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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 13 - Témoignages du 9 juin 2016


OTTAWA, le jeudi 9 juin 2016

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 2, afin de poursuivre son étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

Bonjour à tous. Ce matin, le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts poursuit son étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux. Je m'appelle Ghislain Maltais, et je suis le président du comité. Avant de commencer, j'inviterais mes collègues à se présenter.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Beyak : Sénatrice Lynn Beyak, du nord-ouest de l'Ontario.

[Français]

La sénatrice Tardif : Bonjour, je m'appelle Claudette Tardif, sénatrice de l'Alberta.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Je m'appelle Don Plett. Je suis du Manitoba.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Bonjour, je m'appelle Jean-Guy Dagenais, sénateur du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le président : Je vous remercie, chers collègues. Nous accueillons, pour la première partie de notre réunion, Mme Kirsten Hillman, sous-ministre adjointe, Accords commerciaux et négociations, Affaires mondiales Canada; M. Frédéric Seppey, négociateur en chef pour l'agriculture, Direction des accords commerciaux et des négociations du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire; et M. Jason Flint, directeur, Division des politiques et des affaires réglementaires de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire.

[Traduction]

Kirsten Hillman, sous-ministre adjointe, Accords commerciaux et négociations, Affaires mondiales Canada : Merci, et bonjour tout le monde. Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui en compagnie de mes collègues.

Avant que mes collègues ne vous parlent des priorités du secteur canadien de l'agroalimentaire en matière d'accès au marché, je ferai le survol de l'état des initiatives commerciales en cours pour le Canada. J'insisterai particulièrement sur les efforts que nous déployons pour faire progresser les priorités énoncées dans la lettre de mandat de la ministre Freeland, à savoir la mise en oeuvre de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, l'AECG; la mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et l'Ukraine; l'élargissement des accords de libre-échange que le Canada a conclus avec Israël et le Chili; et l'organisation des consultations sur la participation du Canada au Partenariat transpacifique, ou PTP.

Nous nous affairons également à élargir le commerce avec les grands marchés à croissance rapide, comme la Chine et l'Inde, ainsi qu'à renforcer nos liens commerciaux avec nos partenaires et à promouvoir multilatéralement les intérêts du Canada à l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC. Je vais en faire un survol rapide également.

[Français]

Dans le cadre de ses initiatives en matière de politique commerciale, le Canada cherche à ouvrir de nouveaux marchés pour les biens et services canadiens. En outre, il souhaite établir des conditions stables et transparentes afin de favoriser la concurrence des entreprises canadiennes à l'échelle internationale. Pour ce faire, nous avons recours à une diversité de dispositifs en matière de politique commerciale, notamment des négociations multilatérales à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ainsi que des accords bilatéraux et régionaux de libre-échange.

Le gouvernement a comme priorité, entre autres, de mettre en œuvre l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne (AECG). Avec une économie de 20 mille milliards de dollars qui compte plus de 500 millions de consommateurs, l'Union européenne représente le plus grand marché intégré du monde.

Le 29 février dernier, le Canada et l'Union européenne ont annoncé l'achèvement de l'examen juridique de l'AECG. Le texte est en cours de traduction en français ainsi que dans d'autres langues de l'Union européenne. Le tout devrait être terminé au cours des prochaines semaines, ce qui nous permettra d'aller de l'avant dans nos processus nationaux de ratification. Le Canada et l'Union européenne sont déterminés à faire en sorte que l'AECG soit signé en 2016 et qu'il entre en vigueur au début de l'année prochaine.

Nous déployons aussi des efforts pour que l'Accord de libre-échange Canada-Ukraine entre en vigueur de façon prioritaire. La fin de ces négociations, qui ont eu lieu en juillet 2015, marque un jalon important des relations bilatérales entre le Canada et l'Ukraine. Cela solidifie un engagement plus large entre nos deux pays. Le Canada et l'Ukraine mettent la dernière main à l'examen juridique du texte, qui sera ensuite traduit en français et en ukrainien. Une fois cette étape terminée, nous entamerons un processus intérieur pour faire ratifier l'accord.

[Traduction]

Le Canada et le Chili ont conclu l'an dernier la modernisation de l'accord bilatéral de libre-échange qu'ils avaient signé en 1997. Depuis, nous avons élargi et modernisé cet accord à quelques reprises. Plus récemment, le Canada et le Chili ont mis la dernière main aux négociations visant deux chapitres, à savoir celui sur les obstacles techniques au commerce, et celui sur les mesures sanitaires et phytosanitaires. Ces deux chapitres sont particulièrement importants en ce qui a trait au commerce agricole. Nous avons par ailleurs apporté des modifications au chapitre sur les marchés publics. Nous collaborons avec le Chili en vue de la mise en œuvre de l'accord modernisé, conformément à la priorité énoncée dans la lettre de mandat de la ministre Freeland.

Parlons maintenant de l'Accord de libre-échange Canada-Israël.

Lorsque cet accord entrera en vigueur, près de la totalité des exportations canadiennes agricoles et agroalimentaires et des exportations canadiennes de poissons et de fruits de mer vers Israël seront exemptes de droits de douane ou bénéficieront de l'accès préférentiel au marché.

La signature et la mise en œuvre de cet accord modernisé en temps opportun figurent également au nombre des priorités énoncées. Les parties sont à achever l'examen juridique du texte et sa traduction finale, puis il s'agira ensuite de procéder aux processus nationaux de ratification.

Et maintenant, parlons du Partenariat transpacifique, le PTP. Les négociations entourant le PTP se sont conclues le 5 octobre 2015, et l'accord a été signé le 4 février de cette année à Auckland, en Nouvelle-Zélande. Selon les modalités de l'accord du PTP, l'accord entrera en vigueur deux ans suivant la signature, si toutes les parties ont achevé leur processus national de ratification.

Au Canada, le gouvernement a entrepris un vaste processus afin de consulter les Canadiens sur le bien-fondé du PTP avant d'envisager sa ratification. Depuis le mois de novembre, le gouvernement a interagi plus de 250 fois avec plus de 400 intervenants différents, et a reçu plus de 20 000 lettres et courriels dans le cadre du processus de consultation. Comme vous le savez sans doute, le Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes tient lui aussi des consultations sur le PTP aux quatre coins du pays.

Ainsi qu'il est précisé dans la lettre de mandat de la ministre Freeland, en plus de ces instruments commerciaux qui en sont à différentes étapes du processus de mise en œuvre, le gouvernement examine les possibilités d'accroître les échanges commerciaux avec les grands marchés à croissance rapide, comme la Chine et l'Inde.

En Chine, le Canada adopte une approche rigoureuse et progressive dans le but de renforcer ses relations avec ce pays.

Pour ce qui est de l'Inde, les discussions au sujet d'un accord commercial ont été amorcées en novembre 2010 et neuf rondes de négociations se sont déroulées jusqu'à maintenant. Nous négocions en outre un accord bilatéral d'investissement depuis 2004. Des efforts supplémentaires doivent être déployés au sujet de ces deux initiatives. Par ailleurs, en ce qui a trait aux accords négociés officiels, nous examinons toutes les possibilités afin de solidifier nos relations avec cet important marché.

Enfin, j'aimerais faire le point sur les activités du Canada au sein de l'Organisation mondiale du commerce, ou OMC. L'OMC est la pierre angulaire de la politique commerciale du Canada et offre une tribune pour faire valoir les intérêts commerciaux auprès du plus grand nombre de pays possible. Certains enjeux commerciaux, comme le soutien interne et la concurrence à l'exportation — des enjeux clés pour le commerce agricole —, ne peuvent être traités que de façon multilatérale.

L'OMC est également essentielle pour l'exercice de nos droits, comme nous avons pu le constater avec notre victoire dans le cadre du litige de longue date sur l'étiquetage indiquant le pays d'origine pour les produits de boeuf et de porc.

En décembre 2015, lors de la 10e Conférence ministérielle de l'OMC, la totalité des 162 membres de l'OMC s'est entendue au sujet d'un ensemble de textes modestes mais importants. En ce qui a trait à l'agriculture, l'OMC a donné son accord à l'élimination des subventions à l'exportation, à des règles plus rigoureuses relatives à l'aide alimentaire et à des règles plus strictes quant à l'utilisation des crédits et des garanties à l'exportation, créant ainsi des conditions plus équitables pour les exportations agricoles canadiennes dans les marchés étrangers.

Le Canada, ainsi que la Norvège et la Suisse, ont aussi négocié une marge de manœuvre afin d'éliminer les subventions à l'exportation d'ici la fin 2020, plutôt qu'immédiatement, comme c'est le cas pour d'autres pays.

[Français]

De plus, lors de la 10e Conférence ministérielle de l'OMC, les membres de l'OMC ont mis la dernière main aux négociations concernant l'élargissement de l'Accord multilatéral sur les technologies de l'information.

Finalement, deux autres initiatives sont à souligner. Le Canada est également en voie de conclure les négociations relatives à un accord sur les biens environnementaux et à l'Accord sur le commerce des services. Cela vous donne un aperçu de toutes les grandes initiatives auxquelles nous travaillons en ce moment.

J'aimerais maintenant céder la parole à mon collègue, M. Seppey. Une fois les présentations terminées, je serai heureuse de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, madame Hillman. Juste avant de céder la parole à M. Seppey, permettez-moi de vous présenter trois membres du comité qui viennent de se joindre à nous: la sénatrice Pana Merchant, de la Saskatchewan, le sénateur Victor Oh, de l'Ontario, et le sénateur André Pratte, du Québec.

Frédéric Seppey, négociateur en chef pour l'agriculture, Direction des accords commerciaux et des négociations, Agriculture et agroalimentaire Canada : Honorables sénateurs et sénatrices, c'est un plaisir pour moi de vous adresser la parole ce matin dans le contexte de l'étude que vous menez sur les priorités relatives à l'accès aux marchés internationaux pour le secteur canadien de l'agriculture et de l'agroalimentaire. C'est la deuxième fois que je témoigne devant votre comité; la première fois, c'était lors du lancement de votre étude en novembre 2014.

Je vais me concentrer davantage sur les enjeux agricoles afin d'offrir un complément d'information à la présentation générale de Mme Hillman.

Sur le plan du commerce, le Canada se positionnait au cinquième rang mondial, à la fois comme exportateur et comme importateur de produits agricoles et agroalimentaires en 2015. La valeur totale des exportations canadiennes de produits agricoles et agroalimentaires a atteint plus de 56,5 milliards de dollars en 2015; il s'agit d'une hausse de 8 p. 100 par rapport à 2014. Plus de la moitié de la production agricole canadienne est exportée, ce qui démontre clairement que les marchés internationaux jouent un rôle crucial quant au succès et à la croissance du secteur.

Comme fournisseur de premier plan de produits agricoles, le Canada cherche à créer un environnement de commerce international équitable et plus ouvert pour les producteurs, les transformateurs et les exportateurs canadiens, tout en cherchant à promouvoir et à protéger les intérêts du secteur agricole et agroalimentaire canadien.

Nos efforts sont consacrés particulièrement au maintien et à l'amélioration de l'accès aux marchés établis et aux nouveaux marchés, y compris les grands marchés à croissance rapide comme l'Inde et la Chine. Deuxièmement, comme l'a mentionné Mme Hillman, nous nous efforçons de travailler de manière multilatérale pour convenir d'une réduction du soutien interne à l'agriculture qui produit des effets de distorsion sur les échanges internationaux et pour éliminer toute forme de subvention aux exportations. Troisièmement, nous prônons, de façon bilatérale et multilatérale, l'adoption d'approches basées sur les faits et la science en matière de commerce, de réglementation et de normes internationales.

