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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule no 50 - Témoignages du 27 septembre 2018


OTTAWA, le jeudi 27 septembre 2018

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 10 h 30, pour mener une étude sur l’impact de la culture et des arts canadiens sur la politique étrangère et la diplomatie du Canada ainsi que leur utilisation dans ces domaines, et d’autres questions connexes.

La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Mesdames et messieurs, je vous informe que le projet de loi sur l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste a été renvoyé à la Chambre, et nos recherchistes commenceront à vous inonder de documents, d’analyses et de comparaisons. L’un des documents expose ce que c’était le Partenariat transpacifique. Qu’est-ce que le PTPGP? Vous recevrez auparavant tout ce qu’il faut sur nos études de commerce et sur nos analyses du PTP.

Nous espérons être prêts. La raison pour laquelle je le mentionne est que, si vous avez des témoins que vous voulez convoquer pour cette étude législative, vous êtes priés d’y penser et de communiquer leurs noms à la greffière.

De plus, le Traité sur le commerce des armes est devant la Chambre, et il nous sera envoyé. Nous avons une liste de témoins, mais, si vous pensez à une personne que vous souhaitez entendre, je vous prie d’en informer la greffière pour que nous puissions examiner rapidement ces deux projets de loi. Nous serons prêts à les examiner. C’est juste un rappel.

Nous sommes ici aujourd’hui, avec l’autorisation du Sénat, pour étudier l’impact de la culture et des arts canadiens sur la politique étrangère et la diplomatie du Canada ainsi que leur utilisation dans ces domaines, et d’autres questions connexes. En vertu de ce mandat, le comité a le plaisir d’accueillir Christophe Rivet, président du Conseil international des monuments et des sites Canada, le comité national canadien du Conseil international des monuments et des sites.

Monsieur Rivet, nous avons votre biographie. Nous voulons vous donner le temps d’intervention maximal. C’est un domaine que nous devons couvrir dans notre étude. Vous avez communiqué avec nous, et nous sommes très heureux de vous recevoir ici.

Le comité vous souhaite la bienvenue.

Christophe Rivet, président, ICOMOS Canada : Je remercie les membres du comité. Je m’appelle Christophe Rivet, et je suis président du Conseil international des monuments et des sites Canada — le comité canadien du Conseil international des monuments et des sites.

Au nom d’ICOMOS Canada, j’aimerais remercier le comité d’avoir entrepris cette étude. Il est temps d’aborder ce sujet, car le monde a besoin de plus d’engagements de pays comme le Canada qui prônent des valeurs d’ouverture, de partage, d’innovation et qui ont le sens du destin collectif.

ICOMOS est la seule organisation mondiale non gouvernementale qui se consacre à la conservation des bâtiments, des sites, des paysages et autres aires du patrimoine culturel mondial. Il mène ses travaux par le truchement de plus de 100 comités nationaux et de 28 comités scientifiques internationaux. L’expertise offerte par ce réseau de professionnels, tous bénévoles, concerne l’architecture, l’archéologie, l’ingénierie, l’architecture du paysage, l’histoire, la géographie et beaucoup d’autres domaines, qui, ensemble, lui permettent d’avoir une approche holistique de la conservation du patrimoine culturel.

ICOMOS a pour mandat de conseiller l’UNESCO sur les questions relatives au patrimoine culturel, en particulier dans le cadre de la Convention du patrimoine mondial. Il se concentre sur l’élaboration de théories et d’orientations ciblant les pratiques exemplaires grâce à une série de chartes.

Le Conseil international des monuments et des sites Canada est le comité national canadien d’ICOMOS. Depuis le début des années 1970, nous cherchons activement à influencer la théorie et les pratiques exemplaires en matière de conservation, au Canada et à l’étranger. Nous sommes une organisation indépendante et multidisciplinaire constituée de membres venus de tout le pays. Récemment, nous avons joué un rôle de leader sur la scène internationale, en matière de politiques de développement durable, en rapprochant les politiques de conservation environnementale et de conservation culturelle. Nous avons également cherché stratégiquement à nouer des relations étroites avec des collègues des Amériques et des pays de la Francophonie.

Nous sommes heureux de partager quelques observations importantes sur notre expérience de la diplomatie culturelle, en ce qui concerne non seulement ce que les Canadiens ont réalisé dans notre domaine, mais aussi ce que les autres pays ont investi pour bâtir des relations fondées sur la conservation du patrimoine. Pour être clairs, nous considérons que la diplomatie culturelle ne vise pas uniquement la promotion du patrimoine culturel canadien à l’étranger, mais plutôt à ce que le Canada s’engage activement à appuyer la conservation du patrimoine culturel à titre de mécanisme pour bâtir des relations avec les autres pays. Cela est en accord avec les définitions de la diplomatie culturelle des autres pays.

Tout d’abord, il est important de préciser qu’il existe plusieurs cadres internationaux qui font la promotion de la pratique de la diplomatie culturelle. En fait, le Canada a pris des engagements concernant la protection et la conservation du patrimoine culturel dès 1976, lorsqu’il a adopté la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de l’UNESCO, dite Convention du patrimoine mondial. En 1998, il a ratifié la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé de l’UNESCO, dite Convention de La Haye. Le Canada a dirigé l’élaboration et la ratification de la Convention pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’UNESCO de 2005. Par ces engagements avec lesquels le Canada s’est présenté comme un leader, le gouvernement fédéral a montré qu’il reconnaît l’importance du patrimoine culturel et l’importance d’établir des relations avec les autres nations.

Un aperçu de l’histoire de notre organisation illustre la relation qui existe entre le patrimoine culturel, l’établissement de liens et la création de conditions propices aux relations économiques et diplomatiques. Au fil des ans, nos membres ont pris part aux efforts internationaux visant à apporter la paix et à rétablir la normalité dans les régions du monde qui ont souffert de catastrophes naturelles ou d’origine humaine. Ils ont ainsi participé aux missions approuvées par les Nations Unies, à Chypre, dans les années 1970, et à Dubrovnik, dans les années 1990. Ils ont également soutenu les efforts de reconstruction après des tremblements de terre et des ouragans qui ont frappé, par exemple, Haïti et l’Iran, ou après des ravages ou des guerres, comme en Afghanistan.

Les Canadiens ont dirigé des organismes internationaux engagés dans la conservation du patrimoine culturel, comme le Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO. Grâce à ses experts, la présence du Canada s’est fait sentir à travers le monde.

Au-delà de ces temps de crise, les Canadiens ont aussi participé à la création de ponts pour la coopération entre les pays par le truchement d’organisations non gouvernementales et d’établissements d’enseignement. Par exemple, des universités comme McGill, l’Université de Montréal, l’Université de la Colombie-Britannique, l’Université de l’Alberta et Carleton ont toutes mené à l’étranger des projets liés à la conservation du patrimoine culturel grâce à des initiatives en archéologie, en conservation architecturale et en ingénierie.

