les photos des permis de conduire celles qui correspondaient aux images vidéos prises pendant l'émeute pour identifier les émeutiers au moyen de la reconnaissance faciale. Est-ce un abus?

Mme McPhail : Difficile à dire. C'est une question complexe qui comporte de nombreuses nuances. Du point de vue de la protection de la vie privée, puisque les intéressés n'ont pas consenti à être filmés et ne s'attendaient pas à ce que ces images servent à cette fin, il y a atteinte à la vie privée dans une certaine mesure. Cependant, comme ces personnes ont clairement violé la loi et ont commis des actes préjudiciables pour la société, cela pourrait se justifier. La question est de savoir quelle valeur probante ont ces images qui sont généralement recueillies par des citoyens préoccupés qui les remettent ensuite à la police, et comment le tribunal les interprétera.

Bref, ce n'est pas nécessairement toujours mal, mais l'on doit se demander dans quel genre de société nous voulons vivre et si nous voulons pouvoir identifier les gens quand ils sont en public. S'ils commettent des crimes, probablement que oui, mais s'ils participent simplement à une manifestation ou à un événement légal, non.

Le sénateur Campbell : Si je ne commets aucune infraction, je n'ai pas à m'inquiéter, c'est aussi simple que cela.

Vous savez que je vous donne généralement mon appui, que j'ai travaillé avec vous à plus d'une reprise, mais il faut tenir compte de la réalité. Je sais que nous défendons et protégeons une minorité et ceux qui ont besoin de protection, et je le comprends mieux que bien des gens.

Toutefois, je suis aussi un enquêteur professionnel et quand j'enquête, je ratisse le plus large possible, même si cela signifie que j'enquêterai sur ceux qui n'ont pas violé la loi, parce que je veux trouver les coupables. Cela est possible notamment grâce à la technologie moderne, qui ne fera que s'affiner et s'améliorer.

Selon moi, l'émeute est le parfait exemple. On ne peut être timide. D'ailleurs, ceux qui n'ont commis aucune infraction n'ont pas fait l'objet d'enquêtes et n'ont pas été arrêtés. Il ne fait aucun doute qu'il faut prévoir des mesures de protection, mais je ne crois pas qu'elles devraient nous empêcher d'employer la technologie à des fins d'enquête.

Mme Pillay : Sénateur Campbell, est-ce que je peux répondre?

Le sénateur Campbell : Bien sûr.

Mme Pillay : Je vous remercie de votre question et de votre observation. Votre exemple soulève bon nombre de questions qui nous préoccupent. Soyez assurés que la sécurité publique est l'une des principales considérations de l'ACLC. Nous n'en doutons pas. La situation que vous avez décrite illustre parfaitement l'utilisation étendue des données biométriques qu'on propose dans la LIPR relativement aux Canadiens.

Sur d'autres tribunes et dans d'autres communications, nous avons remis en question la prolifération des caméras dans les espaces publics, qui laisse entendre que les Canadiens innocents et respectueux des lois sont maintenant sous surveillance constante.

Nous sommes tout à fait conscients de la valeur et du potentiel des nouvelles technologies pour la capture des criminels. Toutefois, ne nous laissons pas distraire — je ne prétends pas que ce soit votre cas, mais notre société ne doit pas se laisser distraire par les avantages des nouvelles technologies au point d'oublier les principes fondamentaux de la protection de la vie privée.

Nous nous sommes toujours opposés aux fouilles et aux saisies déraisonnables lors de la commission d'un crime; nous ne permettons pas à la police d'entrer chez des gens, de saisir les téléphones cellulaires et de fouiller les sacs à main et à dos des personnes qui se trouvent près de la scène du crime. Nous avons adopté une approche raisonnable qui tient compte du droit à la vie privée et nous avons prévu des mesures de protection, comme vous l'avez indiqué. Il devrait en être de même pour l'usage de caméras dans les espaces publics.

Il faut trouver le juste équilibre. Nous sommes très pragmatiques à l'ACLC, mais nous ne croyons pas que, pour être pragmatiques et garantir la sécurité du public, il faille sacrifier le droit à la vie privée.

Le sénateur Wallace : Merci. Madame Pillay, à deux ou trois reprises vous avez fait allusion à de fausses concordances établies à l'aide de données biométriques. Après vous avoir écoutée, je ne suis pas certain si vous remettez en question la fiabilité des données biométriques à des fins d'identification ou non. Estimez-vous qu'on ne peut se fier aux données biométriques pour établir l'identité d'une personne?

Mme Pillay : Merci, sénateur Wallace. Je dis qu'il faut tenir compte du risque d'erreur. Pour autant que je sache, aucune technologie n'est infaillible, même celle des empreintes digitales, car ce sont des êtres humains qui utilisent les données biométriques. Il y a donc un risque d'erreur humaine.

Même les empreintes digitales, qui donnent des résultats très précis, peuvent être modifiées. La manipulation de produits chimiques ou l'âge peuvent entraîner une détérioration des empreintes digitales. Ceux qui souffrent de la maladie de Parkinson ont des tremblements qui peuvent avoir une incidence sur les empreintes digitales. La Electronic Frontier Foundation aux États-Unis a étudié cette question et a conclu que le nombre de gens qui pouvaient faire l'objet d'une fausse concordance n'est pas négligeable.

Ce que nous faisons valoir, c'est que les données biométriques peuvent être utiles, mais qu'elles ne sont pas sans risque de fausse concordance ou de non-concordance. Cela ne signifie pas qu'on doit s'en passer, mais plutôt qu'il faut baliser de façon stricte son usage afin de minimiser ces risques.

Brenda, voudriez-vous ajouter quelque chose?

Mme McPhail : J'ajouterai simplement que, parce que la biométrie est une méthode scientifique et technologique, on a tendance à croire qu'elle est fiable et précise. C'est vrai dans la très grande majorité des cas, mais il y a un petit pourcentage d'imprécisions et, quand on applique la méthode à un très grand nombre de gens, il peut en résulter un nombre assez important d'erreurs.

Nous voulions vous signaler cette possibilité, et non pas laisser entendre que la biométrie est généralement peu fiable.

Le sénateur Wallace : La perfection, ce serait bien, mais peu de choses en ce monde sont parfaites. Vos remarques me rappellent ce qui a été dit quand on a commencé à recueillir des données génétiques et qu'on a remis en question leur fiabilité.

Quoi qu'il en soit, dans la mesure où vous avez parlé des fausses correspondances, avez-vous des données ou des renseignements sur leur fréquence ou leurs causes? Ce serait très utile pour nous quand nous nous adresserons au ministère.

Mme Pillay : Nous avons l'intention de vous envoyer un mémoire écrit. Nous pouvons vous l'envoyer aujourd'hui et y inclure cette information. Brenda pourrait peut-être vous en parler brièvement maintenant, mais je peux vous fournir aussi une partie de ces renseignements plus tard.

Mme McPhail : Je préfère que ce soit dans nos observations écrites, afin de vérifier les chiffres.

Mme Pillay : J'aimerais ajouter une chose, si vous le voulez bien : nous ne pouvons minimiser le facteur de la fiabilité. Nous n'exagérons rien. Nous disons que cela existe, et nous demandons au comité d'y réfléchir. Nous formulons aussi au comité, encore une fois, nos préoccupations au sujet de l'utilisation qu'on fera des renseignements, et de l'accès qu'on y donnera.

Il est crucial que le Canada porte attention à cette question, et les défenseurs de la vie privée partout dans le monde se sont penchés là-dessus, et d'autres États y ont accordé une attention considérable, comme l'Allemagne, la France et même l'Australie. Les risques sont réels ainsi que les avantages potentiels. Il faut nous assurer dès le départ de bien faire les choses.

Même avec l'ADN, il y a un grand risque d'abus et d'erreurs. Au fur et à mesure que les prélèvements d'ADN sont facilités et plus courants, nous demandons que des protocoles liés à la protection des renseignements personnels soient aussi respectés pour l'ADN.

Le président : Madame Pillay, si vous nous envoyez quelque chose, pouvez-vous l'adresser par voie électronique à notre greffière, d'ici midi aujourd'hui, ou en début d'après-midi?

Mme Pillay : Oui, volontiers.

Mme McPhail : Oui, nous pouvons le faire.

Le président : Je donne maintenant la parole à la sénatrice Frum.

La sénatrice Frum : Aux nouvelles nationales de lundi soir, à la CBC, la nouvelle principale portait sur les millions de visiteurs qui viennent au Canada chaque mois, sans vérification dans la base de données du Centre d'information de la police canadienne. Si on pouvait intégrer la biométrie à cette base de données, cela créerait-il des problèmes sur le plan du respect de la vie privée, à votre avis?

Mme McPhail : Oui. En bref, oui. Absolument, cela aurait une incidence sur la vie privée. Notre société se pose maintenant des questions d'ordre général sur la validité d'une surveillance de masse, d'une vérification de masse, dans le but de trouver une ou deux personnes qui pourraient avoir un dossier, parmi les milliers qui entrent au pays et qui n'en ont pas, qui sont des voyageurs légitimes. Aux États-Unis, à l'heure actuelle, quand on se penche sur la surveillance de masse par la NSA, soit une chose un peu différente, les tribunaux estiment qu'il n'est pas justifié de regarder les données de tous les citoyens dans l'espoir de trouver une ou deux aiguilles dans une botte de foin. L'atteinte à la vie privée, dans le cas dont vous parlez, n'est pas proportionnelle au risque qu'on essaie de prévenir pour le pays.

