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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 6 - Témoignages du 22 mars 2016


OTTAWA, le mardi 22 mars 2016

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 heures 1, pour étudier les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour à tous. Je suis le sénateur Maltais du Québec, président du comité. J'aimerais débuter en demandant aux sénateurs de se présenter.

La sénatrice Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan.

[Français]

La sénatrice Tardif : Bonjour, je m'appelle Claudette Tardif, sénatrice de l'Alberta.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Don Plett; je viens d'une petite localité du Manitoba située pas très loin de Gimli.

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l'Ontario.

Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Bonjour, je m'appelle Jean-Guy Dagenais, sénateur du Québec et amateur de whisky.

[Traduction]

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le président : La sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario.

[Traduction]

Aujourd'hui, le comité continuera son étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux. Le secteur agricole et agroalimentaire canadien joue un rôle important dans l'économie canadienne.

[Français]

Nous accueillons aujourd'hui M. CJ Hélie, vice-président exécutif de Spiritueux Canada. Je vous souhaite la bienvenue à notre comité. Je suis convaincu que cet exercice sera utile pour la rédaction de notre rapport, qui doit être déposé d'ici le 30 juin.

J'aimerais souligner que, plus les exposés seront brefs, plus les sénateurs auront l'occasion de vous poser des questions.

CJ Hélie, vice-président exécutif, Spiritueux Canada : Je vous remercie, monsieur le président. Je serai bref.

[Traduction]

Mon nom est CJ Hélie, et je suis le vice-président exécutif de Spiritueux Canada, l'association commerciale qui représente les fabricants de spiritueux canadiens à l'échelle du pays. Nous sommes heureux de pouvoir vous rencontrer aujourd'hui à nouveau pour discuter des priorités en matière de commerce international pour les fabricants de spiritueux du Canada.

Notre association représente des producteurs primaires. Cela veut dire que nous utilisons des grains de céréales plutôt modestes, comme les grains de seigle et de maïs que vous voyez devant moi, et que nous les transformons, avec un peu de science et de magie, en produits de marque parmi les plus valorisés dans le secteur agroalimentaire, comme les produits de qualité que vous pouvez voir ici aujourd'hui. Voici le fameux Crown Royal Northern Harvest Rye, désigné whisky de l'année dans la réputée Whisky Bible de Jim Murray. Distillé à Gimli, au Manitoba, créé dans les laboratoires de LaSalle, au Québec, et embouteillé à Amherstburg, en Ontario, il est un produit véritablement canadien.

Nous avons également ici le Lot 40 de Corby, couronné whisky canadien de l'année par un groupe composé d'experts, qui l'ont préféré à plus de 50 autres whiskys lors d'une dégustation à l'aveugle organisée dans le cadre du concours Canadian Whisky Awards. Ce ne sont là que deux exemples de l'innovation canadienne et des merveilleux produits fabriqués au pays de nos jours à partir de grains canadiens.

L'industrie canadienne de la production de spiritueux représente plus de 8 500 emplois à temps plein au Canada, contribue pour près de 6 milliards de dollars au PIB national et s'approvisionne en grains à pratiquement 100 p. 100 auprès d'agriculteurs canadiens, ce dont nous sommes très fiers. La valeur de nos exportations annuelles sur la scène internationale est de plus de 600 millions de dollars, soit plus que la valeur combinée des exportations de bière, de cidre et de vin.

En termes de priorités de notre industrie en matière de commerce international, je voudrais débuter avec quelques mots sur l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce. Pour nous, l'OMC demeure un véhicule essentiel pour veiller à ce que le commerce ne soit pas compromis par diverses mesures dont l'effet, que ce soit intentionnel ou non, serait d'entraver l'accès aux marchés étrangers. Les boissons alcoolisées font régulièrement l'objet de discussions lors des rencontres de comités de l'OMC tels que le Comité des obstacles techniques au commerce et le Comité des mesures sanitaires et phytosanitaires.

J'aimerais profiter de l'occasion pour mentionner que notre industrie est très reconnaissante du travail effectué à Genève par la mission canadienne, avec les conseils et le soutien des fonctionnaires d'Affaires mondiales travaillant à Ottawa, en vue d'inciter les autres membres de l'OMC à remplir toutes leurs obligations commerciales. Les membres du comité savent peut-être que le Canada s'est joint aux consultations entamées par l'Union européenne et la Colombie dans le cadre de la procédure officielle de règlement des différends afin de résoudre la question concernant les mesures incompatibles avec les règles de l'OMC appliquées par la Colombie en matière de taxation des spiritueux et d'accès au marché pour ces produits.

Au cours des discussions bilatérales entre le Canada et la Colombie, il avait été convenu que ces dispositions discriminatoires seraient éliminées dans les deux années suivant l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie. Cela ne s'est malheureusement pas produit et donc, nous avons engagé des consultations dans le cadre de la procédure officielle de règlement des différends de l'OMC pour aider à résoudre la question. Espérons que le gouvernement de la Colombie adoptera la mesure législative nécessaire et maintes fois promise au cours de la présente session du Congrès, qui prendra fin en juin. Sinon, nous savons que les intérêts du Canada seront bien représentés dans tout processus de contestation formel mené sous la direction exceptionnelle de l'ambassadeur Fried à la mission canadienne à Genève.

