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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 22 - Témoignages du 7 février 2017


OTTAWA, le mardi 7 février 2017

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 h 8, afin de poursuivre son étude sur l'acquisition des terres agricoles au Canada et ses retombées potentielles sur le secteur agricole.

Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour à tous. Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je suis le sénateur Maltais, du Québec. Je suis le président du comité. Avant de commencer, je vais demander à mes collègues de se présenter à tour de rôle.

Le sénateur Mercer : Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Woo : Sénateur Woo, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Beyak : Sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario.

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Le comité poursuit son étude sur l'acquisition des terres agricoles au Canada et ses retombées potentielles sur le secteur agricole.

Aujourd'hui, nous allons entendre, par vidéoconférence, l'honorable Alan McIsaac, ministre de l'Agriculture et des Pêches du gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard, ainsi que M. John Jamieson, sous-ministre du même ministère. Messieurs le ministre et le sous-ministre, je vous souhaite la bienvenue. J'espère que vous avez un exposé à nous présenter avant que nous passions à la période de questions.

Alan McIsaac, ministre de l'Agriculture et des Pêches, gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard : Bonjour. En effet, nous pourrions tout d'abord vous présenter notre exposé, puis enchaîner avec la période de questions, si cela vous convient.

Le président : Parfait.

M. McIsaac : Nous vous remercions de nous donner cette occasion de vous parler aujourd'hui des fluctuations de la valeur des terres agricoles à l'Île-du-Prince-Édouard. J'aimerais également vous faire part de certaines idées envisagées par la province pour s'assurer que les terres agricoles demeurent entre les mains des agriculteurs et pour aider les jeunes agriculteurs à entrer dans l'industrie.

Dans un premier temps, j'aimerais vous donner un aperçu du secteur agricole de l'Île-du-Prince-Édouard et du rôle qu'il joue dans l'économie de la province.

L'économie de l'Île-du-Prince-Édouard est liée de très près aux secteurs primaires de l'agriculture et de la pêche, l'agriculture étant notre principal moteur économique. Selon le dernier Recensement de l'agriculture, on compte 1 495 exploitations agricoles dans la province, dont 602 ont un chiffre d'affaires de plus de 100 000 $. Il y a 596 000 acres en exploitation et, au cours des quatre dernières années, les ventes annuelles à la ferme variaient entre 466 et 496 millions de dollars.

Même si la production de pommes de terre est encore prédominante à l'Île-du-Prince-Édouard, nous voyons de plus en plus de diversité au sein de l'industrie. Dans le secteur de l'élevage, les secteurs laitier et bovin sont très vigoureux, mais on y fait aussi l'élevage de porcs, de moutons et de volailles, ainsi que la production d'œufs. Pour ce qui est des cultures, sachez qu'on cultive des céréales et des oléagineux et, depuis peu de temps, des fèveroles et des pois. Les acres de cultures vivaces, telles que les pommes, les bleuets en corymbe et les bleuets nains, connaissent une progression importante.

En 2015, les exportations internationales de l'Île-du-Prince-Édouard se chiffraient à plus de 1 milliard de dollars; la valeur de nos échanges commerciaux avec le reste du Canada a dépassé les 1,4 milliard de dollars; et les produits agroalimentaires représentent environ 50 p. 100 de toutes les exportations de la province.

Comme vous le savez sans doute, la valeur des terres agricoles s'est accrue au cours des dernières années au Canada. L'Île-du-Prince-Édouard a également suivi cette tendance, mais pas au même rythme que certaines provinces. La valeur moyenne des terres agricoles canadiennes a augmenté de 10,1 p. 100 en 2015, après avoir progressé de 14,3 p. 100 en 2014 et de 22,1 p. 100 en 2013. De façon générale, la valeur nationale moyenne n'a pas cessé de croître depuis 1993. À l'Île-du-Prince-Édouard, la valeur moyenne des terres agricoles a augmenté de 8,5 p. 100 en 2015, après des gains de 9,3 p. 100 en 2014 et de 4,4 p. 100 en 2013.

De 2006 à 2010, la valeur des terres agricoles de l'Île-du-Prince-Édouard a diminué. Pendant ces années, les agriculteurs de la province ont également enregistré des revenus négatifs ou stagnants. En revanche, à partir de 2010, le secteur agricole a connu une croissance, ce qui a donné lieu à une augmentation de la valeur des terres agricoles. L'année 2013 a été une année record pour les revenus agricoles à l'Île-du-Prince-Édouard, et en 2014, la province a connu la plus forte augmentation de la valeur de ses terres agricoles.

Bien qu'on n'ait pas encore les données de 2016, on prévoit une autre augmentation de la valeur des terres agricoles. Cette croissance est attribuable non seulement aux rendements élevés obtenus en agriculture, mais aussi à la concurrence pour l'acquisition des terres agricoles. On a remarqué un grand intérêt de la part des agriculteurs amish et mennonites qui ont quitté l'Ontario pour venir s'établir à l'Île-du-Prince-Édouard. On ressent une certaine pression de la part des exploitations agricoles en expansion et d'une communauté de moines taïwanais de plus en plus nombreuse qui achète des terres agricoles sur l'Île.

Compte tenu de sa taille et de son histoire en matière de propriété foncière, l'Île-du-Prince-Édouard a adopté une loi, la Lands Protection Act, qui offre une certaine protection relativement à l'acquisition des terres. Cette loi vise à réglementer les droits de propriété dans la province, particulièrement la superficie des terres que peut détenir une personne ou une société. Cette loi sur la protection des terres réglemente la superficie des terres que peut posséder respectivement une personne ou une entreprise — c'est-à-dire 1 000 ou 3 000 acres de terres arables. Elle réglemente également la superficie des terres que peut posséder un non-résident.

Cette loi établit également les lignes directrices relatives à la publicité. Ces lignes directrices ont pour but de donner aux personnes et aux sociétés résidentes la possibilité d'acquérir des terres dans la province. Pour réaliser cet objectif, les terres doivent être annoncées adéquatement sur le marché immobilier local pendant une durée de temps raisonnable avant qu'une personne ou une société non-résidente puisse l'acquérir, conformément aux dispositions des articles 4 et 5 de la Lands Protection Act. Le but de ces lignes directrices est de s'assurer que les personnes et les entreprises résidentes savent qu'une terre est à vendre et qu'elles ont la possibilité de rivaliser avec d'autres concurrents pour l'acheter.

Cette loi est administrée par un organisme indépendant, la Island Regulatory and Appeals Commission.

En novembre 2012, la province de l'Île-du-Prince-Édouard a mis sur pied une commission d'enquête chargée d'examiner la Lands Protection Act et a nommé M. Horace Carver à titre de commissaire. M. Carver a tenu des audiences partout dans la province et a recueilli les témoignages de nombreux agriculteurs et organisations, qui ont tous soulevé les problèmes liés à la propriété foncière.

Dans son rapport final, M. Carver a recommandé de maintenir les limites actuelles. Il a toutefois prévu certaines exemptions concernant les terres non arables. Les propriétaires fonciers peuvent exclure jusqu'à 400 acres, et les sociétés, un maximum de 1 200 acres. Autrement dit, quelques recommandations générales ont été faites, mais l'esprit de la loi a été maintenu.

J'entends souvent des préoccupations concernant la difficulté des jeunes agriculteurs à acquérir des terres et à faire carrière dans le secteur agricole. Notre province a tenté d'y remédier dans le cadre de notre Programme pour la relève en agriculture. Ce programme s'est avéré très efficace et aide les nouveaux agriculteurs de l'Île-du-Prince-Édouard à connaître du succès en agriculture. Le programme offre du mentorat, du perfectionnement des compétences, de la planification d'entreprise et un programme de remboursement des intérêts. Nous avons actuellement 237 clients actifs, dont 65 sont nouveaux dans le domaine de l'agriculture et ne sont pas issus d'un milieu agricole ou n'ont pas grandi sur une ferme. De plus, sur les 237 clients, 43 sont des femmes.

L'Île-du-Prince-Édouard a également mis en œuvre le Programme de financement des terres agricoles. Ce programme est offert aux agriculteurs admissibles, nouveaux et en expansion, ou à ceux qui participent à la relève des terres agricoles de l'Île-du-Prince-Édouard. Dans le cadre de ce programme, on consent des prêts aux exploitants agricoles d'un montant allant de 90 à 100 p. 100 du prix d'achat d'une terre agricole, d'une superficie maximale de 150 acres, ou de 80 p. 100 jusqu'à un maximum de 450 acres. Ce programme s'applique uniquement aux terres arables.

J'espère que je vous ai fourni des renseignements qui vous seront utiles, et John et moi serons heureux de discuter de cet enjeu avec vous et de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur McIsaac.

Le sénateur Mercer : Merci, monsieur le ministre, d'être ici aujourd'hui. Nous vous sommes très reconnaissants du temps que vous nous accordez. Je m'intéresse à votre Programme pour la relève en agriculture. Vous avez nommé trois éléments. Vous avez mentionné le mentorat et le perfectionnement des compétences, mais j'oublie le troisième.

M. McIsaac : La planification d'entreprise et le remboursement des intérêts.

Le sénateur Mercer : Oui, la planification d'entreprise. Je considère toutefois qu'il manque un élément important. Tout au long de votre exposé, vous n'avez jamais parlé d'argent. Pourtant, le coût élevé des terres est la principale difficulté à laquelle sont confrontés les gens qui veulent se lancer dans le secteur agricole. Si on achète une ferme déjà existante, évidemment, l'exploitant actuel voudra toucher suffisamment d'argent pour pouvoir prendre sa retraite, ce qui veut dire qu'il ne vendra pas son exploitation au rabais. Le coût sera très élevé. Comment un jeune agriculteur peut- il obtenir les capitaux nécessaires?

M. McIsaac : Tout d'abord, il faut se pencher sur la taille de ces exploitations agricoles. Il ne s'agit pas toujours d'immenses exploitations. Je vais vous donner un exemple. Il y a un couple qui a déménagé dans la province : l'homme venait de Calgary, et sa femme, de la Saskatchewan. Ils ont acheté une petite terre dans la région de Hope River et y ont établi une exploitation maraîchère. L'homme gère toujours son entreprise de Calgary par Internet, mais ils voulaient s'établir ici et cultiver leurs produits. Ils ont commencé par une très petite superficie. Ils ne voulaient pas trop s'endetter, alors ils sont venus dans la province, et nous leur avons fourni l'aide dont ils avaient besoin. Nous les avons aidés à élaborer un plan d'entreprise, avant qu'ils investissent trop d'argent, pour déterminer ce qu'ils voulaient réellement, quelles étaient les conditions du marché et ce que notre ministère pouvait faire pour eux.

Notre ministère n'offre pas de financement — cela relève d'un autre ministère —, mais nous pouvons les orienter dans cette direction. Le Programme de financement des terres agricoles a été mis en place il y a deux ou trois ans justement pour aider les jeunes agriculteurs à démarrer leur entreprise. C'est pourquoi nous pouvons financer 90 à 100 p. 100 de la valeur d'une terre, et ce, jusqu'à un maximum de 150 acres.