Dans le cadre de nos efforts internationaux, nous visons des résultats qui seront avantageux pour l'ensemble du secteur agricole et agroalimentaire au Canada. Ainsi, nous cherchons à améliorer stratégiquement la compétitivité et les débouchés pour les industries à vocation exportatrice, tout en appuyant la gestion de l'offre au Canada.

[Traduction]

Afin d'atteindre ses objectifs stratégiques, le Canada utilise un vaste éventail d'outils de politique commercial: l'élaboration de règles du commerce international; la promotion du commerce et le développement du marché, auxquels se greffe l'état de préparation de l'industrie pour saisir les occasions créées par les accords de libre-échange; la représentation; les discussions techniques bilatérales, qui mettent à contribution nos collègues de l'Agence canadienne d'inspection des aliments et de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire. Puis, s'il n'y a pas d'autre avenue, nous pouvons recourir aux processus internationaux de règlement des litiges.

Premièrement, des règles pour un commerce ouvert et équitable, élaborées soit à l'Organisation mondiale du commerce, dans le cadre d'accords bilatéraux et d'accords de libre-échange, ou au sein d'organismes internationaux de normalisation, sont essentielles pour une économie d'envergure moyenne comme celle du Canada.

L'OMC demeure une tribune très importante pour le Canada, notamment en ce qui a trait à ses intérêts agricoles et agroalimentaires. Comme Mme Hillman l'a indiqué, il n'y a que là qu'il soit possible d'atteindre un résultat agricole ambitieux et assurer des règles de jeu équitables en matière de soutien interne.

Le Canada et d'autres membres de l'OMC sont toujours intéressés à discipliner l'utilisation de l'aide financière à l'exportation. Ces enjeux sont importants pour le Canada, car les politiques d'autres membres peuvent avoir un effet négatif sur la compétitivité du Canada sur le marché agricole mondial.

Les accords commerciaux régionaux et bilatéraux signés par le Canada contiennent aussi des règles et des mécanismes commerciaux prévisibles pour discuter des problèmes avec les partenaires commerciaux et trouver des solutions. Le programme canadien actuel sur le plan des accords de libre-échange, incluant les accords en vigueur, à signer ou à conclure, couvre déjà 75 p. 100 des exportations agricoles et agroalimentaires canadiennes en 2015.

À titre d'exemple, lorsque l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne (AECG) sera entièrement en vigueur, plus de 95 p. 100 des lignes tarifaires agricoles de l'Union européenne (UE) seront libres de droits, y compris celles qui s'appliquent à la viande, aux céréales et aux oléagineux, aux fruits et légumes, ainsi qu'aux aliments transformés.

S'il est mis en œuvre par le Canada, le Partenariat transpacifique élargira l'accès aux marchés établis comme le Japon et en forte croissance comme le Vietnam et la Malaisie, ce qui donnera un accès commercial préférentiel aux produits agricoles et agroalimentaires que le Canada souhaite exporter sur les marchés du PTP, y compris le bœuf, le porc, l'huile de canola, le blé, l'orge, les légumineuses et les aliments transformés.

Le Canada participe aussi activement au travail d'organismes de normalisation internationaux comme le Codex Alimentarius, la Convention internationale pour la protection des végétaux et l'Organisation mondiale de la santé animale afin de s'assurer que les normes régissant le commerce agricole international reposent sur des données scientifiques probantes et fondées sur le risque.

La promotion du commerce et l'état de préparation de l'industrie, et en particulier l'aide accordée aux entreprises canadiennes pour qu'elles soient prêtes à profiter pleinement des accords de libre-échange signés par le Canada, constituent un deuxième outil utilisé pour promouvoir les intérêts du secteur agricole et agroalimentaire.

Par exemple, compte tenu de la ratification à venir de l'AECG, Agriculture et Agroalimentaire Canada est en train de mettre au point une vaste gamme de produits pour préparer l'industrie à réussir sur le marché européen après la mise en œuvre de l'AECG. Nous voulons fournir aux exportateurs un ensemble intégré d'outils pour aider les exportateurs à tirer parti des débouchés créés par l'AECG.

En outre, le programme Agri-marketing d'AAC aide l'industrie agricole à élargir ses marchés et à saisir des occasions en fournissant des contributions financières pour des projets qui mettent en œuvre les stratégies internationales à long terme du secteur. Le volet de développement des marchés de ce programme vise à renforcer et à promouvoir la capacité du Canada à élargir les marchés. Des activités promotionnelles contribuent à positionner et à différencier les produits et les producteurs canadiens, et font en sorte qu'ils répondent aux besoins du marché.

La représentation est un troisième outil de promotion des intérêts du secteur agricole et agroalimentaire. Autrement dit, nous faisons appel à notre vaste réseau de diplomates à l'échelle mondiale. AAC consacre d'importants efforts à prôner bilatéralement et multilatéralement l'adoption de normes internationales, de règles et de règlements commerciaux fondés sur la science.

L'application de facteurs non scientifiques dans les règlements et les politiques de pays pourrait entraîner d'importantes perturbations du commerce. Par exemple, les différences au niveau des stratégies de réglementation de la biotechnologie et des processus d'approbation, et le manque de caractère opportun et prévisible au niveau de l'approbation des produits peuvent entraîner des cas d'approbations asymétriques de cultures transgéniques. Les approbations tardives peuvent créer des risques commerciaux importants pour les exportateurs. Deux de nos marchés les plus importants, soit la Chine et l'Union européenne, posent des défis particuliers en raison de leurs processus lents, imprévisibles et incohérents d'approbation des cultures issues du génie génétique. AAC utilise tous les moyens à sa disposition, y compris l'intervention de haut niveau, afin d'exercer sur ses partenaires commerciaux clés, y compris la Chine et l'Union européenne, des pressions pour qu'ils adoptent des processus d'approbation scientifiques, prévisibles et opportuns.

[Français]

Les discussions techniques bilatérales également avec les partenaires commerciaux constituent le quatrième moyen que le Canada utilise pour promouvoir les intérêts du secteur agricole et agroalimentaire. Ces discussions et les groupes de travail bilatéraux ont fait leurs preuves comme tribune utile pour renforcer la coopération et les relations de travail entre les organismes de réglementation au Canada et à l'étranger.

Ainsi, le travail effectué par deux groupes de travail techniques mis sur pied par l'ACIA, que M. Paul Mayers représente, avec ses homologues de la Chine et qui porte sur la santé animale et végétale est un exemple précis de résultats positifs obtenus grâce aux discussions bilatérales. Le Canada a maintenant accès au marché chinois, à la fois pour les cerises et les bleuets frais de la Colombie-Britannique, ainsi qu'au matériel génétique bovin du Canada, par exemple.

En outre, des experts techniques de l'ACIA, y compris des vétérinaires, sont aussi affectés dans nos ambassades et commissariats à l'étranger, y compris dans les marchés clés comme la Chine, le Japon et l'Inde afin de permettre une intervention rapide sur le terrain en cas de problèmes résultant d'enjeux techniques et portant sur l'accès aux marchés. Cela permet aussi de resserrer davantage les relations de travail entre nos organismes de réglementation.

Le cinquième et dernier outil dont je parlerai est celui du litige commercial. Que ce soit à l'OMC ou dans le cadre des accords de libre-échange signés par le Canada, il y a des mécanismes de règlement des différends qui peuvent jouer un rôle crucial dans la défense des intérêts agricoles du Canada. Par exemple, dans le cas de l'OMC, les litiges commerciaux, même s'ils constituent une mesure de dernier recours lorsque les membres de l'OMC ne respectent pas leurs obligations commerciales, se révèlent des outils particulièrement utiles.

Prenons, par exemple, le cas des exigences que les États-Unis avaient imposées relativement à la mention obligatoire du pays d'origine sur l'étiquette (COOL) et qui avait entraîné une forte discrimination contre le bétail et le porc du Canada. Ces exigences ont eu des conséquences financières majeures pour les producteurs canadiens. En décembre 2008, le gouvernement du Canada a contesté devant l'OMC les mesures COOL des États-Unis. Depuis, l'OMC a donné gain de cause au Canada à quatre reprises et, en décembre 2015, a accordé au Canada le droit de prendre des mesures de représailles. Bien que les États-Unis aient abrogé récemment les exigences liées à l'étiquetage COOL pour le bœuf et le porc, nous continuons à travailler étroitement avec les autorités américaines et à surveiller la situation afin qu'il n'y ait pas de discrimination sur le marché américain et que les États-Unis n'adoptent pas de nouvelles mesures restrictives.

En terminant, j'insiste sur l'importance d'une étroite collaboration entre les partenaires fédéraux de l'accès aux marchés, les provinces et l'industrie dans le contexte des efforts communs déployés pour promouvoir le commerce et pour maintenir et élargir l'accès aux marchés internationaux.

Jason Flint, directeur, Division des politiques et des affaires réglementaires, Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, Santé Canada : Merci, je suis ravi de comparaître devant vous aujourd'hui pour discuter de la façon dont, à l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada, nous appuyons nos collègues d'Agriculture et Agroalimentaire Canada et d'Affaires mondiales Canada afin de faire avancer les intérêts du secteur agricole canadien en matière d'exportation.

[Traduction]

À titre de direction générale de Santé Canada chargée de réglementer les pesticides au niveau fédéral, notre mandat est de protéger la santé humaine et l'environnement. Pour atteindre ce but, nous homologuons les pesticides seulement après avoir obtenu la confirmation, au moyen d'une évaluation scientifique, que les risques et la valeur liés aux produits sont acceptables, en menant une réévaluation cyclique des pesticides plus anciens et des activités de conformité et d'application de la loi.

Les témoins précédents vous ont fait part de leurs préoccupations au sujet des limites maximales de résidus (LMR) et sur la manière dont elles peuvent nuire à la libre circulation des denrées sur les marchés d'exportation. Les limites maximales de résidus sont en fait des normes de salubrité des aliments, et elles sont fixées dans le cadre de l'évaluation menée avant la mise en marché, avant que le pesticide soit homologué. Les LMR représentent la concentration de résidus qui devrait rester dans ou sur les aliments lorsqu'un pesticide est utilisé selon le mode d'emploi de l'étiquette, et elles sont fixées seulement si nos analyses prouvent que l'utilisation du pesticide ne causera aucune préoccupation pour la santé humaine.

Les LMR, qui sont fixées selon un procédé scientifique par Santé Canada, visent à assurer que les aliments consommés par les Canadiens sont sécuritaires; l'approche utilisée pour fixer de telles LMR est la même que celle adoptée par la plupart des pays développés. Les autres pays qui n'ont pas la capacité de fixer leurs propres LMR peuvent se fonder sur les travaux de la Commission Codex Alimentarius, un organisme international qui fixe des normes alimentaires et qui a été créé par l'Organisation mondiale de la Santé et l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture. L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, l'ARLA, offre du soutien au Codex en fournissant des experts en toxicologie et en chimie des résidus qui mènent des évaluations indépendantes d'études scientifiques et recommandent de nouvelles LMR.

À titre de responsables de la délégation canadienne au sein du Comité du Codex sur les résidus de pesticides (CCRP), nous avons notamment le mandat de nous assurer que les priorités de travail du Canada sont mises de l'avant et adoptées par ledit comité. C'est dans ce contexte que nous collaborons étroitement depuis quelques années avec nos collègues d'Agriculture et Agroalimentaire Canada et d'Affaires mondiales Canada afin d'examiner des façons de travailler avec les intervenants canadiens.