En termes d'ampleur et de portée, il n'y a pas beaucoup d'initiatives plus importantes que le PTP, le Partenariat transpacifique, conclu récemment. Je crois que d'autres témoins vous ont parlé de son importance ces dernières semaines. Notre industrie exhorte tous les signataires de l'accord à ratifier celui-ci le plus rapidement possible. Je n'ai pas l'intention d'énumérer tous les avantages du PTP, mais je voudrais néanmoins souligner quelques-uns de ses éléments clés aux yeux des fabricants de spiritueux canadiens.

Premièrement, nous avons réussi à obtenir la reconnaissance officielle par l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon et le Vietnam du « whisky canadien » et du « rye whisky canadien » comme « produits distinctifs du Canada » ou des indications géographiques du Canada. Deuxièmement, nous avons obtenu l'élimination de droits d'importation clés pour le whisky canadien, y compris l'élimination par le Vietnam de ses droits d'importation prohibitifs de 55 p. 100 dans les 11 ans suivant l'entrée en vigueur de l'accord, l'élimination immédiate par l'Australie de ses droits d'importation de 5 p. 100 et l'élimination par la Malaisie de son taux tarifaire d'importation de 58 ringgits par litre. Je crois comprendre qu'il s'agit de la première fois que la Malaisie accepte d'inclure l'alcool dans l'un de ses accords de libre-échange. Je dis donc chapeau!

Troisièmement, mentionnons l'inclusion, dans le chapitre du PTP portant sur les obstacles techniques au commerce, d'une annexe concernant les vins et les spiritueux pour aborder les questions d'étiquetage et de normes; quatrièmement, des disciplines supplémentaires dans le cas des entreprises appartenant à l'État; et cinquièmement, une solide procédure de règlement des différends. Ces éléments représentent tous des gains importants pour les exportateurs canadiens, des gains habilement négociés par les responsables du commerce du gouvernement canadien. Bravo à tous ces gens, qui ont accompli un travail remarquable. Ces gains ne passeront cependant de la théorie à la réalisation qu'après la ratification de l'entente.

Et parlant de ratification, nous continuons également à recommander que le Canada et l'Union européenne ratifient l'AECG, l'Accord économique et commercial global. Un accord de principe a été annoncé en août 2014 et un texte juridique final a été adopté le dernier jour de février 2016. Nous ne devons pas perdre l'élan acquis. Il faut passer rapidement à la traduction et à la ratification. Ce qui est important pour l'industrie des spiritueux, c'est que l'AECG permettra à la fois d'intégrer pleinement l'Accord sur les vins et spiritueux entre le Canada et l'Union européenne de 2004 dans le texte du PTP et de mettre cet accord à jour. Nous sommes encouragés par les récentes déclarations des ministres Freeland et MacAulay, pour ne nommer que ceux-là, quant à leur soutien à la mise en œuvre de l'AECG. Je crois que nous sommes sur la bonne voie.

En terminant, je voudrais faire un lien entre les priorités et les objectifs du Canada en matière de commerce international et ceux concernant le commerce interprovincial, ici, chez nous.

Les responsables du commerce du gouvernement canadien travaillent très fort à Ottawa et à l'étranger pour veiller à ce que les exportations canadiennes de produits agroalimentaires en général, et de boissons alcoolisées en particulier, soient traitées équitablement et de la même façon que les produits locaux, alors qu'en même temps, de nouvelles mesures discriminatoires mises en place par certaines provinces canadiennes entravent le commerce national.

Quel est le lien? Les implications de ces mesures discriminatoires sont doubles. Premièrement, elles peuvent nuire à la capacité du gouvernement du Canada à plaider avec force pour le démantèlement d'une mesure étrangère lorsqu'un obstacle au commerce similaire est en place dans une province canadienne. Deuxièmement, elles ajoutent des coûts importants pour la vente au Canada, rendent les entreprises moins productives et diminuent les ressources disponibles pour développer et ouvrir de nouveaux marchés étrangers.

L'ouverture de nouveaux marchés à l'étranger est une entreprise coûteuse et risquée, et le marché canadien déjà suffisamment petit. Nous nous devons de l'exploiter au maximum.

Nous vous remercions de votre attention. Je serais heureux de répondre à vos questions.

[Français]

Le président : Monsieur Hélie, merci beaucoup d'avoir respecté le temps qui vous était imparti. À la demande du sénateur Plett, nous allons quelque peu déroger à nos habitudes; puisque vous êtes de la même province que lui et qu'il devra quitter la séance du comité plus tôt, il aura l'occasion de poser la première question.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Bienvenue et merci pour votre présentation. J'ai quelques questions pour vous.

La première est la suivante : Des 8 500 personnes qu'emploie votre industrie, combien sont du Manitoba?

M. Hélie : Environ 350.

Le sénateur Plett : Où se trouve la majorité des travailleurs?

M. Hélie : L'industrie est établie principalement en Ontario. C'est là que se fait la majorité de la fabrication. L'Alberta arrive au deuxième rang, puis le Québec, puis le Manitoba. C'est dans ces quatre provinces qu'on trouve les principales installations et que se font les investissements les plus importants.

Le sénateur Plett : J'ai pu constater les investissements réalisés à Gimli.

Quel est le pourcentage des grains achetés au Manitoba? Vous dites que presque 100 p. 100 des grains sont achetés au Canada.

M. Hélie : Nous achetons 100 p. 100 du maïs et environ 70 p. 100 du seigle au Manitoba. Le reste du seigle provient de la Saskatchewan.