Il y a deux femmes qui se sont lancées dans l'agriculture dans la région de Kensington. Elles ont acquis une acre et demie. Elles cultivent un petit jardin maraîcher et fournissent des paniers de produits frais. Tous les jeudis, elles proposent un assortiment de produits frais agricoles, selon ce qui est mûr à ce moment-là. Je crois qu'elles ont un chiffre d'affaires de 80 000 $ par année. Elles vendent leurs produits aux marchés agricoles de Charlottetown et de Summerside.

Comme vous pouvez le constater, on ne parle pas toujours d'énormes superficies ou d'un haut niveau d'endettement, mais nous sommes là pour les aider à y arriver.

Bien entendu, lorsque les enfants d'agriculteurs veulent reprendre la ferme familiale, que ce soit une exploitation laitière, porcine ou peu importe, nous voulons les aider à élaborer leur plan d'entreprise et à prendre la relève de l'exploitation.

Le sénateur Mercer : Quel est le coût moyen d'une acre à l'Île-du-Prince-Édouard?

M. McIsaac : En ce moment, cela varie entre 2 500 et 3 500 $ de l'acre, ce qui est intéressant, parce que John et moi avons visité certaines fermes amish à Milllbank, au nord de Kitchener et Waterloo, dans la région de St. Jacobs. Si je ne me trompe pas, la valeur des terres allait de 20 000 à 25 000 $. Les agriculteurs ont déménagé ici et ont acheté les terres qui étaient disponibles. Ils sont venus ici parce qu'ils ne pouvaient pas prendre de l'expansion là-bas. Les terres étaient déjà acquises, alors ils ont déménagé ici. Ils ont vendu leurs terres 20 000 à 25 000 $ l'acre et en ont acquis ici pour 2 500 à 3 500 $ l'acre. Ils font un très bon usage de ces terres. Ce sont des gens fantastiques, et nous sommes très heureux de les compter parmi nous.

Le sénateur Mercer : Vous avez également dit, au début de votre exposé, qu'il y avait certaines restrictions quant à la propriété foncière à l'Île-du-Prince-Édouard, mais je ne vous ai pas entendu dire le nombre d'acres qu'un non-résident pouvait posséder, à moins que j'aie manqué cette information.

M. McIsaac : Tout d'abord, il faut présenter une demande au conseil des ministres pour acquérir une terre de plus de cinq acres, et ce n'est pas facile d'obtenir son approbation. Vous pouvez acheter un lotissement pour chalet.

En ce qui concerne les exploitations agricoles, les terres doivent d'abord être annoncées sur le marché immobilier local pour s'assurer que les gens de la région ont la priorité. Conformément au rapport de M. Carver, un agriculteur local peut posséder 1 000 acres de terre arable, et une entreprise peut en posséder 3 000. Cependant, toute terre qui s'étend au-delà de 5 acres doit d'abord être approuvée par l'Island Regulatory and Appeals Commission. Le dossier est ensuite renvoyé au conseil des ministres, qui pourra donner son accord, pourvu que les gens de la région sachent qu'une terre est à vendre et aient la priorité pour l'acquérir.

Le président : Monsieur le ministre, avant de poursuivre avec nos questions, permettez-moi de vous présenter les autres membres du comité.

[Français]

Le sénateur Pratte, du Québec, le sénateur Duffy, de l'Île-du-Prince-Édouard, la sénatrice Gagné, du Manitoba, et le sénateur Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Ogilvie : Monsieur le ministre, j'aimerais revenir aux questions du sénateur Mercer sur les restrictions au droit de propriété, mais tout d'abord, je dois dire que je suis très impressionné par un chiffre d'affaires de 80 000 $ pour une acre et demie. C'est un très bon rendement. J'espère que tous les agriculteurs de l'Île-du-Prince-Édouard pourront obtenir ce type de rendement.

Ensuite, sachez que vous avez une magnifique province, et à ma connaissance, la terre y est plutôt fertile. De plus, faire l'acquisition d'une terre à 2 500 ou 3 500 $ l'acre semble être une bonne affaire. Je vais y revenir plus tard, mais tout d'abord, j'aimerais m'assurer de bien comprendre comment vous vous y êtes pris pour imposer aux non-résidents des restrictions au droit de propriété.

D'après ce que je comprends, il n'y a aucune limite quant à la superficie totale appartenant à des non-résidents. Je ne parle pas ici du nombre d'acres par personne non résidente; je parle de la superficie totale que possèdent des non- résidents à l'Île-du-Prince-Édouard. Y a-t-il une limite dans la province concernant la superficie totale de terres qui peut appartenir à des personnes qui sont non-résidentes?

M. McIsaac : Oui. À l'heure actuelle, il y a des secteurs où des non-résidents ne peuvent pas acheter de terres. Lorsque des acquisitions sont soumises à l'approbation de l'IRAC et que 30 p. 100, par exemple, des rives ou d'une région donnée de l'Île-du-Prince-Édouard appartiennent à des non-résidents, aucun autre propriétaire non-résident ne sera autorisé à acheter des terres dans cette région.

C'était rendu au point où — et le sénateur Duffy le sait très bien — un grand nombre de terres littorales étaient achetées par des Américains, des non-résidents, tous des gens bien qui venaient ici et qui reconnaissaient, tout comme vous, que c'était une région magnifique et voulaient y rester. Cependant, nous devons accorder la priorité à nos résidents et à l'agriculture, alors nous avons décidé d'imposer une limite de 30 p. 100. Dès que le seuil de 30 p. 100 est atteint, peu importe qui vous êtes, vous ne pouvez pas acheter de terres dans cette région.

Le sénateur Ogilvie : S'agit-il de 30 p. 100 de la superficie totale des terres d'un secteur?

M. McIsaac : Oui.

Le sénateur Ogilvie : D'accord. Ce n'est donc pas en fonction du rivage ou de quelque chose du genre. Vous parlez bel et bien de la superficie totale?

M. McIsaac : Tout à fait.

Le sénateur Ogilvie : La raison pour laquelle je pose ces questions, c'est qu'au fil des ans, en tant que résident de la Nouvelle-Écosse, je me suis intéressé à la réglementation et aux questions entourant la propriété foncière à l'Île-du- Prince-Édouard et dans les provinces avoisinantes, et j'ai cru comprendre qu'il y avait divers règlements en vigueur.

Je comprends d'après votre réponse qu'il y a des parties, des comtés ou des districts de l'Île-du-Prince-Édouard qui établissent une limite quant au nombre de terres que peuvent posséder les non-résidents que vous venez de décrire. Vous nous avez donné l'exemple d'un district, mais il y en a d'autres.

M. McIsaac : Je vais vous donner quelques exemples : la région de Point Prim, qui est une sorte de péninsule, est déjà occupée au maximum. Une autre région au large de la rive nord, près de St. Peter's, qui s'appelle Goose River, est aussi occupée au maximum et il y en a d'autres; lorsqu'on atteint la limite de 30 p. 100, il faut se déplacer en amont ou dans les terres.

Le sénateur Ogilvie : Donc ces limites existent, mais d'après vos exemples, les restrictions sur l'Île-du-Prince- Édouard ne dépassent jamais 30 p. 100? Vous avez utilisé 30 p. 100 à titre d'exemple; je présume donc que c'est la restriction maximale dans tous les districts de l'Île-du-Prince-Édouard?

M. McIsaac : C'est le maximum, pour le moment. Certaines régions avaient atteint ce pourcentage avant que les limites ne soient mises en place, mais c'est la limite actuelle. C'est la norme maintenant.

Le sénateur Ogilvie : Merci beaucoup. Je comprends mieux la situation.

Je voulais revenir à la question de la valeur à l'acre, qui me semble fort raisonnable et intéressante pour les gens qui veulent exploiter une ferme, comme vous l'avez dit.

Vous l'avez peut-être dit dans votre exposé, mais pourriez-vous nous donner une idée de la qualité des terres agricoles de l'Île-du-Prince-Édouard? On nous a dit qu'on utilisait divers termes pour décrire la qualité de terres fertiles. Pourriez-vous nous donner une idée de l'échelle de fertilité des terres agricoles de l'Île-du-Prince-Édouard?

M. McIsaac : Il n'y a pas de terre no 1 à l'Île-du-Prince-Édouard. D'après ce que je comprends, on retrouve ces terres — de moindre qualité — en Ontario, mais nos terres sont très fertiles. Nous avons divers types de terres, qui varient du loam sableux au loam argileux, dans l'ensemble de la province. Tout cela a été recensé et quiconque achète une terre peut consulter la banque de données et savoir exactement de quel type de terre il s'agit, que ce soit une terre arable, une terre marécageuse, une terre boisée ou un autre type de terre. Nous avons des données complètes sur presque chaque acre de la province.

Personne n'achètera une terre sans prendre des mesures de diligence raisonnable. Les acheteurs potentiels peuvent trouver tous les renseignements sur les terres qui les intéressent.

John Jamieson, sous-ministre, ministère de l'Agriculture et des Pêches, gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard : J'aimerais ajouter une chose : notre ministère offre également un programme de contrôle de la qualité des terres. Nous recensons toutes les terres de l'Île-du-Prince-Édouard et tous les trois ans, nous procédons à un échantillonnage dans chaque région pour évaluer la qualité de la terre, pour voir l'état de la matière organique, pour déterminer le degré...

M. McIsaac : ... d'érosion du sol.

M. Jamieson : ... d'érosion du sol. Depuis les 20 dernières années, nous effectuons aussi le suivi de nos sols. Les sols limoneux-sableux sont sujets à l'érosion. Nous arrivons à contrôler la qualité de nos sols.

Le sénateur Ogilvie : Merci beaucoup; c'est excellent.

Ma dernière question est la suivante : en ce qui a trait à vos cultures principales, notamment votre fameuse pomme de terre, quel est votre rendement par acre, comparativement à une terre de même qualité dans une autre province, comme la Nouvelle-Écosse ou l'Ontario, par exemple? Quel est votre rendement par acre comparativement à d'autres cultures identiques?

M. McIsaac : Je crois que nos cultures sont très similaires en termes de volume. Leur qualité est exceptionnelle, mais je crois que c'est aussi grâce à nos agriculteurs. Ils contrôlent très bien leurs champs.

John a parlé du travail de conservation des sols réalisé par l'entremise de notre ministère. Nous travaillons avec les agriculteurs. Ils veulent s'assurer que leurs sols ne soient pas soulevés ou érodés. Ils investissent des sommes importantes dans les programmes d'implantation de voies d'eau gazonnée ou de bermes pour conserver leurs sols parce qu'ils savent que leurs revenus en dépendent.

Nos terres produisent de très bonnes cultures, mais je crois que le travail des agriculteurs y est pour beaucoup; nous cultivons des produits de grande qualité, que ce soit des pommes de terre, des haricots ou d'autres produits comme notre gazon. Je lève mon chapeau à nos agriculteurs qui font preuve d'une grande diligence et qui veillent à la conservation des terres agricoles. C'est la base de nos revenus.

Le sénateur Ogilvie : Je suis d'accord avec vous. J'espérais avoir une réponse quantitative, à des fins de comparaison.

