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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 12 - Témoignages du 31 mai 2016


OTTAWA, le mardi 31 mai 2016

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 h 3 pour étudier les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, la séance est ouverte.

Bienvenue à nos témoins. Je suis le sénateur Maltais, du Québec et je vais demander aux sénateurs de se présenter.

Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Beyak : Je suis la sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario.

La sénatrice Unger : Betty Unger d'Edmonton, en Alberta.

[Français]

Le sénateur Pratte : Sénateur André Pratte, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Avant de présenter nos témoins, je voudrais adresser un « merci » particulier au sénateur Mercer qui m'a remplacé durant deux mois à la présidence du comité. Merci beaucoup Terry. Vous avez fait du très bon travail, je vous ai vu à la télévision depuis ma chambre d'hôpital.

[Français]

Je voudrais souhaiter la bienvenue tout spécialement au nouveau membre du comité, le sénateur Pratte, de Montréal.

Aujourd'hui, nous allons entendre des gens du Québec et du Canada, puisque cette question touche le Nouveau- Brunswick de même que d'autres provinces. Du Conseil de l'industrie de l'érable, nous accueillons M. Eliott Levasseur, vice-président, et M. Daniel Dufour, directeur général. Bienvenue, messieurs. M. Dufour prendra la parole le premier. Nous disposons de 60 minutes, alors, plus votre présentation sera courte, plus les sénateurs pourront vous poser de questions dans un domaine très intéressant. J'aimerais souhaiter la bienvenue également à notre collègue, la sénatrice Tardif.

Daniel Dufour, directeur général, Conseil de l'industrie de l'érable : Bonsoir, mesdames et messieurs les sénateurs. Nous sommes heureux d'être ici pour vous faire notre présentation en deux parties. Je vais vous présenter brièvement le Conseil de l'industrie de l'érable, dont M. Elliot Levasseur est le président, mais aussi vice-président de l'entreprise Decacer. Il pourra vous parler plus en détail des enjeux qui nous préoccupent.

Donc, comme brève introduction, le début du Conseil de l'industrie de l'érable remonte en 1966, lorsque la Fédération des producteurs acéricoles du Québec a été créée. L'industrie de la transformation, telle que nous la connaissons aujourd'hui avec des transformateurs-acheteurs autorisés ainsi que des producteurs, remonte aux années 1960 également. En 1989, il y a l'adoption d'un plan conjoint des producteurs acéricoles, un outil légal qui permet aux agriculteurs du Québec d'organiser la mise en marché collective. Une fois en vigueur, ceci leur permet d'avoir des règlements et de négocier collectivement avec les acheteurs qui, eux, sont représentés par le Conseil de l'industrie de l'érable, dont je vais vous parler un peu plus loin.

En 1998, pour la première fois, le secteur acéricole a commercialisé le sirop d'érable selon les dispositions d'une convention de mise en marché entre les coopératives acéricoles et un groupe d'acheteurs du produit visé par le plan conjoint, le sirop d'érable.

En 2002, le Conseil de l'industrie de l'érable regroupant les acheteurs autorisés de sirop a été fondé, et se nommait antérieurement le Conseil de l'industrie acéricole. La même année, les acériculteurs ont adopté un règlement d'agence de vente qui centralise toutes les ventes de sirop en vrac. Il s'agit d'une convention de mise en marché du sirop vendu en vrac, négociée par les acheteurs pour encadrer la classification, les prix, l'inspection de la qualité, la transformation, l'étiquetage, l'entreposage, l'offre de vente, l'expédition aux fins de la vente, le transport, l'emballage, la vente, et cetera.

En 2005, le Conseil de l'industrie de l'érable s'est affilié au Conseil de la transformation alimentaire du Québec. Ce dernier regroupe une dizaine d'associations affiliées, y compris le Conseil de l'industrie de l'érable ainsi que des associations dans le secteur de la volaille, de l'alcool, de la boulangerie et d'autres.

En 2010, la Régie des marchés agricoles a accrédité officiellement le Conseil de l'industrie de l'érable pour représenter l'ensemble des acheteurs autorisés du Québec de façon plus formelle. L'objectif de l'accréditation est de représenter l'ensemble des acheteurs autorisés, qui étaient au nombre de 67 environ en 2015, et nous sommes à peu près au même niveau cette année.

Ils achètent et transforment le sirop d'érable sous différentes formes : le sirop, le beurre, le sucre, les flocons, et cetera, sur l'ensemble du territoire québécois aux fins de la négociation d'une convention de mise en marché avec la fédération. Le Conseil de l'industrie de l'érable regroupe également, depuis 2013, les acheteurs autorisés d'eau d'érable.

Ses principaux objectifs sont les suivants : favoriser une mise en marché harmonieuse, promouvoir et défendre les intérêts de l'industrie, représenter ses membres, établir une politique sur les normes commerciales de qualité — un sujet qui nous préoccupe —, instaurer des mécanismes d'échange et de transmission de renseignements, favoriser une plus grande transparence dans la détermination des prix, et favoriser l'innovation.

Je vous présente le contexte légal en deux mots : vous savez qu'il y a une loi sur la mise en marché des produits agricoles au Québec, la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche, dont l'article 60 définit les balises de la commercialisation. Donc, un office de producteurs ne peut s'engager dans le commerce ou la transformation du produit visé par le plan qu'il applique. Ce sont les acheteurs-transformateurs qui commercialisent le produit. La Fédération des producteurs acéricoles fait de la commercialisation générique des produits, pour les producteurs.

Qu'est-ce qu'un acheteur autorisé? Toute entreprise de transformation et de vente qui reçoit, conformément aux dispositions du règlement et de la Convention de mise en marché, du sirop d'un producteur, soit du sirop en vrac. La fédération a le pouvoir absolu d'accréditer annuellement les acheteurs et de décider, paradoxalement, des entreprises représentées par le CIE. Donc, nous ne décidons pas qui sera membre du CIE. C'est la fédération qui décide qui a le statut d'acheteur autorisé.

En terminant, j'aimerais aborder la question de l'exportation. Le Canada est le plus important exportateur de produits de l'érable au monde. La valeur de ses exportations se chiffrait à près de 360 millions de dollars en 2015, dans 58 pays, soit une portion de quelque 77 p. 100 du marché mondial, et dont l'essentiel provient du Québec, soit 94 p. 100 des exportations canadiennes. C'est une part importante.

Les principaux marchés d'exportation, en 2015, étaient les États-Unis, à 64 p. 100 environ, l'Allemagne, à 8,6 p. 100, le Japon, à 7,3 p. 100, le Royaume-Uni, à 4,5 p. 100, et la France et l'Australie à 3,4 p. 100 chacune.

Le CIE représente également les acheteurs d'eau d'érable. Un premier projet expérimental a été mené en 2013-2014 par trois promoteurs. Aujourd'hui, nous représentons six acheteurs autorisés d'eau d'érable. C'est un produit qui prend graduellement sa place sur le marché.

Ce qu'il est important de comprendre aussi, c'est que les acheteurs membres du Conseil de l'industrie de l'érable achètent 85 p. 100 du sirop d'érable au Québec. On croit souvent que la fédération vend les produits dans 58 pays à travers le monde, mais ce sont plutôt les acheteurs autorisés qui achètent 85 p. 100 du produit, qui le vendent et qui développent ces marchés. La fédération a fait de la promotion générique, mais la commercialisation comme telle est faite par les membres du Conseil de l'industrie de l'érable.

Pour vous parler des enjeux des transformateurs-acheteurs autorisés, je donne la parole à M. Levasseur.

Eliott Levasseur, vice-président, Conseil de l'industrie de l'érable : Bonjour et merci à tous les membres du comité de prendre le temps d'écouter le Conseil de l'industrie de l'érable qui regroupe, comme Daniel vient de le mentionner, 85 p. 100 des acheteurs autorisés qui transforment le sirop d'érable des producteurs du Québec, du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario.

Nous avons ciblé cinq enjeux pour le Conseil de l'industrie de l'érable, dont le premier est l'approvisionnement. Selon nous, l'industrie doit pouvoir compter sur un approvisionnement de qualité, en quantité suffisante. Il faut aussi maintenir une réserve stratégique en cas de mauvaise saison.

L'enjeu concernant la qualité et la production, c'est qu'il faut que les producteurs obtiennent un contingent au Québec pour produire du sirop d'érable. La réserve stratégique est sous le contrôle de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec. La fédération a le contrôle de ces trois éléments.

Le Conseil de l'industrie de l'érable veut sa place dans tout cela. Bien entendu, on nous consulte pour savoir s'il faut ajouter des entailles ou augmenter la production, et en ce qui a trait à la qualité et à la réserve stratégique, mais nous n'avons pas un mot à dire en dehors de cela. On nous consulte et on nous demande de faire ce qu'ils décident. C'est ainsi que cela fonctionne.

Comme nous représentons 85 p. 100 des achats de sirop d'érable au Québec, nous voudrions tout de même avoir notre mot à dire et prendre part, conjointement avec la fédération, aux décisions en ce qui concerne la qualité, la production et la réserve stratégique, laquelle est contrôlée par la fédération.

Notre deuxième enjeu et lié à l'importance du juste prix payé aux producteurs pour que les entreprises du Québec demeurent concurrentielles face aux entreprises américaines.

Vous n'êtes pas sans savoir qu'une étude concernant la production américaine a été commandée par la fédération et le Conseil de l'industrie de l'érable en 2014. Cette étude confirme que les Américains produisent du sirop d'érable à un rythme fulgurant. Auparavant, un certain volume était produit au Vermont principalement, mais depuis les cinq, six, sept ou huit dernières années, on a constaté une croissance énorme en ce qui concerne la production du sirop d'érable aux États-Unis. Par ailleurs, ils n'ont aucun contingent à subir comme au Québec. Ces producteurs et transformateurs ont un avantage, parce qu'ils n'ont pas de prix minimum à payer comme au Québec.

Cette étude a fait couler beaucoup d'encre. Elle a été mise à jour à deux reprises, toujours en confirmant que les Américains produisent de plus en plus. D'ailleurs, ce matin, un communiqué nous informe que la production totale en 2016 au Québec est de 148 millions de livres, un record historique jamais vu au Québec. Aux États-Unis, on parle d'un volume de 40 millions de livres, mais le mécanisme de calcul utilisé est probablement moins valide qu'au Québec. Il s'agit peut-être d'une récolte de 50 millions de livres.