Le sénateur Plett : Les grains proviennent donc majoritairement du Manitoba.

Ce fut effectivement une année emballante pour Spiritueux Canada, et je vous félicite du fait que votre whisky a été désigné comme étant le meilleur au monde.

Étant donné cette désignation, avez-vous parfois des discussions avec les Écossais qui affirment qu'ils sont les seuls à produire du vrai whisky? Je pense aussi à l'excellent whisky écossais du cap Breton, le whisky Glen Breton. Avez-vous des discussions sur le fait que le rye est appelé whisky?

M. Hélie : Tous les jours. Bien franchement, nous sommes à la fois des collègues et des compétiteurs. À bien des égards, nous sommes sur la même longueur d'onde, et nous allons travailler ensemble pour éliminer les obstacles à l'accès au whisky. Par exemple, nous sommes en accord pour ce qui est de l'accès au marché colombien. Cependant, le Canada et l'Écosse ont des méthodes traditionnelles de fabrication du whisky très différentes. La méthode traditionnelle écossaise est assez restrictive. En tant que société beaucoup plus ouverte, le Canada s'est inspiré de nombreux pays, et l'éventail des whiskys canadiens est plus large. Selon nous, cette caractéristique procure à nos whiskys un énorme avantage concurrentiel, car nous pouvons produire un plus large éventail de goûts pour une gamme plus variée d'utilisations.

Une quantité très limitée de whisky est consommée pure, c'est-à-dire sans eau. En ce moment, la mode est aux cocktails, et ceux à base de whisky remportent un succès fou. Le whisky canadien constitue la base idéale pour un cocktail au whisky.

Le sénateur Plett : Bien. J'aimerais maintenant connaître votre opinion sur ce que je vais dire. J'ai entendu dire que ce produit peut être acheté plus facilement aux États-Unis qu'en Ontario et peut-être aussi que dans d'autres provinces — et j'aimerais que vous nous parliez de la situation dans les autres provinces — parce que, aux États-Unis, les magasins d'alcools sont prêts à payer un prix équitable pour le produit, alors que la Régie des alcools de l'Ontario n'est disposée qu'à payer la moitié de ce prix, soit environ 5 $ l'unité, et qu'elle fixe apparemment un prix de revente à quelque 35 $ l'unité.

Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de cette situation et aussi du fait que des marchés étrangers ont plus de facilité à avoir accès à des produits canadiens importés à un prix plus concurrentiel que celui que nous payons parce que les pratiques commerciales des régies provinciales des alcools sont préjudiciables aux consommateurs canadiens?

M. Hélie : Comme il s'agit d'une vaste question, je vais la diviser en deux parties. La première portera sur le prix. Les taxes imposées sur les spiritueux au Canada sont parmi les plus élevées au monde. La plupart de ces taxes sont imposées par les provinces, mais il faut aussi tenir compte de la taxe d'accise fédérale. Étant donné les taxes élevées imposées sur leurs produits, les fournisseurs ne peuvent obtenir le prix auquel ils seraient raisonnablement en droit de s'attendre sur le marché. Pour obtenir un prix équitable sur l'un des produits de grande qualité que je vous ai montrés plus tôt, le prix de détail devrait être de 70 à 90 $ la bouteille. Comme les Canadiens ne sont pas disposés à payer ce prix, le prix des produits vendus sur chacun des marchés canadiens est beaucoup inférieur à celui demandé sur le marché international. Cette situation pose problème, car la vente de produits au Canada ne génère pas suffisamment de revenus pour soutenir à long terme la viabilité de l'industrie. Voilà ce que j'ai à dire au sujet du prix.

Pour ce qui est de l'accès aux points de vente au détail, le rendement des régies des alcools varie selon la façon dont elles présentent les spiritueux canadiens en général et, plus particulièrement les whiskys, ainsi que la quantité de ces produits. Nous les incitons fortement à répondre à la demande des consommateurs à l'égard du whisky canadien. Je dirais que nous faisons un peu de progrès, mais nous devrions avoir honte de la petite taille des sections réservées au whisky canadien dans la plupart des magasins d'alcools du Canada. Si vous allez aux États-Unis, vous constaterez qu'il se trouve trois fois plus de whiskys canadiens dans un magasin d'alcools de Buffalo, par exemple, que dans un magasin situé au Canada. Cette situation est attribuable en partie aux régies des alcools, ainsi qu'à l'ingérence exercée par les gouvernements provinciaux.

Lorsqu'un ministre d'une province donnée lui demande de donner un coup de main à un établissement vinicole ou à un producteur de bière artisanale local, la régie des alcools fait des pieds et des mains pour faire de la place pour certains de ces produits qui occupent de plus petits créneaux que les spiritueux, par exemple.

Le sénateur Plett : Pourquoi les régies des alcools agissent-elles ainsi?

M. Hélie : Parce que ce sont des créatures de l'État. Elles doivent donner suite aux demandes du ministre, qui, lui, subit l'influence de divers intervenants.

Le sénateur Plett : J'ai parlé d'un problème qui touche l'Ontario. Observe-t-on le même problème dans l'ensemble des provinces?

M. Hélie : Grosso modo, oui. C'est en Alberta que la situation est de loin la meilleure, car cette province accepte les produits des fabricants de spiritueux locaux et a privatisé la vente au détail des alcools. La province exerce encore un contrôle total sur le volet importation, mais la vente au détail est assujettie aux règles du marché. C'est donc la demande des consommateurs qui dicte les décisions.

