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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 9 - Témoignages du 5 mai 2016


OTTAWA, le jeudi 5 mai 2016

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 heures, pour étudier les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

Le sénateur Terry M. Mercer (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je suis le sénateur Terry Mercer, vice-président du comité.

J'aimerais commencer par demander aux sénateurs de se présenter en commençant à ma gauche.

Le sénatrice Beyak : Bonjour. Sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario. Bienvenue.

La sénatrice Tardif : Bonjour. Claudette Tardif, de l'Alberta.

Le sénateur Moore : Bonjour. Je m'appelle Wilfred Moore et je suis de la Nouvelle-Écosse. Merci d'être là.

Le sénateur Plett : Bonjour, je m'appelle Don Plett. Je suis de Landmark, au Manitoba.

Le sénateur Oh : Bonjour. Victor Oh, de l'Ontario.

Le sénateur Pratte : Bonjour. André Pratte, du Québec.

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

Le vice-président : Le comité poursuit aujourd'hui son étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux. Le secteur agricole et agroalimentaire canadien joue un rôle important dans l'économie canadienne. En 2013, un travailleur sur huit au pays — représentant plus de 2,2 millions de personnes — était employé dans ce secteur, qui a d'ailleurs contribué pour près de 6,7 p. 100 au produit intérieur brut. Au niveau international, le secteur agricole et agroalimentaire canadien était responsable de 3,6 p. 100 des exportations mondiales des produits agroalimentaires en 2014. Cette année-là, le Canada s'est classé au cinquième rang, parmi les plus importants exportateurs de produits agroalimentaires au monde.

Le Canada s'est engagé dans plusieurs accords de libre-échange. Actuellement, 11 accords de libre-échange sont en vigueur, l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, le Partenariat transpacifique et l'Accord de libre-échange Canada-Ukraine ont été conclus, et huit négociations d'accords de libre- échange sont en cours.

Le gouvernement fédéral a entrepris des discussions extraordinaires avec la Turquie, la Thaïlande, les Philippines et les États membres du Mercosur, y compris l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay.

Avant de passer aux témoins, nous tenons à prendre un instant pour souligner ce qui se passe dans le nord de l'Alberta et demander peut-être à la sénatrice Tardif de transmettre nos meilleurs vœux aux gens de la région.

Notre premier témoin ce matin est Mme Sandra Marsden, présidente de l'Institut canadien du sucre. Merci d'avoir accepté notre invitation à comparaître. J'invite maintenant Mme Marsden à prendre la parole. Son exposé sera suivi d'une période de questions. Je demande aux sénateurs de respecter notre pratique habituelle qui consiste à limiter les interventions à cinq minutes. Nous allons chronométrer le tout et essayer de ne pas prendre de retard, mais nous avons été très disciplinés dernièrement, et nous avons même eu du temps pour un deuxième tour.

Pendant la période de questions, je demanderais aux sénateurs d'être brefs et précis lorsqu'ils posent leurs questions et à la témoin de fournir elle aussi des réponses brèves et précises.

Nous allons maintenant commencer. Madame Marsden.

Sandra Marsden, présidente, Institut canadien du sucre : Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité. L'Institut canadien du sucre représente les producteurs de sucre raffiné canadiens — c'est-à-dire Lantic Inc. et Redpath Sugar Limited — dans les dossiers liés à la nutrition et au commerce international. Notre programme est très précis et porte sur des enjeux d'importance générale pour l'industrie. Nous sommes aussi membres de l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire. Des représentants de l'alliance devaient comparaître aujourd'hui, mais, malheureusement, ils ont dû annuler.

L'industrie compte trois raffineries de canne à sucre à Vancouver, Toronto et Montréal et une usine de transformation de la betterave à sucre, à Taber, en Alberta. L'industrie favorise aussi la production à valeur ajoutée, grâce à des investissements dans deux autres installations de transformation de produits, comme du thé glacé, des préparations pour boissons et des desserts de gélatine édulcorés. Ces produits sont destinés aux marchés nationaux et d'exportation.

Qu'il s'agisse du sucre de canne ou de betterave, la production de sucre raffiné au Canada est typiquement canadienne et remonte à il y a 200 ans. L'industrie du sucre raffiné fait partie intégrante de l'histoire du Canada et de l'évolution de l'industrie dynamique de transformation des aliments.

On produit au Canada de 1,1 à 1,2 million de tonnes de sucre raffiné, dont environ 90 p. 100 est du sucre de canne, et 10 p. 100 du sucre de betterave. La production et la transformation de betteraves à sucre restent compétitives dans la région des Prairies, loin des ports en eaux profondes, où elle bénéficie d'un accès préférentiel aux États-Unis et dans d'autres marchés où les règles d'origine limitent nos exportations à celles qui sont visées par des taxes douanières favorables, soit au sucre de betterave.

Je ne fournirai pas de renseignements détaillés sur la production de sucre de canne et de sucre de betterave au Canada, mais je serai heureuse de répondre à vos questions après ma déclaration.

Il convient de souligner que, dans un document distinct, j'ai apporté des corrections relativement à certaines déclarations factuelles faites le 16 avril par un témoin précédent, M. Lumley, de l'Ontario Sugar Beet Growers' Association. Je crois que le tout a été distribué.

L'industrie sucrière au Canada est un secteur à valeur ajoutée capitalistique. Historiquement, ce secteur s'est appuyé sur le raffinage du sucre de canne brut centralisé dans des points majeurs. Il en est ainsi parce que nous ne pouvons pas cultiver, au Canada, la canne à sucre, une source majeure de sucrose — c'est-à-dire, de sucre — utilisée dans le monde entier. Notre marché est ouvert. C'est pourquoi nous devons rester compétitifs parmi les grands fournisseurs de sucre à l'échelle internationale — les États-Unis et l'Europe, par exemple — qui, contrairement au Canada, ont adopté des politiques de protection liées au sucre.

La seule protection que nous avons contre les distorsions du marché mondial, c'est un tarif douanier de 31 $ par tonne, soit un tarif d'environ 5 p. 100. Ce tarif est bas comparativement aux tarifs imposés par l'Union européenne et les États-Unis, par exemple, où il s'élève à plus de 100 p. 100. Au Japon, le tarif s'élève à près de 300 p. 100.

À l'échelle internationale, le sucre est l'un des produits agricoles les plus exposés à des distorsions, le secteur étant caractérisé par un soutien gouvernemental généralisé et des politiques qui faussent le jeu des échanges, comme des prix minimums garantis, des mesures de contrôle du marché, des quotas et des tarifs restrictifs et des subventions et des stimulants à l'exportation. Les industries canadiennes de transformation et de production du sucre de betterave ne bénéficient pas de ce genre de politiques.

Vu cet environnement commercial international très inégal, les exploitations sucrières canadiennes ont subi des pressions et ont dû rationaliser leurs opérations. Les raffineurs et les transformateurs de betterave ont dû réinvestir dans leurs exploitations actuelles pour trouver des gains d'efficience, mais toutes leurs usines sont actuellement sous- exploitées. Nous avons donc besoin de nouveaux débouchés sur le marché.

Le marché canadien du sucre est un marché mature, et la consommation de sucre par habitant diminue. La production augmente sporadiquement lorsque des occasions se présentent, comme lorsque des événements météorologiques imprévus provoquent des pénuries de sucre inattendues aux États-Unis. À l'avenir, nous avons besoin de débouchés plus sûrs sur le marché.

L'industrie canadienne du sucre fait partie intégrante de la chaîne de valeur de la transformation d'aliments au Canada. Plus de 80 p. 100 de notre production dépend de la transformation d'aliments. Les consommateurs cuisinent moins à la maison et achètent donc moins de sucre au détail.

Le sucre raffiné est un intrant dans environ 30 p. 100 des activités de transformation d'aliments au Canada, en grandes quantités dans certains produits et en beaucoup plus petites quantités dans d'autres. De façon générale, les principales industries qui utilisent du sucre comptent pour environ 18 milliards de dollars de revenus, 5 milliards de dollars d'exportation et 63 000 emplois au Canada.

Même si le Canada continue d'être un marché très concurrentiel pour les investissements liés à la transformation des aliments, la balance commerciale du Canada se détériore. Les investissements liés à la transformation des aliments sont en recul au Canada, et les importations de produits alimentaires augmentent plus rapidement que les exportations. Depuis 2005, le surplus commercial du Canada lié à des produits contenant du sucre a diminué, passant d'un surplus de 800 millions de dollars en 2005, à un déficit de 160 millions de dollars en 2014. Ce déficit commercial a un impact direct sur notre industrie et équivaut à une réduction d'environ 140 000 tonnes ou un déclin d'environ 11 p. 100 de la production de sucre au Canada. Bien sûr, c'est ce qui explique la sous-exploitation de nos usines.

La première priorité pour relever ces défis est de soutenir les initiatives du gouvernement canadien qui visent à augmenter de façon importante l'accès aux exportations, de façon à ce que nous puissions diversifier les marchés où nous sommes présents et améliorer l'utilisation de notre capacité et notre compétitivité. Nous sommes très favorables aux efforts renouvelés pour exiger de l'OMC qu'il adopte un nouvel accord multilatéral dans le domaine agricole dans le but de réduire les obstacles à l'accès au marché et de régler tous les problèmes liés aux politiques qui faussent le jeu des échanges, et ce, de façon exhaustive et marquée.

En l'absence d'une réforme multilatérale, des accords de libre-échange comme l'AECG sont cruciaux, parce qu'ils ciblent des marchés très développés et de grande valeur. L'accord de libre échange est bénéfique pour toute la chaîne de valeur, y compris le sucre canadien, les produits à haute teneur en sucre et d'autres produits ayant subi une transformation supplémentaire, comme les confiseries, les produits de boulangerie, les céréales pour petit-déjeuner, les biscuits et les fruits transformés. Tous ces produits contiennent aussi d'autres intrants canadiens importants.

Nous appuyons pleinement une mise en œuvre rapide de l'AECG, y compris les procédures nécessaires en matière d'exportation, pour nous assurer que notre industrie peut profiter pleinement des améliorations liées à l'accès négocié.

L'autre priorité majeure, bien sûr, c'est le Partenariat transpacifique. Le Canada doit absolument ratifier cet accord historique. En effet, l'exclusion dans ce dossier mettrait encore plus le Canada à la traîne au chapitre des investissements dans la fabrication de produits alimentaires et des échanges commerciaux connexes, y compris dans notre secteur. Même s'il est évident que l'accord ne règle pas toutes les distorsions commerciales internationales dans le domaine du sucre, il favorisera tout de même des améliorations importantes quant à l'accès aux marchés américain, japonais et autres.

Cependant, il reste beaucoup de travail à faire pour analyser et promouvoir les avantages de cet accord de libre- échange, particulièrement en ce qui concerne l'accès à de nouveaux quotas au Japon afin que notre secteur et les secteurs de transformation supplémentaire puissent vraiment tirer parti des avantages.

Nous sommes encouragés par les nouveaux mandats du gouvernement touchant l'élaboration de plans de mise en œuvre de l'accord commercial, parce que le travail n'est pas terminé une fois le texte final d'un accord convenu. Il restera beaucoup de travail à faire pour définir les stratégies ciblées qui permettront de promouvoir le commerce et les investissements. D'autres investissements et d'autres exportations du Canada amélioreront l'utilisation de la capacité de nos raffineries de sucre de canne et de notre usine de transformation de betterave à sucre tout en renforçant la compétitivité de nos clients qui transforment des aliments, au pays et dans les marchés d'exportation, parce que, plus les installations de transformation d'aliments seront efficientes et compétitives, plus on maximisera, bien sûr, les nouveaux débouchés commerciaux.

Il est absolument essentiel que le Canada prenne les devants pour promouvoir les initiatives de libéralisation commerciale, particulièrement dans les marchés de haute valeur comme l'UE et la région visée par le PTP, où notre industrie et nos clients peuvent maximiser les synergies à l'échelle de la chaîne de valeur.

Merci.

Le vice-président : Madame Marsden, merci beaucoup de nous avoir présenté un exposé très détaillé et succinct. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs, en commençant par le sénateur Plett.

Le sénateur Plett : Merci, madame Marsden, d'être là ce matin. Je vais peut-être vous poser certaines des questions que j'ai déjà posées au représentant ontarien que nous avons rencontré il y a un certain temps. Vous avez déjà répondu à ma première question, concernant le PTP. Merci de ces éclaircissements. Je suis d'accord. Je crois qu'il serait très bénéfique que le PTP soit ratifié, et il le sera, je l'espère.

Je viens du Manitoba — un peu dans l'est de la province — et nous avons cultivé beaucoup de betteraves à sucre dans ma région par le passé. Ce n'est plus le cas de nos jours. Je crois qu'on en cultive encore un peu plus à l'ouest. Nous n'avons pas d'usines de transformation au Manitoba, mais il y en a une à moins d'une demi-heure de route de l'autre côté de la frontière, dans le Dakota du Nord.