La production aux États-Unis représente environ un tiers de la production du Québec aujourd'hui, en ce qui concerne la production à la ferme. Nous avons un peu de chance en ce moment avec le taux de change qui est favorable, et les Américains continuent d'acheter chez nous, mais il reste que s'ils décident de laisser tomber le Québec, s'ils finissent par s'autosuffire — c'est en voie de se réaliser, et c'est leur but —, nous serons très vulnérables. C'est un marché important. Daniel vous a transmis les statistiques, près de 64 p. 100 de nos exportations sont destinées aux États-Unis.

Pour contrer cet enjeu — on l'appelle la menace américaine —, il faut trouver une façon, de concert avec la fédération et le Conseil de l'industrie de l'érable, d'établir une formule de prix. Dépendamment des productions, la formule n'est pas déterminée. Il faut déterminer une formule de prix le plus rapidement possible, parce que les Américains sont très rapides. Nous en discutons depuis un an et demi.

Comme je vous le disais, grâce au taux de change, on s'en sort bien pour le moment, mais on ne peut pas faire des affaires sur cette base. Il faut s'y mettre et trouver une formule pour stabiliser le prix, à la hausse ou à la baisse, et également avoir accès à la réserve stratégique que la fédération détient de sorte que les Américains ne viennent pas y piger comme bon leur semble.

Je ne lirai pas le mémoire au complet, puisque vous en avez une copie et que nos recommandations y sont très bien expliquées.

Notre troisième enjeu, c'est la qualité, la traçabilité et l'image de marque du Québec et du Canada. C'est incontournable, aujourd'hui, et la qualité est l'enjeu qui prime. La traçabilité est le sujet de l'heure. Il est important de maintenir la qualité ou même de l'améliorer, tant à la ferme que dans nos usines.

Par conséquent, nous recommandons d'améliorer ou de bonifier les programmes qui sont déjà en place pour aider les entreprises à se mettre à la page au chapitre des certifications, afin qu'elles puissent avoir accès à du financement pour continuer à exporter dans tous les pays.

Notre quatrième enjeu, c'est le financement pour soutenir les efforts de la filière et de la réserve stratégique. Déjà, le gouvernement fédéral y participe; il y a un comité consultatif de l'érable canadien qui regroupe le Nouveau-Brunswick, le Québec, la Nouvelle-Écosse et l'Ontario. Le Québec et la fédération gèrent les fonds versés par le gouvernement fédéral et ont la responsabilité, selon l'approbation du comité consultatif, d'investir ces fonds en promotion générique. C'est donc le gouvernement fédéral qui finance une partie de cette promotion générique.

À ce sujet, nous recommandons de maintenir ce financement et même de le bonifier puisque, depuis les deux dernières années, les programmes ont été coupés de moitié. À notre avis, il est important que le gouvernement fédéral bonifie ces programmes pour nous aider à faire de la promotion générique dans tous les pays.

La réserve stratégique est présentement autofinancée par les producteurs de la fédération. Des discussions fédérales- provinciales ont été menées afin de trouver un terrain d'entente selon lequel le fédéral et le provincial pourraient financer cette réserve, pour que les producteurs du Québec soient payés à 100 p. 100, compte tenu du fait qu'ils sont dans un système contingenté. Cette proposition fait l'objet de discussions à l'heure actuelle, je crois, à l'échelle fédérale- provinciale. Donc, c'est une autre de nos recommandations.

Le dernier enjeu est l'un des plus importants : ce sont les règles d'affaires équitables pour tous. Le 8 mars dernier, des représentants de l'Association des érablières-transformateurs ont témoigné à votre comité. Ce regroupement compte des producteurs de sirop d'érable qui transforment leur produit à la ferme. Ces producteurs travaillent à la ferme et vendent à la ferme et directement dans les épiceries de leur région et un peu dans les chaînes, grâce à des intermédiaires, mais, en réalité, ils nous font concurrence directement sur les marchés internationaux, depuis les quatre ou cinq dernières années. Ces producteurs n'ont pas à payer le prix minimum imposé par la fédération selon la convention. Ils peuvent donc vendre leur production sur des marchés à l'exportation aux prix qu'ils choisissent.

Nous n'avons rien à redire d'un producteur qui transforme son produit à la ferme et qui le vend à la ferme. Au contraire. Cependant, il faudra dans nos recommandations que ces producteurs soient encadrés ou qu'ils aient un territoire de vente pour éviter qu'ils vendent sur les marchés internationaux le sirop d'érable qui provient de leurs érablières. Ils ont trouvé une façon de contourner le système en se regroupant en érablières, en louant les érablières des voisins pour créer plus de volume, pour avoir plus de sirop d'érable et le vendre à l'exportation. Ce qu'ils font est légal, mais ils contournent un peu le système.

En ce qui nous concerne, nous devons respecter un prix minimum fixé par la convention. Nous achetons le sirop et nous sommes en compétition sur les marchés, alors qu'eux arrivent avec un sirop d'érable sans prix minimum et nous font concurrence. Cette situation est inéquitable sur les marchés internationaux. Il ne s'agit pas de limiter ce groupe. Nous pouvons leur donner un territoire pour qu'ils vendent leurs productions sur un territoire spécifique, mais dès qu'ils exportent ou qu'ils dépassent leur volume de production à leurs érablières, ils devraient payer un prix minimum, comme nous. Ils seront alors les bienvenus sur les marchés internationaux, et pourront sans problème nous faire concurrence. Nous pouvons vivre avec cela, car le marché est le marché.

Le président : Merci beaucoup, MM. Dufour et Levasseur. Cela vous démontre l'importance de notre comité qui, dans son rapport, fera l'étude du secteur agricole canadien en matière de marchés internationaux. Cela se situe en ligne directe avec ce que vous venez de dire concernant les États-Unis, qui représentent tout de même un gros marché, mais qui ont tendance, dans les prochaines années peut-être, à diminuer leurs achats au Québec et au Canada. Le comité se penche sur l'accès aux nouveaux marchés, et notre rapport ira en ce sens. J'imagine que les membres du comité se dirigeront dans cette voie à la fin du mois de septembre lorsque le rapport sera déposé.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Messieurs, c'est le potentiel qui m'intéresse ici. Vous avez dit qu'il y a actuellement environ 42,5 millions d'entailles et que cette production annuelle devrait passer à environ 5 millions dans les cinq prochaines années, ce qui ferait 67,5 millions d'entailles. C'est beaucoup d'entailles.

Quel est le potentiel? Est-ce que toutes ces entailles supplémentaires seraient au Québec ou y en aurait-il au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et en Ontario?

[Français]

M. Levasseur : Pour ces nouvelles entailles, les 5 millions sont à l'échelle du Québec seulement. Présentement, en exploitation, nous avons 43 millions d'entailles, et nous faisons face à une rareté de sirop depuis deux ans. Cette saison a connu une récolte historique et c'est tant mieux, mais nous avions demandé des entailles supplémentaires, ainsi que la fédération, à la Régie des marchés agricoles, pour ces 5 millions d'entailles supplémentaires en exploitation pour la récolte de 2017. Cela fait 47 ou 48 millions d'entailles en exploitation. Au Québec, il y a un potentiel de 100 millions d'entailles au total.

Au Nouveau-Brunswick, il n'y a pas de fédération, alors il leur est possible d'augmenter le nombre d'entailles à leur guise. Naturellement, sur les terres publiques, il y a quand même des moratoires au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, ainsi qu'en Ontario, je crois, mais il n'y a pas de limites à ce qu'ils peuvent ajouter comme entailles à l'échelle des provinces et des États-Unis.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Peu importe le nombre d'entailles, si vous n'avez pas le marché pour vendre le sirop.

Vous avez dit qu'actuellement 63,7 p. 100 de vos exportations vont aux États-Unis, 8,6 p. 100 en Allemagne, 7,3 p. 100 au Japon, 4,5 p. 100 au Royaume-Uni et 3,4 p. 100 en France et en Australie.

C'est un marché très dispersé, mis à part les 63,7 p. 100. Comme vous le savez le Canada participe à deux accords de libre-échange — le PTP et l'accord bilatéral entre le Canada et l'Union européenne — qui doivent encore être ratifiés.

Y voyez-vous un potentiel pour nous? Est-ce cela qui motive l'augmentation de votre production de 5 millions d'entailles par an pendant les trois à cinq prochaines années?

[Français]

M. Levasseur : En partie, oui. Nous avons hâte que ces ententes soient ratifiées afin que nous puissions enlever la taxe d'entrée au pays en question. Il est certain que nous entrevoyons avec optimisme cette occasion, et nous avons très hâte que cela se règle, en passant. Cependant, en ce qui concerne les 5 millions d'entailles supplémentaires, il y a quand même des marchés pour lesquels nous hésitons, où nous avons mis le frein en tant que transformateurs, pour utiliser cette expression.

Nous avons une fédération qui contrôle la production au Québec et dont nous dépendons. Par exemple, au cours des deux dernières années, 2014 et 2015, nous avons eu du sirop un peu plus foncé. L'inventaire est tombé à zéro pour le sirop pâle. Oui, il y avait du sirop, mais on n'avait pas ce que le client désirait en fin de compte. C'est pourquoi nous avons ajouté le nombre d'entailles afin d'essayer de refaire un stock et de créer une stabilité pour tous les grades de sirops à l'inventaire de la fédération et pour notre inventaire personnel en tant que transformateurs.

Quant à la demande de 5 millions d'entailles pour laquelle nous devrions recevoir une réponse sous peu de la Régie des marchés agricoles, le sirop est déjà vendu. Mes compétiteurs pourraient parler, mais l'année passée, nous avons manqué de sirop.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Vendu où? Vous nous dites penser que la production de ces 5 millions d'entailles pourrait être vendue, mais où? Est-ce que les exportations continueraient d'être de plus de 64 p. 100 vers les États-Unis?