La Willowbank School of Restoration de Queenston a signé un accord de coopération avec l’Institut de formation et de recherche pour le patrimoine mondial en Chine pour la région Asie-Pacifique de Shanghaï pour favoriser l’échange d’expertise. Leur présence a des retombées positives dans les pays où ils exercent leurs activités, étant donné que leur expertise aide ces collectivités à préserver ce qu’elles chérissent le plus.

ICOMOS Canada a récemment signé avec la ville de Quito un accord de coopération qui met l’accent sur l’application d’une approche axée sur le développement durable pour la conservation du centre historique. C’était le résultat d’une participation réussie du Canada à la Conférence Habitat III en 2016. L’établissement de notre coopération nous a permis de constater que les autres pays, comme l’Espagne ou la France, ont continuellement investi dans des programmes de conservation pour aider Quito à gérer son riche patrimoine. L’intérêt des Canadiens à contribuer à la gestion à long terme de la ville historique a été accueilli favorablement par les autorités, car elle offrait une nouvelle perspective sur les pratiques exemplaires et les nouvelles relations servant à partager les expériences. Nous étions surtout perçus comme solidement axés sur les pratiques de gouvernance démocratique et les outils d’engagement communautaire touchant à l’inclusion sociale et la croissance économique. Il convient de mentionner que l’ambassade canadienne à Quito a appuyé nos efforts.

Ce qui ressort très clairement de ces exemples, c’est que le Canada a beaucoup à offrir au monde. Notre expertise en matière de conservation du patrimoine culturel, comme l’architecture, l’ingénierie, l’urbanisme et l’archéologie, est respectée mondialement pour sa rigueur et ses principes. De plus, nous sommes perçus comme des bâtisseurs de ponts dont l’expertise allie les approches européennes et nord-américaines, ainsi que les traditions françaises et anglaises, et cela reflète de plus en plus l’inclusion des perspectives autochtones. Nous inspirons confiance, car nous partageons des expériences qui visent la bonne gouvernance et l’inclusion sociale. Ce ne sont pas des choses simples à démontrer professionnellement, et c’est un témoignage de nos valeurs en tant que personnes.

Cependant, il est à noter qu’au Canada, il manque une approche cohérente et engagée pour faciliter ces initiatives, ce qui limite considérablement notre capacité à mettre à profit les fruits de notre travail. Les autres pays établissent des relations, d’abord en investissant dans les programmes culturels, non seulement pour exporter leur propre culture, mais pour promouvoir la culture de leurs partenaires commerciaux potentiels. Les répercussions de ces investissements sont bien connues. Ils assurent une forte présence dans le pays et sont le symbole de l’engagement dans cette relation. Ils créent également des conditions favorables à la croissance économique puisque les investissements dans le patrimoine culturel mènent à des destinations touristiques attrayantes, à de meilleures infrastructures et à des collectivités résilientes et fières. Ces conditions sont essentielles pour établir des relations commerciales prometteuses.

Plus tôt cette année, j’ai été invité en tant qu’expert international à participer à une table ronde organisée par la Commission européenne pour discuter des retombées de la diplomatie culturelle. Les prémisses de la discussion étaient que la culture est une source de création d’emplois et de croissance, qu’elle met de l’avant l’inclusion sociale et la diversité culturelle et c’est pour ces raisons que les efforts diplomatiques de l’Union européenne incluent la culture, pour promouvoir le dialogue interculturel. Celle conclusion confirme que, pour l’Europe, l’établissement d’un dialogue interculturel est la base des relations commerciales et diplomatiques.

D’autres pays ont investi pendant des années dans des projets de développement qui ciblent le patrimoine culturel. Des ambassadeurs des États-Unis ont bénéficié de fonds discrétionnaires, les fonds laissés à la discrétion de l’ambassadeur, qui leur permettaient d’investir dans des projets de conservation, là où ils étaient en poste. L’Australie a investi dans la promotion de l’expertise australienne en matière de conservation, à des fins d’exportation dans le Sud-Est asiatique et dans le Pacifique. Cette initiative a non seulement renforcé l’organisme professionnel dans le pays, mais a aussi permis à l’Australie d’établir sa présence dans les collectivités de la région. Actuellement, la Chine a pour politique de conclure des accords commerciaux qui comprennent le partage des ressources et des investissements dans les projets de conservation du patrimoine culturel, comme ceux réalisés au Cambodge ou dans des pays d’Europe de l’Est ou d’Europe centrale.

Essentiellement, ces pays marquent leur présence dans d’autres pays en investissant dans la conservation du patrimoine d’autres peuples comme témoignage de bonne volonté et de respect. En retour, ils sont perçus comme des partenaires diplomatiques et économiques respectés.

Les initiatives de développement international menées par des organismes de développement nationaux, la Banque mondiale ou le Fonds monétaire international, supposent toutes que la conservation du patrimoine culturel fait partie intégrante du travail de développement. Cela signifie que les firmes d’ingénierie internationales, dont plusieurs sont canadiennes, mettent en œuvre de grands projets d’infrastructures de manière à conserver et à respecter le patrimoine local. C’est la condition sine qua non d’un projet réussi qui prend racine dans les collectivités.

Qu’en est-il du Canada? Notre pays n’a pas de stratégie réfléchie d’investissement dans le développement, comme les autres pays. Par le passé, on a déjà tenté d’établir des programmes de coopération entre des organismes comme Parcs Canada ou Parks Victoria et l’organisme responsable d’Angkor Wat au Cambodge. Toutefois, leur portée était limitée, et ils n’ont pas permis d’établir des relations à la hauteur de l’expertise disponible dans notre pays. Par conséquent, selon notre expérience, nous perdons une bonne occasion d’être les premiers à établir des relations profondes qui offrent à l’avenir des débouchés économiques et diplomatiques.

Les avantages sont pourtant réels. Le fait d’investir dans des projets auxquels votre partenaire diplomatique potentiel s’intéresse suscite une bonne volonté qui sera bénéfique à long terme. Cela permet d’établir votre présence dans ce pays et c’est un symbole fort d’engagement dans la relation et de reconnaissance. De plus, le fait d’investir dans des projets comme ceux-ci améliore les conditions de vie des collectivités, grâce à de meilleures infrastructures, et crée des conditions propices à la croissance économique et aux débouchés futurs en matière d’échanges commerciaux, d’infrastructure et de tourisme.

Les Canadiens le font déjà, mais avec peu d’appui du gouvernement; et la contribution de notre pays n’est que peu reconnue. C’est une occasion manquée, et plus important encore, c’est une condition pour avoir de solides relations.

En Amérique latine et en Afrique, le Canada est en concurrence avec des pays qui y investissent en ciblant le cœur et l’âme, en établissant une forte présence et en instaurant une relation privilégiée. Nous ne pouvons plus ignorer ce fait si nous voulons renforcer notre réseau de partenaires commerciaux.

ICOMOS Canada aimerait formuler quelques recommandations découlant de notre expérience. Le gouvernement du Canada devrait élaborer une politique en matière de diplomatie culturelle qui soit typiquement encrée tant dans l’exportation de l’expertise canadienne que dans l’investissement dans le patrimoine culturel à l’étranger. Cette politique devrait être accompagnée d’une feuille de route montrant le recoupement entre les intérêts économiques du Canada et le type d’activités relatives à la conservation du patrimoine culturel afin de mieux tirer parti de sa présence dans ces pays.