Je me demande pourquoi il n'y a pas plus d'agriculteurs au Manitoba qui cultivent des betteraves à sucre, vu la présence de l'usine de transformation si près. De toute évidence, les agriculteurs s'adonnent aux activités qui sont les plus rentables. Ne peuvent-ils pas tirer les mêmes types de revenus de la culture de betteraves à sucre qu'ils tirent de certaines des autres cultures produites?

Mme Marsden : Les revenus aux États-Unis comparativement au Canada seraient très différents. Les États-Unis bénéficient d'un programme de soutien et d'un programme de contingentement de mise en marché. Les Américains contrôlent donc les ventes de sucre de betterave et de sucre de canne, ce qui détermine par conséquent la quantité de betteraves à sucre qui peut être cultivée. Cependant, ils bénéficient d'une structure efficace de soutien des prix. Le prix dans le marché américain est beaucoup plus élevé que le prix au Canada.

En moyenne, les prix du sucre au Canada sont environ de 40 p. 100 inférieurs à ceux en vigueur aux États-Unis parce que nous œuvrons dans un marché mondial. La production et la transformation de la betterave à sucre au Canada doivent tirer leurs revenus du marché mondial, alors tous les prix du sucre au pays sont établis à l'échelle internationale.

Des exportations de betteraves à sucre de l'Alberta aux États-Unis pourraient se faire à la discrétion d'une coopérative américaine qui n'aurait peut-être pas suffisamment de terres pour produire elle-même ses betteraves. Ce n'est pas le cas dans cette partie du pays. Je crois que la situation en Ontario est un peu unique parce que Michigan Sugar avait besoin de plus de betteraves à sucre pour respecter ses exigences de contingentement de mise en marché.

Le sénateur Plett : Vous dites que les gens du Dakota du Nord n'ont pas besoin d'autant de betteraves à sucre et que c'est la raison pour laquelle nous n'en produisons pas? Est-ce la réponse courte à ma question?

Mme Marsden : Ils en produisent déjà assez.

Le sénateur Plett : Merci. Mais il y en a quand même un peu par là-bas. Est-ce que le sucre revient au Canada? Est-ce du sucre canadien ou du sucre américain?

Mme Marsden : C'est du sucre américain. Une betterave à sucre est une plante qui est transformée en sucre. L'origine du sucre est liée au pays où a lieu la transformation. Ce sont les règles de l'ALENA.

Le sénateur Plett : Est-il moins coûteux de produire de la canne à sucre que des betteraves? Nous ne pouvons pas le faire, je comprends, mais peuvent-ils le faire à moindre coût dans le sud des États-Unis comparativement à la culture de betteraves?

Mme Marsden : Je ne suis assurément pas une experte des coûts de production de la canne à sucre et des betteraves à sucre, mais la canne à sucre et les betteraves à sucre aux États-Unis sont produites et vendues dans un marché où les prix sont plus élevés, alors il faudrait examiner les efficiences dans ce contexte. Notre production de betteraves à sucre serait très compétitive puisqu'elle est assujettie aux conditions du marché international.

Le sénateur Plett : Je crois que le président a souligné précédemment que son épouse et mon épouse ont les mêmes objectifs, et c'est essayer de nous mettre au régime afin que nous soyons un petit peu plus en santé. Cela ne fonctionne pas pour moi, mais j'essaie pourtant. Par conséquent, ce matin, j'ai mis de la cassonade dans mon gruau. Est-ce meilleur pour la santé que le sucre blanc? Et le Sugar Twin est-il encore meilleur pour la santé?

Mme Marsden : Je crois que, ce qui est important, c'est qu'un peu de cassonade a amélioré le goût du gruau, qui est un aliment très sain.

Le sénateur Plett : Merci.

La sénatrice Tardif : Merci d'être là. J'ai posé quelques questions à M. Lumley lorsqu'il est venu nous parler de l'industrie de la betterave à sucre. Je veux poser des questions liées précisément à l'Alberta, la province d'où je viens, et je remarque que plusieurs corrections ont été apportées au témoignage qu'il nous a donné à ce moment-là. Je l'ai questionné au sujet de Taber, et, si je ne m'abuse, Taber produit environ 2 p. 100 du sucre au Canada.

Je lui ai demandé où le sucre était exporté, s'il est exporté aux États-Unis ou si la production de sucre de Taber était destinée au marché albertain, et il semble que la production est destinée au marché de l'Alberta et de la Saskatchewan, même si vous avez apporté une correction à cet effet et indiqué que la production était destinée au marché des Prairies. Cependant, dans votre explication — et je vous demanderais de m'expliquer ce point — vous avez ajouté que seules 10 300 tonnes de sucre de betterave raffiné peuvent être exportées aux États-Unis actuellement. Pour garantir que tout cela soit à l'avantage du secteur de la betterave à sucre du Canada, le gouvernement du Canada octroie des certificats d'exportation qui sont contrôlés de près au titre de la Loi sur les licences d'exportation et d'importation du Canada. Aucun sucre de canne raffiné n'est exporté à même la part canadienne des quotas de sucre raffiné américain. Qu'est-ce que cela signifie?

Mme Marsden : Merci de vos questions. Je vais commencer par votre premier commentaire concernant la part de production de sucre de betterave. Le sucre de canne représente de 90 à 93 p. 100 de la production canadienne de sucre. Par conséquent, la production de sucre de betterave se situe dans la fourchette des 7 à 10 p. 100, pas 2 p. 100. Il s'agit tout de même d'une contribution très importante à la production canadienne de sucre, qui sert de façon importante le marché des Prairies et le marché de l'exportation.

Le sucre de betterave de l'Alberta est exporté vers les États-Unis, vers le marché réservé au Canada... Les États-Unis ont établi un quota relatif au sucre raffiné, et ils ont alloué 10 300 tonnes de ce quota. Il s'agit d'un très petit quota de seulement 22 000 tonnes, par rapport au marché du sucre américain, qui est de 10 millions de tonnes, alors il s'agit de l'un de nos problèmes. Quoi qu'il en soit, le Canada a réussi à négocier cet accès de 10 300 tonnes, et le seul sucre admissible est le sucre de betterave de l'Alberta. Vous avez souligné à juste titre que ces exportations sont contrôlées par le régime de contrôle des exportations du Canada.

J'espère avoir répondu à cette dernière question.

La sénatrice Tardif : Le sucre qui est produit à partir du sucre de betterave à Taber revient-il au Canada? Vous dites qu'il peut être exporté dans le cadre du marché de l'exportation vers les États-Unis. Peut-il revenir, est-il considéré comme un produit canadien, ou bien devient-il alors produit américain? Je suppose que, comme il a été exporté, il devient un produit américain.

Mme Marsden : Les règles d'origine sont extrêmement compliquées en ce qui concerne ces accords commerciaux, mais, ce qui est très clair, c'est que les 10 300 tonnes sont du sucre de betterave canadien et qu'il s'agit du seul sucre admissible aux fins de ce quota américain. C'est encore le même sucre canadien, mais il est consommé aux États-Unis; il ne revient pas.

La sénatrice Tardif : En outre, je remarque que vous avez également indiqué, dans une correction, que, maintenant, 6 000 acres de plus seront plantées à Taber. Il s'agit d'une augmentation de 25 p. 100; est-ce exact?

Mme Marsden : Oui. Lantic Inc. vient tout juste d'annoncer qu'elle a conclu un accord afin de confier 6 000 acres supplémentaires à la sous-traitance, ce qui porte le total à 28 000 acres pour l'exercice à venir.

La sénatrice Tardif : Je crois savoir que l'usine de Taber est une ancienne usine et qu'elle aurait besoin d'une bonne mise à niveau. Peut-elle soutenir cette production supplémentaire?

Mme Marsden : Je présume que, si Lantic a confié les acres supplémentaires en sous-traitance, elle est convaincue que l'usine pourra transformer ce sucre. Il y a bien des années, quand l'usine du Manitoba a été fermée, l'entreprise a réinvesti dans celle de Taber. Elle est très efficiente.

Le sénateur Oh : Merci, madame Marsden. Ma question nous fera revenir un peu sur le marché asiatique, qui est devenu le plus important pour les entreprises canadiennes qui exportent des produits vers l'Asie. Si le PTP est ratifié, pensez-vous que le marché du sucre passera du Canada à la région de l'Asie-Pacifique?

Mme Marsden : Eh bien, la grande priorité est le marché japonais. Par le truchement du Partenariat transpacifique, le Japon a offert un certain nombre de quotas relativement aux produits contenant du sucre. C'est un résultat très compliqué, et nous avons encore besoin de l'aide du gouvernement canadien pour évaluer ce qu'il signifie. Toutefois, bon nombre de ces quotas s'appliquent à des denrées que notre industrie ne produit pas, comme les produits de cacao édulcoré et les confiseries que nos clients produiraient. Nous envisageons une nouvelle occasion concurrentielle d'atteindre ce marché.

D'autres marchés, comme ceux du Vietnam et de la Malaisie, pourraient présenter des possibilités.

Le résultat, c'est que le PTP ne sera pas uniforme dans tous les pays. Nous avons tous offert quelque chose de différent, mais nous sommes convaincus que nous allons profiter de ces améliorations au chapitre de l'accès. Cela prendra du temps. Cela n'arrivera pas du jour au lendemain, car il y aura des éliminations progressives de tarifs, et les quotas seront à un certain niveau, puis ils augmenteront, et ainsi de suite.

Le sénateur Oh : De combien de sucre disposons-nous pour les nouveaux marchés d'exportation vers l'Asie? Reçoit- on des prévisions?

Mme Marsden : Dans l'ensemble, au Canada, la capacité d'utilisation de l'industrie est environ 70 p. 100. Nous produisons environ 1,2 million de tonnes et nous disposons d'une marge supplémentaire de 30 p. 100 pour atteindre les nouveaux marchés, alors nous disposons de capacités amplement suffisantes pour atteindre les nouveaux marchés. N'oubliez pas que les augmentations sont relativement peu élevées par rapport à notre capacité, puisque ces pays sont encore extrêmement restrictifs. Tout nouvel accès est important pour notre industrie, et nous allons pouvoir nous en prévaloir.

Le vice-président : Votre réponse à la question du sénateur Oh en soulève une autre : l'industrie surveille-t-elle le processus relatif au Partenariat transpacifique afin de pouvoir y réagir? Y a-t-il de la place pour une production étendue? Y a-t-il quelqu'un qui dit : « D'accord, l'usine de Taber va planter davantage de betteraves à sucre cette année »? Y a-t-il quelqu'un qui envisage, après la signature du PTP, d'accroître la production encore davantage?

Mme Marsden : Absolument. Il y a un certain nombre de moyens par lesquels nous pouvons surveiller cette situation. Tout d'abord, l'Institut canadien du sucre la surveille de très près dans le cadre de sa collaboration avec les provinces. Nous avons participé à un certain nombre de tables rondes en Colombie-Britannique et en Alberta, plus récemment, où nous avons discuté avec d'autres alliés de la chaîne de valeur de la transformation des aliments. Nous la surveillons également par l'intermédiaire de l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire; nous sommes un partenaire actif de cette organisation. Et nos entreprises membres assurent cette surveillance dans le cadre de leurs propres activités commerciales.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Vous avez parlé d'une industrie arrivée à maturité et, depuis un certain temps, les transformateurs de la chaîne alimentaire parlent d'une diminution de la teneur en sucre. Où allez-vous axer vos efforts pour tirer profit des échanges internationaux, entre autres, dans le cadre du Partenariat transpacifique et de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne? Ce sont des marchés intéressants pour vous. Où comptez-vous concentrer vos efforts pour faire la promotion du sucre?

[Traduction]

Mme Marsden : Merci de poser la question. Tout d'abord, la chose la plus importante, c'est que nous ne faisons pas la promotion de la consommation de sucre; nous faisons la promotion de nouveaux débouchés pour nos produits et pour ceux de nos clients. Le marché du sucre canadien est mature, tout comme celui d'autres pays industrialisés, comme les États-Unis et l'Europe.

Les Canadiens ne consomment pas davantage de sucre, et nous ne faisons pas de promotion afin qu'ils le fassent. Le sucre est un ingrédient essentiel dans un certain nombre de produits alimentaires. Comme je l'ai mentionné, une part de 80 p. 100 de notre production de sucre va dans la transformation des aliments, alors un grand nombre de ces produits sont ceux dont nos clients feraient la promotion sur les marchés d'exportation, et nous allons approvisionner ces clients, alors notre industrie et ces secteurs connaîtront une croissance. Les confiseries, les produits de boulangerie- pâtisserie, les biscuits et les confitures et gelées édulcorées sont tous des produits qu'on ne peut pas produire sans compter le sucre parmi les ingrédients. En plus d'avoir un goût sucré, il joue un rôle fonctionnel dans ces produits.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Croyez-vous que le marché européen offre des débouchés à l'industrie du sucre?