Nous continuons d'encourager les producteurs à nous communiquer clairement leurs priorités, mais nous les encourageons surtout à interagir avec les fabricants de pesticides, qui sont ceux qui produisent les renseignements nécessaires à la fixation des LMR du Codex.

Nous reconnaissons que les possibles obstacles au commerce pouvant être attribuables aux différences entre les LMR sont une source de préoccupation, et nous reconnaissons qu'il faut travailler continuellement afin de faire avancer les intérêts des Canadiens.

[Français]

Bien que notre objectif premier est de garantir que les aliments consommés par les Canadiens sont sécuritaires, nous continuerons d'intervenir dans les dossiers ayant trait aux normes internationales en matière de salubrité des aliments au sein du Codex et des institutions multilatérales, et de manière bilatérale. Nous continuerons aussi d'offrir du soutien technique à Agriculture et Agroalimentaire Canada et à Affaires mondiales Canada dans leurs démarches visant à faciliter le libre mouvement à l'échelle mondiale des aliments canadiens qui sont sécuritaires et sains.

[Traduction]

Je tiens à vous remercier, monsieur le président et honorables sénateurs, de m'avoir accordé de votre temps.

[Français]

Le président : Merci, monsieur Flint. En ce qui concerne la première série de questions, je demande aux sénateurs de poser des questions courtes et précises, compte tenu de l'intérêt de tous à participer aux délibérations. Je demande également aux témoins de répondre de façon concise et précise, afin que tous les sénateurs autour de la table aient la chance de poser leurs questions.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Mesdames et messieurs, merci beaucoup. C'est toute une panoplie de gens importants qui soutiennent le commerce agricole au Canada que nous recevons aujourd'hui. Je suis très heureux de vous voir.

Madame Hillman, vous avez parlé de 250 interactions avec des Canadiens au sujet du PTP. Que voulez-vous dire par « interaction »? Combien de personnes est-ce que cela implique? Combien de personnes ont participé aux discussions ou aux consultations? Mais surtout, quelles ont été leurs impressions?

Mme Hillman : Depuis novembre, nous avons communiqué avec les Canadiens de diverses façons. Par exemple, la ministre Freeland et bon nombre de ses collègues du cabinet, dont le ministre MacAulay, ont rencontré un à un des groupes de Canadiens intéressés de divers secteurs, dont les secteurs agricole, industriel, syndical et automobile, ainsi que des groupes de réflexion. La ministre Freeland a aussi sillonné le pays pour rencontrer une multitude de gens. Le secrétaire parlementaire Lametti s'est lui aussi rendu aux quatre coins du Canada.

Il s'agit donc de rencontres en personne avec une panoplie de groupes de Canadiens. J'ai moi aussi — parfois en compagnie de la ministre et d'autres ministres et différents intervenants — rencontré des Canadiens pour discuter du Partenariat transpacifique, afin d'avoir leur point de vue et de répondre à leurs questions.

Il y a eu des assemblées publiques. Il y en a eu une justement à Montréal ce lundi; la ministre Freeland et moi y étions...

Le sénateur Mercer : Combien de personnes s'y sont présentées?

Mme Hillman : Ce n'est qu'une estimation de ma part, mais je dirais environ 200. Sur les 400 Canadiens, 250, cela se rapproche des 600 si on compte tous ces gens-là.

Il y a eu une assemblée publique à Vancouver, et une autre est prévue à Toronto la semaine prochaine.

Nous avons recours à différents véhicules. Nous avons également un portail web avec Affaires mondiales Canada, grâce auquel les gens peuvent envoyer leurs questions et commentaires. Ce sont des questions et des commentaires de différentes natures. Il peut s'agir de simples commentaires — des points de vue particuliers de Canadiens au sujet de l'accord. Beaucoup ont aussi des questions précises: « Je suis un exportateur et j'aimerais exporter tel produit au Vietnam. Pouvez-vous me dire si le Partenariat transpacifique va m'aider ou non? » Nous répondons à ces questions. Si les gens ne font qu'offrir leur point de vue sans demander de précisions, nous en prenons note. C'est à cela que sert le portail.

Et comme vous le savez, un comité parlementaire est en train d'étudier le Partenariat transpacifique, ou PTP.

Le sénateur Mercer : Et je suis persuadé que vous surveillez chaque mot qui est prononcé à notre comité.

Mme Hillman : J'ai aussi comparu devant le Comité du commerce il y a deux ou trois mois. Je pense que certains d'entre vous y étaient.

Le sénateur Mercer : Monsieur Seppey, vous avez mentionné dans votre exposé qu'il y a un intérêt constant de la part du Canada et des membres de l'Organisation mondiale du commerce, ou OMC, à prendre des mesures disciplinaires contre le recours à l'aide financière à l'exportation. En d'autres termes, parlez-vous de subventions?

M. Seppey : Je vous remercie de votre question. Les pays peuvent aider leur secteur agricole de différentes façons qui sont susceptibles de fausser le commerce — ce n'est pas toujours le cas, mais c'est possible. Ils peuvent notamment verser des subventions aux agriculteurs pour compenser une partie de leurs frais à l'échelle nationale. C'est ce que nous appelons un soutien interne.

Par ailleurs, certains pays aident leurs exportateurs à être particulièrement concurrentiels sur les marchés étrangers, et les subventions à l'exportation sont une façon d'y arriver. Comme Mme Hillman l'a indiqué, après la 10e Conférence ministérielle de l'OMC qui a eu lieu à Nairobi en décembre 2015, ces subventions ont été immédiatement interdites pour tous les pays développés, y compris le Canada. Le Canada a réussi à se négocier une certaine marge de manœuvre pour la transition ou l'élimination progressive de ces subventions à l'exportation dans le cas des produits laitiers. Nous avons cinq ans pour le faire, et nous travaillons avec l'industrie laitière afin de gérer la transition.

Mais il y a d'autres volets de la concurrence à l'exportation qui peuvent avoir une incidence.

Dans mon intervention, je faisais référence aux garanties financières à l'exportation. Le meilleur exemple à ce chapitre est un pays qui offrirait de très généreuses garanties financières appuyées par l'État lors de l'exportation sur les marchés étrangers. Il peut s'agir d'un marché très risqué, par exemple, où une entreprise n'a peut-être pas accès à des garanties très favorables si...

Le sénateur Mercer : Avez-vous un exemple précis?

M. Seppey : Oui, je peux vous donner un exemple de mesure provenant d'un autre pays qui porte préjudice à nos intérêts. Les États-Unis ont le GSM-102, qui offre des conditions de crédit extrêmement avantageuses aux exportateurs américains sur les marchés étrangers. C'est beaucoup plus généreux que ce qui est offert aux Canadiens par Exportation et développement Canada. C'est un exemple.

Mais il existe d'autres moyens, comme la façon dont certains pays gèrent leur aide alimentaire internationale. Voilà qui peut avoir une incidence considérable si les pays donateurs exigent que les pays bénéficiaires de l'aide alimentaire procurent des biens aux pays donateurs, par exemple. Cette pratique peut avoir une incidente notable sur le commerce.

Le sénateur Mercer : Vous avez également parlé de litige dans votre présentation. Vous n'êtes pas entrée dans les détails, mais j'aimerais approfondir la question. Où en sommes-nous dans les négociations d'un autre accord sur le bois d'œuvre résineux? Qui est le chanceux ou la chanceuse qui s'occupe du dossier?

Mme Hillman : C'est moi. L'Accord sur le bois d'œuvre résineux de 2006 est parvenu à échéance l'année dernière. Nous sommes maintenant dans une période de statu quo de 12 mois attribuable au contentieux, qui prendra fin en octobre de cette année, et qui nous permet d'essayer de négocier un nouvel accord.

Au moment où l'ancien accord a pris fin en octobre dernier, le Canada voulait renouveler l'entente, mais pas les États-Unis. À la demande du ministre de l'époque, nous avons donc entrepris une très vaste consultation auprès des intervenants des provinces et de l'industrie d'un bout à l'autre du pays. Nous leur avons demandé s'ils voulaient que nous retournions à la table pour tenter de négocier, et ils nous ont répondu pratiquement à l'unanimité que c'est ce que nous devions faire.

Depuis, nous avons essayé de négocier un nouvel accord avec les États-Unis, mais pour être tout à fait honnête, il nous reste beaucoup de travail; nous ne sommes pas sur le point de conclure un accord.

Cela dit, nous avons désormais un engagement politique très important de la part des États-Unis. Cela a été souligné...

Le sénateur Mercer : Mais c'est de la part de l'administration Obama.

Mme Hillman : Oui. Lorsque le premier ministre Trudeau est allé à Washington en mars, il s'agissait d'un volet important des discussions bilatérales. Je ne sais pas si vous avez suivi les échanges, mais c'est une des premières choses que les chefs ont annoncées ensemble lors de la conférence de presse qui a suivi; ils voulaient travailler dans cette direction. En fait, ils ont même chargé les ministres et leurs collaborateurs de présenter un rapport 100 jours plus tard sur les progrès réalisés. Cette période sera écoulée à la fin de la semaine prochaine, et les choses ont avancé. Nous avons discuté d'un certain nombre d'enjeux, mais les opinions divergent encore fortement sur des éléments déterminants des pourparlers.

Le sénateur Mercer : Ma dernière question concerne également le bois d'œuvre résineux. Est-ce qu'on s'attend à une contestation de l'industrie américaine — qui serait financée par l'argent que nous avons laissé à la table la dernière fois que nous avons signé un accord? Il restait un peu d'argent aux États-Unis. J'ai toujours soutenu qu'il était aimable de notre part de payer leurs avocats pour qu'ils s'attaquent encore à nous, à l'avenir.

Mme Hillman : Si nous n'arrivons pas à renouveler l'accord ou à en renégocier un nouveau, il est tout à fait probable que l'industrie américaine demande au ministère américain du Commerce de percevoir les droits sur les importations canadiennes de bois d'œuvre.

Le sénateur Ogilvie : Pour ce premier tour, j'aimerais poser deux questions visant à clarifier des remarques qui ont été prononcées devant notre comité ou soumises dans certains documents que nous avons reçus en cours d'étude. La première pourrait s'adresser à M. Flint, à Mme Hillman ou à M. Seppey. Je pense que je vais demander à M. Seppey de répondre.

Je m'intéresse à la question de la limite maximale de résidu, ou LMR. J'ai appris dans le cadre de nos procédures que certains pays fixeraient une limite arbitraire de zéro sur la quantité maximale de résidu acceptable. Or, les techniques d'analyse d'aujourd'hui nous permettent de savoir qu'il est impossible de trouver une matière sans le moindre résidu. Quel que soit le composé dans le monde, le résultat ne sera jamais nul. Le résidu peut se compter en parties par billion, mais le résultat ne sera pas nul.

Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure cette utilisation arbitraire de la réglementation sur les barrières non commerciales a véritablement une incidence négative sur le commerce international des produits agricoles canadiens, comme les grains et le reste?

M. Seppey : Merci, monsieur le sénateur. Je vais commencer, et M. Flint aura peut-être quelque chose à ajouter étant donné qu'il travaille très étroitement avec ces enjeux.