[Français]

M. Levasseur : Aux États-Unis, il y a une croissance légère, mais en Europe, la croissance des trois dernières années est plus marquée. Il y a donc le marché européen, et nous savons que le partenariat devrait être en vigueur sous peu. Nous faisons des efforts de marché dans ces pays, et il y a encore de la place. L'an dernier, pour ma part et pour certains de mes compétiteurs, nous n'avons pas refusé de commandes, mais nous avons été obligés de ralentir l'ardeur des clients qui en faisaient la demande, parce que nous n'avions pas suffisamment de sirop. Ces 5 millions d'entailles supplémentaires ne sont pas un problème pour nous. Nous voulons d'ailleurs un plan sur un horizon de trois à cinq ans. Nous ne voulons pas être limités à ces 5 millions d'entailles. Si nous réussissons à vendre ce sirop l'année prochaine et que la fédération n'ajoute pas d'entailles, que ferons-nous? La croissance dépend de ce que la fédération ajoutera comme entailles. C'est mon enjeu premier, que le CIE participe aux décisions de la fédération dans ce cas.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Je comprends votre désir d'augmenter le nombre d'entailles ainsi que vos ventes. Vous vous inquiétez aussi du prix, si je vous ai bien entendu, en particulier aux États-Unis. Il me semble que, si vous concentrez l'expansion du marché non pas aux États-Unis, mais ailleurs — dans l'Union européenne et les pays du Partenariat transpacifique — cela vous aidera à maintenir les prix à un niveau raisonnable. Si vous êtes en concurrence avec les Américains sur le marché international, cela permettra aussi de maintenir un prix favorable aux États-Unis.

Est-ce que j'interprète correctement la situation?

[Français]

M. Levasseur : Présentement, les États-Unis calquent leurs prix sur ceux du Québec, mais les variantes économiques font en sorte que cela marche, par exemple, grâce au taux de change avantageux.

Il reste qu'avec le prix minimum du sirop acheté au Québec, les Américains qui s'installent sur un autre marché pourraient tenter de baisser les prix et de gagner des parts du marché. Pour l'instant, les Américains sont surtout présents aux États-Unis. Ils convoitent un peu le marché du Royaume-Uni, de l'Europe et de l'Australie. Ils sont peu présents au Japon. Ils ne sont pas présents sur d'autres marchés que le leur.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Dans les marchés en dehors du marché américain, la marque Canada est-elle un bon outil de commercialisation? La feuille d'érable se distingue de tout autre fournisseur. Elle vient du Canada.

[Français]

M. Levasseur : Oui, tout à fait. Si on se rend au Japon, il est certain que les Japonais achèteront du sirop d'érable du Canada avant de s'en procurer aux États-Unis. En Europe, c'est le même scénario. La France aime beaucoup le logo du Québec. Le logo canadien, la feuille d'érable, nous permet de nous démarquer par rapport au sirop d'érable américain. Certains États américains savent que le sirop d'érable ne provient pas uniquement du Vermont, mais aussi du Canada.

La sénatrice Tardif : Je vous remercie pour vos présentations.

Nous avons eu la chance d'entendre trois groupes au sujet de l'industrie acéricole. Vous avez soulevé des points de vue différents, et j'essaie de comprendre vos propos. Selon l'Association des érablières-transformateurs des produits de l'érable, les quotas ne devraient pas exister au Québec, qui est la seule province à en exiger. Face à cela, il y a une stagnation qui se produit au Québec et les Américains s'emparent d'une plus grande part du marché. C'est ce que vous nous avez indiqué.

Ensuite, la Fédération des producteurs acéricoles du Québec affirme qu'il faut préserver le présent système de quotas, parce qu'il assure une stabilité et un développement.

Enfin, le Conseil de l'industrie de l'érable, si j'ai bien compris, souhaite améliorer le système existant pour favoriser l'élasticité des prix. Vous avec également parlé d'une stratégie de développement commun.

Comment peut-on résoudre ces divergences d'opinions? Jusqu'à quel point cela vous empêche-t-il d'être compétitif? En outre, que peut faire le gouvernement fédéral pour appuyer le développement des marchés compétitifs et concurrentiels du sirop d'érable?

M. Dufour : Il n'est pas facile de répondre à votre question. Certains membres de l'Association des érablières- transformateurs des produits de l'érable font partie du Conseil de l'industrie de l'érable. Ils mettent en marché leur propre sirop, mais, comme ils l'ont affirmé en mars dernier, lorsqu'il y a une pénurie de sirop, ils mettent leur chapeau d'acheteurs autorisés et se procurent du sirop au même titre qu'un autre acheteur autorisé. D'une manière ou d'une autre, ils finissent par obtenir des prix plus bas. Ils ont aussi leur propre sirop.

De notre côté, nous avons pris position. Nous avons diffusé un communiqué pour expliquer notre position par rapport au système de contingentement et au dépôt du rapport Gagné. Il faudrait que nous nous assoyions tous ensemble pour trouver des solutions, ce que nous n'avons pas réussi à faire jusqu'à présent. Il est certain que nous appuyons le système de contingentement pour éviter le chaos dans le système à court et à moyen terme, mais nous croyons qu'il faut le moderniser. Comme M. Levasseur l'expliquait tantôt, le nombre d'entailles est stable depuis cinq ans, soit 43 millions d'entailles avec un prix qui a bondi en 2008 et qui n'a jamais baissé depuis. En tant que transformateurs, nous souhaitons tous que cette hausse de prix se poursuive.

Il faudrait aussi assurer une plus grande souplesse en ce qui a trait au système de prix. De toute évidence, la fédération fait du bon travail, mais le système est un peu rigide. On pourrait trouver des façons d'assouplir le système.

M. Levasseur : Vous vous demandez quelles mesures le gouvernement pourrait adopter pour venir en aide à l'industrie. Nous avons tenu des discussions et des négociations entre les trois parties, mais c'est à nous que revient la responsabilité de trouver les solutions. Toutefois, le gouvernement doit poursuivre ses efforts pour aider l'industrie. On pourrait critiquer la fédération, mais elle a contribué à la promotion générique à l'aide des crédits fédéraux. Les transformateurs ont « surfé » sur la vague de la recherche-développement pour faire découvrir les bienfaits du sirop d'érable sur la santé. Diverses études seront publiées sou peu, entre autres sur l'indice de glycémie. Il s'agit de fonds fédéraux gérés par la fédération à l'aide d'investissements. Il est donc important que le gouvernement maintienne et bonifie cette aide financière.

Il faut aussi tenir compte de la qualité du produit. Sans un contrôle de qualité, on peut réduire les prix. Les érablières-transformatrices prennent le sirop à la ferme et le vendent. En tant qu'acheteurs autorisés, on achète le sirop, qui est inspecté et classé par une tierce partie. On l'achète selon le prix fixé. Les inspecteurs décident si le produit est de qualité ou non. À ce moment-là, si on commence à vendre du sirop d'érable de moindre qualité, la situation va durer jusqu'à cinq ans. En fin de compte, c'est le consommateur qui décide s'il achète du sirop d'érable ou du miel. Dans le cadre du partenariat du CIE et des érablières-transformateurs — vous ne voyez sans doute pas cela du même œil —, il faut continuer de maintenir un système de qualité. Le gouvernement doit continuer de prendre une part active dans la recherche-développement et la promotion générique du sirop d'érable.

M. Dufour : Nous tentons de collaborer étroitement avec la fédération pour le développement. Je suis allé à Londres en janvier dernier dans le cadre d'une activité de promotion fort intéressante organisée par le haut-commissariat du Canada. On sent qu'il y a un engouement pour les produits de l'érable en Grande-Bretagne. Nous travaillons de plus en plus en partenariat avec la fédération, qui s'occupe du développement générique. De notre côté, nous faisons la commercialisation des produits. De toute évidence, nous devons pouvoir compter sur l'aide du gouvernement fédéral. L'industrie requiert des fonds importants. Le gouvernement du Canada a investi bon nombre de crédits, soit environ 10 millions de dollars depuis cinq ou six ans. Le gouvernement a investi 10 millions de dollars et l'industrie a versé l'équivalent.

La sénatrice Tardif : Avez-vous reçu ces crédits?

M. Dufour : C'est notre comité consultatif, composé de quatre provinces productrices, et des fonctionnaires du gouvernement fédéral qui décident comment les crédits seront versés.

M. Levasseur : Ces sommes ne sont pas versées directement à l'entreprise. Toutes les provinces s'entendent sur les façons d'investir les crédits, par exemple dans quel pays ou quel marché ils seront investis. Ce n'est pas à nous de décider. Nous disposons de moyens pour trouver des fonds fédéraux en vue de faire la promotion de nos produits, mais ces sommes d'argent sont gérées par la fédération. Celle-ci tient compte de nos commentaires par l'intermédiaire du comité consultatif fédéral.

M. Dufour : Nous sommes conscients de l'importance des médias sociaux. La fédération accomplit un travail remarquable par l'entremise des médias sociaux pour favoriser la promotion des produits génériques, ce qui profite aussi aux transformateurs.

Le sénateur Pratte : Pour m'assurer de bien vous suivre, l'un des volets de votre présentation porte sur vos relations plus ou moins faciles avec la fédération. Il s'agit d'un aspect pour lequel le gouvernement du Canada ne peut pas faire grand-chose.

J'aimerais aborder avec vous la question de la réserve stratégique. Je suis nouveau ici, et je ne suis pas un expert des questions agricoles, bien que je sois un consommateur de sirop d'érable, comme beaucoup de gens.

Vous semblez croire que le gouvernement du Canada puisse jouer un rôle dans le cadre de la réserve stratégique, notamment quant à son financement. Vous parliez de négociations qui auraient cours présentement entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

M. Levasseur : Il est certain que les négociations en cours présentement se tiennent entre la fédération, le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial. En tant que transformateurs, nous ne sommes pas impliqués dans les négociations. Ce n'est pas un dossier qui incombe aux transformateurs, même s'il nous touche beaucoup, et c'est vraiment la fédération qui chapeaute tout cela.

Mon commentaire est lié au fait que le gouvernement fédéral a attendu un certain nombre de mois ou d'années pour se prononcer. Il semblerait que le gouvernement fédéral soit prêt. Or, le gouvernement provincial disait attendre que le gouvernement fédéral soit prêt, mais il s'est contredit au cours des derniers mois. Il ne reste pas grand-chose à fignoler du côté fédéral; c'est au provincial qu'il reste un peu de travail à faire pour finir par trouver une solution.

Nous n'avons pas les détails, nous avons été mis à l'écart du dossier, mais il semblerait que du côté du gouvernement fédéral, il y a eu une ouverte récemment.

Le sénateur Pratte : Le problème, c'est que l'autofinancement ne suffisait pas à assurer le financement de la réserve stratégique.

