Aller au contenu
SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 36 - Témoignages du 4 juin 2015


OTTAWA, le jeudi 4 juin 2015

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour poursuivre son étude de l'incidence croissante de l'obésité au Canada : ses causes, ses conséquences et les solutions d'avenir.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie. Je préside le comité et je suis de la Nouvelle-Écosse. J'invite mes collègues à se présenter, en commençant par ma droite.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Frum : Linda Frum, de l'Ontario.

Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Nancy Ruth : Nancy Ruth, de l'Ontario.

La sénatrice Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

[Français]

La sénatrice Chaput : Maria Chaput, de la province du Manitoba.

[Traduction]

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto.

Le président : Et vice-président du comité.

À titre d'information pour les gens qui nous regardent, nous poursuivons aujourd'hui notre étude visant à examiner, pour en faire rapport, l'incidence croissante de l'obésité au Canada : ses causes, ses conséquences et les solutions d'avenir.

Je suis ravi d'accueillir, comme témoin pour la séance d'aujourd'hui, Franco Sassi, économiste principal de la santé de la Division de la santé de l'Organisation de coopération et de développement économiques, ou l'OCDE. M. Sassi témoignera par vidéoconférence. J'aimerais maintenant lui souhaiter la bienvenue au comité et l'inviter à faire sa présentation. Monsieur Sassi, allez-y.

Franco Sassi, économiste principal de la santé, Division de la santé, Organisation de coopération et de développement économiques : Merci. Je suis très honoré d'être ici aujourd'hui. Bonjour.

La présentation que j'ai préparée est très brève. Je ne suis malheureusement pas en mesure de vous montrer les diapositives PowerPoint par vidéoconférence, mais je peux mentionner les tableaux qui se trouvent dans le document que je vous ai fait parvenir. Je présume que tous les membres du comité ont une copie du document. Est-ce exact?

Le président : C'est exact.

M. Sassi : Merci.

En guise d'introduction, je vais brièvement présenter quelques conclusions des travaux de l'OCDE sur la croissance de l'obésité au Canada et dans les pays de l'OCDE. Je suis certain que vous en êtes au courant de certaines, parce qu'elles ont peut-être fait l'objet de discussions au sein de votre comité.

En gros, le Canada a toujours été en haut de la liste des pays de l'OCDE en ce qui a trait aux taux d'obésité et de surpoids, mais le pays ne trône pas au sommet de cette liste. Ce n'est pas le pire pays, mais il fait partie d'un petit groupe de pays qui présentent les taux d'obésité les plus élevés. C'est le cas depuis que nous mesurons ces indicateurs au sein des pays de l'OCDE.

Le tableau 1 montre en particulier le bilan du Canada par rapport aux autres pays de l'OCDE ainsi que certains pays qui ne sont pas officiellement membres de l'OCDE, mais qui sont ce que nous appelons « des partenaires clés ». Il s'agit d'économies émergentes comme l'Inde, la Chine et le Brésil. Vous pouvez voir que le Canada arrive au cinquième rang dans cette liste; environ un adulte sur quatre est obèse.

Les taux qui figurent dans ce tableau sont des taux mesurés qui se fondent sur la taille et le poids mesurés, mais ce n'est malheureusement pas mesuré de manière aussi constante que l'obésité autodéclarée qui se base sur les auto-évaluations de la taille et du poids, et ces éléments sont à la base de certaines analyses présentées dans mes notes.

L'obésité infantile est un autre sujet grandement préoccupant au Canada, parce que le taux d'obésité infantile y est très élevé. Au Canada, 1 garçon sur 10 est obèse, ce qui place le Canada au premier rang des pays de l'OCDE.

Le taux d'obésité continue d'augmenter au Canada. Dans la dernière publication de l'Obesity Update en juin 2014, nous avons montré qu'un certain nombre de pays de l'OCDE avaient réussi à ralentir l'augmentation de l'obésité dans la population adulte, mais le Canada n'en fait pas partie. L'obésité a peut-être augmenté à un rythme plus lent qu'ailleurs, mais elle a continué de progresser au cours des dernières années.

En 2010, nous avions fait des prévisions, et le taux d'obésité que nous observons depuis a vraiment progressé comme nous l'avions prévu à l'époque.

Le tableau 2 montre la croissance des taux d'obésité au fil des ans, du début des années 1990 à 2011, et la croissance qui est prévue jusqu'en 2020.

Dans ce tableau, nous retrouvons les taux d'obésité autodéclarée, qui sont plus faibles que les taux d'obésité qui se fondent sur les données mesurées. Malheureusement, comme je l'ai expliqué plus tôt, les données sur l'obésité mesurée ne sont pas systématiquement disponibles au fil des ans. De telles prévisions à long terme peuvent seulement être calculées en fonction des taux autodéclarés. N'empêche que ces données brossent un portrait adéquat de la croissance de l'obésité au fil des ans.

Nous devrions nous inquiéter de l'obésité pour diverses raisons, dont les graves conséquences de l'obésité sur la santé. Il y a un lien très étroit entre l'obésité et des maladies, comme le diabète et les maladies cardiovasculaires, certains types de cancer et des troubles musculosquelettiques, mais il y a aussi des conséquences socio-économiques qui sont un sujet de préoccupation majeure dans les pays de l'OCDE. En particulier, nous savons que l'obésité influe sur le marché du travail. Les obèses sont moins susceptibles d'avoir un emploi; s'ils ont un emploi, leur rémunération est de 18 à 20 p. 100 moins élevée dans certains pays; ils ont une productivité inférieure; et ils sont plus susceptibles de prendre leur retraite tôt en raison de maladies.

Ce sont tous des facteurs qui contribuent au fardeau social de l'obésité qui est un sujet de grande préoccupation pour nos pays membres, et le Canada est clairement en mauvaise posture par rapport aux autres pays de l'OCDE.

Une grande partie des travaux réalisés par l'OCDE ont mis l'accent sur ce que les pays peuvent faire pour s'attaquer à l'épidémie d'obésité. Nous avons passé beaucoup de temps à nous pencher sur des possibilités d'action, et le Canada est l'un des pays sur lesquels nous nous sommes concentrés. Nous avons réalisé des analyses qui ont été publiées en 2010 avant la réunion des ministres de la Santé des pays de l'OCDE de 2010 et la réunion de haut niveau des Nations Unies sur les maladies non transmissibles à New York en 2011.

Les résultats que nous avons produits pour le Canada montrent que, si le Canada était en position d'adopter une stratégie globale de prévention, cela pourrait ajouter chaque année 60 000 années de vie en bonne santé à l'espérance de vie de la population canadienne.

Nous avons également calculé le nombre d'années sans maladies graves, comme une maladie cardiovasculaire et un cancer. Nous avons calculé que durant la décennie qui suit la mise en œuvre d'une telle stratégie globale de prévention le Canada pourrait gagner 150 000 années de vie sans maladies cardiovasculaires et 250 000 années de vie, soit un quart de million, sans cancer au cours de la prochaine décennie, comme je l'ai déjà mentionné.

Le coût de la mise en œuvre d'une telle stratégie de prévention serait relativement limité si nous le comparons à ce qu'un pays comme le Canada dépense déjà en prévention. Nous avons calculé que cela coûterait environ 30 $ par Canadien, ce qui est environ le dixième de ce que le Canada dépense actuellement en prévention.