Vous avez très bien ciblé la nature du problème entourant les LMR. Un résultat nul est très difficile à obtenir, quel que soit le produit. Par ailleurs, il est important de savoir que différentes raisons expliquent pourquoi un produit, soit un pesticide dans ce cas-ci, n'est pas nécessairement approuvé dans un pays alors qu'il obtient pourtant l'aval d'une autre nation. Ce peut être pour des motifs de sécurité. Il se peut aussi que le fabricant du pesticide en question ne voie pas la valeur économique d'enregistrer un pesticide donné sur un marché, de sorte que le produit n'y est pas encore autorisé. Ce n'est donc pas toujours pour des raisons de sécurité.

Par conséquent, une politique de tolérance zéro pour tout type de résidu peut constituer un obstacle commercial majeur. Voilà pourquoi le gouvernement fédéral travaille étroitement avec un vaste éventail d'intervenants de l'industrie, ce qui lui permet de savoir concrètement comment surmonter cet enjeu de réglementation fort complexe en soi. Il y aura une LMR. Il est possible de fixer une limite pour chaque pesticide combiné à tout produit susceptible de présenter cette teneur, et le seuil de la LMR peut changer d'un pays à l'autre, selon de nombreux facteurs.

Le sénateur Ogilvie : S'agit-il d'un problème pour les échanges commerciaux du Canada?

M. Seppey : La question fait partie des grandes priorités lorsque nous parlons des mesures réglementaires étrangères qui ont une incidence sur le commerce. Je n'ai peut-être pas mentionné les LMR dans mon exposé, mais j'ai beaucoup parlé de l'importance de mesures fondées sur la science, sur le risque et sur des données probantes, et de l'importance des organismes de normalisation internationaux comme Codex dans l'harmonisation des LMR entre les pays. D'ailleurs, l'idéal serait d'appliquer une seule limite à tous les pays. Cet objectif constitue un défi de taille, mais c'est la raison pour laquelle les organismes de réglementation collaborent très étroitement entre eux, et avec les organismes de normalisation internationaux aussi.

Le sénateur Ogilvie : Je comprends bien la technologie et le jargon. Ma question visait simplement à connaître l'ampleur du problème, et vous y avez répondu. Il s'agit d'un problème de taille.

M. Seppey : Tout à fait.

Le sénateur Ogilvie : Merci beaucoup. Je vais maintenant m'adresser à M. Mayers. Nous avons entendu dire à plusieurs occasions que l'étiquetage non conforme des produits alimentaires est un problème majeur. Je vais prendre l'exemple du poulet de réforme, qui semble être un enjeu fort important. L'étiquette qui se trouve sur le produit dit qu'il s'agit d'un poulet de réforme, alors que ce n'est pas le cas. Le produit est importé, puis réemballé avant d'être vendu sur le marché canadien. C'est un problème d'importation.

J'ai souvent traversé la frontière en voiture, et j'ai pu constater que la file de camions qui arrivent de part et d'autre est immense. Dans quelle mesure croyez-vous avoir suffisamment de ressources pour inspecter les produits à la frontière et vérifier la légitimité de l'étiquetage des produits alimentaires qui entrent au pays? Quel est le plus grand défi de votre organisation, si l'on veut préserver l'efficacité de la réglementation canadienne à ce chapitre dans le cadre de nos accords commerciaux?

Paul Mayers, vice-président, Direction générale des politiques et des programmes, Agence canadienne d'inspection des aliments : Je vous remercie infiniment de votre question. Permettez-moi de préciser que l'Agence canadienne d'inspection des aliments, ou ACIA, n'effectue aucune inspection à la frontière. Nos collègues de l'Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC, s'en occupent à notre place en ce qui concerne le cadre législatif et réglementaire des produits alimentaires.

La question de l'étiquetage est importante, mais il y a des distinctions à établir à ce sujet. Les obligations légales entourant l'étiquetage sont considérables. Il faut que les produits soient présentés d'une manière qui soit exacte et non trompeuse. Toutefois, certains enjeux comme la question du poulet de réforme relèvent de la gestion des tarifs plutôt que de l'étiquetage des produits de consommation, étant donné que le produit n'est pas vendu aux consommateurs à titre de volaille de réforme, bien sûr.

J'ignore si un représentant des ministères de l'Agriculture ou d'Affaires mondiales souhaite s'exprimer sur la question du poulet de réforme, mais ce n'est pas un problème d'étiquetage. L'exemple que vous avez donné se rapporte aux tarifs.

Nous constatons cependant des problèmes considérables relatifs à la représentation des produits. Vous avez peut- être remarqué dans les médias cette semaine qu'une accusation gravissime a été portée contre une entreprise qui vendait un produit importé comme étant un produit du Canada, ce pour quoi l'entreprise a dû payer une amende. Voilà une initiative réussie de l'ACIA.

Nous avons les ressources et la volonté nécessaires pour nous attaquer aux enjeux entourant les exigences en matière d'étiquetage qui sont prévues à la Loi sur les aliments et drogues et à la Loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation. Mais comme je l'ai dit, certaines questions, comme celle du poulet de réforme, ne relèvent pas des textes législatifs appliqués par l'ACIA.

Le sénateur Ogilvie : Monsieur le président, je vous remercie. Je pense que j'ai peut-être mal formulé ma question. Puis-je intervenir au deuxième tour?

[Français]

Le président : La semaine prochaine, nous tiendrons une séance spéciale d'une heure avec les officiers frontaliers sur le sujet que vous avez soulevé, sénateur Ogilvie, pour clarifier la situation, de sorte que nous puissions tous partir en juillet avec la bonne information pour contribuer à rendre notre rapport plus intéressant.

Le sénateur Dagenais : Je voudrais aborder la question des accords commerciaux avec Mme Hillman. Il y a l'Accord sur le Partenariat transpacifique et l'accord conclu avec l'Union européenne. Vous savez que ces accords ont provoqué des réactions chez les transformateurs, notamment les fromagers du Québec qui sentent une certaine pression en ce qui concerne les prix qui risquent d'influencer le système de gestion de l'offre au Canada, soit la problématique du lait diafiltré.

Ne pensez-vous pas que les accords commerciaux qui seront signés exerceront une pression sur le système de la gestion de l'offre que nous avons au Canada, qui maintient les prix des produits laitiers, de la volaille, des œufs, et d'autres produits canadiens artificiellement élevés pour les consommateurs? Les gens voyagent à l'extérieur du pays et se rendent compte que, lorsqu'ils traversent la frontière, les produits laitiers sont beaucoup moins dispendieux, de même que la volaille et les œufs.

J'aimerais entendre votre opinion à ce sujet, à savoir si les accords commerciaux exerceront une pression sur la gestion de l'offre au Canada, et si, à un moment donné, il faudra faire évoluer le système de gestion de l'offre, parce que, inévitablement, il exerce une pression?

Mme Hillman : Je vais répondre sur la politique de négociation en général, et je laisserai la parole à mon collègue, M. Seppey, s'il veut ajouter des commentaires sur ces industries en particulier. En ce qui concerne notre politique de négociation, depuis l'ALENA, nous reconnaissons que le Canada a une industrie agricole mixte, c'est-à-dire qu'il y a des secteurs qui cherchent des marchés à l'exportation, et des secteurs, gérés par la gestion de l'offre, qui ont fait d'autres choix. Leur choix est de s'organiser sous un système qui ne cherche pas des marchés à l'exportation. La conséquence, c'est que, pour garder ce système en place, nous devons le protéger des importations, ce que nous avons pu faire dans l'AECG et le PTP. Nous avons toujours eu la possibilité de nous présenter dans ces négociations avec nos interlocuteurs pour trouver une façon de faire valoir les intérêts du secteur agricole qui exporte, tout en gardant intact le système de gestion de l'offre pour les secteurs qui ont choisi de le maintenir.

Il faut savoir que tous les autres pays ou tous les autres groupes de pays qui négocient avec nous composent eux- mêmes avec différentes réalités. Ils veulent davantage exposer certains de leurs secteurs sur la scène internationale, alors qu'ils désirent en protéger d'autres qui sont plus fragiles. Soyez assurés que nous ne sommes pas les seuls à réagir selon cette dynamique.

En outre, il vaudrait peut-être mieux poser la question aux différents secteurs, mais selon moi, nous avons toujours réussi à trouver un équilibre qui fonctionne pour le bien de tout le secteur agricole canadien.

Le sénateur Dagenais : Je vous remercie. Monsieur Seppey?

M. Seppey : Mme Hillman a très bien décrit la dynamique selon laquelle se déroulent les négociations internationales. Cependant, j'aimerais ajouter deux éléments. Tout d'abord, tout au long des négociations, qu'il s'agisse de l'Accord Canada-Union européenne ou du Partenariat transpacifique, j'ai agi à titre de responsable de la table agricole. Nous avons travaillé très étroitement avec ces secteurs pour être au fait de leur réalité dans l'éventualité où nous devrions prendre des engagements quant à l'accès aux marchés, et ceci afin de boucler la négociation et pour que, en cas d'arbitrage, nous puissions le faire de manière à préserver la capacité du secteur à continuer de se développer et à demeurer prospère. Au Canada, nous disposons d'un certain nombre d'outils afin de faciliter le plus possible la transition.

Dans le cadre de l'accord de libre-échange avec l'Union européenne, pour lequel, comme vous l'avez mentionné, nous prévoyons un engouement accru du marché canadien pour les fromages européens, la ministre du Commerce international, Mme Freeland, ainsi que le ministre de l'Agriculture, M. MacAuley, ont indiqué que des consultations seront menées auprès des secteurs touchés par ces engagements d'accès aux marchés. Depuis le 2 mai dernier, M. MacAuley a participé à de nombreuses rencontres avec des producteurs et des transformateurs dans tout le pays; des membres de son équipe et moi-même avons également participé à ces rencontres.

Effectivement, nous travaillons à l'élaboration de mesures afin de soutenir le secteur au cours de cette transition et dans sa préparation pour l'arrivée éventuelle, une fois l'accord en vigueur, d'importations accrues de fromages.

Ceci passe par la modernisation de notre secteur de la transformation laitière, ainsi que par d'autres mesures d'accompagnement qui visent à stimuler l'innovation à la ferme. Ce sont là les leviers mis en place avec l'industrie, les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral pour faire en sorte que l'impact de la transition soit atténué, tout en nous permettant de participer à ces accords.

Quant à l'accord Canada-Europe, du point de vue canadien, que l'on songe aux secteurs du bœuf ou du porc, qui sont les secteurs que nous avons mentionnés plus tôt, il existe un énorme potentiel de croissance pour l'avenir.

Le sénateur Dagenais : Croyez-vous que, tôt ou tard, ces différents accords commerciaux exerceront une influence sur le prix que paient les consommateurs pour des produits canadiens?

Je souligne les produits laitiers et les produits de la volaille, entre autres, parce que les pays signataires des accords, qu'on le veuille ou non, voudront tôt ou tard que leurs produits intègrent le marché canadien. Des mesures compensatoires seront peut-être mises en place, mais il reste que les consommateurs paient actuellement un prix élevé. Est-ce que les différents accords commerciaux entraîneront une baisse du prix des différentes denrées?

M. Seppey : Je suis économiste de formation et, à ce titre, je dois d'abord évaluer l'intérêt de participer à des accords de libre-échange; il s'agit, entre autres, de réduire les coûts des transactions à la frontière et d'en retirer un effet positif pour les consommateurs.

En général, si un régime de libre-échange est en place, le prix des intrants à la transformation alimentaire ou manufacturière canadienne sont plus faibles. Étant donné que vous importez, il y a plus de concurrence et on peut alors envisager une baisse des prix.