M. McIsaac : Notre saison commence deux semaines après celle des régions de la vallée, mais je crois que nous pouvons leur faire concurrence.

M. Jamieson : Pour vous donner un exemple, la production de pommes de terre Russet Burbank est de l'ordre de 350 à 400 quintaux par acre, ce qui est tout à fait comparable à la production de cette pomme de terre au Manitoba. Pour les cultures d'orge, c'est autour de deux tonnes par acre, ce qui est probablement légèrement inférieur à la production dans l'Ouest canadien, mais comparable à celle de la région de l'Atlantique. La production de soya est d'environ 0,8 à 1 tonne par acre, ce qui est tout à fait comparable aux autres provinces et même peut-être légèrement plus élevé. Le rendement du maïs est à peu près le même dans l'ensemble de la région de l'Atlantique... moins à Terre- Neuve, mais certainement dans les Maritimes.

[Français]

Le président : Si vous me le permettez, j'aimerais vous poser une petite question. Monsieur le ministre, l'Île-du- Prince-Édouard est un lieu chargé d'histoire qui attire le tourisme. Moi-même, avec ma famille, j'y suis allé à plusieurs reprises. Les gens sont très accueillants et l'endroit est très joli. Non seulement les pommes de terre, mais le poisson font l'envie de bien des gens.

La réglementation liée à l'installation des infrastructures le long de la mer relève-t-elle de la municipalité, du gouvernement ou des deux? Les hôtels, les motels et les restaurants sont construits sur des terres agricoles, ou des terres qui ont le potentiel de l'être. Existe-t-il une réglementation spéciale?

[Traduction]

M. McIsaac : Pour construire un immeuble, il faut un permis, et je le sais parce que je les vois passer par le cabinet. Chaque demande montre l'utilisation de la terre au cours des cinq dernières années. Ainsi, si la terre a été utilisée à des fins agricoles au cours des cinq dernières années ou plus, nous en tenons compte et nous préférons ne pas utiliser les bonnes terres arables pour construire des hôtels ou des centres de villégiature. Il faut prendre cela en compte lorsque la terre change de propriétaire et passe d'un type de revenus à un autre.

M. Jamieson : Monsieur le sénateur, il y a aussi un programme de désignation des terres à des fins agricoles, une politique de notre loi sur la protection des terres, qui désigne les terres agricoles. De plus, nombre de nos collectivités sont dotées de plans officiels dans lesquels elles désignent les terres agricoles, qui doivent conserver leur titre à moins qu'on ne fasse une demande à cet égard, qui ferait l'objet d'un examen.

Le sénateur Woo : Merci, messieurs le ministre et le sous-ministre, de témoigner devant le comité aujourd'hui. J'ai une question au sujet du Programme pour la relève en agriculture. Ce qui m'intrigue, c'est que près du quart des participants n'a aucune expérience en agriculture. Je me demande quels sont les obstacles à l'acceptation des candidats au programme. Est-ce que n'importe qui peut faire une demande?

M. McIsaac : En 2015, le Programme pour la relève en agriculture a accepté 55 nouveaux candidats, et 41 d'entre eux n'avaient aucune expérience en agriculture. Les 14 autres étaient des enfants de fermiers qui prenaient la relèvent de la ferme familiale, mais 41 candidats n'avaient aucune expérience dans le domaine. C'est pour cela que nous avons mis sur pied le Programme pour la relève en agriculture, et nous les aidons à élaborer un plan d'affaires, à trouver un prêt à faible intérêt... nous leur offrons toute l'aide dont ils ont besoin.

Notre ministère offre aussi un programme pour les futurs pêcheurs. Nous aidons les jeunes agriculteurs et pêcheurs à faire leur place dans le domaine parce que l'agriculture et les pêches sont les deux principales industries dans notre province et nous voulons qu'elles continuent de l'être. Pour ce faire, il faut laisser la place aux jeunes.

Le sénateur Woo : Je ne me souviens pas quand le programme a été lancé. Est-ce qu'il existe depuis assez longtemps pour que vous puissiez en évaluer l'efficacité?

M. McIsaac : Oui. Nous avons fait des évaluations et nous sondons les participants. Ils nous disent comment nous pouvons améliorer le programme ou le modifier pour aider les nouveaux participants. Nous évaluons constamment le programme et nous continuerons de le faire. Les rétroactions sont très bonnes.

M. Jamieson : Monsieur le sénateur, nous effectuons aussi un suivi des participants au programme afin de voir s'ils continuent de travailler dans le domaine de l'agriculture. Je ne veux pas avancer de chiffre, mais je crois qu'environ les trois quarts des participants ont travaillé dans le domaine pendant au moins cinq ans après avoir terminé le programme; c'est donc une belle réussite.

Nous jumelons aussi ces gens avec certains spécialistes de notre ministère. Par exemple, si une personne s'intéresse à la production de bétail, nous allons l'aider en la jumelant avec notre spécialiste en la matière. Si une personne s'intéresse aux cultures agricoles, nous la jumellerons à notre spécialiste des cultures. Nombre des nouveaux participants s'intéressent à la culture biologique ou locale et nous avons aussi des spécialistes dans ce domaine.

Le sénateur Woo : Merci beaucoup. C'est très encourageant. En gros, si on veut être agriculteur, c'est possible avec le bon soutien et la bonne formation, même sans aucune expérience.

J'aimerais poser une deuxième question au sujet de votre référence intrigante aux moines taïwanais. Pourriez-vous nous parler d'eux et nous dire ce qu'ils font? J'ai entendu parler d'eux, mais j'aimerais connaître votre point de vue et surtout savoir comment ils ont été accueillis dans votre région.

M. McIsaac : Ils sont arrivés dans la province il y a cinq ou six ans. Ils se sont installés à l'extrémité est de la province et y ont acheté des terres. Ils ont cherché une place au Canada — je crois qu'ils étaient en Colombie- Britannique avant — et ont décidé de s'installer à l'Île-du-Prince-Édouard. L'abbesse est tombée sous le charme de l'Île-du-Prince-Édouard. Les moines ont acheté des terres ici et sont prêts à les louer. Ils font un peu d'agriculture et s'intéressent beaucoup à l'agriculture biologique.

Ils ont une école où ils forment les moines ou les jeunes hommes et ils construisent présentement un monastère dans la région de Heatherdale; ils achètent aussi des terres près du monastère. Ils ont aussi un endroit pour les religieuses à Ewing, mais ils construisent un nouvel immeuble à Brudenell qui leur sera consacré.

Certains habitants de la région s'inquiètent de les voir acheter les terres et ne pas les utiliser à leur plein potentiel, mais je crois qu'ils veulent une parcelle de terre où ils pourront vivre dans une certaine intimité.

Ce sont des gens extraordinaires. Nous avions un ranch de bisons qui n'était pas dans une bonne situation; ils ont repris le ranch et s'occupent de tous les bisons. Ils ont aussi une écurie qui accueille les chevaux à la retraite. Ce sont des gens très pacifiques. Ils ouvrent les portes de leur monastère une ou deux fois par année pour montrer aux habitants de la région ce qu'ils y font.

Par exemple — et étant moi-même producteur laitier, je suis très heureux de voir une telle utilisation du beurre —, ils ont une collection extraordinaire d'objets d'art fabriqués avec du beurre. C'est impressionnant. Il se passe donc de belles choses là-bas.

La présence de ces moines a stimulé l'économie de cette partie de l'île et les membres de la collectivité — les menuisiers, les plombiers, les électriciens, les mécaniciens et autres — sont très heureux parce qu'ils ont relancé une économie qui était peut-être au ralenti à certains endroits.

M. Jamieson : Monsieur le sénateur, les Taïwanais sont aussi propriétaires d'une chaîne d'épiceries dans leur pays, Leezen. Ils achètent des produits biologiques de l'Île-du-Prince-Édouard et les exportent à Taïwan. Ils ont aussi ouvert un magasin de produits biologiques à Charlottetown.

Le sénateur Woo : Merci.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à vous, monsieur le ministre et monsieur le sous-ministre. J'ai deux courtes questions à vous poser. Ma première question est la suivante : avez-vous une idée du taux d'abandon des fermes familiales en raison d'un manque de relève?

[Traduction]

M. McIsaac : Ce qui est problématique, c'est que les agriculteurs sont de plus en plus âgés, mais cela est compensé en partie par l'accroissement des fermes agricoles locales, par le Programme pour la relève en agriculture et par l'arrivée des communautés amish et mennonites.

Nous avons parlé des non-résidents. Vous pouvez acheter une ferme si vous devenez résidents, et c'est ce que nous encourageons. Vous pouvez venir vous installer ici avec votre famille. Vous pourrez ainsi acheter des terres parce que vous résiderez dans la province.

C'est ce qu'ont fait les communautés amish et mennonites. De nombreux agriculteurs ne peuvent pas compter sur leurs enfants pour assurer la relève; ils étaient très heureux de voir la communauté amish exploiter la ferme et cultiver la terre. Ce n'est peut-être plus une ferme familiale, mais au moins, elle continue d'être exploitée.

Les amish souhaitaient acheter 100 acres environ. C'est ce qu'ils voulaient : une maison et 100 acres. C'est incroyable de voir toutes les améliorations qu'ils ont apportées aux fermes de la région. Par exemple, ils ont récupéré une étable dans la région de Summerville, près de l'autoroute no 3 entre Charlottetown et Montague. La fondation était presque complètement détruite; il ne restait que les coins. Ils ont soulevé cette vieille étable et ont coulé une fondation. Le champ avant n'avait pas été labouré depuis longtemps parce qu'il y avait une zone humide et on ne pouvait pas y utiliser la machinerie lourde. Ils ont attelé trois chevaux et ont labouré ce champ qui n'avait pas été labouré depuis 40 ans selon eux. Les automobilistes s'arrêtaient le long de la route pour voir ce qui se passait et les amish ont réussi non seulement à entretenir les fermes, mais à les ressusciter dans une certaine mesure.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J'ai une autre courte question. Lorsqu'un agriculteur veut céder ou vendre ses installations à ses enfants, évidemment, la question du financement entre en jeu. Cela, nous avons pu le constater un peu partout au pays. Pouvez-vous nous dire avec quelle facilité ou avec quelle difficulté les jeunes de la relève peuvent faire financer leurs projets à l'Île-du-Prince-Édouard?

[Traduction]

M. Jamieson : Sénateur, à l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons un programme de financement des terres agricoles, le Farmland Financing Program, et cela se fait par une société d'État, soit Finance PEI. Dans ce cas, nous pouvons offrir de 90 à 100 p. 100 du financement pour les nouveaux agriculteurs ou même les agriculteurs actuels qui veulent emprunter pour acheter jusqu'à 150 acres de terres. Si l'agriculteur veut avoir un plus grand terrain, et acheter jusqu'à 450 acres, la somme que nous lui prêtons peut représenter jusqu'à 80 p. 100 des coûts. Le montant requis pour l'achat de ces terres est très peu élevé, et nous encourageons les gens à utiliser le programme.