Dans le cas de la surveillance de masse à la frontière, je dirais que le problème est similaire.

La sénatrice Frum : Je ne comprends pas bien votre objection. Pour les citoyens qui ne sont pas fichés par la police, il n'y a pas d'information à leur sujet. Ce serait un processus automatisé. Si vous êtes fiché, l'information sera donnée, et si vous ne l'êtes pas, on saura simplement que vous n'êtes pas fiché.

Je ne vois pas très bien quelle atteinte il y a à la vie privée.

Mme McPhail : Je vais vous donner un exemple. Revenons à la section 15 dont nous parlons aujourd'hui, qui modifie la LIPR, si elle était adoptée. Les données de chaque immigrant et demandeur de statut de réfugié au Canada seraient partagées avec la GRC dans le cadre du processus de vérification. C'est du moins ainsi que cela fonctionne maintenant. Ces vérifications pourraient donc donner accès aux données personnelles de quiconque a immigré au Canada.

Nous créerions donc un système où tous ceux qui ne sont pas nés au Canada, mais qui y ont immigré et qui ont été accueillis dans notre société verraient leur dossier scruté chaque fois qu'on cherche en fait un lien avec des activités criminelles.

Mme Pillay : Autrement dit, nous ne nous opposons pas à l'identification de personnes qui ont un casier judiciaire et qui sont fichées comme étant une menace.

Mais nous disons qu'il ne faut pas perdre de vue que plus on recueille de renseignements et que plus on les diffuse, plus il y a de renseignements auxquels on peut avoir accès.

Si 10 personnes ont leurs dossiers comparés à ceux qui se trouvent dans la base de données du CIPC ou de la GRC, et que 9 d'entre eux sont innocents et honnêtes, leurs données personnelles sont tout de même dans le lot de celles qui sont recueillies et peuvent être partagées.

Voilà pourquoi nous disons que des protocoles stricts doivent s'appliquer dans ces cas-là, parce que des utilisations secondaires sont un problème que nous constatons pour toutes les technologies, qu'elles soient perfectionnées ou pas, sans compter le risque extrême d'abus.

En outre, quand on parle de nouveaux Canadiens, leurs données biométriques peuvent être dans les bases de données. Nous ne voulons pas d'une société où les Canadiens ne sont pas égaux, particulièrement ceux qui sont nés ici et ceux qui ont obtenu leur citoyenneté après y être venus. Nous voulons traiter tout le monde sur le même pied. Si un nombre important de Canadiens sont surveillés en tout temps, nous voulons garantir que leurs données personnelles seront utilisées, gardées et préservées de manière à leur offrir la plus haute protection possible parce que nous sommes préoccupés par le risque d'utilisation à mauvais escient, d'utilisation élargie et d'accès.

Le sénateur Ngo : J'aimerais revenir aux questions posées par la sénatrice Frum. Vous savez que nous accueillons chaque année au Canada 250 000 immigrants. Vous dites vous opposer à ce que leurs données soient partagées par CIC et la GRC. Accepterez-vous que 250 000 personnes arrivent au Canada sans qu'on fasse de vérification de sécurité, sans échange de ces renseignements?

Si c'est le cas, que pensez-vous des garanties en matière de respect de la vie privée qui sont intégrées aux politiques et procédures actuelles et qui font en sorte qu'on traite de manière sûre des données personnelles des clients?

Mme Pillay : J'aimerais préciser ce que nous avons dit. Il y a un grand risque d'abus de ces données personnelles. Nous avons des préoccupations relativement à ces données comparatives et à ces vérifications dans les bases de données, mais nous n'avons pas dit qu'il ne fallait pas le faire, comme je pense que vous avez dit en début d'intervention. Je voulais donner cette précision.

Ce que nous disons, c'est qu'une fois recueillie l'information sur ces 250 000 personnes, il est important d'avoir des protocoles et des balises adéquates en raison du risque d'abus et de discrimination une fois que ces gens sont au Canada. Ce n'est pas négligeable. Sans compter les risques d'accès.

Nous disons que lorsque nous adoptons de nouvelles technologies, au tout début, il faut penser à mettre en place des protocoles de respect de la vie privée en raison du risque d'utilisation à mauvais escient et d'abus de ces données personnelles. C'est notre position.

Mme McPhail : Notre réponse à la question précédente peut avoir semé la confusion au sujet de notre position initiale.

Nous ne nous opposons pas à la vérification à l'entrée au pays, pour veiller à ce que les nouveaux arrivants soient bien qui ils disent être. La biométrie est un système d'identification fiable et qui est utile à cette fin.

Notre préoccupation se rapporte à l'utilisation ultérieure de ces renseignements par la GRC, quand ces gens traverseront la frontière; leurs données feront l'objet d'une utilisation secondaire qui pourrait ne pas être appropriée aux yeux de la société canadienne. Nous ne contestons pas l'opportunité de la vérification initiale pour déterminer si ceux qui entrent au pays sont bien qui ils disent être, à la condition que leurs données soient par la suite bien protégées.

Le président : Merci beaucoup. Nous commençons à nous lancer dans des scénarios hypothétiques.

Revenons à certains de vos propos, madame Pillay. Vous dites reconnaître et accepter l'importance d'adopter des technologies ou des techniques qui nous aideront à atteindre des objectifs légitimes, d'une part, et qui sont appropriés aux yeux des Canadiens, à ces fins. D'autre part, vous exprimez des préoccupations au sujet des risques d'abus dans le cas où ces données se retrouveraient entre de mauvaises mains.

Nous tenons compte des deux, du point de vue des libertés civiles des Canadiens honnêtes, des Canadiens en général, ainsi que ceux dont vous avez parlé précisément aujourd'hui. Vous avez parlé de vos préoccupations au sujet de technologies encore imparfaites, mais nous avons fait beaucoup de chemin depuis la détection de visu, en passant à des technologies modernes qui assurent la sécurité d'un grand nombre d'innocents et évitent des erreurs sur la personne dans des circonstances générales. C'est l'un des aspects de l'évolution technique.

Pour ce qui est de traiter les immigrants autrement que les Canadiens, je rappelle qu'à ma connaissance, les détenteurs de cartes NEXUS ont fait l'objet d'une iridométrie. Le nouveau passeport canadien compte aussi des données biométriques. Cela s'applique à tous les Canadiens.

Au sujet des scanners biométriques et de l'application de la procédure aux nouveaux immigrants, nous aurons l'occasion de poser des questions aux fonctionnaires qui viendront dans quelques instants nous parler de ces questions. Toutefois, à moins qu'un immigrant ait un casier judiciaire dans son pays d'origine, il est peu probable que son dossier soit signalé dans le cadre d'une vérification comme celle dont on parle.

Je sais que vous craignez que les données servent à mauvais escient, mais nous avons pris bonne note de vos questions et nous essaierons d'obtenir des réponses dans le cadre de notre examen.

Dans vos propos liminaires, vous mentionniez que certaines maladies, par exemple, pouvaient nuire à l'exactitude d'une lecture biométrique. C'est le genre de choses auxquelles il faut songer et nous espérons avoir une explication des fonctionnaires. Pour l'article dont nous sommes saisis, soit le nouvel article 10.02, il y a des catégories, particulièrement l'alinéa d), où l'on dit :

d) les cas où une personne n'est pas tenue de fournir certains renseignements biométriques...

Comme vous le savez, on pourra mieux évaluer la valeur et la mise en œuvre de ces dispositions législatives lorsque des règlements seront pris à la suite de l'adoption du projet de loi.

Les questions que vous avez soulevées aujourd'hui ne manqueront pas d'être prises en compte dans le cadre de l'application du projet de loi. Nous avons bien compris vos préoccupations. Des doutes ont été soulevés sur la validité de ces préoccupations à l'heure actuelle, mais cela peut se comprendre. C'est la nature de la discussion sur ce genre de questions.

Je tiens à vous remercier toutes les deux pour avoir si bien exprimé vos préoccupations relativement à ce projet de loi, et nous ne manquerons pas d'en tenir compte.

Nous avons le grand plaisir de pouvoir accueillir des experts des domaines relatifs à ce projet de loi.

Ce sont, de l'Agence des services frontaliers du Canada, Andrew Lawrence, directeur, Division de la transformation pour voyageur — mode aérien, Direction générale des programmes. Du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration du Canada, nous entendrons Chris Gregory, directeur, Gestion de l'identité et de l'échange d'information; Brenna MacNeil, directrice principale, Politique stratégique et planification; et Bruce Grundison, directeur exécutif, Bureau des projets stratégiques.

À ce que j'ai compris, la parole sera d'abord à M. Gregory, puis ensuite à Mme MacNeil, après quoi nous poserons des questions. Monsieur Gregory, vous avez la parole.

[Français]

Chris Gregory, directeur, Gestion de l'identité et échange d'information, Citoyenneté et Immigration Canada : Bonjour, je m'appelle Chris Gregory. Je suis le directeur de la Gestion de l'identité et de l'échange d'information à Citoyenneté et Immigration Canada.

Je suis ici pour répondre aux questions techniques que vous pourriez avoir sur les modifications proposées à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés concernant le contrôle des données biométriques aux termes de la section 15 de la partie 3 du projet de loi C-59.

[Traduction]

Monsieur le président, la vérification de l'identité des personnes est un élément essentiel du processus décisionnel des agents du Service canadien des visas ainsi que des agents des services frontaliers aux ports d'entrée du Canada. L'augmentation du nombre des demandes et le degré de sophistication des méthodes de fraude d'identité posent d'énormes défis au maintien de l'intégrité du système d'immigration du Canada. L'emploi des données biométriques dans le processus de filtrage de l'immigration nous aide à relever ces défis.