Il reste cependant que, dans le secteur de la gestion de l'offre, les règles du marché opèrent de façon un peu amendée ou modifiée, ce ne sont pas les règles pures du marché. Par contre — et je crois que certains témoins vous ont signalé ces effets —, si, par exemple, on compare le prix du lait des pays comme le Canada, où il y a un système de gestion de l'offre, à celui des pays comme la Nouvelle-Zélande ou l'Australie, qui ont des régimes extrêmement libéraux, leurs consommateurs ne paient pas nécessairement moins cher pour leurs produits laitiers, et ce, même s'ils sont des leaders et qu'ils exportent massivement à travers le monde.

Ceci révèle qu'il est difficile d'attribuer à un seul élément le niveau de prix d'un produit. Cependant, il est certain que l'on négocie des accords de libre-échange non seulement pour obtenir des débouchés à l'étranger, mais aussi pour aider notre secteur manufacturier à accéder à une plus vaste gamme d'intrants au meilleur coût possible.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Je tiens à remercier les témoins.

En ce qui concerne nos exportations d'huile de canola, le seuil des impuretés attribuables au champignon de la jambe noire passera de 2 à 1 p. 100 dans certains pays. Par conséquent, des importateurs seront préoccupés de la contamination au sein de leur pays.

Nous étions en Chine il y a trois mois, et nous avons abordé ce sujet. Le délai a été prolongé jusqu'à septembre. Je pense qu'il y avait une extension de six mois lorsque nous y étions en mars.

Que se passe-t-il maintenant? Sommes-nous en mesure de négocier pour que l'huile de canola puisse encore être exportée?

M. Mayers : Je vous remercie infiniment de la question, qui tombe vraiment à point nommé. J'étais justement en Chine la semaine dernière, tout comme le ministre MacAulay. C'est une des questions dont ont longuement discuté les fonctionnaires, et le ministre aussi lors de sa rencontre avec l'autorité chinoise compétente.

La question n'est pas encore résolue. Nous continuons à travailler très assidûment avec la Chine, en collaboration avec nos collègues d'Agriculture et Agroalimentaire Canada et d'Affaires mondiales Canada. Il s'agit d'un enjeu fort important pour les exportateurs de canola canadiens qui exportent des graines de canola destinées à la trituration. C'est également une question importante pour la Chine, qui souhaite avoir accès aux graines de canola canadiennes afin que ses transformateurs puissent maintenir leur niveau d'activité.

Nous croyons que le risque que pose la jambe noire se gère efficacement au moyen d'une série de mesures de contrôle, plutôt qu'en précipitant simplement l'adoption d'une limite quant aux taux d'impuretés. Il faut prendre en compte l'ensemble des mesures d'atténuation du risque.

Nous travaillons d'arrache-pied pour expliquer l'efficacité de ces mesures d'atténuation à nos homologues chinois. Ils enverront d'ailleurs une mission au Canada dans les prochaines semaines pour voir l'ensemble des mesures de contrôle qui sont prises au Canada. Nous comprenons l'importance, pour eux, de se protéger contre l'apparition possible de la jambe noire dans les régions cultivatrices de canola. Comme vous le savez, les graines de canola destinées à la trituration sont importées dans des régions de la Chine qui ne produisent pas de canola.

Il faut toutefois trouver une solution qui respecte la politique de protection phytosanitaire de la Chine — nous sommes d'accord pour la respecter —, mais qui demeure pratique pour les exportateurs canadiens de canola. Nous reconnaissons aussi qu'un taux d'impuretés extrêmement bas n'est pas réaliste sur le plan de la gestion de la chaîne d'approvisionnement.

Les travaux se poursuivront urgemment avec nos homologues chinois, en raison de l'échéance de septembre, mais la question n'est pas encore résolue.

Le sénateur Oh : Sommes-nous en mesure de passer de 2 à 1 p. 100 dans un délai raisonnable?

M. Mayers : L'industrie est très préoccupée par la faisabilité du seuil de 1 . Pour l'instant, nous ne cherchons pas à diminuer le taux d'impuretés pour atteindre 1 p. 100. Nous voulons plutôt trouver une solution raisonnable qui donne à la Chine l'assurance dont elle a besoin sur le plan de la protection phytosanitaire, tout en étant réalisable pour les exportateurs canadiens aussi.

Le sénateur Oh : Quels autres pays sont touchés par ce passage de 2 à 1 p. 100?

M. Mayers : L'Australie rencontre le même problème aussi, étant donné que la Chine s'attend à ce que le pays réduise son niveau d'impuretés.

En ce qui concerne l'exportation de graines de canola à l'échelle internationale, le Canada exporte sans problème au niveau actuel d'impuretés dans plusieurs États, qui n'exigent aucun changement. La pratique internationale entourant le commerce de ce produit reconnaît même l'innocuité des niveaux d'impuretés de l'ordre de 2 à 2,5 p. 100.

La sénatrice Merchant : Ma question est pour vous, monsieur Seppey. Merci d'être ici avec nous ce matin. Ma question porte sur les OGM. Nous en parlons tout le temps, et nous, les Canadiens, voulons que des gens examinent les fondements scientifiques. Pouvons-nous surmonter ce problème? Est-ce seulement un problème auprès des Européens? Sommes-nous le seul pays à y être confronté? Cette question a-t-elle été abordée dans le PTP ou d'autres accords que vous signez?

Pourriez-vous répondre à ces questions?

M. Seppey : Je vais parler de façon générale, et M. Mayers pourrait peut-être parler du programme rigoureux d'approbation des OGM que nous avons en place.

En général, nous ne sommes pas le seul pays à utiliser les biotechnologies — dont sont issus les OGM — en agriculture; au moins 28 pays répartis sur tous les continents y ont maintenant recours. C'est très répandu au Canada, aux États-Unis et en Amérique latine, dans des pays comme l'Argentine. Il y a également des pays de l'Union européenne comme l'Espagne et la République tchèque qui se servent de biotechnologies pour certaines cultures.

C'est très important pour le Canada, car dans le cas d'une culture comme celle du canola en Saskatchewan, au moins 95 p. 100 de la production au pays s'appuient sur une technologie faisant appel aux OGM. C'est très important.

En ce qui a trait aux marchés d'importation, je dirais l'Union européenne n'est pas le seul. C'est un domaine d'intérêt compte tenu de l'approbation réglementaire relativement lente et imprévisible de l'Union européenne qui pose un certain nombre de difficultés. Cela dit, c'est la même chose dans d'autres marchés où nous déployons des efforts pour défendre nos intérêts.

Afin d'illustrer comment des obstacles concrets dans les processus réglementaires d'autres pays peuvent poser problème, j'utiliserai deux exemples. Nous avons un certain nombre de types de sojas transgéniques qui sont à une étape avancée du processus d'approbation en Union européenne, mais ils n'ont toujours pas été approuvés. Nos producteurs de soja au Canada ont attendu avec beaucoup d'impatience le moment d'ensemencer leurs champs. Ils espéraient pouvoir obtenir l'approbation de l'Union européenne, car elle les aurait aidés à décider quoi planter.

Un autre exemple du problème que pose l'imprévisibilité est le fait que différents pays adopteront différents échéanciers aux fins d'approbation. Certains pays, comme la Chine, exigeront que le pays exportateur ait approuvé une céréale avant même de commencer leur propre processus d'approbation. Lorsqu'un pays comme la Chine n'a pas encore approuvé un caractère approuvé dans tous les autres marchés, comme l'Union européenne, les États-Unis et le Canada, l'absence d'approbation de sa part est suffisante pour que nos agriculteurs et nos producteurs au Canada n'utilisent pas de semence porteuse de ce caractère et ne puissent pas en profiter en raison du risque que des traces de cette culture transgénique non autorisée soient trouvées en Chine.

C'est le genre de difficultés auxquelles nous sommes confrontées. C'est la raison pour laquelle, en tant qu'important exportateur de céréales et d'oléagineux, nous déployons tant d'efforts dans ce dossier.

La sénatrice Merchant : Est-ce également un problème lié aux consommateurs? Lorsqu'on voyage en Europe et dans certains autres pays, le consommateur réagit négativement dès l'instant où il entend le mot « OGM ». Les consommateurs y sont-ils donc un peu pour quelque chose?

M. Mayers : La façon dont le consommateur perçoit les aliments génétiquement modifiés diffère d'un marché à l'autre. Au sein de l'Union européenne, la façon dont il perçoit les questions liées aux produits génétiquement modifiés est très différente que ce que l'on observe en Amérique du Nord. Le consommateur nord-américain s'est montré plutôt favorable à la technologie lorsqu'on tient compte de son comportement sur le marché. Je crois que cela contribue à l'incertitude concernant la rapidité avec laquelle les approbations seront accordées.

Quand on regarde le processus suivi par l'Union européenne pour examiner et approuver un produit génétiquement modifié, à la base, c'est exactement le même processus que nous utilisons ici au Canada. Comme le nôtre, il s'appuie sur les directives de Codex Alimentarius concernant l'évaluation de l'innocuité des produits. Toutefois, après l'évaluation de l'innocuité, l'Union européenne a un autre processus qui nécessite le soutien des États membres et qui se déroule donc sur une période plutôt longue. La perception des consommateurs influe sur la rapidité avec laquelle le processus se déroule.

Il y a des différences, et elles ont une incidence sur l'échéancier. Ce qu'elles ne changent pas, c'est la base sur laquelle on s'appuie pour déterminer si les produits présentent des risques. Elles créent toutefois une grande incertitude, comme on l'a décrit, sur le plan commercial.

Le sénateur Pratte : Je m'interroge au sujet du marché indien, dont Mme Hillman a parlé. Nous entendons souvent parler de la Chine comme d'un marché extraordinaire, des débouchés qui y sont offerts et des défis qu'elle présente, mais nous entendons moins souvent parler de l'Inde, et les débouchés sont énormes. Je suppose toutefois que les défis sont également de taille.

J'aimerais en savoir un peu plus sur les débouchés et plus particulièrement sur les défis, dans la mesure où ils pourraient différer de ceux d'autres marchés.

Mme Hillman : Je peux parler un peu de l'Inde de manière générale. M. Seppey pourrait peut-être aborder la question de l'agriculture dans ce pays. Je vais le laisser aborder le sujet.

Le marché indien est dynamique. L'Inde offre beaucoup de débouchés aux entreprises, aux exportateurs et aux investisseurs du Canada. Nous avons fait des investissements importants en Inde, et nous avons un certain nombre d'investisseurs qui veulent accroître leur présence. Nous avons accordé la priorité — comme je l'ai mentionné dans ma déclaration liminaire — à un accord bilatéral d'investissement pour garantir des environnements stables et prévisibles à nos investisseurs.

Les relations en matière d'investissement sont bilatérales, et nous verrions d'un bon œil des investissements indiens au Canada.

Les négociations commerciales se poursuivent depuis maintenant un certain nombre d'années, comme je l'ai mentionné. Les défis à relever sont complexes, car certaines priorités du Canada préoccupent le gouvernement de l'Inde. Nous avons tendance à vouloir des accords favorisant une forte libéralisation — ce que nous appelons, dans le jargon commercial, des accords très ambitieux.