Les solutions adoptées au Canada reflètent à certains égards ce que d'autres pays font aussi. Il y a une tendance constante vers un resserrement des politiques pour s'attaquer à l'obésité dans les pays de l'OCDE, étant donné que les pays comprennent que l'obésité a de graves conséquences sur la santé de leur population et leur économie.

Bon nombre de pays ont essayé d'avoir recours à des mesures comme des politiques fiscales, y compris des taxes, et parfois même à des subventions. Le Canada a donné l'exemple en ce qui concerne l'utilisation d'un crédit d'impôt, qui a servi de modèle pour d'autres pays. Cependant, sur le plan de la fiscalité, d'autres pays ont été plus proactifs et taxent notamment les boissons sucrées et les produits riches en graisses saturées. Ce n'est pas toutes ces taxes qui ont connu du succès. Il est évident que ce sont des mesures complexes à mettre en œuvre, et il faut les concevoir avec soin pour éviter des conséquences imprévues.

En règle générale, une stratégie de prévention efficace doit inclure différentes approches. Elle doit être une combinaison d'approches visant l'ensemble de la population pour traiter du problème à grande échelle et toucher un grand nombre de personnes et de groupes. De plus, il devrait y avoir des approches individuelles qui ciblent les personnes qui sont les plus à risque des conséquences de l'obésité. Par exemple, cela peut se faire par l'entremise des médecins de première ligne qui peuvent offrir des conseils aux patients qui montrent les premiers signes d'obésité et de diabète et prévenir l'apparition d'autres conséquences pour ces patients.

Je crois que je devrais probablement m'arrêter là. Les travaux de l'OCDE ont porté sur beaucoup d'autres aspects du développement de l'épidémie d'obésité et les façons de nous y attaquer, mais je serai heureux de répondre à vos questions sur les aspects qui vous intéressent le plus.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Sassi. Vous nous avez présenté un résumé qui donne matière à réflexion. J'invite maintenant mes collègues à vous poser des questions.

Le sénateur Eggleton : Merci beaucoup de votre présentation et de vos travaux au fil des ans dans ce domaine.

Je peux comprendre que votre dernier point sur des médecins qui donnent des conseils serait très bénéfique. Nous l'avons déjà entendu auparavant. Nous essayons de comprendre comment y arriver. Les médecins ne sont pas du ressort du gouvernement fédéral, mais nous pouvons trouver des façons de contourner le problème.

Qu'en est-il des autres mesures de prévention? Que pensez-vous de l'étiquetage des aliments ou des règlements sur la publicité entourant les aliments? Avez-vous des suggestions dans ce domaine?

En ce qui concerne le premier point que j'ai soulevé, à savoir les conseils des médecins, y a-t-il des pays qui le font particulièrement bien et qui ont mis en œuvre des plans qui semblent réduire le taux d'obésité?

M. Sassi : Le tableau 4 dans le document que je vous ai fait parvenir montre un classement des interventions et des possibilités d'action que nous avons examinées pour le Canada. En gros, nous constatons que les conseils de médecins et de diététistes de première ligne sont de loin la façon la plus efficace de nous attaquer au problème, parce que cette intervention met l'accent sur les gens qui présentent un risque élevé. Nous sommes arrivés au même constat pour tous les pays que nous avons examinés. De nombreuses études démontrent que cette approche est très efficace pour modifier le comportement des personnes.

La difficulté avec une telle intervention est précisément la capacité des pays de le faire à l'échelle nationale et de surmonter les contraintes de capacité qui sont monnaie courante dans les soins primaires dans tous les pays. Il peut également y avoir des contraintes juridiques dans certains pays, comme vous l'avez mentionné, mais il y a des contraintes de capacité pratiquement partout en ce qui a trait aux soins primaires.

Il y a également des lacunes sur le plan de la sensibilisation des médecins de première ligne en ce qui a trait à la valeur potentielle de certaines interventions. Cela s'applique à l'alimentation, à l'activité physique ainsi qu'à d'autres comportements, comme la consommation nocive d'alcool. Les médecins de première ligne ne comprennent pas toujours qu'accorder plus de temps aux patients et les conseiller sur leur style de vie est au moins aussi important que s'occuper des problèmes de santé que leurs patients leur rapportent.

En ce qui concerne ces problèmes, j'ai bien peur qu'aucun pays n'ait réussi à mener de tels programmes à plus grande échelle. Certains pays ont essayé d'offrir des mesures incitatives et même des mesures incitatives pécuniaires aux médecins pour le faire, mais je dois avouer que les faits probants qui témoignent du succès de ces programmes sont très limités.

L'étiquetage des aliments et les règlements sur la publicité entourant les aliments font vraiment moins bonne figure que d'autres interventions pour ce qui est des effets qu'elles peuvent engendrer, comme vous pouvez le voir dans ce classement. Nous savons que les gens réagissent à ces interventions seulement dans une certaine mesure.

Je devrais probablement traiter séparément de ces interventions, parce que le problème des règlements sur la publicité est qu'ils s'adressent principalement aux enfants. Les pays qui ont adopté jusqu'à présent des règlements sur la publicité mettent l'accent sur la publicité entourant les aliments potentiellement mauvais pour la santé. Ces interventions prennent extrêmement longtemps avant de produire des effets visibles sur la population pour ce qui est de la réduction des taux de maladies chroniques et de l'amélioration de la santé de la population. Il y a énormément d'incertitude, à savoir si les bienfaits de la réduction de l'exposition durant l'enfance portent leurs fruits à l'âge adulte.

L'étiquetage des aliments est une autre question. Je crois que nous expérimentons encore avec différentes approches en la matière. Il y a des données probantes qui ont démontré l'efficacité de certains types d'étiquetage, mais ce n'est pas le cas de tous les types. Nous ne pouvons pas encore dire ce que l'étiquetage des aliments peut nous permettre d'accomplir.

Le Canada a beaucoup mis l'accent — peut-être plus que d'autres pays — sur des programmes à participation volontaire, comme l'ajout de pictogrammes indiquant un aliment sain sur certains produits, dont l'efficacité a été prouvée dans certaines études à petite échelle, mais leur efficacité à améliorer la santé de la population à grande échelle n'a pas encore été démontrée.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup. Dans votre présentation, vous avez dit que le Canada faisait partie des pays qui arrivaient en haut de la liste. Je préférerais que vous disiez que le Canada accuse l'un des pires bilans en la matière, parce que nous aimons être les premiers, mais pas dans ce domaine.

Pourriez-vous nous donner des exemples? Vous avez dit que l'imposition de taxes sur les boissons sucrées est complexe et que le régime doit être soigneusement conçu. Pourriez-vous nous donner des exemples ou nous donner des pays qui l'ont fait efficacement? Pourriez-vous nous dire les aspects sur lesquels nous devrions nous pencher?

M. Sassi : Oui. Les taxes sur les boissons sucrées sont probablement l'intervention dans le domaine de l'obésité qui est la plus débattue en ce moment, et c'est le cas depuis quelques années. Il y a eu une polarisation des opinions. Les partisans de l'imposition d'une taxe sur les boissons sucrées ont probablement des attentes trop élevées; d'autre part, certains avancent que de telles taxes ne sont pas toujours justifiées.

En gros, le problème principal est ce qui peut être fait. Nous avons suffisamment de données probantes pour dire que l'imposition d'une taxe sur les boissons sucrées peut certainement contribuer à réduire la consommation de sucre. Les récents travaux de l'OMS et les lignes directrices qui ont donné naissance à un cadre officiel démontrent notamment que la consommation de sucre a contribué à l'épidémie d'obésité et que sa réduction contribue à prévenir à long terme certaines conséquences des maladies liées à l'obésité.