En 2013, le ministère de l'Immigration a pu déployer avec succès le Projet de biométrie pour les résidents temporaires, et ce, conformément à l'échéancier et au budget établi. Dans le cadre de cette initiative, nous utilisons les empreintes digitales et une photographie numérique pour filtrer les demandeurs de 29 pays et d'un territoire qui font des demandes de visa de résidence temporaire au Canada, de permis de travail ou de permis d'études. Des dispositions pour protéger les renseignements personnels ont été enchâssées dans les politiques, procédures et systèmes techniques afin que les renseignements sur les clients soient recueillis, transmis, utilisés et entreposés de façon sécuritaire.

[Français]

Dans le domaine de l'immigration, le contrôle biométrique est devenu la norme dans le monde. Plus de 70 pays y recourent. Cette nouvelle initiative permet au Canada de rejoindre ses principaux alliés qui se servent de plus en plus de données biométriques dans le cadre de leurs programmes d'immigration et de sécurité à la frontière.

[Traduction]

Le filtrage biométrique, dans le programme des résidents temporaires du Canada, s'est révélé efficace pour protéger les Canadiens et l'intégrité du système d'immigration, tout en facilitant aussi le déplacement pour les voyageurs légitimes. Ce programme a facilité l'établissement et la confirmation de l'identité des personnes et aussi l'identification des criminels connus avant qu'ils arrivent au Canada. Il a aussi simplifié l'accès pour les demandeurs qui veulent venir au Canada à des fins tout à fait légitimes et a rendu plus complexes pour d'autres la falsification, le vol et l'utilisation de l'identité d'autres personnes à des fins d'accès illicite à notre pays.

[Français]

Dans le Plan d'action économique de 2014, le Canada a souligné l'importance du contrôle biométrique au sein du programme d'immigration canadien et s'est engagé à envisager de nouveaux moyens d'améliorer la sécurité et l'intégrité du système d'immigration.

[Traduction]

À cette fin, le Plan d'action économique de 2015 annonçait l'élargissement du programme de contrôle biométrique. Les modifications législatives proposées que vous examinez aujourd'hui visent à élargir l'application du contrôle biométrique à un plus grand nombre de ressortissants étrangers qui demandent à venir au Canada, que ce soit à des fins de séjour temporaire, de travail ou d'études, ou encore de résidence permanente. Comme les Canadiens ne sont généralement pas tenus de fournir leurs données biométriques pour faire un séjour aux États-Unis, les citoyens américains ne devront pas, eux non plus, fournir ces données avec leur demande de visa d'études ou de travail au Canada.

Les empreintes digitales que nous recueillons seront vérifiées par rapport aux renseignements qui figurent dans les dossiers de l'immigration et dans le répertoire de la GRC contenant les empreintes digitales des criminels. Ainsi, nous pourrons vérifier si une personne a déjà présenté une demande à Citoyenneté et Immigration Canada sous la même identité ou sous une identité différente, si elle a déjà fait l'objet d'une mesure de renvoi ou si elle a déjà été reconnue coupable d'une infraction au Canada. À l'arrivée de ces personnes au Canada, leurs empreintes digitales seraient vérifiées afin qu'on puisse s'assurer que la personne qui a reçu un visa ou un permis est la même que celle qui veut entrer au Canada.

Ces modifications législatives seront appuyées par des modifications réglementaires dont l'entrée en vigueur est prévue en 2018-2019. Des mesures de protection continueront d'être en place, y compris dans les règlements, afin que le contrôle des données biométriques se fasse conformément aux lois et politiques de protection des renseignements personnels.

L'élargissement du contrôle biométrique dans nos processus d'immigration et de contrôle à la frontière aidera à faciliter l'entrée des voyageurs légitimes et renforcera la sécurité des Canadiens en réduisant la fraude d'identité et en empêchant les personnes interdites de territoire, notamment les criminels connus, d'entrer au Canada.

Monsieur le président, je cède maintenant la parole à ma collègue, Brenna.

Brenna MacNeil, directrice principale, Politique stratégique et Planification, Citoyenneté et de Immigration Canada : Bonjour monsieur le président et honorables membres du comité. Je vous remercie de m'avoir invitée aujourd'hui pour vous parler du projet de loi C-59, plus précisément de la section 15 de la partie 3, concernant les modifications législatives que Citoyenneté et Immigration Canada envisage d'apporter à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés en ce qui a trait au traitement des demandes et au processus décisionnel automatisé.

[Français]

Monsieur le président, ces dispositions permettront aux ministères de la Citoyenneté et de l'Immigration et de la Sécurité publique d'appliquer la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés en utilisant des moyens électroniques, y compris le processus décisionnel automatisé.

[Traduction]

Le Plan d'action économique de 2013 prévoyait des investissements pour améliorer le traitement des demandes, permettant ainsi à Citoyenneté et Immigration Canada de jeter les bases d'un modèle de fonctionnement automatisé et électronique.

En janvier 2015, le ministère a lancé Entrée express, un système électronique visant à gérer les demandes de résidence permanente présentées au titre de certains programmes d'immigration économiques.

À la fin de 2015, Citoyenneté et Immigration Canada commencera la mise en œuvre de l'initiative d'autorisation de voyage électronique. Dans le cadre de cette initiative, la demande d'autorisation pourra se faire par voie électronique, et un système automatisé facilitera grandement le mouvement de voyageurs légitimes grâce à un robuste contrôle de pré-embarquement.

Citoyenneté et Immigration propose donc des modifications législatives pour que le ministère puisse tirer parti de la technologie en vue d'accroître davantage l'efficacité. Ces modifications législatives et des modifications ultérieures de la réglementation permettraient d'administrer par voie électronique les activités dans le cadre de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, en permettant notamment de prendre des décisions simples. Grâce à la technologie, ces tâches simples routinières peuvent être effectuées par le système, en libérant les agents pour les activités plus complexes à valeur ajoutée. Cela devrait nettement améliorer les délais et l'efficacité de la prise de décision et du traitement, tout en assurant l'application de mesures appropriées d'intégrité des programmes.

Plus précisément, ces modifications permettront d'automatiser le processus décisionnel favorable et défavorable concernant les demandes; elles permettront aussi de donner à CIC le pouvoir de rendre obligatoire la présentation de demandes par voie électronique, sous réserve de certaines exceptions, comme pour les personnes handicapées. Ce pouvoir est essentiel à la formation du réseau mondial de traitement automatisé et électronique de CIC.

Ces modifications nous donneront en outre le pouvoir de réglementation qui nous permettra de gérer le détail des technologies à utiliser ainsi que d'autres éléments de soutien essentiels.

Sous réserve de la réglementation, les dispositions permettront aux ressortissants étrangers de présenter leurs demandes à partir du Canada, à la condition qu'ils aient maintenu le statut approprié au pays.

[Français]

Étant donné l'application générale des dispositions susmentionnées, d'autres articles de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés qui se rapportent déjà à la prestation de services électroniques, comme Entrée express et l'autorisation de voyage électronique, seront aussi modifiés pour éviter les répétitions dans la loi. Ces modifications ne viennent ni atténuer ni changer la nature des pouvoirs déjà conférés par cette loi.

[Traduction]

Pour optimiser l'efficacité du réseau de traitement de CIC, les modifications législatives s'appliqueraient à l'ensemble de la loi, à la fois aux secteurs d'activités liées à la résidence temporaire et à la résidence permanente. CIC utilise déjà des applications électroniques dans les deux secteurs d'activités et a déjà intégré le classement automatisé des soumissions au système Entrée express.

L'utilisation élargie du traitement électronique dans ces deux secteurs d'activités liés à la résidence temporaire et permanente permettra à CIC de transférer le travail partout dans le réseau de prestation de services et d'optimiser les ressources actuelles. L'automatisation libérera les agents des décisions de routine et permettra au ministère de concentrer ses ressources sur ce qui compte le plus, soit les demandes à risque et à complexité plus élevés qui exigent un examen minutieux, ainsi que les demandes que le système automatisé ne peut pas traiter au complet.

Les modifications aideront le ministère de l'Immigration à améliorer l'expérience des clients. Dans l'ensemble, les clients recevront un meilleur service puisque le délai de traitement sera accéléré. De plus, ils bénéficieront d'un cadre permettant de tirer parti des nouvelles technologies, répondant ainsi aux attentes à l'égard de la modernité de la prestation de service.

Comme CIC augmente l'utilisation du traitement électronique, le ministère, en collaboration avec Services partagés Canada, continuera de veiller à ce que les protections de la vie privée et de solides mesures de sécurité des systèmes demeurent une pierre angulaire de l'approche du ministère. En outre, les modifications permettront au ministère d'améliorer son fonctionnement sans changer la nature de ses activités.

[Français]

L'automatisation et une plus grande utilisation des outils électroniques dans le continuum du traitement des demandes concordent avec l'orientation prise par les pays qui accueillent des immigrants, notamment l'Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis, qui ont tous, dans une certaine mesure, intégré l'automatisation au traitement des demandes d'immigration.

[Traduction]

En conclusion, monsieur le président, les modifications aideront CIC à faire un meilleur usage de la technologie afin d'améliorer l'efficacité et l'efficience de ses processus, d'offrir aux clients un service plus rapide et plus efficace et d'améliorer la capacité du ministère à concentrer ses ressources sur les cas qui en ont le plus besoin.