De plus, Financement agricole Canada, qui a des dossiers très actifs ici à l'Île-du-Prince-Édouard, offre des programmes qui sont conçus pour les jeunes agriculteurs.

Nous incitons aussi les agriculteurs à regarder le programme de la LCPA, le programme de la Loi canadienne sur les prêts agricoles, dont les prêteurs sont les banques. Ce programme de prêts est couvert à 100 p. 100 par Agriculture Canada et administré par nos banques à charte. Il y a donc un certain nombre de possibilités offertes aux agriculteurs qui veulent accéder à des terres, particulièrement aux jeunes.

De plus, dans le cadre de notre programme pour la relève en agriculture, le Programme pour la relève en agriculture, nous offrons une bonification d'intérêt tous les ans, de sorte que les gens empruntent à un taux d'intérêt très bas et le montant requis est très peu élevé. Certains programmes aident les agriculteurs. De plus, la valeur de nos terres est nettement inférieure à celles de l'Ouest canadien, de la Colombie-Britannique, de l'Ontario et même du Québec. Encore une fois, cela aide nos agriculteurs à se lancer.

M. McIsaac : Si le financement agricole a été mis en place, c'est entre autres parce que des agriculteurs l'ont demandé, et il en est de même pour la Fédération de l'agriculture. Je sais que dans ma circonscription, une personne voulait prendre sa retraite, mais il y avait très peu de fonds et elle ne voulait pas vendre à quelqu'un qui ne reprendrait pas la production de pommes de terre. Elle avait besoin de deux ou trois garçons qui voulaient poursuivre les activités, et donc, dans le cadre du programme, il est possible de vendre une partie de sa propre terre au programme de financement des terres agricoles, le Programme de financement des terres agricoles, à un faible taux d'intérêt, de garder les terres de l'exploitation et d'obtenir un peu d'argent pour prendre sa retraite et laisser la prochaine génération assumer les responsabilités.

C'est l'une des choses qu'il nous faut vraiment faire, car certains agriculteurs veulent prendre leur retraite et des jeunes veulent s'occuper eux-mêmes des exploitations agricoles. Ce programme fonctionne depuis deux générations.

Le sénateur Duffy : Je souhaite la bienvenue à nos deux témoins. Comme vous l'avez entendu, chers collègues, nous sommes très fiers de l'industrie agricole de l'Île-du-Prince-Édouard et des choses novatrices qui s'y produisent, depuis l'époque du plan de développement rural des années 1960 qui a permis le regroupement des terres, et cetera. La gestion des exploitations agricoles à l'Île-du-Prince-Édouard a été une priorité de différents gouvernements successifs de la province depuis 50 ou 60 ans.

Ce que j'aimerais que nos témoins expliquent au comité, entre autres, c'est de quelle façon, par l'innovation et les nouvelles technologies, les terres agricoles qui n'étaient pas considérées comme de bonnes terres pour la culture des pommes de terre ou d'autres cultures courantes ont été converties pour d'autres types de cultures. Je pense aux activités à Kensington, où l'on écrase les graines pour les transformer en parfums et en crème, par exemple. Pourriez-vous en dire un peu plus à ce sujet? Cela montre à quel point chaque bout de terres dans la province est bien utilisé, même les terres qui n'étaient pas considérées comme étant cultivables au cours des dernières années.

M. McIsaac : Je lève mon chapeau à nos agriculteurs. Ils cherchent des façons novatrices d'augmenter leurs profits, et les oléagineux sont un excellent exemple. Les légumineuses, qui sont de plus en plus populaires maintenant, sont un exemple. Nous cultivons le soja sur environ 60 000 acres. Nous n'en cultivions pratiquement pas jusqu'à il y a 10 ans. C'étaient des pommes de terre, de l'orge et du foin, dans cet ordre. Les agriculteurs se rendent compte maintenant que d'autres cultures peuvent leur permettre de faire un peu plus d'argent. Peut-être que cela étend notre rotation des cultures également, ce qui améliore les choses pour l'exploitation et nous permet de mettre plus d'argent dans nos poches.

Aujourd'hui, deux agriculteurs sont venus à mon bureau. Ils pensaient à ce qu'ils pouvaient produire pour un autre pays. Ils regardaient du côté des Caraïbes, une histoire vraiment intéressante. Ce sont de jeunes personnes tellement novatrices et dégourdies qui se penchent sur des choses comme celles-là et qui veulent tirer le maximum de leurs terres. Nous sommes tellement loin de la situation d'il y a quelques années — pommes de terres, orge, foin — que les choses s'annoncent vraiment intéressantes et passionnantes pour les années à venir.

M. Jamieson : Sénateur Duffy, nous constatons également que les cultures vivaces suscitent un assez grand intérêt présentement, et ces cultures sont pour la plupart d'une grande valeur. Il y a les pommes Honeycrisp, qui poussent bien à l'Île-du-Prince-Édouard, et certains de nos agriculteurs se tournent vers la culture de bleuets en corymbe. Concernant ces bleuets, ils sont arrivés à comprendre les aspects génétiques; ils mûrissent un peu plus tard dans l'année, de sorte que les cultures de la Colombie-Britannique et du Michigan sortent avant celles de l'Amérique du Sud, et elles arrivent sur ce marché lorsqu'il y a un besoin de bleuets en corymbe, et ils peuvent obtenir un prix considérable pour ce produit.

Certains de nos agriculteurs s'intéressent maintenant à la culture des asperges. Je sais que des terres en forte pente ont été converties pour la culture des noisettes, et il y a des gens qui examinent la possibilité de cultiver des variétés de cerises sur l'Île-du-Prince-Édouard. Les agriculteurs diversifient de plus en plus leurs activités et utilisent la terre à leur avantage plutôt que d'essayer de la modeler pour ce dont ils ont besoin.

Je crois qu'il y a beaucoup de changements novateurs. Notre ministère soutient beaucoup la recherche, et nous fournissons des fonds à l'industrie, en fait, pour l'embauche de coordonnateurs de recherche qui collaborent avec les agriculteurs.

Le sénateur Duffy : Y a-t-il quelque chose que l'administration fédérale peut faire?

M. McIsaac : Nous sommes très choyés que le ministre fédéral de l'Agriculture, Lawrence MacAulay, ait entre les mains les légumineuses ici, à l'Île-du-Prince-Édouard, et que nous puissions collaborer très étroitement avec lui, ce qui nous réjouit. Nous sommes vraiment enthousiastes de voir ce qui ressortira du PCS ou du programme Cultivons l'avenir 3, pour aider nos jeunes agriculteurs et favoriser des idées novatrices. Je sais qu'il y a un volet sur les changements climatiques également.

Vous savez, nous ne sommes pas toujours à la recherche d'argent non plus. Je crois qu'aucun agriculteur ne veut vraiment cela, et on le constate avec tout le travail qu'ils ont effectué pour conserver le sol agricole. Nous en avons parlé plus tôt. Ils sont certainement prêts à investir leur propre argent.

Ils aimeraient vraiment que l'administration fédérale les aide à ouvrir les portes aux Caraïbes ou à certains des autres marchés. Nous sommes sur la côte Est, directement sur la côte de l'Atlantique. Nous pouvons exporter des cultures n'importe où dans le monde. Nous sommes allés en Chine en novembre dernier pour examiner des possibilités pour des produits là-bas. Nous sommes allés au salon des produits de la mer.

Il y a le bœuf Wagyu et nous pouvons mener des activités dans notre usine ici à Borden, et nous avons la certification pour cela également maintenant. Il y a donc une autre grande occasion d'aider nos agriculteurs à faire de l'argent.

Or, pour ce qui est de faire preuve d'innovation — et bon nombre d'agriculteurs le font —, des gens de la Chine viennent au pays. Un autre groupe viendra au Canada d'ici deux ou trois mois pour voir notre usine de transformation du bœuf et nos animaux. Ils veulent les voir sur place, et c'est très excitant, mais il faut que le gouvernement ouvre les portes.

Nous avions aussi l'exemple d'un producteur laitier qui voulait expédier du bétail vivant au Pérou. À l'heure actuelle, les frontières du Pérou sont fermées en raison de la crise de l'ESB il y a quelques années, et il ne les a jamais rouvertes. J'ai soulevé la question lors de la première rencontre des ministres, ou de la rencontre des ministres à Calgary, pour que nous examinions la possibilité d'ouvrir les portes. Il semblait qu'on avait oublié cela. Nous pourrions envoyer des embryons là-bas, mais pas du bétail vivant.

Ce sont d'autres aspects sur lesquels le gouvernement fédéral peut nous aider. Il ne s'agit pas toujours d'une question d'argent. Il y a le côté diplomatique également. Lawrence nous aidera du mieux qu'il peut, et nous apprécions toute aide que le comité sénatorial permanent peut nous fournir à cet égard également.

[Français]

Le président : Monsieur le ministre, vous avez parlé de différents marchés. Quels sont les pays ou les provinces près de chez vous où vous exportez le plus? Au Québec, on connaît entre autres la pomme de terre Cavendish, qui est cultivée dans votre province. Comment faites-vous pour assurer un certain équilibre? Le commerce se fait-il entièrement à l'extérieur du Canada ou se fait-il en partie au Canada?

[Traduction]

M. McIsaac : Nous vendons beaucoup de produits dans les provinces canadiennes et dans les États de la côte Est américaine également, et ce sont des marchés importants pour nous, mais nous ouvrons des marchés en Asie. Le premier ministre organise une autre mission commerciale en Asie en mars, je crois, pour y ouvrir des marchés.

Lorsque nous étions au salon des produits de la mer de Qingdao, en Chine, certaines personnes cherchaient à ouvrir un marché, mais il y a 1,4 milliard de personnes là-bas pour le déjeuner, le dîner et le souper — faites le calcul. Nous exportons un million de livres de homards en Chine à l'heure actuelle, et pour ce qui est des huîtres, au salon des produits de la mer, quelqu'un pouvait établir des contacts avec une personne, qui aurait pu prendre tous les produits qu'il avait. Ce n'est qu'un exemple. Les gens là-bas recherchent la qualité et un approvisionnement stable, et nous croyons pouvoir très bien respecter ces deux critères, mais le marché chinois est énorme. Nous aimerions en obtenir une partie, et nous continuerons d'examiner la situation.

Il y a tellement de possibilités, et nous continuerons de travailler là-dessus. Nous augmenterons bien sûr le nombre de missions commerciales que nous effectuons, mais nous accroîtrons nos activités dans de petits secteurs également, et nous devons diversifier nos activités, comme l'a dit le sénateur Duffy. Nous devons faire plus d'argent avec chaque acre, et nous ne pouvons pas continuer à faire ce que nous avons fait pendant des années avec la rotation des cultures — pommes de terre, orge et foin. On espère avoir un bon prix pour les pommes de terre parce qu'on ne fera pas d'argent avec l'orge et qu'on a besoin du foin pour la rotation des cultures. Cette autre façon de procéder étendait la rotation des cultures, ajoutait de nouveaux marchés et de nouvelles cultures que nous produisons. Nous avons certainement augmenté les résultats pour nos entreprises et les profits des agriculteurs.