Il ne fait aucun doute que l'imposition d'une taxe peut être un moyen efficace d'améliorer la santé de la population. Les critiques tournent autour des effets régressifs des taxes, ce qui est clairement une préoccupation pour bon nombre de pays, particulièrement en temps de crise, avec l'augmentation du taux de chômage, d'autant plus que nous savons que bon nombre de personnes qui consomment beaucoup de boissons sucrées sont souvent issues des classes sociales les plus désavantagées.

Les effets régressifs des taxes doivent être mis en perspective. Proportionnellement, les gens de diverses classes sociales sont touchés différemment sur le plan financier par l'imposition d'une taxe sur les boissons sucrées; en fait, cela touche 10 fois plus les citoyens de la classe inférieure que les citoyens de la classe supérieure. Cela veut dire, en gros, que les gens de la classe inférieure assument un fardeau fiscal 10 fois plus lourd que les gens de la classe supérieure.

Cependant, ce n'est peut-être pas aussi inquiétant que cela peut sembler l'être si nous examinons les chiffres. Au moins une étude américaine a révélé que ce rapport de 1 pour 10 représente en fait 19 et 23 $ par année. Il y a donc une différence de 4 $ par année entre ce que paient les ménages à revenu faible et les ménages à revenu élevé en taxes sur les boissons sucrées, selon une simulation. Bref, il s'agit d'une mesure régressive, mais c'est une mesure qui a des conséquences relativement limitées sur les finances des ménages.

L'autre question est de déterminer ce que les gens boiront à la place. S'ils arrêtent de boire des boissons sucrées, que boiront-ils à la place? C'est une question importante à laquelle aucun pays n'a été en mesure de répondre complètement, parce que l'imposition d'une taxe sur les boissons sucrées qui a été pensée et mise en œuvre dans différents pays est en fait appliquée à différents groupes de produits; donc, l'imposition d'une taxe et, par conséquent, l'augmentation des prix entraînent diverses substitutions.

Par exemple, la France a décidé de taxer les boissons gazeuses, les boissons sucrées et les boissons artificiellement sucrées, ce qui signifie que les boissons artificiellement sucrées n'ont pas pu se substituer aux boissons sucrées ou que les gens n'ont pas vraiment été incités à le faire.

D'autres pays, comme le Mexique, ont décidé d'imposer une taxe seulement sur les boissons sucrées. C'est le dernier pays à avoir imposé une telle taxe. Nous nous attendons à ce que les gens remplacent les boissons sucrées par des boissons artificiellement sucrées, même si des données sur les effets de la taxe au Mexique ne sont pas encore disponibles.

L'établissement de la base d'imposition dans un tel cas est extrêmement important. Le taux de la taxe est également extrêmement important, parce que le taux doit être suffisamment élevé, si nous voulons que cela ait des effets importants sur la population.

Nous savons que la demande pour de nombreuses denrées, comme les boissons gazeuses, est souvent inélastique — c'est ce que les économistes disent —, ce qui signifie que les gens modifient très peu leur consommation en fonction de l'augmentation des prix. Si nous voulons modifier concrètement la consommation de certains produits, nous devons imposer une taxe élevée, mais ce ne sont pas tous les pays qui sont en position ou qui ont la volonté politique de le faire.

La sénatrice Raine : D'après vous, quel est le pays qui est très efficace en la matière et qui réussit à atteindre un certain équilibre entre une taxe suffisamment élevée pour modifier les comportements et l'imposition d'une taxe seulement sur les boissons sucrées?

M. Sassi : La Hongrie fait un bon travail à bien des égards. Des premières évaluations ont été réalisées sur les taxes imposées en Hongrie sur les boissons sucrées et d'autres produits. Ces taxes sont imposées sur des produits qui sont jugés moins sains, et cela semble être efficace, selon les premières évaluations. La Hongrie a également réservé une partie des recettes tirées de la taxe pour financer des activités liées aux soins de santé. La taxe a donc une valeur ajoutée du point de vue des soins de santé, ce qui n'est pas commun ailleurs.

Le Mexique sert de modèle à bien d'autres pays. Comme je l'ai mentionné, nous attendons avec impatience les résultats des premières évaluations de l'expérience mexicaine. Les autorités mexicaines ont imposé une taxe sur les boissons sucrées et les grignotines. Bref, cela vise les aliments riches en calories et faibles en nutriments, ce qui est potentiellement une combinaison intéressante de mesures fiscales en vue de prévenir l'obésité, mais je rappelle que nous attendons toujours les résultats des évaluations.

La sénatrice Raine : Savez-vous si les Américains envisagent sérieusement une telle intervention?

M. Sassi : Il y a des autorités locales qui le font. Berkeley a approuvé l'imposition d'une taxe sur les boissons gazeuses. Ailleurs, particulièrement en Californie, de nombreux référendums ont eu lieu pour se prononcer sur l'imposition d'une taxe sur les boissons sucrées. À ma connaissance, Berkeley est la première ville à avoir adopté une telle taxe.

Sur la scène nationale, les discussions semblaient sérieusement s'en aller vers l'adoption d'une taxe lorsque les Américains débattaient de l'Affordable Care Act, soit immédiatement après l'élection du président Obama, mais la proposition a été abandonnée et n'a pas été ressuscitée depuis. Je ne crois donc pas que nous devrions sérieusement nous attendre à ce qu'une taxe fédérale soit imposée aux États-Unis à court terme.

La sénatrice Nancy Ruth : J'aimerais continuer de parler de l'imposition d'une taxe. Vous avez dit dans votre document que le Danemark a imposé une taxe sur les aliments riches en graisses saturées et que cela s'est soldé par un échec. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi cela n'a pas fonctionné au Danemark et nous donner des exemples d'endroits où cela ne fonctionne pas? Pourriez-vous nous dire le taux de la taxe sur les boissons sucrées qui est imposée à Berkeley, en Californie et ailleurs?

M. Sassi : Je ne connais pas tous les taux de taxation en vigueur, mais je peux vous en parler un peu dans un instant. Je vais d'abord parler de la situation du Danemark.

L'exemple du Danemark n'est pas vraiment un exemple d'échec. Je crois que nous pourrions le décrire comme un échec politique, parce que le gouvernement a mis en place la mesure, mais il l'a annulée après seulement un an.

En ce qui concerne les effets sur la santé de cette taxe, c'était largement considéré comme une taxe efficace. C'est un exemple unique. Le Danemark a fait preuve d'une grande bravoure en essayant d'imposer une taxe sur les graisses saturées, qui sont depuis longtemps considérées comme l'une des principales causes d'obésité et de mauvaise santé, en particulier sur le plan de la santé cardiovasculaire. C'est une taxe difficile à mettre en œuvre, parce que les graisses saturées sont présentes en quantité différente dans bon nombre d'aliments. L'établissement d'un système qui cible des aliments riches en graisses saturées n'était pas chose facile à faire pour le ministre des Finances du Danemark.

Les autorités danoises ont été en mesure de mettre en place un système qui était raisonnablement bien conçu, et la taxe était très efficace, comme je l'ai déjà mentionné. Toutes les évaluations ont montré que la consommation de graisses saturées avait diminué et que la santé s'était améliorée. Certaines évaluations ont récemment tenu compte des résultats sur la santé et ont montré une amélioration.