Au Québec, la SAQ tirait énormément de la patte. Au cours des cinq dernières années, sous une nouvelle direction, elle s'est améliorée considérablement, mais il lui reste encore beaucoup de chemin à faire. Je dirais que les choses progressent bien.

Le Manitoba, qui dispose d'une belle et grande distillerie, n'a toujours pas compris cela. Il y a quelques années, lorsqu'il a apporté des changements à la fiscalité, le gouvernement du Manitoba n'a pas reconnu qu'il se fabrique du whisky dans la province. Il a plutôt accordé un traitement de faveur au vin. Pourquoi? Je ne le sais pas. Il n'y a aucun vignoble au Manitoba. Il semble que c'est parce qu'un des membres de la direction était un amateur de vin.

Le sénateur Plett : Espérons que la situation changera au Manitoba le 19 avril.

Le président : Merci, monsieur Hélie et sénateur Plett. Avant de donner la parole au sénateur Mercer, j'aimerais vous présenter le sénateur Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse. Sénateur Mercer, merci d'avoir cédé votre place au sénateur Plett.

Le sénateur Mercer : Nous conviendrons tous que, autour de cette table aujourd'hui, certaines personnes présentent un vif intérêt pour le produit dont le témoin nous a parlé et qu'elles sont ni plus ni moins des experts en la matière. Je n'en dirai pas plus.

Je n'ai que deux ou trois questions. Vous avez soulevé la question de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie et le fait que les dispositions discriminatoires devaient être éliminées dans les deux années suivant l'entrée en vigueur de cet accord. Je ne m'attends pas à une réponse de votre part, mais je parle de cela simplement pour rappeler à mes collègues que, tandis que nous continuons de discuter d'autres accords de libre-échange, des choses de ce genre peuvent se produire.

Vous avez dit que peu d'initiatives sont plus importantes que le Partenariat transpacifique, compte tenu de sa portée et de son étendue. Je suis d'accord avec vous. Cependant, je n'ai pas tout à fait compris lorsque vous avez dit que l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon et le Vietnam devraient reconnaître officiellement le « whisky canadien » et le « rye whisky canadien » comme des produits distinctifs ou des indications géographiques du Canada. L'expression est déjà protégée au Chili, au Mexique et au Pérou. Que signifie l'expression « indications géographiques du Canada »?

M. Hélie : « Appellation contrôlée », comme dans le cas de Bordeaux et de Champagne, est une autre expression que les gens connaissent peut-être mieux. Cette expression signifie que les produits ne peuvent être fabriqués que dans ces régions. Elle ne peut donc pas figurer sur l'étiquette de vins fabriqués ailleurs. Par exemple, on ne peut pas dire qu'un produit est de « type whisky canadien » ou « comme un whisky canadien » s'il est protégé en tant qu'indication géographique du Canada ou produit distinctif.

Le sénateur Mercer : D'accord. C'est une bonne chose, alors. Je n'avais pas tout à fait compris le concept.

J'ai été très étonné d'apprendre que le Vietnam impose des droits d'importation de 55 p. 100. C'est assez ahurissant.

Vous dites aussi que ces mesures discriminatoires ont des conséquences à deux égards. Premièrement, elles peuvent nuire à la capacité du gouvernement du Canada de réclamer énergiquement l'abolition d'une mesure discriminatoire imposée par un pays étranger si un obstacle semblable existe déjà dans une province canadienne.

Il s'agit de problèmes provinciaux. Pourriez-vous nous donner un exemple concret de cette situation?

M. Hélie : Certainement. Systembolaget, une chaîne de magasins qui détient le monopole en matière d'alcools importés en Suède, a proposé d'imposer un droit spécial sur les bouteilles en verre qui dépassent un certain poids. Elle a fixé arbitrairement un poids limite. Selon nous, il s'agit d'un obstacle au commerce, car une bouteille de whisky de qualité supérieure doit avoir de la gueule. Il ne s'agit pas d'un simple contenant; la bouteille fait partie intégrante de l'image de marque. Cette mesure nous poserait donc problème.

Les régies des alcools de deux provinces canadiennes ont envisagé d'adopter des dispositions semblables. Par conséquent, si les dispositions sont déjà en vigueur au Canada, le gouvernement fédéral ne pourrait certainement pas dire à la Suède ou à l'Union européenne — dans ce cas, il s'agit de la Commission européenne — qu'elle ne peut pas imposer une telle mesure parce qu'elle nuit au commerce. Le gouvernement fédéral ne pourrait pas dire cela si une mesure semblable existait déjà dans une province canadienne. On dirait alors qu'il s'agit de deux poids, deux mesures.

Le sénateur Mercer : L'Accord économique et commercial global est important pour les Canadiens. Nous en sommes conscients. Vous avez dit que, selon vous, certaines régies provinciales des alcools ont un parti pris en faveur du vin. C'est le cas dans ma province. La Nouvelle-Écosse est un important producteur de vin. Elle compte un certain nombre d'établissements vinicoles, et beaucoup de vignes y sont cultivées. Il me semble que les ministères compétents protègent leurs produits agricoles et vinicoles.

Pensez-vous que nous pouvons être davantage des exportateurs que des importateurs de vin, peut-être pas dans le cadre de l'Accord économique et commercial global, mais plutôt en vertu du Partenariat transpacifique?