Le gouvernement du Canada devrait mettre sur pied un comité consultatif sur la diplomatie culturelle composé de membres de l’industrie et d’ONG afin de fournir des recommandations au ministre responsable des Affaires mondiales sur les moyens de renforcer la valeur des investissements canadiens au moyen de la diplomatie culturelle.

Troisièmement, le gouvernement du Canada devrait envisager d’affecter des fonds dans le développement international, notamment à des projets liés à la conservation du patrimoine culturel, afin de promouvoir l’expertise, la technologie et la bonne volonté canadiennes. En particulier, une analyse du financement accordé aux travaux de recherche, d’innovation et de développement à l’étranger devrait être effectuée afin que l’on puisse clarifier le portrait des investissements actuels et potentiels faits à l’étranger par le gouvernement du Canada en ce qui concerne le patrimoine culturel.

En conclusion, ce que nous constatons dans ces observations, c’est que les pays du monde entier se soucient de leur patrimoine; celui-ci est l’essence même de leur identité et il est indispensable pour établir des relations fondées sur la compréhension et le respect mutuels. Le Canada est un exemple international de respect de la diversité et d’ouverture aux autres cultures. Il nous incombe de profiter de cette réputation pour promouvoir nos intérêts économiques et diplomatiques par une présence à long terme au cœur de la culture de nos partenaires commerciaux potentiels.

[Français]

Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions en français également.

[Traduction]

La présidente : Je vous remercie, monsieur Rivet. Je pense que vous avez touché au cœur de ce qui nous préoccupe, nous vous remercions donc de votre témoignage.

[Français]

Le sénateur Cormier : Monsieur Rivet, soyez le bienvenu parmi nous. Comme je sais que vous avez été fort engagé dans la démarche concernant le paysage de Grand-Pré, je vous remercie de votre travail.

En effet, en 2012, le paysage de Grand-Pré, dans la vallée d’Annapolis, est devenu le 16e site du patrimoine mondial au Canada inscrit par l’UNESCO. Y a-t-il des apprentissages que vous avez faits dans le contexte de la démarche du paysage de Grand-Pré qui pourraient être éclairants et utiles aujourd’hui dans cette question de la diplomatie culturelle? Également, quels cadres législatifs ou réglementaires nationaux ou accords internationaux facilitent ou limitent la participation du Canada à la diplomatie culturelle?

M. Rivet : Je vais me permettre de répondre à votre question sous plusieurs angles et de la manière la plus structurée possible, car la question posée peut être traitée selon deux perspectives. Je vais répondre en tant que professionnel qui a mené cet exercice et, manifestement, en tant que président de ce comité d’évaluation, ICOMOS Canada, qui était responsable de l’évaluation de cette proposition d’inscription.

En tant que professionnel, notre exercice, qui a duré près de six ans, a été un exercice qui a démontré un savoir-faire exemplaire de la part des professionnels canadiens dans la compréhension de l’intention de la Convention du patrimoine mondial. Cette convention représente une intention d’ouverture sur le monde et également une intention de partage des valeurs canadiennes avec le reste de la planète dans un esprit de coopération internationale.

L’exercice de Grand-Pré était un exercice délicat, car il tendait à regrouper dans un seul lieu des communautés culturelles très différentes qui ont eu un historique de conflits, de tensions. L’exercice mené était un exercice rassembleur et d’espoir, qui s’inscrivait tout à fait dans les termes de la Convention du patrimoine mondial. Ce sont des termes humanistes et de partage. Le succès que nous avons eu à rassembler les communautés et l’exercice que nous avons mené ont été pris en exemple par la communauté internationale lors de l’inscription du site de Grand-Pré.

Depuis, comme professionnel, j’ai été invité par plusieurs gouvernements étrangers à parler de l’expérience de Grand-Pré, qui est une expérience canadienne de regroupement des communautés en termes d’exercice d’inclusion sociale, de gouvernance transparente et ainsi de suite. C’était vraiment des points très forts.

En ce qui a trait à l’évaluation de la part de mon comité, ICOMOS Canada, il a été noté que cette approche était très inclusive, très méthodique en termes de respect des valeurs multiples, et visionnaire en permettant une conservation de l’ensemble de ces valeurs dans un environnement aussi complexe. Comme je l’ai mentionné, cela a été noté par la communauté internationale, aussi bien au niveau de l’UNESCO que des États.

Quant aux outils qui nous ont aidés — en fait, vous le savez probablement —, au niveau du gouvernement fédéral, nous n’avons pas de législation qui protège le patrimoine désigné d’importance nationale. C’est un fait que nous avons fréquemment soulevé auprès de nos élus à la Chambre des communes et au Parlement, car c’est un déficit important dans notre législation nationale. Cela dit, nous avons été en mesure d’utiliser d’autres outils pour atteindre nos objectifs de démonstration de nos valeurs. Les conventions internationales qui ont été signées par le Canada et qui font l’objet d’un engagement de la part du Canada depuis de très nombreuses décennies nous ont permis de communiquer ces façons de faire.

Donc, voilà essentiellement les limites de notre action dans le cadre de cette législation, de ces outils internationaux.

Le sénateur Cormier : Je vous remercie.

[Traduction]

La sénatrice Ataullahjan : Je vous remercie de votre témoignage de ce matin. Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure et de quelle façon le travail accompli à l’échelle internationale relativement au patrimoine culturel canadien contribue à la mise en œuvre de la politique étrangère du Canada? Auriez-vous des exemples précis?

M. Rivet : À ma connaissance, il n’y a pas de lien clair entre le travail qu’effectuent les experts canadiens en ce qui concerne la conservation du patrimoine à l’étranger et une politique canadienne officielle à cet égard. Les conseils des Canadiens sont sollicités par les organisations internationales, les gouvernements, les ONG et les organismes gouvernementaux du monde entier. Les Canadiens ont été très actifs auprès de la Fondation Aga Khan, de l’UNESCO et des agences de développement américaines, mais, au Canada, nous n’avons pas constaté de relation étroite entre le travail que nous faisons à l’échelle internationale et la façon dont cela se reflète sur l’image du Canada dans le monde entier. C’est l’un des points que je voulais souligner dans ma déclaration, à savoir que la relation n’est pas évidente et qu’il s’agit peut-être d’une occasion de se pencher sur la stratégie du Canada.

La sénatrice Ataullahjan : Vous dites que la relation n’est pas évidente. Pourquoi en est-il ainsi? Est-ce à cause d’un manque d’intérêt? Que pourrions-nous faire?