Par la suite, le gouvernement a changé, ce qui n'est évidemment pas anodin. L'opposition de l'industrie des aliments était forte. L'opposition dans les médias a fait en sorte que la population s'est finalement tournée contre la taxe. Il y a eu des affirmations qui étaient, à certains égards, trompeuses quant au commerce transfrontalier et aux gens qui se rendaient en Allemagne pour acheter des aliments riches en graisses saturées. Tout cela a contribué à forcer la main du gouvernement qui a évalué que la taxe n'était plus politiquement rentable et a décidé de l'éliminer.

Comme je l'ai dit, toute l'information et toutes les données probantes qui existent sur les effets sur la santé de cette taxe sont positives. Les recettes générées par l'entremise de cette taxe étaient assez importantes. Elles étaient en fait plus élevées que certaines taxes sur l'alcool au Danemark, et le ministre des Finances l'avait très précisément prévu. Bref, l'imposition de la taxe a très bien été planifiée.

Le problème des taxes sur les boissons sucrées en vigueur actuellement, c'est que les taux ne sont pas particulièrement élevés. Les économistes qui se penchent sur les conséquences de ces taxes critiquent notamment cet aspect.

Par exemple, la taxe imposée ici en France est ridiculement basse. Elle est tellement basse que cela a probablement seulement une infime incidence, voire aucune incidence, sur la quantité de boissons sucrées que les gens consomment. Des groupes de pression ont également critiqué la taxe mexicaine qu'ils considèrent comme trop basse. Je crois que la taxe qui a été approuvée à Berkeley est de 1 cent l'once. C'était ce qui était aussi préconisé sur la scène fédérale dans les discussions dont j'ai parlé plus tôt dans le cadre de l'approbation de l'Affordable Care Act. Lorsque les discussions étaient rendues aux éléments fondamentaux de la taxe, il était question d'une taxe de 1 cent l'once. Cela a un plus grand effet sur le prix à la consommation, et c'est suffisamment élevé pour avoir une incidence sur la santé des gens.

La sénatrice Nancy Ruth : L'industrie alimentaire participait-elle à l'expérience danoise lorsque cette taxe a été instaurée? Vous avez parlé d'une campagne médiatique et d'un changement d'orientation politique, mais si j'étais un fabricant de produits alimentaires et que je voyais ma clientèle se tourner vers l'Allemagne, j'essaierais de réagir. Connaissez-vous les rapports que le gouvernement entretenait avec l'industrie alimentaire avant de proposer cette politique?

M. Sassi : Je ne crois pas que l'industrie alimentaire ait été consultée au sujet de cette politique. Si elle l'avait été, elle s'y serait probablement opposée. De toute évidence, l'industrie alimentaire fait campagne contre les taxes sur les aliments. Leur argument principal est que cela risque de fausser la compétition en ciblant injustement certains aliments et pas d'autres. Dans le cas du Danemark, les fabricants ont argué que les gens traversaient la frontière pour faire leur épicerie. Il n'y avait pas grand-chose pour appuyer cette affirmation, mais c'était le genre de propos qui font les manchettes et qui réussissent à influencer l'opinion publique.

Dans cette Europe préoccupée par les pertes d'emploi et la lenteur de la reprise économique, il ne fait aucun doute qu'une telle affirmation a pris beaucoup de place dans le débat public.

La sénatrice Nancy Ruth : À l'OCDE, avez-vous vu quoi que ce soit indiquant que les fabricants de boissons et les fabricants de produits alimentaires avaient l'intention de diminuer l'apport de sucre et de lipides dans leur production?

M. Sassi : Il y a de nombreux exemples. Sans nommer de sociétés particulières, je crois que tous les producteurs de boissons sucrées ont récemment accru leurs investissements dans des édulcorants de rechange, et de nombreux produits ont été lancés pour remplacer les boissons sucrées habituelles.

Comme je l'ai déjà dit, en principe, nous aimerions voir les gens délaisser les boissons sucrées pour d'autres types de boisson qui n'en contiennent pas. Mais l'Organisation mondiale de la Santé ne recommande pas de remplacer les boissons sucrées par des boissons sucrées artificiellement, car l'innocuité et les effets à long terme de ces boissons sont encore très incertains.

Je ne suis pas un expert en la matière; je ne suis pas un diététicien. Je crois toutefois qu'il y a beaucoup de preuves qui indiquent que les édulcorants artificiels augmentent le besoin de manger du sucre chez les consommateurs. Par conséquent, il se peut qu'ils aient l'effet contraire en ce qui concerne la consommation de sucre en général. On se pose encore de sérieuses questions sur le bien-fondé d'inciter les gens à passer des boissons sucrées aux boissons sucrées artificiellement.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup, monsieur Sassi.

J'aimerais vous poser des questions au sujet des bases sur lesquelles reposent certaines des preuves et des mesures que vous nous avez présentées. Plus précisément, pouvons-nous examiner les figures 4 et 5 de votre document?

J'aimerais savoir à quel type d'études vous avez eu recours pour les interventions en matière de prévention. Vous faites état d'interventions en milieu scolaire, de campagnes médiatiques de masse, de publicité alimentaire et d'une série d'autres interventions, mais avez-vous fait un classement de certains types d'études? Si c'est le cas, à combien d'études avez-vous eu recours en tout pour toutes ces interventions?

M. Sassi : L'approche dont s'est servie l'OCDE — notamment en ce qui concerne l'obésité — a été conçue dans le cadre d'un partenariat très serré avec l'Organisation mondiale de la Santé. Le travail a été réalisé à partir de modèles de simulation informatisés.

Essentiellement, l'Organisation mondiale de la Santé et nous avons mis au point un modèle de simulation nous permettant de reproduire l'épidémiologie du régime alimentaire, de l'exercice physique et de l'obésité et d'examiner l'incidence de ces facteurs sur les maladies qui leur sont associées dans des populations données. Puis nous avons testé l'effet que différents politiques pourraient avoir sur les facteurs de risque et les maladies liées à l'obésité.

Les politiques sont choisies en fonction du poids des éléments de preuve concernant leurs effets. Nous avons choisi les interventions pour lesquelles les éléments de preuve étaient les plus forts, pour lesquelles il y avait un grand nombre d'études fondées sur une méthode particulièrement rigoureuse. Nous avons complètement passé en revue les preuves disponibles concernant les effets sur le comportement de chacune des interventions reprises à la figure 4. Nous avons évalué l'impact que ces interventions pourraient avoir à l'échelle de la population et les changements qu'elles pourraient provoquer chez les individus en ce qui a trait, par exemple, aux habitudes alimentaires, à l'exercice physique et aux maladies.

La sénatrice Seidman : En un mot, vous avez fait une simulation informatisée, c'est bien cela? J'essaye de comprendre.

M. Sassi : C'est exact.

La sénatrice Seidman : La simulation est fondée sur l'examen des études parues dans ces pays, est-ce exact? Il s'agit d'articles évalués par des pairs et d'études cliniques diverses qui ont été classifiées? En d'autres mots, il s'agit d'une méta-analyse, ou de quelque chose du genre. Les méthodes dont vous vous servez sont évidemment les mêmes pour toutes les études, tous les résultats catégorisés et toutes les autres choses de cette nature, c'est bien cela?

M. Sassi : Oui, tout à fait.

La sénatrice Seidman : Comment mesurez-vous les années passées en bonne santé?