[Traduction]

Mme Marsden : Je ne suis pas certaine de bien comprendre la question.

[Français]

Le sénateur Dagenais : À votre avis, est-il possible pour votre industrie de percer le marché européen?

[Traduction]

Mme Marsden : Oui. Le résultat pour l'AEGC est très clair pour notre industrie, et nos membres étudient déjà les possibilités. Le Canada a réussi à négocier un certain nombre de quotas, dont certains à l'égard de produits à très forte teneur en sucre, comme les desserts à la gélatine, les mélanges pour boissons et le thé glacé, produits qui sont consommés couramment. Il est contraignant, du point de vue du volume, mais il présentera tout de même certaines possibilités. Il y a d'autres quotas pour les produits alimentaires transformés dont, encore une fois, le secteur manufacturier canadien profitera, et nous pouvons approvisionner ces clients.

Le sénateur Pratte : Je suis un débutant, alors peut-être que ces affaires sont bien connues des autres sénateurs ici présents, mais je m'intéresse à la cause de la surcapacité. Vous avez mentionné que l'investissement dans la fabrication d'aliments en général, mais plus particulièrement de produits à base de sucre, est en déclin au Canada et que les importations de produits alimentaires augmentent plus rapidement que les exportations. Je crois comprendre que c'est de façon générale, mais que cela s'applique plus particulièrement aux produits à base de sucre.

Je suis curieux de savoir pourquoi c'est le cas.

Mme Marsden : Merci de poser la question. Il y a un certain nombre de facteurs, bien entendu. L'un des plus importants a été le fait qu'au titre de l'ALENA, la fabrication et la transformation d'aliments canadiens a augmenté de façon marquée de manière à tirer profit du nouvel accès aux États-Unis. Ce déclin est lié en partie à des taux de change très favorables. Vers le milieu des années 2000, nous avons observé un changement radical au chapitre du taux de change, et, si vous observez la tendance, elle est presque identique. Il ne s'agit certes pas du seul facteur, mais c'en était un très important.

Dans notre secteur, les conséquences les plus importantes sur notre surcapacité ont été liées à ce changement dans le secteur de la fabrication d'aliments en général, mais aussi aux contraintes commerciales. Par exemple, lors de la création de l'OMC, en 1995, les États-Unis ont réduit notre accès.

Cette réduction a eu une incidence directe sur le sucre du Manitoba, puisque 60 p. 100 des exportations de cette usine étaient destinées aux États-Unis et que ce pays avait imposé un nouveau quota qui mettait effectivement fin à ce commerce. Elle a également eu une incidence sur les raffineries de l'Est canadien, puisque les mélanges pour boissons, qui, auparavant, ne faisaient l'objet d'aucune limite, ont été inclus dans un quota mettant effectivement fin au commerce d'environ 50 000 tonnes de produits contenant du sucre.

Ces contraintes n'ont pas changé depuis cette époque. Il faudrait conclure un nouvel accord avec l'OMC. Le PTP améliorera cette situation d'une certaine manière, mais nous avions espéré qu'il ouvrirait un peu plus le champ des possibilités. Il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir.

Le sénateur Pratte : Je crois savoir que votre surcapacité est d'environ 30 p. 100, si je ne me trompe pas. Cette situation a-t-elle quelque chose à voir avec les préoccupations relatives à la santé qu'ont les Canadiens qui voudraient réduire la teneur en sucre de ce qu'ils mangent?

Mme Marsden : Il s'agirait là d'un facteur très mineur, car la population s'accroît encore. La consommation par personne n'augmente pas; elle diminue légèrement. Auparavant, cette diminution avait beaucoup à voir avec le passage du sucre à l'utilisation du sirop de maïs à forte teneur en fructose dans les boissons gazeuses. Alors, il y a très peu d'activités commerciales dans le secteur des liquides, aujourd'hui, par rapport au passé, mais il s'agit là de changements historiques.

La sénatrice Beyak : Merci beaucoup, monsieur le président.

Je pense que la confiture fera l'objet d'une exportation considérable. Nos amis de Monaco et des États-Unis... Chaque fois qu'ils viennent au Canada, ils veulent notre confiture parce qu'elle est tellement bonne et qu'elle contient des fruits épais, et, quelle que soit la façon dont nous la transformions, elle est meilleure que toutes les autres.

Ma question porte sur les corrections que vous avez apportées au témoignage de M. Lumley. Je suis heureuse d'avoir des mises à jour. Je pense que c'est important. Toutefois, il me semble que vous étiez tous deux sur la même longueur d'onde en ce qui concerne l'industrie. Alors, je me demandais si vous travaillez ensemble et si ma perception est exacte.

Mme Marsden : De fait, notre industrie représente l'industrie canadienne du sucre au Canada, alors il s'agirait de sucre produit dans les raffineries de sucre de canne brut situées dans notre usine de transformation du sucre de betterave.

M. Lumley représente l'Ontario Sugar Beet Growers' Association, et cette association ne produit pas de sucre, alors elle ne fait pas partie de notre organisation. Elle ne fait pas partie de l'Institut canadien du sucre, et nous n'avons pas le même programme.

La sénatrice Beyak : Merci beaucoup.

Vous semblez tous deux vouloir obtenir un meilleur accès aux marchés mondiaux et avoir une industrie en croissance.

Mme Marsden : Absolument. Certes, nous appuierions tous les producteurs en tentant d'améliorer leur secteur et en obtenant un meilleur accès. Malheureusement, le sucre raffiné, en soi, est une denrée soumise à des restrictions; les betteraves à sucre peuvent faire l'objet d'échanges commerciaux librement.

La sénatrice Beyak : Merci.

Le sénateur Ogilvie : Merci beaucoup.

Madame Marsden, j'essaie de me faire une idée globale de la production canadienne de sucre d'après l'ensemble des deux témoignages. Je pense que vous avez assez bien clarifié la situation, et j'aimerais m'assurer que je la comprends bien.

Tout d'abord, l'un des problèmes — si je comprends bien le témoignage —, c'est que la production canadienne de sucre — la production de sucre brut — n'est protégée que par un coût tarifaire très peu élevé. Vous avez mentionné 31 $ la tonne. Est-ce exact?

Mme Marsden : Il s'agirait du tarif sur le sucre raffiné. Il n'y a aucun tarif sur le sucre brut.

Le sénateur Ogilvie : Je vais poser toutes mes questions au sujet du sucre raffiné.

Selon votre témoignage, le Canada produit environ 1,2 million de tonnes de sucre raffiné par année, dont 90 p. 100 proviennent du sucre de canne et 10 p. 100, de betteraves à sucre cultivées au Canada. La canne à sucre est tout importée, est-ce exact?

Mme Marsden : Il s'agit d'un sucre brut qui n'est pas propre à la consommation. Il est moulu à partir de canne à sucre dans des pays producteurs de sucre, comme le Brésil.

Le sénateur Ogilvie : Tout ce sucre a contribué à nos raffineries?

Mme Marsden : Oui.

Le sénateur Ogilvie : La valeur réelle du sucre dans l'économie canadienne tient à l'efficacité des raffineries situées au Canada et à leur capacité d'être concurrentielles sur le marché de l'utilisation du sucre au Canada par rapport aux producteurs étrangers, est-ce exact?

Mme Marsden : C'est exact, oui.

Le sénateur Ogilvie : De la quantité totale de sucre raffiné utilisée à des fins d'autres transformations au Canada — les 1,2 million de tonnes, quel pourcentage du total est-ce que cela constitue? Autrement dit, quelle quantité de sucre raffiné est apportée directement au Canada sous forme de sucre raffiné destiné à la transformation?

Mme Marsden : Si je puis interpréter la question... Combien de sucre raffiné reçoit-on à des fins de fabrication d'aliments?

Le sénateur Ogilvie : J'essaie de me faire une idée de ce que constitue le sucre raffiné canadien en tant que pourcentage du total de sucre raffiné utilisé au Canada annuellement.

Mme Marsden : J'aimerais simplement répéter que nous devons faire concurrence aux importations de sucre raffiné. Le Tribunal canadien du commerce extérieur a imposé des droits antidumping à l'égard des importations de sucre raffiné provenant des États-Unis et de l'Europe parce que ces importations faussent les échanges commerciaux.

En dehors de cela, tous les autres sucres raffinés peuvent entrer sur le marché, et la quantité est de l'ordre d'environ 50 000 tonnes, alors elle est relativement petite. Selon moi, il s'agit d'un indicateur de la mesure dans laquelle notre industrie est concurrentielle.

Le sénateur Ogilvie : C'est là que je voulais en venir. Selon mon interprétation, il me semblait que nos raffineries devaient être très efficientes et que nos producteurs de betteraves à sucre devaient être très efficients pour pouvoir être concurrentiels par rapport à la production massive des États-Unis, par exemple. Je voulais donc me faire une idée de l'ampleur de l'efficience des activités de raffinerie menées ici.

Mme Marsden : Le Canada est unique à cet égard; il est situé à côté d'un géant qui est hautement protégé et fortement appuyé. Les seuls autres pays au monde qui ne soient pas appuyés par des politiques relatives au sucre sont des pays comme le Brésil, qui, bien sûr, est éloigné du Canada, et l'Australie, qui bénéficie d'une certaine protection géographique naturelle.

Le sénateur Ogilvie : À la lumière de cette information, alors, je présume que la capacité de production — la valeur de l'utilisation des terres agricoles au Canada — est telle que la culture de betteraves à sucre n'est pas très très concurrentielle par rapport à d'autres utilisations des terres agricoles canadiennes pour ce qui est, disons, du passage du grain aux betteraves à sucre dans le but de fournir aux raffineries d'ici l'accès à la contribution des betteraves à sucre en s'éloignant de l'importation du produit de la culture de canne à sucre.

C'est une façon compliquée de poser la question. Ce que je veux dire c'est que les agriculteurs sont des gens d'affaires avisés, alors j'imagine que l'utilisation de leur terre pour la culture de la betterave à sucre, malgré l'efficience des installations canadiennes en matière de raffinage, ne suffit pas à les inciter à se lancer dans la production de betteraves à sucre.

Mme Marsden : Je crois que l'historique le prouve, et que c'est déterminé par des questions d'ordre économique. L'industrie a été bâtie sur le raffinage du sucre de canne, et on raffinait un peu de la production de betteraves à sucre dans l'Est du Canada avant que cette activité ne cesse dans les années 1950. Ainsi, dans les faits, ces activités n'étaient pas viables sur le plan économique par rapport au raffinage du sucre de canne. Encore une fois, on revient au fait que notre marché est ouvert et que nous devons être concurrentiels.

Le vice-président : Vous avez mentionné à quelques reprises le protectionnisme des États-Unis à l'égard de ce marché.

Êtes-vous en train de dire que les producteurs de sucre des États-Unis reçoivent, de façon directe ou indirecte, des subventions pour leur production aux États-Unis?

Mme Marsden : Il existe aux États-Unis un régime de soutien à l'industrie sucrière très strict qui offre des taux d'intérêt qui, dans les faits, servent à soutenir les prix. Donc, ce régime garantit certains prix sur le marché du sucre de canne brut et du sucre raffiné. Il s'agit d'une subvention indirecte.

Le vice-président : Là encore, l'équipement le plus important sur les fermes américaines est la boîte aux lettres.

Le sénateur Plett : J'ai deux questions. Premièrement, de façon très simple, en quoi consistent des politiques sur le sucre qui faussent les échanges commerciaux? Pouvez-vous nous expliquer cela?

Mme Marsden : Ces politiques sont propres à chaque pays. De façon générale, ce sont des mesures de protection à l'encontre des importations sous la forme de tarifs très élevés qui sont souvent combinées à de petits quotas. On retrouve cela, par exemple, dans nos échanges avec les États-Unis. C'est le premier point, des mesures de protection à l'encontre de l'importation.

Ensuite, le soutien interne, comme un taux d'intérêt qui soutient le prix dans le marché et qui assure un rendement garanti aux producteurs. Les producteurs essaient de tirer le maximum de leur production à ces prix, et ensuite, ils doivent écouler leurs surplus.

Dans les faits, ce soutien incite à exporter à des prix inéquitables. Pour revenir à mon point précédent, c'est pourquoi le Canada a imposé des droits antidumping sur le sucre en provenance des États-Unis et de l'Union européenne vendu à des prix déloyaux.

Le sénateur Plett : Je ne suis pas certain si je dois poser ma question au témoin ou au président. Je vais tout simplement me lancer.