M. Jamieson : Pour ce qui est de la ventilation concernant les exportations, notre province compte 150 000 habitants, et le commerce est donc extrêmement important. Si vous regardez où nous expédions nos produits, environ la moitié des produits que nous vendons sont envoyés à l'étranger; les États-Unis représentent environ 60 p. 100 du marché et les pays européens et asiatiques, le reste. De plus, environ 1,4 milliard de dollars de produits, environ 50 p. 100 de ce que nous expédions, est vendu au Canada, dont une bonne partie au Québec et en Ontario.

Nous avons également des produits spécialisés. ADL est notre coopérative laitière, et je crois qu'environ 80 p. 100 du fromage feta qui est consommé au Canada est produit ici, à l'Île-du-Prince-Édouard.

[Français]

Le président : Merci infiniment, monsieur le ministre. J'aimerais vous poser une dernière question. Vous avez commencé à cultiver la fameuse pomme Honeycrisp. C'est un produit très recherché, particulièrement au Québec, surtout que la Nouvelle-Écosse n'en produit pas suffisamment. Vous auriez un marché très accueillant au Québec pour cette pomme dont les enfants raffolent, y compris les adultes.

[Traduction]

M. McIsaac : Le groupe ici a cultivé des pommes sur environ 160 acres il y a deux ans, et 70 acres l'an dernier. Il comptait cultiver 1 000 acres de pommes en utilisant quatre cultures différentes, mais Honeycrisp est certainement l'une des quatre premières sur la liste, et il s'attend à en retirer une bonne culture cette année et d'en cultiver davantage par la suite. Si le sénateur Ogilvie a besoin de pommes dans la vallée ou au Québec, nous serons ravis de lui en fournir.

La sénatrice Beyak : Merci, messieurs. Ce sont de bonnes pommes. Vous pouvez en envoyer à Dryden également.

Le président de la Fédération de l'agriculture a comparu devant notre comité, et il a parlé d'un barème d'impôt que la province peut mettre en place, et je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus à ce sujet; c'est pour les nouveaux agriculteurs, pour encourager la production.

M. Jamieson : Je suis désolé; cela ne nous a pas encore été présenté, et je n'ai vraiment aucune information à ce sujet. S'agit-il de l'Île-du-Prince-Édouard ou de la Nouvelle-Écosse?

La sénatrice Beyak : De l'Île-du-Prince-Édouard. Il a parlé d'un barème progressif d'impôt visant à encourager le développement agricole.

M. Jamieson : Cela ne nous a pas encore été présenté

La sénatrice Beyak : Merci.

Le président : Je vous remercie beaucoup, monsieur le ministre et monsieur le sous-ministre.

[Français]

Votre témoignage nous sera d'une grande utilité dans la production de notre rapport. Il est très important pour nous de connaître l'opinion de la relève agricole et de savoir comment vous contribuez à cette dernière ainsi qu'à l'acquisition des terres agricoles. De grâce, protégez l'Île-du-Prince-Édouard, parce que c'est un bijou du Canada; c'est la verte province. Merci infiniment, monsieur le ministre. Nous aurons certainement l'occasion de nous parler de nouveau au cours des prochains mois.

[Traduction]

M. McIsaac : Merci beaucoup de nous avoir donné la possibilité de comparaître devant vous. Si jamais l'occasion se présente, j'invite le comité sénatorial à venir à l'Île-du-Prince-Édouard pour voir les choses directement. Nous vous ferons visiter nos cultures et voir les changements qui se produisent sur l'île. Nous sommes extrêmement fiers de ce que font nos agriculteurs.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur André Pratte (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le président suppléant : Honorables sénateurs, le comité entendra maintenant les témoignages de nos prochains témoins, qui comparaissent par vidéoconférence. Ils représentent le British Columbia Agriculture Council. Nous accueillons, Mme Lynda Atkinson, membre de la commission, et M. Martin Rossmann, membre.

Merci d'avoir accepté notre invitation. J'invite maintenant les témoins à présenter leur exposé. Je crois que c'est vous, madame Atkinson, qui allez le faire, n'est-ce pas?

Lynda Atkinson, membre de la commission, British Columbia Agriculture Council : Oui, je vais commencer. Comme vous pouvez le constater, ma voix est un peu éraillée. Martin présentera l'exposé également.

Le président suppléant : Bien. Par la suite, nous vous poserons des questions. Allez-y, s'il vous plaît.

Mme Atkinson : Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de nous donner l'occasion de comparaître devant vous et de vous présenter le point de vue du British Columbia Agriculture Council sur la valeur des terres agricoles et leur acquisition.

J'ai invité Martin Rossmann à se joindre à nous aujourd'hui. Il est un membre respecté du comice agricole local et a occupé des fonctions au sein des associations locale, provinciale et fédérale des éleveurs de bovins. Martin fait de l'élevage sur le bord de la belle rivière Quesnel et élève du bétail de race limousine, des chevaux canadiens et des porcs de pâturage.

Reg Ens, le directeur général du B.C. Agriculture Council, se joindra à nous cet après-midi, de Langley.

Je viens d'une famille qui pratique l'élevage. Nous élevons des bovins Simmental, des chevaux standardbred, et je suis membre du conseil de Horse Council BC, du B.C. Agriculture Council et de la Fédération canadienne de l'agriculture.

Le British Columbia Agriculture Council est une organisation agricole générale qui représente 26 associations de producteurs spécialisés en Colombie-Britannique. Nous représentons des exploitations agricoles, grandes et petites, de la province, qui produisent plus de 96 p. 100 des ventes à la ferme.

Depuis le début de votre étude, vous avez eu droit à de nombreux témoignages qui montrent bien à quel point cet enjeu peut être complexe. Nous voulons y ajouter le point de vue des agriculteurs de la côte Ouest.

Martin Rossmann, membre, British Columbia Agriculture Council : Avant d'entrer dans le vif du sujet, nous devons nous demander quel est notre objectif pour ce qui est des terres agricoles au Canada. Voulons-nous produire des aliments bon marché? Désirons-nous veiller à ce que les générations futures puissent continuer à assurer une partie de l'apport alimentaire des Canadiens par leurs activités de récolte et d'élevage? Cherchons-nous à optimiser la transformation des produits alimentaires? Ou souhaitons-nous nous assurer que nos collectivités rurales demeurent saines et diversifiées? Nous visons sans doute une combinaison de tous ces objectifs.

Nous croyons pour notre part qu'il faut faire en sorte que les terres agricoles soient accessibles dès maintenant et pour les générations futures d'agriculteurs aux fins d'une exploitation durable grâce à des activités de récolte et d'élevage produisant des aliments sains et favorisant le dynamisme des collectivités locales.

Je veux aussi qu'il soit bien clair que l'agriculture est une activité commerciale. Il y a bien des gens qui développent une passion pour l'alimentation et qui apprécient pouvoir contribuer à la production alimentaire. Nous encourageons ces gens-là et nous tenons à les mobiliser, mais il ne faut pas perdre de vue que l'agriculture doit aussi être une source de revenu pour les familles en milieu rural. C'est bien davantage qu'un simple passe-temps pour les amants des espaces verts.

Nous aimerions d'abord vous donner une idée de la situation des terres agricoles en Colombie-Britannique.

En survolant notre province, vous pouvez constater facilement que son relief est très montagneux avec quelques plateaux formés par l'action glaciaire, une petite portion du nord des Prairies et un grand delta à l'embouchure du fleuve Fraser. L'adoption de l'Agricultural Land Commission Act en 1972 a mené à l'établissement d'une réserve pour la préservation des terres agricoles. On retrouve la plus grande partie de ces terres dans les mêmes fonds de vallée où les gens veulent habiter, où passent les corridors de transport et où l'industrie doit se développer. La concurrence pour l'accès à ces terres est donc féroce. Si l'on n'avait pas protégé les terres agricoles en créant cette réserve, la situation de l'agriculture en Colombie-Britannique serait nettement différente. Je dirais même qu'elle ne serait plus qu'une fraction de ce qu'elle est aujourd'hui.

À l'heure actuelle, la réserve de terres agricoles couvre 5 p. 100 du territoire de la province. Selon certaines estimations, seulement 2,7 p. 100 de ces terres sont propices à différentes récoltes et 1 p. 100 peuvent être considérées comme des terres agricoles à fort rendement, soit celles que l'on retrouve à l'embouchure du fleuve Fraser, dans la vallée du bas Fraser et dans la vallée de l'Okanagan.

Grâce aux changements climatiques et aux nouveaux procédés agricoles, de plus en plus de terres peuvent être considérées comme propices à certaines cultures. À Quesnel, les activités de culture et d'élevage génèrent actuellement plus d'une centaine de variétés différentes de produits dans une région que plusieurs considèrent comme la capitale forestière du Canada.

À la suite de modifications récentes, notre réserve de terres agricoles est maintenant scindée en deux zones définies en fonction des conditions de culture, de la nature des sols et des pressions démographiques. Dans la zone 1, qui regroupe les vallées du Fraser et de l'Okanagan, les règles de développement sont demeurées à toutes fins utiles inchangées, alors qu'elles ont été quelque peu assouplies dans la zone 2. Ces changements ont bénéficié à l'industrie du pétrole et du gaz dans la région de Peace River et permis la création d'un plus grand nombre d'établissements vinicoles et de petites entreprises appartenant aux agriculteurs. La loi est complexe et nous n'avons pas le temps d'en traiter aujourd'hui, mais disons simplement qu'elle limite le développement sur les terres agricoles autant qu'il est possible de le faire par la voie des politiques.

La réserve a permis de protéger d'importantes quantités de terres agricoles, mais tout n'est pas parfait. Après de nombreuses années d'application déficiente de la réglementation, les gens ne voient plus l'intégrité de la réserve du même œil. Si ton voisin enfreint impunément les règles, tu peux fort bien te dire que tu peux en faire tout autant. Les gens ont encore l'impression qu'il est possible, pourvu d'y mettre le temps et les efforts nécessaires, d'affranchir une terre de la protection offerte par la réserve. La spéculation continue donc d'avoir un rôle à jouer.

La plus grande partie du territoire de la Colombie-Britannique appartient à la Couronne. Les terres de la Couronne comptent en effet pour environ 94 p. 100 du territoire de la province. À cela s'ajoute un autre 1 p. 100 qui est administré par la Couronne fédérale, y compris les territoires des Premières Nations, les terres de la Défense et les ports fédéraux. Les terres appartenant à des intérêts privés comptent pour environ 5 p. 100 du territoire. La plupart des terres incluses dans la réserve de terres agricoles appartiennent à la Couronne. Comme vous pouvez le constater, on peut considérer que le schéma d'utilisation des terres agricoles est plutôt complexe dans notre province.

Mme Atkinson : La commission des terres agricoles régit l'utilisation des terres dans la réserve, mais ce sont les administrations municipales qui sont responsables de l'aménagement du territoire à l'échelon local. Ces petites guerres territoriales font en sorte que les municipalités se livrent concurrence entre elles pour les projets de développement et qu'il y a dédoublement des services. Une approche régionale plus globale permettrait d'agir de façon plus stratégique et intégrée aux fins de l'aménagement du territoire.