Je vous remercie. Mes collègues et moi sommes prêts à répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup. Nous sommes maintenant prêts à passer aux questions de mes collègues.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie beaucoup d'être avec nous ce matin. Nous avons entendu juste avant vous des témoins de l'Association canadienne des libertés civiles, qui ont exprimé certaines réserves à l'égard de la protection des renseignements personnels et de la sécurité qui assurent ces modifications, et particulièrement les processus biométriques.

Nous savons très bien que nombre de pays, de nos jours, prennent des données d'identité biométrique, et nous avons déjà une certaine expérience à cet égard au Canada. Par conséquent, monsieur Gregory, si vous le permettez, puisque selon votre titre, vous êtes le directeur de la gestion de l'identité et de l'échange d'information au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, peut-être êtes-vous la personne idéale pour répondre à certaines de ces questions.

D'aucuns ont exprimé leurs appréhensions en ce qui concerne la protection des renseignements personnels et de la vie privée, et surtout en ce qui a trait à la reddition des comptes et à la transmission des renseignements entre organismes publics et ministères. J'aimerais que vous m'aidiez à comprendre ce qui suit. Vous avez dit qu'en 2013, vous avez réussi à déployer un projet de données biométriques. Dans l'optique des réserves qui ont été exprimées, pourriez- vous nous donner une idée du genre de problèmes que vous avez connus, quelles difficultés vous avez rencontrées et quels enjeux pourraient avoir été soulevés dans le cadre de ce projet, d'après votre expérience?

M. Gregory : Je vous remercie pour cette question et pour l'intérêt que vous portez en particulier à la protection de la vie privée et aux difficultés que nous connaissons. Le projet a été lancé à la fin de 2013, et depuis lors, nous recueillons les empreintes digitales de certains demandeurs en provenance de certains pays pour évaluer leurs demandes. Le gouvernement avait décidé d'adopter cette orientation dès 2008 ou 2009, et en avait fait l'annonce dans le cadre de ses budgets, donc rien n'a été fait de façon précipitée. Une bonne part du temps qui s'est écoulé a été consacré à régler des questions techniques associées à cette démarche, mais aussi, et c'est là peut-être le plus intéressant, à trouver le moyen de concevoir un système auquel sont intégrées des mesures de protection de la vie privée, afin que le projet puisse être déployé de façon responsable.

Nous réfléchissons ainsi, notamment, à la manière de recueillir les empreintes digitales et de les conserver tout en protégeant les renseignements personnels. L'un des défis qui s'est posé a été de pouvoir recueillir des empreintes digitales à de nombreux endroits dans le monde entier. Nous voulons pouvoir servir nos clients le mieux possible et leur permettre de faire leur demande du plus grand nombre de bureaux possible. Par conséquent, nous avons conçu une machine qui enregistre une empreinte digitale, la transmet en toute sécurité au moyen d'un algorithme d'encodage de la GRC, puis supprime immédiatement les données biométriques de la machine qui a été utilisée pour les enregistrer, de façon à ce que les données biométriques ne soient pas entreposées à plusieurs endroits dans le monde. Elles ne sont entreposées qu'ici, au Canada, et seulement à la GRC.

Pour ce qui est de l'entreposage des données biométriques, on a décidé que plutôt que de les entreposer au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, qui n'avait jamais jusque là entreposé ce genre de données, nous nous tournerions vers nos collègues de la GRC, qui recueillent, entreposent et analysent des empreintes digitales depuis déjà de nombreuses années, et qui ont pour cela des méthodes de calibre mondial et conservent ces empreintes digitales de façon très sécuritaire et responsable. Ils les gardent dans un secteur distinct de leur système. Ils les conservent pour nous en toute sécurité, et ce depuis déjà un an. Nous nous penchons ensuite sur des choses comme l'utilisation, l'utilisation responsable et l'utilisation aux fins pour lesquelles elles ont été recueillies. Nous avons eu le temps nécessaire pour intégrer ces mesures de protection dans le système.

Si la loi est adoptée, avec les règlements afférents, puisque cet élargissement des règles ne sera pas en vigueur avant quelques années, nous aurons le temps de veiller minutieusement à ce que lorsqu'elles seront en vigueur, ce sera dans le cadre de mesures de calibre mondial en matière de protection de la vie privée.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie. C'est très instructif.

Vous dites que les données sur le client sont recueillies, transmises, utilisées et entreposées en toute sécurité. Vous avez dit qu'elles sont supprimées du système à l'étranger une fois qu'elles ont été vérifiées, entreposées et encodées dans un système dont nous avons une vaste expérience. Vous ai-je bien compris? Elles sont donc entreposées ici, dans un système qui est au Canada, et dont nous avons une longue expérience. Il a été question ici de piratage et de vol potentiel de ces données, mais il est beaucoup plus compliqué, quand on vole des données biométriques, de les exploiter pour en personnifier le propriétaire.

M. Gregory : Le vol d'une empreinte et son utilisation pour personnifier quelqu'un d'autre serait des plus difficiles. Bien peu de gens auraient l'expérience suffisante pour voler tout un tas de zéros et de uns qui constituent cette empreinte pour en faire quelque chose d'exploitable.

Dès que l'empreinte est recueillie à l'étranger, elle est transmise en toute sécurité au moyen d'une ligne sécurisée et cryptée à notre ministère, puis ensuite à la GRC. Les données biométriques elles-mêmes sont immédiatement supprimées de la machine, et ces machines sont conçues de façon à ce que ce soit fait ainsi.

La sénatrice Seidman : C'est très rassurant. Je vous remercie.

Est-ce que vous prévoyez exploiter d'autres formes de données biométriques? Vous avez déjà utilisé les photographies numériques et les empreintes digitales, et je sais que d'autres systèmes, comme NEXUS et d'autres, utilisent l'empreinte rétinienne, mais est-ce qu'il est prévu d'aller plus loin que les empreintes digitales et les photographies numériques?

M. Gregory : Oui, vous voyez juste, sénatrice. Actuellement, nous recueillons les empreintes des 10 doigts et nous prenons une photo numérique. La photo numérique est prise au moment de l'entrée. Quand le visiteur arrive et descend de l'avion aux fins d'examen, cette photo peut servir à comparer visuellement la personne et le passeport avec la photographie qui a été prise au centre de demande de visa, mais elle ne sert d'aucune façon à la reconnaissance faciale. Il n'y a pas d'algorithme dans ce processus pour l'instant, et nous n'avons encore rien prévu en ce sens.

Nous utilisons les empreintes digitales. Nous les comparons avec celles qui ont été recueillies dans notre pays pour voir si cette personne utilise la même identité qu'au moment de ses derniers échanges avec nous, si elle a été expulsée de notre pays, si elle a déjà commis un crime au Canada ou encore si, peut-être, elle tente d'y retourner avec une nouvelle identité. Pour l'instant, il n'est pas encore prévu d'utiliser d'autres types de données biométriques et, dans une certaine mesure, les photos sont les seules données biométriques que nous utilisons et que nous allons continuer d'utiliser.

Le sénateur Campbell : Je vous remercie d'être des nôtres aujourd'hui.

Je dois vous avouer que je suis très étonné que l'empreinte digitale tienne encore le coup et soit encore si utile. J'avais du mal à comprendre. La biométrie consiste en fait en la numérisation des empreintes digitales alors que, par le passé, on établissait des correspondances en séries de 10, ou autres. Celles dont il est ici question sont numérisées en série de uns et de zéros; est-ce bien cela?

M. Gregory : Oui. Puis-je vous présenter mon collègue?

Le président : Veuillez vous approcher de la table. Nous avons un autre expert que nous inviterons à la table, si vous le permettez.

Le sénateur Campbell : Quel comité extraordinaire, monsieur le président.

Le président : Veuillez vous asseoir. Pouvez-vous vous identifier et répondre à la question?

Brendan Heffernan, directeur général, Services canadiens d'identification criminelle en temps réel, Gendarmerie royale du Canada : Je vous remercie, monsieur le président. Je m'appelle Brendan Heffernan et je suis directeur général des Services canadiens d'identification criminelle en temps réel à la GRC.

Pour répondre à votre question, sénateur et monsieur le président, les uns et les zéros sont encodés. L'empreinte est enregistrée, et ce qui est comparé dans notre système, c'est l'empreinte elle-même. Quand elle est encodée, elle est en quelque sorte démontée, puis elle est transmise au moyen d'un réseau très sécuritaire. Elle parvient à notre système en passant par tout un réseau de pare-feux, de vérifications de virus, de contrôles d'accès de réseaux — un véritable système de sécurité infaillible.

Tout cela est conjugué avec toutes sortes de caractéristiques supplémentaires de sécurité au sein de notre système, mais celui-ci remonte à l'empreinte, et tous les détails, les crêtes papillaires sont comparées avec l'empreinte connue. La comparaison se fait vraiment entre les empreintes digitales.

Comme le disait mon collègue, Chris, l'empreinte est encodée, décodée, passe par tout le système de sécurité, puis arrive au SAID, le Système informatisé d'identification dactyloscopique, puis elle est comparée avec ce que nous avons dans le système.

Vous vous souviendrez certainement que dans le passé, on appliquait de l'encre sur les doigts avant de les rouler sur du papier.

Le sénateur Campbell : Je connais très bien cette technique.