M. Sassi : Les années passées en bonne santé sont une simplification pour éviter d'utiliser l'acronyme de l'Organisation mondiale de la Santé, nommément les AVAI, pour années de vie ajustées en fonction de l'incapacité. J'ai présumé que les gens ne sauraient pas ce que sont les AVAI, alors je ne les ai pas utilisées. Mais c'est ce que nous mesurons. Cette mesure reconnue a été conçue dans les années 1990 par l'Organisation mondiale de la Santé et la Banque mondiale pour rendre compte de la charge mondiale de morbidité.

Nous l'utilisons comme résultat mesurable dans le cadre de nos analyses sur l'efficacité et le coût-efficacité des politiques proposées pour subjuguer l'obésité. La mesure allie l'espérance de vie et les degrés d'incapacité associés aux maladies qui peuvent être liées à l'obésité. En substance, c'est une façon de combiner la mobilité et la mortalité en une seule mesure.

La sénatrice Seidman : J'imagine que les mesures financières auxquelles vous faites allusion dans cette même figure concernent les taxes, ce genre de choses dont nous parlions tout à l'heure. S'agit-il effectivement de mesures fiscales?

M. Sassi : Absolument. C'est une combinaison de choses. Dans cette analyse particulière, nous avons testé une combinaison de taxes et de subventions. La taxe serait sur les aliments riches en lipides et la subvention s'appliquerait aux fruits et aux légumes.

Dans les deux cas — de la taxe ou de la subvention —, nous avons présumé que le changement de prix serait de 10 p. 100; le prix des aliments riches en lipides augmenterait de 10 p. 100 et celui des fruits et légumes diminuerait de 10 p. 100. Selon les données probantes dont nous disposons, cela modifierait la consommation de 2 p. 100, d'un côté comme de l'autre.

La sénatrice Seidman : Merci.

À la figure 5, vous faites état des répercussions économiques des programmes de prévention au Canada, et vous évaluez le coût net des différents moyens en retranchant les coûts sur le plan de la santé des coûts de l'intervention proprement dite. Comment mesurez-vous les coûts des interventions et les coûts sur le plan de la santé?

M. Sassi : La figure 5 est importante, car elle montre que la prévention n'est pas toujours financièrement rentable, ce qui va à l'encontre de ce que beaucoup de gens croient. Il est vrai que quantité de gens ont des attentes considérables à l'égard de la prévention. Ils croient que le fait d'empêcher les maladies de se manifester contribuera à réduire les coûts en santé de façon considérable.

Mais dans les faits, les coûts ne sont réduits que dans une certaine mesure. Les bandes rouges qui sont sous l'axe des abscisses correspondent à la taille des réductions des dépenses en santé qui peuvent être réalisées grâce à la mise en œuvre des interventions énumérées sous le graphique. Pour répondre à votre question, les économies réalisées dans les dépenses en matière de santé sont fonction des réductions des coûts des traitements pour les maladies associées à l'obésité.

Par exemple, si nos efforts pour réduire le taux d'obésité nous permettent d'éviter un infarctus du myocarde ou un cancer, les dépenses liées à ces deux affections sont comptées comme une réduction des dépenses en matière de santé. Le caractère opportun du modèle de simulation que nous utilisons ne s'arrête pas là; la vie de la personne continue après la prévention de l'affection. Cette personne se retrouvera avec la même affection ou une nouvelle maladie un peu plus tard dans sa vie.

Cela signifie que l'incidence sur le budget en matière de santé sera beaucoup plus limitée que la simple suppression du coût de traitement initial que l'intervention a permis d'éviter.

C'est pourquoi la taille de ces barres rouges — l'ampleur des économies réalisées dans le domaine de la santé — est relativement modeste, surtout par rapport au coût de la mise en œuvre de ces interventions, qui correspond aux barres bleues que vous voyez. Il s'agit essentiellement des coûts associés à la prestation des programmes qui figurent ici.

De toute évidence, le counseling offert par les médecins et les diététiciens dans un cadre de soins primaires représente de loin le programme le plus coûteux, car nous devons tenir compte du temps que le médecin passe avec le patient ainsi que du temps nécessaire pour déterminer quels patients peuvent en bénéficier. D'autres interventions, comme les mesures budgétaires ou les campagnes de sensibilisation dans les médias, ont un coût de mise en œuvre relativement moins élevé parce qu'elles nécessitent passablement moins de ressources.

La sénatrice Seidman : Donc, dans les faits, l'intervention la plus efficace que vous avez décrite, à savoir le counseling offert par les médecins et les diététiciens, procure le plus grand nombre d'années de vie en bonne santé et présente le coût le plus élevé.

M. Sassi : Tout à fait, oui.

Il est important et nécessaire de ne pas mélanger deux concepts distincts. Le premier consiste à déterminer si les interventions permettent de réaliser des économies. Dans le domaine de la prévention de l'obésité, ce n'est le cas que d'un très petit nombre d'interventions. Dans ce tableau, seules les mesures budgétaires, et peut-être l'autoréglementation de la publicité sur les aliments, permettent d'économiser de l'argent, mais toutes les autres mesures ont un coût de mise en œuvre supérieur aux économies réalisées dans le domaine de la santé; elles coûtent donc de l'argent. La mise en œuvre de ces mesures a un coût net.

Un concept distinct consiste à déterminer si ces interventions sont rentables, s'il s'agit d'un bon usage de l'argent dépensé. Toutes ces interventions offrent un très bon rapport qualité-prix. Elles sont toutes rentables. Même le counseling offert par les médecins et les diététiciens, en dépit de son coût relativement élevé par comparaison à celui d'autres interventions, a un très bon rapport coût-efficacité lorsque nous le mettons en parallèle avec d'autres soins de santé qui nous semblent tout à fait acceptables sur le plan financier.

La sénatrice Seidman : Vous êtes en train de répondre à ma prochaine question, ce qui est très aimable. J'aimerais vous parler du rapport coût-efficacité. En fait, vous affirmez que l'OCDE a estimé en 2010 que le coût d'un train de mesures complet pour contrer l'obésité au Canada serait de 33 dollars canadiens. Ce train de mesures me semble avoir un excellent rapport coût-efficacité. Pouvez-vous me dire ce que vous entendez par là? De quel ensemble complet de mesures parlez-vous, et comment en arrivez-vous au montant de 33 dollars canadiens?

M. Sassi : En gros, le montant de 33 dollars canadiens représente la somme des coûts associés aux barres bleues que vous voyez à la figure 5. De toute évidence, il s'agit de 33 $ par personne, tandis que les coûts indiqués à la figure 5 représentent le total des dépenses assumées par l'ensemble de la population du Canada.

Le train de mesures comprend certaines des interventions individuelles énumérées aux figures 4 et 5. Si je me souviens bien, nous avons une campagne publicitaire, une intervention en milieu scolaire, des mesures budgétaires et le counseling offert par les médecins et les diététiciens. C'est un agencement de ces mesures conçu de manière à couvrir le plus large éventail possible de segments de population. Ces mesures touchent manifestement des personnes de tous âges et de diverses conditions sociales. Nous avons donc tenté de mettre au point un train de mesures qui couvre le plus large éventail possible de segments de population et qui touche le plus grand nombre de personnes possible.

La sénatrice Seidman : Essentiellement, toute l'information que vous nous avez fournie provient d'analyses et de modèles de simulation informatique, n'est-ce pas?

M. Sassi : En effet. Il n'existe aucun moyen d'estimer empiriquement les répercussions de mesures comme celles qui sont énumérées ici. On n'a aucun moyen d'observer les répercussions qu'elles auront dans 20 ou 30 ans et qui peuvent être confondues avec de nombreux facteurs, y compris les comportements et les facteurs environnementaux. Il est donc nécessaire d'utiliser des modèles informatiques.