Nous disposons d'un document intitulé « Corrections to Errors in Evidence », et la sénatrice Tardif et d'autres personnes s'y sont déjà reportées. L'analyste a brièvement expliqué que certaines de ces corrections étaient probablement des mises à jour; néanmoins, nous disposons d'un document qui apporte des corrections à un certain nombre d'affirmations faites par un témoin il y a quelques semaines.

Je suis certain qu'à ce moment-là le témoin, M. Lumley, a déclaré ce qu'il croyait être exact et que Mme Marsden fait la même chose. Sans vouloir laisser entendre que leurs affirmations sont erronées, le document fait état de différences importantes par rapport aux déclarations qui ont été faites ici.

Le vice-président : J'ai décidé que nous allons accepter le document de Mme Marsden, intitulé « Corrections to Errors in Evidence of April 14, 2016 ». Nous le considérerons comme étant son point de vue, et nous l'examinerons nous-mêmes au cours de nos délibérations futures en vue de l'établissement de notre rapport.

Je ne crois pas que c'est notre rôle à nous de permettre aux témoins de débattre entre eux, mais nous sommes reconnaissants que des témoins formulent des commentaires à l'égard des déclarations faites par d'autres personnes. Il nous appartient de cerner les déclarations que nous retiendrons quand nous en serons à l'étape de la rédaction de notre rapport.

Le sénateur Plett : C'est pourquoi — avec tout le respect que je dois à nos témoins — ma question était adressée au président et non aux témoins. Merci d'avoir répondu. Je suis satisfait de l'explication.

Le vice-président : Merci beaucoup.

La sénatrice Tardif : Vous avez mentionné le fait que certains pays ont des politiques relatives aux mesures de protection concernant le sucre. Le Canada n'a pas une telle politique. Est-ce une bonne chose ou pas?

Mme Marsden : Je crois que c'est une bonne chose. Je pourrais proposer que nous imposions de nouveaux droits comme mesures de protection, mais cela n'est pas réaliste. Notre industrie a été confrontée à de nombreux défis, mais elle appuie tout à fait le concept de libéralisation des échanges et d'ouverture des marchés. Encore une fois, en raison de nos liens avec le secteur de la transformation des aliments au Canada, il est absolument impératif que nous demeurions concurrentiels. Je ne crois pas que l'industrie du sucre serait telle qu'elle l'est aujourd'hui si nous n'avions pas cette clientèle.

La sénatrice Tardif : Merci. Je voulais faire le tour de la question afin de m'assurer que nous comprenions.

Le vice-président : Pour ajouter aux commentaires du sénateur Plett, je crois qu'il est très important de recevoir des commentaires par rapport aux déclarations des témoins; cela signifie que les gens portent attention, et c'est une bonne chose. Je ne souhaite pas rabaisser qui que ce soit. Je crois qu'il est très important que nous entendions des avis contraires.

Nous avons entendu les commentaires, et nous déciderons quel est le facteur déterminant dans notre rapport.

Madame Marsden, au nom du comité, je vous remercie sincèrement d'être venue témoigner aujourd'hui. Comme vous avez pu le constater à la lumière des questions posées, il s'agit d'un sujet qui nous intéresse grandement.

Les prochains témoins sont M. Jason Verkaik, président du conseil, et M. Craig Hunter, conseiller en recherche, de l'Association des fruiticulteurs et des maraîchers de l'Ontario.

Merci d'avoir accepté notre invitation.

Je vais demander aux témoins de présenter leurs exposés. Suivra ensuite une période de questions et de réponses pendant laquelle chaque sénateur disposera de cinq minutes pour poser ses questions; ensuite, le président cédera la parole à un autre sénateur. La période de questions se prolongera aussi longtemps que possible, et, si nécessaire, il sera possible d'ajouter un deuxième ou peut-être même un troisième tour. Pendant la période de questions et de réponses, veuillez s'il vous plaît être brefs.

Qui veut commencer?

Jason Verkaik, président du conseil, Association des fruiticulteurs et des maraîchers de l'Ontario : Je vais commencer.

Bonjour. Merci de nous recevoir aujourd'hui. Mon nom est Jason Verkaik. Je suis un producteur d'oignons et de carottes dans la région de Holland Marsh, en Ontario. Je suis aussi président du conseil des directeurs de l'Association des fruiticulteurs et des maraîchers de l'Ontario.

L'Association des fruiticulteurs et des maraîchers de l'Ontario, fondée en 1859, est l'un des organismes relatifs aux produits agricoles les plus anciens au Canada. À titre de porte-parole des producteurs de fruits et de légumes et des serriculteurs, l'organisme est une association sans but lucratif reconnue à l'échelle nationale qui défend les intérêts des fruiticulteurs et des maraîchers de l'Ontario et des producteurs du secteur des produits horticoles comestibles. L'Association représente ses membres aux échelles provinciale, nationale et internationale.

Ce secteur soutient 30 000 emplois sur les fermes en Ontario. Les membres de ce secteur d'activité produisent environ 2 milliards de dollars en valeur à la ferme et se classent au premier rang des contributeurs pour ce qui est de la production de produits horticoles comestibles au Canada. Nous sommes membres du Conseil canadien de l'horticulture.

Notre industrie fournit des aliments frais, nutritifs et sains aux consommateurs au Canada et à l'échelle internationale. Nous produisons une grande diversité de fruits et de légumes et répondons aux besoins de millions de consommateurs. Nous accomplissons cela de façon sécuritaire, éthique et respectueuse de l'environnement.

Le secteur horticole est essentiel à la sécurité alimentaire du pays. Cette sécurité alimentaire et notre compétitivité sont menacées. Quand nous voyons des éléments qui augmentent le coût de production, il faut mettre au clair que nous ne pouvons refiler la note à d'autres. Nous sommes des preneurs de prix.

Trois éléments nous touchent particulièrement. Le premier est la main-d'œuvre. Nous comptons sur la main- d'œuvre tous les jours pour assurer les activités agricoles, pour accomplir une multitude de tâches. Nous menons aussi des activités à forte consommation d'énergie, qu'il s'agisse d'électricité pour les installations frigorifiques ou du gaz naturel pour la production en serre. Ces facteurs ont une grande incidence sur notre compétitivité; viennent ensuite, bien évidemment, le matériel de protection des cultures et les biens d'équipement dont les fermes ont besoin pour être des entreprises viables.

Le gouvernement a un grand rôle à jouer dans notre secteur d'activités. En ce qui concerne la main-d'œuvre, il existe le Programme des travailleurs agricoles saisonniers. Il s'agit d'un programme extrêmement utile aux membres de notre Association. Il est essentiel pour réussir à produire des fruits et des légumes en Ontario et dans les autres provinces.

Ce programme n'est pas lié au Programme des travailleurs étrangers temporaires, qui n'a peut-être pas eu très bonne presse dernièrement. Ce programme est peut-être le plus important de tous les programmes relatifs à la main-d'œuvre, et nous sommes très heureux qu'il existe. Afin de prospecter des marchés et d'accroître les échanges commerciaux, il est important que nous disposions de la main-d'œuvre nécessaire pour accomplir ce dont nous sommes capables.

Une des initiatives qui font actuellement l'objet d'un examen est le programme Cultivons l'avenir. J'incite le gouvernement à inviter des membres de l'industrie des produits horticoles comestibles aux discussions aux fins d'établissement du nouveau cadre de travail de ce programme. Ce type de programme est très important pour nous. Nous avons vraiment besoin, en ce qui concerne l'innovation et ce qui s'y rattache, que l'argent se rende jusqu'aux fermes afin que les agriculteurs soient en mesure de faire leur travail et d'avoir l'occasion d'être concurrentiels et de prospecter de nouveaux marchés.

Un des points qui figurent en haut de ma liste est de créer une fiducie réputée au Canada semblable à celle mise en place aux États-Unis sous le régime de la Perishable Agricultural Commodities Act, la PACA.

En 2014, nous avons vu des mesures de réciprocité nous être retirées dans les cas où nous avions un accès préférentiel. En conséquence, nous avons perdu notre capacité de prospecter de nouveaux marchés aux États-Unis parce qu'il n'existe plus de mesures de recours en cas de faillite ou de risque de faillite.

Nous avions deux organismes d'agrément, et cela était une partie. Le gouvernement a choisi de passer à un programme supposant un seul agrément, ce qui aide dans le cas où l'acheteur n'a pas fait faillite, mais qu'il menace de faire faillite; donc dans les cas où le paiement est retardé ou qu'il y a défaut de paiement. Il existe maintenant un système qui commence à nous aider sur ce plan, mais il ne fournit aucune aide dans le cas où l'entreprise est insolvable, c'est-à-dire quand les personnes font faillite.

Au cours des dernières années, il y a eu beaucoup de mauvaise communication et de désinformation, ce qui a eu pour effet d'empêcher le processus d'avancer.

Dans ma région de Holland Marsh, les lacunes en matière de recours ont fait perdre des millions de dollars à des producteurs. Cette situation n'est pas liée directement au commerce international. Il s'agit en fait de transactions effectuées au Canada et entre les provinces.

Au moment d'établir une fiducie réputée, nous devons être clairs à propos du fait qu'elle doit être une fiducie réputée au Canada, assujettie aux lois canadiennes, qui diffèrent des lois américaines.

Il était prévu que cela se fasse au moyen des processus du Conseil de coopération en matière de réglementation, le CCR, mais cela ne s'est jamais fait. MM. Harper et Obama avaient signé. Mais cela ne s'est jamais concrétisé. Voilà pourquoi nous avons perdu l'accès à des mécanismes de réparation aux États-Unis.

Au Canada, la loi constitutionnelle empêche le gouvernement fédéral d'intervenir dans les questions de paiement, avant qu'un acheteur ne soit insolvable. Il y a eu un manque de clarté à ce sujet. Aux États-Unis, le gouvernement peut intervenir, que l'acheteur soit solvable ou non.

L'industrie sait que nous cherchons à mettre en place quelque chose avec une fiducie réputée au Canada concernant les acheteurs ou les vendeurs qui sont insolvables. Nous avons demandé l'aide de Ron Cuming, un éminent professeur dans le domaine des faillites et du droit constitutionnel, pour effectuer des recherches. Il a ébauché une solution canadienne. L'industrie a vraiment déployé des efforts.

Le professeur Cuming a effectué une étude et a rédigé l'ébauche d'un projet de loi, qui s'applique quand l'acheteur devient insolvable. Il est très important de le préciser.

Le gouvernement n'a pas à débourser d'argent. Le projet est acceptable pour tous les intervenants de l'industrie horticole canadienne. Il ne touche que les biens visés par la vente de fruits et de légumes.

Comme deuxième avantage, le projet de loi servira de fondement pour rétablir les droits que nous avons perdus aux États-Unis. Certains vous diront que nous sommes encore admissibles à ces programmes. C'est vrai; toutefois, nous ne pouvons plus nous le permettre. Si un acheteur a un différend qui concerne une somme supérieure à 100 000 $, il devra déposer 200 000 $ en cautionnement. Un agriculteur devrait donc débourser 300 000 $ pour réclamer une somme d'argent qui lui est due. C'est pourquoi cette solution ne fonctionne pas.

Nous croyons aussi qu'il s'agit d'une question non partisane et que le projet serait bon pour l'industrie et, en conséquence, favorable à la croissance, aux échanges commerciaux et au développement de marchés.

Je vais m'arrêter là pour le moment.

Craig Hunter, conseiller en recherche, Association des fruiticulteurs et des maraîchers de l'Ontario : Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs, de nous recevoir aujourd'hui. Je suis reconnaissant d'avoir cette occasion.

J'ai eu la possibilité de présenter un exposé au comité de la Chambre des communes, et c'est la première fois que je m'adresse au présent comité du Sénat.

Je touche aux questions relatives aux pesticides depuis plus de 40 ans. Depuis que j'ai pris ma retraite du gouvernement provincial, j'occupe un emploi à temps plein au sein de l'Association des fruiticulteurs et des maraîchers de l'Ontario et je les aide à résoudre des problèmes concernant la disponibilité et l'usage des pesticides.

J'ai présidé l'atelier annuel de priorisation des pesticides à usage limité, depuis sa création, et on m'a demandé de le faire chaque année. Je ne suis pas certain de savoir pourquoi. Peut-être que personne d'autre n'était assez idiot pour accepter.

Au cours de ma carrière, j'ai touché à de nombreux aspects relatifs aux pesticides. Je suis très fier de compter parmi les personnes qui ont élaboré le Cours sur l'emploi sécuritaire des pesticides par l'agriculteur en Ontario et qui est maintenant offert dans toutes les provinces du Canada, à l'exception de la Saskatchewan. Aussi, je suis fier de dire que j'ai participé à l'élaboration des programmes de salubrité des aliments à la ferme mis en place par le Conseil canadien de l'horticulture auxquels plus de 2 000 producteurs de fruits et de légumes participent à l'échelle du Canada, et dans le cadre duquel ils documentent leurs activités et font l'objet d'une vérification.