M. Rivet : Je dirais que la relation n’est pas évidente pour deux raisons : premièrement, il n’y a pas de politique explicite qui indique que le gouvernement du Canada a pour priorité d’établir des relations fondées sur la culture; deuxièmement, il n’y a pas de source de financement. L’exemple que j’ai donné plus tôt au sujet de notre accord de coopération avec Quito est dépourvu de tout mécanisme évident d’appui de cette initiative par le gouvernement. Nous nous tournons vers des collègues d’autres pays pour voir s’ils sont prêts à nous soutenir dans cette initiative. Ce manque de politique et d’investissement évidents fait en sorte qu’il est très difficile pour nous, en tant qu’ONG, de projeter cette image du Canada à l’étranger.

J’étais fier de voir notre ambassade au Canada très présente pour nous appuyer et faciliter notre relation avec les autorités équatoriennes. En retour, ces dernières ont été agréablement surprises et très enthousiastes de voir les représentants canadiens agir ainsi. Cependant, il y a des restrictions évidentes. Nous n’avons pas accès à des fonds pour appuyer l’échange d’étudiants diplômés ou de nouveaux professionnels, par exemple. Nous ne disposons pas de fonds pour aider nos professionnels bénévoles à travailler directement à la conservation du patrimoine de Quito. L’absence d’un établissement clair des priorités en matière de financement et de politique est donc un obstacle majeur pour nous.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Monsieur Rivet, merci d’être parmi nous aujourd’hui. C’est très apprécié, car vous êtes un expert dans le domaine.

Je vais résumer mon intervention afin de m’assurer d’avoir bien compris. Vous recommandez fortement la création d’un comité afin de mieux poursuivre les efforts de diplomatie culturelle au sens de l’architecture. Vous dites aussi que davantage de fonds sont nécessaires pour y arriver.

Plus tôt, en réponse à une question de mon collègue, vous avez affirmé que, même en nous servant de vos outils et de vos connaissances en termes de conservation et d’architecture, nous n’avions pas un impact diplomatique important. Vous avez dit également qu’il y a un important potentiel, mais que le Canada ne l’atteint aucunement. Est-ce que je comprends bien?

M. Rivet : Pour préciser, je dirais que les Canadiens sont certainement très actifs depuis 40 ou 50 ans dans ce domaine à l’échelle internationale. Ce qui manque, c’est un lien avec la représentation diplomatique, un lien direct avec la volonté de l’État d’être présent.

Finalement, que l’on parle de l’exportation de produits culturels canadiens ou de la présence d’expertise à l’étranger, même s’il n’y a pas de monétisation immédiate, ce dont on parle, c’est de la présence canadienne et de l’investissement dans la présence canadienne. Nous sommes présents au niveau des ONG et des différents bénévoles, mais nous ne sommes pas en mesure d’assumer une présence étatique canadienne, voilà la différence.

J’étais à Quito il y a deux semaines, dans le cadre d’un événement qui célébrait le 40e anniversaire de l’inscription de Quito sur la liste du patrimoine mondial. Par ailleurs, le Canada est l’autre pays qui a inscrit les premiers sites sur la liste du patrimoine mondial. Quito et le Canada ont cela en commun. Ils ont organisé un événement pendant une semaine. L’ambassadeur de France, l’ambassadeur d’Italie ainsi que différents représentants diplomatiques d’autres pays comme l’Espagne, qui investit des millions d’euros depuis des décennies, étaient présents.

Parce qu’ils étaient présents, on sentait que le lien était fort. Ils étaient présents à travers les investissements et la plus haute représentation diplomatique. Le Canada était présent, il y avait effectivement une représentation diplomatique, mais nous n’avions pas cette présence soutenue parce que cela ne faisait pas partie de notre politique. J’espère que je précise bien cette très importante nuance.

Le sénateur Massicotte : Parce que cette conservation architecturale historique est très importante au sens humain. Si je comprends bien votre message, vous dites que vous vous êtes impliqué, mais que vous n’avez retiré aucun bénéfice diplomatique pour vos efforts.

M. Rivet : Je n’ai jamais vu un drapeau canadien sur une affiche indiquant que le Canada avait investi 10 millions de dollars pour la conservation d’un bâtiment, alors que l’ai vu pour l’Espagne, je l’ai vu pour la Communauté européenne et je l’ai vu pour d’autres pays.

Le sénateur Massicotte : Vous recommandez que nous fassions preuve d’une plus grande ouverture d’esprit en investissant dans la conservation des bâtiments d’autres pays, pas seulement des nôtres.

M. Rivet : C’est une question à la fois délicate et intéressante. Vous savez certainement que l’historique de la présence française, espagnole et britannique à l’échelle mondiale découle de leurs entreprises coloniales passées, ce qui a établi ces liens.

Au Canada, nous ne sommes évidemment pas une puissance coloniale, mais la question qui se pose est celle-ci. Comment allons-nous établir ce lien de confiance et de respect pour le patrimoine d’autrui? Ce que nous établissons à travers nos relations avec nos collègues des Amériques, c’est l’idée que nous avons une histoire commune d’Européens qui ont créé ce patrimoine afin de l’adapter à une réalité environnementale complètement différente, avec des insertions de valeurs autochtones. Cela nous donne une identité très précise. Chez mes collègues de l’Équateur et ceux d’autres pays latino-américains, cela a eu beaucoup de résonance de se dire qu’il n’y a pas que l’Espagne qui est capable de les guider.

Nous avons des partenaires à l’échelle des Amériques qui ont vécu une expérience similaire et qui ont un patrimoine comparable. C’est pour cette raison que notre expertise est non seulement bienvenue, mais aussi pertinente dans cet environnement.

Au Canada, nous n’avons pas cet historique colonial de relation avec ces pays, mais quelle est la nature de ces relations à long terme que nous voulons établir? Pour notre part, nous avons décidé de nous investir en Amérique latine et dans la Francophonie, ce qui nous semble naturel. Cette question, le Canada devra aussi se la poser.

Le sénateur Massicotte : Merci, monsieur Rivet.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Merci, monsieur Rivet.

Selon vous, comment le Canada est-il perçu par les autres pays en ce qui concerne sa culture, ses valeurs, son image et son identité nationale? Comment cette perception s’harmonise-t-elle avec l’objectif de la politique étrangère du Canada ou en contribue-t-elle à l’atteinte de cet objectif? Le premier ministre a dit qu’il voulait mettre le Canada sur la scène internationale. Jusqu’à présent, comment avons-nous fait cela?

M. Rivet : Eh bien, comme je l’ai déjà mentionné plus tôt, les Canadiens sont présents depuis longtemps sur la scène internationale; ils assument diverses responsabilités et œuvrent dans de nombreux pays du monde. Ce qui nous distingue des autres nations, c’est, d’une part, l’absence de relations politiques passées dans le cadre du colonialisme, ce qui nous donne une image de marque de confiance et d’ouverture. Nous avons également la réputation de concilier les différences. Et à cet égard, ces valeurs sont sans cesse perçues partout où nous nous présentons dans le monde, que ce soit en Afrique, en Amérique latine, en Asie ou en Europe. Nous sommes constamment sollicités en raison de ces valeurs.