M. Heffernan : Eh bien voilà. Les bonnes vieilles impressions papier sont scannées dans notre système de la même façon. On prend, en quelque sorte, une série de photos. Elles représentent diverses couches. Remises ensemble, elles forment une empreinte identique à celle qui a été prise, et elle y est comparée. Les uns et zéros ne sont vraiment que les données qui permettent de tout rassembler au bout du compte.

Le sénateur Campbell : Quand les empreintes parviennent au système automatisé d'identification, pouvez-vous me dire à quelle base de données elles sont comparées?

M. Heffernan : Oui, je peux vous le dire. Il existe trois bases de données auxquelles elles sont comparées. Il y a le dépôt de casiers judiciaires. Le CIPC est une collection de bases de données, donc les empreintes digitales sont entreposées dans ce qu'on appelle la base de données d'identification. C'est l'un des piliers du CIPC, et c'est là où tout est entreposé. Il s'y trouve la base de données criminelle; la base de données sur les réfugiés, parce que c'est un système qui avait été fait pour les réfugiés; et il y a la base de données de l'immigration. Maintenant, les renseignements sur tous les réfugiés sont entrés dans la base de données. Cependant, comme nous avions des renseignements antérieurs qu'il était trop compliqué de transférer dans la base de données de l'immigration, nous l'entretenons, et les renseignements y sont comparés. On y fait des recherches sur l'activité en matière d'immigration, de réfugiés, et l'activité criminelle.

Le sénateur Campbell : Est-ce que vous utilisez des banques de données internationales?

M. Heffernan : Dans quel sens?

Le sénateur Campbell : Si j'ai un dossier criminel, de réfugié et d'immigration, les données sont dans des banques qui sont toutes au Canada, n'est-ce pas?

M. Heffernan : Oui.

Le sénateur Campbell : Serait-il possible pour moi de chercher dans une base de données internationale et de trouver des renseignements supplémentaires au sujet des antécédents criminels d'une personne?

M. Heffernan : Il y a des façons de le faire en faisant appel à CIC. Je laisse mon collègue répondre.

M. Gregory : Mon collègue a raison en ce qui concerne les bases de données nationales que nous utilisons. Nous prenons également d'autres mesures et ferons des vérifications auprès des États-Unis pour déterminer s'ils ont déjà rencontré des empreintes digitales semblables dans le contexte de l'immigration. Nous n'allons pas communiquer les empreintes digitales à d'autres pays, et nous ne donnerons à aucun autre pays l'accès à nos empreintes digitales. Des témoins précédents l'ont peut-être laissé entendre. Il s'agit peut-être d'une bonne occasion de préciser ce que nous ferons.

En ce qui concerne les États-Unis, conformément au traité Canada-États-Unis sur l'échange de renseignements en matière d'immigration signé en 2012, et conformément aux règlements nationaux visant ce but précis, nous utiliserons les empreintes digitales que nous recueillons des demandeurs afin d'interroger le système américain d'empreintes digitales en matière d'immigration pour savoir si les États-Unis ont déjà rencontré ces empreintes avant, dans le contexte de l'immigration. Dès que les empreintes ont été cherchées dans le système américain, elles seront supprimées automatiquement, peu importe si le système américain rapporte une concordance ou non. On utilise les empreintes pour demander : « Avez-vous déjà vu ces empreintes auparavant? Si oui, quelle identité y était associée dans votre pays? » Nous recevons une réponse immédiate : « Oui, nous connaissons ces empreintes, mais lorsque nous les avons rencontrées il y a deux ans, la personne qui a visité notre pays s'appelait John. » Nous pouvons ensuite vérifier immédiatement dans notre formulaire de demande si la personne utilise la même identité ou si elle a acquis un pseudonyme depuis et qu'elle tente maintenant d'entrer frauduleusement au pays au moyen d'une identité différente. Les États-Unis nous diront également si cette personne a contrevenu à la loi sur l'immigration pendant son séjour aux États-Unis. Nous pouvons utiliser ces renseignements pour prendre notre propre décision indépendante et souveraine sur l'admissibilité de la personne au Canada.

Permettez-moi d'être clair, monsieur le président. Nous ne communiquons les empreintes digitales à aucun autre pays. Nous échangeons des renseignements en matière d'immigration — comme nous le faisons, par exemple, avec les Américains depuis un certain temps — lorsque c'est nécessaire et justifié; par exemple, quand quelqu'un s'est rendu là- bas et a enfreint la loi et tente maintenant d'entrer au Canada même si nous avons posé ces questions sur nos formulaires de demandes. Les données biométriques elles-mêmes ne seront pas communiquées, et aucun autre pays n'a accès de quelque façon que ce soit à ce dont Brendan s'occupe un peu plus loin dans les bureaux de la GRC.

Le sénateur Campbell : Que se passerait-il si la personne qui tentait d'entrer au pays ne venait pas des États-Unis? Disons qu'elle vient de France. Est-il possible de vérifier la base de données française, ou vérifiez-vous la base de données française pour savoir si la personne a un casier judiciaire ou des associations, par exemple?

M. Gregory : Nous ne le faisons pas et nous n'envisageons pas de le faire au moyen du projet de loi ou d'un élargissement de la portée du programme. Depuis de nombreuses années, nous demandons aux personnes qui présentent une demande, au cas par cas, de nous remettre un certificat du pays d'où elles viennent pour faire la preuve qu'elles n'ont pas de casier judiciaire lorsque nous pensons que c'est nécessaire, mais nous n'avons pas l'intention d'utiliser les données biométriques que nous recueillons des demandeurs pour revenir au pays source et savoir s'il y a de l'information là-bas.

Le sénateur Campbell : Des témoins précédents ont exprimé leurs préoccupations au sujet des réfugiés ou des demandeurs d'asile. Le processus serait-il différent pour un demandeur d'asile ou du statut de réfugié, par rapport aux autres personnes qui tentent d'entrer au Canada?

M. Gregory : Un demandeur d'asile qui demande la protection lorsqu'il est au pays, a quitté l'endroit où il se sent persécuté et est arrivé au pays par un moyen ou un autre. Lorsqu'une personne demande le statut de réfugié au pays, nous prenons maintenant ses empreintes digitales afin de déterminer son identité. Les représentants de cette population en particulier n'ont parfois pas le même type de documents de vérification d'identité qu'un visiteur de l'Europe de l'Ouest, par exemple, et comme un témoin précédent l'a mentionné devant le comité, je pense, ils voyagent parfois sous de fausses identités en raison de leur situation. L'utilisation de leurs empreintes digitales en plus des documents qu'ils ont peut-être en main permet de les identifier, mais bien sûr, monsieur le président, ces renseignements ne seraient pas communiqués avec le pays contre lequel ils demandent la protection. D'après toute l'information que nous avons à ce sujet, peu importe s'il s'agit du traité sur l'échange de renseignements en matière d'immigration où nos propres règlements, nous savons très clairement que ce type de renseignement ne pourrait jamais être communiqué avec le pays dont ils souhaitent être protégés. Nous prenons cette question très au sérieux, tant au pays qu'au sein du ministère.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci pour vos exposés. La protection des renseignements personnels, c'est très bien. J'aborderai la question d'un point de vue différent. En examinant la sécurité aux frontières et la défense, nous avons constaté que le Canada a tendance à avoir des renseignements en silo qui ne sont pas échangés alors qu'ils devraient l'être. Cela me préoccupe un peu. Pouvez-vous affirmer que nous ne faisons pas preuve d'un excès de zèle dans le domaine de la protection des renseignements et que nous ne protégeons pas les intérêts des citoyens canadiens en partageant ces renseignements lorsqu'ils doivent être partagés? Je ne pense ici qu'à la sécurité, par exemple.

M. Gregory : La raison pour laquelle nous recueillons les données biométriques de certains demandeurs, et d'un nombre accru de ces demandeurs au cours des prochaines années, c'est la vérification de leur identité; nous veillons ainsi à ce que ces personnes n'aient pas commis de crime auparavant au pays, et dans certains cas, pour veiller à ce que ces personnes ne présentent pas une demande d'entrée au pays au moyen d'une nouvelle fausse identité. Voilà les objectifs principaux derrière la collecte de ces données. Nous nous en tenons à ces objectifs principaux. Dans les cas où nous trouvons une raison significative et justifiable d'échanger les renseignements avec d'autres ministères, nous l'envisageons. La seule raison que nous avons trouvée jusqu'à maintenant et la seule raison pour laquelle nous avons permis une utilisation secondaire concerne le fait, pour la GRC, de prendre les empreintes digitales dans le processus d'une enquête portant sur un crime punissable au pays. Si les empreintes digitales correspondent à des empreintes que nous avons conservées de l'un de nos clients, nous pouvons alors communiquer le nom, la date de naissance et le sexe associés à ces empreintes digitales à la GRC dans le cadre de cette enquête. En outre, si la GRC a les empreintes digitales d'une personne décédée qu'elle tente d'identifier, et que ces empreintes correspondent à celles de l'un de nos clients, nous pouvons communiquer son nom, sa date de naissance et son sexe à la GRC afin qu'elle identifie une personne qui ne pourrait autrement pas être identifiée en raison des circonstances. Pour l'instant, c'est la seule utilisation secondaire que nous permettons. Toute autre utilisation secondaire devrait être envisagée de façon sérieuse en fonction de la situation et du sujet; des pouvoirs devraient être octroyés pour tout type d'utilisation secondaire. Pour l'instant, de tels pouvoirs n'ont pas été conférés, et le gouvernement ne cherche pas à les octroyer.