Il est important que vous compreniez que les producteurs ont fait preuve de volonté à l'égard du respect des règles, et aussi à l'égard du fait de documenter leurs activités et de se soumettre à une vérification. C'est important et c'est lié en partie à ce qui suit.

La compétitivité de l'industrie horticole canadienne dépend de notre capacité à être des producteurs plus efficaces que nos concurrents à l'échelle internationale, et elle dépend beaucoup du soutien en matière de réglementation que nous attendons de la part de nos partenaires gouvernementaux. Je souligne le mot « partenaire ».

Nous sommes tributaires de l'accès à du matériel de protection des cultures auxquels ont aussi accès nos concurrents à l'échelle internationale, en particulier ceux des États-Unis. Ce matériel nous permet non seulement de produire nos cultures de façon efficace, mais il fait en sorte que les produits résultant de ces programmes sont recherchés pour leur qualité et le fait qu'ils sont exempts d'organismes nuisibles, y compris d'organismes de quarantaine.

Quand le gouvernement du Canada conclut des ententes commerciales bilatérales et multilatérales, l'accès aux marchés qu'elles procurent peut tout de même être difficile à obtenir si nous n'avons pas été en mesure de contrôler les organismes nuisibles. Nos récoltes peuvent être rejetées par des marchés étrangers si les responsables trouvent, par exemple au Brésil, une feuille présentant un lobe calicinal sur la queue d'une pomme. La cargaison entière sera retournée parce que les responsables craignent la possible présence d'un acarien sur cette feuille, et que cet insecte se propage sur leur territoire. Nous sommes confrontés à cette rigueur de la part des responsables dans des marchés étrangers, c'est pourquoi nous devons être en mesure de lutter contre les organismes nuisibles.

Récemment, nous en sommes venus à croire que l'ARLA, l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, qui fait partie de Santé Canada, a fait l'objet de critiques excessives et injustes de la part du bureau de la Commissaire à l'environnement et au développement durable. En conséquence, il semble, à nos yeux du moins, que l'ARLA est désormais obligée d'accélérer la réévaluation d'anciens pesticides. Par accélération, je veux dire qu'elle travaille depuis longtemps sur ces cas, mais, soudainement, tous les dossiers ont été fermés, et elle doit maintenant les rendre accessibles, peu importe l'état d'avancement des dossiers.

Ce faisant, son approche et les recommandations qu'elle présente nous semblent maintenant ne plus être en harmonie avec celles des États-Unis et de l'Union européenne. Nous avions toujours pensé que celles de l'Union européenne étaient les plus rigoureuses. Peut-être que le mot « rigoureuse » n'est pas le mieux choisi, disons que l'UE était le lieu qui posait le plus de problèmes, mais ce n'est pas le cas. C'est maintenant le Canada.

L'ARLA s'entête à élaborer dans le secret ses positions réglementaires puis à les publier sans avoir consulté au préalable les détenteurs d'homologation ou les agriculteurs. En conséquence, pour que ces positions soient mises en œuvre, elle est obligée d'utiliser des informations qui ne sont plus à jour, des informations dépassées et, dans certains cas, à mon avis, des données inexactes. Le résultat, c'est que les propositions publiées sont accessibles par le public, mais elles ne sont pas conformes aux faits.

Je veux que cela soit parfaitement clair : les producteurs horticoles canadiens sont menacés de ruine si les propositions actuelles touchant la réévaluation de huit fongicides sont mises en œuvre conformément à la version qui a été publiée; j'utilise le terme « ruine » en pesant mes mots. Voilà à quel point la situation est grave. Il est vraiment difficile d'attirer l'attention sur la situation.

Nous demandons l'arrêt immédiat de toutes les réévaluations en cours jusqu'à ce que des données exactes puissent être présentées. Les agriculteurs préféreraient de loin une approche axée sur la consultation et la collégialité plutôt que l'approche actuelle, qui nous oblige à remettre publiquement en question en public les données scientifiques de l'ARLA. Tout cela devrait se faire à huis clos. Tout cela devrait se faire de manière à ce que nous nous entendions sur les résultats. Il ne faudrait pas que, une fois les données publiées, nous ayons à les contester devant tout le monde.

Je suis certain que vous comprenez qu'une personne qui a signé un document défendra ce document plutôt que de reconnaître, sans parti pris, nos contre-arguments, nos nouvelles données. On ne nous a même pas demandé ces données avant de publier le document. Si on nous les avait demandées, nous les aurions données.

Par exemple, on propose d'interdire l'un des fongicides que nous utilisons pour la culture des bleuets. C'est en partie parce qu'il croit que les travailleurs sont surexposés, mais c'est en partie parce qu'ils ont supposé, dans le cas des bleuets nains, les bleuets sauvages, qui poussent le long des chemins, en Nouvelle-Écosse, qu'une transplantation est nécessaire et que les travailleurs qui effectuent cette transplantation vont entrer en contact avec les fongicides.

Il s'agit de plantes sauvages. Aucune transplantation n'est nécessaire. Mais les gens qui ont rédigé ce document ne connaissent pas les procédés de production et ont donc posé cette hypothèse, qui est carrément fausse. Nous voulons tout simplement pouvoir fournir les données qui les aideront à prendre de meilleures décisions.

Nous aimerions qu'à l'avenir les agriculteurs et les détenteurs d'homologation soient consultés aux premières étapes du processus; cela nous donnerait l'occasion de fournir de l'information sur nos méthodes d'utilisation et les volumes dont nous avons besoin, et cela donnerait aux détenteurs d'homologation la possibilité de transmettre toutes les données à jour tirées de toutes les études qu'ils ont menées depuis le dernier examen du produit. L'ARLA pourrait alors formuler un jugement, elle pourra ensuite faire connaître ses propositions. Elle pourra s'appuyer sur des connaissances plutôt que sur une absence de connaissances.

Je vais passer à mon second point.

L'autre enjeu important au chapitre du commerce, une fois que nous pourrons nous servir des pesticides nécessaires pour nos cultures, c'est le manque d'harmonisation à l'échelle internationale des limites de résidus de pesticides dans un produit ou pour l'ensemble d'une culture. Les délais intolérables associés au processus du Codex Alimentarius visant l'établissement de limites de résidus à l'échelle du monde signifient que, même si l'homologation était possible, ici, il faudrait encore attendre de quatre à six ans avant que le Codex ait établi la limite de résidu. Donc, nous pouvons utiliser des pesticides dans nos cultures et nous pourrons sans problème vendre nos produits au Canada, mais si nous demandons une nouvelle homologation pour un fongicide pour les bleuets et que nous voulions vendre ces bleuets en Allemagne, nous devrions attendre six ans avant de pouvoir légalement utiliser ce fongicide et vendre notre produit.

Malgré que notre gouvernement ait fait tout son possible pour signer ces accords commerciaux multilatéraux, ces accords ne nous donnent pas immédiatement accès au marché. L'accès au marché dépend d'autres choses, par exemple les limites maximales de résidus.

Je crois que vous devez comprendre qu'à l'heure actuelle, aujourd'hui, il y a au Canada des milliers de limites maximales de résidus qui ne sont pas harmonisées entre elles, que nous utilisons pour toutes sortes de cultures, les pommes, les fraises. Pour le canola. Pour les lentilles. Pour toutes nos cultures.

Ce manque d'harmonisation des limites maximales de résidus nous empêche véritablement d'augmenter les échanges commerciaux avec les autres pays. Un groupe de travail sur les limites maximales de résidus avait présenté entre autres la recommandation suivante : si le Canada prenait l'initiative d'élaborer un système, que nous appelons reconnaissance des normes scientifiques, en collaboration avec les partenaires commerciaux qui ont mis en place de solides programmes de réglementation, ces derniers accepteraient nos limites maximales de résidus, lesquels seraient fondées sur des données scientifiques fiables, et nous accepterions celles qu'ils auraient établies à partir de leurs propres données scientifiques fiables.

Mais ce n'est pas tout le monde qui sait que les limites maximales de résidus ne constituent aucunement une mesure du risque pour la santé. Ces limites sont tout simplement un moyen de s'assurer que les agriculteurs suivent les directives des étiquettes des pesticides qui s'appliquent là où ils vivent. Les limites sont une indication de leur conformité avec les règlements. Les limites n'ont jamais été établies dans le but d'entraver le commerce, mais c'est pourtant ainsi qu'elles servent partout dans le monde, aujourd'hui.

Si nous pouvions intégrer à chacun des accords commerciaux multilatéraux que nous avons signés les quelques mots suivants, « nous acceptons les vôtres si vous acceptez les nôtres », les échanges commerciaux s'intensifieraient immédiatement, étant donné que, si nous pouvions utiliser les nouveaux pesticides modernes dont il est question ici, nous pourrions améliorer nos cultures, augmenter la qualité, le rendement, et nous pourrions ainsi commercer. Si nous sommes obligés d'utiliser d'anciens produits, qui nous sont refusés, notre niveau de production ne serait pas aussi bon, la qualité non plus. Cependant, si c'est tout ce que nous pouvons utiliser pour avoir le droit de commercer, nous aurons échoué au regard du point que j'ai soulevé au début de mon exposé, sur le fait que nous voulons être les producteurs les plus efficients du monde. Cela nous donne un avantage. Mais si nous ne pouvons pas être efficients et avoir également le droit de commercer, c'est comme si on nous demandait de travailler les mains liées.

Le troisième point est un peu différent. Les producteurs horticoles tiennent à féliciter le gouvernement, et en particulier l'Agence canadienne d'inspection des aliments, du solide soutien qu'ils offrent au département de l'Agriculture des États-Unis, l'USDA, et sur leur étroite collaboration avec cet organisme à ce qu'ils appellent l'approche uniforme en Amérique du Nord en matière de lutte contre les ravageurs envahissants. Nous nous attendons à ce que l'ACIA continue à collaborer encore plus étroitement avec l'USDA afin de trouver le moyen d'empêcher ces ravageurs d'envahir le continent nord-américain.

Je vais vous donner deux ou trois exemples : la drosophile à ailes tachetées, qui n'est qu'une minuscule mouche à fruits, et la punaise marbrée, un peu plus grosse, coûtent déjà à notre secteur, et en particulier à la Colombie- Britannique des millions de dollars en cultures perdues et en mesures de contrôle.

La drosophile est maintenant présente en Ontario, au Québec et dans les Maritimes de même qu'en Colombie- Britannique. Les agriculteurs canadiens doivent déjà dépenser de l'argent pour essayer de les contrôler. Nous avons de la difficulté à faire homologuer de nouveaux pesticides et, même si nous obtenons leur homologation, nous devons faire face à l'autre problème, celui des limites maximales de résidus. Les ravageurs envahissants sont un très gros problème.

Les règlements commerciaux des autres pays s'appliquent également. Si un pays sait que ces ravageurs sont présents chez nous, ils vont vérifier très attentivement nos produits; s'ils en trouvent, ils rejetteront nos produits, c'est pourquoi nous devons être en mesure de contrôler les ravageurs.

L'USDA estime qu'elle intercepte un nouveau ravageur envahissant par jour, chaque année. Elle en a découvert 360. Nous savons qu'il y en a qui arrivent à passer quand même, mais si nous collaborons avec le département, dans le cadre d'une approche uniforme à l'échelle de l'Amérique du Nord, si nous vérifions tous les produits importés que nous recevons, nous pourrons ainsi nous assurer de ne pas en recevoir davantage, nous pourrons réduire le nombre des ravageurs contre lesquels nous devons lutter. Comme je l'ai dit, les deux ravageurs dont je viens de parler — et il y en a d'autres — coûtent à eux seuls très cher.

En résumé, nous devons mettre de l'ordre dans les affaires de l'ARLA de manière à pouvoir continuer d'utiliser certains des anciens fongicides. Selon ce qui est proposé, l'utilisation de quatre de ces fongicides sera interdite, et elle sera réduite dans le cas des quatre autres, mais ils représentent pourtant la colonne vertébrale des programmes canadiens de lutte contre les parasites. Il s'agit de produits efficaces pour plusieurs sites, que nous pouvons utiliser en combinaison avec des produits plus nouveaux et plus ciblés.

Nous n'avons pas observé de résistance aux ravageurs qui serait due à l'utilisation des anciens fongicides, mais les nouveaux pesticides, si on les utilise de façon excessive ou exclusive provoquent très souvent la résistance. Si nous ne trouvons pas de partenaires, nous allons perdre également ces nouveaux produits.