La question de l’identité nationale est beaucoup plus complexe, comme vous le savez bien, lorsqu’on parle du Canada. Cependant, l’expérience des valeurs que nous représentons, nos antécédents de notre multiculturalisme et la manière dont nous vivons en paix avec plusieurs cultures sont des exemples de ce que d’autres pays souhaitent imiter et comprendre, tout comme la façon dont nous élaborons des outils professionnels pour y parvenir.

Lorsque j’étais membre du groupe d’experts de la Commission européenne, c’est principalement pour cette raison qu’on voulait que je sois là, c’est-à-dire pour parler de l’expérience canadienne au chapitre du rapprochement des différentes cultures. C’est vraiment ce que nous avons de mieux à offrir. Nous avons une image de marque, si je peux m’exprimer ainsi, d’ouverture, d’établissement de liens et de respect de la diversité. Ces valeurs sont aussi importantes pour le commerce qu’elles le sont pour l’établissement de liens d’amitié. J’espère que cela répond à votre question.

Le sénateur Oh : À l’époque du Commonwealth, au début, on offrait des bourses d’études à tous les pays du Commonwealth et dans d’autres régions du monde. Pensez-vous que ce sont de bons concepts?

M. Rivet : Si je jette un œil à notre concurrence — si je peux parler d’autres pays ainsi —, c’est exactement ce à quoi d’autres pays ont accès. Il s’agit de financement pour des projets concrets sur le terrain, de coopération par l’intermédiaire d’établissements d’enseignement et d’universités, et de possibilités de créer des forums où les gens se rencontrent. Nous ne sommes certainement pas en mesure de présenter le même type d’avantages à nos citoyens canadiens à ces égards.

J’ai mentionné plus tôt que les universités offrent des programmes partout dans le monde depuis de nombreuses années. J’ai pratiqué l’archéologie en République de Géorgie et en France, tout cela grâce à des mécanismes de coopération au niveau universitaire. On constate beaucoup de bienveillance envers le Canada. J’étais présent dans un petit village au centre du Caucase, et les gens savaient que j’étais Canadien. J’aurais aimé, en tant que Canadien, voir que mon pays comprenait cette importance. Comme je l’ai dit, j’aimerais qu’un jour les groupes d’experts du monde entier disent que le Canada a investi à cet endroit parce que c’est important.

Le sénateur Oh : Merci.

La sénatrice Bovey : Je vous remercie beaucoup pour votre exposé, vos idées et vos recommandations.

Je vais revenir un peu en arrière, si vous me le permettez. Ce n’est un secret pour personne que ce projet de loi est lié à mon expérience. Je sais très bien que des experts canadiens se sont portés volontaires pour aller dans des régions du monde sans financement de la part du Canada pour aider à préserver, à désigner et à réparer ces sites. Je suis bien consciente que certains ont dû prendre leur congé sabbatique de l’université pour pouvoir faire ce travail.

Pourriez-vous nous parler un peu de la relation que vous entretenez avec l’ICOM, parce que, bien sûr, c’est Martin Seeger, le responsable canadien de l’ICOM, qui a travaillé très fort pour faire avancer les travaux à Dubrovnik. Je sais très bien que notre représentante canadienne à l’ICOM, Mme Ann Davis, que j’espérais voir prendre la parole à un moment donné, se rendra en Iran dans deux semaines. Je sais aussi très bien que c’était le Metropolitan Museum of Art qui se trouvait à Palmyre pendant la terrible dévastation.

Pouvez-vous nous parler un peu de la relation que vous entretenez avec l’ICOM et approfondir un peu plus à propos des régions du monde déchirées par la guerre. J’étais fière lorsque le Canada a signé cette convention en 1976 et doublement fière lorsque la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé a été signée en 1988.

M. Rivet : En effet, le monde de la coopération internationale est complexe. C’est très difficile d’essayer de l’expliquer aussi clairement que possible en ce moment, mais j’essaierai de le faire sans ambiguïté. L’ICOM est le Conseil international des musées, et l’ICOMOS est l’institution qui s’occupe des monuments et des sites. Nous entretenons une relation. Nous sommes là depuis plus de 60 ans et, ensemble, nous avons collaboré à des projets communs, en particulier sous l’égide des Nations Unies, partout dans le monde. En fait, nous avons un comité scientifique qui se joint à l’expertise de ces deux organisations ainsi que d’autres organisations, comme la Fédération Internationale des Associations de bibliothécaires et des Bibliothèques ainsi que des organismes appelés Le Bouclier Bleu, qui s’occupe de guerre et de patrimoine. Ces relations sont donc établies.

Un dénominateur commun est que les Canadiens sont des chefs de file dans toutes ces organisations, et ce, depuis 50 ans. Nous sommes des chefs de file non seulement en matière d’expertise, mais aussi en ce qui concerne la direction de ces organisations ou de leurs comités principaux. Je pourrais vous fournir une longue liste de nos professionnels qui ont fait cela.

En raison de l’expérience de longue date du pays, il est naturel que, lorsque ces terribles circonstances surviennent, les gens se tournent vers le Canada et cherchent des experts canadiens. Une autre organisation très importante dans ces situations est l’ICCROM, le Centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels, à Rome. Il s’agit d’une organisation intergouvernementale fonctionnant également sous l’égide de l’UNESCO. Le Canada y participe. En fait, c’est l’Institut canadien de conservation qui représente le pays à ce chapitre.

Je tiens à souligner que les Canadiens ont systématiquement été présents dans ces organisations en tant que chefs de file. Il y a une coupure systématique entre les efforts du Canada et sa présence dans ces pays et les efforts des personnes et des organisations qui se sont portées volontaires à cet égard. Dans les régions déchirées par la guerre, cela a commencé dès le conflit à Chypre dans les années 1970, lorsque mon mentor, Jacques Dalibard, a été mandaté par les Nations Unies pour surveiller les sites patrimoniaux et déterminer ceux qui devaient être protégés au moyen du programme Le Bouclier Bleu. C’était la première présence importante du Canada sur cette scène internationale de conflit, mais depuis, nous sommes présents dans presque toutes les grandes régions déchirées par la guerre. Nous étions là pour la reconstruction des Bouddhas de Bâmiyân et lors de la destruction de la citadelle de Bam, en Iran. Nous étions également présents en Syrie. Souvent, nous sommes présents par l’intermédiaire d’autres organisations, qui ne sont pas des organisations canadiennes, le Getty Conservation Institute aux États-Unis, par exemple. Nous sommes présents par l’intermédiaire d’organismes des Nations Unies. Toutefois, nous n’avons pas cet investissement direct — du moins, je ne peux pas dire que j’ai vu la moindre preuve d’une relation directe entre la présence diplomatique du Canada et ces efforts.

La sénatrice Bovey : J’aimerais ajouter que, avant la convention de 1976, le Canada a fait figure de pionnier après la Seconde Guerre mondiale, quand John MacAulay, qui avait été dirigeant de la Société canadienne de la Croix-Rouge, a, en fait, été responsable des activités de la Croix-Rouge internationale visant à remettre les trésors des nazis détruits par la guerre à leurs propriétaires légitimes. Je dirais que l’accord de l’UNESCO découle de ce qu’a fait M. MacAulay durant toutes ces années.