Les agriculteurs ne travaillent pas en vase clos. Les fournisseurs, le secteur des services et les transformateurs font également partie du réseau agroalimentaire. Lorsqu'une municipalité change le zonage d'un secteur industriel pour permettre le développement résidentiel et commercial, toutes ces entreprises qui appuient les agriculteurs doivent se tourner vers des terres agricoles productives pour trouver un nouvel emplacement.

Un peu moins de la moitié des exploitations agricoles en Colombie-Britannique génèrent des revenus bruts de moins de 10 000 $. Nous sommes favorables aux entreprises de toute taille et nous souhaitons encourager les agriculteurs débutants, mais il demeure difficile de considérer bon nombre de ces exploitations comme des entreprises commerciales. En se limitant à 2 500 $ en revenu brut, le propriétaire d'une exploitation rurale peut réduire considérablement les impôts fonciers qu'il doit payer à la municipalité. Nous devons nous assurer que les politiques fiscales et les programmes agricoles vont tous dans le même sens de manière à appuyer l'agriculture, et notamment les nouveaux agriculteurs, tout en protégeant les terres agricoles.

Il a beaucoup été question dans vos délibérations du phénomène des terres agricoles appartenant à des intérêts étrangers. C'est une situation qui est peut-être favorable à la création d'emplois, mais il faut tout de même s'assurer que les intérêts étrangers sont conformes aux nôtres. Nous y reviendrons d'ailleurs tout à l'heure.

Cela nous ramène à ce que je disais au sujet de la nécessité d'élaborer une politique agroalimentaire à long terme suffisamment claire pour le Canada.

M. Rossmann : L'augmentation de la valeur des terres agricoles fait partie du plan d'affaires et de relève de bon nombre d'agriculteurs. On a toujours estimé que cet accroissement de la valeur allait servir de fonds de retraite. Ce modèle fonctionne pour autant que la valeur économique de la terre, c'est-à-dire le revenu généré par l'entreprise qui l'exploite, est liée à sa valeur sur le marché.

Dans bien des secteurs de la Colombie-Britannique, la valeur des terres sur le marché a peu à voir avec leur valeur économique. La plupart des agriculteurs se livrent à la spéculation foncière parallèlement à leurs activités de culture ou d'élevage.

Il faut absolument que les politiques gouvernementales encouragent une exploitation active des terres agricoles. Des programmes ou des mesures incitant les propriétaires à louer leurs terres aux agriculteurs de la prochaine génération contribueraient à l'intégration de ces derniers.

La rentabilité commerciale est essentielle, mais une certaine surveillance doit s'exercer à cet égard. J'aimerais vous parler brièvement en terminant de la conjoncture communautaire et des effets possibles de la formule d'acquisition des terres sur nos modes de vie.

Il y a d'abord une tendance au regroupement des fermes, un problème qui touche également les Prairies. Nous en avons d'excellents exemples ici même en Colombie-Britannique. Le propriétaire américain du Douglas Lake Ranch, la plus grande ferme d'élevage au Canada, a acquis plusieurs autres grands ranchs de la région. Il y a aussi une autre entreprise dont les activités d'élevage s'étendent maintenant sur une superficie de 250 000 acres. Elle appartient à une société d'investissement.

Nous ne connaissons pas encore les effets qu'auront ces acquisitions d'importance sur l'économie locale. Nous suivons toutefois la situation de près pour évaluer les répercussions sur notre coopérative de vente aux enchères du bétail. Il est très rare que les propriétaires de ces grandes exploitations aient besoin de joindre les rangs de nos regroupements locaux pour l'achat de fournitures agricoles ou de fourrages; ils ont généralement les reins assez solides pour s'approvisionner directement là où ils le souhaitent.

On observe par ailleurs en Colombie-Britannique que certaines terres de la réserve servent à l'accumulation de crédits de carbone soit pour le marché du carbone lui-même ou simplement pour gagner la confiance du public. Ainsi, une entreprise étrangère a récemment acquis plusieurs milliers d'acres d'une terre très propice à la culture de la luzerne dans la réserve des terres agricoles. Elle y a creusé avec de l'équipement lourd des tranchées de un à deux pieds de profondeur pour y planter des arbres. Il faudra sans doute attendre des siècles pour que cette terre puisse être utilisée de nouveau aux fins de l'agriculture. Cette activité contraire à la réglementation établie pour la réserve a provoqué une levée de boucliers qui a obligé l'entreprise à interrompre son projet. Voici d'ailleurs ce qu'on peut lire à ce sujet sur son site web :

Nous nous sommes toujours efforcés d'agir en bons voisins. Nous comprenons que les priorités en matière d'utilisation des terres sont en pleine évolution en Colombie-Britannique. En conséquence, nous avons fait une pause dans notre programme en 2015, question de bien évaluer la situation. Dans le cadre de cet examen approfondi, nous avons consulté les intervenants locaux afin de déterminer comment le programme RB's Trees for Change pourrait continuer de contribuer à améliorer le sort de la collectivité.

Nous risquons de continuer à perdre des terres agricoles, car comme c'est le cas presque partout ailleurs au Canada, la Colombie-Britannique ne fait pas le suivi de l'acquisition de ces terres, tant par des citoyens canadiens que par des intérêts étrangers. Plus de 30 000 acres ont ainsi été perdus malgré la création de la réserve visant à protéger ces terres aux fins de l'agriculture. Il faut engager des coûts considérables pour pouvoir exercer une surveillance appropriée en la matière et les gouvernements provinciaux ne disposent tout simplement pas des capacités technologiques nécessaires à cette fin.

En Colombie-Britannique, on vient à peine d'amorcer le suivi de la propriété étrangère dans la région métropolitaine de Vancouver, mais je peux vous assurer que le phénomène de l'acquisition de terres agricoles par des intérêts étrangers est tout aussi marqué et guidé par des visées spéculatives. Il est peut-être judicieux du point de vue économique pour une entreprise étrangère d'acheter toutes ces terres pour y planter des arbres, mais c'est néfaste pour la communauté locale. On a commencé à voir apparaître des affiches « Défense de passer » des barrières partagées ont été verrouillées; toutes les infrastructures, y compris les maisons, ont été enlevées ou tout au moins fragmentées en parcelles si petites qu'il n'était plus possible d'en tirer sa subsistance. Fini donc les familles, les enfants, le bétail, le foin et les collectivités locales qui doivent composer avec une réduction de l'impôt foncier.

Plutôt que d'accueillir plusieurs éleveurs ayant chacun de 200 à 300 têtes de bétail qui achètent de l'équipement et appuient les coopératives locales, ces terres qui ne permettront plus de production agricole de notre vivant ni du vivant de nos enfants sont utilisées pour la captation du carbone alors même que les données scientifiques indiquent que cette captation se fait plus efficacement avec des terres fourragères qu'avec des plantations. Nous avons ces grandes superficies de terres forestières qui doivent être gérées et reboisées, mais il est beaucoup moins coûteux de détruire toutes ces bonnes terres pour le pâturage et le foin.

L'accès à des aliments sains et à de l'eau potable est la nouvelle devise pour la classe moyenne en pleine croissance à l'échelle planétaire. La Colombie-Britannique soutient être le meilleur endroit où l'on puisse vivre, et il est difficile d'affirmer le contraire. Partout dans le monde, on en est conscient et on ne manque pas d'affluer chez nous. À bien des égards, c'est une véritable ruée vers l'or dans ce Far West nouveau genre. Des citoyens et des entreprises de nombreux pays investissent dans notre province. Ces vagues d'acquisitions ne datent pas d'hier.

Dans les années 1960, les Américains ont découvert nos merveilleux lacs et ont acheté ou loué autant de terrains que possible autour de ces lacs. Ce fut ensuite le tour des Européens qui appréciaient la distance entre les voisins et le mode de vie libre et décontracté. Voilà maintenant que l'on vient du Moyen-Orient pour trouver chez nous de la paix et de l'eau, ou des produits alimentaires de qualité dans les cas des Asiatiques. En quoi la Colombie-Britannique s'en trouvera-t-elle changée? C'est le temps qui nous le dira, mais les choses évoluent rapidement.

Mme Atkinson : Nous visons donc effectivement à assurer la sécurité alimentaire, à appuyer le secteur de la transformation des aliments et à veiller à ce que nos collectivités rurales demeurent saines et diversifiées. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de discuter de ces enjeux avec vous aujourd'hui et de contribuer à ce débat très important.

Nous devons nous donner une vision à long terme en matière de politique agroalimentaire en misant sur l'importance et la viabilité des terres agricoles de manière à ce qu'elles puissent être exploitées efficacement maintenant et pour les générations futures. Il faut que les activités de culture et d'élevage soient fondées sur des procédés durables pour la production d'aliments sains de telle sorte que les agriculteurs puissent s'intégrer à des collectivités locales dynamiques. Je vous remercie.

Le président suppléant : Merci. Je vois que M. Reg Ens s'est joint à nous. Je vous souhaite la bienvenue. Nous passons maintenant aux questions des sénateurs.

Le sénateur Woo : M. Ens ne doit-il pas d'abord présenter ses observations?

Le président suppléant : Non, ils représentent tous le même groupe. Ils sont prêts à répondre à vos questions.

Le sénateur Woo : Je veux d'abord remercier mes concitoyens de la Colombie-Britannique de nous avoir présenté ce portrait très précis de la situation et d'avoir pris le temps de témoigner devant notre comité relativement à cet enjeu très important. Comme vous l'avez indiqué, c'est une situation très complexe et il y a tellement de questions qui se posent. Il va de soi que je suis d'accord avec vos objectifs de produire des aliments sains pour assurer la sécurité alimentaire tout en appuyant le secteur de la transformation et en veillant à ce que nos collectivités rurales demeurent saines et diversifiées.

Vous avez recensé différents problèmes bien connus qui touchent la réserve de terres agricoles, mais j'ai l'impression que vous avez été plutôt hésitants à proposer des solutions, des réponses ou des recommandations. J'aimerais bien connaître votre point de vue sur les mesures qui devraient être prises afin de mieux appliquer la réglementation relative à la réserve, de faire le suivi des acquisitions par des intérêts de différents pays pour évaluer leur impact différentiel, et peut-être aussi de modifier une partie de la réglementation sur l'utilisation des terres de manière à éviter des problèmes semblables à celui que vous décrivez alors qu'une entreprise a acheté des terres pour le captage du carbone alors que ce n'est pas nécessairement la meilleure façon de le faire. Je vous prie donc de nous faire part de vos idées et solutions.

Mme Atkinson : Je pense qu'il nous faut d'abord et avant tout actualiser nos outils technologiques pour nous permettre de faire le suivi des acquisitions. D'importants efforts sont déployés actuellement en Colombie-Britannique afin de réaliser une cartographie exacte des sols. Nous l'avons déjà fait dans un certain nombre de régions. C'est un autre élément important.

De plus, vous savez sans doute que notre commission des terres agricoles a été restructurée au cours de la dernière année. Un certain nombre de personnes ont ainsi été embauchées pour assurer la surveillance nécessaire.