M. Levasseur : C'est appuyé par les producteurs. Oui, ils ont un prix donné, mais ils sont payés en fonction des ventes de l'année en cours. Il y a une formule selon laquelle le sirop qui n'est pas vendu n'est pas payé. Les producteurs sont peut-être payés à 75 ou 80 p. 100. La réserve a beaucoup diminué l'an passé, et si un mécanisme pouvait être mis en place entre le fédéral et le provincial de sorte que le producteur, lorsqu'il produit une livre de sirop, puisse être payé à 100 p. 100, cela éviterait beaucoup de problèmes, et cela réglerait le problème d'une partie des érablières- transformateurs. Ceux-ci portent deux chapeaux : quand la situation ne fait pas leur affaire, ils vendent le sirop à la fédération et ils obtiennent 3 $ la livre, et quand la situation fait leur affaire, ils viennent sur nos marchés et réduisent les prix. Lorsque ça ne va plus, ils vendent leur sirop à la fédération en barils pour l'année en question, parce que c'est plus avantageux pour eux.

Si les producteurs étaient payés à 100 p. 100, peut-être qu'il y aurait encore des érablières-transformateurs qui vendraient à la ferme sur un territoire donné au Québec, mais ils ne recourraient peut-être pas à l'exportation pour vendre leur sirop et le livrer à la fédération, parce qu'ils sont payés. Je discute de cette question avec la fédération depuis des années. Je ne suis pas au courant des détails, mais il faut trouver une façon de financer cette réserve pour que le producteur soit payé à 100 p. 100, pour éviter qu'il vende son sirop lui-même dans un pays sans le faire inspecter ni classer par une tierce partie. Cela éviterait qu'un sirop qui n'est pas de qualité se retrouve sur nos marchés. Ce financement de la réserve est important.

Le sénateur Pratte : Est-ce que j'ai compris que des acheteurs non canadiens ont accès à la réserve stratégique? En d'autres termes, un transformateur américain, par exemple, pourrait acheter du sirop d'érable de la réserve stratégique québécoise?

M. Dufour : Absolument, s'il y a un manque.

M. Levasseur : S'il a une mauvaise saison, le transformateur américain qui manque de sirop pourrait acheter du sirop de la fédération au même prix que le Centre ACER, qui paie la fédération depuis 17 ans et qui soutient tout cela. Le transformateur a des limites de volume, mais il a quand même accès à la réserve, qu'il soit acheteur autorisé ou non.

Le sénateur Pratte : Il n'y a pas de mécanisme de priorité qui fait qu'un transformateur canadien aurait priorité sur le transformateur américain.

M. Levasseur : Nous discutons avec la fédération pour mettre des balises, mais il y a toujours la question que nous ne pouvons pas imposer des limites aux Américains, compte tenu des règles de la concurrence. Il est sûr que la fédération veut vendre son sirop, mais je pense qu'elle commence à comprendre qu'il faut trouver un mécanisme pour donner accès au premier acheteur du Québec avant de donner accès à des étrangers. Quelqu'un du Japon pourrait acheter du sirop de la réserve et l'envoyer au Japon en baril. Demain matin, si je suis un Japonais ou un Allemand, je pourrais aller acheter du sirop en baril directement de la fédération, l'emballer chez moi et créer des emplois ailleurs, malheureusement.

Le sénateur Dagenais : Merci, messieurs, pour vos présentations. J'aimerais revenir à l'exportation et parler de l'avenir.

Vous avez mentionné que nos voisins américains sont très importants, parce qu'ils achètent près de 64 p. 100 de notre production de sirop. Par contre, je dois vous dire qu'il s'agit tout de même d'une concentration dangereuse, parce que 64 p. 100 des ventes sont destinées aux États-Unis. Vous dites que les Américains sont très agressifs sur le marché. Cela signifie que l'augmentation de la production par les Américains risque d'affecter sérieusement la capacité de commerce des producteurs d'ici.

Quelles seraient les autres options, ailleurs dans le monde, pour liquider votre marchandise? Pensez-vous pouvoir compenser une baisse significative de la demande des Américains? Connaissant les Américains, qui s'autosuffisent en pétrole actuellement, ils peuvent sans doute faire la même chose avec d'autres produits, et ils le feront.

M. Levasseur : Dans le cadre de l'étude faite en 2014 par Forest Lavoie, que nous mentionnons dans le mémoire, il y a un plan d'action conjoint entre la fédération et le Conseil de l'industrie de l'érable qui permettra de mettre en place un mécanisme. Nous avons déjà commencé, dans plusieurs volets, à contrer cette menace américaine. Cela n'avance pas assez vite pour un entrepreneur, mais peut-être que du côté de la fédération, les choses avancent assez vite.

Le problème est lié à la vitesse de la mise en application, mais il reste qu'il y a un plan d'action actuellement pour contrer la menace. Il faut trouver une formule de prix, développer de nouveaux marchés, et mettre l'accent sur la qualité, le classement et l'inspection du sirop.

Il y a aussi tout le volet du logo canadien au Québec, dépendamment du marché dont on parle. Il y a aussi la question des bienfaits à la santé, de la recherche et développement, et du comité consultatif dont je parlais plus tôt qui est lié à l'investissement des fonds fédéraux. Il reste que, tangiblement, il y a beaucoup de travail à faire, et qu'il faut s'y préparer. Il reste aussi que la menace américaine existe.

M. Dufour : Pour compléter, si je comprends la question qu'a posée la sénatrice Tardif tout à l'heure, c'est peut-être là où le gouvernement du Canada pourrait appuyer l'industrie, parce que si on veut développer des marchés intéressants, il y a des coûts qui y sont rattachés.

On parlait du comité consultatif dont les fonds ont été coupés en partie. Il en reste quand même, mais il faudrait peut-être renverser la machine et augmenter les fonds pour nous aider à développer d'autres marchés.

Le sénateur Dagenais : On sait que les bons résultats des producteurs du Québec dépendent de deux facteurs dont vous avez parlé, soit les prix minimums avec lesquels les producteurs des autres provinces ne sont pas nécessairement d'accord, et la faible valeur du dollar canadien.

Combien de temps pensez-vous pouvoir tenir dans ce genre de situation qui est en quelque sorte un peu artificielle? Vous avez dit qu'on ne pouvait pas toujours se fier à la valeur du dollar. Combien de temps pensez-vous pouvoir tenir avec ce genre de situation, quand on parle de commerce international? C'est vers cela qu'il faut s'en aller.

M. Levasseur : Le temps, c'est une chose, mais on ne peut pas évaluer combien de temps les Américains pousseront la machine et nous dépasseront. Comme entrepreneurs, nous avons investi 8 millions de dollars dans notre usine. Oui, il y a tout le système du Québec, mais au Centre ACER, nous sommes les premiers à appuyer ce système et à acheter au Québec.

Il ne faut pas oublier qu'on peut aller acheter aux États-Unis et y installer des usines. Ce n'est pas une menace, mais le système ne nous donnera peut-être pas le choix. Certains ont déjà commencé à examiner les possibilités d'acheter un entrepôt ailleurs. Lorsque je dis que le développement du plan d'action n'avance pas assez vite, il s'agit d'une inquiétude personnelle et pour l'industrie. Avec le temps, je ne pourrais pas le dire, mais il reste que notre avantage en ce moment est la qualité, le drapeau du Canada, la notoriété. Il y a longtemps que nous existons et que nous connaissons le marché, mais les Américains réagissent très rapidement. S'agit-il de 5 ou 10 ans? On ne le sait pas. C'est pour cette raison que nous faisons pression sur le système actuel. Nous ne voulons pas l'abolir, mais nous voulons le corriger pour faire face à cette menace.

[Traduction]

La sénatrice Unger : Messieurs, je vais être sincère. Je viens de l'Alberta, mais je trouve ceci très déroutant. Peut-être pourriez-vous m'expliquer si je vous ai mal compris.

Pourquoi permettez-vous à d'autres pays d'accéder à la réserve stratégique? Je ne comprends pas. Par ailleurs, si tel est le cas, pourquoi le gouvernement devrait-il donner de l'argent pour quelque chose auquel les autres peuvent avoir accès.

[Français]

M. Levasseur : Premièrement, la réserve stratégique ne dépend pas du Conseil de l'industrie de l'érable. C'est le premier enjeu dont j'avais parlé. On ne peut pas intervenir là-dessus. C'est vraiment la fédération. On se fait dire : « C'est notre sirop, c'est nos affaires, ne vous en mêlez pas ». On ne peut pas s'en mêler, mais on essaie de faire pression sur la fédération pour qu'elle balise l'accès à la réserve.

Vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que l'argent qui est destiné au marketing bénéficie à des Américains. Cela n'a pas de sens. Il reste que le CIE n'a aucun contrôle sur cette réserve.

M. Dufour : Je vous disais d'entrée de jeu que c'est la fédération qui décide qui peut être acheteur autorisé. L'important, c'est d'avoir une place d'affaires au Québec. Il peut s'agir d'un entrepôt ou de n'importe quoi, on peut posséder une petite érablière, par exemple, et automatiquement, on a le statut d'acheteur autorisé au Québec, au même titre qu'une entreprise installée ici, qui engage des employés au Québec, qui transforme le produit au Québec, au Canada.

Ce que M. Levasseur dit est vrai, ce n'est pas nous qui définissons le statut d'acheteur autorisé. Il faudrait peut-être poser la question à la fédération, mais il est vrai que c'est un non-sens d'une certaine façon.

[Traduction]

La sénatrice Unger : Cela vous place dans une situation très précaire et vous craignez ce que les Américains pourraient faire ou ne pas faire.

L'industrie canadienne doit s'assurer que les produits acéricoles qui se retrouvent sur les étals des détaillants étrangers soient effectivement canadiens. C'est vital tant pour la protection des droits des consommateurs que pour l'image de l'industrie du sirop d'érable au Canada.

Avez-vous été en mesure d'identifier des preuves de cela?

[Français]

M. Dufour : L'industrie du Québec — j'entends la filiale, c'est-à-dire la fédération et le Conseil de l'industrie de l'érable — mène un projet pilote en ce moment; lors de nos voyages un peu partout dans le monde, nous rapportons au Québec des échantillons des produits qu'on y trouve. J'en ai rapporté d'Angleterre. Nous les faisons donc analyser par le Centre ACER pour savoir s'il y a une adultération du produit. À la conclusion de notre projet, nous pourrons peut- être en parler.