Cela dit, je suis tout à fait d’accord avec ce que vous dites. Je pense que l’UNESCO reconnaît maintenant les trésors d’archives internationaux et que les Archives de la Compagnie de la Baie d’Hudson ont été les premières à être reconnues à l’échelle internationale par l’UNESCO. Je n’arrive pas à me rappeler si c’était en 2005 ou en 2006, mais c’était probablement en 2006.

Ma question — et je pense que vous en avez déjà parlé — est la suivante : pourquoi le Canada, en tant que gouvernement, n’a-t-il pas fait davantage alors que les Canadiens ont tant fait? Je vous suis reconnaissante de vos recommandations et je suis persuadée que nous établirons un très bon dialogue à ce sujet. Merci.

La sénatrice Ataullahjan : Vous avez parlé des Bouddhas en Afghanistan et dit que vous y étiez. Pourriez-vous faire le point sur la situation? Nous n’en avons pas beaucoup entendu parler dans les nouvelles. C’est peut-être voulu. On ne veut peut-être pas attirer de nouveau l’attention sur le site à Bamiyan. Les statues ont-elles été reconstruites? Que se passe-t-il là-bas?

M. Rivet : J’aimerais préciser que je n’y étais pas personnellement. Ce sont des collègues de mon organisation qui y étaient. Ensuite, je ne connais pas l’évolution de la situation outre le fait que des efforts considérables ont été déployés pour les reconstruire, de concert avec d’autres pays. L’Allemagne a investi des sommes considérables pour la reconstruction de ces Bouddhas, et d’autres pays de l’Europe et de l’Asie en ont fait de même. Malheureusement, je ne peux pas fournir plus de détails.

[Français]

Le sénateur Cormier : On cherche à comprendre ou à imaginer comment une politique sur la diplomatie culturelle pourrait s’installer à l’intérieur de l’appareil gouvernemental. À votre avis, et à la lumière de votre expérience sur le plan international, quels sont les principaux joueurs qui devraient être interpellés?

M. Rivet : Les atomes crochus sont évidents entre les mécanismes diplomatiques, comme Affaires mondiales Canada, mais il y a des relations établies également entre d’autres ministères. Patrimoine canadien est certainement un ministère très présent à travers les archives, mais également les collections et la gestion d’autres expertises techniques.

J’ai mentionné plus tôt que Parcs Canada, qui est sous l’autorité de la ministre de l’Environnement et du Changement climatique, est une organisation qui a un mandat de conservation du patrimoine au Canada et qui, par le passé, avait établi des relations avec d’autres agences à l’échelle internationale; j’avais mentionné Parks Victoria.

Cette expertise avait déjà été démontrée au sein de l’appareil gouvernemental, et c’était un geste qui indiquait que cette préoccupation avait une valeur à l’échelle internationale. Cela dit, ces gestes ont été posés pendant une période déterminée, mais n’ont pas été soutenus. Ce sont des coopérations qui ont ciblé deux agences gouvernementales plutôt que le milieu.

Le second point à souligner est que, autrefois, nous avions des agences de développement international qui étaient clairement établies et avaient un mandat très spécifique autour de cette idée de développement international. Lorsque je vois mes collègues de pays européens, asiatiques et américains, je constate que ces agences de développement international sont souvent le mécanisme d’action. Il peut s’agir de fonds d’investissement de développement international, mais le mécanisme est là.

À ce jour, la plupart des États ont signé des ententes internationales, des conventions, des déclarations, des ententes globales qui soulignent que, pour atteindre des objectifs de développement durable cohérents, les investissements en conservation du patrimoine naturel et culturel sont essentiels. Le Canada est l’un des chefs de file dans cette réflexion sur le développement durable. Nous avons signé ces objectifs il y a deux ou trois ans maintenant. Il y a une certaine cohérence à privilégier des mécanismes qui mettent l’accent sur le développement international parce que, comme mécanisme pour la conservation du patrimoine, cela fait déjà partie de la définition de ce qu’est le développement durable.

Le sénateur Cormier : Vous avez parlé de votre engagement envers la Francophonie. Quel est le rôle de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF)? Comment se passe cette relation?

M. Rivet : Nous n’avons pas de relation établie avec l’OIF. Nous tentons d’établir des cadres de relation. Nos collègues africains et toutes les organisations internationales l’ont reconnu : l’Afrique est un lieu difficile pour créer ce genre de capacités professionnelles au sein de chaque pays pour atteindre des objectifs de conservation du patrimoine et de formation.

Nous avons discuté avec nos collègues du Mali, du Nigeria et de l’Afrique du Sud — ce pays n’est pas membre de la Francophonie, mais je le mentionne tout de même — pour voir s’il y a des relations établies entre le Canada et ces pays qui pourraient être des mécanismes de conduite et d’investissement dans ces domaines. Est-ce que notre présence au sein de la Francophonie et de l’OIF nous permettrait d’avoir un avantage dans l’établissement de ces relations? Malheureusement, je ne peux pas dire que nous ayons atteint ces objectifs pour l’instant. Nous poursuivons l’exploration.

[Traduction]

La sénatrice Bovey : Nous avons parlé de sites patrimoniaux à l’échelle mondiale, de la participation du Canada et des sites détruits par la guerre. Depuis les 20 dernières années, on observe un grand mouvement au Canada : on souhaite déployer tous les efforts possibles à l’échelle internationale pour restituer des œuvres d’art, des trésors, des objets, des biens familiaux, ou quoi que ce soit qui a été volé. Bien sûr, tout a commencé avec la Seconde Guerre mondiale, mais les choses ont continué par la suite, et il y a un mouvement en cours; des trésors qui avaient été vendus sans qu’on sache qu’ils avaient été volés à l’origine ont été rendus.

Quel rôle le retour des biens volés joue-t-il au chapitre de la politique sur la diplomatie culturelle du Canada et le travail que vous faites?

M. Rivet : Mon organisation concentre essentiellement ses activités sur les sites, et non sur les biens meubles. Toutefois, je pense que l’esprit est le même en ce sens que la reconnaissance de l’importance des éléments culturels pour un partenaire potentiel, diplomatique ou autre, est la reconnaissance de l’importance de la relation et des mesures essentielles pour comprendre la culture, la mentalité ainsi que les préoccupations de nos partenaires potentiels. C’est une reconnaissance des étapes nécessaires à l’établissement de cette confiance. L’esprit est le même, peu importe que l’on ait ces biens volés au Canada et qu’on les envoie ailleurs ou qu’on se rende dans d’autres lieux pour y travailler.

Dans les années 1990, mon professeur m’a invité à aller à l’entrepôt de l’ASFC à Montréal pour examiner les objets qui avaient été saisis, et il y avait des mosaïques qui venaient probablement d’un site en Syrie. C’était au milieu des années 1990. L’expertise qu’a mis à profit le Canada pour comprendre que ces mécanismes étaient en place pour faire le commerce de marchandises illicites de cette nature et les efforts qu’il a déployé à cet égard témoignaient de son engagement à respecter tous ceux qui ont leur patrimoine à cœur.