Comme vous l'avez entendu dans certains de nos exposés, dans tous les domaines d'intérêt pour les exportateurs, notre objectif est toujours d'obtenir d'importantes réductions tarifaires ou l'élimination de droits de douane — c'est-à- dire des engagements fermes pour nos fournisseurs de services, des engagements relatifs à l'accès aux marchés dans tous les domaines de l'approvisionnement en services. Environ 70 p. 100 de l'économie canadienne repose sur les services. C'est le domaine de croissance sur lequel nous voulons mettre l'accent en tant que professionnels du commerce. Nous nous intéressons également à tout le reste, mais c'est un domaine auquel nous accordons une attention particulière.

Dans tous les grands marchés en croissance, il est important d'avoir des règles strictes, stables et exécutoires pour encadrer le commerce des services ainsi qu'un accès aux marchés pour nos ingénieurs, nos professionnels des TI, nos professionnels de l'environnement et tous les autres fournisseurs de services auxquels vous pouvez penser, même nos grands fournisseurs de biens. Une grande partie de leurs profits proviennent des services découlant du commerce de biens.

À cet égard, l'Inde a encore du chemin à faire. Il y a également d'autres domaines. Nous travaillons fort là-dessus. Je pense qu'il y a un potentiel énorme, mais il faudra encore attendre un certain temps.

[Français]

M. Seppey : Comme Mme Hillman l'a mentionné, l'objectif des négociations en général s'applique pour l'agriculture. L'Inde est un pays qui comporte d'immenses besoins alimentaires. Parfois, il réduit unilatéralement ses tarifs pour encourager les importations à des prix raisonnables. Il se réserve le droit de relever ses tarifs, étant donné qu'il a une marge de manœuvre par rapport à ses engagements internationaux. Dans le domaine agricole, l'un de nos objectifs est d'assurer une plus grande prévisibilité pour le commerce. Pour vous donner un aperçu de cette volatilité, en 2014, nos exportations de produits agricoles vers l'Inde représentaient 900 millions de dollars seulement. L'année dernière, elles atteignaient 1,5 milliard de dollars. On a pratiquement augmenté de 50 p. 100 nos exportations. Or, 95 p. 100 des produits exportés sont des légumineuses, puisqu'elles font partie du régime alimentaire en Inde.

Par ailleurs, nous souhaitons diversifier nos exportations et réduire la volatilité dans les tarifs, et tirer profit de la croissance de la classe moyenne, qui consomme davantage de produits transformés et carnés. La coopération réglementaire est importante du point de vue des produits carnés. De nombreux efforts sont déployés entre l'ACIA et les autorités indiennes. Elles établissent des règles davantage basées sur la science en ce qui a trait au traitement des produits transformés et carnés, à la détection de traces de maladie animale, et cetera.

La sénatrice Tardif : Ma question s'adresse à M. Flint et à M. Mayers. Notre comité a eu récemment l'occasion de mener une étude à Calgary. Nous avons tenu des audiences publiques où plusieurs témoins du secteur agricole et agroalimentaire ont comparu devant notre comité. Certains témoins ont soulevé des préoccupations quant à la perte de compétences et au manque de ressources à l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Selon eux, ce manque de ressources entraîne des retards et des coûts supplémentaires pour le secteur canadien de la viande, ainsi que pour d'autres produits agricoles. Y a-t-il en effet une perte de compétences et de ressources à l'Agence canadienne d'inspection des aliments?

[Traduction]

M. Mayers : L'agence a les ressources nécessaires pour assumer ses responsabilités. Nous savons que le rythme des échanges commerciaux augmente. Dans de nombreux secteurs industriels — et le secteur de la viande en fait certainement partie —, les attentes par rapport aux services offerts par l'agence sont de plus en plus grandes. Nous offrons actuellement des services durant les heures normales de bureau. L'industrie, compte tenu de méthodes ponctuelles de prestation de services commerciaux, souhaite obtenir des services après les heures normales de bureau, par exemple pour ce qui est de la certification des exportations. Nous avons mentionné que nous sommes disposés à examiner cette possibilité dans le cadre d'un examen de nos normes de service. De toute évidence, nos normes de service sont également associées aux frais que nous imposons pour ces services destinés aux bénéficiaires du secteur privé. Nous étudierons la question dans le cadre d'une consultation qui sera menée auprès de l'industrie et qui portera sur nos normes de service et les frais connexes.

Nous remplissons toutefois le mandat de l'agence avec les ressources à notre disposition. Bien entendu, l'inspection des viandes est le secteur d'activité le plus intense de l'agence étant donné que l'ACIA maintient une présence à temps plein dans tous les abattoirs agréés par le gouvernement fédéral. Par conséquent, un employé de l'ACIA est toujours sur place lorsqu'un établissement est exploité, ce qui permet à l'industrie de mener ses activités. Nous continuons d'offrir ce service.

Certains services, comme la certification des exportations, sont axés sur la demande. La rapidité avec laquelle l'industrie demande nos services peut parfois donner l'impression qu'elle en voudrait davantage, ce que je comprends parfaitement. L'industrie examine la question, mais nous l'envisageons dans le contexte de nos normes de service.

[Français]

La sénatrice Tardif : Nous avons entendu dire qu'il y a un manque d'inspecteurs. De combien d'inspecteurs disposez-vous à l'heure actuelle, comparativement à il y a deux ans?

[Traduction]

M. Mayers : Le nombre d'inspecteurs de l'agence augmente tous les ans depuis les cinq dernières années. Nous faisons rapport chaque année du nombre d'inspecteurs de l'agence se trouvant sur le terrain. Le dernier rapport fait état d'un peu moins de 3 500 inspecteurs sur le terrain. C'est le nombre d'inspecteurs que nous avons eus auparavant. Le nombre continue d'augmenter compte tenu de la poursuite des investissements dans le personnel d'inspection de première ligne de l'agence.

Le nombre d'inspecteurs que nous avons sur le terrain fluctue, en grande partie à cause de l'ouverture ou de la fermeture d'établissements. J'ai parlé il y a un instant de l'inspection des viandes et de notre présence à temps plein dans les abattoirs. Lorsqu'une usine ouvre ses portes, notre nombre d'employés augmente. Nous affectons du personnel aux nouveaux établissements agréés. Lorsqu'une usine ferme ses portes, notre nombre d'inspecteurs diminue en conséquence pendant un certain temps.

Le nombre d'inspecteurs sur le terrain connaît également une forte fluctuation saisonnière, qui est directement liée au caractère saisonnier de l'agriculture.

La sénatrice Tardif : Combien y a-t-il d'inspecteurs des viandes parmi le personnel d'inspection sur le terrain?

M. Mayers : La proportion du personnel sur le terrain qui s'occupe de l'inspection des viandes est d'environ 50 p. 100.

La sénatrice Tardif : Il y a une demande accrue de certification réalisée par des experts. Compte tenu de tous ces accords qui seront signés et du PTP s'il est adopté, les attentes seront plus grandes. Vous aurez besoin d'un plus grand nombre d'employés. Comment allez-vous répondre à ce besoin?

M. Mayers : L'agence a entrepris une modernisation et une transformation en profondeur de la façon dont elle mène des inspections pour accroître son efficacité globale dans l'exécution du programme et la méthode qu'elle adopte à cette fin.

Un élément important de l'effort déployé en ce sens est la plateforme de prestation électronique des services. Nous gérons actuellement sur papier la certification des exportations. Le passage à une plateforme de prestation électronique des services, plus particulièrement la certification électronique, nous permettra d'offrir les services sans accroître de manière importante l'effectif des ressources humaines.

La sénatrice Tardif : Merci. Je vous encourage à procéder à l'examen le plus rapidement possible. Nous avons entendu beaucoup de préoccupations concernant la question de l'inspection dans son ensemble.

La sénatrice Beyak : Merci de nous avoir présenté des exposés et de nous faire profiter de votre expertise. La vaste majorité des témoins qui ont comparu devant notre comité au cours des dernières années ne tarissaient pas d'éloges à l'égard de l'accord commercial. Je vous remercie du travail acharné que vous avez accompli dans ce dossier. Il y a des préoccupations, comme toujours, mais le Canada est reconnu pour son professionnalisme et la façon dont vous avez protégé nos industries.

Ma question porte sur le PTP et les consultations que vous menez. Le Canada compte 35 millions d'habitants, et le nombre de 20 000 lettres est impressionnant, mais je pense que le soutien était plutôt bon lorsque l'accord a été annoncé. Les Canadiens se sont également montrés extrêmement favorables aux autres accords qui ont été ratifiés avant. Dans l'ensemble, quels sont les défis et les préoccupations dont vous entendez parler?

Mme Hillman : Merci beaucoup de poser la question. Les commentaires que nous entendons tombent dans deux catégories distinctes.

Une certaine catégorie de commentaires concerne le processus de négociation, et des membres de la société civile affirment que les négociations n'étaient pas aussi ouvertes et transparentes qu'ils l'auraient souhaité. D'autres personnes ont dit la même chose, mais je pense que c'est surtout l'opinion exprimée de façon générale par des membres de la société civile, dont des universitaires, certains syndicats et quelques autres personnes.

Dans le milieu des affaires, comme le secteur industriel et le secteur agricole, nous constatons que les opinions des Canadiens sont partagées. L'ensemble de nos grandes industries et de nos grands secteurs à vocation exportatrice ainsi que les associations qui les représentent appuient plutôt fermement le PTP, y compris le secteur des biens et services et les secteurs de notre économie qui investissent à l'étranger. Ils sont très favorables au partenariat. Il y a également des facteurs géographiques. La Colombie-Britannique et l'Ouest y sont notamment très favorables, mais le Québec, l'Ontario et les Maritimes... Et le secteur du poisson et des fruits de mer appuie fermement l'accord d'un bout à l'autre du pays.

C'est ce que nous entendons, mais des membres du milieu canadien des affaires ont exprimé des préoccupations ou ne voient pas l'accord du même œil. C'est notamment le cas du secteur de l'automobile. Certaines entreprises du secteur ont hâte de profiter des possibilités d'exportation qui seront offertes dans la région, tandis que d'autres craignent l'accroissement de la concurrence — surtout de la part du Japon — à mesure que nos droits de douane diminueront ainsi que les effets potentiellement préoccupants de l'intégration de la chaîne d'approvisionnement nord-américaine pour la fabrication d'automobiles, ce qui pourrait décourager les réinvestissements dans le secteur. C'est un tableau plus nuancé.

Par ailleurs, nous avons parlé un peu aujourd'hui du secteur agricole. Un segment de ce secteur est très enthousiaste. Quant au secteur soumis à la gestion de l'offre, j'ai l'impression qu'il accepte les conséquences du PTP, comme il l'a toujours fait dans les négociations commerciales, pourvu que le système de gestion de l'offre soit maintenu et que le gouvernement assume ses responsabilités en l'aidant à composer avec les changements qui pourraient survenir. D'après mon expérience, les entreprises de ce secteur sont des partenaires utiles qui contribuent grandement aux avantages globaux pour l'économie canadienne. Nous avons constaté — c'est mon point de vue — qu'ils sont des partenaires très engagés et très constructifs.

Au-delà des intérêts commerciaux, certaines caractéristiques des accords commerciaux sont à l'origine de préoccupations générales. Nous entendons souvent des inquiétudes exprimées au sujet des règles d'investissement et plus particulièrement du règlement des différends entre investisseurs et États, c'est-à-dire le mécanisme qui permet à des investisseurs étrangers de s'opposer au Canada ou à un autre pays signataire de l'accord commercial en raison du non- respect de règles du traité portant sur la protection des investissements. Cette question a tendance à soulever de vives inquiétudes dans certains milieux parce qu'on pense que cela permettra à des sociétés étrangères de remettre en question la réglementation canadienne, comme les normes environnementales, les normes de travail ou d'autres normes sociales. Cela continue d'être un sujet de préoccupation, non seulement en ce qui a trait au PTP, mais aussi, je crois, de manière générale dans les accords commerciaux. L'ALENA comprend ce genre de mécanisme, qui a suscité des inquiétudes.