M. Hélie : Le gouvernement du Canada et certains gouvernements provinciaux tentent d'accroître les exportations de vin depuis 25 ou 30 ans. Je dirais qu'ils font du bon travail à cet égard. Cependant, la réalité, c'est que le marché mondial des alcools est extrêmement concurrentiel. Les produits doivent donc être de très bonne qualité, ce qui est le cas des vins et spiritueux canadiens, selon moi. Toutefois, il faut aussi tenir compte de la valeur. Quelle est notre gamme de prix? Offrons-nous des prix concurrentiels? Parmi les conséquences imprévues de certaines des mesures canadiennes, mentionnons le prix du vin non concurrentiel à l'échelle mondiale.

Le sénateur Mercer : J'imagine que cette situation s'applique tout particulièrement aux vins de la Colombie- Britannique. Ces vins d'excellente qualité sont très chers. L'autre problème, c'est la décision de ne pas produire en aussi grande quantité que nos principaux concurrents. Les vins produits en Colombie-Britannique sont de bonne qualité. Dans l'Est, nous nous plaignons de ne pas pouvoir acheter suffisamment de vin de la Colombie-Britannique. C'est parce que cette province n'en produit pas assez. Ainsi, quand les producteurs de Colombie-Britannique vendent du vin dans l'Est du pays, il n'en reste presque plus lorsqu'ils arrivent en Nouvelle-Écosse.

M. Hélie : La plupart des établissements vinicoles canadiens de petite ou moyenne taille ont peu intérêt à vendre leurs produits à l'extérieur de leur province respective. Les gouvernements provinciaux ont fait en sorte qu'il soit très lucratif pour les établissements vinicoles de vendre leurs vins à l'intérieur de leur province. Dans le cas de l'Ontario, comme les producteurs sont essentiellement exemptés de toute majoration, la marge bénéficiaire brute de leurs ventes à l'intérieur de la province est de 85 p. 100 du prix de vente. Par conséquent, si vous payez 15 $ pour une bouteille de vin d'appellation VQA achetée en magasin, 85 p. 100 de cette somme est versée à l'entreprise vinicole. Si ce vin était vendu dans un autre magasin au Canada — et, essentiellement, sur un marché bien établi —, la marge bénéficiaire serait de 35 cents en moyenne. Un établissement vinicole dont le plan d'affaires repose sur une marge bénéficiaire de 85 p. 100 ne peut pas survivre en touchant 35 cents par bouteille vendue.

Le sénateur Mercer : Je vous remercie. Les Canadiens ne sont pas conscients de la grande importance de cette industrie et doivent se souvenir d'où proviennent les matières premières, c'est-à-dire principalement des exploitations agricoles canadiennes.

[Français]

Le président : Je sens que nous allons boire les paroles du prochain sénateur qui posera des questions.

Le sénateur Dagenais : Monsieur Hélie, vous avez raison lorsque vous parlez des étalages dans les SAQ au Québec. Malheureusement, vous n'y avez pas beaucoup d'espace. Par contre, la SAQ fait beaucoup de place au vin qu'elle nous vend 3 $ de plus la bouteille qu'en Ontario. J'en profite pour en acheter à la LCBO avant de retourner au Québec.

Ceci étant dit, je vais régulièrement aux États-Unis, et j'ai constaté que dans les magasins d'alcools, vous êtes très bien représenté sur les tablettes, à tel point qu'on cherche le vin, parce qu'on ne voit que du whisky. Je suis heureux d'en parler.

J'aimerais revenir à l'Accord sur le PTP. Lorsque l'accord sera signé avec l'Australie et les pays asiatiques, constaterons-nous une différence des tarifs douaniers par rapport à ceux d'aujourd'hui?

M. Hélie : Pour l'Australie, on parle d'un tarif vexateur, car 5 p. 100 n'est pas réellement un tarif commercial. Par contre, si on prend l'exemple du Vietnam qui est à 55 p. 100, aujourd'hui, on n'exporte presque rien au Vietnam à cause de ce tarif élevé. Ce sera beaucoup mieux après la signature de l'accord.

Le sénateur Dagenais : Après le PTP, le tarif douanier de 55 p. 100 devrait diminuer?

M. Hélie : Le tarif tombera de 55 p. 100 à zéro en 11 ans.

Le sénateur Dagenais : C'est très avantageux. Corrigez-moi si je me trompe, mais entre les provinces, y a-t-il des obstacles à la circulation des produits canadiens? Je crois que vous en avez parlé un peu. On tend à vouloir régler cette question. Toutefois, je crois qu'il y a encore des obstacles d'une province à l'autre, ce qui, à mon avis, n'est pas normal. Au Canada, il ne devrait pas y avoir d'obstacles entre les provinces. Le marché canadien est pour tout le monde. J'aimerais entendre votre opinion à ce sujet.

M. Hélie : Il existe des obstacles et on en voit de plus en plus chaque jour. Les provinces se surveillent et se rattrapent. Il y a la Loi 88 au Québec, et le ministre a dit ce qui suit : « J'ai eu des représentations de l'Europe et je leur ai dit que la situation n'est pas aussi grave au Québec qu'en Ontario ou en Colombie-Britannique, alors laissez-moi tranquille. »

Le sénateur Dagenais : Cela signifie qu'il n'y a pas de libre circulation. Le Partenariat transpacifique permettra-t-il une meilleure circulation avec les pays partenaires qu'entre les provinces du Canada?