Nous devons évidemment commencer par des études empiriques qui nous indiquent l'efficacité de ces mesures en vue de changer les comportements individuels, ce qui peut être évalué empiriquement à court terme. Si nous voulons prévoir leurs répercussions sur l'ensemble de la population, nous avons ensuite besoin de modèles de simulation informatique.

La sénatrice Seidman : Oui, merci. Je comprends les explications que vous nous avez données. C'était très utile.

La sénatrice Merchant : Merci, monsieur Sassi. Je regarde la figure 1 dans votre rapport, celle qui porte sur la prévalence de l'obésité chez les adultes des pays de l'OCDE.

Dans le tableau que vous nous avez donné, les données sont autodéclarées plutôt que mesurées. J'aimerais savoir exactement ce que vous entendez par « autodéclarées ». À quel point est-ce fiable? Vous avez donné une très mauvaise note au Canada, mais je vois que les pays qui font mauvaise figure au bas du tableau ont des « données mesurées », tandis que ceux qui s'en sortent bien ont des données « autodéclarées ». Qu'entendez-vous par « autodéclaré »? À quel point est-ce fiable?

M. Sassi : C'est un très bon point.

Les indices de masse corporelle autodéclarés proviennent d'entrevues qui sont généralement menées dans le cadre d'enquêtes pendant lesquelles on demande aux gens leur taille et leur poids. On sait que les gens font de fausses déclarations à ce sujet. Il est notamment prouvé que les femmes minimisent leur poids et que les hommes exagèrent leur taille. Plusieurs rapports ont clairement démontré des tendances.

Les États-Unis sont un des pays qui ont effectué de multiples enquêtes pendant lesquelles on a mesuré et demandé la taille et le poids des gens. La comparaison directe entre les données mesurées et les données autodéclarées dans une même enquête indiquent clairement qu'il y a un écart.

L'écart est raisonnablement uniforme dans la plupart des pays, et c'est la raison pour laquelle, à la figure 2, nous indiquons la progression du taux d'obésité au Canada à l'aide de données autodéclarées, car nous ne nous attendons pas à ce que le biais des données autodéclarées change au fil du temps. Nous pouvons au moins avoir une bonne idée de la façon dont les taux d'obésité augmentent avec le temps, voire la véritable prévalence de l'obésité.

En fait, vous pouvez voir ici que, en 2011, selon les données autodéclarées au Canada, le taux d'obésité au pays était inférieur à 20 p. 100 — il était d'environ 18 p. 100 —, alors que nous savons qu'il était d'environ 24 p. 100 à l'époque. On le sous-estime d'à peu près 6 points de pourcentage à l'échelle nationale. À n'en pas douter, ce chiffre s'applique aussi aux autres pays. Hypothétiquement, si nous avions mesuré les données pour tous les autres pays que vous voyez à la figure 1, je pense qu'il y en aurait relativement peu qui dépasseraient le Canada au classement.

Lorsque nous regardons le taux d'obésité chez les enfants, que nous avons mesuré dans pratiquement tous les pays de l'OCDE — parfois pour différents groupes d'âge —, le Canada occupe encore un des premiers rangs au classement. Je crois qu'il est assez juste de dire que le Canada est un des pays dont le taux d'obésité est le plus élevé, et ce, malgré le bon point que vous avez soulevé, qui est certainement valable, voulant que les pays au taux plus faible aient tendance à avoir des indices de masse corporelle autodéclarés, pas mesurés.

La sénatrice Merchant : Il est également intéressant de voir que trois des cinq pays dont le taux d'obésité figure parmi les plus élevés sont en Amérique du Nord. Il s'agit du Mexique, du Canada et des États-Unis, qui sont suivis de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. C'est intéressant.

De plus, au haut du tableau, avec la plus faible prévalence — beaucoup plus faible —, il y a des pays asiatiques et des pays d'Extrême-Orient. Est-ce une question d'habitudes alimentaires? Que déduisez-vous de tout le travail que vous faites? Que pouvez-vous nous dire d'instructif? Nous nous penchons également sur ce qui explique l'obésité. Pouvons-nous en déduire quelque chose? Les pays européens sont vraisemblablement tous au centre.

Est-ce attribuable aux programmes gouvernementaux? Est-ce dû aux habitudes alimentaires des gens? Êtes-vous en mesure de tirer des déductions à partir de ces données?

M. Sassi : Ce que nous savons, c'est que les programmes ont une influence plutôt limitée sur les différences observées d'un pays à l'autre. Je ne pense pas que quoi que ce soit dans les politiques de ces pays justifie leur rang ou leur classement dans cette liste.

Nous savons que ce que nous appelons l'« environnement obésogène » — ce terme est maintenant employé couramment — est la principale cause de l'obésité. L'évolution de l'environnement technologique et social et des choix alimentaires constitue sans aucun doute l'élément déterminant du développement de l'épidémie d'obésité. Dans les pays nord-américains et les pays anglo-saxons, il y a certainement quelque chose dans ce genre de changements environnementaux qui a rendu l'obésité particulièrement probable et fait en sorte que le taux augmente plus rapidement depuis 20 ou 30 ans.

Il faut tenir compte de divers éléments. Le taux d'obésité des pays asiatiques est effectivement plus faible. Le Japon et la Corée, comme vous pouvez le voir à la figure 1, ont des taux calculés à partir de données mesurées. Il n'en demeure pas moins que ces taux sont très faibles — à peu près de 4 p. 100. Cependant, dans ces pays, on a démontré que le seuil à partir duquel une masse corporelle élevée est associée à un risque supérieur de maladie est beaucoup plus faible que dans les pays occidentaux.

On a soutenu, y compris à l'OMS, que les seuils d'indice de masse corporelle servant à définir l'obésité devraient être inférieurs dans les pays asiatiques, ce qui rendrait probablement le taux de ces pays semblable à la moyenne de l'OCDE, voire à celui des pays aux taux les plus élevés.

Pour ce qui est de l'Europe, le biais des données autodéclarées pose effectivement problème. De nombreux pays européens se trouvent au milieu de ce classement tout simplement parce qu'ils n'ont pas de bonnes données. Des pays comme la France, par exemple — où je me trouve actuellement —, ou l'Italie continuent de déclarer de faibles taux d'obésité, mais des études menées à l'échelle régionale ont montré que les taux d'obésité mesurés sont beaucoup plus élevés que ceux que l'on considère encore comme étant valables à l'échelle nationale.

Il faut tenir compte de divers contextes nationaux, mais je crois que la différence d'environnement dans lequel les gens font des choix liés à l'activité physique et à la consommation d'aliments en Amérique du Nord et dans les pays anglo-saxons constitue la principale raison pour laquelle les taux d'obésité y sont plus élevés.

La sénatrice Merchant : Pouvez-vous nous dire si les enfants obèses deviennent des adultes obèses? Y a-t-il la moindre indication que les enfants obèses peuvent surmonter ce problème? Avez-vous quelque chose à nous dire à ce sujet?

Nous nous sommes beaucoup attardés aux enfants et à la façon dont nous pouvons les aider au début de leur vie en incitant les gens à adopter un mode de vie qui n'entraînera pas de problèmes de santé ni de problèmes liés à l'obésité et à tout ce qui s'y rapporte.

M. Sassi : On a établi depuis longtemps un lien clair entre l'obésité chez les enfants et l'obésité chez les adultes, et ce lien demeure valable. On a également démontré qu'il est possible de prévenir l'obésité chez les adultes à l'aide d'interventions adéquates visant à réduire le taux d'obésité chez les enfants.