La sénatrice Stewart Olsen : Pouvez-vous alors m'expliquer comment quiconque saurait qu'il faut vous demander de faire une recherche dans votre base de données? Je présume que vous entreposez les données, mais lorsque quelqu'un vous demande de chercher des empreintes digitales qui devraient se trouver à la GRC, affirmez-vous qu'il y a toutes sortes de silos et que certaines recherches sont possibles alors que d'autres non? Est-ce que c'est ce qui se passe?

M. Gregory : Je vais tenter de répondre à la question. Les renseignements en matière d'immigration sont conservés séparément. Ils ne sont pas accessibles à quiconque, à l'exception des autorités en matière d'immigration. Toutefois, si la GRC ou d'autres agences d'application de la loi au pays recueillent des empreintes digitales sur une scène de crime ou d'une personne arrêtée ne pouvant pas être identifiée, d'après mes connaissances, ces empreintes digitales sont vérifiées auprès de la GRC, comme le seraient normalement les empreintes digitales lorsque les agents de police font leur travail, partout au pays. Si ces empreintes correspondent à des empreintes que nous avons prises à des fins d'immigration, il existe des règlements au pays qui permettent à la GRC d'échanger des renseignements biographiques de base — le nom, la date de naissance, le sexe — avec l'agent de police.

La sénatrice Stewart Olsen : Comment en vient-on là? Lorsque des empreintes digitales sont prises par la GRC sur une scène et vérifiées automatiquement, sont-elles comparées à celles que vous avez entreposées?

M. Gregory : Oui.

M. Heffernan : Oui. En fait, la recherche donne des résultats et l'organisme d'application de la loi qui a soumis les renseignements ou les empreintes reçoit automatiquement une réponse avec les renseignements qu'il peut recevoir, mais il y a également un message qui dit : « C'est un dossier d'immigration; veuillez composer ce numéro. » Il s'agit du numéro de téléphone du ministère de l'Immigration ou de l'ASFC, parce que c'est eux qui sont touchés. On ne dit pas de quoi il s'agit. Le message dit seulement : « Si vous voulez un suivi, téléphonez à l'ASFC à ce numéro ». L'organisme d'application de la loi n'est pas tenu de le faire.

Pour combler cet écart, si l'organisme choisit de ne pas le faire ou ne lit pas le message, nous envoyons des rapports à l'ASFC pour dire combien d'empreintes ont fait l'objet de recherches — que ce soit dans la base de données sur les casiers judiciaires, ou encore la base de données de l'immigration ou des réfugiés — et donner ces renseignements; c'est l'organisme qui a posé la question. Si c'est important pour vous, communiquez avec les services policiers.

Il y a deux domaines dans lesquels un avis est émis lorsque les unités d'enquête des organismes respectifs ont la possibilité de communiquer entre eux en vue de déterminer la nature des renseignements et leur pertinence. C'est possible.

Le sénateur Lang : À titre de précision aux fins du procès-verbal, j'aimerais connaître le nombre approximatif de personnes qui entrent au pays à titre d'étudiants étrangers, de travailleurs temporaires ou d'immigrants et de réfugiés. Ce chiffre ne s'approche-t-il pas de 450 000 par année, en moyenne? Je sais qu'il varie, mais j'aimerais avoir une idée du nombre de personnes qui entrent au pays. Mon estimation est-elle exacte?

M. Gregory : Monsieur le président, la question portait-elle sur des étudiants, des travailleurs et des réfugiés?

Le sénateur Lang : Oui, le total. On a du mal à s'y retrouver. Il y a des immigrants qui entrent officiellement au pays, des étudiants qui entrent au pays, des réfugiés, bien sûr, qui entrent au pays, et nous avons des travailleurs temporaires. J'aimerais que tous aient une idée du volume de travail requis. Pouvez-vous me donner une estimation?

M. Gregory : Je peux commencer par vous donner les chiffres de mémoire et voir si mes collègues pourront combler les vides.

Le sénateur Lang : Je veux uniquement une estimation. Je ne vous tiendrai pas responsable.

M. Gregory : Nous nous attendons dans deux ans — c'est-à-dire d'ici deux ou trois ans, lorsque ce sera mis en vigueur — à prendre les empreintes digitales de 2,9 millions de personnes. Cela représentera tous les demandeurs de visa de résident temporaire : tous les étudiants, les travailleurs et les réfugiés. Les 2,9 millions ne comprennent pas les gens qui peuvent voyager au pays sans visa, c'est-à-dire un nombre de personnes plus grand encore : les Européens de l'Ouest, les Japonais et les populations semblables.

Pour ce qui est des étudiants, des travailleurs, des réfugiés et des visiteurs qui doivent obtenir un visa, d'ici 2018, ce chiffre s'élèvera à 2,9 millions, de sorte qu'il est probablement un peu moins élevé aujourd'hui.

Le sénateur Lang : Je tiens à être plus précis. Chaque année, le nombre d'entrées au pays, d'une façon ou d'une autre, au titre de ces catégories, avoisine les 400 000 à 450 000, peut-être 500 000, en moyenne, plutôt qu'un total de 2,9 millions; est-ce exact? Je pense que nous comprenons mal ces chiffres.

Mme MacNeil : Nous pourrons certainement vous communiquer les chiffres précis un peu plus tard au sujet des personnes qui entrent en réalité. J'ai une autre statistique, uniquement au sujet des visas : en 2014, environ 1,4 million de demandes ont été présentées. Il ne s'agit pas nécessairement du nombre de personnes qui sont arrivées, mais plutôt celles qui ont présenté une demande, pour vous donner une idée du chiffre.

Le sénateur Lang : Donnez-nous l'information si possible; je tente de savoir et, peut-être ne suis-je pas suffisamment clair, combien de personnes entrent officiellement au pays pour une raison ou une autre, que ce soient des immigrants, des étudiants temporaires, des travailleurs temporaires ou des réfugiés. En moyenne, quel est le nombre total de personnes qui entrent au pays? Ils ne sont pas ici comme visiteurs, mais ils viennent vivre ici d'une façon ou d'une autre. Il existe une grande différence.

Mme MacNeil : Nous devrons trouver le chiffre exact.

Le sénateur Lang : Les gens doivent comprendre le nombre de personnes qui entrent au pays.

J'aimerais préciser une autre question aux fins du procès-verbal; nous examinons les entrées au pays et les données biométriques. Ma question porte sur la sortie. Le ministère envisage-t-il un système concernant les sorties du pays?

M. Gregory : Merci pour votre question. Le ministère n'envisage pas de recueillir les données biométriques à la sortie.

Le sénateur Lang : À l'heure actuelle, en ce qui concerne les sorties, nous n'avons pas vraiment de système de sorties en place aux frontières; est-ce exact?

Andrew Lawrence, directeur, Division de la transformation pour voyageur — mode aérien, Direction générale des programmes, Agence des services frontaliers du Canada : Dans le cadre du Plan d'action Par-delà la frontière, le Canada met en œuvre une approche en quatre étapes pour la création d'un système de sorties. La première et la deuxième étapes ont été mises en œuvre en juin 2013. Elles supposaient un échange d'information réciproque le long de la frontière terrestre.

Le sénateur Lang : Avec les États-Unis?

M. Lawrence : Avec les États-Unis. Les étapes subséquentes, la troisième et la quatrième, nécessitent des amendements législatifs et réglementaires. Ils n'ont pas encore été apportés. La troisième phase inclura les citoyens canadiens et américains. La quatrième étape concerne la collecte des manifestes des compagnies aériennes qui quittent le pays.

Le sénateur Lang : Il n'existe actuellement pas de programme de sorties. Nous travaillons à en créer un d'une façon ou d'une autre?

M. Lawrence : C'est exact.

Le sénateur Lang : J'aimerais aborder une autre question, si je le peux, soit l'utilisation de tous les renseignements. Ce que je ne comprends pas très bien, c'est que nous avons un système grâce auquel un criminel au Canada ayant donné ses empreintes digitales peut faire l'objet de contre-vérification pour déterminer s'il s'agit d'un Canadien ou de quelqu'un au pays. À ma connaissance, nous avons environ 40 000 personnes, selon mes estimations, qui sont au pays et dont on ne sait pas où ou qui ils sont. C'est un autre problème.

Je ne comprends pas très bien. Si nous avons un terroriste en France dont on a pris les empreintes digitales qui sont entre les mains des autorités, mais qu'on n'en sait pas suffisamment pour demander si nous devrions chercher ses empreintes digitales, comment pouvons-nous attraper cette personne? La sénatrice a demandé où on allait les chercher. Je reviens à cette base de données dont nous disposons avec les protocoles sur la protection des renseignements personnels et la sécurité. Il me semble que nous devrions tenter de créer un système grâce auquel les empreintes digitales d'un demandeur sont recherchées dans toutes les bases de données; s'il y a une correspondance, le pays où la personne arrive serait avisé.

Le président : En ce qui concerne cette question, elle nous amène au-delà de la nature de la loi, à ma connaissance. Le sénateur pose une question sur ce qui pourrait être possible plutôt que sur ce que précise la loi, plus particulièrement au sujet de la collecte de données.

Si vous avez une réponse à la question du sénateur, vous pouvez la donner. Nous ne nous attarderons pas à ce sujet.