Deuxièmement, il y a les limites maximales de résidus. Nous devons prendre l'initiative sur la scène internationale de régler ce problème, et je crois que les accords commerciaux que nous avons conclus nous en donnent vraiment l'occasion.

Troisièmement, le travail que fait l'ACIA pour fermer la porte aux ravageurs envahissants est d'une importance cruciale pour notre avenir.

Merci beaucoup de l'occasion que vous m'avez donnée; nous serons tous les deux heureux de répondre à toutes vos questions.

Le vice-président : Merci, messieurs. Nous allons passer aux questions.

Monsieur Hunter, j'aimerais avoir quelques éclaircissements sur le deuxième problème que vous avez soulevé. Est-ce que ce problème est le nôtre ou est-ce le problème des gens avec qui nous avons signé des accords de libre-échange? Vous avez dit que si les problèmes étaient réglés, les échanges commerciaux s'intensifieraient immédiatement. À mon avis, si le problème était réglé, cela signifierait qu'un très petit nombre d'accords de libre-échange seraient signés, étant donné que cela constituerait une pierre d'achoppement. J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.

M. Hunter : Le Canada, les États-Unis et l'Union européenne ont tous adopté depuis longtemps leurs propres programmes d'établissement des limites de résidus, qui s'appliquent sur leur territoire respectif; le Canada et les États- Unis se sont efforcés d'harmoniser le plus possible leurs limites. Ainsi, les échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis...

Le vice-président : Jusqu'à quel point sont-elles harmonisées?

M. Hunter : Elles le sont beaucoup, mais pas entièrement. Ce que nous produisons ici, nous pouvons en faire commerce avec eux; presque tout ce qu'ils ont, ils peuvent en faire commerce avec nous. Ils ont homologué beaucoup plus de produits que nous, ce qui explique qu'il y ait un certain décalage entre eux et nous; mais les produits que nous avons homologués le sont également quasiment tous aux États-Unis, il n'y a donc pas là de problème.

Le processus du Codex Alimentarius a été lancé dans les années 1960 et visait à établir des limites maximales de résidus à l'échelle internationale, de façon que les pays qui n'avaient pas élaboré leur propre système puissent l'utiliser. Malheureusement, le Codex accumule du retard depuis 15 ans, et c'est pourquoi il y a un délai de quatre à six ans avant que les limites maximales de résidus s'appliquant à l'échelle internationale y soient intégrées.

Quelques fois, les limites maximales de résidus du Codex ne sont pas harmonisées avec celles du Canada ou des États-Unis, mais, si la limite du Codex est inférieure à la nôtre, nous pouvons modifier notre profil d'utilisation, soit en utilisant un produit plus tôt, soit en réduisant les niveaux, dans le but de respecter les limites internationales en question. Mais si la limite est de zéro et que des résidus sont découverts, notre produit sera rejeté.

Il y a quelque chose de vraiment pénible, aujourd'hui; étant donné la lenteur du processus du Codex, au moins cinq pays — Taïwan, la Corée du Sud, le Japon et deux ou trois autres — ont décidé d'élaborer leur propre système de limites maximales de résidus. Malheureusement, les chiffres qu'ils retiennent sont très différents des nôtres. Selon le Codex, un pays comme le Japon qui, dans le cadre du Partenariat transpacifique, propose d'éliminer des tarifs de 20 p. 100, ce qui est magnifique, ne voudra pas nécessairement acheter nos produits si ses limites maximales de résidus ne sont pas harmonisées avec les nôtres.

Le vice-président : Deux ou trois des problèmes dont vous avez parlé exigent des mesures immédiates, des réactions assez rapides. Avez-vous eu l'occasion ou la possibilité de rencontrer le ministre MacAulay pour parler de ces problèmes et lui transmettre votre message?

M. Hunter : J'ai parlé au ministre MacAulay hier soir, justement, et je rencontre demain la ministre de la Santé.

Le vice-président : Et voilà, c'est bien. Je ne voulais pas que nos auditeurs puissent croire qu'il ne se passe rien de plus.

Le sénateur Plett : Je suis certain qu'après la rencontre avec les ministres, tous les problèmes seront réglés.

M. Hunter : J'aimerais être aussi optimiste. Je vais acheter des billets de loto.

Le sénateur Plett : Laissez-moi vous dire que, pendant que j'écoutais votre exposé, je me suis senti très déprimé. Est- ce qu'il se passe quelque chose de positif dans le marché des fruits et légumes? Vous dites que nous devons vendre nos produits à des acheteurs insolvables. Je veux que vous m'expliquiez pourquoi nous vendons nos produits à des acheteurs insolvables. Nous ne devrions rien vendre à des gens qui ne paient pas leurs factures. Jeacommence à avoir l'impression qu'il ne faut pas devenir efficient. Mais je crois que c'est une bonne chose. La lutte antiparasitaire, la lutte contre les ravageurs, serait une mauvaise chose; je crois que c'est une bonne chose. Conclure un marché en secret, c'est à mon avis une mauvaise chose, pas une bonne chose. S'il ne se passe rien de nouveau dans la prochaine demi-heure, je crois que je vais me retrouver très déprimé à la fin de la réunion.

Monsieur Verkaik, l'un des problèmes que vous avez mentionnés concerne le fait que personne n'intervient, personne ne vous aide, lorsque vous devez vendre à des acheteurs en faillite. Pourquoi vendez-vous à des acheteurs en faillite?

M. Verkaik : Je me suis peut-être mal exprimé, et je m'excuse de vous avoir amené à croire cela. Je veux vous donner un exemple qui me concerne. Je suis agriculteur, je vends des carottes et des oignons. Nous faisons affaire avec des courtiers qui nous aident à vendre notre production. Nous avons travaillé avec l'entreprise d'un certain monsieur pendant 12 ans. Il payait dans les 30 jours, je faisais de bonnes affaires, tout allait très bien. Notre chiffre d'affaires, avec cette entreprise, était probablement de plus de 1 million de dollars.

Le sénateur Plett : Par année?

M. Verkaik : Oui, par année. Tout cela doit se dérouler en peu de temps, à cause du temps limité qu'on a pour vendre les produits agricoles. Cela va sans dire, on ne peut pas les conserver toute l'année.

Au bout du compte, notre acheteur a fini par voir trop grand. Nous faisions affaire avec lui depuis longtemps, et tout se passait très bien jusqu'à ce qu'il prenne trop de risques et que son entreprise ne puisse plus suivre. Il a peut-être voulu faire croître son entreprise trop rapidement. Les paiements ont arrêté d'un coup. Les paiements de 200 000 $ à 500 000 $ à faire dans les 30 à 60 prochains jours ne sont pas rares dans notre secteur d'activité. Il s'agit simplement de la valeur des produits.

J'ai parlé plus tôt de l'agrément. À l'époque, j'avais la possibilité de travailler avec cet acheteur parce que nous avions une bonne relation depuis longtemps, mais il n'a tout simplement plus de quoi payer aujourd'hui. Il a fait de mauvais choix.

Je ne veux pas vendre mes produits à quelqu'un qui a fait faillite.

Le sénateur Plett : Voilà qui est judicieux.

M. Verkaik : J'avancerais que personne ne fait cela. Dans un tel scénario, quand un problème survient et que mon acheteur fait faillite, il m'est impossible de recouvrer mes créances, puisqu'il s'agit de denrées périssables. Je ne peux pas non plus récupérer les denrées — parce qu'elles ont été consommées — ou alors, le temps de régler l'affaire devant un tribunal... Ce n'est pas aussi simple que de récupérer un téléviseur. Je me retrouve donc dans une situation sans issue : je ne peux pas récupérer mon argent, et j'en subis les conséquences.

Avec une fiducie réputée, je peux récupérer ce qu'on me doit pour mes fruits et mes légumes avant que la banque ne passe. Au Canada, grâce à une fiducie réputée établie dans les formes, je peux récupérer l'argent si mon acheteur fait faillite, au lieu de voir la banque tout rafler. Si une entreprise fait faillite, la banque peut tout saisir, mais elle n'a pas droit aux produits agricoles. Elle a le droit de saisir les terres, les bâtiments, et cetera.

Le vice-président : Et c'est là que se trouvent vos produits agricoles.

M. Verkaik : C'est exact. La banque peut saisir tout cela en cas de faillite. Toutefois, le produit de la vente se fait assimiler à tout cela, et c'est pourquoi nous avons besoin d'une fiducie réputée pour nous protéger.

Aux États-Unis, il y a une loi appelée la Perishable Agriculture Commodities Act — la Loi sur les denrées agricoles périssables —, ou la PACA, qui a très bien fonctionné à cet égard. Cette loi favorise le producteur : si je vends mon produit aux États-Unis et qu'il se produit la même chose, il y a des procédures en place qui me permettent de récupérer mon argent avant que la banque ne s'en mêle, puisqu'il n'a jamais appartenu à la banque. C'est ce que je voulais dire.

Le sénateur Plett : Merci beaucoup de cette précision. Les autres sénateurs avaient peut-être compris, mais ce n'était pas mon cas. Merci de me l'avoir expliqué.

Monsieur Hunter, je veux vous donner l'occasion de peut-être rectifier, du moins en partie, le commentaire que vous avez fait, car je ne crois pas qu'il y en ait beaucoup parmi nos auditeurs — parce qu'il y a effectivement des gens qui souffrent d'insomnie et qui ne dorment toujours pas après minuit, alors ils visionnent nos séances — qui seraient d'accord avec vous sur le fait que les contrats devraient être conclus à huis clos. Je vous prie de préciser votre pensée, parce que je doute que vous vouliez dire ce que j'ai compris.

M. Hunter : Merci. Je crois que vous avez mal interprété ce que je voulais dire.

Actuellement, l'ARLA effectue des réévaluations sans consulter les utilisateurs ni les détenteurs d'homologation. Elle ne leur demande pas de fournir des données qui pourraient lui faciliter la tâche. À la place, elle mène ses examens à la lumière des données qui figurent déjà dans ses dossiers, elle fait ses propres calculs ou elle consulte des bases de données génériques qui ne sont plus — ou n'ont peut-être jamais été — pertinentes dans le contexte canadien. Elle a quand même besoin de statistiques pour produire son analyse du risque.

Ma suggestion est la suivante : au lieu de tout faire dans l'ombre comme c'est le cas actuellement, pourquoi l'ARLA n'invite-t-elle pas les producteurs et les détenteurs d'homologation à lui communiquer leurs données les plus récentes, qui sont modernes et applicables, aux fins du processus décisionnel? Ensuite, l'ARLA pourra afficher ses conclusions et obtenir une rétroaction. Mais ce qu'elle fait — tirer des conclusions à partir de données périmées et peut-être même erronées — est une perte de temps, et cela donne aux gens une fausse impression quant à la véritable innocuité des produits.

Le sénateur Plett : Merci. Je crois que vous venez de dire l'inverse de ce que vous avez dit précédemment, même si le message que vous tentiez de faire passer était probablement le même dans les deux cas. À mon avis, vous l'avez formulé beaucoup mieux cette fois.

Je ne me rappelle pas du nom de la feuille, mais vous avez mentionné qu'il faut rejeter tout le chargement de pommes si on trouve une certaine feuille sur l'un des fruits.

M. Hunter : Il s'agit du calice, c'est vraiment très petit...

Le sénateur Plett : À mon avis, le public exige que le chargement complet soit rejeté s'il y a des pesticides dedans. On dirait, à nouveau, que je comprends mal ce que vous dites. J'aimerais que vous m'expliquiez cela également.

M. Hunter : Je ne parlais pas d'un pesticide en particulier. Il se peut qu'il y ait un acarien, un insecte voisin de l'araignée, sur les feuilles. Le Brésil n'en veut pas, puisqu'il s'agit d'une espèce envahissante nuisible. Il met donc en place une réglementation selon laquelle le chargement entier est rejeté s'il y a une seule feuille sur une seule pomme.

Je veux donc éviter ce problème en m'assurant ici qu'il n'y a pas d'acariens. Dans cet exemple, quelque chose d'aussi petit qu'une seule feuille sur une pomme peut entraîner le rejet d'un chargement entier. Pour nous, c'est un enjeu très important, et nous devons prendre du temps pour nous assurer qu'il n'y a pas une seule feuille.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur Verkaik, j'aimerais vous poser une question en ce qui concerne les travailleurs étrangers. Par exemple, au Québec, la saison des fraises est très courte. J'ai un ami qui exploite une fraisière. J'ignore si c'est la même chose en Ontario pour la culture des fraises, mais il est très difficile de trouver de la main-d'œuvre au Canada. Ces exploitants doivent embaucher des travailleurs mexicains. J'aimerais entendre votre point de vue sur le Programme des travailleurs étrangers temporaires. Le gouvernement pourrait-il vous aider au chapitre de l'embauche de travailleurs étrangers dans le cadre de la culture des petites baies, étant donné que la saison est très courte?