Fait intéressant, pour ce qui est de l'AECG — lorsqu'il a été conclu tout récemment —, nous avons réussi à travailler avec les Européens dans le but d'apporter au chapitre concerné d'importantes modifications visant à donner suite à ces préoccupations, à renforcer le droit du gouvernement de réglementer et à nous protéger davantage contre la contestation de ces questions. Je crois que c'était très utile. Nous avons également travaillé avec les Européens pour améliorer le processus proprement dit de règlement des différends.

Par ailleurs, le chapitre sur la propriété intellectuelle suscite des inquiétudes dans certains milieux. Si le PTP entre en vigueur au Canada, la durée de la protection du droit d'auteur sera prolongée de 20 ans. Cela en préoccupe certains, mais ici aussi, les avis sont partagés. Les détenteurs du droit d'auteur sont satisfaits de cette protection supplémentaire, mais pas ceux qui veulent utiliser le matériel protégé.

La propriété intellectuelle est toujours une source d'appréhensions en ce qui concerne les brevets, la santé publique et le coût des médicaments, dont certains craignent la hausse. Il y a un débat animé avec le gouvernement à ce sujet. Il existe plusieurs moyens de faire face au coût des médicaments. Les brevets en sont un, mais le gouvernement dispose de nombreux autres moyens pour s'attaquer à ce problème.

Dans l'ensemble, c'est ce qu'on nous dit.

Le sénateur Mercer : Monsieur Mayers, j'aimerais parler de l'Agence canadienne d'inspection des aliments et de son rôle quant à l'inspection des produits importés effectuée à la frontière comparativement aux produits exportés.

Les inspections effectuées à la frontière préoccupent beaucoup de gens dans le milieu agricole, particulièrement ceux qui sont concernés par la gestion de l'offre. Vous dites que vous avez 3 500 inspecteurs sur le terrain. Je sais qu'ils ne sont pas postés à la frontière et qu'ils accomplissent leur travail ailleurs. Il faut se pencher sur la collaboration entre l'ACIA et les agents frontaliers qui interagissent avec ceux qui apportent ces produits au Canada.

L'ACIA offre-t-elle un programme de formation intégré aux agents frontaliers pour leur expliquer ce qu'ils doivent chercher et quels sont les enjeux? Nous avons au moins un ou deux exemples qui illustrent bien les répercussions considérables sur la gestion de l'offre, surtout en ce qui concerne les produits laitiers, que peut avoir une erreur commise en toute bonne foi à la frontière, où les agents ont laissé passer un produit laitier en pensant que ce n'en était pas un. À cause de cette erreur, des produits soumis à la gestion de l'offre qui n'entraient pas au Canada auparavant y viennent désormais.

Pouvez-vous me parler de l'intégration de la formation ou de l'existence de celle-ci? Si une telle formation n'existe pas, il faudrait l'envisager.

M. Mayers : Je vous remercie de votre question. Il y a une grande collaboration entre l'ACIA, qui organise la formation offerte aux agents de l'ASFC, et ces derniers afin d'aider les agents à s'acquitter de leurs responsabilités en notre nom aux postes frontaliers. Nous assurons donc la formation des agents de l'ASFC qui travaillent en première ligne à la frontière. Nous collaborons aussi très étroitement avec nos collègues de l'ASFC pour les aider à effectuer ce travail.

Il est vrai que l'ACIA n'effectue pas l'inspection de première ligne à la frontière, mais l'ASFC confie souvent à l'ACIA des dossiers qui nécessitent une inspection plus poussée sur place. Cela fait partie de nos opérations courantes, parce que la surveillance des importations est un aspect essentiel de la protection des Canadiens, de la salubrité des aliments, de l'environnement et de la santé des plantes et des animaux.

Pour assurer la protection sanitaire et phytosanitaire, il est donc crucial de dissiper tout doute possible quant à la sécurité d'un produit. Par exemple, quand un animal est présenté à la frontière, l'ASFC en confirme l'entrée, puis le confie à la surveillance de l'ACIA, qui se chargera notamment de la mise en quarantaine du produit.

Quant à la caractérisation des produits aux fins de tarification douanière, c'est une question différente qui ne relève pas de l'ACIA parce que cela ne fait pas partie des lois et des règlements que nous appliquons. La classification des produits à la frontière est une question bien différente de la surveillance de l'inspection que nous effectuons.

Le sénateur Mercer : Cela ne relève donc pas de vos responsabilités.

M. Mayers : Non.

Le sénateur Mercer : Si l'Agence des services frontaliers du Canada ne s'en charge pas non plus, il semble que personne ne s'en occupe. La volaille de réforme est un exemple concret. La volaille de réforme est placée dans une certaine catégorie au moment où elle passe la frontière, puis elle est ensuite vendue comme un produit d'une autre catégorie, ce qui a une incidence sur le prix et la marge de profit de certaines personnes dans la chaîne d'approvisionnement. Certains d'entre nous pensent que l'ACIA devrait procéder à des inspections ponctuelles, y compris la vérification de la volaille de réforme, afin de déterminer de quoi il s'agit, les antécédents de l'animal avant son arrivée à la frontière, et cetera.

Je ne dis pas qu'il faudrait envoyer les 3 500 agents à la frontière, mais vous n'auriez pas besoin de faire beaucoup d'inspections ponctuelles à nos postes frontaliers pour que les gens qui enfreignent les règles de l'autre côté de la frontière apprennent qu'ils pourraient être les prochains. Les vérifications aléatoires sont une mesure efficace.

Pouvez-vous me dire s'il a seulement été envisagé de charger vos agents de procéder à des vérifications aléatoires de certains produits?

M. Mayers : Mon collègue peut répondre à la question sur la surveillance de la ligne tarifaire.

M. Seppey : C'est vraiment l'ASFC plutôt que l'ACIA qui s'occupe des questions relatives à la gestion de l'offre et à l'efficacité des contrôles frontaliers de façon à garantir son bon fonctionnement. L'ASFC peut toutefois faire appel à l'ACIA pour son expertise et dans les cas où celle-ci peut jouer un rôle, comme en ce qui concerne l'ADN.

Le sénateur Mercer : L'ASFC dispose-t-elle de cette expertise?

M. Seppey : Elle collabore avec d'autres agences et leur fait appel lorsqu'elle a besoin de leur expertise.

Je voudrais revenir un peu en arrière, parce que vous avez parlé du traitement des produits laitiers à la frontière. Deux types de produits franchissent la frontière. La plupart d'entre eux ne sont soumis à aucun tarif douanier ou sont soumis à des tarifs minimes. Par contre, des tarifs considérables s'appliquent à quelques produits soumis à la gestion de l'offre parce qu'il faut prévoir efficacement les importations. Ces produits figurent donc sur la Liste de marchandises d'importation contrôlée.

L'approche du système de gestion de l'ASFC est fondée sur le risque. L'agence a donc tendance à concentrer ses inspections là où les risques de contournement sont élevés. Pour tous les produits figurant sur la Liste de marchandises d'importation contrôlée, qu'il s'agisse de produits laitiers, de volaille ou de produits des œufs, je peux vous assurer que les agents frontaliers sont particulièrement soucieux de mettre en place des contrôles adéquats et qu'ils procèdent aux vérifications aléatoires appropriées pour s'assurer que la déclaration — c'est-à-dire le produit indiqué sur la déclaration d'importation — est la bonne.

Pour ce qui est de la volaille de réforme — je crois d'ailleurs savoir qu'il en sera question devant le comité la semaine prochaine —, je peux vous dire que toutes les agences fédérales concernées, notamment l'ASFC, l'ACIA, AAC et le ministère des Finances, travaillent d'arrache-pied pour trouver avec l'industrie des solutions concrètes à ce problème, à savoir que la quantité de volaille de réforme importée au Canada semble être beaucoup plus élevée que la tendance habituelle observée au fil des ans.

Le sénateur Mercer : Nos amis américains semblent exporter bien plus de 100 p. 100 de leur volaille de relève. Vous aurez accompli de l'excellent travail si vous parvenez à corriger la situation.

Votre réponse me surprend. Je m'en réjouis et je pense qu'elle étonnera les gens du secteur, mais nous attendrons les prochains témoins pour faire le suivi sur cette question.

Le sénateur Ogilvie : J'aimerais poser une question visant à préciser des renseignements généraux qui ont été soumis à l'attention au comité, de façon directe ou implicite, relativement aux OGM et à la situation en Europe.

Je vais m'en tenir aux céréales. Les céréales peuvent passer directement dans la chaîne de distribution des aliments destinés aux humains ou servir à alimenter le bétail. Nous avons entendu dire que certains pays européens ont interdit l'entrée directe de produits génétiquement modifiés dans le marché de la chaîne alimentaire destiné aux humains, mais qu'ils permettent cependant la présence de céréales génétiquement modifiées dans les aliments du bétail. Est-ce que c'est vrai et, dans l'affirmative, de quels pays s'agit-il?

M. Seppey : Je ne peux pas vous fournir aujourd'hui la liste exacte des pays qui ont adopté de telles mesures, mais nous pouvons certainement transmettre ces renseignements au greffier du comité.

Ce que je peux vous dire, c'est que l'importation de cultures GM à des fins alimentaires est une pratique passablement généralisée. L'Union européenne dépend fortement des céréales importées pour alimenter le bétail, et les biotechnologies ont grandement influencé certaines cultures.

Le sénateur Ogilvie : C'est la réponse à laquelle je m'attendais. Je voulais seulement que cela soit confirmé devant le comité. Je ne me lancerai pas dans un discours sur ce que je trouve fascinant dans ce genre d'approche, mais je vous remercie, monsieur Seppey.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Nous avons étudié la mortalité des abeilles et nous avons pu constater qu'il y avait un peu de retard, peut-être même de la confusion, dans l'approbation de l'usage de certains pesticides. Avez-vous les mêmes problèmes ou croyez-vous que cette situation peut nuire au contrôle que vous souhaitez avoir dans le cadre des accords internationaux?

[Traduction]

M. Flint : Je pense que vous parlez plus particulièrement des pesticides de la catégorie des néonicotinoïdes — et d'autres aussi, bien sûr — qui sont homologués et dont il a été question dans l'étude sur les abeilles réalisée par le comité l'année dernière.

La question des abeilles et de l'effet probable de différents pesticides sur leur santé peut être abordée de diverses façons. La santé des abeilles est un enjeu qui dépasse largement les pesticides, mais nous travaillons avec nos homologues français et américains pour trouver le meilleur moyen de régler le problème des pesticides. En outre, nos collègues d'Agriculture et Agroalimentaire Canada travaillent actuellement à l'initiative sur la santé des abeilles.

Il n'y a pour le moment aucun souci quant à l'incidence de l'usage de ces pesticides sur les accords commerciaux, mais cela pourrait changer à l'avenir.

Le sénateur Terry M. Mercer (vice-président) occupe le fauteuil.

Le vice-président : Avant de passer au prochain intervenant, j'aimerais revenir à M. Seppey un petit moment.

Quelqu'un a dit que plusieurs pays acceptent la présence d'OGM dans les aliments du bétail. Pouvez-vous nous fournir la liste de ces pays?