M. Gregory : Non, pour l'instant, il n'y a aucun plan visant à mettre en œuvre un système de la sorte.

M. Heffernan : Sénateur, permettez-moi d'apaiser vos préoccupations; outre la fonctionnalité concernant l'immigration de tout ce système, d'un point de vue uniquement criminel ou concernant une enquête sur la sécurité nationale, il existe des mécanismes nous permettant d'échanger des renseignements biographiques avec les organismes d'application de la loi dans le cadre d'une enquête. Par l'intermédiaire d'Interpol, nous avons également des protocoles protégés, mais il est possible d'échanger des renseignements en cas de menace connue. Si les renseignements arrivent ici, nous pouvons transmettre l'information aux responsables des enquêtes criminelles.

Le sénateur Lang : Mais nous devons savoir qu'il arrive.

Le président : Eh bien encore une fois, sénateur, avec tout le respect que je vous dois, vous entrez dans un domaine hypothétique. La question à l'étude est la loi et l'utilisation possible des données, et je pense que nous avons couvert la question.

Le sénateur Wallace : Monsieur Gregory, dans vos observations, vous avez mentionné la partie importante de la justification derrière l'utilisation des données biométriques dans le processus de filtrage des immigrants qui résulte de l'accroissement, comme vous l'avez dit, de la complexité des fraudes d'identité. J'aimerais que vous nous disiez de façon concrète ce que votre ministère constate au sujet de la complexité de la fraude d'identité.

M. Gregory : Merci pour votre question. C'est un domaine qui nous donne du fil à retordre parce que nous faisons de notre mieux pour reconnaître les individus qui tentent d'entrer au pays sous une identité frauduleuse. Nous en détectons autant que possible, et il se peut que nous ne les détections pas tous parce que certains fraudeurs atteignent leur but. Nous voyons des documents qui sont faux, comme des faux passeports. Nous voyons de vrais passeports ayant été modifiés ou altérés pour refléter l'identité de quelqu'un d'autre, ou sur lesquels les renseignements sur l'identité ont été changés d'une façon ou d'une autre. Nous voyons des passeports légitimes qui sont détenus ou utilisés par un propriétaire non légitime pour voyager. Il y a donc différentes façons d'aborder la question.

Nous voyons également de faux documents dont la qualité est meilleure qu'auparavant. Tout comme nous, les criminels ont accès à de meilleures technologies pour faire imprimer les documents, pour trouver les fournisseurs de pareils documents et pour comploter en vue d'obtenir ces documents sur Internet. Il est donc plus facile de trouver des individus qui pourraient se spécialiser dans la fraude de documents. Nous tentons toujours de produire des documents de voyage de classe mondiale — et ceux que nous avons au pays sont très bons — mais les gens qui arrivent des autres pays utilisent des documents de voyage de l'endroit d'où ils viennent. À l'échelle mondiale, la qualité des documents de voyage varie; elle s'améliore toujours, mais il y a constamment un retard par rapport aux individus qui cherchent à profiter d'un document de voyage d'un pays où la qualité est médiocre ou d'un document facile à contrefaire, plus encore qu'un document de voyage provenant de tout autre pays.

Voilà les différentes façons dont les individus peuvent s'y prendre. Ailleurs dans le monde, nous constatons des exemples de ces moyens régulièrement.

Le sénateur Wallace : Des représentants de l'Association des libertés civiles ont comparu tout à l'heure. Mme Pillay — vous avez peut-être entendu son témoignage — a fait référence plusieurs fois aux correspondances erronées occasionnées par l'utilisation de la biométrie, ce qui, à mon sens, remet en question la fiabilité de la biométrie comme outil d'identification.

Pouvez-vous nous parler du taux de correspondances erronées?

M. Gregory : Je peux vous dire, sénateur, que ce nouvel outil est très puissant. Le groupe au sein de notre ministère qui est responsable de la gestion de l'identité est très content de pouvoir se servir de cet outil, car c'est beaucoup plus facile d'identifier quelqu'un avec l'outil que de lui demander son nom. C'est aussi un outil plus précis. Plusieurs personnes dans le monde ont le même nom et sont nées le même jour dans un même pays. Nous remplaçons un outil plus ou moins efficace avec un outil extrêmement efficace. Ce dernier n'est pas parfait chaque fois qu'on l'utilise pour connaître le nom, la date de naissance, le sexe et la nationalité, mais il l'est beaucoup plus souvent qu'auparavant.

Les correspondances erronées ne se passent pas dans le vide. Il y a toujours des personnes qui s'occupent du traitement des demandes. Il se peut qu'il y ait des résultats qui ne soient pas logiques parce qu'une des données n'est pas possible, par exemple un individu qui n'aurait jamais quitté son pays d'origine, ou qui serait beaucoup trop vieux.

Si jamais il y avait une « correspondance erronée », à mon avis le système ne nous permettrait pas de continuer seulement sur la base de cette donnée en particulier, car nous pouvons obtenir d'autres renseignements en lisant la demande elle-même, en parlant avec le demandeur, et en lui demandant comment il se peut qu'il ait commis un crime à Red Deer en 1974 alors qu'il était toujours en couches dans un autre pays à la même date.

Évidemment, c'est quelque chose que nous prenons très au sérieux. Nous avons pris le temps d'élaborer un système qui va servir d'outil, un outil très puissant, mais nous ne voudrions pas que quelqu'un soit défavorisé à cause de la toute petite possibilité d'une correspondance erronée. D'autres questions seraient soulevées et on pourrait clarifier les choses; c'est ce que l'on espérerait.

Le sénateur Wallace : Votre ministère a-t-il fait des études, ou avez-vous des données sur le taux de correspondances erronées? Je comprends ce que vous dites; c'est mieux que ce que nous avons et que ce que nous avions.

Cette question a été soulevée par des témoins qui ont comparu devant nous. J'aimerais comprendre si les Canadiens devraient avoir des inquiétudes quant à la fiabilité de la biométrie.

M. Gregory : Je crois que le mot « inquiétude » est peut-être trop fort, mais c'est quelque chose que le ministère prend au sérieux et dont il a tenu compte dans la conception du reste du système.

Une correspondance erronée pourrait-elle survenir lors de la mise en œuvre du système? J'ai lu les recherches effectuées dans ce domaine, et on dit que c'est possible et que c'est déjà arrivé, mais ces renseignements seraient fournis à un agent des visas qui pourrait ensuite vérifier l'exactitude des renseignements auprès du demandeur.

Est-ce que cela pourrait se passer à l'arrivée au Canada? Dans l'affirmative, il y a des agents de l'ASFC dans les aéroports et ils pourraient leur parler pour comprendre ce qui s'est passé. On ne retournerait pas automatiquement à la case de départ.

D'une part, il y a la technologie et, d'autre part, il y a les processus que nous avons élaborés pour encadrer la technologie. Cette nouvelle technologie est un outil nouveau, mais ce n'est pas quelque chose qui prend des décisions tout seul hors de tout contexte.

M. Heffernan : Je crois qu'il y a une certaine confusion entourant les correspondances erronées lorsqu'il s'agit de données nominales. Lorsqu'il s'agit de données biométriques, le système de vérification un à un pour les empreintes digitales est précis à 100 p. 100. Il y a peut-être des problèmes au niveau de la collecte, par exemple, mais lorsque les données arrivent dans le système, ce dernier fait la recherche. Les sauvegardes et les algorithmes qui font partie intégrante du système pourront déceler... pour être plus précis, il y a un seuil.

Si le système lui-même ne peut pas déterminer s'il y a effectivement une correspondance, les données sont réacheminées au traitement d'exception où un dactyloscopiste hautement qualifié effectue la comparaison. Si, malgré ses compétences et ses outils, cette personne n'est pas capable de faire la correspondance, que ce soit en raison de la piètre qualité des empreintes ou autres, il nous est impossible de faire une identification positive. Si le système ne réachemine pas les renseignements en fonction du seuil, il dira que les renseignements en question ne correspondent pas et ce sera tout. Si les renseignements sont au-dessus du seuil, alors la correspondance est confirmée comme étant positive. Lorsqu'il y a un doute, alors les données sont réacheminées au traitement des exceptions, et une personne s'en occupe et effectue l'analyse. Si la personne ne peut pas confirmer la correspondance à 100 p. 100, il s'agit d'une non- correspondance. Nous péchons par excès de prudence.

Du point de vue de la biométrie, CIC obtient une précision de 100 p. 100 pour les correspondances. Si nous disons qu'il y a une correspondance, il y a effectivement une correspondance.

Le sénateur Wallace : C'est très utile. C'est ce que je voulais entendre. Merci beaucoup.

Le sénateur Ngo : CIC accueille un minimum de 250 000 immigrants par année, sans compter les travailleurs temporaires, et cetera. Si on compte seulement les immigrants qui arrivent au Canada, disons qu'il y en a 250 000. CIC et la GRC conservent-ils les données biométriques de ces immigrants une fois qu'ils deviennent citoyens ou qu'ils ont fait la demande de citoyenneté canadienne?

M. Gregory : Très bonne question. La réponse est non. Si nous avons une empreinte d'un citoyen d'un pays tiers, aussitôt qu'il devient citoyen — si c'est effectivement ce qui se passe —, ses renseignements biométriques seront supprimés; ils ne seront ni conservés, ni gardés, ni utilisés par la suite.

Le sénateur Ngo : Dans ce cas, comment faites-vous pour communiquer avec eux afin de leur dire que leurs données biométriques ont été supprimées? Comment faites-vous? Communiquez-vous avec eux ou supprimez-vous tout simplement leurs données? Ils vont penser que leurs données biométriques ont été conservées, n'est-ce pas?