L’autre point sur lequel je vais insister, c’est que de nombreux autres pays qui investissent dans le patrimoine et dans des mécanismes de coopération dans ce sens n’ont pas d’intérêt direct dans le patrimoine des autres. Si je prends l’exemple de la Chine, elle est très présente en Afrique et en Amérique latine; elle investit dans des projets d’infrastructure où il y a manifestement un intérêt pour la préservation du patrimoine. Quand j’ai cité des exemples de l’Europe centrale et de l’Europe de l’Est, je suis certain que, en Hongrie, il n’y a aucun patrimoine chinois dont la nature justifierait de tels investissements de la part de la République de Chine. Il est donc clair pour tous que la bonne volonté et le respect mutuel sont essentiels pour jeter les bases d’une relation commerciale où règne la confiance.

La sénatrice Bovey : Merci. Je pense que c’est un autre cas où nous soulignons le fait que des organisations ont pris ces engagements internationaux et ont appliqué des politiques sectorielles, mais peut-être que cela n’a pas été énoncé clairement dans la politique culturelle canadienne.

La présidente : Monsieur Rivet, pourriez-vous nous dire si la difficulté à laquelle nous faisons face au moment de regrouper tout cela tient à notre Constitution, à la dimension fédérale ou provinciale, et dans quelle mesure avez-vous pensé au fait que tenter de l’assujettir à la compétence fédérale est parfois évident, mais très difficile à accomplir? Je ne sais pas si vous avez de l’expérience en la matière. Certaines provinces ont une présence sur la scène internationale. Cela a-t-il fait l’objet de vos travaux?

M. Rivet : Eh bien, il est certain que chaque province et chaque organisme au sein de ces provinces ont établi des relations avec d’autres pays et d’autres organismes à l’étranger, mais à ce chapitre, ce n’est pas différent de l’Espagne ou de l’Allemagne, par exemple, où des organismes provinciaux ont investi spécifiquement dans d’autres pays.

Je peux encore donner l’exemple de Quito, pour lequel le gouvernement d’Andalousie a investi directement. Cela se répercute sur l’Espagne, et on y utilise le même euro, donc, à cet égard, l’image et la marque sont cohérentes.

D’après mon expérience, peu importe qui est l’investisseur du Canada, le gouvernement fédéral a encore un rôle à jouer pour établir sa présence sur la scène internationale et mettre de l’avant l’expertise, le savoir-faire et les valeurs du Canada auprès de ces pays.

Si j’examine les investissements faits par d’autres pays à l’aide des mécanismes de développement international, qui relèvent toujours des gouvernements centraux, où qu’ils soient, ce sont des mécanismes efficaces pour aborder une multitude d’enjeux.

Je ne sais pas si j’en connais suffisamment pour discuter des questions constitutionnelles de compétence en l’occurrence, mais d’après mon expérience, en tant que Canadien dont les valeurs sont mises de l’avant à l’étranger, je pense que le gouvernement fédéral a manifestement un rôle à jouer.

La présidente : Laissez-moi me faire l’avocate du diable. Vous dites que l’identité canadienne est plus difficile à promouvoir que les valeurs canadiennes. L’une des valeurs canadiennes était le respect, et nous ne sommes pas à l’époque coloniale, et cetera. Pour expliquer simplement les choses, on parle souvent d’une relation amour-haine entre les pays qui investissent dans des infrastructures, peu importe le type, la culture ou quoi que ce soit, et l’indépendance du pays. Je pense donc que le Canada s’est montré réticent, par l’entremise de ses nombreuses administrations, à se projeter dans d’autres pays. Je sais que l’Europe est en train de changer ses politiques. Si le Canada suit l’exemple des autres, sommes-nous en train de tomber dans le piège et de dire : « Vous investissez en disant que c’est notre culture, mais en réalité, vous obtenez plus d’argent que nous »?

M. Rivet : Je pense que nous aurions bien du mal à nous retrouver dans la même situation que les autres pays compte tenu de leur expérience dans le cadre de ces relations.

Je devrais peut-être préciser que, quand je parle des valeurs canadiennes, je parle de la façon dont ces valeurs se traduisent dans nos méthodes de travail. C’est là que notre utilité, en tant que praticiens, entre en jeu.

En tant que planificateurs, par exemple, nous avons élaboré des stratégies qui examinent l’engagement des collectivités et leur ouverture sur le point de vue des autres tout au long du processus de planification, alors que d’autres pays peuvent très bien adopter une approche descendante ou plus sélective quant au type d’éléments à prendre en considération lors de la planification.

Il ne s’agit donc pas de projeter notre manière de penser, mais plutôt notre manière de travailler en fonction de notre pensée. C’est ce qui est souhaitable pour les autres pays. Il ne s’agit pas pour les Canadiens d’imposer des choses. Notre manière de fonctionner le montre déjà, et c’est attrayant pour nos partenaires potentiels. Ils ne veulent pas savoir que le Canada pense ceci ou cela. Ils veulent savoir de quelle manière les professionnels canadiens gèrent ce genre de situations et ces environnements et ces complexités difficiles liés au patrimoine culturel.

Il y a donc une distinction à faire entre la projection de nos propres valeurs et la projection de notre manière d’agir face à ces complexités.

La présidente : Je vais poser une autre question en me faisant l’avocate du diable : vous avez préconisé la coordination et les conseils consultatifs, pourtant, vous voulez une présence canadienne. Devrions-nous donc formuler des recommandations stratégiques pour qu’il y ait plus de coordination? Ou sommes-nous réellement en train de dire qu’il faut renforcer l’identité au moyen d’un organe soit en politique étrangère, soit au cabinet du premier ministre pour aborder l’aspect culturel? Nous avons des délégués commerciaux. Peut-être avons-nous besoin d’un plan pour riposter.

S’agit-il de coordination d’identité dans le cadre d’un concept intégré aux structures de la politique étrangère?

M. Rivet : Deux pensées me viennent à l’esprit. D’abord, quand je regarde mes collègues d’autres pays, cette approche de diplomatie culturelle est intégrée à la façon dont fonctionnent les représentations diplomatiques. La Commission européenne ne pense pas à une séparation bien distincte — comme je l’ai dit plus tôt — voulant que la culture fasse la promotion des échanges et mène à la croissance et au commerce, et ainsi de suite.

Le deuxième aspect propre au Canada tient au fait que nous n’avons pas d’image claire de ce que nous faisons déjà en tant que Canadiens. J’ai mentionné plus tôt que les établissements universitaires sont actifs sur la scène internationale : ils réalisent des travaux, des fouilles archéologiques ou des projets de conservation. Ces activités sont souvent financées par le Conseil de recherches en sciences humaines ou d’autres organismes subventionnaires. Devrions-nous tenir un registre de ces investissements et commencer à puiser dans d’autres initiatives, qui sont peut-être financées par le commerce, le développement des infrastructures ou notre contribution à la Banque mondiale? Ce serait peut-être une première étape importante que de comprendre notre façon d’être présents. L’absence de données probantes claires mine notre capacité de réfléchir de manière stratégique afin de déterminer si nous devons nous intégrer ou être distincts, ou si nous avons besoin d’une coordination d’une façon ou d’une autre.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup d’être avec nous, monsieur Rivet. En tant que sénatrice de la Nouvelle-Écosse, je vous remercie d’avoir contribué à la nomination du paysage de Grand-Pré pour le site du patrimoine mondial. Si quelqu’un ne l’a pas visité, je vous le conseille. C’est un site merveilleux.