M. Seppey : Comme je l'ai dit, je n'ai pas ces renseignements avec moi, mais je les transmettrai au greffier.

Le vice-président : Il les transmettra à son tour aux membres du comité. Je ne voulais pas que cela nous échappe.

La sénatrice Tardif : Monsieur Mayers, en 2015, l'ACIA a décidé de lever le protocole d'urgence temporaire qui exigeait que les camions transportant des porcs soient nettoyés et inspectés au Manitoba. Si j'ai bien compris, l'agence estime que l'éclosion de la diarrhée épidémique porcine ne nécessite plus d'intervention d'urgence. Toutefois, il y a eu un incident lié à cette maladie pas plus tard qu'en mai dernier. Pourquoi l'agence a-t-elle supprimé le protocole qui était en vigueur?

M. Mayers : Le nettoyage des camions revenant des États-Unis après y avoir transporté des porcs avant leur entrée au Canada est une exigence réglementaire de longue date. Cette exigence est en place parce que prendre des mesures de biosécurité le plus tôt possible est un excellent moyen de protection contre de nombreuses maladies animales. On remarque aux États-Unis la présence de plusieurs maladies du porc que l'on ne retrouve pas au Canada. Plusieurs de ces maladies figurent sur la liste de l'OIE, l'Organisation mondiale de santé animale. Je sais que le sigle de l'organisme, OIE, n'est pas évident. Quoi qu'il en soit, si les maladies qui figurent sur cette liste devaient se manifester au Canada, les exportations canadiennes se verraient imposer des restrictions sévères.

Le nettoyage des véhicules qui reviennent des États-Unis est une exigence qui vise à protéger le Canada contre la transmission de ces maladies figurant sur la liste de l'OIE. La diarrhée épidémique porcine, ou DEP, ne se trouve pas sur cette liste. Il ne s'agit pas non plus d'une maladie à déclaration obligatoire à l'échelon fédéral. La gestion de cette maladie relève de l'autorité des provinces et nos homologues provinciaux ont très bien géré les épisodes de DEP au Canada.

Initialement, quand l'émergence de DEP a eu lieu aux États-Unis, les producteurs manitobains se sont inquiétés de l'utilisation d'eau recyclée pour nettoyer les camions du côté américain de la frontière à deux postes frontaliers du Manitoba. On s'est alors interrogé sur la capacité de gérer efficacement le virus au moyen d'eau recyclée.

Compte tenu de cette incertitude scientifique, l'agence a accepté de mettre en place un protocole provisoire dont vous avez parlé, qui faisait en sorte que le nettoyage des camions avait lieu du côté canadien de la frontière.

Parallèlement, nous avons entrepris de mener des recherches scientifiques sur l'utilisation d'eau chaude recyclée. Nous avons ensuite fondé nos décisions sur les résultats de cette étude, qui ont révélé qu'aucune preuve n'indiquait que l'eau recyclée n'était pas efficace, pourvu qu'on l'utilise correctement, c'est-à-dire que la température de l'eau soit de plus de 60 degrés et qu'on utilise un désinfectant adéquat après le nettoyage.

C'est pourquoi nous avons levé le protocole provisoire. Nous avons accordé à l'industrie une période de transition se terminant le 2 mai dernier pour lui permettre de se réadapter aux exigences réglementaires existantes.

C'est là la pratique courante et la raison pour laquelle le protocole provisoire a été levé. On l'avait mis en place en raison de l'incertitude sur le plan scientifique, mais on l'a supprimé après que l'étude eut confirmé l'efficacité du processus existant. Je tiens à souligner que l'émergence, cette année, de cas de DEP après le retour aux exigences réglementaires existantes est inquiétante et que le Manitoba gère bien la situation. Toutefois, jusqu'à maintenant — et je signale que l'enquête se poursuit —, rien ne prouve que ces cas soient liés au transport par camion.

Nous verrons quelle sera la suite des choses, tout en faisant un suivi auprès de nos homologues du Manitoba et en collaborant étroitement avec eux. Cependant, je voudrais ajouter que quatre cas de DEP ont été signalés au Manitoba pendant la période où le protocole provisoire était en vigueur. Le transport par camion n'est pas le seul facteur de risque. Nous tenons compte de tous les faits lorsque nous prenons nos décisions.

La sénatrice Tardif : Je vous remercie de cette explication. Je ne suis pas certaine que l'industrie du porc au Manitoba soit vraiment rassurée et vous pourriez avoir du travail à faire pour lui expliquer qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter.

M. Mayers : Je suis tout à fait d'accord. Nous collaborons étroitement avec l'industrie et nous sommes sensibles au fait qu'elle est plus rassurée si le nettoyage des camions est effectué au Manitoba. Les installations de nettoyage de cette province sont excellentes et les gens les connaissent bien. Cependant, notre intérêt envers les maladies va bien au-delà de la DEP et l'importance de prendre des mesures de biosécurité le plus tôt possible nous porte à croire que le cadre réglementaire actuel est essentiel.

Nous sommes toutefois conscients que la science évolue sans cesse. Une initiative a donc été mise sur pied pour étudier le transport d'animaux en Amérique du Nord dans une perspective de biosécurité. Le Conseil canadien des médecins vétérinaires en chef, c'est-à-dire le vétérinaire en chef du Canada, procède actuellement à cet examen en collaboration avec l'ACIA et les médecins vétérinaires en chef provinciaux de tout le Canada pour formuler des recommandations qui pourraient entraîner des changements au cadre réglementaire actuel.

La sénatrice Merchant : J'ai une question à propos de la mention du pays d'origine sur l'étiquette. Est-ce que c'était un problème qui concernait seulement les États-Unis ou avez-vous le même problème avec d'autres pays? Je sais que la question est réglée avec les États-Unis, mais l'exigence est-elle encore en vigueur?

M. Seppey : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. C'était un problème propre aux États-Unis, causé par la manière dont était conçue la mention obligatoire du pays d'origine sur l'étiquette. Plusieurs pays ont adopté des mesures visant la mention obligatoire ou volontaire du pays d'origine sur les étiquettes. L'Australie en est un exemple, mais les mesures qu'elle a adoptées n'ont pas encore suscité le même genre d'inquiétudes.

Les réserves que nous éprouvions à l'égard de l'étiquetage du pays d'origine provenaient de l'effet discriminatoire de facto qu'a eu cette mesure sur nos producteurs de porc et de bœuf. Nous avons attendu et travaillé avec Affaires mondiales Canada et d'autres partenaires de l'industrie. Il fallait étudier la question avec beaucoup de soin. Avant d'entreprendre un litige, il faut épuiser tous les autres recours. Nous avons entrepris ce litige avec prudence et il visait les caractéristiques spécifiques de la mesure adoptée par les États-Unis.

En décembre dernier, les États-Unis ont abrogé certaines exigences législatives qui entraînaient de la discrimination et ont modifié la réglementation en conséquence en mars. À l'heure actuelle, les exigences discriminatoires n'y sont plus. C'est très positif. Nous sommes heureux de ce changement.

Le Congrès songe à réintroduire certains éléments. C'est pourquoi j'ai mentionné dans ma déclaration liminaire que nous suivons de très près ce qui se passe à Washington par l'entremise de notre ambassade, ainsi que par contact direct, pour nous assurer que les éléments discriminatoires des mesures COOL ne reviennent pas de façon détournée.

La sénatrice Beyak : Vous nous avez présenté de façon très détaillée tout le travail que vous faites avec la Chine, Israël, l'Inde, les États-Unis et l'Union européenne. Vous avez mentionné quelques préoccupations concernant le Japon. Je me demande où nous en sommes dans nos négociations avec ce pays.

Mme Hillman : Merci pour votre question. Le Canada avait amorcé des négociations bilatérales avec le Japon avant notre participation au Partenariat transpacifique. C'était en mars 2012. Il y a eu sept cycles de négociations et le dernier a eu lieu en 2014. À ce moment-là, nous étions en négociations bilatérales avec le Japon, en plus de négocier avec ce pays à la table du Partenariat transpacifique. Nous avons donc convenu avec eux de nous concentrer sur les négociations du PTP.

De toute évidence, les négociations avec le Japon sont terminées et nous nous préparons maintenant pour la deuxième étape du processus du PTP, soit la ratification par tous les pays, y compris nous, et l'engagement dans nos processus intérieurs.

La question est maintenant de savoir ce qu'il adviendra de nos négociations bilatérales avec le Japon. La réponse, c'est que nous examinons la situation, nous en parlons avec le Japon et nous étudions des façons de procéder. C'est une relation très importante, particulièrement sur le plan de l'agriculture, mais aussi dans d'autres domaines. Nos économies sont complémentaires sous plusieurs aspects. La question est donc à l'étude et nous travaillerons avec notre gouvernement et avec les Japonais pour déterminer quelles seront les prochaines étapes.

La sénatrice Beyak : Merci. Là encore, nous sommes entre bonnes mains.

Le vice-président : Pour terminer, je veux parler rapidement de l'approbation des pesticides. Le 5 mai 2016, le comité a entendu M. Craig Hunter, conseiller en recherche auprès de l'Association des fruiticulteurs et des maraîchers de l'Ontario, qui a déclaré que « les producteurs horticoles canadiens sont menacés de ruine si les propositions actuelles touchant la réévaluation de huit fongicides sont mises en œuvre conformément à la version qui a été publiée ». Il craignait, de plus, que ces propositions aient été préparées de façon hâtive.

Quelques questions rapides. Que répondent Santé Canada et l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, l'ARLA, à ces critiques? Si les huit fongicides sont réévalués, l'industrie horticole canadienne en a-t-elle d'autres à sa disposition? Selon vous, la décision de l'ARLA concernant les huit fongicides désavantage-t-elle les produits horticoles canadiens sur le marché mondial?

Vous pensiez peut-être que nous allions vous épargner, aujourd'hui.

M. Flint : Pour donner une réponse générale, le Canada réévalue les pesticides homologués au moins tous les 15 ans, pour s'assurer qu'ils respectent toujours les normes en vigueur pour les évaluations scientifiques.

Depuis quelque temps, nous rendons des décisions pour terminer certaines réévaluations qui traînent depuis longtemps. Nous avons publié des propositions de décisions, notamment pour certaines réévaluations dont M. Hunter parlait et pour lesquelles nous avons soulevé des préoccupations en raison du manque d'information. Nous proposons des décisions pour finaliser les réévaluations, de manière à ce que le dossier ne traîne pas trop longtemps.

La période de consultation permet aux intervenants de fournir des renseignements additionnels qui nous aident à prendre des décisions éclairées. Je ne co4nnais pas les caractéristiques particulières de ces huit pesticides ni les solutions de rechange possibles ou leurs répercussions, mais les intervenants ont l'occasion de participer au processus. C'est pourquoi nous tenons des consultations concernant les décisions de réévaluation.

Le vice-président : Merci beaucoup. Merci à vous quatre. La réunion a été très productive. C'est parce que vous étiez les bonnes personnes à inviter. Vous avez été très communicatifs. Nous aimons cela.

De plus, si, une fois partis, vous pensez à quelque chose que vous aimeriez nous dire, je vous encourage à nous envoyer vos commentaires par l'intermédiaire de notre greffier. Nous voulons profiter de vos connaissances et de votre expertise. Nous vous encourageons à continuer de surveiller notre étude et à nous faire part de tout commentaire que vous jugerez pertinent. Merci à tous.

(Le comité s'ajourne.)

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