M. Gregory : Non, nous n'écrivons pas à la personne pour lui dire que nous avons supprimé ses empreintes digitales dans le système. Ce n'est pas quelque chose que nous faisons actuellement.

Le sénateur Ngo : En communiquant les renseignements entre CIC, la GRC et l'ASFC concernant le nombre de demandes pour venir au Canada, vous attendez-vous à pouvoir réduire l'utilisation de visas de travailleurs étrangers temporaires qui ont été obtenus de façon frauduleuse ou illicite?

M. Gregory : Monsieur le président, je suis convaincu que nous pourrons arrêter des gens qui sont déjà venus au pays, des citoyens de pays tiers qui sont venus en visite au Canada, qui y ont commis un crime et qui sont rentrés chez eux. Je suis persuadé que nous allons pouvoir les empêcher de revenir.

Nous sommes également persuadés que si une personne s'est servie d'une identité et qu'elle fait ensuite l'objet d'un contrôle biométrique, elle ne pourra pas rentrer au pays en se servant d'une nouvelle identité. Comme l'a dit la GRC, le système de vérification un à un est très puissant, il est faisable au plan technique et il est déjà appliqué.

Nous sommes d'avis qu'en prenant des empreintes digitales et en les comparant avec des empreintes que nous avons déjà, nous pourrons empêcher des personnes qui ne devraient pas revenir ici de le faire. De plus, en conservant des données précises, on oblige ces personnes à continuer d'utiliser la même identité, même si cela ne les aide pas.

Le président : Vous nous avez beaucoup aidés.

D'abord, nous, les membres du comité, devons comprendre la section qui nous concerne, c'est-à-dire la partie de la loi qui élargit l'utilisation d'une application existante telle que décrite dans la loi et aux fins que nous avons entendues ce matin. Elle en élargit la portée dans cette catégorie et modifie la loi actuelle là où des redondances résulteraient de sa mise en vigueur. Voilà les enjeux principaux dont nous sommes saisis.

D'après votre témoignage, l'aspect biométrique dont il s'agit est l'utilisation des empreintes digitales. Si j'ai bien compris votre exposé, monsieur Gregory, on ne prévoit pas faire plus que cela. Est-ce que j'ai bien compris ces deux choses?

M. Gregory : Nous prenons également une photo numérique du client et nous la conservons. Nous nous en servons pour faire une comparaison visuelle avec la personne qui arrive avec un passeport et une photo, mais nous n'avons pas recours à un algorithme de reconnaissance faciale pour effectuer des correspondances.

Le président : Il n'y a pas d'algorithme facial intégré au système entier de mémoire et de comparaison?

M. Gregory : C'est exact. Nous possédons la photo; nous prenons la photo, nous la conservons, nous nous en servons aux ports d'entrée et nous ne nous en servons plus.

Le président : C'est la même chose qu'une photo dans un passeport, n'est-ce pas?

M. Gregory : C'est exact.

Le président : Vous avez répondu à la question en disant que les empreintes digitales numériques des candidats à l'immigration ne sont ni conservées ni entreposées dans la base de données centrale une fois que le dossier est complet.

M. Gregory : En quelque sorte. Monsieur le président, ce que j'essayais de dire, c'est qu'une fois qu'un ancien candidat à l'immigration — un citoyen d'un pays tiers qui est ici temporairement — devient citoyen, nous ne conservons plus le dossier biométrique et le détruisons immédiatement.

Nous conservons les empreintes digitales de nos clients pour un certain temps, afin que ses empreintes digitales restent dans le dossier pendant sa visite au pays et pendant les deux années suivantes, avant de les supprimer.

Le président : Donc, une fois qu'on devient citoyen, et une fois que tous les contrôles ont été effectués, l'empreinte numérique est supprimée. Est-ce exact?

M. Gregory : Oui, monsieur le président.

Le président : D'un autre côté, si jamais des activités criminelles sont commises ou il y a violation des lois du Canada après l'entrée au Canada, ces personnes se retrouveraient dans une autre catégorie, n'est-ce pas?

M. Gregory : Je suis désolé, monsieur le président, je ne crois pas avoir compris la question.

Le président : Disons que la personne est admise au Canada et qu'elle commet ensuite un crime au pays.

M. Gregory : Oui. Durant leur visite temporaire au Canada, s'ils commettent un crime, nous espérons trouver une correspondance et pouvoir utiliser l'empreinte digitale pour les identifier. C'est exact, monsieur.

Le président : Ces données seraient conservées dans le système, n'est-ce pas?

Monsieur Gregory : Oui.

Le président : Voulez-vous demander une précision, sénateur Lang?

Le sénateur Lang : Je veux poser une question d'ordre général au sujet des renseignements donnés et des protocoles liés à la protection des renseignements personnels. Une fois que vous disposez de ces renseignements, quels sont les principes de base qui régissent leur suppression après un certain délai?

M. Gregory : Le gouvernement n'a pas décidé de sauvegarder les empreintes digitales des citoyens qui n'ont pas enfreint de lois. Ce n'est pas une question d'immigration qui est assujettie à cette loi.

M. Heffernan : Monsieur le président, j'aimerais ajouter une précision. Dans le contexte des empreintes digitales aux fins d'immigration, mes collègues ont tout à fait raison : passé une certaine date, elles sont automatiquement supprimées. Il peut s'agir d'une date fixée par CIC ou de celle où ils ont obtenu leur citoyenneté canadienne. Nous avons un accord de service d'un jour pour la suppression des empreintes de nos banques de données. Elles disparaissent et sont à jamais irrécupérables.

Une fois qu'ils sont citoyens canadiens, s'ils commettent un crime, les forces de l'ordre les arrêtent, portent des accusations contre eux et prennent leurs empreintes digitales. Ils sont désormais fichés. Ils ne sont plus dans le système d'immigration, mais dans la base de données criminelle et ils y resteront selon les périodes de conservation des données idoines.

Le président : Quand j'ai posé ma question, je connaissais déjà cette partie de la réponse. Ma question portait plutôt sur la période entre leur arrivée au pays et le moment où ils deviennent citoyens canadiens en cas de perpétration d'un crime.

M. Heffernan : Alors, les empreintes seront dans la base de données criminelle. S'ils commettent un crime, on fera une recherche dans le dossier d'immigration. L'information est fournie à CIC, s'il y a une correspondance, elle se trouve là. Cela fait partie des mesures de sécurité permanentes.

Le président : Je comprends. Une fois que des empreintes digitales ont été prélevées dans le contexte d'un acte criminel, elles sont sauvegardées.

M. Heffernan : Dans la base de données criminelle.

Le président : Merci. Vous avez répondu à ma question. Je voulais être certain que cet élément était bien pris en compte. Merci beaucoup.

Enfin, monsieur Heffernan, je dois vous dire que vous avez très bien décrit le processus. Je peux le résumer en quelques mots. On prélève l'empreinte digitale. Elle est numérisée et transférée dans un système sécurisé que vous avez décrit en détail. Elle est reçue, sauvegardée et ne peut être réactivée aux fins de comparaison qu'en fonction d'un terme mathématique qui m'échappe — un algorithme. Je devrais bien m'en souvenir, malgré que pour un chimiste, ce soit bien compliqué. L'algorithme fera du fichier un outil de comparaison utile. Il y a donc le prélèvement, la numérisation, le transfert dans une base de données sécurisée, la sauvegarde et la réactivation en fonction d'un algorithme quand le système fait en sorte que ce soit nécessaire.

M. Heffernan : C'est exact. Petite précision : quand vous dites « numérisées », les données sont aussi encodées et décodées quand nous y avons accès. Le fichier passe ensuite par un mécanisme important de sécurité, à l'interne. Quand les données sont décodées dans le premier cas, elles redeviennent une empreinte digitale.

Le président : J'ai employé le terme « numérisées », dans le sens d'encodage en chiffres, des zéros et des uns.

M. Heffernan : C'est bien cela.

Le président : On les convertit en données.

Je pense que nous avons bien traité le sujet. Vous avez répondu aux questions. J'en ai une dernière : au sujet de l'alinéa 10.02d), les circonstances dans lesquelles une personne n'est pas tenue de fournir certains renseignements biométriques; je présume que la réglementation couvrira cette question et qu'elle abordera la question soulevée par les témoins précédents, en l'occurrence que, pour des raisons physiques ou autres, il ne puisse pas toujours être possible de prélever des empreintes digitales, c'est bien cela?

M. Gregory : Oui, monsieur. Il y aura certains détails concernant les personnes qui... il est vrai qu'il y a un très faible pourcentage de personnes, essentiellement des personnes âgées en provenance de pays en voie de développement, qui ont parfois des empreintes digitales de piètre qualité. Lorsqu'il est tout simplement impossible de prélever des empreintes digitales, c'est-à-dire que nous les prenons, mais que nous n'arrivons pas à obtenir une concordance, les agents ont recours à leur discrétion et peuvent néanmoins accepter une demande.

Le président : Oui, c'est exact. Ce que je veux dire, c'est que cela sera couvert par le règlement qui suivra le projet de loi.

M. Gregory : Oui, monsieur.

Le président : Au nom du comité, je veux vous remercier d'avoir comparu et de nous avoir aidés à comprendre cette mesure législative. Dans un moment, je vais donner un coup de maillet pour mettre un terme à la réunion, mais je veux rappeler à mes collègues autour de la table qu'ils doivent rester pour une séance à huis clos au cours de laquelle nous donnerons des conseils pour la rédaction d'un rapport sur ce que nous avons entendu.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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