Il faut évidemment que des mesures soient prises pour s'assurer que les changements apportés au mode de vie des enfants à l'aide d'interventions sont ensuite maintenus au fil du temps lorsqu'ils grandissent et deviennent des adultes, car c'est le point faible des interventions essayées jusqu'à maintenant, notamment les interventions en milieu scolaire. Elles sont efficaces pendant les années où les enfants fréquentent l'école et sont exposés aux programmes, mais les enfants reprennent souvent leurs vieilles habitudes par la suite.

Il faut mettre des mesures en place pour assurer la durabilité de ces changements. C'est une exigence essentielle pour que l'obésité infantile ne persiste pas à l'âge adulte.

La sénatrice Frum : Merci beaucoup, monsieur Sassi.

Dans votre exposé, vous avez dit qu'au Canada, le taux d'obésité est plus élevé chez les garçons que chez les filles. Il n'est donc pas étonnant que cette statistique se traduise par un taux d'obésité plus élevé chez les hommes que chez les femmes. Si cela commence dès l'enfance, pourquoi davantage chez les garçons? En avez-vous une idée?

M. Sassi : C'est une question à laquelle il est très difficile de répondre. J'ai attiré votre attention sur ce constat parce que c'est inhabituel. Évidemment, cela varie d'un pays à l'autre, mais en général, ce sont les femmes qui ont un taux plus élevé d'obésité dans les pays de l'OCDE, alors que les hommes ont plus tendance à faire de l'embonpoint.

Au Canada, c'est l'inverse. Il est très difficile d'expliquer cette tendance. Je ne peux vous donner d'explication. Nous savons notamment qu'il existe un lien entre le statut socioéconomique et l'obésité, et qu'il diffère chez les hommes et les femmes. Nos statistiques sur les disparités sociales relatives à l'obésité montrent très clairement qu'il y a un fort gradient social chez les femmes. Celles qui sont moins instruites et dont le statut socioéconomique est inférieur sont beaucoup plus susceptibles de souffrir d'obésité que celles qui sont plus instruites et mieux nanties. On n'observe pas toujours ce gradient chez les hommes. Même lorsqu'il est présent, il est très minime.

Encore une fois, c'est différent au Canada. Les hommes et les femmes ont presque le même gradient, comme on le voit à la figure 3 de mon mémoire. Comme vous le voyez, le gradient est assez évident, et il indique que les hommes et les femmes ayant un niveau d'éducation et un statut socioéconomique inférieurs sont 1,5 fois plus susceptibles de souffrir d'obésité que les hommes et les femmes ayant un niveau d'éducation et un statut socioéconomique supérieurs. Encore une fois, c'est inhabituel.

Il est possible qu'au Canada, il y ait plus de travailleurs dans des professions manuelles liées à des niveaux plus élevés d'obésité, ce qui a une incidence sur la proportion globale d'hommes souffrant d'obésité par rapport aux autres pays. La différence semble se limiter au groupe d'hommes ayant un statut socioéconomique inférieur. Mais nous ne connaissons pas les raisons qui expliquent cette tendance.

La sénatrice Frum : C'est un casse-tête intéressant.

Pour revenir à la proposition de politique visant à taxer les boissons sucrées, j'ai devant moi une revue sur la nutrition dans laquelle un tableau présente la quantité de sucre que l'on trouve dans diverses boissons. Il y a plus de sucre, en grammes par litre, dans le jus de pommes pur à 100 p. 100 Minute Maid que dans les boissons gazeuses Pepsi, Coke, Dr. Pepper et Arizona Iced Tea. Comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, la recommandation n'est peut-être pas censée viser un type de boissons, comme les boissons gazeuses, mais plutôt la quantité de sucre que contient une boisson, que ce soit un jus ou une boisson gazeuse. Est-ce la façon dont nous devrions aborder la question?

M. Sassi : C'est un excellent point. Récemment, l'OMS a clairement indiqué dans ses lignes directrices que c'est la quantité de sucres libres que nous consommons qui a une incidence. Les jus de fruits contiennent beaucoup de sucre, même s'ils proviennent de fruits et même s'ils n'ont pas de sucre ajouté. La question des produits de substitution est cruciale. Si nous imposons des taxes, nous devrons être prudents dans la façon dont nous définirons les types de produits qui seront taxés, car cela aura une incidence sur ce que choisiront les gens comme produits de substitution. Nous pourrions voir beaucoup de gens se tourner vers les jus de fruits, qui ne sont pas recommandés par l'OMS. Les fruits sont certes une partie très importante de notre alimentation, et nous devrions en consommer plus, mais les jus de fruits sont différents. Si nous ne planifions pas correctement l'imposition de ces taxes, nous préviendrons les effets nocifs d'un type de boisson tout en acceptant les effets nocifs d'un autre type de boisson.

La sénatrice Frum : Oui. On dit, dans cette revue, que toutes les écoles qui ont interdit les boissons gazeuses les ont remplacées par des jus de fruits, ce qui n'a pas du tout réglé le problème. On se fait donc des illusions; même s'il n'y a pas de taxes, ce n'est peut-être pas un « choix santé ». La prochaine grande question est la suivante : que devons-nous faire au sujet des jus de fruits? Vous en avez parlé, et je vous en remercie beaucoup.

La sénatrice Raine : Je vais poursuivre dans la même veine. Lorsque j'allais à l'école — il y a bien longtemps —, nous n'avions pas de machines distributrices dans nos écoles. Nous avions des abreuvoirs. Quand nous avions soif, nous allions boire de l'eau. Nous investissons beaucoup d'argent, au Canada, pour avoir accès à de l'eau potable propre directement à nos robinets et à nos abreuvoirs. Maintenant, tout à coup, tout ce qu'on boit provient d'une entreprise dont le modèle d'affaires est d'inciter les gens à consommer davantage leurs produits.

A-t-on réalisé des études au sujet des effets du marketing, de ce qui fait que nous voulons consommer des boissons offertes dans des contenants de plastique ou de verre plutôt que de boire de l'eau? Cela me préoccupe, car je crois que notre pays est probablement l'un des meilleurs au monde sur le plan de l'approvisionnement en eau potable; lorsque nous voulons boire de l'eau propre, il nous suffit d'ouvrir le robinet, et pourtant, nous encourageons la consommation d'eau en bouteille. Il y a quelque chose qui cloche, et je me demande si c'est seulement au Canada ou dans d'autres pays.

M. Sassi : Je crains que cela dépasse largement le Canada. La Ville de Paris et la Ville de Londres tentent d'inciter les gens à boire l'eau du robinet. Un conseil municipal est loin d'avoir autant de pouvoir pour faire la promotion de son eau potable que les grandes multinationales en ont pour faire la promotion de leurs produits, grâce à des campagnes beaucoup plus perfectionnées.

En un sens, il peut être utile que l'eau soit devenue un produit commercial, surtout parce que dans certains cas, les entreprises qui embouteillent l'eau sont aussi celles qui vendent les boissons gazeuses et les boissons sucrées. Par exemple, aux États-Unis, lorsque la première dame a lancé la campagne Drink Up, qui visait principalement à promouvoir la consommation d'eau plutôt que d'autres types de boissons, l'alliance — je crois qu'on l'appelle Partnership for a Healthier America, qui comprend des intervenants du milieu des affaires — a réussi à obtenir le soutien de l'industrie des boissons précisément grâce au commerce de l'eau en bouteille. En un sens, c'est une façon d'obtenir le soutien des entreprises pour cette campagne, ce qui peut certainement changer les choses. Lorsqu'on doit livrer concurrence à de grandes entreprises dans une campagne promotionnelle, la bataille est perdue d'avance, car comme je l'ai dit, un organisme public, un gouvernement ou un conseil municipal ne pourra jamais éclipser une entreprise privée dans une campagne promotionnelle ou médiatique.