Nous rédigerons un rapport après avoir entendu nos témoins, c’est pourquoi j’ai trouvé intéressant ce que vous avez dit au sujet de la diplomatie culturelle dans le commerce et autres options dans le monde. Vous avez raison de dire que nous avons une réputation lorsque nous voyageons. Les gens disent que les Canadiens sont amicaux. Nous sommes réputés pour être ouverts à la diversité culturelle au Canada et pour accepter les autres cultures du monde entier, et le Canada est souvent en mesure de rapprocher les divers pays.

Aujourd’hui, vous nous avez recommandé, entre autres, de former un comité pour surveiller la diplomatie culturelle. Avant tout, j’aimerais savoir si vous pouvez nous en dire plus à ce sujet. Serait-ce au sein des divers ministères? Serait-il composé de politiciens ou de fonctionnaires?

En ce qui concerne le patrimoine culturel et le dossier culturel, je crois que beaucoup de gens placent cela d’un côté, et le commerce et la diplomatie de l’autre, et qu’ils considèrent que ces éléments ne devraient jamais être réunis. Si je regarde les ministères, nous avons Patrimoine canadien, Affaires mondiales et Commerce. Comment pouvons-nous les amener à travailler ensemble? Il faut le faire. Il ne doit pas y avoir de cloisonnement. Ils doivent travailler ensemble si nous voulons réussir à atteindre l’objectif dont vous et de nombreux autres témoins avez parlé, selon lequel le rapprochement au chapitre de la diplomatie culturelle est en fait le rapprochement vers d’autres diplomaties dans les pays et aux quatre coins du monde. Comment pouvons-nous intégrer cette idée dont vous avez parlé et que la Chine fait de manière efficace : l’intégration de la diplomatie culturelle qui mène au commerce et à des relations avec les autres pays?

En fait, j’ai deux questions. Premièrement, pourriez-vous me fournir plus de détails quant au comité qui sera formé, et deuxièmement, comment peut-on éliminer le cloisonnement, dont je viens de donner trois exemples? Je suis certaine que d’autres sont dans la même situation également.

M. Rivet : Je vais peut-être commencer par répondre à la deuxième question, car j’ai moi-même tenté en vain de comprendre de nombreuses fois ces cloisonnements.

Lorsque je travaillais à l’ambassade à Quito, le dossier du commerce était prédominant. On se demandait comment cela allait contribuer aux débouchés commerciaux pour le Canada. Cependant, le contre-argument que nous présentions, qui était fondé sur la réalité dans d’autres pays, c’est qu’avant d’inviter une personne à danser, il faudrait peut-être lui demander son nom, écouter ce qu’elle a à dire et voir si vous avez effectivement envie de danser avec elle.

Il faut peut-être insister sur ces compétences générales ou sur cette diplomatie d’influence comme condition préalable pour jauger la capacité à bâtir quelque chose de plus solide. Je crois que, normalement, notre pays réussit très bien à appliquer ces approches douces pour établir des relations, et il faudrait peut-être prêter attention à ce prérequis.

En ce qui a trait au type de comité consultatif que nous suggérons, la principale préoccupation est celle à laquelle j’ai fait allusion il y a quelques minutes, à savoir que nous n’avons pas une vue d’ensemble de la présence du Canada et des professionnels canadiens dans d’autres pays, qui ont suscité cette bonne volonté et cette confiance.

Pour avoir une idée théorique, les investissements des ONG et de l’industrie dans ces différents pays seraient une étape importante pour comprendre comment nous établirions une stratégie. L’idée, c’est de faire en sorte que les intervenants actifs sur la scène mondiale, en tant que Canadiens, se rassemblent pour illustrer cette présence de manière beaucoup plus exhaustive afin que le gouvernement du Canada soit en mesure de comprendre notre impact en tant que Canadiens, que nous avons depuis de nombreuses décennies déjà.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Vous demandez plus de fonds pour qu’on s’assure de faire une association entre notre rôle en matière de diplomatie et des projets concrets. De quelle somme parle-t-on, et quels avantages cette association procure-t-elle? Je comprends que vous faites référence au fait que, dans les autres pays, le ministre ou les représentants politiques sont très présents et qu’il y a une association avec ce pays pour des projets. Certains diront : pourquoi pas? En d’autres mots, cela profite à quelques personnes qui vont être présentes, cela flatte leur ego, mais, du point de vue du citoyen ordinaire, je ne suis pas certain que cela aide. Pouvez-vous faire le lien entre les deux?

M. Rivet : Oui. Je suis reconnaissant de la nature de la question.

Je pense qu’avant tout, il faut voir cela comme une stratégie. L’intention n’est pas dans la quantité, mais dans la manière dont on va le faire et dans la présence que l’on veut apporter. En fait, en ce qui concerne les autres pays, les montants peuvent varier énormément d’une année à l’autre et les relations d’import-export peuvent être diverses entre ces pays. L’Espagne et l’Équateur représentent environ 2 p. 100 de l’importation des produits, donc de 300 à 400 millions de dollars environ; mes chiffres sont approximatifs.

Depuis plusieurs années, les investissements soutenus à Quito s’élèvent à quelques millions de dollars par année, ce qui a un impact très significatif dans le développement du centre historique, c’est-à-dire sa qualité, sa structure, sa cohérence de planification et son rayonnement. Tout cela a amélioré les conditions économiques de la communauté et la communauté elle-même, et a également amélioré les conditions qui permettent à l’Espagne de travailler avec l’Équateur. Si on n’investit pas dans les conditions des pays dans lesquels on se trouve, on se crée un déficit qui, ensuite, pourrait empêcher d’amener d’autres projets qui pourraient avoir un plus grand impact. Donc, c’est cette stratégie que plusieurs autres pays ont comprise et pratiquent depuis longtemps. Nous demandons donc à votre comité de la considérer et d’y réfléchir.

Effectivement, des investissements de plusieurs millions de dollars sont significatifs pour notre pays. Cela dit, les répercussions restent à évaluer. C’est là que nous pensons qu’il est nécessaire de faire une réflexion stratégique sur ce lien, dans la mesure où d’autres pays l’ont menée.

[Traduction]

La présidente : Monsieur Rivet, vous avez assurément suscité beaucoup de questions et vous avez été très spécifique à l’égard des domaines qu’il nous faut examiner. Merci de votre témoignage. Si vous avez d’autres réflexions ou des suggestions, veuillez vous adresser à la greffière au cours de nos travaux.

Au nom du comité, merci. Votre présence est précieuse pour notre étude.

(La séance est levée.)

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