Nous n'avons pas de preuve en ce moment, mais nous effectuons cette étude préalable afin de savoir ce qu'il en est. C'est une bonne question.

[Traduction]

La sénatrice Unger : Y a-t-il des preuves que la Chine utilise l'étiquette canadienne sur son sirop d'érable?

[Français]

M. Levasseur : C'est ce que notre vigie va nous permettre de savoir, s'il y a de faux sirops d'érable ou même du sirop d'érable pur qui pourrait être acheté des États-Unis et porter la marque du Canada. À l'heure actuelle, j'ai fait le tour du monde ou presque, et je n'ai pas encore vu de produits provenant de la Chine qui pourraient copier ou présenter un faux sirop avec le logo canadien. On n'a pas encore vu cette situation, mais elle pourrait arriver. Nous connaîtrons les résultats de notre vigie au courant de l'été.

M. Dufour : Là encore, l'aide du gouvernement fédéral sera importante, surtout si on découvre de l'adultération de produits à l'étranger.

M. Levasseur : Il faudrait une aide du gouvernement fédéral, qui ne soit pas nécessairement financière.

M. Dufour : Effectivement.

[Traduction]

La sénatrice Beyak : Merci, messieurs. Nous adorons tous le sirop d'érable. Avez-vous la capacité de fournir d'autres pays avec tous ces nouveaux accords de libre-échange?

Avez-vous une division de commercialisation? Dans les boutiques pour touristes dans tout le Canada on peut voir les petites feuilles d'érable à sucre et je me disais à quel point cela serait populaire dans d'autres pays s'ils avaient un logo de leur pays ou leur drapeau. Je pense à Bruxelles et au Manneken-Pis. Avez-vous pensé à cela du point de vue commercial et avez-vous la capacité de le faire?

[Français]

M. Levasseur : Vous pensez à une bouteille de sirop d'érable qui porte le logo de la Belgique, par exemple? C'est ce que vous voulez dire? Cela serait peut-être une stratégie de marketing, mais, à l'heure actuelle, sur les marchés, la feuille d'érable est beaucoup plus populaire que le drapeau d'un autre pays. Les gens identifient vraiment le sirop d'érable au Canada; peut-être pas aux États-Unis, mais dans le reste du monde.

J'ai un importateur en France qui insiste sur la couleur du Québec. Il veut le drapeau du Canada ou le drapeau du Québec, et il ne veut pas du drapeau français. Puisque le produit vient d'ailleurs, pourquoi y mettre le drapeau français, disent-ils? C'est davantage une décision de marketing. Il y a peut-être des tentatives qui ont été faites mais, pour l'instant, ça reste du sirop d'érable du Canada ou du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Beyak : Il est clair que je voudrais que le drapeau canadien y figure toujours, pour qu'ils sachent d'où cela vient. Mon idée était de le vendre aux gens là-bas avec quelque chose qui soit en lien avec leur pays pour qu'ils soient fiers d'acheter Canadien, tout en mettant en valeur leur pays.

[Français]

M. Levasseur : Sur les marchés européens, on fait beaucoup de marques privées, donc, oui, certaines étiquettes donnent de l'information sur l'histoire du sirop d'érable. Cependant, ils veulent peut-être laisser de côté l'image traditionnelle pour aller vers une image plus santé, de pureté.

Certaines chaînes de magasins exigent un étiquetage différent de la traditionnelle feuille d'érable du Canada. Par contre, ils peuvent inscrire une petite histoire sur l'étiquette indiquant que c'est un produit canadien, fait de l'érable à sucre. Les gens là-bas ne connaissent pas nécessairement la provenance du sirop d'érable. Ils ont besoin de quelques explications.

Le président : J'aurais une dernière question avant qu'on ne lève la séance. On sait que le sirop d'érable est un produit tout à fait naturel, pur à 100 p. 100. Aujourd'hui, les gens sont de plus en plus attirés vers les produits biologiques, vers ce qu'on peut appeler les produits purs. Pourquoi est-ce qu'on n'inscrit pas sur l'étiquette « produit biologique pur à 100 p. 100 »? Ça ne coûterait pas plus cher.

M. Levasseur : Cette question relève justement des responsabilités du gouvernement fédéral. On ne peut pas mettre ce qu'on veut sur une étiquette. En ce qui a trait au système qui est en place aujourd'hui pour le produit Canada médium, on peut inscrire « 100 p. 100 pur », mais on ne peut pas mettre « pur et naturel », parce que c'est illégal. Il y a une panoplie de règles sur l'étiquetage. Par contre, en ce qui concerne la certification biologique, on peut inscrire « sirop d'érable Canada no 1, médium, biologique »; c'est une obligation de l'inscrire sur l'étiquette.

Il est obligatoire d'inscrire sur l'étiquette que c'est un produit pur. À partir de décembre 2016, quatre nouvelles catégories seront ajoutées. Le règlement est approuvé, et nous avons déjà amorcé la transition vers ce nouvel étiquetage, mais encore là, nous allons indiquer « catégorie A, goût robuste, foncé ». Cette question est régie par une loi fédérale sur l'étiquetage des produits de l'érable. On ne peut pas inscrire ce qu'on veut. Sur l'étiquette à l'endos du produit, on peut inscrire un peu plus d'histoire, mais c'est contrôlé. Si c'est biologique, on l'inscrit.

Depuis quelque temps, la tendance est aux produits biologiques. Entre nous, le sirop d'érable est toujours biologique, puisqu'il provient d'un arbre, mais il faut tout de même que cela soit certifié par un auditeur biologique pour avoir le droit d'inscrire la mention « biologique » sur la bouteille. C'est la tendance, et la production s'adapte en fonction de la certification biologique également.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Levasseur, monsieur Dufour. Votre témoignage au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts a été très intéressant pour les sénateurs, et je suis convaincu que nous tiendrons compte de vos recommandations dans le rapport final qui doit être présenté et rendu public en septembre. Vos revendications sont celles de beaucoup d'autres dans le domaine agricole, qu'il s'agisse du domaine des pommes de terre, du poulet, des œufs, et cetera. Une chose est ressentie, c'est que l'accès au marché international est indispensable pour les prochaines années, pour tous les genres de production au Canada, en particulier pour des produits aussi raffinés que le sirop d'érable.

N'oublions jamais que c'est un produit de luxe et qu'il faut le vendre comme tel. Le sirop d'érable ne peut pas être vendu comme du sirop de sucre ou de maïs, mais comme un produit de luxe, et c'est ce qui fait la force du marché du sirop d'érable dans les marchés internationaux.

M. Dufour : Je suis disponible. Comme je siège de façon permanente au Conseil de l'industrie de l'érable, si jamais vous avez d'autres questions, n'hésitez pas à communiquer avec moi, et je me ferai un plaisir de vous répondre.

[Traduction]

Le vice-président : À la demande générale, le vice-président est de retour dans le fauteuil du président.

Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je suis le sénateur Terry Mercer, je viens de la Nouvelle-Écosse et je suis le vice-président du comité. Je voudrais commencer par demander à mes collègues de se présenter, en commençant à ma gauche.

La sénatrice Beyak : Sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario. Bienvenue.

La sénatrice Tardif : Claudette Tardif, de l'Alberta.

La sénatrice Unger : Betty Unger, de l'Alberta.

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

Le vice-président : Merci chers collègues.

Aujourd'hui, le comité poursuit son étude des priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux. Le secteur agricole et agroalimentaire canadien représente une part importante de l'économie du Canada. En 2014, il représentait un emploi sur huit au Canada et employait plus de 2,3 millions de personnes. Il équivalait à près de 6,6 p. 100 de produit intérieur brut canadien.

À l'échelle internationale, le secteur agricole et agroalimentaire canadien représentait 3,6 p. 100 des exportations mondiales de produits agroalimentaires.

En 2014, le Canada était le cinquième exportateur mondial de produits agroalimentaires.

Le Canada participe à plusieurs accords de libre-échange. Aujourd'hui, 11 accords de libre-échange sont en vigueur. L'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, le Partenariat transpacifique et l'Accord de libre-échange entre le Canada et l'Ukraine ont déjà été conclus, et huit accords de libre-échange sont en cours de négociation.

Le gouvernement fédéral a également entrepris quatre discussions exploratoires avec la Turquie, la Thaïlande, les Philippines et les pays membres du Mercosur, y compris l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay.

Ce soir, nous accueillons, de la Chambre de commerce du Canada, Ryan Greer, directeur, politique des transports et de l'infrastructure et Adriana Vega, directrice des politiques internationales.

Merci d'avoir accepté notre invitation.

Je vais inviter les témoins à faire leur exposé et ensuite, nous passerons aux questions des sénateurs et aux réponses des témoins qui, espérons-le, seront bonnes et courtes. Nous souhaiterions que votre exposé n'excède pas les 10 minutes. Cela nous permettrait d'avoir davantage d'échanges avec mes collègues ici présents.

Monsieur Greer, je crois que vous allez commencer.

Ryan Greer, directeur, Politique des transports et de l'infrastructure, Chambre de commerce du Canada : Merci au comité d'avoir invité la Chambre de commerce du Canada à participer à votre étude des priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux. Nous félicitons le comité d'avoir entrepris une étude si opportune et nous sommes impressionnés par le nombre de représentants et d'experts de cette industrie que vous avez reçus jusqu'ici.

Je voudrais concentrer mes brèves remarques sur des problèmes de concurrence qui affectent la position du secteur à l'exportation dans le contexte du programme commercial du Canada.

Je commencerais par dire que la Chambre soutient fortement les nouveaux accords de libre-échange du Canada. Nous sommes ravis de voir l'AECG arriver à son terme et nous continuons d'encourager le gouvernement à ratifier le Partenariat transpacifique.

D'ailleurs notre président et PDG est à Paris aujourd'hui pour discuter avec les dirigeants français des bénéfices de l'AECG pour nos deux économies.

Comme vous l'avez suggéré dans vos remarques, monsieur le président, le secteur agricole et agroalimentaire du Canada est l'un de ceux qui dépend le plus des échanges commerciaux dans le monde. Comme beaucoup de vos invités vous l'ont dit, les producteurs agricoles et alimentaires du Canada ne peuvent pas se permettre de rester en marge des nouveaux accords multilatéraux comme le PTP, qu'il s'agisse d'accès aux nouveaux marchés ou du maintien de la part croissante que nous occupons dans nos marchés existants.