M. Hélie : En effet, oui.

Le sénateur Dagenais : On devrait peut-être conclure un accord semblable au PTP entre les provinces.

M. Hélie : Oui, exactement.

Le président : Monsieur Hélie, pour votre information, le Comité des banques étudie présentement la façon d'abolir les barrières tarifaires au Canada. C'est un problème qui a été soulevé depuis de très nombreuses années et qui nuit au commerce intérieur. On conclut des traités de libre-échange à l'extérieur, mais on érige des barrières dans notre propre pays.

[Traduction]

La sénatrice Merchant : Bienvenue. Comme je l'ai dit lors des présentations, je suis de la Saskatchewan. D'après ce que vous avez dit, nous sommes coincés entre le Manitoba et l'Alberta. Nous constituons le comité de l'agriculture. Je sais que vous êtes ici au nom des fabricants de spiritueux, mais j'aimerais d'abord comprendre quelque chose. Quand je bois un verre de jus d'orange, on me dit qu'il contient le jus de neuf oranges pressées. Quand je bois un verre de whisky, quelle quantité de seigle — le produit que vous achetez peut-être en Saskatchewan — contient-il et quelle contribution faites-vous à l'économie? Je suis consciente que vous comptez beaucoup d'employés et que d'autres questions entrent en ligne de compte, mais j'aimerais envisager le tout uniquement du point de vue agricole. Quel avantage la Saskatchewan retire-t-elle de cette industrie?

M. Hélie : Le principal produit agricole que nous achetons en Saskatchewan serait le seigle. Comme je l'ai dit tout à l'heure, le marché du rye connaît un essor incroyable. Certains produits dont j'ai parlé sont très en vogue, comme ce Lot 40, qui est fait entièrement à partir de seigle. Le Northern Harvest Rye est fait à 90 p. 100 de seigle. Une bonne part du seigle qu'utilisent les distilleries de l'Alberta et du Manitoba provient de la Saskatchewan. Je dirais que, en tout, nous achetons environ 80 000 tonnes de seigle par année. Notre distillerie de l'Alberta est, par exemple, le plus important acheteur de seigle du Canada. Nous sommes un gros acheteur. Nous entretenons des liens étroits avec certains producteurs agricoles, parfois même depuis 40, 50, voire 60 ans. Nous sommes directement liés aux producteurs agricoles locaux.

La sénatrice Merchant : Je vous disais tout à l'heure que la Saskatchewan produisait il y a quelques années un rye qui s'appelait Number 1 Hard. Que s'est-il passé? Il me semble que la distillerie se trouvait en Saskatchewan.

M. Hélie : Je ne connais pas cette marque.

La sénatrice Merchant : Nous avons le seigle. Je me demandais seulement pourquoi, dans ce cas...

M. Hélie : La production de whiskys ne cesse de diminuer au Canada. Pourquoi? Parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, les impôts du Canada sont les plus élevés du monde. Lorsqu'il y a une hausse d'impôt, les fabricants cherchent à réduire les coûts de production. Le rapport est pratiquement de 1 pour 1 : lorsqu'on prend 1 $ d'impôt de plus, il faut trouver ailleurs une économie de 1 $. Même si ce n'est pas le seul moyen, cela se fait notamment par la concentration : on ferme des distilleries et on regroupe les activités. On obtient ainsi une plus grande capacité de production et une meilleure productivité. Ces mesures de compression des coûts nous ont obligés à fermer les dernières distilleries de la Saskatchewan, de la Colombie-Britannique et de la Nouvelle-Écosse.

La bonne nouvelle, c'est que, comme chaque fois que les grosses entreprises prennent de l'expansion et regroupent leurs activités afin d'être plus rentables, d'augmenter leurs exportations et de miser davantage sur les marchés internationaux, de nouveaux groupes d'entrepreneurs créent, au bas de l'échelle, ce qu'on appelle de petites distilleries. C'est ce qu'on constate en Saskatchewan. Je crois que la Saskatchewan compte trois nouvelles distilleries autorisées, et les produits agricoles dont ils se servent proviennent surtout de producteurs locaux.

Le sénateur McIntyre : Je vous remercie de votre déclaration, monsieur Hélie. Je remarque que vos exportations annuelles de whisky sont plus élevées que l'ensemble des exportations de bière, de cidre et de vin. C'est extraordinaire.

Dans votre exposé et votre mémoire, vous pressez le gouvernement fédéral de ratifier l'AECG et le Partenariat transpacifique. Je sais que vous avez déjà répondu à la question du sénateur Dagenais à ce sujet, mais il me semble que le marché canadien devra subir une forte concurrence, par exemple, des États-Unis, de l'Écosse et du Mexique. En quelques mots, craignez-vous beaucoup cette concurrence? Saurez-vous y faire face?

M. Hélie : Nous sommes prêts à rivaliser avec n'importe qui. Nos produits sont aussi bons que ceux des autres pays. Le marché intérieur du Canada est déjà très ouvert. Nous ne prévoyons aucun changement notable.

Les enjeux, en quelque sorte, ce sont les pays comme le Vietnam et la Malaisie. Si, pour une raison quelconque, le Canada n'adhérait pas au Partenariat transpacifique, ces marchés nous seront pour toujours fermés. C'est ce qui s'est passé en Corée du Sud, où les exportations de whisky canadien étaient très intéressantes. L'Union européenne et les États-Unis ont conclu leurs accords de libre-échange avant le Canada. Les distributeurs de boissons alcoolisées de Séoul et de l'ensemble du territoire coréen se sont rendu compte que, en raison des tarifs préférentiels associés au scotch ou au bourbon, ils allaient faire beaucoup plus de profits en vendant ces produits plutôt que du whisky canadien, et ils ont alors rempli leurs tablettes de scotch et de bourbon.