[Traduction]

M. Verkaik : Je vous remercie de poser la question. Actuellement, le gouvernement offre le Programme des travailleurs agricoles saisonniers, comme je l'ai mentionné plus tôt. Ce programme permet aux agriculteurs canadiens de faire venir des gens des Antilles ou du Mexique pour travailler. Je les fais venir sur ma ferme pour aider à la récolte, à l'ensemencement et à la plantation de mes cultures.

Grâce à ce programme, on peut faire venir au pays des femmes et des hommes pendant huit mois au maximum, à partir du 2 ou du 3 janvier. Ils doivent être retournés chez eux le 15 décembre. Cela nous laisse beaucoup de temps pour accomplir notre travail, et ils peuvent aussi venir pendant trois ou quatre semaines s'il s'agit d'une saison courte. Le Programme des travailleurs agricoles saisonniers nous est très utile, et il est incroyablement bien exécuté.

Au Québec, cela se fait par l'intermédiaire de la FERME — je crois que c'est le bon nom —, et en Ontario, en Colombie-Britannique et dans les provinces de l'Atlantique et du Centre, l'organisation s'appelle FARMS.

Ce programme est vraiment dans une classe à part, surtout si on le compare à ce que les médias rapportent à propos de ce que McDonald ou RBC ont fait. Le Programme des travailleurs agricoles saisonniers jouit d'un très grand respect au sein du gouvernement et de l'industrie. Les agriculteurs doivent faire preuve de diligence raisonnable et veiller à ce que toutes les formalités soient respectées et à ce que les travailleurs soient traités convenablement; il faut faire tout ce qui est attendu de nous.

Des responsabilités sont imposées aux agriculteurs; néanmoins, le programme est si bien mené que je conseillerais au gouvernement de ne pas y toucher. Le programme fonctionne très bien. L'industrie et le gouvernement ont travaillé ensemble; pas seulement le gouvernement canadien, mais aussi les gouvernements des pays d'où proviennent les travailleurs. Le processus d'examen des travailleurs est rigoureux. Les mêmes travailleurs vont retourner aux mêmes fermes année après année. C'est la raison pour laquelle les Canadiens ont accès à des fruits et à des légumes à des prix raisonnables actuellement. Je vous prie de continuer de saluer l'existence de ce programme.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur Hunter, vous avez beaucoup parlé de l'utilisation des pesticides pour améliorer la culture des fruits. Lorsque le fruit atteint le marché, quelle est la proportion, dans le prix de ce fruit, de l'utilisation des pesticides? Est-ce que cela vous permet d'être compétitif sur les marchés étrangers lorsque vous mettez vos produits en vente?

[Traduction]

M. Hunter : Merci de votre question.

Oui, quand les producteurs doivent protéger leurs récoltes, ils essaient effectivement d'utiliser le moins de pesticides possible et de ne pas pulvériser plus souvent que nécessaire afin de maintenir un rendement de qualité élevée. Parfois, nous pouvons limiter la pulvérisation à quelques fois pendant une saison. Les maladies sont influencées par les conditions météorologiques. Nous avons en place des programmes de surveillance de la météo, de l'humidité des feuilles et des endroits où des champignons pourraient pousser.

Nous utilisons des programmes permettant de prédire l'évolution des espèces nuisibles en fonction des conditions météorologiques actuelles, et nous pulvérisons nos pesticides quand c'est approprié, à intervalles quotidiens ou hebdomadaires. Nous faisons la même chose pour les insectes. Donc, nous en utilisons aussi peu que possible, et nos concurrents font de même, mais peut-être pas aussi bien, et cela représente un de nos avantages. Ils n'ont pas accès à certains des programmes de lutte antiparasitaire intégrée qui ont été élaborés par les universités et nos partenaires des gouvernements fédéral et provinciaux. Nos producteurs tirent pleinement parti de chaque occasion de diminuer le nombre de pulvérisations.

Pour certaines récoltes, la facture relative à la pulvérisation peut être très élevée. Pour d'autres récoltes, c'est l'inverse. Même les producteurs de produits biologiques utilisent des pesticides. Leurs organismes de certification leur fournissent une liste des produits qu'ils peuvent utiliser, et ils doivent la respecter. Les keep; producteurs de produits biologiques doivent utiliser des pesticides, dans les mêmes conditions que nous, pour pouvoir produire une récolte rentable.

Je ne sais pas si cela répond à votre question.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Cela permet de concurrencer les autres producteurs sur le marché?

[Traduction]

M. Hunter : Oui, c'est le cas. Nous devons utiliser ce genre de produits, sinon le niveau de qualité de nos produits ne nous permettrait pas d'accéder aux marchés. Les marchés étrangers ne veulent rien d'autre que le summum de la qualité. Tout ce qui n'est pas parfait reste dans les champs.

Le sénateur Ogilvie : Monsieur Verkaik, nous avons entendu plusieurs fois des gens témoigner à propos des problèmes qui surviennent quand un producteur canadien exporte ses fruits et légumes aux États-Unis et que l'importateur a des difficultés financières. Je croyais comprendre la situation jusqu'à ce que j'entende votre exposé de ce matin, à propos de la situation problématique dans laquelle se trouvent les producteurs canadiens, et votre réponse au sénateur Plett.

J'avais cru comprendre que si vous exportez vos carottes aux États-Unis et que l'importateur a par la suite des difficultés financières et ne peut pas vous payer, vous ne pouvez pas, en vertu des lois américaines, récupérer votre argent. Est-ce que j'ai raison sur ce fait?

M. Verkaik : En fait, nous avons un accès. Il nous en aurait coûté 100 $ pour accéder à un processus de règlement des différends à ce sujet.

Les États-Unis ont demandé au Canada de mettre en place un programme équivalent pour leurs vendeurs au Canada, parce qu'il n'y en avait pas ici. Toutefois, dans leur système, nous étions traités comme un des leurs.

Ce traitement préférentiel a été retiré en 2014. Nous avons toujours un accès, mais la seule façon de recouvrer notre argent est de payer un cautionnement correspondant au double de la somme qu'on cherche à recouvrer.

Je pourrais, essentiellement, redonner un exemple mentionné plus tôt. Il y avait un agriculteur à qui un acheteur américain en faillite devait 80 000 $. Quand nous avions un accès préférentiel, il est allé en négociations en déboursant 100 $ pour les frais.

On nous a coupé ce traitement préférentiel au beau milieu de l'étude de son cas. Le vendredi, il prenait part aux discussions. Le lundi, on lui disait qu'il devait verser 160 000 $ s'il voulait poursuivre. Il lui manque déjà les 80 000 $ qui lui sont dus. Et maintenant, il n'a pas les moyens de recouvrer la somme qui lui revient de droit. C'est le problème occasionné par cette perte de réciprocité.

Je vends mes produits surtout au Canada. Je peux également étendre mes activités commerciales au marché américain : à Boston, à New York, à Chicago et jusqu'en Floride. Mais c'est difficile. Je sais qui sont les acheteurs canadiens.

Le sénateur Ogilvie : Vous avez répondu à cette partie de la question.

Vous avez mentionné avoir demandé avec instance au gouvernement fédéral du Canada d'adopter une loi qui — si je vous ai bien compris — ne coûterait rien aux contribuables canadiens pour sa mise en œuvre. J'aimerais comprendre comment une loi qui pourrait vous protéger financièrement contre des pertes comme celles qu'on vient de décrire pourrait ne rien coûter aux contribuables canadiens.

M. Verkaik : Je dirais que c'est le travail du gouvernement de créer des lois.

Le sénateur Ogilvie : L'élaboration d'une loi ne coûte rien, mais la mise en œuvre, si.

M. Verkaik : Nous avons déjà un système en place : la DRC, soit la Corporation de règlement des différends, peut intervenir à ce sujet. Le gouvernement n'a pas à réserver des fonds ni à faire quoi que ce soit pour aider les agriculteurs qui essaient de récupérer leur argent.

En ce qui concerne les faillites, une fois qu'il y a une loi...

Le sénateur Ogilvie : Dans tous les cas, s'il y a une perte d'argent et que vous obtenez gain de cause, qui paye l'argent qui vous est dû?

M. Verkaik : La personne qui vous doit de l'argent.

Le sénateur Ogilvie : Vous voulez dire un Américain?

M. Verkaik : Oui.

Le sénateur Ogilvie : Il y a une réciprocité en ce qui concerne l'accès.

M. Verkaik : Une fois qu'on a mis sur pied une fiducie réputée ici au Canada, nous pourrons à nouveau tirer parti de ce traitement préférentiel, et la Corporation de règlement des différends pourra intervenir des deux côtés de la frontière.

Le sénateur Ogilvie : D'après ce que je comprends, cela reste néanmoins une situation problématique. Je ne voudrais pas être dans cette situation, d'après ce que vous avez dit.

M. Hunter : Je pourrais peut-être reformuler : il s'agit d'un programme d'autoassurance obligatoire pour les acheteurs. Pour être un acheteur accrédité, il faut être prêt à couvrir collectivement les pertes imputables à tous les acheteurs...

Le sénateur Ogilvie : Merci.

M. Hunter : Si vous n'avez pas de permis, vous ne pouvez pas acheter. Est-ce...

Le sénateur Ogilvie : Absolument. C'est la réponse que je cherchais. Merci beaucoup.

J'aimerais formuler rapidement un commentaire à l'intention de M. Hunter. Je comprends les problèmes auxquels vous faites face par rapport aux pesticides. À mon avis, il est injustifiable pour une autorité réglementaire d'attendre si longtemps pour trancher. Nous avons entendu, dans le cadre d'autres études, que cela prend un temps extrêmement long pour mener ce genre d'étude, pour faire les tests et pour obtenir l'approbation finale fondée sur des données probantes en ce qui a trait aux pesticides, et cetera. Dans le monde d'aujourd'hui, avec la technologie à notre disposition, c'est injustifiable.

Deuxièmement, il s'agit d'une question extrêmement importante en ce qui concerne la compétitivité sur la scène internationale. Dans les faits, vous avez à composer avec la légitimité des pesticides que vous avez le droit d'utiliser, d'un côté, mais vous devez également composer avec... Dans tous les secteurs d'activité que j'ai vus dans le cadre de mon travail et de mes activités, bien peu connaissent une concurrence aussi féroce et suscitent autant de fierté nationale que le secteur agricole.

Non seulement devez-vous respecter la réglementation légitime touchant les résidus, mais on établit maintenant d'autres barrières commerciales non légitimes parce que nous pouvons à présent mesurer la concentration de quelques parties par billion, c'est-à-dire mille milliards. Des pays peuvent décider qu'il ne doit y avoir absolument aucun résidu sur un produit, ce qui est impossible à atteindre pour vous actuellement, et ce, même si, conformément à la réglementation en vigueur, les résidus sur le produit sont bien en deçà du seuil limite.

Je n'ai pas de question à poser; je veux seulement mentionner que nous avons compris l'importance de cet enjeu et que nous vous demandons instamment de continuer à travailler avec nos organisations fédérales, premièrement, pour obtenir plus rapidement l'approbation ou le refus des pesticides qui sont utilisés et, deuxièmement, pour essayer de surmonter ces barrières commerciales inacceptables et délibérées fondées sur un niveau zéro de résidus.

M. Hunter : Je vais décrire notre préoccupation à l'égard des fongicides que j'ai mentionnée plus tôt. J'ai eu la chance de parler avec mon médecin de famille, qui est aussi un ami, et je lui ai dit : « Bill, comment réagirais-tu si, la semaine prochaine, tu recevais un message de Santé Canada disant qu'on allait bannir l'utilisation de Tylenol, de l'aspirine, d'Advil et d'Aleve, qu'il n'y en aurait plus? » Il m'a regardé et a répondu : « Ils ne peuvent pas faire cela. » Et j'ai dit : « Que ferais-tu? » Il a répondu : « Nous aurions à prescrire de la morphine pour tous. » J'ai dit : « Au moins, tu as la morphine. Nos solutions de rechange sont le cuivre et le soufre. »

Vous comprenez à quel point cette question est grave.

La sénatrice Unger : À propos des organismes nuisibles et des pesticides, vous avez dit que les États-Unis rejetteront... Et d'autres pays, je crois, selon vous. Le Canada fait-il la même chose? Avons-nous des choses qui sont... Vous avez parlé d'acariens sur le calice. Comment se sont-ils retrouvés au Canada? Je veux vraiment juste savoir : le Canada fait-il la même chose?

M. Hunter : Oui. Le Canada inspecte les expéditions pour repérer les organismes de quarantaine. Les autorités ont une liste des organismes nuisibles qui les préoccupent, et, oui, l'ACIA effectue des vérifications à ce chapitre. L'ARLA inspecte les produits agricoles entrants relativement à la présence de résidus de pesticides.