Nous croyons que la stratégie de négociation fédérale de l'AECG et du PTP a été appropriée et que le Canada doit avoir accès à ces marchés, mais pas à n'importe quel prix.

L'accès aux marchés n'est qu'une pièce dans le puzzle des exportations. Il y a des séries de problèmes liés à la compétitivité du secteur qui doivent être pris en compte au sein d'une approche pangouvernementale afin de mettre les producteurs canadiens en capacité de s'épanouir sur ces marchés.

La première difficulté a été identifiée par la Chambre de commerce du Canada dans notre publication Les 10 principaux obstacles à la compétitivité pour 2016, à savoir que les nouveaux accords de libre-échange doivent s'accompagner de politiques parallèles en direction de nos agriculteurs et de nos producteurs alimentaires pour les aider à surmonter les obstacles à la vente sur de nouveaux marchés. Je crois que votre témoin précédent vous en a parlé, ainsi que les autres témoins qui se sont exprimés ici.

Nous avons des programmes et des services existants, mais certains doivent être correctement orientés pour que ce secteur puisse tirer profit de ces nouvelles opportunités.

L'AAC fournit un certain nombre de services de qualité pour le développement, mais il est possible de faire mieux.

D'abord — et cela a été évoqué lors de la précédente séance de ce soir — nous devons viser à améliorer et à unifier la marque de l'agriculture canadienne à l'étranger. Comme on l'a dit, un produit alimentaire fabriqué ou cultivé au Canada bénéficie d'une très bonne réputation, mais à ce stade, il n'y a pas vraiment de marque ombrelle dont nos exportateurs alimentaires pourraient bénéficier.

Pour ce qui est de l'emblématique feuille d'érable, il en existe de nombreuses versions que l'on retrouve sur toutes sortes de produits canadiens, mais il n'y a pas toujours d'unité de marque qui serait bénéfique pour certains de nos exportateurs.

Deuxièmement, le gouvernement devrait envisager de fournir un accès par guichet unique à tous ses services de promotion commerciale. Ces organismes de promotion commerciale font un travail remarquable, mais les exportateurs petits et moyens, en particulier, n'ont pas toujours le temps ni la capacité de naviguer au milieu de toutes les complexités qui existent pour accéder à ces services.

Enfin, le gouvernement devrait garantir que le Service des délégués commerciaux dispose des ressources nécessaires pour maintenir la capacité et pour fournir des services rapides, efficaces et homogènes au secteur privé et aux clients gouvernementaux, en particulier à la lumière de ces nouveaux accords de libre-échange.

En plus de ces mesures de renforcement de la diplomatie économique, nous recommandons que le gouvernement mette en priorité les efforts de réduction des obstacles réglementaires et non tarifaires. Il y a deux fronts pour la coopération réglementaire : nos initiatives de réduction des obstacles « au-delà de la frontière » au commerce avec les États-Unis d'une part et avec nos partenaires internationaux d'autre part.

En 2014, le commerce agricole entre le Canada et les États-Unis a représenté 50 milliards de dollars, donc il est évident que nous devons intensifier nos efforts pour aligner nos régimes réglementaires en matière agricole et agroalimentaire. C'est actuellement en cours via le CCR, le Conseil de coopération en matière de réglementation, qui a été lancé en 2011 entre les deux pays.

Un exemple de réussite du CCR est que le Canada et les États-Unis se sont mis d'accord pour harmoniser la terminologie des découpes de viande pour la vente en gros. Auparavant, l'industrie devait tenir des inventaires séparés avec deux séries de noms et de termes différents pour chaque pays. C'est seulement un petit exemple au sein de vastes différences réglementaires, mais il en résulte de réelles économies pour les transformateurs.

Ce genre de réussites permet aussi de bâtir une confiance entre organismes de réglementation et une confiance dans le secteur, ce qui encourage une future coopération pour aligner la réglementation dans d'autres domaines.

Pour avancer dans le cadre du CCR, l'ACIA et le département de l'Agriculture des États-Unis ont un certain nombre de plans de travaux en cours concernant la santé animale, la sécurité alimentaire et l'inspection et la certification de la viande, ce qui est au bénéfice du secteur. Nous encourageons le gouvernement à continuer à faire de ce travail une priorité absolue pour que nous puissions continuer à améliorer la compétitivité sur notre marché le plus important.

Le CCR lui-même en est à une phase relativement précoce, mais les meilleures pratiques qu'en retire le Canada seront cruciales pour avancer au sein des chapitres de coopération réglementaire de l'AECG et du PTP.

Les chapitres réglementaires de ces accords sont des caractéristiques relativement nouvelles dans des accords de commerce international, alors que les obstacles techniques au commerce continuent d'apparaître comme les vrais outils du protectionnisme. Nous ne savons toujours pas à quoi ressemblera en pratique la coopération réglementaire dans le cadre de ces accords, mais si c'est fait correctement, il y aura une immense opportunité pour que les agriculteurs et les producteurs canadiens en bénéficient en collaborant avec nos partenaires commerciaux pour établir des règlements homogènes, basés sur la science et qui ne soient pas centrés sur les marchés intérieurs. Il nous suffit de regarder certaines avancées dans le domaine des biotechnologies et de voir comment les différences de réglementation d'un pays à l'autre peuvent inhiber à la fois nos agriculteurs nationaux et les chaînes d'approvisionnement dans lesquelles ils essaient de s'intégrer.

La coopération réglementaire internationale est, bien sûr, une entreprise bien plus immature encore que notre propre coopération réglementaire avec les États-Unis, mais elle continuera à prendre de l'importance dans cette ère de chaînes d'approvisionnement mondiales. Nous encourageons le gouvernement à utiliser les leçons du CCR et à activement poursuivre la coopération via ces accords afin que notre secteur puisse efficacement s'intégrer dans ces chaînes d'approvisionnement.

Les deux derniers sujets dont je parlerai concernent les problèmes intérieurs qui affectent la compétitivité internationale du secteur.

La première chose est que nous ne devrions pas perdre de vue à quel point un marché intérieur plus intégré peut aider le secteur à dynamiser ses exportations. La mosaïque des lois fédérales et provinciales sur l'agriculture peut désavantager les agriculteurs selon où ils se trouvent dans le pays et cela a clairement un effet négatif sur leurs exportations.

Le comité a déjà étudié un exemple de ce problème, celui des restrictions sur certains traitements des semences qui ont été introduites en Ontario en réponse à des inquiétudes sur leur effet sur la santé des abeilles. La réactivité et la coordination de nos régimes réglementaires fédéraux et provinciaux devraient être mieux alignées afin que les semenciers — ou n'importe quel producteur — dans toutes les provinces, jouent à jeu égal avec leurs homologues dans tout le pays, grâce à des règlements homogènes et basés sur la science.

C'est particulièrement important lorsqu'il s'agit d'innovation en agriculture, un ingrédient clé de l'avenir du Canada en tant qu'exportateur international. La capacité de notre secteur à innover dans des domaines tels que les biotechnologies est d'ores et déjà contrainte par les régimes réglementaires discordants à l'échelle internationale. Nous ne devrions pas alourdir les difficultés par des différences de réglementation à l'intérieur de nos propres frontières.

Le second problème intérieur que je soulèverai est celui de l'infrastructure commerciale du Canada. Les nouveaux marchés que constituent les classes moyennes émergentes dans le monde ainsi que ces nouveaux accords commerciaux à venir constituent une opportunité gigantesque pour nos secteurs agricoles et agroalimentaires, mais seulement si nous pouvons placer nos produits sur le marché d'une façon fiable et rentable.

Ces dernières années, la qualité des routes, des voies ferrées, des voies navigables et des autres modes de transport au Canada, dont nous avons besoin pour transporter nos produits vers les marchés, est en baisse dans les classements comparatifs internationaux. Une combinaison de sous-investissements à l'échelle nationale, tandis que nos concurrents font des investissements majeurs, s'apprête à nuire à nos possibilités d'exportation si nous ne renversons pas la tendance.

Comme l'a souligné la récente publication du Rapport de l'Examen de la Loi sur les transports au Canada, la compétitivité à l'international de notre secteur agricole est directement liée à ces infrastructures et nous recommandons vivement que ces infrastructures commerciales soient une priorité dans le futur plan fédéral des infrastructures.

En conclusion, la Chambre de commerce du Canada soutient fermement nos nouveaux accords commerciaux, mais il existe un certain nombre de problèmes de compétitivité qui devraient être l'objet d'une attention particulière en marge de la ratification de ces accords afin que nos agriculteurs et nos producteurs agroalimentaires soient dans une position renforcée pour capitaliser sur ces nouvelles opportunités.

Le vice-président : Merci beaucoup, monsieur Greer.

Il est intéressant que vous ayez mentionné la santé des abeilles dans vos deux dernières remarques. Ce comité a passé beaucoup de temps à étudier l'importance de la santé des abeilles pour la durabilité et la production alimentaire au Canada, nous en comprenons donc l'importance. Certains des enjeux mis en avant par l'Ontario sont peut-être le résultat de notre étude.

La santé des abeilles n'était pas une chose à laquelle les Canadiens étaient sensibilisés jusqu'à ce que des gens comme nous et le gouvernement de l'Ontario attirent leur attention sur le sujet. C'est très important pour la production alimentaire intérieure et pour nos produits à l'international. Merci de l'avoir évoqué.

Je trouve cela intéressant que vous soyez le directeur de la Politique des transports et de l'infrastructure de la Chambre de commerce. J'attendais que vous en parliez. Je suis le vice-président de ce comité mais, lorsque je mets mon autre casquette, je suis aussi le plus ancien membre du Comité sénatorial permanent des transports et des communications.

Notre capacité à produire est une chose, mais notre capacité à mettre nos produits sur le marché en est une autre. Une question que je pose, dès que j'en ai l'occasion, aux personnes qui connaissent notre infrastructure, est celle de notre capacité à acheminer les produits, de la sortie de la ferme à la porte d'entrée du client.

Nous avons reçu de nombreux représentants, en particulier des agriculteurs de la Saskatchewan qui essaient de placer leurs produits sur le marché. Il y a pourtant des centaines de conteneurs vides qui retournent à Vancouver par voie ferrée, non loin de leurs propriétés.

La Chambre de commerce a-t-elle réfléchi ou mené des études sur une gestion correcte des wagons dans le pays? Nous faisons passer des wagons vides sous le nez d'agriculteurs qui veulent transporter leurs produits. Cela n'a aucun sens.