La situation dont nous vous avons parlé est attribuable à un manque de surveillance. Dans un tel contexte, le gouvernement aurait dû prêter une oreille attentive aux récriminations des citoyens qui ont sonné l'alarme au sujet de ce problème. Il faut dire que cela relève de la province, mais il nous a tout de même fallu cinq ans pour que l'entreprise interrompe ses activités. Nous n'avons pas commencé avec le gouvernement au pouvoir. Cela n'était pas chose possible. Selon moi, on ne devrait pas avoir à attendre cinq ou six ans pour qu'un gouvernement prenne acte de ce qui se passe et décide finalement d'intervenir. Ces délais doivent être raccourcis.

M. Rossmann : J'ajouterais que si l'on veut réduire les risques qu'une telle situation se reproduise, il faut adopter une réglementation obligeant les agents immobiliers à informer les acheteurs potentiels des restrictions applicables aux terres agricoles et des attentes qui s'y rattachent. Je pense que cela contribuerait grandement à éviter des situations semblables.

Par ailleurs, nous parlons sans cesse de terres agricoles, mais je préfère les qualifier de terres de production alimentaire. La sécurité alimentaire est devenue un enjeu majeur pour notre province et pour notre pays. Les terres agricoles, ou terres de production alimentaire, sont une ressource non renouvelable. Il en existe une quantité limitée et notre pays a tout intérêt selon moi à les protéger et à les conserver au bénéfice des Canadiens qui veulent produire des denrées alimentaires pour leurs concitoyens. Je détesterais voir les générations futures devoir se tourner vers les aliments importés simplement parce que nous avons permis que nos terres de production alimentaire soient achetées par des intérêts étrangers. Il arrive que ces acheteurs profitent du financement offert par le gouvernement de leur pays. Une fois qu'ils mettent la main sur ces terres, pensez-vous qu'ils vont être disposés à les céder à des Canadiens?

Le sénateur Woo : Vous avez cité le site web de l'entreprise qui a créé un puits de carbone. J'essaie de lire entre les lignes pour comprendre votre interprétation de cette citation, mais j'en conclus pour ma part que l'entreprise anticipe ou espère que les lois vont changer pour lui permettre de poursuivre l'exploitation de ces terres pour le captage du carbone. C'est ce que vous comprenez également?

Mme Atkinson : Nous avons inséré la citation pour souligner le fait que l'entreprise a marqué une pause, mais n'a pas mis fin à son initiative, et ce, même si on lui a clairement indiqué qu'il était illégal d'utiliser à cette fin des terres incluses dans la réserve de terres agricoles. Nous devons effectivement nous montrer vigilants pour éviter que l'entreprise achète d'autres terres pour les transformer également en plantations.

Le sénateur Oh : Merci à nos témoins. La Colombie-Britannique est notre porte d'entrée vers l'Asie-Pacifique. C'est le seul endroit au Canada d'où l'on peut rejoindre directement l'Asie de l'autre côté du Pacifique. C'est un énorme marché auquel nous pouvons avoir accès. Il faut comprendre que nous accueillons un important afflux d'immigrants en provenance de l'Asie, et notamment de l'Asie du Sud, dont la majorité s'établit en Colombie-Britannique. Bon nombre de ces immigrants choisissent le secteur agricole.

En novembre, j'ai accompagné une délégation en Chine et j'y ai vu de nombreux produits de la Colombie- Britannique, y compris des bleuets. On est capable de vendre des bleuets frais en Chine, et j'y vois un énorme marché et un grand potentiel de culture commerciale pour les agriculteurs locaux.

Pouvez-vous nous parler de cet immense marché que vous avez découvert dans l'Asie-Pacifique?

Mme Atkinson : C'est un marché qui a toujours été là. Je suppose que nous l'avons découvert en raison des négociations commerciales qui ont été entreprises.

Nous voyons certes le Canada comme un pays exportateur de produits alimentaires. Si l'on considère la balance commerciale à l'échelle internationale en matière de sécurité alimentaire, nous serons peut-être en 2020 l'un des deux ou trois seuls pays qui pourront encore exporter leurs produits. Nous voulons certes contribuer à l'alimentation de la planète, cela ne fait aucun doute. Mais nous voulons aussi assurer le maintien de nos collectivités en veillant à ce que la culture canadienne, ou nos façons de vivre, devrais-je dire, se perpétuent. Il ne faut pas se limiter aux aspects financiers de ces ententes, car il y a bien d'autres objectifs que nous avons en tête. C'est important lorsqu'il s'agit de savoir qui sera propriétaire de nos terres.

Je crains par-dessus tout que nous en revenions à une situation de servitude où quelqu'un d'autre — peut-être une entreprise — serait propriétaire des terres que nos agriculteurs pourraient exploiter, mais seulement suivant le bon vouloir du propriétaire. Ce n'est pas la manière dont les Canadiens devraient pouvoir gagner leur vie. Ils devraient pouvoir le faire sur des fermes dont ils sont propriétaires et qu'ils peuvent exploiter à leur guise. C'est tout au moins ce que j'espère pour l'avenir.

Le sénateur Oh : Nous savons qu'environ les deux tiers de notre production doivent être exportés. Nous ne pouvons consommer que de 30 à 35 p. 100 des aliments que nous produisons. Il y a de grands marchés qui s'ouvrent à nous et nous devons pouvoir exporter nos produits. Pouvez-vous nous parler également de la renégociation à venir de l'ALENA?

Mme Atkinson : Eh bien, parlons d'abord du Partenariat transpacifique. Par l'entremise de la Fédération canadienne de l'agriculture, notre conseil a exprimé son soutien au Partenariat transpacifique et à sa mise en œuvre. Avec les nouvelles conjonctures politiques qui ont cours un peu partout sur la planète, nous verrons bien ce qu'il en adviendra.

Il est bien évident que l'ALENA est important pour nous, car plus de 75 p. 100 de nos exportations prennent le chemin des États-Unis. Mais nous tendons la main à l'Asie et à nos autres voisins comme le Mexique pour le cas où il deviendrait impossible d'exporter autant de produits alimentaires vers les États-Unis. Quoi qu'il en soit, nous sommes assurément favorables aux accords commerciaux.

Reg, auriez-vous quelque chose à ajouter?

Reg Ens, directeur général, British Columbia Agriculture Council : J'ajouterais que le commerce est essentiel à notre province. La crainte que l'ALENA soit renégocié et les barrières commerciales phytosanitaires et non tarifaires mises en place par certains de nos partenaires commerciaux sont très problématiques pour nous. Nous sommes reconnaissants envers le gouvernement pour les efforts qu'il déploie pour maintenir les frontières ouvertes et obtenir l'accès à ces pays.

Le sénateur Woo : J'aurais une question complémentaire à vous poser sur l'accès à de nouveaux marchés, notamment en Asie. Pourriez-vous nous parler de l'innovation de produits parmi les membres de votre commission en ce qui a trait aux technologies de transformation des aliments et la création de différents types de produits pour satisfaire aux goûts différents, disons les choses comme elles sont, en Asie, que ce soit le produit final, l'emballage ou la mise en marché, par exemple? Il est clair que les marchés asiatiques sont très différents des marchés américain et européen. J'aimerais savoir ce que font vos membres pour s'adapter à ces nouveaux marchés.

M. Rossman : Je vais répondre. Dans l'industrie bovine, l'Association canadienne des éleveurs de bovins a créé un centre d'excellence, à Calgary, où elle met en vitrine les produits du bœuf, de la récolte de l'animal à la table des consommateurs, en passant par la transformation et la préparation du produit. Il s'agit d'une installation de renommée mondiale. On y retrouve, notamment, des chefs très expérimentés. Les délégations étrangères qui étudient la possibilité de faire des affaires avec l'Alberta et la Colombie-Britannique pour les produits du bœuf sont invitées à venir au centre pour voir ce que nous faisons et goûter nos produits. C'est l'une des initiatives mises de l'avant dans l'industrie bovine.

La Table ronde canadienne sur le bœuf durable collabore avec les consommateurs et le secteur de la restauration afin de démontrer que l'industrie bovine travaille à être plus durable et que l'environnement, la santé des animaux et les soins aux animaux prennent une importance primordiale dans nos pratiques de production. Le Canada assure la direction de la Table ronde mondiale sur le bœuf durable.

Ce sont là quelques initiatives dans le domaine de la production bovine. Lynda pourra peut-être vous souligner d'autres enjeux.

Mme Atkinson : Nous travaillons également en étroite collaboration avec l'ACIA pour simplifier le processus et nous assurer que toutes nos exportations sont exemptes de maladies. Grâce à des relations directes, bon nombre de nos exploitations agricoles peuvent transformer leurs produits sur place ou envoyer leurs produits à des stations d'emballage. Grâce à la RTA, nous pouvons maintenant construire de petites usines de transformation, avec un peu de chance sur un espace non productif de l'exploitation agricole. Il est donc possible de faire la mise en marché des produits dans ces marchés étrangers directement à partir de la ferme.

Comme vous le savez, à Prince George, dans le Nord, la pisciculture gagne en intérêt et nous examinons diverses options pour l'expédition du produit. Pour le moment, les recherches se concentrent principalement sur l'omble chevalier pour le marché asiatique.

Certains de ces grands avions arrivent pleins de cargaisons, mais repartent vides. Notre objectif est d'utiliser davantage ces avions pour expédier nos produits à partir de la Colombie-Britannique vers le marché asiatique.

M. Ens : J'ajouterais deux choses. D'abord, grâce à notre communauté locale très diversifiée, nous disposons déjà d'un marché témoin. Il n'est pas nécessaire pour nous d'avoir accès à un marché étranger pour créer de nouveaux produits. Nous avons amorcé une nouvelle initiative de communication avec notre marché. La relation entre notre industrie et le consommateur s'est brisée ou se dégrade. Nous travaillons avec des chefs, consommateurs et entreprises de transformation d'aliments pour examiner la demande et comprendre l'évolution du consommateur et les occasions qui existent.

Cela dit, au cours des 20 dernières années, la Colombie-Britannique a perdu une grande partie de sa capacité de transformation. Il y a un vide à combler. Puisque nous sommes un petit marché à créneaux, nous n'avons pas les économies d'échelle dont jouissent certains grands secteurs de transformation ou de production, soit l'accès à des entreprises de transformation d'aliments, les premiers destinataires. Nos petites et moyennes exploitations agricoles sont dans la même position. C'est une difficulté que nous devons affronter.

La sénatrice Gagné : Le comité a pour mandat d'examiner l'acquisition des terres agricoles au Canada. L'augmentation des prix pour les terres agricoles est l'un des obstacles que doivent surmonter les acheteurs potentiels. C'est un problème en Colombie-Britannique.

Si je ne m'abuse, l'honorable Norm Letnick a dit que l'augmentation des prix pour les terres agricoles n'était pas nécessairement attribuable aux intérêts étrangers. Selon lui, elle pourrait être attribuable aux faibles taux d'intérêt et aux bonnes recettes de productions végétales. Qu'en pensez-vous?