Récupérer cette part de marché est aussi difficile que coûteux.

Le sénateur McIntyre : De quoi est fait le whisky? De seigle et de maïs?

M. Hélie : Nous avons principalement quatre céréales : le maïs, le seigle, le blé et l'orge. Dans l'Est du Canada, c'est- à-dire le Québec, l'Ontario et le Manitoba — vous me pardonnerez d'inclure le Manitoba dans cette région —, les produits sont surtout faits à partir de maïs. En Alberta, les produits sont surtout faits à partir de seigle, mais nous faisons surtout des whiskys mélangés. Autrement dit, contrairement au scotch, nous faisons un mélange. Nous avons différents distillats : un petit peu de maïs, de seigle, de blé et d'orge. Nous ajustons les proportions selon la marque. Encore là, dans l'Est, les produits sont principalement faits à partir de maïs et sont surtout aromatisés au seigle. Dans l'Ouest, les produits sont surtout faits à partir de seigle, auquel on ajoute un peu de distillats d'autres céréales pour ajouter de la profondeur.

Le sénateur McIntyre : On utilise donc des céréales : le maïs et le seigle. Or, le cours des céréales fluctue. Quelle incidence la fluctuation du cours des céréales a-t-elle sur la compétitivité des distilleries canadiennes sur les marchés mondiaux?

M. Hélie : Année après année, l'association reçoit des plaintes sur presque tous les coûts de production. La seule exception, c'est les céréales. Les membres se plaignent lorsque le coût de l'électricité ou du transport augmente, mais les grandes distilleries sont toujours prêtes à payer le gros prix pour utiliser les meilleures céréales. Le prix des céréales ne nous préoccupe pas tellement. Nous payons une prime. Nous payons notre maïs de 20 à 25 p. 100 de plus que le prix de Chatham. Nous achetons les meilleures céréales que peuvent produire les exploitations agricoles. Le prix est un facteur, je ne dis pas le contraire, mais nous ne reprochons jamais aux producteurs agricoles d'obtenir le maximum de leurs produits, parce que tous les maîtres distillateurs nous disent que les whiskys canadiens se font uniquement à partir de céréales d'excellente qualité.

[Français]

La sénatrice Tardif : Merci de votre présentation très instructive, monsieur Hélie. Votre association a indiqué que l'Inde était un marché qui présentait un potentiel intéressant pour vos membres, mais que les tarifs à l'importation et au commerce intérieur de ce pays représentaient un frein important à vos ambitions. Qu'en est-il aujourd'hui? Des progrès ont-ils été faits depuis?

M. Hélie : Pas du tout; le tarif imposé est encore de l'ordre de 150 p. 100 et les mesures sont les mêmes. Il n'y a donc pas de progrès.

La sénatrice Tardif : Est-ce toujours une cible de marché, en ce cas? Espérez-vous toujours avoir accès à ce marché malgré le tarif exorbitant?

M. Hélie : Pas à moyen terme. Nous pensons que d'autres marchés plus fructueux seront accessibles dans un avenir rapproché.

La sénatrice Tardif : Vous vous concentrez donc surtout sur les pays qui prennent part au PTP?

M. Hélie : Oui, ceux-là; les États-Unis représentent toujours un grand marché. Nous commençons à exporter en Colombie et dans les États de l'Europe de l'Est. Des pays comme la Lituanie, la Lettonie et la Serbie commencent à montrer des progrès, en passant de la vodka de la Russie à des spiritueux comme le whisky canadien.

La sénatrice Tardif : Quel pourcentage de votre production exportez-vous?

M. Hélie : Il s'agit de 70 p. 100 de notre whisky et de 60 p. 100 de toute notre production.

La sénatrice Tardif : C'est tout de même considérable.

M. Hélie : Oui, c'est exact.

La sénatrice Tardif : Votre volume de ventes à l'exportation est plus important que votre volume de ventes domestiques?

M. Hélie : Certainement.

La sénatrice Tardif : Avez-vous toujours l'ambition de maintenir ce niveau de croissance des exportations?

M. Hélie : Nous sommes un peu déçus du fait que le whisky irlandais, il y a deux ans, nous a dépassés à l'égard de la valeur de ses exportations internationales. C'est vraiment dommage. Il nous faut maintenant travailler encore plus fort dans le cadre de nos marchés à l'extérieur du Canada.

La sénatrice Tardif : Merci.

Le président : J'aurais une petite question à vous poser, monsieur Hélie. Le sénateur Mercer et moi-même nous sommes rendus en Écosse, et les gens nous ont expliqué que la qualité de l'eau était en grande partie responsable de la qualité du scotch, puisque les grands scotchs proviennent toujours de rivières en Écosse. D'où provient votre eau? Des Grands Lacs?

M. Hélie : Tout dépend de l'usine. Dans le cas du whisky Gimli, l'eau provient du lac Manitoba, et dans le cas du whisky Collingwood, l'eau provient de la baie Georgienne. Toutes les usines de fabrication de nos spiritueux sont situées tout près d'une source d'eau parfaite pour faire des spiritueux.

Le président : L'eau de la baie Georgienne est donc excellente pour faire un scotch.