Je suis heureux de dire qu'elle inspecte les produits intérieurs et les produits étrangers à la même fréquence, ce qui est quelque chose de l'ordre de 3 000 échantillons par année. Le taux de conformité est de plus de 99 p. 100, et environ 90 p. 100 des produits agricoles intérieurs n'avaient pas de résidus détectables. On pourrait en détecter, mais, en raison de notre faible utilisation de pesticides, on ne relève pas de résidus dans 90 p. 100 des cas.

La sénatrice Unger : Diriez-vous que le dendroctone du pin est un tel organisme nuisible?

M. Hunter : Oui, absolument. Il ne touche pas l'horticulture directement, mais c'est un exemple terrible d'organisme nuisible invasif.

La sénatrice Unger : Dernière question : vous avez dit que les pesticides les plus anciens pouvaient agir sur des choses que les nouveaux ne peuvent pas contrer. Cela inclurait-il, par exemple, le DDT?

M. Hunter : La dernière fois où nous pouvions utiliser le DDT, c'était en 1973, alors, non, il n'est plus disponible du tout. Je parle de produits anciens dont l'utilisation a été approuvée et continue de l'être. Parmi les fongicides que nous avons dont je parle ici, certains d'entre eux sont sur le marché depuis les années 1950, et d'autres dates des années 1970. Ils sont plus récents que le DDT, qui était sur le marché beaucoup plus tôt.

La sénatrice Beyak : Je suis d'accord avec tout ce que le sénateur Ogilvie a dit. Nous en entendons parler tout le temps, et notre président a raison de dire que lorsque nous rédigeons notre rapport, nous portons attention à ce que nous avons entendu.

J'espère que vous aurez plus de chance avec vos relations fédérales, qu'elles écouteront votre approche de collaboration, que vous avez mentionnée tout au long de votre exposé.

Je viens d'une région agricole, et j'ai, dans le sud de l'Ontario, des amis responsables qui sont dans le domaine des pesticides. Au cours des 15 dernières années en Ontario, on ne s'est pas appuyé sur un bon savoir scientifique. Des choses se passent dans les coulisses qui ne sont pas favorables aux agriculteurs ni à personne, alors j'espère certainement que les homologues fédéraux écoutent mieux que ceux des provinces.

Comment jugez-vous votre performance jusqu'à maintenant?

M. Hunter : Je siège aussi au Comité consultatif sur les pesticides, et ce, depuis presque 20 ans. J'ai été témoin de grands changements à l'égard de ce que le comité peut faire et des résultats que nous obtenons, alors je suis d'accord avec ce que vous avez dit.

Nous avons fait d'énormes progrès dans le cadre de nos relations avec l'ARLA de 2001 jusqu'à maintenant. Les changements dans les relations et la capacité de travailler ensemble et de collaborer ont été considérables. Avant cela, c'était comme un trou noir.

Mais les changements actuels d'approche sont survenus inopinément, et je ne suis pas certain de ce qu'ils reflètent. Je me fiche complètement de ce qu'ils reflètent; je crois qu'ils doivent changer. Nous ne voulons pas être considérés comme des pleurnichards ou des plaignards. Nous voulons plutôt être perçus comme des gens qui désirent qu'on s'appuie sur un savoir scientifique judicieux et sur l'information la plus récente. C'est ce que nous voulons. Nous espérons que ce n'est pas trop demander.

La sénatrice Tardif : On a fait de nombreux commentaires que j'allais formuler et répondu à de nombreuses questions que je me posais. Peut-être que, pour nos téléspectateurs... Nous avons utilisé le terme LMR, alors ce serait peut-être une bonne idée de préciser que cela signifie « limite maximale de résidus ».

Vous avez mentionné qu'on utiliserait des pesticides même pour des produits agricoles biologiques.

M. Hunter : C'est exact.

La sénatrice Tardif : Alors, les produits agricoles biologiques auraient un niveau de résidus; n'est-ce pas?

M. Hunter : Oui.

La sénatrice Tardif : Quelle proportion de votre marché est biologique, et quelles sont les normes de LMR appliquées au marché des produits biologiques qui sont différentes de celles appliquées au marché des produits non biologiques?

M. Hunter : Les LMR s'appliquent à tout — les produits agricoles intérieurs et importés —, et c'est le même niveau pour chaque pesticide. Les niveaux sont déterminés par des essais sur le terrain, où on appliquera aux cultures le produit enregistré au taux enregistré. On récoltera les cultures au moment habituel de la récolte et on examinera les résidus qui s'y trouvent et leur niveau. On déterminera ensuite, en utilisant un modèle mathématique très compliqué, le niveau de LMR qui devrait être établi qui reflètera, 99,9 p. 100 du temps, les pesticides utilisés à des taux maximaux, le nombre de fois maximal et la dernière date d'utilisation possible avant la récolte. Un pesticide peut ne devoir être utilisé que jusqu'à 14 jours avant la récolte ou devoir être utilisé la veille de la récolte. C'est ce qu'on fera; on accentuera le pire scénario possible, on obtiendra les résultats et ensuite on établira la LMR à ce niveau.

La sénatrice Tardif : Utilise-t-on moins de pesticides dans les produits agricoles biologiques que dans les produits agricoles ordinaires?

M. Hunter : Cela dépend de la culture. Ces agriculteurs utilisent des pesticides différents, alors ils n'utilisent pas nécessairement le même pesticide qu'un agriculteur traditionnel utiliserait, mais ils sont de plus en plus proches. Les agriculteurs traditionnels utilisent le moins de pesticides possible et optent pour les produits qui ont le moins de répercussions environnementales, alors ils se rapprochent.

Certains des pesticides que les producteurs biologiques utilisaient autrefois — bien honnêtement — étaient inefficaces, alors ils ont dû s'adapter un peu. Mais les normes visant les pesticides qu'ils utilisent sont établies par leurs organismes de réglementation, et ils doivent les respecter. Ils ne peuvent pas simplement dire : « J'ai un gros problème; je vais en utiliser un autre. »

La sénatrice Tardif : Monsieur Verkaik, est-ce que votre entreprise évolue sur le marché du biologique?

M. Verkaik : Oui. Nous vendons des carottes et des oignons en gros à des épiceries faisant partie d'une chaîne et à des entreprises du domaine de la restauration, mais nous gérons aussi un programme de paniers d'aliments. Au total, 500 familles profitent du programme, et nous travaillons avec d'autres agriculteurs. Nous avons des produits agricoles biologiques et des produits agricoles dans ces paniers alimentaires.

On se fait souvent poser des questions sur les pesticides et différentes choses lorsqu'on travaille directement avec le consommateur. Dans le cas des pommes, vous pourriez épandre des pesticides plus souvent si vous gériez un verger biologique que si vous aviez un verger traditionnel pour assurer l'efficacité des différents produits que vous utilisez.

Le marché du biologique en Amérique du Nord compte pour environ 3 ou 4 p. 100 de la production totale de fruits et de légumes. Alors, même si on en parle souvent — c'est un marché croissant —, il est encore relativement modeste. Je crois qu'il est important de noter que, peu importe la méthode que les agriculteurs utilisent, ils font attention à la façon dont ils épandent les pesticides et au type de pesticides qu'ils utilisent, et ils se situent bien en deçà des limites environnementales et sanitaires; ils ne nous causeront pas de mal.

Ma famille est dans l'agriculture depuis près de 100 ans, cultivant des légumes sur la même terre. Nous sommes les personnes qui sont les plus près de toute application de pesticides, et nous nous portons bien.

Le sénateur Pratte : J'ai une petite question, mais je crois que la réponse peut être importante.

Vous venez de mentionner, monsieur Hunter, dans votre réponse à ma collègue, que vous n'êtes pas certain de ce que le récent changement d'attitude reflète, mais dans votre témoignage, vous avez formulé une hypothèse sur ce qui se passe. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

M. Hunter : Bien sûr.

Le sénateur Pratte : Je crois que vous avez seulement cinq minutes.

M. Hunter : Je peux le faire plus rapidement. L'ARLA a essuyé, selon moi, des critiques injustifiées à la suite de son examen, et on a critiqué plusieurs facteurs. À mon avis, l'ARLA aurait pu répondre à tout cela, mais en outre, si le vérificateur avait parlé aux intervenants, ceux-ci auraient expliqué pourquoi les choses sont ainsi.

Le sénateur Pratte : Cela aurait pu être expliqué par la commissaire, dans le cadre de l'étude du vérificateur général?

M. Hunter : Oui. Ils ne nous ont pas posé ces questions, alors nous n'avons pas eu la chance de faire part de nos commentaires. Mais je crois que l'ARLA a réagi aux critiques en disant à son personnel : « Vous devez faciliter l'utilisation de ces pesticides. Faites en sorte qu'ils soient moins dangereux et donnez le feu vert pour leur utilisation. » C'est un peu pour cela que nous avons eu cette controverse.

Ils ont dû aussi apporter plusieurs autres changements, et tout cela s'est produit à un moment où ils avaient perdu la moitié de leurs cadres de direction qui étaient là depuis des années. Ils sont partis au cours d'une courte période pour tirer parti d'autres occasions, alors vous avez de nouveaux cadres de direction qui sont tous de bonnes personnes, sympathiques, mais ce fardeau supplémentaire est difficile à gérer.

Le Canada est le seul pays au monde qui doit, conformément à ses lois, réexaminer un pesticide si le gouvernement d'un autre pays de l'OCDE décide d'interdire son utilisation. Dans certains cas, nous venions d'achever un examen, mais nous devions le refaire; la loi nous y obligeait. Ils ont vu 32 cas arriver inopinément. Ils ont essayé de mettre un terme aux réexamens, mais les tribunaux les ont forcés à les effectuer, alors cette charge de travail supplémentaire retombe sur le même service qui fait ces autres réexamens. C'est un problème.

Je ne comprends toujours pas pourquoi ils ne font pas d'emblée une consultation auprès des détenteurs d'homologation et des producteurs pour nous dire qu'ils font cela. Un de ces fongicides a fait l'objet d'un examen complet, et un rapport final a été publié en 2011, lequel disait que tout allait bien, puis en février, ils ont annoncé une révision de leurs résultats dans un service qui disait en somme que nous devions interdire toutes les utilisations. Personne ne savait même que cela se passait, alors comment peut-on planifier?

Les détenteurs d'homologation ont probablement tous un ou peut-être deux de ces produits. Comme je suis le seul au Canada qui fait ce type de travail pour les producteurs, je dois m'occuper de l'ensemble d'entre eux, et il faut faire vite. Dans certains cas, nous avons demandé et obtenu des prolongations, mais pas dans d'autres cas. Nous devons tenter de recueillir toutes les données possibles au sujet des pratiques agricoles et des pratiques touchant les travailleurs, lesquelles — selon nous — influeront énormément sur leurs résultats, mais ils ont eu des années pour faire leur travail en secret, et nous n'avons que quelques semaines pour faire le nôtre. Si je vous semble frustré, c'est que je le suis.

Le vice-président : Si le sénateur Pratte exerçait toujours son ancienne profession, il écrirait un article très intéressant sur cette séance. En passant, vous pouvez toujours écrire cet article.

M. Hunter : J'écris effectivement un article chaque mois dans un journal, dont j'ai des exemplaires pour tous. J'écris sur des sujets comme celui-ci, et le journal est accessible sur notre site web. Notre association a aussi un livret sur qui nous sommes et ce que nous faisons.

La sénatrice Beyak : Merci. Ma question va dans le sens de la question du sénateur Pratte. Je me suis dit que vous pourriez parler des néonicotinoïdes. Nous avons beaucoup entendu parler d'eux au cours de notre étude sur la santé des abeilles, et c'était l'un des principaux exemples — cités par le sénateur Ogilvie, moi-même et beaucoup d'autres — de situations où l'on a seulement écouté quelques scientifiques et fait fi de bons travaux scientifiques qui auraient brossé un tableau complètement différent.

M. Hunter : Je suis d'accord.

Le vice-président : Voilà une réponse courte. C'est ce que nous voulions.

Messieurs, merci beaucoup. Comme vous pouvez le voir d'après les questions, c'est un sujet qui nous intéresse beaucoup. Je crois que de nombreuses choses que vous avez dites seront pertinentes au moment de prendre les décisions qui s'imposent maintenant.

Je vous encouragerais à poursuivre vos discussions avec le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire de même qu'avec la ministre de la Santé. Lorsque nous aurons le ministre de l'Agriculture ici, peut-être pourrons-nous lui mettre une puce ou deux à l'oreille, si vous me passez l'expression.

Merci, mesdames et messieurs. Nous nous réunirons à nouveau mardi prochain. Merci.

M. Hunter : Merci beaucoup de m'avoir donné cette occasion.

(La séance est levée.)

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