Cela dit, il est clair qu'il y a beaucoup de possibilités de promouvoir la consommation d'eau potable, mais si ce n'est pas grâce à des campagnes promotionnelles, le seul autre incitatif, c'est le prix. Le seul autre moyen qui permettra aux gouvernements et aux organismes publics d'inciter les gens à consommer davantage d'eau potable, c'est de la rendre encore plus abordable qu'elle ne l'est actuellement. S'il est possible de démontrer que c'est un moyen efficace, il y aura peut-être davantage de gouvernements qui opteront pour cette solution, mais c'est très difficile.

La sénatrice Raine : J'ai toujours pensé que les compagnies de boissons gazeuses doivent faire partie de la solution, mais nous devrions probablement les pousser à reconnaître, à tout le moins, qu'elles font partie du problème, afin qu'elles contribuent plus directement à la solution. Elles ont la capacité de fournir des boissons saines à tous les habitants de la planète. Dans beaucoup de pays, il est difficile d'avoir accès à de l'eau potable, mais on peut toujours se procurer une boisson gazeuse. Il faut donc que les entreprises fassent partie de la solution.

Lorsqu'on reconnaît qu'il est nocif de consommer trop de calories, on constate, j'en conviens, qu'il est meilleur pour la santé de boire de l'eau que de boire des calories. J'ai trouvé intéressant d'apprendre que l'une des grandes compagnies — dont je ne consommais pas l'eau en bouteille parce que je savais qu'elle était déminéralisée — la commercialise maintenant comme une eau reminéralisée. Cela m'a intéressée.

Je vous remercie.

La sénatrice Merchant : Certains témoins ont formulé des critiques au sujet du Guide alimentaire canadien; ils ont dit qu'il est peut-être l'une des causes des problèmes liés à l'alimentation au Canada. Connaissez-vous le Guide alimentaire canadien? Comment se compare-t-il aux guides des autres pays de l'OCDE?

M. Sassi : Je me rappelle avoir examiné le Guide alimentaire canadien il y a quelque temps, quand nous avons effectué l'analyse sur le Canada. Il y a plusieurs guides alimentaires ou recommandations en matière d'alimentation qui peuvent être critiqués dans différents pays. Au sujet de ces guides et recommandations d'un pays à l'autre, je suis particulièrement frappé par leur tendance à se conformer à l'économie du pays. Essentiellement, les industries alimentaires dominantes dans ces pays influencent le contenu de ces guides, qui finissent par présenter un régime alimentaire axé davantage sur les aliments produits à l'échelle nationale. Voilà qui donne une bonne idée de la valeur de ces recommandations.

Je ne pense pas que le contenu de ces guides soit tellement important. De toute façon, très peu de gens les connaissent bien. Je crois que l'important, c'est de transmettre des messages très simples à un grand nombre de personnes d'une manière efficace afin qu'elles modifient leur comportement.

Il y a très peu de mesures incitatives que nous pouvons utiliser pour amener les gens à changer leur comportement. Nous pouvons notamment les sensibiliser et leur fournir de l'information. Cependant, comme nous venons de le dire, il se peut que dans certains cas, l'information fournie par les gouvernements soit en contradiction avec l'information fournie par l'industrie et d'autres parties concernées, ce qui crée de la confusion chez les consommateurs. Ils ne savent pas si certains aliments sont sains ou non, ils n'obtiennent jamais de réponses claires et, au bout du compte, ils ne changent pas leur alimentation. Ce risque est beaucoup moins grand en ce qui concerne les mesures d'incitation financière; elles ont cependant des limites, dont nous avons parlé et dont il faut tenir compte, en particulier sur le plan des produits de substitution.

Je pense qu'il est bien plus important de transmettre le message aux gens et de mettre en place des incitatifs clairs que d'examiner le contenu d'instruments complexes comme les guides alimentaires, que les gens ne connaîtraient pas bien de toute façon.

Le président : Monsieur Sassi, notre discussion est très intéressante. J'ai quelques questions à vous poser pour obtenir des éclaircissements.

Pour revenir à l'exemple du Danemark, si je vous ai bien compris, vous avez indiqué que la taxe sur les aliments à haute teneur en gras saturés n'a été appliquée qu'une année; et pourtant, si je vous ai bien compris encore une fois, vous avez dit qu'il avait été démontré clairement que cela avait eu une incidence.

J'aimerais d'abord savoir si je vous ai bien compris. Ensuite, comment est-il possible de savoir que l'imposition d'une taxe durant seulement un an a eu une incidence manifeste sur la société?

M. Sassi : Oui, vous avez bien compris. C'est exactement ce que j'ai dit. Les évaluations ont été fondées sur les changements observés dans la consommation d'aliments riches en gras saturés. Elles reposent sur les recettes fiscales perçues et sur les données relatives aux ventes, qui ont révélé une baisse de la consommation d'aliments riches en gras saturés. Toutes les preuves relatives aux effets sur la santé ont été fondées sur les données indiquant des changements dans les habitudes de consommation.

Le fait que cela ait donné de bons résultats sur le plan de la santé ne signifie pas qu'un gouvernement devrait nécessairement considérer cette taxe comme une solution souhaitable. Malheureusement, on ne tient pas compte, bien souvent, du point de vue des ministres de la Santé au sein des gouvernements. Il y a d'autres ministères ou organismes du gouvernement qui ne s'intéressent peut-être pas autant aux résultats positifs dont j'ai parlé; ils se préoccupent peut-être davantage d'autres incidences sur l'économie et les marchés, et de la concurrence entre les agents économiques. Que les affirmations voulant que la taxe ait été nuisible sur le plan économique soient fondées ou non, le gouvernement du Danemark doit les avoir considérées plus importantes que les incidences de la taxe sur la santé.

Le président : J'ai pensé que c'était probablement le cas, mais je voulais préciser, aux fins du compte rendu, quel indicateur de réussite vous utilisiez, soit la mesure des changements dans le profil des ventes et la question des taxes. Merci beaucoup.

J'aimerais également faire une observation sur ce que vous avez dit au sujet des succédanés du sucre par rapport au vrai sucre et des observations de l'OMS à ce chapitre. Cette semaine, j'ai lu un rapport, un résumé dans lequel cette série d'études semble indiquer que les effets nocifs potentiels de l'utilisation à long terme de succédanés chimiques du sucre sont plus importants, et dans les mêmes domaines que nous examinons. Outre l'obésité, les problèmes de santé sont plus importants que ceux qui sont liés directement à la consommation excessive de sucre. En ce qui concerne les observations de l'OMS, votre résumé m'a beaucoup intéressé.

Monsieur Sassi, au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier. Vous nous avez fait profiter de la richesse et de la profondeur de vos connaissances sur les problèmes sous-jacents. Vous avez pu nous exposer clairement et efficacement les questions complexes et vous nous avez beaucoup aidés. Je ne serais pas surpris que certaines de vos observations se retrouvent directement dans notre rapport.

Sur ce, monsieur, je vous remercie au nom des membres du comité.

(La séance est levée.)


Haut de page