M. Rossmann : Il a probablement raison. L'acquisition des terres par des intérêts étrangers n'a pas beaucoup d'impact sur le prix des terres agricoles. Le problème, notamment en Colombie-Britannique, c'est que les institutions financières sont frileuses à l'idée de consentir des prêts à des entrants sur le marché du travail pour l'achat d'une exploitation agricole. Par exemple, il serait plus facile pour moi d'obtenir un prêt pour acheter de l'équipement d'exploitation forestière que pour acheter une terre agricole de même valeur. Selon nous, c'est le principal problème.

On entend souvent dire que les gens ne veulent pas se lancer dans l'agriculture, mais c'est faux. De nombreux jeunes s'intéressent beaucoup à l'agriculture; ils se passionnent pour l'agriculture. Mais, ils sont incapables de recueillir les fonds nécessaires pour acquérir une exploitation agricole.

Selon nous, l'un des principaux problèmes est le manque de programmes pour aider les entrants sur le marché du travail, beaucoup plus que l'acquisition des terres par des intérêts étrangers. Dans la plupart des cas, c'est simplement une question de qui a les fonds nécessaires. C'est à ce chapitre que les jeunes d'ici se retrouvent perdants.

La sénatrice Gagné : Nous soumettrons un rapport à la Chambre des communes. Le gouvernement fédéral pourrait- il jouer un rôle dans ce dossier?

Mme Atkinson : Oui. J'essaie de voir, sur le plan stratégique, dans quelle mesure il pourrait aider. Nous examinons le prochain cadre stratégique pour l'agriculture, n'est-ce pas? C'est un domaine dans lequel le gouvernement fédéral fournit de très bonnes orientations aux provinces. Il pourrait faire la même chose avec le secteur financier. Il existe de bons programmes fédéral-provincial qui offrent des garanties pour des prêts.

Ce comité se penche sur le long terme, pas sur le court terme. Il est utile de faire un suivi de la situation au Canada. Par exemple, vous avez maintenant une meilleure idée de la façon dont les gens peuvent acquérir des terres au pays et pouvez voir où des améliorations peuvent être apportées. Je siège également au comité de la FCA sur l'acquisition des terres et il est incroyable de voir à quel point les approches des provinces diffèrent les unes des autres à ce sujet. Il est important, parfois, que quelqu'un supervise le dossier et dise : « Avez-vous pensé à ceci ou à cela? » Croyez-le ou non, nous ne savons pas toujours ce qui se fait dans les autres provinces.

Mais, pour répondre à votre question, oui. Absolument.

M. Ens : Lynda a tout à fait raison en ce qui a trait au cadre stratégique pour l'agriculture. Le gouvernement aurait un rôle de chef de file à jouer dans ce dossier. Il existe une législation fiscale relative à la planification de la relève et des occasions d'encourager les agriculteurs qui partent à la retraite à aider la prochaine génération. Comme le soulignait Martin, il y a certainement des façons de créer des incitatifs pour encourager les agriculteurs à laisser un peu de leur équité dans leur exploitation afin d'aider la prochaine génération plutôt que de tout investir dans les marchés financiers.

Il y a aussi la question des terres de propriété fédérale. Dans les basses-terres continentales, le port de Vancouver est un sujet très litigieux en raison des intérêts concurrentiels qui l'entourent. Comme nous l'avons souligné, les ports sont nécessaires à l'exportation du grain. Nous en sommes conscients. Mais, sur le plan local, on parle ici de certaines de nos terres les plus précieuses qui ne sont pas utilisées pour l'agriculture. Le gouvernement fédéral pourrait certainement faire preuve de leadership et amorcer une discussion nationale sur le sujet.

Le sénateur Duffy : Je tiens à remercier les témoins de leur temps et pour leurs observations.

Je viens de l'Île-du-Prince-Édouard. J'ai été surpris de lire dans votre document qu'environ la moitié des exploitations agricoles en Colombie-Britannique génèrent moins de 10 000 $ en revenus bruts. Vous avez beaucoup de « fermes de plaisance », comme on les appelle en Ontario, et ce genre d'exploitation était la norme sur l'île il y a 50 ou 60 ans. À l'époque, les gouvernements fédéral et provincial ont collaboré afin de créer un fonds permettant la consolidation de ces petites exploitations pour former de grandes exploitations agricoles rentables.

Est-ce une option à l'étude en Colombie-Britannique ou est-ce que les propriétaires de ces petites exploitations, qui à première vue, compte tenu de revenus générés, ne sont pas économiquement viables, ne sont pas intéressés par une possible consolidation?

Qui va dénouer l'impasse? Un de mes collègues prétend qu'ils s'imaginent transformer leur ferme de plaisance en caisse de retraite.

Lynda, pourriez-vous me répondre? Votre commentaire concernant les serfs sur leurs propres terres m'a fait penser à l'Île-du-Prince-Édouard. Autrefois, l'île appartenait à des barons britanniques et ce sont des agriculteurs irlandais qui louaient les terres.

Mme Atkinson : Comme vous le savez peut-être, l'industrie agricole en Colombie-Britannique est très diversifiée, contrairement aux Prairies. Même l'Île-du-Prince-Édouard possède plus de terrains plats que la Colombie-Britannique, disons.

Je me trompe peut-être, mais on compte environ 200 000 de ces fermes de plaisance et 100 000 génèrent des revenus considérables. Parmi les 100 000 autres, beaucoup reposent sur quatre ou cinq acres avec une maison, ce que l'on pourrait considérer, dans certains cas, comme un domaine et non une ferme fonctionnelle; les propriétaires ont peut- être une dizaine de ruches et arrivent à générer les 2 500 $ nécessaires pour être considérés comme une exploitation agricole.

Je ne suis pas convaincue qu'ils cherchent à générer davantage de revenus ou à rentabiliser leur terre. Ils veulent simplement générer suffisamment de revenus pour des raisons fiscales, ce qui inquiète BCAC, car ces fermes sont classées comme des exploitations agricoles, mais, en réalité, elles ne génèrent pas de résultats sur le plan économique.

Dans la vallée du Fraser, il est très important de tirer le maximum des terres. Ce sont nos terres les plus productives, mais ce sont elles également qui font l'objet de plus de spéculation. Ce que vous dites est vrai, sénateur Duffy; les propriétaires de ces terres — elles changent souvent de mains — font leur argent grâce à la valeur de leur terre.

J'ai déjà vécu dans la vallée du Fraser. Il y a 15 ans, nous avons vendu une terre pour 250 000 $. Cette même terre s'est vendue récemment pour 4,5 millions de dollars, et ce n'est pas un prix inhabituel. Les propriétaires font de l'argent, mais ce n'est pas grâce à leurs ruches.

Le sénateur Duffy : Je comprends ce que vous dites. De toute évidence, cette situation cause certaines tensions sociales, car d'un côté, vous avez de vrais agriculteurs qui éprouvent des difficultés, et de l'autre côté, vous avez les propriétaires de ces fermes de plaisance.

Puis-je vous poser une question au sujet de vos exportations? Par le passé, et nous l'avons vécu dans les provinces atlantiques à la frontière avec le Maine, lorsque les producteurs de pommes de terre du Maine étaient un peu irrités, soudainement, nos camions transportant les meilleures pommes de terre au monde, celles de l'Île-du-Prince-Édouard, se faisaient arrêter à la frontière et inspecter sous toutes leurs coutures.

Au cours du dernier mois, environ, avez-vous remarqué un changement dans l'attitude des autorités frontalières américaines à la frontière entre la Colombie-Britannique et les États-Unis, compte tenu des changements survenus à Washington?

Mme Atkinson : Je vais répondre d'abord. Reg aura peut-être des exemples plus récents à vous donner.

Le secteur des pépinières est un bon exemple. Lorsque surviennent des situations aux États-Unis, même s'ils ont été approuvés par l'ACIA, selon les douaniers en poste, nos exportations peuvent être arrêtées et inspectées de nouveau. En vertu de la politique commerciale en vigueur, cette situation n'est pas censée se produire, mais les agents de douane ont le pouvoir d'arrêter les véhicules qu'ils veulent. Dernièrement, bon nombre de nos chauffeurs passent par un poste frontalier différent pour éviter ce genre de situation.

Je n'ai pas d'exemple précis depuis la dernière élection américaine. Reg, vous aurez peut-être quelque chose à partager à ce sujet. Reg est sur la côte. Nous nous sommes éloignés de la côte. Nous sommes dans la région intérieure, donc nos expériences sont différentes.

M. Ens : Pas au cours du dernier mois, sénateur Duffy. La saison des exportations dans le secteur des pépinières ne fait que commencer. Lynda a bien cerné le problème. Ce sont les inspections aléatoires qui causent le plus de problèmes.

Le sénateur Duffy : Mais, ce problème a toujours existé, contrairement à un problème qui s'intensifie un peu. Compte tenu des précipitations de neige que vous avez reçues au cours des derniers jours, j'imagine que vos exportations n'ont pas encore commencé.

M. Ens : Non, je n'ai pas de nouvelles depuis les élections.

La sénatrice Beyak : Merci pour vos exposés. J'aimerais avoir plus de détails sur le code de taxes. Si j'ai bien compris, le gouvernement de la Colombie-Britannique souhaite imposer une taxe plus élevée aux investisseurs qui ne cultivent pas leur terre. Appuyez-vous cette mesure ou auriez-vous quelque chose de mieux à proposer?

Mme Atkinson : Actuellement, dans la région du Grand Vancouver, ces impôts ne s'appliquent pas aux terres agricoles. C'est à l'étude, mais je ne suis pas convaincue qu'il y aura un changement à cet égard.

En ce qui nous concerne, il est tout aussi important de faire un suivi de qui se porte acquéreur des terres et de savoir qui ils sont et ensuite, oui, de s'assurer que ces terres sont utilisées à des fins agricoles. J'ignore s'il y aura une nouvelle taxe. Compte tenu de l'énorme richesse de certains des spéculateurs, je ne crois pas que ceux-ci s'en soucient, mais Reg aurait peut-être de meilleures solutions à proposer.

M. Ens : Un programme d'incitation fiscale déjà en vigueur permet aux propriétaires de terres agricoles de payer moins d'impôts fonciers. Si je ne m'abuse, il n'y a eu aucun changement à cet égard au cours des 25 dernières années.

Si vous possédez deux acres de terrain et que vous générez 2 500 $ de revenus bruts, vos impôts fonciers sont réduits d'environ la moitié. Donc, si vous avez une maison d'un million de dollars à Vancouver, vous pouvez vous acheter une propriété de cinq acres à Langley, y faire pousser quelques arbres ou y élever quelques poules, ce qui vous permettra de payer moitié moins d'impôts fonciers. Ainsi, vous pouvez monnayer la valeur de votre propriété, vous créer un beau domaine résidentiel et jouir d'une excellente qualité de vie. La Loi sur l'impôt n'a pas suivi l'inflation.

La sénatrice Beyak : Merci beaucoup. Ce sont de très bonnes réponses.

Le président suppléant : Au nom du comité, merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation. La séance est levée.

(La séance est levée.)

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