M. Greer : Merci pour votre question. Nous n'avons pas fait de travaux spécifiques sur les conteneurs et leur gestion au sein du système ferroviaire. Nous avons étudié les chaînes d'approvisionnement. Nous avons étudié un certain nombre de problèmes liés à notre infrastructure d'exportation et à la manière dont nous nous intégrons aux chaînes d'approvisionnement internationales et la manière dont nous transportons toutes sortes de produits, y compris ceux provenant des fermes de la Saskatchewan, vers nos ports et nos marchés internationaux.

Le problème que vous décrivez fait partie d'un problème plus vaste qui est que nos chaînes d'approvisionnement fonctionnent relativement efficacement avec la demande actuelle, mais qu'elles ne sont pas toujours aussi fluides et intégrées qu'elles devraient l'être. Il est clair que nos chaînes d'approvisionnement ne sont pas forcément préparées à la demande à venir. Nous n'avons pas étudié cette question précise, mais je crois qu'elle est symptomatique d'un problème plus vaste qui touche une partie de nos chaînes d'approvisionnement et que nous devons l'examiner.

Le vice-président : Loin de moi l'idée de dire à la Chambre de commerce ce qu'elle doit faire, mais, si vous cherchez un sujet d'étude qui aurait un impact significatif sur le commerce international, en particulier dans le secteur agricole, en voilà un.

Voilà ma recommandation et j'y ajouterais l'infrastructure du système portuaire au Canada, les grands ports de Vancouver, de Prince Rupert, de Montréal et de Halifax et leur accessibilité.

Si vous menez cette étude, n'oubliez pas d'analyser la situation du travail dans ces ports. Mes collègues seraient déçus si je ne vous disais pas qu'il n'y a pas eu de conflit de travail dans le port de Halifax depuis 1976, voilà une des raisons pour lesquelles les gens devraient davantage penser à Halifax.

La sénatrice Tardif : Dans votre exposé, vous avez indiqué qu'il importe d'améliorer la marque de l'agriculture canadienne, que nous n'avons pas de marque ombrelle et qu'il nous faut avoir une unité de marque.

Je suis donc surprise que vous considériez la marque Canada comme une entrave à la compétitivité. Il me semble que vous avez classé la marque Canada comme étant l'un des 10 principaux obstacles à la compétitivité dans votre rapport d'avril 2016, sauf si j'ai mal compris.

M. Greer : Non. En effet dans notre rapport 2016 intitulé Les 10 principaux obstacles à la compétitivité, nous avons indiqué que la marque globale du Canada à l'étranger en matière d'affaires et de tourisme pouvait être renforcée.

Le Canada et les produits canadiens sont très bien reçus à l'étranger et le fait est que nous n'en tirons pas assez profit. La manière dont nous commercialisons à la fois les occasions d'affaires et je dirais les biens et les services agricoles qui existent dans ce pays pourrait être mieux harmonisée.

Il ne s'agit pas de dire que le Canada est une faiblesse, mais plutôt que la manière dont nous utilisons cette marque à notre avantage pourrait être renforcée.

La sénatrice Tardif : Merci pour cette clarification. J'étais surprise parce que certains groupes de parties intéressées disaient que le fait de vendre leurs produits sous la marque Canada leur avait été bénéfique.

M. Greer : Je crois que c'est le sujet. Certaines organisations, certains groupes, certains produits et services ont beaucoup de succès avec cette marque. D'autres, qui utilisent des stratégies de marque similaires ou différentes n'ont pas ce succès.

La possibilité d'une marque unie qui resterait, bien entendu, volontaire, mais qui serait une sorte de marque ombrelle sous laquelle différents produits pourraient s'inscrire à leur convenance, pourrait conduire à une meilleure prise de conscience générale de la marque et à une meilleure homogénéité. Peut-être qu'il faut une marque unifiée qui aiderait les secteurs plus petits ou ceux qui n'ont pas remporté autant de succès à s'y rallier.

Il y a l'exemple actuel du bœuf australien. Il remporte un extraordinaire succès sous la marque True Aussie, en Chine et sur d'autres marchés. Le succès est tel que, désormais, d'autres producteurs agricoles essaient de s'y intégrer ou de voir comment ils pourraient bénéficier de la réussite de cette marque. Il s'agit surtout de trouver ce qui fonctionne et de voir de quelle manière cela peut s'appliquer dans tout le secteur.

La sénatrice Tardif : Vous avez aussi parlé des barrières non tarifaires. On nous a dit que les barrières non tarifaires sont souvent gérées produit par produit.

Selon vous, pourriez-vous utiliser un accord global qui prendrait en compte tous les produits à la fois, ou faut-il nécessairement négocier produit par produit?

M. Greer : Cela dépend du secteur. Pour les industries qui existent depuis longtemps, avec des produits et des services pour lesquels la réglementation n'a pas beaucoup changé, il est plus difficile de revenir en arrière pour aligner de façon rétroactive la réglementation qui est en place depuis longtemps. Pour les nouveaux produits, il est beaucoup plus facile pour les organismes de réglementation de coopérer à l'élaboration de règlements en commun.

Dans le cadre du Conseil de coopération en matière de réglementation entre le Canada et les États-Unis, au début cela s'est beaucoup fait produit par produit et les parties intéressées ont aidé à recenser 29 secteurs spécifiques pour lesquels les organismes de réglementation pourraient aider à l'harmonisation, il y avait notamment beaucoup de barrières agricoles. Il y a eu beaucoup de réussites, j'en ai cité une lors de mes remarques préliminaires, mais il y a aussi eu des secteurs difficiles à pénétrer, dans lesquels il était trop difficile de changer la réglementation, de mener une harmonisation ou dans lesquels les progrès étaient simplement trop lents. Cela prenait trois ou quatre ans pour faire une petite modification.

Le CCR s'est désormais réorienté davantage vers une optique d'organisme de réglementation à organisme de réglementation. Donc, au lieu de se placer en situation dominante et de dire : « Il y a 30 secteurs sur lesquels vous devez travailler », le conseil s'attache à renforcer les relations entre les organismes de réglementation des deux côtés de la frontière pour que les responsables de la rédaction de la réglementation, qui consultent et qui sont en grande partie les détenteurs de cette réglementation, se réunissent avec leurs homologues des autres pays pour trouver plus facilement des secteurs dans lesquels l'harmonisation est possible.

Il y a l'opportunité d'une meilleure harmonisation lorsque cela repose davantage sur une relation d'organisme de réglementation à organisme de réglementation. Avec ces nouveaux accords qui comportent ces nouveaux chapitres réglementaires, cela va surtout reposer sur la relation entre les organismes de réglementation. Ce n'est pas souvent qu'une organisation d'affaires vient devant un comité et suggère que de débloquer des fonds pour que des fonctionnaires se rendent à des réunions internationales avec leurs homologues pourrait être le meilleur moyen de dépenser de l'argent, mais en réalité, s'assoir à une table et apprendre à connaître ses homologues un par un est la seule manière de réussir ceci. L'approche descendante, produit par produit, ne suffit simplement pas.

[Français]

Le sénateur Dagenais : La faiblesse du dollar canadien va sûrement favoriser l'établissement d'échanges commerciaux avec certains pays au cours des prochaines années. On parle aussi du PTP et de l'accord avec Union européenne. Jusqu'à quel point les producteurs d'ici doivent-ils se méfier d'une telle situation? S'ils investissent pour développer, avec des projections de ventes basées sur le dollar d'aujourd'hui, ils pourraient être déçus dans 5 ou 10 ans. Pourriez-vous nous en dire davantage sur cette situation, entre autres?

[Traduction]

M. Greer : C'est clairement une chose dont les producteurs doivent être conscients lorsqu'ils cherchent à vendre sur de nouveaux marchés et il faut que leurs processus de gestion des risques et leurs processus financiers prennent en compte différents scénarii dans lesquels le dollar canadien ne serait pas à son niveau actuel.

En même temps, le dollar canadien faible offre et c'est clairement le cas pour notre secteur agroalimentaire, d'extraordinaires possibilités d'investissement dans les nouvelles technologies et dans de nouveaux équipements. Lorsque le dollar sera peut-être plus élevé qu'aujourd'hui, le secteur aura déjà investi dans ces équipements et cela leur donnera une longueur d'avance dans ces marchés.

Utiliser le contexte du dollar faible pour, faute d'une meilleure expression, battre le fer tant qu'il est chaud, n'est pas une mauvaise chose. Je crois que vous avez raison de dire que le contexte d'opération — prenez l'industrie pétrolière — ne sera pas le même, ou on ne pourra jamais garantir qu'il sera le même dans 5 ou 10 ans. Il est important que le secteur se prépare à toutes les circonstances.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J'aimerais entendre vos propos sur le sujet des barrières entre les provinces. Parlez-nous de quelques inconvénients liés à ces barrières, pour nous permettre de mieux comprendre la question et de formuler des recommandations dans notre rapport.

[Traduction]

M. Greer : Cela fait un moment que la chambre milite fortement en faveur de la suppression des barrières commerciales interprovinciales. Cela fait partie de la liste des 10 principaux obstacles à la compétitivité chaque année depuis que nous l'avons commencée.

Il y a un chapitre sur l'agriculture dans l'ACI. Il a été modifié petit à petit, mais il y a encore d'importantes lacunes concernant la politique réglementaire. Dans plusieurs secteurs nous entravons la capacité de nos producteurs à vendre dans leur propre pays avant même qu'ils puissent envisager d'exporter. Si un producteur ou un fabricant trouve qu'il est plus facile de vendre en Europe que d'essayer de vendre en Colombie-Britannique, il le fera. Cela aurait peut-être été plus facile d'essayer de se construire une assise en Colombie-Britannique.

Le gouvernement fédéral a dit qu'il travaille avec les provinces à un nouvel accord sur le commerce extérieur. Pour les besoins de ce comité, j'envisagerais de recommander l'adoption d'une approche basée sur une liste négative très large pour le commerce intérieur. Actuellement l'Accord sur le commerce intérieur repose sur une approche de type liste positive. C'est à l'inverse de tous nos accords commerciaux, de la manière dont ils sont négociés, y compris l'AECG et le PTP. Le simple fait de passer à une liste négative qui indique de façon transparente ce qui est exclu et qui, par défaut, inclut tout le reste — y compris l'agriculture — est le plus simple et le plus évident.