M. Hélie : Un whisky; c'est encore mieux qu'un scotch.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Merci de votre déclaration, monsieur Hélie. Ma question porte sur le fait que les spiritueux canadiens contribuent au PIB du Canada à hauteur de 6 milliards de dollars. Ce montant dénote-t-il une hausse ou une baisse?

M. Hélie : Une légère hausse. Nous sommes loin de traverser une période d'effervescence. Au contraire. Même si nos produits intéressent les consommateurs, nous réussissons à peine à arriver, principalement à cause du fardeau fiscal que nous impose le Canada.

Le sénateur Oh : Pouvez-vous nous en dire un peu plus au sujet de l'article du Partenariat transpacifique sur la propriété intellectuelle et de l'effet qu'il aura sur les whiskys et les ryes canadiens, c'est-à-dire deux de nos produits phares?

M. Hélie : Je vous remercie. Il s'agit d'un point très important. Les indications géographiques et les produits distinctifs figuraient parmi les éléments les plus litigieux des négociations sur le Partenariat transpacifique. Beaucoup de pays d'Asie ne voulaient rien savoir d'intégrer ce concept à l'entente parce qu'il ne leur était pas assez familier. Nous avons donc prié Affaires mondiales Canada de trouver des solutions innovatrices. On nous a proposé des ententes parallèles aux marchés que nous jugions les plus importants à protéger et — ô miracle — les représentants canadiens ont réussi à convaincre les principaux pays mentionnés dans mon mémoire de signer les ententes parallèles et ainsi de reconnaître et de protéger le whisky et le rye canadiens. Nous sommes extrêmement contents de cette avancée.

En fait, cette protection nous permet d'investir l'esprit tranquille. Il faut beaucoup d'argent pour percer un nouveau marché et séduire un nouveau groupe de consommateurs avec une nouvelle catégorie de produits, alors la dernière chose qu'on veut, c'est de voir ses efforts minés par des ersatz de produits.

Le sénateur Oh : Vous espérez donc que le Partenariat transpacifique vous ouvrira les portes du marché malaisien?

M. Hélie : Oui, même si, pour tout dire, la Malaisie ne figure pas dans nos plans pour l'immédiat. C'est un marché que nous ne comprenons pas encore très bien. Or, avant d'injecter de l'argent, il faut comprendre à la fois le marché visé et les consommateurs qui y habitent. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant que nous soyons rendus là, et c'est pourquoi nous ne sommes pas particulièrement contrariés par le fait que les droits d'importation malaisiens prendront 15 ans à disparaître. Nous aurons ainsi une idée du moment où nous devrons être concurrentiels. En 15 ans, nos membres auront assez de temps pour planifier leurs affaires de manière à réussir du premier coup.

Le sénateur Moore : Je vous remercie, monsieur Hélie, de vous être déplacé aujourd'hui.

Parmi les 65,1 p. 100 de produits distillés qui sont exportés, quelle place occupent les distilleries spécialisées? Représentent-elles une part importante — ou à tout le moins perceptible — du total?

M. Hélie : Moins de 0,1 p. 100.

Le sénateur Moore : Mon bureau est situé à Lunenburg, en Nouvelle-Écosse, où se trouve la distillerie Ironworks. Selon ce que je retiens de votre discussion avec le sénateur Plett, vous n'êtes peut-être pas au courant, mais cette distillerie a entamé des pourparlers avec les autorités provinciales et elle est sur le point d'ouvrir une boutique dans l'aéroport international Stanfield, à Halifax, après les barrières de sécurité. Elle s'appellera Liquid Assets, et elle mettra en vedette les produits distillés de la Nouvelle-Écosse. Les gens pourront s'y rendre une fois qu'ils auront franchi les contrôles de sécurité et emporter leurs emplettes avec eux en voyage. Si vous n'étiez pas encore au courant de cette initiative, je vous invite à amener les membres de votre organisme à réfléchir à ce modèle, car j'estime qu'il s'agit d'un moyen original d'aider votre secteur et de faire valoir vos produits.

M. Hélie : Nous serions bien embêtés, honnêtement, de vous expliquer pourquoi les autorités de toutes les provinces n'ont pas déjà fait la même chose. Nous leur avons fait la suggestion. C'est une idée tout à fait brillante parce que, dans la mesure où on ne peut plus franchir les contrôles de sécurité avec des liquides, les gens doivent nécessairement en faire l'achat après les barrières. Ce n'est pourtant pas difficile à comprendre, non?

[Français]

Le président : Merci pour ces explications. Elles nous ont éclairés sur un sujet que nous ne connaissons pas beaucoup. Que fabriquez-vous à part du whisky et du scotch? Est-ce que vous fabriquez d'autres alcools?

M. Hélie : Oui. Nos exportations de spiritueux représentent 100 millions de dollars. C'est plus que le vin! Toute la vodka Smirnoff que vous achetez au Canada est faite à Valleyfield, à partir de grains du Québec. Nous vendons toute la gamme de spiritueux, y compris le gin et la vodka.

Le président : Faites-vous aussi le Tanqueray?

M. Hélie : Pas le Tanqueray, mais nous faisons le Gordon's et le Gilbey's.

Le président : Merci de ces explications.

Mesdames et messieurs les sénateurs, la séance se poursuivra à huis clos pendant quelques minutes.

(La séance se poursuit à huis clos.)

(La séance est levée.)

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