La sénatrice Unger : Merci pour votre exposé.

Selon certains témoins, le système canadien de manutention et de transport devrait être plus souple et plus efficace pour améliorer le transport des produits agricoles et agroalimentaires vers les ports étrangers.

Selon vous, quels sont les facteurs qui expliquent l'état actuel du système canadien de manutention et de transport?

M. Greer : Merci beaucoup pour votre question.

Dans l'ensemble, le Canada dispose d'un assez bon système de transport, mais c'est tout relatif. Comme je l'ai suggéré dans mes remarques, dans les classements internationaux de ceux qui utilisent ces systèmes — les expéditeurs, les fournisseurs et les producteurs — le Canada a été en déclin régulier ces sept ou huit dernières années dans les classements internationaux des infrastructures commerciales et des infrastructures générales. C'est en partie dû à un sous-investissement à l'échelle nationale, mais aussi au fait que nos concurrents, qui voient l'importance de cette infrastructure pour acheminer les produits plus rapidement et pour moins cher, ont fait des investissements significatifs de leur côté.

Du point de vue canadien, les acheteurs de nos produits vont comparer pour voir à quelle vitesse nos concurrents peuvent arriver chez eux et à quelle vitesse et à quel prix nos concurrents peuvent transporter leurs produits sur le marché et ils utiliseront ces comparaisons pour motiver leur achat. Si l'on prend les prévisions de demande future au Canada, certaines études suggèrent qu'en 2025 la demande qui pèsera sur notre système de transport va quadrupler pour certaines marchandises en vrac. Lorsque l'on regarde la tension que le système subit déjà il y a un besoin évident d'investissements substantiels, pas seulement dans les infrastructures en général, mais il faut une stratégie visant à identifier les goulets d'étranglement et à investir en conséquence.

Le gouvernement avait auparavant un certain nombre de programmes pour faire cela, y compris l'Initiative de la Porte et du Corridor de l'Asie-Pacifique. Il ne s'agissait pas simplement de construire davantage. Il s'agissait pour le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux de travailler ensemble et avec les parties intéressées du secteur privé pour identifier collectivement les goulets d'étranglement et d'investir dans un corridor particulier pour améliorer la fluidité.

Plus de programmes et d'approches de ce type entraînent davantage de dépenses, mais la coordination de ces dépenses aidera à débloquer certains goulets d'étranglement et à améliorer la compétitivité de tout le secteur ce qui sera très important pour ces nouveaux accords compétitifs.

La sénatrice Unger : Est-ce que ce sont vos recommandations sur la manière d'améliorer les choses?

M. Greer : Le gouvernement a annoncé un programme substantiel de nouvelles infrastructures. Cela inclut des engagements significatifs pour des infrastructures vertes, sociales et de transit qui sont absolument nécessaires. Nous recommanderions que les infrastructures commerciales ne soient pas oubliées et que les infrastructures d'exportation, qui sont celles qui contribuent le plus au bien-être des Canadiens en augmentant notre richesse collective, soient incluses dans ce plan.

Le vice-président : Dans une lettre adressée au ministre MacAulay, datée du 10 décembre 2015, la Chambre de commerce du Canada a souligné que l'augmentation de la technologie et de la productivité dans la production alimentaire canadienne était l'une de ses quatre résolutions pour son mandat trisannuel de politique nationale. Au cours de son étude, le comité a entendu parler du problème des pénuries de main-d'œuvre qui nuisent aux affaires et aux perspectives de croissance de l'agriculture et de l'agroalimentaire.

Si le secteur canadien de la transformation des aliments devait se développer, comment seraient surmontées selon vous les pénuries de main-d'œuvre?

M. Greer : C'est une très bonne question, qui concerne un certain nombre de secteurs, mais c'est vrai que le secteur de la transformation des aliments, qui est le plus grand secteur manufacturier au Canada, est touché.

Je crois qu'une grande partie de ce que peut faire le gouvernement concerne son programme d'innovation, dont il a affirmé qu'il constituerait une part majeure de son mandat de cinq ans. Nous dirions qu'au sein de ce programme la part des talents dans l'innovation ne doit pas être négligée.

L'innovation n'est pas juste une chose qui résulte de programmes gouvernementaux ou du travail des chercheurs, l'innovation existe aussi grâce aux gens qui travaillent dans ces entreprises et qui font ce travail. Le gouvernement doit regarder attentivement la manière dont les talents peuvent s'inscrire dans ce programme en ce qui concerne l'innovation.

En agroalimentaire, on se dirige vers beaucoup de technologies avancées, de robotique et de travail très qualifié. Il ne s'agit pas seulement de former les travailleurs actuels pour les y préparer, mais aussi de collaborer avec nos universités et nos écoles pour former des travailleurs. Je crois que c'est un problème multidimensionnel qui va nécessiter un effort pangouvernemental dans un certain nombre d'initiatives pour garantir que nous aurons le personnel dont nous aurons besoin pour accomplir ce travail dans les années à venir.

Le vice-président : La chambre a essayé d'interagir avec des collèges communautaires dans tout le pays pour promouvoir ce type de réaction. Lorsque le gouvernement fédéral a annoncé le gros contrat de construction navale pour les chantiers de Halifax, moi-même et d'autres en Nouvelle-Écosse avons fait l'expérience suivante : ce jour-là, le collège communautaire a initié un changement dans son programme pour proposer davantage de formations en soudure, une compétence très recherchée dans les chantiers navals. Parce que le marché n'en avait pas besoin jusqu'alors, le collège avait maintenu son programme de soudure, mais ne l'avait pas développé.

La chambre a-t-elle pris l'initiative d'interagir avec les collèges communautaires pour les aider à réagir aux demandes quotidiennes dans tout le pays? Nous entendons continuellement parler de pénuries de main-d'œuvre et de l'obligation d'importer de la main-d'œuvre qualifiée et non qualifiée de l'étranger alors que nous avons des gens au Canada qui sont en formation professionnelle.

M. Greer : Oui, merci pour votre question. Nous avons travaillé dans cette direction. Vous avez parfaitement raison, les programmes fédéraux à eux seuls ne nous aideront pas à combler ces déficits de main-d'œuvre. Les employeurs doivent travailler avec les collèges communautaires et autres pour aider à définir leurs besoins futurs et s'assurer que ces collèges communautaires produisent les étudiants qui pourront faire ces métiers.

L'initiative de l'industrie navale a été un bon exemple en la matière. La garantie d'une demande pour ce type de travailleur fait qu'un programme comme cela était assez facile à faire. Un programme de construction navale de cette durée garantit un certain nombre d'emplois et fait que ce n'était pas très compliqué à imaginer, mais nous le disons depuis longtemps. Certains de mes collègues du secteur des politiques ont fait du très bon travail sur la façon dont le monde des affaires doit travailler avec les collèges communautaires et autres pour aider à préparer des travailleurs pour ces secteurs.

La sénatrice Beyak : Vous venez de répondre à la question que j'allais poser, mais je voudrais vous féliciter à propos de la marque Canada et appuyer ce qu'a dit la sénatrice Tardif au sujet de l'uniformité. Tellement de témoins nous ont expliqué qu'elle est parfois cachée à l'arrière de l'emballage, parfois sous forme écrite. Il pourrait y avoir une marque canadienne reconnaissable et même, on pourrait avoir des fromages canadiens, des œufs canadiens, du bœuf canadien qui soient, pour reprendre vos mots, je ne sais plus si c'était « mondialement réputés » ou « internationalement connus ». Je crois que vous avez mis le doigt sur quelque chose et beaucoup de nos témoins nous en ont parlé, le Canada est réputé à l'étranger. Les gens veulent nos produits à cause de l'environnement immaculé dans lequel ils sont cultivés. Vous utilisez un superbe outil, alors merci.

Le vice-président : Vous avez parlé tout à l'heure du fait d'envoyer des fonctionnaires dans les réunions internationales, avec quelque ironie, mais c'est un très bon investissement de mettre des fonctionnaires canadiens face à d'autres groupes, dans le monde entier, pour représenter le Canada. On ne peut pas tous y être. Vous ne pouvez pas y être tout le temps et le service public emploie certains des meilleurs et des plus brillants et nous devons les mettre à profit.

La sénatrice Unger : Monsieur Greer, vous avez prononcé le mot « robotique » et je me demande si la Chambre de commerce a examiné les centaines de milliers — c'est peut-être surestimé — d'emplois qui sont perdus à cause de la robotique et de l'automatisation. Cela se produit tous les jours, prenez Safeway, Walmart et tous les magasins dans lesquels vous passez à la caisse tout seul. Avez-vous travaillé là-dessus?

M. Greer : Mon collègue Scott Smith, qui s'occupe de l'innovation à la Chambre de commerce du Canada, a travaillé sur ces questions. Il est clair que des changements majeurs sont à l'œuvre dans l'économie.

Le passage à la fabrication de pointe crée un ensemble de nouveaux métiers de haute qualité qui nécessitent de hauts niveaux de formation et des compétences spécialisées, mais il y a des changements qui se produisent dans l'économie lorsqu'il s'agit des types d'emplois et des modes de fabrication dans tous les domaines, y compris l'agroalimentaire.

Il existe un énorme potentiel pour que les producteurs agroalimentaires canadiens soient au premier rang de la fabrication de pointe et qu'ils fassent ce travail à valeur élevée au Canada, surtout si une partie n'est pas faite dans d'autres pays. Tandis que beaucoup d'emplois sont en train d'être remplacés, il existe aussi une immense opportunité de se placer au premier rang de ce changement industriel si les producteurs canadiens en tirent parti.

Sur le plan de l'agroalimentaire, beaucoup sont dans ce cas. Il y a une refonte majeure des installations agroalimentaires dans tout le pays pour les rendre plus productives et pour qu'elles produisent une plus grande diversité de produits de grande qualité. C'est un grand changement, c'est aussi une grande opportunité.

La sénatrice Unger : Cela aura pour conséquence la perte de nombreux emplois.

Le vice-président : Monsieur Greer et madame Vega, merci pour vos exposés et pour votre présence.

De mon point de vue en tout cas, cette conversation a montré que nous devons dialoguer davantage avec la chambre et vice versa. Vous nous avez aidés, et j'espère que vous continuerez à le faire.

Merci beaucoup pour votre présence ce soir.

(La séance est levée.)

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